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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 134 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    C'est ainsi que commence notre 134e séance du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs.
    Nous accueillons Roanie Levy et Sylvia McNicoll d'Access Copyright.

[Français]

    Nous recevons également Frédérique Couette, de Copibec.
    Enfin, nous avons parmi nous Suzanne Aubry et Laurent Dubois, de l'Union des écrivaines et des écrivains québécois.
    J'ai parlé avec les représentantes d'Access Copyright et de Copibec, et elles m'ont demandé si nous pouvions commencer par Copibec.
    Madame Couette, vous pouvez commencer votre présentation.
    Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui.
    Je me nomme Frédérique Couette et je suis la directrice générale de Copibec, la société de gestion collective créée par les auteurs et les éditeurs québécois.
    Organisme à but non lucratif, nous octroyons des licences et remettons les redevances aux auteurs, journalistes pigistes, créateurs et éditeurs. Nous gérons ainsi annuellement des millions d'utilisations, traditionnelles ou numériques, dont la gestion individuelle serait trop complexe. La gestion collective, c'est l'exercice du droit d'auteur et des droits connexes par des organismes qui agissent dans l'intérêt et au nom des titulaires de droits.
    L'Union des écrivaines et des écrivains québécois vous exposera la situation économique des écrivains québécois. Seulement de 10 à 15 % d'entre eux peuvent vivre de leur plume. Dans un marché aussi restreint que le nôtre, les revenus de droits d'auteur autres que ceux provenant de la vente des oeuvres revêtent une importance particulière, tant pour les auteurs que pour leurs éditeurs. Le respect des droits d'auteur demeure donc essentiel à la poursuite des activités de création des auteurs et à la survie de l'industrie de l'édition. Les quelque 200 millions de dollars remis aux auteurs et aux éditeurs par Copibec au cours de ses 20 ans d'existence soutiennent ainsi la pérennité de ce secteur culturel.
    Lors du processus de révision de la Loi sur le droit d'auteur ayant mené aux modifications de 2012, nous avions alerté les députés et le gouvernement des effets négatifs qu'auraient l'introduction de trop nombreuses exceptions à la Loi et l'ajout du mot « éducation » dans l'exception d'utilisation équitable. Nous devons malheureusement constater que nos craintes se sont, pour l'essentiel, concrétisées.
    Les intervenants du milieu de l'éducation affirmaient qu'il s'agissait là d'une simple clarification et que les licences continueraient d'être payées. Pourtant, dans le mois suivant l'adoption des modifications, les universités québécoises demandaient à renégocier leurs licences avec Copibec et exigeaient une baisse de 18 % de la redevance annuelle par étudiant. Depuis, chaque renégociation des ententes avec les universités et les cégeps québécois entraîne une nouvelle baisse des redevances. La redevance annuelle par étudiant universitaire a ainsi baissé de près de 50 %, passant de 25,50 $ en 2012 à 13,50 $ en 2017, et celle des cégeps, de 15 %.
    À l'extérieur du Québec, les universités, les collèges et les ministères de l'Éducation ont mis fin, dès janvier 2013, à leurs licences avec Access Copyright et poussaient les titulaires de droits dans une spirale de recours judiciaires. Ces établissements s'autorisent à reproduire gratuitement, de manière systématique et institutionnalisée, des extraits d'oeuvres pour lesquelles ils payaient auparavant des redevances par l'entremise des licences avec Access Copyright.
    En juin 2014, l'Université Laval suivait ce modèle et ne renouvelait pas sa licence avec Copibec, forçant ainsi les titulaires de droits à entreprendre une action collective à son encontre. Heureusement, Copibec et l'Université Laval ont récemment conclu une entente à l'amiable, ce qui a permis à toutes les parties impliquées de bénéficier d'un dénouement favorable.
    Au cours des cinq dernières années, on ne peut que constater une multiplication des litiges et une érosion constante des revenus de licences collectives sous la pression du milieu de l'éducation. Bien que Copibec ait maintenu ses frais de gestion à 15 %, nos auteurs, créateurs et éditeurs ont ainsi subi depuis 2012 une baisse de 23 % de la redevance payée pour chaque page copiée par les universités.
    Les conséquences de cette constante décroissance des revenus de gestion collective sont très importantes, puisque les revenus de licence distribués par Copibec proviennent pour près de 75 % du secteur de l'éducation. Ce sont les auteurs, les créateurs et les éditeurs québécois qui en sont le plus touchés, puisque, des quelque 72 millions de copies qui nous sont déclarées annuellement, la majorité provient d'oeuvres québécoises.
    Nos auteurs subissent de plein fouet cette baisse de revenus alors que leur situation déjà précaire et leur capacité financière à créer se dégradent toujours plus avec tout fléchissement des revenus en provenance d'un des maillons de la chaîne du droit d'auteur. Ce sont aussi nos entreprises du secteur de l'édition qui s'en trouvent fragilisées, puisque 80 % des déclarations reçues annuellement portent sur des reproductions de livres, et les redevances qui en découlent représentent en moyenne 18 % de leurs bénéfices nets.
    Les redevances venant de Copibec contribuent de façon importante à la pérennité de revues culturelles et au maintien de nos maisons d'édition, afin qu'elles continuent de raconter notre histoire ou de produire des contenus pédagogiques répondant aux exigences particulières de notre système scolaire.
    Ne fermons pas les yeux. C'est la diffusion de notre culture et l'idée que nous nous faisons de notre patrimoine culturel qui sont en jeu.
    Les titulaires de droits ont su faire évoluer leur société de gestion pour l'adapter aux nouveaux besoins des utilisateurs d'oeuvres. Ainsi, pour répondre à l'arrivée des supports de reproduction numériques, ils ont confié à Copibec la gestion de nouveaux droits permettant des utilisations telles que la projection en classe, la numérisation ou, encore, l'utilisation de plateformes pédagogiques.
    Nous offrons également aux utilisateurs la possibilité de libérer les droits d'auteur en ligne et avons accéléré le traitement des données reçues et les paiements aux titulaires de droits.
(1105)
    Nous avons aussi mis sur pied, en partenariat avec des éditeurs, le service DONA, qui permet aux établissements d'acquérir une oeuvre sur un support numérique adapté aux besoins des élèves ayant un handicap perceptuel.
    En 2014, Copibec et ses partenaires ont également créé SAMUEL, afin d'offrir aux écoles et collèges québécois ainsi qu'à ceux hors Québec un accès à des contenus francophones canadiens diversifiés de qualité par l'entremise d'une plateforme de contenus numérisés.
    Nous continuons d'innover afin de valoriser la culture d'ici et de favoriser la découvrabilité des oeuvres, tout en privilégiant accessibilité et rémunération.
    En matière de modèle de rémunération des titulaires de droits, la gestion collective fait partie intégrante des sources de revenus des auteurs et des éditeurs. C'est un modèle efficace, polyvalent, garant d'accessibilité et de diversité culturelle et mondialement reconnu. Il s'inscrit dans une démarche de modernité et d'avenir d'une société qui investit dans sa culture à l'ère du numérique.
    À ce titre, l'expérience québécoise en matière de gestion collective, malgré la baisse regrettable des redevances, offre un modèle performant qui a su évoluer pour s'adapter aux besoins des utilisateurs, sans jamais perdre de vue la nécessité de conjuguer accessibilité aux oeuvres et rémunération pour leur utilisation. Dans ce modèle, le montant de la redevance annuelle payée pour l'utilisation des oeuvres a toujours été très raisonnable. Elle représente aujourd'hui en moyenne, au Québec, moins de 0,5 % du total des frais de scolarité annuels d'un étudiant universitaire et moins de 0,1 % du budget de fonctionnement annuel d'une université. Payer des redevances pour la reproduction d'extraits d'oeuvres n'a jamais mis le système éducatif canadien en péril ni entraîné le surendettement des étudiants.
    Bien que la réforme de la Commission du droit d'auteur du Canada ne relève pas directement de ce comité, je tiens à souligner que nous sommes profondément déçus que les réformes proposées ne traitent pas de l'harmonisation des dommages-intérêts légaux accordés aux sociétés de gestion.
    Le processus d'examen de la Loi sur le droit d'auteur auquel vous participez sera long, et pendant ce temps les auteurs et les créateurs québécois ne reçoivent pas les redevances auxquelles ils ont droit pour l'utilisation massive de leurs oeuvres par les établissements d'enseignement hors Québec. Cette situation perdure alors même que des tarifs ont été certifiés par la Commission du droit d'auteur du Canada et que la Cour fédérale a rendu une décision établissant clairement que les politiques de copies de ces établissements d'enseignement ne sont pas équitables.
    Cette question cruciale doit être résolue par un amendement à la Loi. Entretemps, nous exhortons le gouvernement fédéral à agir pour inciter au rétablissement de relations saines, durables et nécessaires entre les auteurs d'oeuvres littéraires, par l'entremise de leur société de gestion, et le milieu de l'éducation.
    Je conclurai ma présentation en citant ce passage du cadre stratégique du Canada créatif de 2017, qui concerne l'examen de la Loi sur le droit d'auteur: « En vertu d'un régime de droit d'auteur efficace, les créateurs peuvent tirer profit de la valeur de leurs oeuvres, et les utilisateurs peuvent continuer d'avoir accès à une vaste gamme de contenu culturel. » La gestion collective s'intègre parfaitement dans ces objectifs et établit cet équilibre difficile entre accès et rémunération.
    Merci.
    Merci.
     Je donne maintenant la parole à Roanie Levy et Sylvia McNicoll, d'Access Copyright.

[Traduction]

    Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je m'appelle Roanie Levy et je suis présidente et directrice générale d'Access Copyright, une société de gestion des droits d'auteur sans but lucratif. Je vais partager aujourd'hui mon temps avec la rédactrice professionnelle Sylvia McNicoll. Elle vous racontera, du point de vue des créateurs, les défis actuels en ce qui concerne le droit d'auteur.
    Pendant 30 ans, les créateurs et les éditeurs canadiens de publications commerciales, de manuels, de revues, de journaux et de magazines ont délivré des licences pour la copie de parties de leurs oeuvres par l'intermédiaire d'Access Copyright. Nous gérons ces droits à Access Copyright de la même façon que Copibec, comme vient de l'expliquer Frédérique.
    Comme l'a expliqué Frédérique, les licences collectives sont un moyen pratique et efficace pour gérer les droits. Moyennant des frais raisonnables, les éducateurs et les étudiants ont un accès légal au contenu, tout en ayant la garantie que les créateurs et les éditeurs sont rémunérés pour son utilisation. Pendant plus de 20 ans, ce modèle a fonctionné. Access Copyright a distribué près de 450 millions de dollars à des auteurs, à des artistes visuels et à des éditeurs.
    Malheureusement, les changements apportés à la Loi sur le droit d'auteur en 2012 ont eu des conséquences dévastatrices. Le secteur de l'éducation a pris une décision unilatérale d'interpréter l'utilisation équitable comme la libre reproduction lorsqu'il a choisi de cesser de payer pour l'utilisation de plus de 600 millions de pages par année et s'est plutôt appuyé sur les soi-disant lignes directrices sur l'utilisation équitable. Ce sont 600 millions de pages pour lesquelles les créateurs et les éditeurs ne reçoivent plus de rémunération.
    Les redevances perçues par Access Copyright dans le secteur de l'éducation ont diminué de 89 % depuis 2012. Dans le passé, ces redevances comptaient pour 20 % des revenus d'écriture des créateurs et 16 % des profits des éditeurs. On estime à 30 millions de dollars par année la perte de redevances subie par les créateurs et les éditeurs, et cette somme ne comprend pas la perte de ventes essentielles attribuable à l'effet de substitution du contenu gratuit reproduit au titre des politiques de reproduction du secteur de l'éducation.
    Lorsque nous parlons des 600 millions de pages qui sont reproduites gratuitement, il importe que le Comité comprenne à quoi nous faisons allusion. Ces pages ne sont pas, comme le secteur de l'éducation aimerait vous le faire croire, des revues savantes autorisées. Elles ne sont pas du contenu à libre accès ou de la documentation, rédigés uniquement par des universitaires salariés. Les 600 millions de copies en question peuvent être des nouvelles, des romans, des poèmes, des essais, des contes pour enfants et des manuels scolaires canadiens, toutes des choses qui donnaient auparavant lieu à un paiement au titre des licences d'Access Copyright et qui continuent d'être reproduites aujourd'hui.
    Dans une décision rendue en 2017, la Cour fédérale a conclu sans équivoque que les politiques et les pratiques de reproduction adoptées par l'Université York ne sont pas équitables, que ce soit dans leur formulation ou leur application. Autrement dit, les mots sur la page et la façon dont ils sont utilisés ne sont pas équitables. Les politiques de l'Université York sont pratiquement identiques aux lignes directrices et aux pratiques de reproduction adoptées par les établissements d'enseignement de l'ensemble du Canada hors Québec. La Cour a clairement établi la preuve de l'effet de substitution de la reproduction et de l'effet direct et néfaste correspondant sur les créateurs et les éditeurs.
    Je dois souligner que c'est une affaire d'intérêt public. Si vous croyez que la culture canadienne est importante, vous devez vous assurer que les créateurs et les éditeurs sont rémunérés de façon équitable lorsque leurs oeuvres sont utilisées. La rémunération équitable ne limite pas l'accès, comme le fait valoir le secteur de l'éducation. Elle fait plutôt en sorte que les créateurs puissent continuer de faire ce qu'ils font le mieux: écrire, rechercher, concevoir et publier les histoires et les textes canadiens qui sont essentiels aux étudiants canadiens de tous les niveaux.
(1110)
    Malgré ces défis, je demeure optimiste, parce que le gouvernement fédéral peut faire deux choses pour remédier à la situation.
    Premièrement, il doit clarifier que l'utilisation équitable ne s'applique pas aux établissements d'enseignement quand l'oeuvre est disponible sur le marché. Cela fera en sorte que les créateurs seront rémunérés de façon équitable pour l'utilisation de leurs oeuvres et réduira les litiges coûteux, dont les frais sont largement assumés par les créateurs.
    Deuxièmement, il doit harmoniser les dommages-intérêts préétablis. Nous avons été déçus de voir que les récentes réformes visant à moderniser la Commission du droit d'auteur n'appliquaient pas les dommages-intérêts préétablis à toutes les sociétés de gestion collective. C'est en s'assurant que toutes les sociétés de gestion collective ont accès à des dommages-intérêts préétablis, grâce à l'harmonisation des dispositions qui figurent déjà dans la Loi, que les tarifs homologués de la Commission du droit d'auteur deviendront valables et que les auteurs et les artistes visuels seront rémunérés lorsque leurs oeuvres seront reproduites.
    Rien ne justifie que les musiciens et les auteurs-compositeurs aient les moyens de s'assurer qu'ils sont rémunérés pour l'utilisation de leurs oeuvres, contrairement aux auteurs et aux artistes visuels.
    Au bout du compte, nous poursuivons tous le même objectif pour tous les créateurs: leur permettre d'être rémunérés correctement et à temps.
    Merci.
(1115)
    Merci à vous tous de nous écouter.
    J'écris depuis plus de 30 ans, ce qui coïncide, j'imagine, avec la mise en place d'Access Copyright. J'ai publié plus de 35 livres, dont certains à l'échelle internationale. Je ne suis peut-être pas l'auteure la plus connue, mais ma carrière est une des plus longues dans mon genre de publication, c'est-à-dire la rédaction pour les enfants et les jeunes adultes.
    Grâce à une subvention du Conseil des arts du Canada à l'étranger, en octobre, je suis allée en Colombie, car des élèves de septième année étudient ma fiction historique qui se déroule à Hamilton, en Ontario, et s'intitule Revenge on the Fly. J'ai visité 17 écoles différentes, et chacun de ces enfants tenait mon livre dans les mains et applaudissait. C'était fantastique de pouvoir partager notre culture avec ces enfants.
    Cependant, comme je l'ai dit à des auteurs colombiens émergents lors d'une discussion dans une bibliothèque de Bogota, le secret de la longévité de ma carrière est, malheureusement, ma capacité d'accepter moins d'argent.
    En 2012, mon revenu était de 45 000 $. Je publiais un magazine, travaillais comme artiste en résidence, prenais la parole dans des bibliothèques et des écoles et rédigeais des articles pour des adultes ainsi que des romans pour les enfants. Les droits secondaires, comme les droits de prêt au public et les licences de droit d'auteur, étaient et demeurent une partie essentielle des revenus d'un auteur, tout comme les droits de vente à l'étranger. C'est un revenu statique. Je n'ai pas besoin de travailler toute la nuit pour le gagner.
    Cette année, en publiant deux romans, en visitant des écoles et en enseignant, je gagnerai 17 000 $, et cela comprend l'argent fourni par le Conseil des arts du Canada pour les dépenses de voyage, qui sont considérées comme un revenu imposable. Les auteurs ont toujours dû se battre pour se bricoler un gagne-pain, mais jamais comme ça.
    En 2012, notre gouvernement canadien a involontairement accordé au secteur de l'éducation du contenu gratuit dans le cadre de la disposition sur l'utilisation équitable figurant dans la Loi sur la modernisation du droit d'auteur. Les éducateurs croient que vous avez dit qu'ils pourraient avoir 10 % de mon oeuvre gratuitement. Ils n'ont pas du tout besoin d'une licence.
    Le paiement de 3 000 $ que j'ai reçu d'Access Copyright en 2012 a baissé à 300 $ en 2018. Les écoles n'ont pas payé de droits de licence depuis 2013 et elles poursuivent Access Copyright pour de prétendus paiements en trop.
    Les écoles de tous les niveaux continuent d'acheter moins de livres et de copier sans licence. Hier, j'ai rendu visite à des élèves de la 3e à la 6e années, dans un gymnase d'une école canadienne. Il y avait 200 enfants. Aucun de ces enfants n'avait mon livre dans les mains. Aucun de mes romans n'était exposé, et ils ne se retrouvaient pas non plus à la bibliothèque.
    Chaque page que j'ai créée suppose un travail de recherche, d'écriture et de réécriture, ainsi que de correction et de conception. Aucune de ces pages ne coûte quoi que ce soit à produire. J'adore mon rôle d'ambassadrice culturelle. Je suis fière de faire ce travail, même si je ne peux pas gagner ma vie grâce à celui-ci; mais avec les modèles de rémunération actuels pour les auteurs et les artistes, notre culture n'est pas durable.
    Je vous invite à la défendre. Vous devez soutenir des lois fortes en matière de droit d'auteur. Comme Roanie l'a dit, annulez l'exemption de l'éducation lorsque notre oeuvre est disponible sur le marché et remédiez à ces dommages-intérêts préétablis.
    Cela profitera non seulement à moi et aux auteurs...
    Madame McNicoll, je suis désolée, mais c'est juste parce que vous partagez votre temps. Vous l'avez déjà dépassé.
    Puis-je juste finir ma dernière phrase?
    Parfait.
    Cela montrerait aussi au monde que la culture compte au Canada. Notre avenir en dépend.
    Merci de m'avoir accordé les cinq secondes supplémentaires.
    C'était quelques minutes.
    Oh, alors les quelques minutes, Julie. Merci.
    C'est bon.
(1120)

[Français]

    Je cède maintenant la parole à Mme Suzanne Aubry et à M. Laurent Dubois, de l'Union des écrivaines et des écrivains québécois.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, merci beaucoup de nous donner l'occasion ce matin d'exprimer devant vous la réalité des 1 600 écrivaines et écrivains du Québec que nous représentons.
    Je m'appelle Laurent Dubois et je suis le directeur général de l'Union des écrivaines et des écrivains québécois, ou l'UNEQ. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Suzanne Aubry, qui est écrivaine et qui est aussi la présidente de notre syndicat professionnel.
    Nous démontrerons aujourd'hui au Comité à quel point la situation des écrivaines et des écrivains professionnels au Québec comme au Canada est alarmante, puis nous évoquerons les nombreux risques que le numérique représente en l'absence d'une loi forte qui vise à protéger les créateurs et leurs oeuvres.
    Les écrivains de métier sont-ils une espèce en voie de disparition?
    En 1998, un écrivain au Canada gagnait en moyenne 12 879 $ grâce à ses activités de création littéraire. Vingt ans plus tard, un sondage mené par l'UNEQ au Québec et par The Writers' Union of Canada dans les autres provinces démontre que le revenu moyen tiré de la création littéraire avoisine maintenant les 9 000 $, soit 9 169 $ au Québec et 9 380 $ ailleurs au pays, selon les déclarations de revenus des écrivains en 2017. Cela représente une baisse de revenus de plus de 30 %, sans tenir compte de l'inflation.
    Ces sondages montrent également que presque 30 % des écrivains déclarent mener davantage de nouvelles activités qu'en 2014 pour gagner leur vie, et j'en suis un exemple vivant.
    Au fait, comment un écrivain canadien gagne-t-il sa vie?
    La première source de revenus demeure la vente de ses livres, autrement dit les redevances que lui verse son éditeur, soit 10 % du prix de vente des livres. Ces redevances représentent de 40 à 45 % des revenus des activités littéraires des écrivains.
    Le Programme du droit de prêt public et les redevances provenant des sociétés de gestion collective comme Copibec représentent entre 20 et 25 % des revenus.
    Les activités telles que les lectures publiques, les ateliers et les conférences représentent environ 20 %.
    Enfin, des écrivains effectuent des travaux de rédaction à la pige ou publient dans des revues littéraires, et d'autres obtiennent des bourses et des prix, mais ils ne sont pas nombreux.
    Les revenus d'un écrivain sont donc morcelés. C'est en accumulant différentes sources de revenus qu'un auteur peut espérer gagner sa vie décemment.
    De plus, les écrivains sont des travailleurs autonomes à statut précaire qui ne bénéficient pas des normes minimales du travail réservées aux salariés, et nulle entente-cadre ou convention collective ne les protège.
    Je vais maintenant parler des menaces du numérique.
    De nos jours, n'importe qui peut s'approprier une oeuvre en ligne sans trop de difficultés. Nous sommes les témoins chaque jour d'abus du droit d'auteur, que ce soit dans des contextes commerciaux ou dans le domaine de l'enseignement. En voici quelques exemples.
    Chaque jour, des enseignants et des établissements scolaires au Canada profitent de l'exception dite de l'utilisation équitable à des fins pédagogiques de la Loi sur le droit d'auteur de 2012 pour ne pas payer les redevances et multiplier les copies et les utilisations d'oeuvres. Ce sont des revenus en moins pour les créateurs.
    Des groupes Facebook d'envergure internationale proposent de l'échange de livres numérisés tel un service entre membres. Ce sont des revenus en moins pour les créateurs.
    Un site Web en France commercialise des résumés de livres pour celles et ceux qui n'ont pas le temps de lire, un site qui ne paie aucun droit d'auteur à l'auteur original, en prétextant que ces résumés incitent les lecteurs à découvrir de nouveaux écrivains. Ce sont des revenus en moins pour les créateurs.
    Sur YouTube, il y a des tutoriels qui s'intitulent sans équivoque « Comment télécharger gratuitement un livre payant en 2018? ». Ce sont des revenus en moins pour les créateurs.
    Nous devons aussi vous parler d'un phénomène qui s'appelle le Controlled Digital Lending.
    La société californienne Internet Archive, qui gère notamment le site openlibrary.org, tente actuellement de démontrer aux bibliothèques publiques et à celles des universités canadiennes la légalité de leur démarche de prêt public massif appelée le Controlled Digital Lending sans qu'elles aient à payer le moindre droit d'auteur.
    Le 31 mai dernier, à Vancouver, lors d'un événement intitulé « ABC Copyright Conference » qui était organisé par plusieurs universités et collèges de la Colombie-Britannique et commandité par l'Université de l'Alberta et par l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, des représentants de la société Internet Archive ainsi que des universités ont fait la promotion du Controlled Digital Lending. Sous le couvert d'une bibliothèque numérique, il s'agit de plateformes d'accès universel à des livres, même s'ils ne font pas encore partie du domaine public, sans égard aux principes fondamentaux du droit moral et de la rémunération équitable pour les oeuvres.
    M. Ariel Katz, professeur associé à la Faculté de droit de l'Université de Toronto, dans une présentation scandaleusement intitulée « Make Canadian Libraries Great Again », a soutenu que l'exception pour utilisation dite équitable de la Loi sur le droit d'auteur est suffisamment floue pour permettre le Controlled Digital Lending. Le conférencier a rassuré son auditoire en expliquant que les exceptions prévues par la Loi offraient de nombreuses possibilités sans risque d'ennuis juridiques:
Nous pouvons faire tout ce que nous voulons concernant les oeuvres, à moins que la Loi sur le droit d'auteur ne dise le contraire. [...] Les titulaires de droits ont toujours le choix de parler au Parlement, qui les écoutera et qui apportera les modifications appropriées [...] Jusque-là, le Controlled Digital Lending est autorisé.
    Le gouvernement peut-il accepter que de telles dérives soient mises en place au mépris des droits d'auteur? Le gouvernement peut-il tolérer que des universitaires canadiens s'associent à la table d'organisations commerciales dans le but de maximiser les avantages à tirer des exceptions prévues par la Loi? Le gouvernement restera-t-il les bras croisés devant des entreprises qui appauvrissent les créateurs en les privant de revenus?
    Nous sommes scandalisés par cette situation qui démontre la mauvaise foi de certains acteurs de l'éducation et leur volonté de nuire aux créateurs au nom du libre accès. C'est quand même incroyable de constater que certaines entreprises privées construisent leur modèle d'affaires sur les faiblesses de la Loi sur le droit d'auteur du Canada et qu'elles trouvent une oreille attentive et des portes ouvertes dans nos propres universités.
(1125)
    Sur le plan international, il est intéressant de constater que certains pays font de réelles avancées pour protéger les titulaires de droits des dangers du numérique et des entreprises multinationales sans foi ni loi.
    L'Union européenne a adopté cet été, non sans mal, une directive dont l'orientation politique générale mérite d'être retenue. Le principe de cette réforme est d'inciter les plateformes comme YouTube, détenue par Google notamment, à mieux rétribuer les artistes et les créateurs de contenus et à faire en sorte que ces plateformes ne permettent pas le téléchargement de contenus protégés par le droit d'auteur.
    Les députés européens ont dû faire face à un déferlement de lobbyistes prônant l'accès libre et gratuit au nom de l'innovation et de la liberté d'expression, essence même du Web, selon eux. Cependant, les députés des 28 pays européens ont tenu bon et ont finalement adopté cette directive, qui représente une avancée sans précédent dans la prise en compte de la notion de droit d'auteur à l'époque du numérique.
    Aux Pays-Bas, un accord vient d'être conclu entre le gouvernement et les bibliothèques publiques pour réglementer le prêt numérique en établissant une rémunération équitable répartie entre les éditeurs et les auteurs à raison de 50 % pour chaque partie sur la base du modèle « un exemplaire, un usager ». Selon ce modèle, un livre numérique ne doit être prêté qu'à un seul utilisateur à la fois. La notion d'embargo a également été ajoutée pour qu'une période de 6 à 12 mois subsiste entre la publication d'un livre et la possibilité d'emprunter un exemplaire numérique de celui-ci. On comprend ici que lorsqu'un livre vient d'être publié, il est important pour l'auteur d'en vendre. Si le livre est en prêt numérique tout de suite, il perdra des revenus.
    Voici nos recommandations.
    Nous vous demandons de revoir la notion d'utilisation équitable dans la Loi sur le droit d'auteur et de mieux encadrer le terme « éducation » à l'article 29.
    Nous recommandons de définir et de circonscrire les autres exceptions en fonction du principe selon lequel toute exception ne devrait exister que dans les seuls cas où l'accès aux oeuvres est impossible autrement. Une exception doit demeurer exceptionnelle.
    Il faut aussi rendre obligatoire la mise en place d'un modèle de rémunération équitable pour les écrivains en ce qui concerne le prêt numérique dans les bibliothèques du milieu de l'éducation en imposant le modèle « un exemplaire, un usager ».
    De plus, il faut donner aux sociétés de gestion les moyens de se faire payer les redevances qui sont dues en évitant la voie juridique.
    Enfin, il faut obliger les plateformes numériques à mettre en place, comme le font déjà certaines d'entres elles, un système de détection afin d'empêcher la mise en ligne de contenus visés par le droit d'auteur, comme c'est le cas dans le modèle européen.
    Au nom des écrivaines et des écrivains québécois, nous vous remercions de votre attention.

[Traduction]

    Nous commençons maintenant notre période de questions et de réponses. Commençons par M. Long, pour sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Bonjour à tous. Merci à nos témoins de ce matin.
    Mes premières questions s'adresseront à vous, madame Levy, à Access Copyright.
    Au cours de la dernière réunion, nous avons reçu Michael Geist. Manifestement, il avait quelques opinions sur de nombreuses choses. Je vais lire certaines de ses citations. J'aimerais obtenir une réponse. Voici ce qu'il dit:
La réponse d'Access Copyright à la Commission du droit d'auteur selon laquelle le changement législatif ne fait que codifier la jurisprudence de la Cour suprême est assurément erronée, puisque la législation a reçu la sanction royale le 29 juin 2012, deux semaines avant l'arrêt Alberta c. Access Copyright de la Cour suprême du Canada. De plus, comme ces décisions reposaient sur des fins de recherches et d'études privées, l'ajout de l'éducation devait vouloir dire quelque chose de plus que ce qui figurait déjà dans la Loi. L'inclusion de l'éducation comme fin d'utilisation équitable était considérée comme évolutive plutôt que révolutionnaire, représentant un compromis entre ceux qui demandaient une disposition complète sur l'utilisation équitable et ceux qui cherchaient à limiter davantage l'utilisation équitable.
    Pouvez-vous réagir à son commentaire?
(1130)
    Bien sûr. Je crois que la chose la plus importante à évaluer, à savoir si les fins visées ont été élargies à la suite de l'ajout de l'éducation à la Loi sur le droit d'auteur ou de quelque chose qu'a fait la Cour suprême, c'est si l'utilisation finale qui est faite par le secteur de l'éducation est équitable. Au final, c'est ce qui compte.
    Dans sa décision rendue en 2017, dans laquelle elle examinait les lignes directrices sur l'utilisation équitable de l'Université York, la Cour fédérale a conclu sans équivoque que l'interprétation des lignes directrices faite par le secteur de l'éducation n'est simplement pas équitable. Elle a des effets néfastes sur les auteurs et les éditeurs.
    Fait important, dans les changements apportés en 2012, certains concernaient l'utilisation équitable, mais d'autres ont aussi été apportés aux dommages-intérêts préétablis en vertu du régime général. Les dommages-intérêts préétablis sont un recours important accessible quand des gens enfreignent le droit d'auteur. Les changements apportés aux dommages-intérêts préétablis ont entraîné une situation où les établissements d'enseignement courent très peu de risques pour ce que je désigne comme le fait de repousser les limites. Nous avons vu que, même après avoir obtenu une décision de la Cour qui conclut que les lignes directrices ne sont pas équitables dans leur application, pas une seule université ne s'est, en fait, adaptée ou n'est revenue à la table pour négocier une licence.
    D'accord. Je vous remercie.
    Je vais de nouveau citer M. Geist. Il a écrit ceci:
Compte tenu de la position d'Access Copyright défendue devant la Commission du droit d'auteur, les affirmations selon lesquelles les pratiques actuelles concernant l'utilisation équitable sont le résultat des réformes de 2012 sont trompeuses. Au cours des cinq dernières années, les pratiques canadiennes en matière d'utilisation équitable ont supposé l'augmentation des pratiques d'octroi de licences et de reproduction qui sont principalement attribuables à des changements technologiques, à de nouvelles solutions à l'octroi de licences numériques et à des décisions des tribunaux, pas aux réformes de 2012, comme Access Copyright et ses partisans l'affirment maintenant dans le but de convaincre le Comité de reculer par rapport aux amendements précédents.
    Auriez-vous quelque chose à dire?
    Encore une fois, je crois que la seule étude qu'on a faite sur la reproduction et la seule décision liée au fait de savoir si elle est autorisée ou non, c'est celle réalisée dans l'affaire de l'Université York. L'affirmation selon laquelle l'Université York délivrait déjà des licences pour le contenu ou que les perturbations numériques avaient des effets sur les auteurs et les éditeurs a également été présentée par l'Université York, dans des termes très semblables et avec les mêmes arguments que ceux de M. Geist que vous venez de citer.
    La Cour a passé quatre semaines à examiner ce témoignage et ces preuves et a encore une fois conclu sans équivoque que la reproduction était, de façon générale, non autorisée et qu'elle avait eu lieu. Nous ne parlons pas de certaines autres choses que l'université fait peut-être dans un monde numérique. Elle copie et elle ne paie pas. C'était une reproduction massive et systématique, donc le volume est important, et cela a des effets néfastes sur les créateurs et les éditeurs.
    Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse à tout le groupe de témoins. M. Geist affirme que les incitatifs fiscaux sont un moyen plus efficace que la réglementation ou l'interfinancement pour soutenir les journalistes canadiens. Êtes-vous de cet avis?

[Français]

    Non.
    Nous ne couvrons pas les journalistes. Bien que certains écrivains ou écrivaines puissent aussi être journalistes, nous ne couvrons que les activités littéraires d'écrivaines et d'écrivains. Il serait donc peut-être préférable que la réponse vienne de Copibec.

[Traduction]

    Madame Couette, aimeriez-vous dire quelque chose?
(1135)

[Français]

    Nous ne partageons pas ce point de vue. Nous ne considérons pas que l'attribution de subventions ou de fonds gouvernementaux soit la meilleure source de revenus pour les auteurs ou les éditeurs. Il est toujours difficile, aléatoire et compliqué pour un auteur, qu'il soit journaliste ou écrivain, d'obtenir ces subventions.
    Il existe un système qui est la gestion collective, qui fonctionne très bien et qui est mondialement reconnu et utilisé. Sur ce point, par contre, le Canada ne suit pas à l'heure actuelle ce que fait le reste du monde. Nous recevons des redevances pour la reproduction d'oeuvres à l'extérieur du Canada. Cependant, nous ne recevons rien pour la reproduction d'oeuvres québécoises par des utilisateurs canadiens hors Québec, et cela n'est pas normal.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Levy, avez-vous quelque chose à dire?
    Wayne, j'aimerais juste signaler que vous avez 20 secondes.
    La seule chose que j'ajouterai, c'est que ce qui profite généralement aux créateurs, aux éditeurs et aux Canadiens, c'est un marché fonctionnel, pas des subventions.
    Merci beaucoup à tous.

[Français]

    Nous allons poursuivre avec Mme Boucher pour sept minutes.
    C'est très intéressant. J'ai l'impression de revenir 10 ans en arrière, alors que je faisais partie du gouvernement précédent. La question des droits d'auteur était déjà à l'étude à l'époque et rien n'a vraiment changé, ce qui est assez aberrant.
    Je suis particulièrement préoccupée par la rapidité de l'évolution des nouvelles technologies, lesquelles prennent parfois de vitesse le législateur que nous sommes. En effet, à peine aurons-nous fini d'écrire la nouvelle Loi sur le droit d'auteur que pourrait apparaître une nouvelle technologie qui annulerait les effets que nous visions.
    Comment l'Union des écrivaines et des écrivains québécois ainsi que Copibec se sont-elles adaptées à ces nouveaux modèles, à ces nouvelles technologies? Nous connaissons tous quelqu'un dans notre entourage qui va utiliser une oeuvre sans payer de redevance et sans que l'auteur soit au courant.
    Que voudriez-vous que le législateur fasse pour vous aider le mieux possible, tout en sachant que la technologie évolue souvent plus vite que les humains?
    Je peux essayer de répondre.
    En réalité, je ne sais pas si nous nous sommes adaptés. Je pense que, pour le moment, nous subissons beaucoup les contrecoups. Nous essayons bien sûr de nous adapter.
    Deux pistes s'offrent à nous. La première est la piste législative. C'est pour cela que nous sommes ici ce matin. Nous pensons que des lois fortes vont permettre d'éviter des abus. La seconde piste, c'est l'éducation et la sensibilisation de la population pour qu'elle prenne conscience qu'il n'est pas normal d'utiliser une oeuvre gratuitement. Je ne sais pas lequel des deux combats sera le plus facile et je ne ferai pas de pronostic.
    Ce matin, nous vous demandons que la Loi tienne compte de cette évolution. Vous avez raison quand vous dites que le législateur est probablement plus lent que les technologies. C'est bien normal. Ici, au moins, nous débattons la question. Malheureusement, les sociétés commerciales auxquelles nous faisons référence ne se soucient pas de ce débat: elles agissent, elles agissent vite, et elles se taillent des parts de marché. Je pense qu'il y a des éléments très clairs dans nos recommandations qui peuvent facilement s'appliquer.
    Madame Aubry, souhaitez-vous intervenir?
    J'ajouterais que le concept de gratuité a malheureusement fait beaucoup plus de progrès que les droits d'auteur ces dernières années.
    Effectivement.
    Cette question est très importante. Il faut éduquer les gens à l'inverse de ce qui se fait, c'est-à-dire ne pas prôner la gratuité. Il faut plutôt que la population et les institutions d'enseignement comprennent que cela prend beaucoup de temps aux écrivains et aux écrivaines pour créer, que cela exige un investissement incroyable de leur vie et de leur talent et que le métier va finir par disparaître s'ils ne reçoivent pas de redevances, ce qui signifiera la fin des oeuvres et du contenu canadiens. Il est très important de comprendre cela. On a beau dire que l'on veut utiliser toutes les oeuvres et qu'elles doivent être gratuites et accessibles, cependant, à terme, cette gratuité va détruire la créativité et les créateurs. Il est donc important de songer à éduquer les gens à ce sujet.
    Par ailleurs, comme M. Dubois vous le disait, nos recommandations quant au numérique sont claires. Il y a des façons législatives de prendre le taureau par les cornes et d'empêcher ce genre d'utilisation inéquitable des oeuvres.
(1140)
    Merci.

[Traduction]

    Puis-je dire quelque chose?
    Je veux juste dire que je connais davantage le secteur de la maternelle jusqu'à la 12e année, et toutes ces choses au sujet de la nouvelle technologie ne se rendent pas vraiment jusqu'aux écoles. Nous voulons qu'ils aient des livres réels dans les mains, mais au lieu de ça... j'ai neuf petits-enfants, et ils reviennent à la maison avec des segments d'histoires photocopiées — des histoires canadiennes, écrites et illustrées au Canada — et pas seulement cela, ils n'aiment pas lire. C'est du contenu bâclé, tout croche et mauvais. Nos enfants méritent mieux, et l'octroi de licences est une chose facile à faire. La technologie a aussi évolué par rapport aux licences.
    Merci.

[Français]

    J'aimerais ajouter quelque chose. Comme le disait M. Dubois, il est toujours difficile de s'adapter aux nouvelles technologies numériques, parce qu'elles changent très vite.
    Chez Copibec, nous avons quand même essayé de prendre certaines dispositions, notamment par l'entremise de SAMUEL, une plateforme de contenu principalement en français sur laquelle les établissements d'enseignement et les enseignants trouvent des contenus en ligne qui viennent d'éditeurs et d'auteurs québécois, ainsi que du contenu en arts visuels, des paroles de chanson et des partitions de musique. L'objectif est d'offrir aux utilisateurs un outil qui leur donne un accès facile et rapide à des oeuvres, à des histoires et à des auteurs du Canada francophone, le tout encadré par des licences, au lieu qu'ils aillent chercher gratuitement sur Google du contenu et des oeuvres. Sur chacun des documents offerts par SAMUEL se trouve une mention relative aux droits d'auteur, que chaque élève voit sur la version papier ou numérique du document. Cela est important, parce que nous sensibilisons ainsi la jeunesse en lui faisant prendre conscience de la nécessité, même à l'école, d'obtenir une autorisation pour utiliser une oeuvre et de payer les titulaires de droits.
    Merci.

[Traduction]

    Puis-je dire quelque chose?
    Oui.
    Si vous me le permettez, il ne fait aucun doute qu'il y a des perturbations numériques. Chaque industrie, chaque entreprise fait l'objet de perturbations numériques, et cela ne va jamais cesser, mais ce qui est vraiment important dans le contexte qui nous intéresse et par rapport à la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, c'est de ne pas se laisser distraire par des affirmations selon lesquelles le numérique est la cause du problème pour les auteurs ou les éditeurs.
    La réalité, c'est qu'on utilise du contenu, sur papier et de façon numérique, sans rémunération, et le fait de faire concurrence à vos propres oeuvres qui sont utilisées gratuitement est quelque chose qui n'aurait pas dû être ajouté à tout le reste.
    Oui. Merci.

[Français]

    Nous passons maintenant à M. Nantel pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous d'être parmi nous.
    Il est extrêmement préoccupant d'entendre à quel point votre situation actuelle est précaire. Je tiens à rappeler que l'ancien vice-président conservateur du Comité permanent du patrimoine canadien, M. Van Loan, avait clairement exprimé son impression que le milieu de l'éducation abusait de l'exception que la Loi lui accordait. Son constat était implacable, et si je peux reconnaître une qualité à M. Van Loan, c'est bien sa rigueur en matière de procédure. C'est peut-être ce qui explique la grande offensive lancée par le milieu universitaire: il doit désormais se battre pour conserver cette interprétation qui lui avait jusque-là été si favorable.
    Madame Aubry et monsieur Dubois, vous avez rappelé que l'exception à des fins éducatives était certainement le plus gros problème. Par ailleurs, j'ai bien entendu Mme Levy dire qu'il ne fallait pas se laisser distraire par les enjeux du numérique et d'Internet. Il est vrai que cela nuit à un grand nombre de créateurs, y compris en musique et en audiovisuel.
    Y a-t-il des normes internationales auxquelles nous devrions adhérer pour ne plus que notre faiblesse à cet égard favorise le piratage d'oeuvres québécoises ou canadiennes?
(1145)
    Oui. Il y a notamment la directive européenne sur le droit d'auteur, sur laquelle le Parlement européen a décidé en septembre d'entamer des négociations. Effectivement, des mesures sont en place pour protéger le droit d'auteur.
    Ce sont des mesures dont nous pourrions nous inspirer, n'est-ce pas?
    Nous pourrions largement nous en inspirer.
    Je pense notamment aux outils actuels de contrôle systématique du contenu avant son affichage en ligne, que certaines plateformes utilisent. Youtube le fait déjà pour la musique. Ce n'est pas tout le monde qui le fait, mais ce sont des outils qui existent. Il faut donc une loi pour mettre ces outils en place de manière officielle.
    Il faut envoyer un signal fort disant que le vol de contenu au mépris du droit d'auteur est un vol qualifié.
    Si vous me le permettez, je vais compléter ce que M. Dubois vient de dire.
    À l'heure actuelle, la réputation du Canada en matière de droit d'auteur est très mauvaise. À l'étranger, les éditeurs et les associations de créateurs croient que les changements apportés à la Loi en 2012 ont défavorisé les créateurs et démesurément avantagé les utilisateurs.
    Je pense que le Canada doit donner l'exemple. La révision que nous en sommes en train d'explorer nous donne la chance d'apporter des changements qui sont simples, mais qui auraient d'énormes retombées positives sur les créateurs et les créatrices du Canada.
    Merci beaucoup. Vous avez tout à fait raison.
    J'ai une question pour Mme Levy.
    Des représentants du secteur de l'éducation ont évoqué, lors de leurs témoignages, que les dépenses en droits d'auteur y étaient plus élevées que jamais. Nous entendons aussi le discours inverse, et j'ai tendance à vous croire.
    Comment expliquez-vous qu'on ose nous donner un discours inverse? Y a-t-il quelqu'un qui ment? Est-ce plutôt qu'on interprète des chiffres différemment?
    Ce qu'on dépense, c'est surtout pour des licences par l'entremise des bibliothèques dans les universités. Cette prétention selon laquelle les gens du domaine de l'éducation ont déjà payé pour les reproductions par l'entremise de ces licences a aussi été évoquée par l'Université York lors des audiences devant le juge.
    Dans le cas de l'Université York, une étude a été faite où l'on a pu voir les oeuvres qui étaient utilisées dans ses systèmes de gestion de l'apprentissage et les oeuvres qui avaient été utilisées dans des recueils de cours imprimés, des reproductions qui avaient été faites, finalement, sous son régime d'utilisation équitable. Il a fallu comparer les licences avec les reproductions qu'elle avait faites sans payer. Le juge a dû confirmer, tout comme l'Université York, qu'il était impossible de faire correspondre les licences à ce que l'Université reproduisait.
    Ce qui est offert sous licence aux étudiants, ce sont surtout des outils de recherche. Ce qui est utilisé dans les salles de cours, ce sont des outils pour instruction.

[Traduction]

    Ils servent à la recherche et à l'éducation. De façon générale, le contenu, qui est offert sous licence, n'est pas le même que celui qui est reproduit dans les systèmes de gestion de l'apprentissage et les notes de cours.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Levy. Ce que vous dites est très important. Nous entendons des témoignages contraires, alors je vous remercie d'avoir apporté un éclairage très précis là-dessus.
    Madame Couette, vous avez mentionné que les auteurs québécois touchaient des droits internationaux dans d'autres territoires, alors qu'ils ne recevaient rien dans le Canada anglais. Vous avez évoqué, vous aussi, le jugement de la Cour suprême. Selon ce que je comprends de l'explication de Mme Levy, M. Geist a fait le même plaidoyer devant la Cour suprême. Autrement dit, on a ici des gens très intelligents, de toute évidence, mais qui laissent pratiquement entendre que le jugement de la Cour suprême était erroné. Manifestement, c'est ce qui est évoqué.
    Comme vous le disiez aussi, les dommages statutaires sont ridicules. Ils ne font que correspondre au tarif qui devrait être payé. Avez-vous l'impression qu'il y a un lien? Même s'il est appliqué, le jugement de la Cour suprême ne mène à rien d'autre que les dommages statutaires, ce qui revient à payer le droit d'utilisation initial.
    En fait, les dommages statutaires se situent à deux niveaux. Tout d'abord, il y a ceux que nous évoquons, qui sont dans le cadre d'un tarif comme celui par lequel est passée Access Copyright. Effectivement, tout ce que notre société de gestion pourrait réclamer si elle faisait cela, c'est ce que les universités auraient dû payer. Évidemment, elles ont tout intérêt à attendre indéfiniment, en essayant de nous épuiser financièrement.
    Bien sûr.
    Il faut bien savoir que, financièrement, nous n'avons pas les reins aussi solides que les universités, manifestement. Nous l'avons bien constaté.
(1150)
    C'est bien triste de voir des deniers publics qui devraient être consacrés à l'éducation être plutôt dépensés pour que les universités se défendent à la cour.
    Absolument. Cet argent devrait aller à ces licences. Il faut comprendre que les universités dépensent beaucoup plus que ce que ces licences leur coûteraient. Je vous l'ai dit, c'est 0,1 % de leur budget annuel. Elles peuvent largement absorber le coût des licences, cela ne fait aucun doute.
    Par ailleurs, il y a les dommages statutaires pour la contrefaçon. On parle ici d'un montant de 5 000 $ pour toutes les utilisations et pour tous les auteurs et tous les créateurs. De ce côté également, nous sommes bloqués à un niveau où nous ne pouvons même pas récupérer les coûts. Cela n'a aucun intérêt d'entamer des poursuites devant la cour.
    C'est pour cette raison que nous avions choisi la voie de l'action collective. Cependant, cette option n'est pas possible partout. Au Québec, il y a une façon de faire, mais elle n'est pas automatiquement utilisée dans les autres provinces. Cela crée un véritable souci.
    En fait, nous sommes très démunis en matière de recours face aux universités. Du coup, elles ont encore une fois toute latitude pour faire ce qu'elles veulent.
    Mon temps de parole est-il déjà terminé?
    Oui, vous aviez sept minutes et c'est fini.
    Nous continuons maintenant avec Mme Dhillon pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente. Je vais partager mon temps de parole avec la députée Mme Lambropoulos.
    Je vais commencer par Mme Aubry et M. Dubois.
    Vous avez parlé brièvement du taux de rémunération des écrivains au Canada qui n'était pas intéressant du tout pour eux. Y a-t-il d'autres pays où les écrivains sont mieux rémunérés? Si oui, que pouvons-nous faire pour améliorer le sort des écrivains et des écrivaines du Canada?
    Merci. C'est une très bonne question.
    Aujourd'hui, nous nous sommes attardés à la situation québécoise et canadienne, mais certains pays, notamment des pays scandinaves et les Pays-Bas, que j'ai nommés tout à l'heure, ont des régimes qui permettent aux auteurs de subsister grâce à leurs revenus littéraires. Ces pays ont également un filet social. Au Québec, il n'y a pas d'entente-cadre avec les éditeurs, parce que ces derniers n'ont pas l'obligation de négocier avec nous. Cela dit, cela ne concerne pas la Loi sur le droit d'auteur. L'absence de filet social fait partie du problème que vivent les écrivaines et les écrivains, car ils ne bénéficient d'aucune protection. Dans d'autres pays, les écrivaines et les écrivains bénéficient non seulement d'un régime de droits d'auteur qui leur est favorable, mais également d'un filet social. Si vous le voulez, nous pourrons vous faire parvenir des données plus précises à cet égard.
    Quand on parle du droit d'auteur, il s'agit bel et bien de droits. Il est ironique que nous ayons à nous battre depuis plusieurs années pour revendiquer ces droits, alors que la Loi sur le droit d'auteur avait justement pour but de protéger les ayants droit et les auteurs.
    Si vous pouviez faire parvenir cette information au Comité, cela pourrait nous aider énormément.
    Oui, j'en prends note.

[Traduction]

    Ma prochaine question s'adresse à Mme McNicoll.
    Nous avons tous écouté très attentivement votre témoignage. C'est toujours malheureux d'entendre que vous n'êtes pas rémunérée pour la valeur de votre travail.
    Cela a-t-il toujours été le cas? Avez-vous vu un changement au cours des dernières années à cet égard? Le Fonds du livre du Canada vous a-t-il été utile?
    Cela a toujours été difficile de gagner sa vie. Hemingway a dû travailler pour des journaux jusqu'à ce qu'il puisse vendre des droits d'adaptation cinématographique. Maintenant, ce n'est plus vraiment possible de travailler à temps partiel pour des journaux.
    L'essentiel, c'est la législation de 2012. Les droits de licence ont toujours agi comme un genre de limite de vitesse. Sur la 401, vous pouvez rouler à 100 kilomètres-heure, même s'il se peut que vous rouliez à 110 ou 115 kilomètres-heure si vous pensez pouvoir vous en tirer. Arrive l'exception concernant l'éducation. Vous venez de créer l'autobahn. Il n'y a pas de limite de vitesse. Vous pouvez photocopier absolument tout.
    Ce n'est pas juste cette limite de vitesse; c'est le manque de respect qui y est intégré. C'est aussi l'idée que le contenu est gratuit, qu'un livre devrait être gratuit. Hier, cette école s'attendait à ce que je lui offre des livres gratuits. Des enfants sont venus me voir et m'ont demandé si je pouvais leur donner un livre gratuit. Oui, je peux le faire. Je peux m'endetter davantage s'ils le veulent.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Vos livres ont-ils fait l'objet de piratage?
    Oui, — toujours. Je racontais l'histoire de ce centre d'éducation surveillée. Il éprouvait quelques difficultés. J'imagine qu'il n'essayait pas très fort. Il photocopiait le livre entier pour ces délinquants criminels de 9e année.
    Ce sont des enseignants qui travaillent fort, et je les respecte. Je sais qu'ils essaient d'obtenir le contenu au prix le plus bas possible. Imaginez que vous deviez payer 30 $ par jour de stationnement, mais qu'il n'y ait pas d'amende de stationnement. Ne tenteriez-vous pas votre chance en ne payant pas les 30 $?
    Peut-être que nous sommes tous honnêtes dans la salle, mais si cela vous fait économiser dans votre budget et permet à vos enfants d'avoir autre chose, ne le feriez-vous pas?
(1155)
    C'est parfait. Merci.
    Je vais passer le micro à ma collègue.
    Comme vous l'avez dit, dans le secteur de l'éducation, les enseignants n'ont parfois pas nécessairement beaucoup d'options. Ils doivent respecter certains budgets accordés par leur principal et leur conseil scolaire. Une fois que ces enseignants ou d'autres ont atteint cette limite, ils n'ont peut-être pas accès à ces fonds. Dans certains cas, même si ce n'est pas des livres entiers, ils peuvent photocopier certains chapitres ou certaines sections afin de fournir cette éducation aux enfants, parce que c'est la seule option qu'il leur reste.
    De toute évidence, ce n'est pas idéal pour les auteurs. Nous nous rendons compte de l'importance de protéger les créateurs et le travail qu'ils font. Sans leur travail, ces enfants n'auraient pas l'éducation et la richesse auxquelles ils ont accès.
    Voyez-vous un juste milieu quelque part? De quelles façons pouvons-nous vous protéger, mais aussi fournir une éducation appropriée aux enfants dans les secteurs publics, où ils ne paient pas autant pour aller à l'école et où il y a un financement limité en raison du fait que c'est public? Évidemment, les écoles privées se retrouvent dans une catégorie totalement différente. Que proposeriez-vous?
    Je crois que cela va de soi que les tarifs doivent être appliqués immédiatement. Le fait de dire que vous pourriez avoir une exemption pour l'éducation et ne rien payer n'a jamais été un compromis. C'est leur donner généreusement et gratuitement...
    Cela dure depuis près de cinq ans. Différentes écoles se sont retirées à différents moments. Elles croient maintenant qu'elles sont autorisées à le faire. Ce sera très difficile. Elles n'ont même pas idée de devoir jamais payer pour des photocopies ou pour du contenu reproductible numériquement.
    Nous devons mettre en place les amendes et les tarifs, puis freiner cette exemption.
    Si je peux me permettre, le système des licences collectives a été créé précisément de manière à ce que le livre entier n'ait pas à être acheté tout le temps. Il fournit ce moyen d'accès, sans qu'on ait à payer le prix complet de tous les livres, tout le temps, pour chaque étudiant.
    C'est aussi important de garder à l'esprit — car je crois, en raison de tout le bruit que nous entendons à ce sujet et de tous les efforts qui sont consentis pour éviter d'avoir à payer — que nous avons l'impression qu'il s'agit de sommes incroyables. Au primaire et au secondaire, nous parlons d'environ 2,41 $ par élève, par année. Ils pourraient ensuite reproduire leurs chapitres et leurs 10 % selon leur bon plaisir. C'est 2,41 $ par enfant, par année, et les ministres ne paient toujours pas.
    Dans les établissements d'enseignement postsecondaire, au maximum, nous parlons d'environ 26 $ par étudiant, par année. C'est le prix d'une pizza. Au collège, nous parlons d'environ 10 $ par étudiant, par année. Nous ne parlons pas de sommes qui mettraient qui que ce soit en faillite, qui ajouteraient un vrai fardeau supplémentaire aux étudiants.
    Si je peux me permettre, même si c'est juste une pizza pour eux, c'est mon hypothèque, mon épicerie et mon paiement automobile. En ce moment, c'est ma facture de soins dentaires.
    Puis-je ajouter quelque chose?

[Français]

    Vous avez quelques secondes. En fait, nous avons déjà dépassé le temps alloué.
    En effet, dans le reste du Canada, il ne se passe rien, mais regardez l'exemple québécois. Le système éducatif au Québec n'est pas en péril à cause des licences. Le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur paie 4,29 $ par étudiant par année pour avoir le droit de faire ces reproductions. Cela fonctionne très bien. Il y a aussi le système SAMUEL qui peut être utilisé. C'est un système qui fonctionne parfaitement. Il n'y a aucune raison pour les ministères de l'Éducation, les universités et les collèges à l'extérieur du Québec de ne pas utiliser ce système.

[Traduction]

    Merci à vous tous de vos témoignages aujourd'hui. Ils ont été utiles et ont vraiment mis en contexte les enjeux pour toutes les questions du Comité. Je vous remercie de votre temps.
    Nous allons maintenant suspendre les travaux pour passer à notre prochain groupe de témoins.

[Français]

    Merci beaucoup à tous.
(1155)

(1205)

[Traduction]

    Reprenons les travaux avec notre deuxième groupe de témoins.
    Nous accueillons Emily Harris, de l'Association canadienne des distributeurs et des exportateurs de films; et Brad Danks, d'OUTtv Network Inc.
    Commençons par Emily Harris, s'il vous plaît.
    Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs. Merci de me recevoir ici aujourd'hui.
    Je m'appelle Emily Harris et je suis présidente de l'Association canadienne des distributeurs et des exportateurs de films, ou ACDEF, qui représente l'industrie de la distribution de films et ses membres dans le cadre d'enjeux d'intérêt national. Nous sommes ravis d'être ici aujourd'hui pour présenter au Comité notre travail lié au soutien de nos artistes et des créateurs, qui sont le pilier de l'industrie cinématographique canadienne.
    L'ACDEF est un organisme à but non lucratif qui représente une diversité d'entreprises, depuis de petits distributeurs indépendants de films jusqu'à de grandes organisations médiatiques mondiales. Parmi nos membres actuels, mentionnons les suivants: CropGlass; D Films; Elevation Pictures; Entertainment One et Les Films Séville, qui est l'entreprise pour laquelle je travaille; KinoSmith; Métropole Films; Mongrel Media; Pacific Northwest Pictures; levelFilm; LaRue Entertainment; et mk2 Mile End. Ce sont les membres diversifiés qui représentent les films indépendants ainsi que les films à gros budget.
    Les membres de l'ACDEF fournissent aux Canadiens la grande majorité des films distribués dans les cinémas au Canada, soit deux fois et demie plus de sorties dans les cinémas que les six grands studios d'Hollywood réunis. Parmi nos activités, mentionnons la consultation, la sensibilisation et la mobilisation du gouvernement, dans le but d'attirer l'attention sur les défis auxquels fait face l'industrie de la distribution de films et sur les répercussions culturelles, sociales et économiques de notre paysage changeant.
    En ce qui concerne précisément les artistes et les créateurs, mes commentaires suivants porteront sur le rôle essentiel que les distributeurs de films canadiens jouent, à notre avis, pour maintenir l'écosystème actuel de films canadiens. L'ACDEF est d'avis que, sans le cadre réglementaire qui existe depuis des dizaines d'années, l'industrie cinématographique canadienne ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui. Les artistes et les créateurs ne peuvent prospérer et croître que si leur travail est vu et découvert. Le travail de nos membres consiste à amener cela à l'avant-plan.
    Les films canadiens, comme vous le savez, j'en suis sûre, attirent des publics à la maison et à l'étranger. Les créateurs canadiens sont célébrés à l'échelle internationale. Fait encore plus important, l'industrie cinématographique canadienne offre une plateforme unique pour les créateurs canadiens afin qu'ils racontent des histoires canadiennes. Tous les Canadiens profitent d'un système qui présente et soutient ce travail diversifié et important.
    L'industrie canadienne de la distribution de films fournit aux consommateurs un accès aux longs métrages. Notre industrie dans son ensemble a contribué 1,9 milliard de dollars de revenus en 2017. Toutefois, afin de démontrer la dominance de la propriété non canadienne dans notre industrie, nul besoin de regarder plus loin que les recettes actuelles des salles de cinéma. En 2017, ces revenus s'élevaient à plus de 999 millions de dollars, mais sur cette somme, 87 % de la part de marché revenait aux distributeurs non canadiens.
    L'industrie comprend 464 entreprises canadiennes qui participent à la distribution de films canadiens, avec des profits de plus de 330 millions de dollars et des contributions de plus de 162 millions de dollars en honoraires. L'industrie emploie aussi plus de 1 300 Canadiens partout au pays. Toutefois, tous ces chiffres ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan par rapport à ce que des entreprises non canadiennes retirent de l'industrie. Pour maintenir ces emplois et ces occasions et pour retenir les talents au Canada, il est nécessaire de ranimer le cadre réglementaire qui traite de la modernisation de l'industrie cinématographique à la lumière des changements numériques et de la baisse des commissions liées au contenu canadien dans notre écosystème de radiodiffusion. Sans des sociétés de distribution de films canadiens fortes, nous postulons qu'il n'y aurait pas de longs métrages canadiens, ce qui aurait des conséquences sur toutes les facettes de l'industrie, y compris les artistes et les créateurs.
    À cette fin, nous croyons que trois principaux piliers sont essentiels pour faire en sorte que l'industrie cinématographique au Canada soit en mesure d'employer, d'habiliter et de financer nos créateurs de longs métrages — la modernisation de la politique existante de l'industrie sur la distribution de films, la création de règles du jeu équitables pour toutes les parties et l'inclusion de mécanismes cinématographiques particuliers dans nos règlements sur la radiodiffusion.
    Par rapport au premier pilier, la politique existante sur la distribution de films canadiens a établi le secteur cinématographique au Canada et lui a permis de prospérer, ce qui est essentiel au travail et à la prospérité des créateurs au Canada. En 1998, le gouvernement canadien a tenté de mettre en place des mesures de protection pour le secteur de distribution de films canadiens afin de renforcer et de faire croître l'industrie cinématographique canadienne devant la concurrence étrangère. Pour ce faire, il a annoncé la création de la politique de distribution des films. Jusqu'à récemment, ce cadre stratégique protégeait les 13 % du marché cinématographique canadien qui n'étaient pas contrôlés par Hollywood. Pour l'essentiel, cette politique a été respectée, mais comme les changements technologiques influent sur l'industrie, malheureusement, c'est de moins en moins vrai.
    Vous vous demandez peut-être pourquoi il importe que les artistes et les créateurs maintiennent cette propriété de 13 %. En s'assurant que le secteur de la distribution canadienne existe, on veille à ce que les fonds demeurent au sein de notre écosystème culturel. Cela permet de garder les revenus à l'intérieur du Canada, grâce à des entreprises qui contribuent au financement et aux programmes, et cela soutient les systèmes qui permettent au contenu canadien et aux créateurs de contenu canadien de prospérer. Grâce à ces revenus, les distributeurs canadiens peuvent investir dans des longs métrages canadiens, en financer et s'assurer que les emplois ici continuent d'exister pour les créateurs.
(1210)
    L'ACDEF est d'avis que nous devons officialiser et moderniser le cadre stratégique existant. Faute de législation, il a été difficile de faire respecter l'intention déclarée de la politique, ce qui a laissé la porte ouverte au contournement de cette politique.
    Pour préserver la viabilité à long terme du secteur de distribution cinématographique canadien et assurer des emplois et du financement pour les créateurs, il est primordial que le gouvernement privilégie et favorise les politiques qui ont existé à ce jour et qui ont établi l'industrie cinématographique. Ces entreprises contribuables de propriété canadienne réinvestissent dans la production et le contenu canadiens, assurent l'accès du public aux films canadiens et emploient des Canadiens.
    Le deuxième pilier, l'égalisation des règles du jeu, a trait à la réglementation des fournisseurs de services par contournement. Si la création, la production et la distribution de l'écosystème du Canada et les emplois du secteur créatif connexes doivent être maintenus et favorisés, nous devons nous assurer que notre cadre réglementaire fournit un terrain de jeu uniforme pour tous les participants. Les entreprises de radiodiffusion non canadiennes, comme les acteurs par contournement appartenant à des intérêts étrangers, doivent être tenus de contribuer à l'écosystème culturel pour faire en sorte que le contenu canadien soit découvert par les Canadiens. À mesure que l'intégration verticale de notre système de radiodiffusion s'intensifie et qu'émergent de nouvelles plateformes numériques, le gouvernement doit prendre des mesures pour faire en sorte qu'une représentation diversifiée de contenu canadien continue d'être commandée et acquise par toutes les entités qui exploitent du contenu au sein de nos frontières.
    L'ACDEF recommande que les fournisseurs de services par contournement, qui représentent de plus en plus les services que les Canadiens utilisent pour consommer de la culture, s'engagent à acheter et à diffuser du contenu canadien, et en particulier, des longs métrages canadiens. Nous sommes aussi impatients de connaître les résultats des examens de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications afin de voir si on offre un vaste appui à des entreprises qui agissent comme EDR, ou entreprises de distribution de radiodiffusion, avec plus de 2 000 abonnés qui contribuent à un pourcentage des revenus dans l'écosystème, tel que ce qui est maintenant exigé de nos radiodiffuseurs de propriété canadienne.
    Le troisième pilier, c'est que le Canada a longtemps soutenu l'ensemble d'outils qui accordent la priorité à la présentation de contenu canadien, tant au sein du Canada que dans le monde, et nous avons besoin de mécanismes particuliers pour soutenir les films diffusés. Les créateurs et les distributeurs de contenu ont besoin du soutien des radiodiffuseurs pour faire en sorte que les Canadiens puissent accéder à des films au-delà du créneau cinéma traditionnel. Je signalerais que le créneau cinéma devient de plus en plus limité relativement à l'ère numérique. Malheureusement, le soutien des longs métrages canadiens par les radiodiffuseurs s'est érodé au fil du temps.
    Plus précisément, dans la télévision tant payante que gratuite, nos membres ont constaté un engagement très réduit à l'égard des films canadiens par les radiodiffuseurs canadiens au cours des cinq dernières saisons de radiodiffusion. Cette tendance a été constante chez tous les radiodiffuseurs et elle semble représenter un changement d'orientation stratégique, ce qui a des effets directs sur les créateurs et les distributeurs de contenu du pays qui se concentrent sur le long métrage.
    Pour renverser les tendances de la diminution de l'engagement à l'égard du film canadien et renforcer l'écosystème concernant les productions culturelles canadiennes, l'ACDEF recommande que le gouvernement continue de créer un foyer pour les longs métrages canadiens présentés à la télévision en renforçant les mécanismes existants qui encouragent la présentation aux heures de grande écoute des longs métrages produits au Canada.
    On peut y arriver en obligeant les radiodiffuseurs canadiens à consacrer une part donnée de leurs grilles horaires, et donc une partie de leur DÉC, ou dépenses en émissions canadiennes, à une nouvelle catégorie 7d) particulière qui est réservée aux longs métrages de cinéma canadien. À ce jour, les radiodiffuseurs ont eu la latitude voulue pour programmer le contenu au sein de cette catégorie dans son ensemble, et, sans exigences particulières en ce qui concerne les longs métrages, nous avons vu des films obtenir moins de temps d'antenne que des séries télévisées.
    L'ACDEF propose aussi que la Société Radio-Canada, la SRC, en tant que radiodiffuseur national, mette à jour son engagement à l'égard des longs métrages canadiens et réaffirme l'engagement d'accorder des licences à un nombre minimal de longs métrages de cinéma canadien. Idéalement, ce serait au moins un nouveau film par mois, diffusé durant les heures de grande écoute, pour la découverte et le plaisir des Canadiens.
    Dans l'ensemble, nous pressons aussi le Comité de s'assurer que la certitude inhérente à la législation existante sur le droit d'auteur soit maintenue. La capacité d'établir des budgets et de prévoir une structure concernant les paiements résiduels et les paiements des profits assure une stabilité pour les distributeurs dans un paysage qui change beaucoup.
    Encore une fois, merci de m'avoir reçue ici aujourd'hui et de tenir compte des recommandations de l'ACDEF, qui non seulement profiteront aux créateurs canadiens, aux distributeurs de films canadiens et à l'économie, mais feront aussi en sorte que le contenu canadien soit vu à grande échelle ici, à la maison, et partout dans le monde.
    Merci.
(1215)
    Merci.
    Passons maintenant à Brad Danks, d'OUTtv Network.
    Je vous remercie, madame la présidente et vous tous, de me recevoir ici.
    En passant, je suis très heureux, parce que nous venons de conclure un marché avec l'entreprise d'Emily. Nous avons acquis au moins autant de productions cinématographiques qu'elle veut. Je me présente ici avec une attitude irréprochable en ce qui la concerne.
    Des voix: Ha, ha!
    M. Brad Danks: Je veux parler des occasions qui vous permettent d'être ici, car nous avons une situation légèrement différente par rapport à ce que nous avons fait. Même si je ne désapprouve pas la notion de protection ni les choses que nous devons faire au sein du marché canadien, nous avons appris certaines choses au cours des dernières années qui sont très fondamentales pour l'avenir, je crois, et ce sont des choses dont on doit parler. Puis, je m'intéresserai au volet des artistes en ce qui vous concerne.
    Notre chaîne est une chaîne à petit créneau au Canada, mais nous avons été la première chaîne LGBTQ à être lancée dans le monde, et nous sommes maintenant la marque la plus prospère sur la planète dans notre domaine particulier, ce qui est, à certains égards je crois, unique à la radiodiffusion canadienne.
    Une des choses que nous avons remarquées au cours des dernières années avec la numérisation, c'est — et c'est très important — que les marchés du contenu se déplacent, passant du mode vertical au mode horizontal. Ce que j'entends par là, c'est qu'ils passent du secteur national au secteur international. Malheureusement, la plupart des stratégies canadiennes visant à se pencher là-dessus ont cherché à renforcer le côté vertical de nos affaires, et non pas le côté horizontal. En fait, le système de radiodiffusion est en crise en ce moment, principalement en raison de sa forte verticalisation. Nous avons créé ce que j'aime appeler la ligne Maginot du monde numérique, et le numérique l'a directement contournée, comme la ligne Maginot avant la Seconde Guerre mondiale. C'est ce que nous essayons de régler en ce moment.
    L'autre chose que nous constatons, c'est l'augmentation du nombre de plateformes mondiales. Netflix a été la première. Elle a commencé à changer le monde, avec Amazon, Hulu, Apple et d'autres. Beaucoup de studios américains ne vendront pas de contenu par l'intermédiaire des radiodiffuseurs canadiens après 2020. Le monde va changer très rapidement au cours des quelques prochaines années. Ce n'est pas juste un phénomène canadien, même si, à bien des égards, nous sommes le canari dans la mine de charbon en raison de notre proximité avec les États-Unis et de notre dépendance aux programmes américains par nos principaux radiodiffuseurs.
    Ce que nous avons observé dans le monde, c'est un mouvement parmi les forts joueurs locaux, dont de nombreux joueurs avec lesquels nous entretenons de bonnes relations, pour répliquer, et c'est une occasion pour les Canadiens. Je veux en parler.
    Lorsque nous avons vu pour la première fois les changements apportés dans le paysage, nous avons fait trois choses que tous les radiodiffuseurs canadiens devraient faire, je crois.
    D'abord, nous avons conçu une plateforme expressément pour les consommateurs. Elle s'appelle OUTtvGo. Nous l'avons lancée en 2016. C'est le pendant homosexuel de Netflix, comme vous voulez peut-être l'appeler ou l'appelez peut-être, et c'est bien fait. Je ne parle même pas du nombre d'abonnés, mais pour vous donner une petite idée sur le plan des revenus, après les trois grands câblodistributeurs, c'est notre quatrième source de revenu par mois au sein du système canadien, et elle devrait devenir la troisième au cours de la prochaine année.
    Cela dit, la création de contenu expressément pour les consommateurs est une chose très difficile. C'est de plus en plus difficile quand la technologie est si fermement définie par les gros joueurs — les Netflix, Amazon et autres — et, en fait, nous estimons que la création expresse pour les consommateurs fonctionne mieux pour nous dans des territoires que nous ne pouvons autrement pas pénétrer.
    La deuxième approche, bien sûr, ce sont les plateformes technologiques elles-mêmes. Je pense que tout le monde sait qu'Amazon arrivera en trombe au Canada au cours de l'année qui vient. Cela aura des effets fondamentaux sur la structure de l'EDR au Canada et sur le système canadien. OUTtvGo, notre plateforme conçue expressément pour les consommateurs, est le genre de choses qui trouveraient leur place au sein de ces types de plateformes. Nous avons agi indépendamment des plateformes en concluant des marchés avec toutes les grandes entreprises technologiques avec lesquelles, en toute franchise, il est beaucoup plus facile de traiter qu'avec les EDR canadiennes pour une chaîne canadienne.
    L'autre chose que nous avons faite, c'est jeter un coup d'oeil dans le monde pour nous rendre compte du fait que les mêmes phénomènes se produisent, et il doit donc y avoir des occasions à l'étranger. Nous avons élaboré ce que j'appelle la stratégie de Boucle d'or, qui est la stratégie où c'était ni trop chaud ni trop froid pour nous. « Trop chaud », ce serait les États-Unis et l'Angleterre, où le contenu est trop cher pour que nous le présentions, mais « trop froid », ce serait la Russie, où les politiques ne sont juste pas assez bonnes pour nous.
    Les trois pays que nous avons ciblés étaient l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud. Étant donné les liens avec le Commonwealth, nous nous sommes dit que les ententes de coproduction et d'autres situations semblables seraient logiques. C'est ce que nous avons fait, et nous l'avons bien fait. Nous avons lancé des programmes en Nouvelle-Zélande avec TV New Zealand, qui est le plus grand joueur — un genre de SRC de la Nouvelle-Zélande — et vraiment la plus grande entreprise. Nous vendons du contenu canadien sur sa plateforme.
    Au cours de nos deux premiers mois sur TV New Zealand, parmi les 20 principaux titres que nous avons vendus sur notre plateforme de marque, 15 sont du contenu canadien, et 14 sont financés par le FMC. En passant, un de ces titres est une oeuvre en langue française originale sous-titrée en anglais. Elle s'est classée au deuxième rang sur notre plateforme pendant un mois, ce qui vous montre qu'il y a des possibilités même pour les émissions en français. Par ailleurs, c'est une émission qui ne serait pas distribuée dans ces pays si OUTtv ne le faisait pas pour eux.
(1220)
    C'était la même chose en Australie — nous avons fini par lancer des programmes auprès du plus grand radiodiffuseur de l'Australie, la chaîne 7. Ce serait à peu près l'équivalent du CTV de l'Australie. Nous avons conclu une autre affaire avec un autre groupe de radiodiffusion, et une troisième avec un autre.
    Le mois dernier, nous avons diffusé du contenu pendant un mois auprès de DSTV en Afrique du Sud. DSTV est le plus grand joueur de toute l'Afrique. Il est plus grand que Bell, Shaw et Rogers réunis. Il nous a lancés en Afrique pour un mois gratuit. Sa distribution s'étend dans toute l'Afrique jusqu'aux confins de l'Afrique subsaharienne, parce que l'Afrique du Nord fait partie des acquisitions du Moyen-Orient dans le milieu de la télévision.
    C'était une expérience phénoménale. L'entreprise ne nous a pas lancés à l'extérieur de l'Afrique du Sud — ses partenaires nous ont avertis qu'il fallait peut-être attendre — mais je peux vous dire que c'était quelque chose de lancer une chaîne LGBTQ en Afrique du Sud. C'était vraiment assez incroyable. La réaction a été incroyablement positive, et nous sommes en train de songer à la façon de revenir.
    Dans toutes les trois situations, l'infrastructure solide du contenu canadien est distribuée dans ces territoires, et l'histoire est vraiment simple: si vous êtes en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Afrique du Sud et dans 20 autres pays à qui nous parlons en ce moment, vous voyez un recul du contenu américain.
    Vous voyez aussi le prix du contenu exclusif augmenter de façon radicale. Le monde où notre stratégie principale consistait à servir d'intermédiaire pour le contenu étranger est maintenant révolu. Cela va prendre fin très rapidement au cours des deux à trois prochaines années. Cela va laisser beaucoup de modèles opérationnels que nous avons au pays dans une situation difficile. Plus tôt nous changerons notre modèle et le modifierons, mieux ce sera.
    C'est une occasion énorme pour le Canada. Nous avons un des meilleurs écosystèmes, un des meilleurs complexes industriels de producteurs et de cinéastes et ainsi de suite dans le monde. Je vis à Vancouver, qui est le troisième centre de production du monde; Toronto est le quatrième et Montréal se situe en très bonne position.
    Lorsque vous vous assoyez à Johannesburg, à Sydney, à Auckland ou à Stockholm et que vous parlez à des gens là-bas, ils envient le débouché qui s'offre au Canada. Nous passons beaucoup trop de temps à examiner les États-Unis, disant que nous devons juste être comme eux. Il y a une occasion énorme à saisir si nous ne cherchons qu'à être nous-mêmes et que nous faisons bien les choses.
    Je voulais aborder certains des enjeux qui vous sont présentés au sujet de ce dont les Canadiens ont besoin en matière de contenu et de créateurs, puis, ce dont nous avons besoin pour protéger nos artistes.
    Nous avons adopté une approche différente avec notre modèle. Nous nous associons avec beaucoup de nos producteurs, et par « s'associer »... je leur dis habituellement que j'ai de bonnes et de mauvaises nouvelles pour eux — la bonne nouvelle, c'est qu'ils sont notre partenaire d'affaires; la mauvaise, c'est qu'ils sont notre partenaire d'affaires.
    Ce que cela veut dire pour nous, c'est que nous partageons le risque avec les producteurs, mais nous devons aussi leur rendre des comptes de façon transparente sur diverses choses. Nous les payons très rapidement et nous leur montrons aussi ce qui se produit sur les marchés ainsi que la valeur des revenus.
    J'ai été avocat en droit du divertissement pendant 12 ans, et j'avais l'habitude de toujours dire à mes clients de ne jamais partager leurs revenus et de ne jamais tirer des profits nets, parce que vous n'êtes jamais payés. Toutefois, ce qui s'est produit au cours des dernières années est un changement au sein du monde numérique.
    J'ai une minute. Je vais passer en revue le reste rapidement.
    De quoi avons-nous besoin? Nous avons besoin d'un accès aux marchés et d'aide. Nous devons renforcer les fournisseurs de services mondiaux. Nous devons fournir des rapports exacts pour les artistes, des paiements directs et de la transparence, et une des choses que nous devons vraiment examiner, c'est une partie de la technologie qui évolue.
    La gratuité n'est pas un modèle opérationnel, et pour quiconque s'est assis ici et a écouté, la gratuité est géniale si vous êtes un géant d'Internet et que vous possédez une entreprise complémentaire — si vous êtes Google pour les recherches ou Facebook pour l'aspect social — mais ce ne sera jamais un modèle opérationnel pour les artistes. Cela n'a aucun sens.
    Il existe de nouveaux modèles émergents. Par exemple, Amazon, aux États-Unis, fournirait 12 ¢ de l'heure pour vos paiements de vidéos. Dans une de nos émissions, nous avons presque regagné notre budget juste avec ce tarif. Cela ne semble pas beaucoup, mais ça s'accumule s'il y a beaucoup de visionnements. Les micropaiements et d'autres choses du genre vont apparaître.
    Une des meilleures évolutions est la technologie des chaînes de blocs pour la vidéo, qui va assurer le suivi et la transparence du contenu vidéo, et permettre de savoir comment cela se déplace dans le monde et comment les choses se déroulent. À mesure que nous la mettons au point, nous pourrons élaborer plus de modèles opérationnels pour des artistes là-bas. Si nous pouvons faire une chose, c'est encourager la mise au point de ces technologies pour les artistes et comprendre qu'une structure de micropaiements dans l'avenir est beaucoup mieux que la gratuité.
    Merci.
(1225)
    Merci.
    Nous arrivons maintenant à la période de questions et de réponses.
    Commençons par M. Boissonnault, pour sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs.
    Merci à vous deux de votre exposé.
    Brad, à titre de député ouvertement homosexuel, le premier de l'Alberta à avoir été élu au Parlement, je vous remercie d'utiliser un actif en difficulté comme allié ainsi que votre sens des affaires pour en faire le quatrième — et bientôt le troisième — protagoniste de créneau en importance dans l'industrie contre quelques géants qui, je dirais, et vous pouvez le confirmer, ne voulaient probablement pas vous voir dans le marché lorsque vous avez commencé. Il aurait été plus facile pour eux de manger votre dîner, mais vous êtes maintenant en train de dîner à la même table.
    Merci d'exporter le meilleur contenu. Je crois que, si certains de mes gens étaient ici, ils vous remercieraient d'avoir apporté au Canada RuPaul's Drag Race et de permettre aux gens de le regarder sur leur appareil, parce que c'est fabuleux. Cela comprend tous nos alliés.
    Durant votre carrière, vous avez souvent traîné le CRTC devant les tribunaux et avez eu gain de cause. Cela pourrait être une autre étude que nous pourrions réaliser. Je sais qu'on parle de la tyrannie du FMC et des grands joueurs ainsi que la façon dont nous pourrions créer plus d'accès, mais je vous considère comme un visionnaire qui voit les modèles avant que le reste d'entre nous ne les voie.
    Que devons-nous bien faire dans le domaine du droit d'auteur, du point de vue des artistes? Vous pouvez parler aux indépendants qui vont défendre l'industrie, mais que devons nous bien faire dans le domaine du droit d'auteur pour nous assurer que les auteurs, les scénaristes, les créateurs — tous les créatifs qui vous aident à perfectionner ce talent et le contenu créatif qui sera envoyé en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande et en Australie — obtiendront leur juste part, de manière à ce qu'ils puissent payer leur hypothèque et leur épicerie et continuer de créer?
    Une reddition de comptes exacte.
    Ce qui veut dire...?
    D'abord et avant tout, toutes les plateformes numériques qui apparaissent doivent vous fournir des renseignements exacts et précis sur ce qui se passe réellement sur la plateforme.
    La plupart des choses que nous avons faites dans le passé, c'est... Je sais que nous avons créé ces obstacles en ce qui concerne notamment les modalités commerciales et d'autres choses. C'est logique dans un monde qui n'existe plus, mais nous devons vraiment nous efforcer de découvrir quelle est la valeur ultime du contenu.
    En me rendant ici à pied, je suis passé devant un site de construction, et si je demandais à n'importe quel employé sur ce site quel est le prix des unités de condominium, il le saurait. Il y a une transparence dans ce marché. Ces gens savent que, si les prix baissent, leur salaire va baisser; s'ils augmentent, leur salaire va augmenter. Les artistes n'ont aucune idée de la valeur ultime du contenu, et c'est comme si cela devait être le cas. Ce n'est pas le cas, donc nous avons besoin de travailler sur des structures qui créent cette chose. Nous devons favoriser les investissements dans la technologie.
    Je parle de petites choses. Dans un système de radiodiffusion, l'information de la boîte numérique est... Je ne l'ai pas. Apparemment, Corus l'a, mais je ne l'ai pas. Je pourrais utiliser cette information pour déterminer quel contenu canadien se porte le mieux et où nous devons réaliser nos investissements.
    Notre plus grand problème, ce n'est pas ce que nous pouvons nous permettre; c'est ce que nous pouvons monétiser.
    Le gouvernement pourrait-il obliger Corus à vous communiquer cette information?
    Ce sont les EDR.
    Pardon?
    Les EDR, entreprises de distribution de radiodiffusion. Elles la fourniront à Corus, apparemment, mais celle-ci ne nous la donne pas.
    J'aimerais savoir ce qui est le plus vu, mais je reçois les classements Nielsen, où c'est 1 foyer sur 1 000. Cette information est disponible, mais le CRTC avance à... Il a un boîtier numérique vieux de deux ans, et ces choses bougent très lentement.
    La bataille dans un tel domaine est toujours pareille. C'est un côté qui veut les données, parce qu'il veut pouvoir facturer des publicités et du contenu adressable. L'autre côté veut voir ce qu'il peut faire au chapitre du contenu. Le côté des données gagne depuis une décennie, parce que, d'une certaine façon, nous en sommes venus à croire, quand Internet a été lancé, qu'il y avait un modèle opérationnel, et gratuit, et qu'il y avait des livres là-dessus et tout cela. Ce n'est pas vrai. Il n'y aura jamais de modèle opérationnel axé sur la gratuité, mis à part peut-être pour des entreprises qui revendent les données, et je ne sais pas non plus combien de temps ce monde va durer.
    Nous devons travailler plus fort pour revenir au point où nous nous demandons comment mesurer les choses, puis comment concevoir des modèles opérationnels en fonction de ces mesures.
(1230)
    Je vais le dire: je suis ici du côté des artistes et des créateurs. Je l'ai répété à de nombreuses occasions et je vais continuer de le faire. Le Comité a entendu beaucoup de pessimisme, et nous avons entendu parler de beaucoup de douleur et de souffrances en raison des modèles changeants. Vous avez brossé un portrait un peu plus rose, peut-être même aux couleurs de l'arc-en-ciel, au sujet des occasions d'avenir. Quelle occasion s'offre si nous voulons bien faire les choses pour le contenu canadien? Les gens aiment-ils nos histoires? Aiment-ils notre diversité? Qu'est-ce que le monde aime tant au sujet des productions canadiennes?
    Nous oublions que nous fonctionnons à un niveau très élevé. Vous avez parlé de ma carrière. J'ai rencontré Ryan Gosling dans une émission alors qu'il avait 16 ans. J'ai connu Nelly Furtado quand elle avait 18 ans. Vous travaillez avec un DOP, un directeur de la photographie, comme Greg Middleton qui fait des émissions indépendantes à Vancouver. L'an dernier, il était le DOP sur Game of Thrones, la plus grande série du monde, un gars de Vancouver.
    Exact.
    Nous oublions la quantité de talents que nous avons dans ce pays. Nous avons fait tout notre possible pour détruire le côté novateur au cours des 10 dernières années afin d'essayer de protéger ce que nous avions et de demeurer plus insulaires. Nous devons nous ouvrir et dire: « Vous savez quoi? Nous pouvons vraiment bien jouer. »
    C'est comme les Olympiques. Je serais pas mal heureux si je remportais une médaille de bronze aux Olympiques. Vous n'avez pas besoin d'être le premier pays, mais les marchés de contenu du monde sont énormes. C'est peut-être la plus grande occasion d'affaires au monde. Nous continuons d'agir comme si nous devions garder cela plus insulaire. Nous ne le pouvons pas. Le monde ne fonctionne plus ainsi, pas dans l'environnement numérique, mais si nous créons une forte base pour les artistes canadiens à la maison, nous pourrons ensuite exporter, et ça sera l'occasion qui s'offre.
    Les Canadiens peuvent le faire. Nous avons d'excellentes ententes de coproduction avec des pays de partout dans le monde. Nous avons une excellente réputation et des talents incroyables. Nous devons juste réfléchir dans cette direction, plutôt que de nous en faire à propos de la petite part que nous pouvons garder, les miettes sur la table en ce moment.
    C'est une bonne journée pour les métaphores. J'ai aimé votre allusion à la Ligne Maginot.
    Il me reste environ une minute et demie. Que devrait savoir le Comité du patrimoine concernant des modifications à apporter au FMC afin de permettre aux intervenants de créneau comme vous de continuer à jouer dans la cour des grands?
    Le Fonds des médias au Canada, le FMC, doit être réaligné, je crois — en passant, je me suis retrouvé devant lui ce matin. Il doit être réaligné pour s'adapter aux objectifs du gouvernement, qui concernent les exportations et la création de ces occasions.
    En ce moment, pour augmenter votre enveloppe du FMC, vous devez rejouer le contenu canadien sans cesse sur les quelque 20 chaînes que vous possédez et que personne ne regarde. Ce n'est pas vraiment bon pour le contenu canadien. Ce n'est pas ainsi que les choses devraient être.
    Les producteurs canadiens s'insurgent contre un manque de commissions, mais nous n'en avons aucune dans notre enveloppe du FMC. Nous serions plus qu'heureux de demander ce montant complet. Je crois que, cette année, il restait à Corus dans son fonds de développement plus d'argent non dépensé que ce que OUTtv a reçu depuis 2001; c'est le même montant, juste pour vous donner une certaine idée.
    Je serais en mesure de très bien dépenser cet argent, mais nous l'avons concentré. Je sais que les entreprises de distribution de radiodiffusion, les EDR, exercent beaucoup de pressions, particulièrement celles qui injectent de l'argent dans le système, pour ravoir cet argent par l'intermédiaire de leurs entreprises, mais ce n'est pas pourquoi le FMC a été conçu. Je crois que si des radiodiffuseurs plus indépendants disposaient d'une plus grande somme, quelque chose d'important — plus de 50 000 $, disons, un chiffre de base pour commencer, fondé sur les exportations ou sur ces genres de choses — alors je crois que nous verrions un réel mouvement dans cette direction.
    Vous prendriez cet argent, feriez de la création, et cela aurait un effet multiplicateur, au lieu que cet argent reste inactif dans un compte?
    Oui. L'argent serait aussi envoyé à toutes sortes de producteurs différents plutôt qu'à deux ou trois des principaux producteurs du pays tout le temps.
    Merci.
    Merci.
    Passons maintenant à M. Yurdiga, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins d'être venus ici aujourd'hui.
    Quand j'étais jeune, j'attendais que mon émission soit présentée. Ce n'était qu'une fois par semaine, et je l'inscrivais sur mon calendrier. Je n'avais pas de calendrier, mais je m'en rappelais. À l'époque, nous n'avions pas de calendriers — pas ceux de type numérique, en tout cas.
    Tout est en train de changer. Nous sommes passés au câble, puis au satellite, et maintenant nous diffusons tout en continu. Nous n'avons pas d'abonnement au câble. Mes enfants n'ont pas d'abonnement au câble ou de satellite. Tout est transmis en continu. Ils ont une vie très occupée et ainsi de suite.
    Le modèle opérationnel change à un rythme rapide — plus vite que jamais auparavant. Monsieur Danks, je suis heureux d'entendre que vous essayez d'avoir une portée mondiale plutôt que de vous concentrer seulement sur un marché, qui est le marché canadien. À votre avis, y a-t-il une grande partie du marché canadien qui tente juste trop fort de se retrouver sur le marché canadien ou qui tente plutôt de prendre de l'expansion sur le marché mondial?
(1235)
    Je peux vous donner deux réponses. Si vous fréquentez les marchés internationaux — le Marché International des Films et des Programmes pour la Télévision, la Vidéo, le Câble et le Satellite, le MIPCOM et d'autres, comme moi en octobre — vous verrez beaucoup de producteurs canadiens. La plupart des gens diraient que le Canada joue dans la cour des grands, du point de vue mondial.
    Par ailleurs, il n'y avait là-bas personne de Bell Media. Il n'y avait personne de Rogers Media. Je crois avoir vu quelques personnes de Corus. Le problème avec l'intégration verticale de notre système, c'était que les entreprises qui le contrôlent sont surtout des entreprises Internet et des entreprises de téléphonie mobile — ou, à tout le moins, elles étaient avec Shaw et Corus. Elles se concentrent surtout sur le Canada. Ça a vraiment été le problème. Nous avons créé un modèle de production qui a inversé la production. Vous produisiez pour maintenir votre statut de monopole. La valeur réelle de l'émission ne reposait pas sur ce qui se passait sur le marché.
    Nous avons introduit un nouveau concept: nous produisons en réalité des émissions, puis les vendons et essayons de rentabiliser les programmes. Je me sens un peu facétieux, mais au final, c'est là où les affaires doivent se diriger. Nous travaillons avec l'entreprise d'Emily, et elle a une très grande portée internationale. Elle a beaucoup de pouvoir et de capacité. Nous avons des entreprises canadiennes qui peuvent le faire, mais nous en avons besoin de plus.
    Le CRTC désigne maintenant les radiodiffuseurs comme des « fournisseurs de services ». Pour être franc, j'aime vraiment cette appellation, parce qu'elle en dit davantage au sujet de ce que nous devrions faire. Nous devrions aller conclure des marchés dans le monde entier.
    J'ai rencontré la nouvelle responsable de Téléfilm hier. Elle m'a demandé comment nous arrivions à pénétrer dans ces pays. Je lui ai dit qu'elle pouvait le faire. Nous pourrons le faire, mais nous ne pouvons pas mettre dans un avion 10 producteurs et les envoyer essayer de conclure un marché dans un certain lieu. Nous avons besoin d'entreprises qui peuvent conclure ces marchés pour les producteurs, puis les faire venir et le faire.
    Je crois que nous avons travaillé l'un contre l'autre pendant trop longtemps. Nous avons essayé de maintenir la fiction selon laquelle nous sommes toujours un marché qui existe sans le monde extérieur. C'est maintenant terminé. La première chose que nous devons faire, c'est rejeter cette idée et dire que cela ne va jamais fonctionner. Commençons tout de suite et disons, d'accord, maintenant que nous savons que nous évoluons dans un contexte réellement mondial, comment devons-nous jouer? Le Canada est dans une position extraordinaire pour en tirer parti, mais le changement des mentalités doit se produire, et maintenant.
    Merci.
    Emily, d'après votre expérience, trouvez-vous que les gens préfèrent les services sur demande et... la capacité du contenu canadien d'apparaître dans ce service sur demande? En ce qui me concerne, j'ai Netflix parce que c'est un accès facile et tout le reste. Mon petit-fils a 10 ans, et il est amateur inconditionnel de YouTube.
    Comment faisons-nous la promotion du contenu canadien sur ces plateformes? Comme je l'ai dit plus tôt, les gens utilisent de moins en moins le câble. La nouvelle génération ne veut pas devoir attendre pour voir une émission à une certaine heure; elle veut la voir maintenant. Comment pouvons-nous adopter ce type de mentalité de Netflix et de YouTube, où vous êtes à l'extérieur et, soudainement, vous voulez regarder quelque chose, et ça se trouve sur votre téléphone? Comment pouvons-nous faire la transition pour essayer d'apporter plus de contenu canadien?
    Je crois que c'est une excellente question.
    Comme Brad l'a dit, le modèle conçu expressément pour les consommateurs et le modèle sur demande sont de plus en plus fonction de chaque licence que nous détenons. C'est très rare maintenant de conclure un marché et qu'on ne vous demande pas un certain type de capacité sur demande.
    J'ai aussi vraiment aimé ce que Brad a dit, que la gratuité n'est pas un modèle. Il doit y avoir une valeur appropriée associée à l'octroi de ce droit sur demande. À mesure que nous irons de l'avant, je crois que nous devrons faire preuve de souplesse par rapport aux droits que nous accordons et des partenaires avec lesquels nous travaillons.
    Lorsque nous parlons de règles du jeu équitables, Netflix est autant un ami qu'un ennemi. C'est un client de beaucoup de producteurs de contenu. Toutefois, nous devons nous assurer que la valeur que nous en obtenons et la valeur que cela apporte à l'écosystème, qui sont deux choses distinctes — les droits de licence qu'il paie pour son contenu et toutes les contributions qu'il apporte à l'écosystème — sont équivalents à ce que nous demandons à Brad de faire.
    En ce moment, nous avons été un peu lents pour ce qui est de demander à Netflix, YouTube et Amazon de ce monde de contribuer au système de la façon dont Brad l'a fait et de la façon dont nos EDR l'ont fait, et c'est injuste. Nous encourageons des entreprises de propriété étrangère à travailler dans notre bac à sable et à siphonner les profits sans contribuer.
    Chaque client différent aura peut-être un modèle opérationnel différent. Nous aimerions savoir comment l'examen de la Loi sur la radiodiffusion et celui de la Loi sur les télécommunications entrent en jeu.
    Il doit y avoir une approche qui reconnaît que Netflix est le même service. Vous regardez peut-être Netflix, et une autre personne regarde peut-être OUTtv, mais ils font la même chose pour le consommateur. Le fait qu'ils soient restés non réglementés pendant si longtemps a créé cette incohérence et ce manque d'équivalence entre nos EDR de propriété canadienne et ces joueurs de propriété étrangère.
    L'autre point que j'aimerais soulever, c'est que nous devons avoir une longueur d'avance sur ces choses. Pour ce faire — et je crois que l'entreprise de Brad est un excellent exemple — le succès à la maison est important, puis nous devons encourager les gens à croître. Nous voulons nous assurer de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain pour ce qui est des règlements qui ont existé et ont permis à des entreprises comme OUTtv de croître et de prospérer.
    Ce que nous ne voulons pas, c'est un cadre réglementaire en fonction duquel une entreprise canadienne frappe un mur et est maintenant découragée à l'égard de ses entreprises étrangères. Nous devons créer une structure où nous sommes protégés à la maison, pour que Brad puisse croître et obtenir sa plateforme expressément conçue pour les consommateurs, puis faire un lancement à l'échelle mondiale.
    Je crois que c'est à cette deuxième étape que nous n'avons pas les mêmes mesures de protection à l'égard des entreprises étrangères.
(1240)
    Merci.

[Français]

    Nous passons maintenant à M. Nantel, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Harris, nous nous sommes déjà rencontrés.
    Monsieur Danks, c'est une heureuse rencontre. Vos idées sortent des sentiers battus. Je crois que M. Boissonnault a bien saisi plusieurs points quant à la fraîcheur de votre témoignage et votre approche sur le plan des affaires.
    Madame Harris, vous évoquez le fait que, bien évidemment, il est impensable de laisser Netflix ne pas contribuer au système. Je sais aussi que c'est la ligne officielle du gouvernement: si un joueur fait partie du système, il doit y contribuer. C'est tant mieux. Espérons que cela va se faire. Ce qui m'inquiète, c'est la lenteur du processus. Je crains que beaucoup de joueurs ne finissent par s'essouffler.
    Vous avez donc évoqué l'idée de faire contribuer des joueurs importants au contenu canadien, mais il y avait aussi deux autres points dans votre présentation. Pouvez-vous me les rappeler, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Oui, absolument. Un des points concernait Netflix, et l'autre, la politique de distribution de films.
    Notre cadre existant sur la distribution de films repose sur une politique de 1988, qui a été créée, évidemment, avant qu'Internet devienne une réalité. Cette politique décrit que les sociétés appartenant à des intérêts canadiens devraient distribuer des longs métrages au Canada. Il y avait toutefois une exception: cela concernait les six studios existants d'Hollywood qui détenaient des droits de propriété de contenu à l'échelle mondiale.
    Ce que nous avons vu jusqu'à maintenant, c'est que cette structure a fonctionné jusqu'à ce que les entreprises numériques deviennent plus prédominantes. Ce que nous voyons maintenant, c'est une érosion de plus en plus croissante des joueurs appartenant à des intérêts étrangers — Netflix en est un, mais d'autres entreprises américaines en sont d'autres — qui distribuent directement des longs métrages au Canada, en contravention des dispositions de cette politique.
    L'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films, l'ACDEF, croit fermement que l'exigence pour les entreprises canadiennes de les distribuer au Canada est ce qui a contribué à bâtir notre secteur de la distribution. Sans cette protection, il est très difficile de bâtir une industrie cinématographique canadienne dynamique. Nos membres ont besoin du financement provenant d'un large éventail d'investissements pour faire en sorte que nous avons les ressources nécessaires pour investir dans les longs métrages canadiens.
    Oui, on peut se rappeler que, en France, l'équivalent du Fonds des médias du Canada est en fait alimenté par les salles de cinéma, en passant, comme contribution spéciale.
    Je veux juste m'assurer du premier point de votre exposé.

[Français]

    Vous avez évoqué le fait que vous distribuez 2,5 fois plus de films, parce qu'il y a évidemment plus de productions indépendantes.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Avez-vous moins de salles de projection? Pouvez-vous nous donner des chiffres? Cela se calcule peut-être en fonction du nombre de semaines pendant lesquelles les films peuvent être projetés.

[Traduction]

    Oui, exact.
    Vous voyez la question.
    Non, pouvez-vous la répéter?
    La question que je vous pose, c'est si vous distribuez deux fois et demie plus de longs métrages que les gros joueurs, quelle part d'accès en moins aux téléspectateurs avez-vous?
    Ce que nous constatons, particulièrement en ce qui concerne les productions canadiennes en anglais, c'est que nous pouvons peut-être recevoir des espaces d'exposition pendant une semaine ou deux auprès des exploitants de salles, mais nous nous retrouvons contre les mastodontes que sont les films de Marvel et des histoires de réussite de superhéros. C'est très difficile de se tailler du temps d'écran pour les longs métrages canadiens de petite envergure.
    Si jamais vous avez des chiffres à ce sujet, même si c'est un peu hors sujet, je suis sûr que tout le monde serait intéressé à voir, par exemple, que vous avez deux fois et demie plus de choses à distribuer et avez en fait accès à 95 % moins de temps d'écran pour quelqu'un dans la salle.
(1245)
    Oui, nous sommes très heureux que vous ayez soulevé ce point.
    Très rapidement, quel était le troisième point?
    Le troisième point concernait le fait de faire une place aux longs métrages dans les exigences liées à la radiodiffusion pour le contenu canadien.
    Absolument. Je suis d'accord avec vous.
    En ce moment, ce que nous découvrons, c'est que les DEC, dépenses en émissions canadiennes, ou les exigences en matière d'exposition qui sont imposées aux radiodiffuseurs canadiens — qui, je le signalerais, ne s'appliquent qu'aux radiodiffuseurs canadiens, et non pas aux joueurs étrangers...
    Oui.
    ... représentent une exigence générale pour diffuser du contenu canadien, et il n'y a pas de catégorie particulière pour les longs métrages diffusés dans les salles.
    Oh, d'accord.
    Nous constatons que, avec la consolidation dans le marché, nous avons de bons partenaires comme Brad qui continuent d'acheter des longs métrages présentant du contenu canadien, mais d'autres radiodiffuseurs misent davantage sur des séries télévisées, ce qui veut dire qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir un auditoire pour les longs métrages télédiffusés.
    Nous préconisons la définition d'une catégorie particulière pour les longs métrages uniquement au sein du mandat du CRTC en ce qui concerne la présentation de contenu canadien.
    Oui.
    Par exemple, s'il n'y a plus de soirée du hockey sur CBC, il pourrait y avoir une soirée cinéma au Canada.
    Absolument. Nous sommes très favorables à cela.
    Monsieur Danks, vous avez dit quelque chose qui m'a beaucoup intrigué. Vous avez dit que le modèle de distribution allait disparaître d'ici deux ou trois ans. Peut-être que ce n'était pas la distribution, et c'est ce qui m'intéresse. Vous avez dit que certaines choses sur lesquelles nous nous appuyons maintenant seront disparues d'ici deux ou trois ans.
    C'est l'intermédiation, vraiment, ce qui signifie acquérir du contenu américain exclusif, puis le revendre au Canada, qui est le principal modèle opérationnel des principaux radiodiffuseurs en direct au Canada — CTV, Citytv et Global.
    L'approvisionnement en contenu est graduellement étranglé. Les studios américains vont s'y accrocher pour ce qui est de leurs propres offres. Cela veut dire qu'il sera plus difficile pour ces réseaux d'obtenir les émissions exclusives, les principales émissions, que par le passé.
    Oh.
    Chaque année, en mai, ils assistent aux projections à Los Angeles et achètent les meilleures émissions. J'y vais également, et chaque année, de moins en moins de produits sont disponibles. Ils sont déjà partis. Telle émission est déjà entre les mains d'untel. Cela veut dire que l'aspect exclusif de ce modèle opérationnel sera remis en question.
    Ce que je veux vraiment dire, c'est que, dans 10 ans, ce modèle sera presque disparu. Nous vivons en ce moment une période de transition, et cela va causer beaucoup de stress.
    En quoi votre analyse est-elle différente? Je suis sûr qu'elle l'est. Mais quel est votre point de vue sur le marché télévisuel très distinct au Québec? Avez-vous l'impression que certains producteurs, certains radiodiffuseurs comme vous partagent votre point de vue?
    Je le crois, tout à fait. C'est intéressant, parce que nous travaillons avec quelques producteurs québécois et produisons quelques émissions à Montréal. Ils ont l'avantage de la deuxième langue. C'est quelque chose que vous voyez à l'échelle mondiale, lorsque vous allez dans... J'étais récemment en République tchèque, et dans certaines régions d'Europe de l'Est, on ne se préoccupe pas autant de choses liées à la langue. C'est la langue anglaise qui définit vraiment la vitesse à laquelle les marchés sont pénétrés, mais cela arrive partout. C'est en partie ce qui explique pourquoi nous avons choisi des marchés anglophones pour l'exportation, car nous savions que ce seraient les marchés les plus mis à mal. Vous n'avez pas les mêmes... Tout le monde en parle. J'ai parlé à quelqu'un aux Pays-Bas, où le niveau d'anglais oral est très élevé, et il s'accélère plus vite que, disons, en Italie, où ce n'est pas aussi élevé.
    Je crois qu'une partie de... Cela s'en vient au Québec, mais ce sera plus lent, et le Québec a un système différent qui va résister un peu plus pour ce qui est de la vitesse.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Nous passons maintenant à M. Breton.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Harris.
    Je ne m'y connais pas beaucoup en matière de distribution et d'exportation de films. Comment fonctionne la rémunération des distributeurs et des exportateurs de films? Est-ce une rémunération ou une redevance fixe? Est-ce en fonction des recettes du film? Pouvez-vous nous l'expliquer, s'il vous plaît?

[Traduction]

    En ce moment, la façon dont les modèles de rémunération fonctionnent, c'est que nous nous associons avec le producteur du film, qui a conclu une entente avec les créateurs, les régisseurs de plateaux d'extérieur et ainsi de suite, et on nous remet un film fini ou on nous présente un scénario avec la promesse de livraison d'un film fini.
    Nos membres examinent les perspectives du film et arrivent avec un montant qu'ils croient que le film engendrera. L'analogie que nous avons utilisée, c'est celle d'un agent immobilier qui a accepté de vendre votre maison. Nous connaissons les meilleurs acheteurs de votre maison et nous savons comment mieux la mettre en marché; toutefois, nous vous garantirons aussi à tout le moins un certain montant pour votre maison et nous mettons en jeu notre revenu comme point de départ pour garantir ce rendement.
    Le producteur est ensuite en mesure de prendre l'argent qui a été garanti et d'aller voir une banque, un organisme de financement ou un fonds de capital-investissement et de dire: « Nous avons un intérêt dans le marché canadien à hauteur de cette somme. » C'est la façon dont le producteur garantit le reste du financement pour le budget du film.
    Lorsque le film est livré, nous sommes responsables de le sortir sur le marché, d'approcher les exploitants de salles et les Amazon, Netflix, Bell, Corus et OUTtv du monde et de toucher des droits de licence, des répartitions des recettes ou des montants transactionnels pour l'exploitation de ce film.
    Quand ces fonds reviennent, nous récupérons un certain pourcentage des droits pour nous-mêmes. Nous récupérons les dépenses que nous avons engagées ce faisant et le montant garanti comme promis. Tous les fonds restants, pour la plupart, seront remis au producteur, puis seront envoyés à ses participants aux bénéfices, peu importe comment cela a été négocié.
    Nous demandons un petit montant en tant qu'intermédiaire, mais un intermédiaire qui assume un risque financier associé à ses investissements. C'est ce risque qui permet ensuite à Téléfilm ou à n'importe quel organisme de financement qui participe de sentir que, oui, il y a un intérêt du marché pour ce long métrage, et ses investissements seront récupérés.
(1250)

[Français]

    C'est très intéressant, merci. Vous avez bien vulgarisé pour nous la manière dont cela fonctionne. Ce n'est surtout pas facile à comprendre pour tout le monde. Je ne sais pas si d'autres savaient comment cela se faisait.
    Je ne sais pas s'il me reste beaucoup de temps de parole, mais j'ai une dernière question.
    Beaucoup de gens nous ont parlé de piratage. Nous en avons parlé très rapidement aujourd'hui après votre arrivée. Comment décrivez-vous la situation actuelle, madame Harris et monsieur Danks? J'imagine que la situation a empiré, mais j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

[Traduction]

    À mon avis, c'est un problème continu. C'est quelque chose qui s'inscrit à l'extérieur du domaine dont nous parlons, mais c'est vraiment un énorme enjeu.
    La notion selon laquelle la « gratuité » est un modèle opérationnel a infiltré l'idée selon laquelle vous devriez avoir accès à de la diffusion en continu. Nous ne pouvons pas calculer ce que nous perdons chaque année, mais nous savons que certaines de nos émissions exclusives sont diffusées en ligne.
    Par exemple, nous avons une émission qui a été mentionnée, RuPaul's Drag Race. Au total, probablement 10 ou 12 sites présenteront un nouvel épisode de cette émission sur YouTube dans l'heure suivant sa diffusion, donc vous devez écrire à YouTube et lui demander de la retirer.
    C'est un problème très réel pour toute l'industrie. S'il y a une chose sur laquelle nous pouvons tous nous entendre, c'est que le piratage est un problème et que nous perdons beaucoup plus d'argent que nous le devrions. De plus, nous ne corrigeons pas ce problème pour ce qui est de l'obtention de contenu gratuit. Nous devrions nous efforcer d'élaborer des modèles de micropaiement et des choses qui commencent à combler cette lacune.
    Tout a commencé dans le domaine de la musique, avec iTunes et ainsi de suite. Nous devons explorer cela davantage et faciliter l'apparition de modèles de micropaiement. Cela aidera aussi à endiguer le piratage.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous avons appuyé fermement la demande de Franc-Jeu qui a été présentée au CRTC, car, comme Brad l'a dit, il peut être très coûteux d'essayer de débarrasser Internet de quelque chose qui est rendu accessible sur une myriade de sites. La difficulté de la structure actuelle, c'est que vous devez passer en revue un site après l'autre pour retirer tout ce qui apparaît. C'est très coûteux, et cela exige beaucoup de temps; et si vous réussissez, c'est comme le jeu de la taupe. Vous verrez le contenu apparaître dans un autre endroit.
    Nous sommes très favorables à un certain type de structure rationalisée qui créerait un système en fonction duquel la personne qui est propriétaire de contenu, distributeur de contenu ou titulaire de licences a un moyen facile de présenter une demande pour aider à protéger ce contenu au sein du système canadien. Nous avons été déçus que le CRTC ne l'accepte pas, mais nous croyons qu'il doit y avoir une certaine solution au piratage, car les répercussions touchent tout le monde — les créateurs, les artistes, les radiodiffuseurs et les distributeurs — et nous ne faisons pas assez pour endiguer cette marée.

[Français]

    Merci.
    M. Boissonnault va utiliser le reste du temps de parole qui m'est alloué.
(1255)
    D'accord.

[Traduction]

    J'aime cette idée de micropaiement, et vous pourriez peut-être nous en donner un aperçu. Il ne me reste pas beaucoup de temps d'écran — peut-être durant mon voyage de retour à la maison — mais j'ai commencé à faire le suivi d'émissions exclusives, parce qu'elles sont accessibles sur iTunes, et elles sont sur d'autres...
    Je paie maintenant pour les épisodes. Parfois, j'achète la saison complète. Je fais le suivi de mes dépenses, et même lorsque je paie par émission pour la saison complète, pour les émissions que je veux regarder, c'est encore moins cher que ce que me coûterait le câble par mois. Je peux choisir mon propre menu. Ce n'est pas du contenu gratuit, et je n'écoute pas de contenu en continu.
    Comment pouvons-nous, en tant que gouvernement, encourager les organismes de réglementation et l'industrie à rendre ces micropaiements plus accessibles?
    Je crois qu'il y a deux enjeux. Nous devons mieux concevoir la technologie et l'adopter, mais nous devons aussi nous ouvrir davantage à une discrimination par les prix.
    Le problème dans le système de radiodiffusion, par exemple, c'est que vous négociez vos frais avec une EDR; vous ne négociez pas avec un consommateur. Et c'est un réel problème. Chaque émission a sa propre discrimination par les prix.
    Vous avez parlé de RuPaul's Drag Race. Lorsque l'émission sera diffusée dans quelques semaines, ce sera la première émission au Canada sur iTunes pendant au moins un mois. Ce sera la première émission pour nous qui sera radiodiffusée et la première émission sur notre service par contournement.
    Les consommateurs s'attachent vraiment en premier aux plateformes. Vous parliez de plateformes. C'est là qu'ils commencent, puis ils trouvent le contenu dont ils ont besoin. L'accès est la priorité sur le plan du contenu. Je crois que si l'initiative Parlons télé était vraiment axée sur le consommateur, elle aurait ouvert tout le marché de gros et fourni aux consommateurs plus de contenu, mais elle aurait changé la structure tarifaire, donc cela ne s'est pas fait au moment de la négociation.
    Si quelqu'un regarde un forfait de 10 chaînes pour lequel il vient de dépenser 10 $, il croit qu'il paie 1 $ par chaîne, mais en réalité, il paie 9,50 $ pour une chaîne — probablement détenue par l'EDR — et toutes les autres reçoivent environ 5 ¢. Le consommateur ne voit pas cela.
    Il s'agit d'éliminer cet obstacle et de créer des modèles tarifaires. Vous avez des émissions où les gens vont payer par transaction, où ils paieront une somme dans un forfait en vertu d'un abonnement et paieront pour les publicités. Notre travail en tant que radiodiffuseurs est de trouver le prix qui fonctionne pour chaque consommateur et de le faire le plus vite possible. Plus longtemps le système restera figé tel qu'il l'est en ce moment, plus il sera difficile de briser les modèles et de créer de nouveaux modèles tarifaires qui sont logiques pour le consommateur.
    Nous devrons terminer sur cette note.
    Merci à vous deux. C'était vraiment intéressant, et beaucoup de questions ont été générées.
    Cela met fin à notre séance.
    La séance est levée.
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