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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 036 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 novembre 2016

[Enregistrement électronique]

(1135)

[Traduction]

    Bonjour à tous. La séance est ouverte. Quelques personnes ne sont pas encore arrivées, mais je crois que nous devons commencer.
    Je suis désolée d'avoir fait attendre les témoins. Nous avons eu un vote, ce qui a retardé la séance.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, souhaitez-vous prolonger la séance d'une demi-heure? Nous pouvons le faire avec Google pour les témoins à distance. Nous avons la salle — personne n'en a besoin après nous — et si certains d'entre vous doivent partir, il faudra six membres pour qu'il y ait quorum; j'espère que ce sera possible.
    Qu'en pensez-vous? Est-ce que tout le monde pense que cela en vaut la peine? Les gens se sont préparés et ce serait un peu injuste de leur enlever du temps de parole.
    Jusqu'à quelle heure se prolongerait-elle?
    Jusqu'à 13 h 30 environ.
    Je dois partir à 13 heures, malheureusement.
    Personne ne se soucie de moi de toute façon.
    Des voix:Oh, oh!
    Nous pouvons demander au bureau du whip de regarder cela.
    Nous allons commencer. Ce matin, pour la première heure de la séance, nous recevons M. Martineau, de Cogeco Média, qui se joint à nous par vidéoconférence. Nous recevons également Jean-François Dumas d'Influence Communication et Phillip Crawley, éditeur et directeur général du Globe and Mail. Enfin, nous recevons Brian Liley de Rebel Media, en remplacement de M. Levant.
    Voilà pour notre première heure. Étant donné l'heure et le nombre de témoins, je vais vous demander de présenter un exposé de cinq minutes au lieu des 10 minutes habituelles. Ensuite, nous tiendrons une séance interactive de questions et réponses; donc s'il y a certains sujets dont vous n'avez pas pu parler, je suis certaine qu'on vous posera des questions et que vous pourrez les aborder.
    Notre premier témoin est M. Martineau. Vous avez cinq minutes, monsieur.

[Français]

    Je vais vous faire part de certaines observations tirées de 30 années d'expérience dans les milieux de la radio et de la télévision, dans des marchés soit primaires, soit intermédiaires. J'ai travaillé à Trois-Rivières et à Montréal, et je travaille depuis maintenant cinq ans ici, à Québec.
    D'entrée de jeu, je dirai que, dans les marchés où j'ai travaillé, la population avait un accès passablement facile à l'information locale. Même dans les marchés de plus petite taille, il y a des journalistes en fonction 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, qui sont prêts à intervenir et à entrer en ondes n'importe quand lorsqu'il se passe quelque chose. Ils sont aussi prêts à alimenter les sites Internet des compagnies pour lesquelles j'ai oeuvré.
    Ici, à Québec, la population est bien desservie en matière d'information, puisqu'il y a deux quotidiens, deux chaînes de télé qui présentent quotidiennement des informations locales ainsi qu'une dizaine de stations de radio, dont la moitié sont des radios parlées. Avec une telle présence médiatique, vous conviendrez que la population a l'embarras du choix pour ce qui est de s'informer.
    Cela force également certains médias à déployer davantage de moyens pour informer la population et se distinguer, par exemple en investissant dans le journalisme d'enquête.
    Bien sûr, la bataille de l'information se livre également sur le terrain d'Internet. Au cours des deux ou trois dernières années, plus particulièrement, les médias ont fait de plus en plus d'efforts pour être présents sur le Web. Les sites sont maintenant mis à jour périodiquement, 7 jours sur 7, en tout temps. Le public a donc accès à de l'information instantanée.
    Cela dit, on constate qu'on en demande de plus en plus aux journalistes. Avec la multiplication des plateformes, les journalistes doivent maintenant préparer des reportages, faire des interventions en direct, écrire un texte pour le Web et être actifs sur les réseaux sociaux.
    En conclusion, le public n'a jamais eu autant de sources d'information, à mon avis. La difficulté que cela entraîne, c'est que le public doit maintenant distinguer les sites d'information crédibles d'avec ceux qui ne le sont pas. Les journalistes, quant à eux, doivent s'acclimater rapidement à cette nouvelle réalité. Ils doivent traiter la nouvelle de plus en plus rapidement sur diverses plateformes, tout en étant rigoureux.
    Voilà qui complète ma présentation. Je suis disponible pour répondre à vos questions.
(1140)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Jean-François Dumas.

[Français]

    Madame la présidente, membres du Comité, je vous remercie de cette invitation aujourd'hui.
    Les commentaires que je vais faire au cours des prochaines minutes sont basés sur notre expertise des 15 dernières années. Nous avons fait beaucoup d'analyses, de recherches et d'observations sur l'écosystème médiatique. Nous avons également réalisé deux analyses pour le compte du Conseil provincial du secteur des communications du Syndicat canadien de la fonction publique sur l'ensemble des régions et sur l'information locale dans les différentes communautés.
    En fait, l'ensemble de nos observations tend à démontrer que le volume et le type d'information locale se veut un important baromètre social, politique et économique d'une région. Autrement dit, l'état de santé d'une région s'exprime beaucoup par ses médias. On remarque souvent que plus les médias sont actifs et dynamiques, plus les régions sont dynamiques sur les plans économique et politique.
    Les acteurs de la société, qu'il s'agisse des politiciens, des citoyens ou des médias, croient souvent à tort que l'importance d'un phénomène de société est directement proportionnelle à sa médiatisation. Plus les médias parlent d'un sujet, plus on pense que c'est important. Ce n'est pas vrai, mais c'est ce qu'on croit. Par conséquent, on a remarqué, avec les années, que l'ensemble des régions tendaient à disparaître dans l'écosystème médiatique.
    Au cours des 15 dernières années, l'ensemble des régions du Québec, dans l'ensemble de l'écosystème médiatique québécois, a perdu 88 % de sa vélocité, de son poids. Au début des années 2000, environ 8 % de tout le contenu médiatique quotidien au Québec portait sur les régions. Aujourd'hui, en 2016, c'est moins de 1 %. Les particularités régionales tendent donc à disparaître. De plus en plus, le même contenu est diffusé partout au Québec, de Gaspé à Gatineau, dans l'ensemble de la province. On a remarqué que ces particularités tendaient complètement à disparaître et que les régions disparaissaient peu à peu de l'écosystème médiatique. C'est ce qui se passe au Québec.
    On a également fait des recherches et des analyses ailleurs au Canada sur les communautés culturelles, notamment les francophones hors Québec.
    Pour vous donner une idée, selon Statistique Canada, plus de 3 % de la population canadienne est constituée de francophones hors Québec, mais ceux-ci ne représentent pas la moitié de 1 % de toutes les nouvelles portant sur l'ensemble des enjeux au Canada.
    Je vais vous donner quelques points de comparaison. Les francophones hors Québec représentent, sur le plan de la médiatisation, l'équivalent de l'horoscope dans les médias canadiens. Les francophones hors Québec représentent environ cinq minutes de la médiatisation d'une partie de hockey moyenne au Canada. Essentiellement, du point du vue médiatique, les communautés culturelles francophones hors Québec disparaissent peu à peu elles aussi de l'écosystème médiatique.
    Rappelons-nous ce qu'on disait plus tôt: les gens croient que plus on parle d'un sujet, plus il est important. Ils croient que quand on n'en parle pas, ou bien il n'y a pas d'enjeu, ou bien c'est réglé. Ainsi les régions, comme plusieurs communautés, disparaissent peu à peu des médias.
    Quand on analyse en détail les médias qui servent le mieux l'information locale, on fait des découvertes fascinantes. Le média par excellence, celui qui a le plus d'influence dans l'écosystème médiatique, c'est généralement la télévision. La télévision joue un rôle très important lorsqu'il s'agit de transformer et d'influencer les populations, de changer des modes ou d'avoir des effets à très court terme. La télévision génère quotidiennement 13 % de toutes les nouvelles au Canada. Cependant, en matière d'information locale, la télévision ne génère que 5 % du contenu local.
    La télévision est malheureusement un des médias qui servent le moins bien les communautés locales sur le plan de l'information locale. Il y a de moins en moins de stations locales, il y a de moins en moins de personnel et il y a ce phénomène qu'on appelle la « McDonaldisation » du contenu, c'est-à-dire que c'est le même contenu qui est présenté à peu près partout pour toutes les régions.
    On a même remarqué que, lorsqu'il s'agit d'information locale sur les grandes chaînes nationales, on va chercher un pendant national pour couvrir une région. Autrement dit, si on veut couvrir la Gaspésie, il faut qu'il y ait un intérêt pour les Montréalais, sinon on n'en parle pas. Cela contribue à affaiblir la représentativité des régions et des communautés, tant au Québec qu'ailleurs au pays, dans l'ensemble de l'écosystème médiatique.
    Voilà.
    Merci, madame la présidente.
(1145)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Crawley, du Globe and Mail. Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Je suis à la tête du Globe depuis 1998. Je suis également coprésident de la Presse canadienne et je siège au conseil de Journaux canadiens et de l'Association mondiale des journaux. Avant mon arrivée au Canada en 1998, j'ai été rédacteur en chef ou directeur général de journaux en Europe, en Asie et en Nouvelle-Zélande. Je regarde souvent au-delà des frontières pour observer les tendances et trouver des solutions.
    J'ai lu le témoignage de mes collègues de l'industrie; j'éviterai donc les répétitions. Je suis ici aujourd'hui simplement pour vous dire pourquoi le Globe and Mail est un peu différent des autres journaux dont vous avez entendu parler. Nous subissons les mêmes perturbations, mais nous y réagissons différemment. Le Globe souffre lui aussi de la chute des recettes nettes de publicité imprimée. Elles baissent d'environ 10 % par année depuis quatre ans. En fait, nos recettes de publicité imprimée avaient baissé de 40 % en 2015 par rapport à 2011.
    Ce qui rend le Globe différent et nous place en meilleure position, c'est que nous avons continué d'investir dans le journalisme de grande qualité, parce que nous croyons qu'en faisant cela, les lecteurs paieront pour avoir accès à du bon contenu, que ce soit sur papier ou sur une plateforme numérique. Aucun autre journal au Canada n'a su tirer des revenus importants de la facturation des lecteurs pour l'accès au contenu numérique. D'autres ont essayé, mais ont échoué parce que leur contenu n'était pas assez convaincant ou exclusif pour justifier un prix. Cette année, nos recettes associées au contenu payant ont augmenté de 7 % et nous nous attendons à ce qu'elles continuent d'augmenter. Bientôt, les recettes provenant des abonnements aux formats papier et numérique dépasseront nos recettes de publicité.
    Nos articles d'enquête papier et numériques gagnent des prix nationaux et internationaux. Je pourrais vous donner plusieurs exemples, mais je crois que le plus important a été notre enquête exhaustive sur le marché de l'immobilier en Colombie-Britannique. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a réagi en imposant une taxe aux acheteurs étrangers et le gouvernement fédéral a annoncé des mesures pour corriger les excès du marché. Nous avons aussi réalisé des articles d'enquête sur le suicide chez les militaires, qui ont nécessité un travail important. Un de nos journalistes a passé 18 mois à fouiller tous les avis de décès du Canada pour découvrir qu'il y en avait eu plus de 50, parce que le gouvernement ne donnait pas cette information.
    Ce que je veux dire, c'est que notre travail est important et qu'il faut veiller à ce qu'il se poursuive. Il faut pour cela des ressources et un engagement à long terme. De nombreux journaux du Canada n'ont plus assez de ressources ou de soutien. C'est maintenant la qualité de la propriété d'un journal qui fait la différence. Heureusement, le propriétaire du Globe and Mail est passionné par le journalisme de qualité et a à coeur de changer les choses au Canada.
    C'est Woodbridge, l'organe d'investissement de la famille Thomson, qui est propriétaire du journal. La famille possède des médias au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis depuis trois générations. Elle croit en l'indépendance éditoriale depuis les débuts de Roy Thomson et elle me permet d'engager les meilleurs talents. Cette expérience et cette constance sont très importantes. On a pu constater que les changements fréquents de propriétaires ne favorisaient pas le journalisme durable de qualité.
    Vous ne verrez pas Woodbridge demander de l'aide ou des subventions, mais nous croyons en l'égalité des chances. Les règles du jeu ne sont pas équitables si l'argent des contribuables versé au diffuseur public rend plus difficile la concurrence pour les recettes de publicité numérique. La CBC est le principal concurrent du Globe parmi les médias canadiens pour l'espace publicitaire numérique. Mes collègues de l'industrie et moi ne sommes pas d'avis que l'octroi de fonds supplémentaires à la CBC aidera les journaux locaux ou nationaux.
(1150)
    Je crois qu'il est utile d'examiner ce qui s'est passé au Royaume-Uni, avec la BBC. J'invite le Comité à lire le livre blanc du gouvernement britannique, qui restreint la capacité de la BBC à accepter la publicité numérique sur ses sites Web nationaux. Récemment, on a annoncé que la BBC allait investir 8 millions de livres pour permettre à quelque 150 journalistes de couvrir les conseils locaux, à partir de l'année prochaine. La BBC offrira aussi ses vidéos aux journaux locaux.
    Le Globe a pu obtenir de l'argent du gouvernement sous la forme de crédits d'impôt numériques offerts par la province de l'Ontario. Cela nous a permis d'engager du personnel doté de capacités numériques — des journalistes, des développeurs, des scientifiques des données — afin de nous aider à passer rapidement du papier au numérique et à nous adapter aux changements dans les habitudes de consommation des lecteurs. Malheureusement, ces crédits d'impôt ne sont plus offerts aux journaux et j'invite le Comité à songer aux façons dont ils pourraient faciliter cette transition inévitable dans l'ensemble du Canada.
    Je vais revenir sur l'importance de l'uniformisation des règles pour mon point final: les règles sont inéquitables si les sociétés numériques étrangères sont exemptées des règles fiscales canadiennes qui s'appliquent à la vente de publicité.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Notre prochain témoin est M. Lilley, de Rebel Media. Allez-y, monsieur.
    Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité ici aujourd'hui. Certains d'entre vous me connaissent déjà tandis que pour d'autres, je suis un nouveau visage. Je suis sur la Colline depuis 10 ans. J'ai d'abord été le chef de bureau à Ottawa pour Standard Radio, une station d'Astral, qui a depuis été achetée par Bell.
    Je travaille dans les médias — imprimés, radio, télévision et Internet — depuis 16 ans. Je travaille dans ce domaine depuis assez longtemps pour avoir connu la période où l'on coupait le ruban avec une lame de rasoir, mais je suis assez jeune pour avoir été parmi les premiers utilisateurs d'Internet. J'ai travaillé pour la plupart des grands diffuseurs et je travaille encore pour l'un d'entre eux en plus de travailler pour The Rebel, puisque j'anime une émission de radio à News Talk 580 CFRA. Je ferai toutefois mes commentaires en mon nom et au nom de Rebel; je ne représente pas CFRA ou son propriétaire, Bell Média.
    La plateforme Rebel Media est née après la chute de Sun News. C'est peut-être en raison de cette expérience que je ne vous dirai pas aujourd'hui que nous avons besoin d'aide ou que l'industrie des médias a besoin d'aide, mais que la meilleure chose à faire, c'est d'uniformiser les règles et que pour ce faire, vous pourriez vous écarter du chemin. Sun News a été victime de la bureaucratie et des nombreux mandats imposés par le gouvernement qui n'ont pas été associés à un soutien suffisant. Je serai heureux de répondre à vos questions à cet égard.
    Je disais donc que The Rebel est née des cendres de Sun News. Ezra Levant et moi avons créé la plateforme dans notre salon et avons commencé à faire des vidéos le jour de la fermeture de Sun News. Les gens riaient de nous: deux gars qui avaient animé de grandes émissions de télévision et avaient suscité de nombreuses controverses, qui se retrouvaient maintenant à travailler dans leur salon. Eh bien aujourd'hui, un an et neuf mois plus tard, nous avons 25 employés, ce qui est peu par rapport à d'autres, mais nous embauchons, ce qui est rare dans l'industrie.
    Nous avons 425 000 abonnés sur YouTube. Lorsque j'ai commencé à préparer mes notes hier, nous étions à 422 000 abonnés. Aujourd'hui, c'est 425 000, et le nombre d'abonnés ne fait que croître. Nous avons plus d'abonnés YouTube que tout autre média traditionnel. Ce n'est pas autant que le nombre d'abonnés à la chaîne de mon voisin chez VICE, mais c'est probablement le plus important parmi les médias basés au Canada. Nous avons 105 millions de visionnements. Nous sommes financés à 100 % par les abonnés et nous ne recevons aucun financement public. Nous avons assuré notre croissance en offrant le contenu que les gens voulaient voir.
    Une de nos équipes revient tout juste d'une conférence des Nations Unies en Inde, avec l'OMS. Nous avons une équipe à Marrakech, au Maroc, pour la conférence COP et nous prévoyons faire plus de reportages du genre, en plus de nos commentaires d'opinion.
    Je suis d'accord avec M. Crawley et les autres: les règles du jeu ne seront pas équitables tant que le diffuseur public, le diffuseur d'État, appelez-le comme vous le voudrez, voudra plaire à tout et chacun. Le Parlement a confié un mandat à la CBC. Ce mandat est établi dans la Loi sur la radiodiffusion et je vous dirais que la CBC contrevient à la loi et à son mandat depuis un long moment déjà. Il n'y a aucune raison pour que la CBC offre un service de musique en continu qui fait concurrence à Apple, Google ou Spotify et à toutes les stations de radio privées du pays. Il n'y a aucune raison pour qu'elle offre des plateformes d'opinion exclusivement numériques. Lorsque les gens s'en plaignent, on leur dit que la présence numérique est nécessaire. Personne ne dira le contraire, mais la CBC ne fait pas la promotion de ses émissions de radio ou de télévision, elle crée de nouvelles plateformes.
    Il y a plusieurs années, j'ai fait un reportage sur Radio-Canada, qui avait décidé que l'Internet avait besoin de plus de pornographie gratuite. La société avait acheté une série française et la diffusait gratuitement en ligne. C'était choquant. Je crois que nous savons tous que l'Internet regorge de pornographie; nous n'avions pas besoin d'investir l'argent des contribuables dans ce contenu.
(1155)
    Il vous reste une minute.
    Nous n'avons pas besoin des subventions du gouvernement pour continuer. Nous n'avons pas besoin d'une réglementation non plus. Je sais que de nombreuses personnes s'inquiètent de la concentration de la propriété des médias dans leur collectivité. Ce sont certaines des règles en place qui ont favorisé cette concentration. Lorsqu'on restreint l'accès des petits propriétaires locaux aux capitaux étrangers, il y aura moins de personnes qui pourront acheter les médias, que ce soit la presse écrite, la radio ou la télévision, et qui pourront garder un contrôle local. C'est ainsi que la chaîne Osprey est devenue Sun Media, que Sun Media est devenue Postmedia et qu'il n'y a maintenant qu'une seule mégasociété.
    Je vais m'arrêter là, mais j'espère que vous songerez à la déréglementation plutôt qu'à l'ajout de nouveaux règlements et qu'à défaut de réduire les dépenses de la CBC, vous songiez à l'obliger à respecter son mandat.
    Merci.
    Pour terminer, nous entendrons le témoignage du représentant de VICE.
    Monsieur Gruzuk, vous avez cinq minutes. Allez-y.
    Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je suis Michael Gruzuk. Je suis le directeur des nouvelles et de la numérisation pour VICE Canada. Merci beaucoup d'avoir invité VICE comme témoin ce matin.
    Dans mes remarques d'aujourd'hui, je vais parler de la façon dont VICE communique les nouvelles locales dans un monde où les consommateurs ont de plus en plus l'embarras du choix.
    Pour ceux qui nous connaissent un peu, permettez-moi de vous en dire un peu plus à notre sujet. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis nos modestes débuts en tant que publication gratuite distribuée dans les rues de Montréal et fondée par les Canadiens Shane Smith et Suroosh Alvi. Nous sommes maintenant la plus importante entreprise médiatique ciblant les jeunes au monde. Nous sommes un carrefour de nouvelles, de contenu et de culture, et un grand producteur de vidéos primées qui sont visionnées par des millions de jeunes dans le monde entier sur notre réseau mondial inégalé. Comptant maintenant des bureaux de production et de rédaction dans plus de 35 pays, VICE communique avec des centaines de millions de jeunes par mois sur toutes les plates-formes, ce qui comprend 11 canaux numériques, la télévision numérique, la téléphonie mobile et, de plus en plus, le cinéma.
    Au Canada, nous avons enregistré une croissance fulgurante ces dernières années. Nous avons maintenant des bureaux à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Nous maintenons un réseau solide de pigistes variés partout au pays. Nous produisons des centaines d'heures de contenu original, détaillé et souvent provocateur — je le reconnais — axé sur des histoires à propos de personnes et d'endroits sous-représentés, tout en demeurant résolus à préserver notre style de récit immersif et la diversité de nos points de vue.
    Pour parler un peu des nouvelles, en 2014, VICE a lancé avec succès le modèle numérique de référence verticale de VICE News, qui est une section distincte de vice.com. C'est là où nous produisons des vidéos détaillées et du contenu rédactionnel dans des communautés au Canada et dans le monde entier. En septembre dernier, nous avons célébré le lancement de VICE Québec, notre modèle numérique de référence verticale pour le marché québécois. En fait, l'équipe a récemment remporté deux prix Gémeaux pour des documentaires qui ont été produits l'an dernier. Ces deux documentaires sont d'excellents exemples de récits de type « parlons des localités sur la scène mondiale » que VICE s'engage à raconter. L'entreprise réussit à raconter des histoires survenues à Montréal — ou dans un cas précis, dans une petite collectivité dans le golfe du Saint-Laurent — à un auditoire québécois et à un auditoire mondial.
    Le mois dernier, nous avons également lancé VICE News Tonight, une nouvelle émission de nouvelles novatrice qui est diffusée sur VICELAND et sur HBO aux États-Unis. C'est notre première incursion dans les nouvelles de soirée, avec un format ciblant les jeunes. Hier, nous avons lancé notre propre site canadien de VICE News. C'est très captivant pour nous car nous offrons désormais à notre auditoire la perspective de VICE sur les nouvelles canadiennes et des nouvelles d'un point de vue canadien.
    Bien que nous soyons très présents à l'heure actuelle dans des centres comme Toronto, Montréal, Ottawa et Vancouver, nous avons passé beaucoup de temps à voyager dans ce pays ces dernières années avec un engagement ferme à couvrir les régions oubliées — le Nord, le Nunavut, Fort McMurray et le Nord du Manitoba, par exemple. Les investissements que nous effectuons pour raconter les histoires locales ne sont pas les briques et le mortier traditionnels, mais nous nous rendons dans ces localités et nous voulons raconter ce qui s'y passe. Nous couvrons les situations qui nous intéressent et nous les racontons d'une façon à laquelle les jeunes peuvent s'identifier. Nous constatons que les jeunes de partout dans le monde se reconnaissent dans ces histoires. Nous pouvons assurer une présence sans être basés à un seul endroit.
    Ce qui est incroyable avec VICE, c'est que lorsque nous produisons du contenu — prenons l'exemple de notre couverture de la radicalisation à Calgary —-, nous pouvons traduire l'article pour qu'il soit publié dans 35 pays dans le monde, pour raconter ce qui se passe dans les localités canadiennes aux jeunes du monde entier.
    Notre approche est très simple, et c'est le message que je tiens à véhiculer aujourd'hui: nous sommes une tribune agnostique, ce qui signifie que nous ne sommes pas liés à des formats précis. Nous nous adressons directement aux membres de notre auditoire, quand ils le veulent et de la façon dont ils le veulent. Notre méthode nous permet de rejoindre des auditoires à l'extérieur de notre réseau et repose activement sur les médias sociaux pour accroître la participation. Grâce aux médias sociaux, au Canada, VICE rejoint un auditoire de plus de 30 millions de personnes par mois.
    À l'ère où les médias traditionnels sont de plus en plus concentrés et que les salles de nouvelles ferment leurs portes, nous nous tournons vers des partenariats stratégiques et nous y sommes ouverts. VICE noue actuellement des partenariats qui cadrent avec notre image de marque, notamment avec Google, Rogers, Facebook et Live Nation. Ces partenariats permettent à VICE d'offrir du contenu sur toutes les tribunes et à rejoindre un auditoire à l'extérieur de notre réseau. Par exemple, VICE a récemment lancé Daily VICE, qui est le fruit d'un partenariat avec Fido. Daily VICE est un fil vidéo de cinq à huit minutes qui couvre jusqu'à trois histoires de nouvelles, de contenu ou de culture. La fin de semaine dernière, nous avons rapporté une charmante nouvelle locale sur le parc situé en face de la rue où Leonard Cohen a grandi.
    Pour terminer, nous savons que les coûts de production associés aux émissions de nouvelles traditionnelles sont très élevés, ce qui fait en sorte que les organes de presse ont du mal à joindre les deux bouts ou doivent fermer leurs portes parce qu'ils n'arrivent pas à suivre le rythme de l'évolution du paysage médiatique. Notre modèle tient compte de ces coûts pour que nous puissions produire des nouvelles locales, nationales et internationales que les communautés locales et même les télédiffuseurs nationaux ont du mal à couvrir. Nous pouvons venir en aide à d'autres médias pour répondre à leurs besoins de programmation locaux. Si ces organes de presse font appel à VICE pour produire du contenu qui répond aux besoins des consommateurs de la génération du millénaire dans leur marché, alors nous pouvons partager ce contenu avec eux.
(1200)
    La révolution numérique a énormément perturbé l'industrie des médias, mais elle a également fourni aux créateurs de contenu l'incroyable possibilité de raconter des histoires et de les diffuser en dehors de leurs propres quartiers. Aucune autre entreprise médiatique ne peut imiter VICE, mais nous pouvons aider d'autres entreprises en prêtant notre voix au contenu local, tout en rejoignant l'auditoire mondial qu'elles veulent rejoindre.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant commencer la période de questions. La première série sera des interventions de sept minutes, ce qui comprend les questions et les réponses. Je demanderais à tout le monde d'être le plus concis possible pour que l'on puisse obtenir le plus de renseignements possible dans le cadre de la discussion.
    Nous allons commencer avec Mme Dabrusin, du Parti libéral.

[Français]

     Merci à tous les témoins.

[Traduction]

    C'était un excellent aperçu de ce qui se passe dans nos médias au Canada.
    Monsieur Crawley, je veux tout d'abord poser quelques questions. Je suis en train de lire un livre de John Stackhouse intitulé Mass Disruption. Je le lis sur un lecteur électronique, ce qui se rapporte à certains points qui ont été soulevés. Tout d'abord, il utilise le terme « randomonium » en anglais et traite de la façon dont un grand nombre de médias nous fournissent des nouvelles instantanées de façon un peu aléatoire, ce qui semble faire opposition au journalisme d'enquête. De nombreux témoins ont parlé des différentes façons dont nous devrions appuyer la presse écrite, mais également d'autres formes de médias.
    Sur quoi devrions-nous nous concentrer en tant que Comité dans le cadre de cette étude? Devrions-nous mettre l'accent sur le journalisme d'enquête ou sur les médias pour communiquer les nouvelles?
    Je pense que cela dépend de vos priorités. De toute évidence, on a relevé un risque, à savoir que si les journaux locaux disparaissent — et il y a de fortes chances que de nombreux journaux cesseront d'exister au cours des 10 prochaines années —, on portera moins attention à la façon dont la démocratie fonctionne et il y aura moins de renseignements sur ce qui compte dans la vie communautaire.
    Pour ce qui est du contenu précis que nous choisissons de produire, dans notre cas, nous croyons que nous bénéficions le plus lorsque nous fournissons du contenu qui est important pour notre auditoire. Nous ne cherchons pas à mettre des pièges à clics. Nous pouvons tous le faire, mais nous ne le faisons pas. Nous avons un auditoire très précis en tête, et c'est un auditoire composé de citoyens préoccupés qui veulent des renseignements qu'ils ne peuvent pas obtenir ailleurs. De mon point de vue, le risque est que si les journaux locaux disparaissent, il y aura moins de gens pour couvrir les nouvelles.
    J'aimerais entendre le point de vue de VICE à ce sujet également.
    Vous avez dit que vous êtes une tribune agnostique, mais il en va de même pour le Globe.
    Si nous examinons ce qui se passera dans 10 ans d'ici, est-ce important de savoir si les nouvelles seront communiquées par l'entremise de la presse écrite ou d'autres tribunes? Ce que vous dites, c'est qu'il faut offrir aux lecteurs des services journalistiques solides. Lorsque nous examinons les recommandations que nous allons faire, ce que nous devrons examiner, c'est si nous voulons une tribune agnostique ou si nous voulons appuyer la presse écrite plus précisément.
(1205)
    De toute évidence, il y a encore de nombreux consommateurs qui veulent acheter un journal papier. Les gens ne se plaignent pas de ce que nous affichons sur le site Web; ils se plaignent que le journal n'a pas été livré à leur porte à 6 heures du matin. C'est encore la principale préoccupation de bien des gens: « Je n'ai pas pu lire mon journal au petit-déjeuner; qu'allez-vous faire pour y remédier? » Nous avons 150 000 abonnés qui veulent toujours un journal papier. Nous produisons le journal dans six différentes usines au pays. C'est très dispendieux. Les camions parcourent de longues distances pour livrer les journaux dans des endroits comme Regina, Saskatoon et Winnipeg.
    Il y a inévitablement une certaine érosion qui se produit. Elle est moins marquée qu'elle l'était il y a 10 ans, bien entendu, car il y a encore une forte demande pour la presse écrite. On a publié une entrevue cette semaine avec le rédacteur en chef du Wall Street Journal. On lui a demandé si, compte tenu de la transition des consommateurs vers le numérique, il voit encore l'utilité de publier un journal. Il a répondu que oui, sans contredit, car il y a encore de nombreuses personnes qui veulent le journal. Un million de journaux sont publiés chaque jour.
    Merci.
    En ce qui concerne VICE, l'un des témoignages qui m'a vraiment touchée est celui d'une représentante du Tyee. Elle a parlé d'un manque de possibilités pour les jeunes journalistes de se tailler une place dans l'industrie. Vous avez mentionné que vous êtes une tribune agnostique. Pensez-vous que nous devrions nous concentrer sur les médias ou sur le journalisme d'enquête? Si nous devons choisir, comment pouvons-nous le faire?
    C'est un équilibre que nous cherchons de plus en plus à atteindre. Chez VICE, nous visons à offrir des services journalistiques quotidiens. Nous devons couvrir ce qui se passe 24 heures sur 24, sept jours sur sept, mais nous sommes inspirés par de grandes institutions comme le Globe and Mail. Nous nous engageons à consacrer le temps qu'il faut pour offrir des services journalistiques qui ont une incidence.
    Nous avons publié une série de nouvelles l'an dernier — notamment sur les problèmes d'eau dans les collectivités des Premières Nations, une rencontre avec le premier ministre et la crise des opioïdes au Canada — où nous avons clairement montré que nous devions nous élever au-dessus du bruit et accorder la priorité à certains types de nouvelles. Nous estimons que l'auditoire de la génération du millénaire se soucie de ces histoires. L'expression « piège à clics » a été utilisée. C'est quelque chose que tout le monde mentionne et remarque, et surtout au cours de la dernière semaine, mais nous constatons plus que jamais que les gens ne font pas confiance à un vaste éventail de sources de nouvelles. Il nous incombe de nous assurer d'être une source crédible et d'investir dans des nouvelles qui revêtent une importance pour les jeunes concernant le monde, les changements climatique, et ainsi de suite...
    Il vous reste une minute.
    ... tout en conciliant également la nécessité de couvrir ce qui se passe dans le monde quotidiennement.
    Je peux peut-être vous demander de répondre également, monsieur Lilley, pour la dernière minute qu'il me reste.
    Je dirais rapidement qu'il nous incombe, en tant qu'entreprises médiatiques, d'investir dans ce qui compte pour nos auditoires. J'ignore ce que mes collègues en pensent, mais je serais très méfiant si quelqu'un arrivait et disait, « Bonjour, je suis du gouvernement et je suis ici pour vous aider; pouvons-nous contribuer à payer pour vos services journalistiques? »
    Nous avons assisté récemment à une conférence de l'Organisation mondiale de la santé où la délégation canadienne est demeurée silencieuse pendant que tous les autres participants ont interdit les médias. Nous couvrons les affaires gouvernementales, alors on nous soupçonne d'accepter de l'argent, peu importe qui nous l'offre. Je pense qu'il nous incombe de déterminer ce que notre auditoire veut et de lui offrir ce qu'il veut.
    Il me reste environ sept secondes et j'ai une dernière chose à dire.
    Vous avez une seconde.
    En une seconde, alors, les gens ont soulevé l'idée de jeter des bases pour appuyer le journalisme, en tant qu'option supplémentaire. Je ne pourrai pas obtenir une réponse, mais si vous pouvez en parler, j'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet également.
    Je peux certainement le faire.
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre M. Van Loan, pour les conservateurs.
    Les journaux adoptent clairement un point de vue vieux de 125 à 150 ans. Les partis politiques ont littéralement publié des listes des journaux acceptables selon le parti politique qu'ils appuient.
    Monsieur Crawley, votre prédécesseur au Globe, George Brown, a essayé sans relâche de faire tomber Sir John A. pendant plusieurs décennies. Ce n'était pas le type de médias grand public sérieux qui prétendent être objectifs comme nous voyons de nos jours ou que nous verrons plus tard. Mais maintenant, avec les perturbations, il y a des médias numériques comme Rebel et Vice, et je pense qu'ils adoptent clairement un point de vue précis.
    Nous avons entendu parler récemment que les gens s'inquiètent que nous vivons de plus en plus dans des bulles isolées où les gens partagent les mêmes points de vue et que les médias ne présenteront pas différentes perspectives. On laisse beaucoup entendre que même les médias soi-disant sérieux représentent leurs propres bulles, peut-être sérieuses, mais isolées de personnes qui partagent les mêmes opinions.
    Dans le cadre de notre étude, alors que nous tentons d'établir si les tendances sont bonnes ou mauvaises, mes questions pour M. Crawley, M. Lilley et M. Gruzuk sont les mêmes. Premièrement, pensez-vous que c'est forcément une mauvaise chose? Deuxièmement, y a-t-il des mesures que nous pouvons prendre, si vous croyez que c'est une mauvaise chose? Et troisièmement, y a-t-il quoi que ce soit que nous devrions faire?
(1210)
    Je vais répondre. Une des choses intéressantes que nous avons apprises au cours des derniers jours concernant le manque de confiance, c’est que c’est un des médias numériques du Canada, BuzzFee, dont je tiens à reconnaître le mérite, qui démasquait beaucoup des mensonges véhiculés et partagés sur les médias sociaux pendant la campagne.
    Les journalistes avec qui j’ai discuté la semaine dernière conviennent — et je dirais que c’est une source d’inspiration pour eux — que notre présence est d’autant plus nécessaire pour faire ressortir l’information importante et que nous devons nous assurer que nos articles sont bien documentés et bien placés. Je me dois d’être optimiste que cela portera ses fruits et que les publics trouveront ces articles.
    J’ai participé à une conférence gentiment organisée par Google où j’ai entendu une discussion entre Jeb Bush et Dan Rather qui se demandaient si nous vivions dans une société de post-vérité où, peu importe ce que vous dites, beaucoup de gens vont vous croire. Vous pouvez démystifier l’information, cela ne changera rien.
    Nous en avons eu un exemple récemment. Il sera intéressant de voir quel genre d’interaction auront le président élu Trump et certains journaux, comme The New York Times et The Washington Post.
    Je ne crois pas que les gens vivent dans des bulles autant qu’on le croit. Les rebelles s’appuient sur un point de vue. Je reçois des articles de téléspectateurs, de membres du public, du Globe, de VICE, de la SRC, bref, de tout le spectre. Parfois, les gens disent que c’est excellent, parfois que la qualité est déplorable et qu’il faut démystifier l’information. Les gens lient différentes sources. À mon avis, ils ne se contentent pas d’un seul média.
    Même si c’était le cas, que peut faire le Parlement pour les en empêcher? Il ne peut pas leur dire quoi lire. Ce serait préoccupant, à mon avis.
    La présidente: Monsieur Clement, vous avez la parole.
    J’aimerais revenir à la Société Radio-Canada, notamment aux commentaires de MM. Crawley et Lilley.
    Ce qui m’inquiète beaucoup, c’est que la SRC, sur le plan commercial, cherche à se créer de nouveaux marchés, y compris celui que vous avez soulevé, car il est important pour la société de rivaliser avec Spotify, par exemple.
    Plutôt que de vous partager mon opinion sur le sujet, car celui-ci est assez clair, j’aimerais poser la question suivante à MM. Crawley et Lilley. Que devrait faire la SRC et que ne devrait-elle pas faire?
    M. Lilley a souligné que la SRC utilise régulièrement l’opinion comme contenu. Les nouvelles ne suffisent plus; elle veut des chroniqueurs, ce qui, encore une fois, vient jouer dans les plates-bandes traditionnelles des journaux. The Globe and Mail compte 16 chroniqueurs à temps plein; les pigistes sont beaucoup moins nombreux. Selon nous, les gens cherchent la diversité des opinions; ils veulent entendre des opinions différentes et nous croyons que cela fait partie de notre tribune. La SRC croit la même chose. Comme vous, je me demande où tout cela nous mènera.
    Que devrait faire la société? Elle devrait être vendue. J’ai déjà écrit un livre sur le sujet. Je peux vous expliquer pourquoi elle n’a jamais été nécessaire. Nous pourrions en débattre.
    Mais, puisque cela n’arrivera pas, je ne vais pas me répéter. Je dirai simplement qu’elle devrait continuer de faire ce qu’elle fait. Le Parlement lui a confié un mandat. Malgré cela, peu importe qui est au pouvoir, elle retourne constamment devant le Parlement pour dire qu’elle n’a pas les fonds nécessaires pour remplir son mandat et en demander davantage. Dans ce cas, pourquoi maintenir un service de musique en continu? Qu’elle laisse tomber ce service. Pourquoi s’installe-t-elle dans des marchés comme Hamilton, London et Kelowna, des endroits où elle devra rivaliser avec des médias locaux très populaires, et dans certains cas de propriété locale, en n'offrant qu'un service numérique, donc aucune diffusion sur les ondes radio? Je ne comprends pas. Elle devrait laisser tomber ce projet. À mon avis, il incombe au Parlement de rappeler aux dirigeants de la société qu’ils ont reçu du financement et qu’ils doivent maintenant respecter le mandat que leur a confié le Parlement et cesser d’explorer toutes sortes de secteurs.
(1215)
    Il vous reste une minute.
    Monsieur Dumas, j’aurais une question à vous poser. Selon mon expérience des médias locaux, lors de la grande agglomération, dans mon cas, Metroland et la station radio équivalente, des corporations ont fait leur entrée dans le secteur. Cela a poussé les gens des régions à créer leur propre média local et à rivaliser avec les corporations. Il n’y a donc pas eu de perte nette comme ce que vous avez vécu à Gaspé. Avez-vous remarqué la même chose au Québec, par exemple?

[Français]

     Au Québec, 83 % de tout l'inventaire quotidien de nouvelles provient de trois sources, c'est-à-dire de Québecor, de Radio-Canada ou de Gesca. Cela est un bel exemple d'uniformisation ou de « McDonaldisation » de l'information d'un bout à l'autre du Québec.
     Au cours des dernières années, on a assisté au Québec à la fermeture d'hebdomadaires et de stations de radio. Il y a de moins en moins de ressources dans les régions et de moins en moins de nouvelles propres aux régions. On ne peut pas dire qu'il y ait au Québec une ouverture à l'information locale ou que celle-ci soit en croissance. C'est nettement en perte de vitesse.
    Par ailleurs, selon les recherches et selon le directeur général des élections, c'est dans les régions où l'on produit le plus d'information locale que les taux de participation aux élections municipales sont les plus élevés. C'est là que les citoyens se sentent le plus interpellés à s'engager dans le processus démocratique. À l'autre bout du spectre, c'est dans les régions où il y a le moins d'information locale que les gens votent le moins.

[Traduction]

    Merci.
    Avant de céder la parole à M. Nantel, du NPD, j’aimerais simplement rappeler aux membres du Comité que M. Martineau est également disponible pour répondre à vos questions.
    Monsieur Martineau, si vous souhaitez ajouter quelque chose aux réponses de vos collègues, faites-moi signe et je vous donnerai la parole.
    Monsieur Nantel, vous avez la parole.

[Français]

    Je me sens un peu comme si je m'apprêtais à donner des fleurs à mon épouse et qu'elle me demandait à ce moment précis de lui en apporter; ce n'est plus très naturel. Monsieur Martineau, j'allais justement vous poser une question.
    Vous avez quand même bien fait de le mentionner, madame la présidente.
    Très bien, allez-y.
    En effet, il est facile de dériver. Les médias régionaux constituent le sujet principal de l'étude. Il s'agit de la dévitalisation potentielle des régions du fait qu'elles perdent leur accès à des médias qui couvrent leurs nouvelles.
    Vous aviez raison, madame la présidente, de souligner la présence de M. Martineau. Il a une expérience particulièrement intéressante dans des petits marchés comme celui de Trois-Rivières — les gens de Trois-Rivières ne seront pas contents de m'entendre dire cela —, mais aussi dans celui de Québec, où il travaille présentement.
    J'ai bien connu Jeff Fillion lorsqu'il était directeur des programmes à CJAB, à Chicoutimi. Certains milieux sont extrêmement médiatisés. Je n'ai pas les chiffres exacts puisque ce n'est pas comptabilisé, mais le nombre de médias offerts par habitant est spectaculaire à Jonquière et à Chicoutimi. À Québec aussi, le marché est fantastiquement florissant.
    Fini le laïus, voici ma question très précise: sur le plan publicitaire, précisément, le marché diminue-t-il ou fonctionne-t-il aussi bien que votre offre à la clientèle?
    Comme dans n'importe quelle industrie, les meilleurs vont survivre. Un peu plus tôt, on parlait de certaines régions du Québec où on perd des médias d'information locaux. En fait, si le média d'information ne fait plus d'argent, il va disparaître, c'est clair.
    La tarte des recettes publicitaires pour l'ensemble du marché de Québec diminue-t-elle?
    Oui, assurément.
    C'est ce qui est préoccupant. Évidemment, il faut s'y arrêter. S'il n'y a pas d'argent à faire, il n'y a pas de contenu journalistique, pas de journalistes payés ni de couverture locale.
    Je vous abandonne déjà, monsieur Martineau.
    Monsieur Gruzuk, quel est votre modèle d'affaires? Comment faites-vous pour payer les journalistes de VICE?

[Traduction]

    Nous sommes chanceux de pouvoir compter sur plusieurs flux de rentrées, dont la coentreprise, et plusieurs partenariats différents, et, pour soutenir notre croissance, nous investissons massivement. Les revenus tirés des publicités ne sont qu’une des sources sur lesquelles nous comptons.
(1220)
    Êtes-vous rentables ou devez-vous encore injecter des fonds dans l’entreprise?
    Je pourrai vous faire parvenir une réponse détaillée de notre situation…
    Nous vous en serions reconnaissants.
    … mais nous sommes en mode croissance et demeurons de propriété privée.
    Nous revenons constamment sur les joueurs qui changent la donne, mais, très souvent, ils doivent injecter des fonds dans leur propre société pour espérer réaliser des profits. Vous pourriez nous fournir des chiffres sur la façon dont vous exploitez votre société? Vous êtes souvent cités en exemple comme une excellente référence, un nouveau modèle. On vous retrouve effectivement partout. D’un autre côté… et je reviendrai à votre exposé lorsque je m’adresserai à M. Dumas.
    Monsieur Crawley, j’aurais une question à vous poser. Je ne veux pas sembler chauvin, mais le modèle de La Presse+ sur les iPad semble fonctionner. La Presse semble dégager des profits et le service semble viable. Est-ce un modèle que vous pourriez considérer?
    Nous avons étudié attentivement ce modèle. Il existe de grandes différences entre ce modèle et le nôtre. La Presse ne facture pas l’utilisateur pour le contenu. Elle s’appuie uniquement sur les publicités comme source de revenus, et je n’aime pas cela. Partout dans le monde, les journaux qui se portent bien, comme le Financial Times, The New York Times et The Wall Street Journal comptent beaucoup d’abonnements. À mon avis, un modèle où le contenu est distribué gratuitement n’est pas une option, que ce soit sur les tablettes ou autres appareils.
    D’accord. C’est intéressant, ce que vous dites. J’ajouterai simplement que vous parlez de grands journaux. Le New York Times est vendu partout sur la planète. C’est peut-être là une des différences.
    Oui. Absolument.
    Pour revenir à ce que disait M. Gruzuk sur le fait d’envoyer des équipes de VICE dans les petites régions pour raconter leurs histoires…

[Français]

    C'est exactement ce que vous avez dit, monsieur Dumas. En fait, c'est ainsi que les médias nationaux traitent la région. On va parler d'un événement régional si cela représente un intérêt pour les grandes régions. En ce sens, c'est correct. Par exemple, quand j'écoute Salut Bonjour le matin et que j'apprends qu'il s'est passé tel ou tel événement à Chicoutimi ou à Gaspé, c'est correct.
    Cependant, la question est celle de la nouvelle locale pour les gens locaux. Quand VICE le fait, c'est bien. Il expose une réalité régionale, ce qui est très important, mais il n'y a pas de nouvelles locales, il n'y a plus de communication sur le perron de l'église. Avez-vous remarqué cela?
     Il y a un affaiblissement de la représentativité des régions et de leurs particularités. Si vous existez de moins en moins dans l'espace médiatique, vous sombrez dans l'indifférence. Malheureusement, c'est ce qu'on remarque beaucoup: plusieurs régions souffrent d'indifférence médiatique. Personne n'en parle, comme s'il ne se passait rien de majeur, rien d'important, rien de troublant dans les régions.
    Cela se reflète aussi dans les médias sociaux. Les gens n'y discutent pas d'enjeux régionaux. On n'en parle pas non plus dans les médias. On remarque même que cela intéresse plus ou moins la classe politique, puisque les médias ne s'intéressent pas aux particularités régionales.
    C'est exact.
    Vous avez mentionné plusieurs chiffres très révélateurs. J'aimerais que vous nous les redonniez et, si possible, que vous nous les envoyiez par écrit.
    Un peu de la même manière, si nous parlions de contenu culturel canadien dans nos médias, nous serions heureux que l'Observatoire de la culture et des communications du Québec, par exemple, nous fournisse un énoncé simple qui expliquerait qu'aujourd'hui le client moyen ne veut pas acheter la culture, mais il veut payer pour avoir accès à la culture, sans plus avoir rien à payer après s'être acheté un gros téléviseur avec un gros tuyau derrière.
    Pourriez-vous répéter vos chiffres?

[Traduction]

    Il vous reste une minute.

[Français]

    Déjà? D'accord.
    Pourriez-vous nous envoyer tous ces chiffres?
    Certainement.
    Je vais vous poser une autre question.
    Nous parlons de tout cela depuis plusieurs semaines et il plane dans la pièce l'idée qu'il y aurait une surévaluation du marché. Il semble que les acheteurs de publicité pour les agences et pour les clients surévaluent le média, le réseau social, la dimension des agrégateurs de recherche et Internet. Êtes-vous en mesure de nous aider à y voir clair?
    Je veux bien croire, comme M. Crawley l'a dit, qu'il y a de moins en moins de publicités. Cependant, si une publicité grand format pour une nouvelle Lexus paraissait dans The Globe and Mail, elle risquerait de m'influencer.
    Se pourrait-il que ce soit moins mesuré? Se pourrait-il qu'on avantage trop la nouveauté?
(1225)
    Malheureusement, ma réponse à votre question va vous décevoir. Le marché publicitaire n'est pas une donnée que nous analysons. Nous nous concentrons essentiellement sur le contenu médiatique.
    D'accord.
    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Erskine-Smith, vous avez la parole. Nous entendrons ensuite M. Breton. Vous partagez votre temps d’intervention, alors assurez-vous de laisser un peu de temps à votre collègue.
    Je vais me chronométrer. Merci beaucoup.
    Monsieur Crawley, vous dites que les revenus des publicités imprimées sont en baisse. Pourriez-vous nous parler de l’augmentation des revenus des publicités numériques, des pourcentages que représentent les revenus liés aux tarifs d’abonnement et aux publicités numériques et de la croissance des revenus du numérique? Pourriez-vous aussi nous dire d’où viennent vos profits et nous parler du soutien que vous apporte le numérique?
    Pour 2017, dans les principaux marchés — et c’est une tendance mondiale — , on prévoit que les dépenses liées aux publicités numériques continueront de monter en flèche, notamment pour les téléphones mobiles. La consommation publicitaire sur les ordinateurs de table est en baisse; les gens préfèrent de plus en plus lire sur de petits appareils, ce qui constitue un défi pour les médias en matière de monétisation. Il est plus difficile pour les médias de monétiser les petits écrans que les plus grands.
    Monsieur Gruzuk, vous vivez la même situation? Est-ce vrai, aussi, pour VICE?
    Oui, je suis d’accord avec mon collègue. C’est un défi pour tous les médias. La croissance est énorme. Nous avons parlé plus tôt de YouTube, de Facebook et de Twitter. Il est certainement difficile de détourner l’attention des gens de ces espaces et de les réorienter vers nos sites pour accroître nos revenus publicitaires, et je crois que nous sommes tous dans la même situation.
    Si les revenus des publicités numériques ne suffisent pas à maintenir les activités…
    Monsieur Crawley, vous avez parlé d’un service d’abonnement et souligné que vous comptez 150 000 abonnés, mais que leur nombre diminue.
    J’imagine que VICE ne compte pas beaucoup de millénaires parmi ses abonnés.
    Avez-vous une idée de l’âge de vos abonnés et du taux de désabonnement dans le futur?
    Certainement. Il est vrai que le nombre d’abonnés pour notre version imprimée diminue, mais le nombre d’abonnés pour notre version numérique augmente rapidement. Certains paient pour un accès numérique seulement, mais beaucoup veulent avoir accès aux deux versions. Ils souhaitent pouvoir lire la version imprimée et la version numérique. C’est une option d’abonnement que nous offrons. Nous aimons cette option. Nous aimons que les gens souhaitent accéder à notre contenu de différentes façons. Nous présumons que de nouvelles plateformes verront le jour au cours des prochaines années et que nous devrons les utiliser. Il nous suffit de suivre l’évolution de la technologie.
    Monsieur Crawley, il ne me reste plus qu’une minute. M. Lilley a dit que le gouvernement avait un rôle faible, voire nul, à jouer dans ce domaine. Si l’on tient compte des revenus des publicités numériques et des revenus, à la baisse, des publicités imprimées, ainsi que du nombre d’abonnés que vous avez et de l’augmentation du nombre d’abonnés aux versions numériques, quel est le rôle du gouvernement en matière de financement? Dès le début de votre intervention, vous avez parlé du Royaume-Uni et de la possibilité de financer les exploitations très locales incapables de maintenir une présence soutenue sur le marché. Selon vous, est-ce le rôle que devrait jouer le gouvernement ou devrait-il soutenir tout le secteur?
    Je crois qu’il y a un rôle pour le gouvernement… comme l’a souligné mon collègue, M. Lilley, il faut parfois réduire la réglementation.
    Je vous donne un exemple. Les bulletins d’information sont un moyen très populaire de diffuser du contenu, un moyen qui peut créer une forme de dépendance, et avec lequel nous connaissons du succès, qu’ils parlent de politique, d’affaires ou de finances personnelles, entre autres. Les gens s’habituent à les lire tous les jours. Toutefois, de nouvelles règles sont en cours d’élaboration avec la LCAP concernant les pourriels. J’ai consulté ces règles. Évidemment, elles ont été rédigées par des avocats et sont donc très lourdes, et elles ne favoriseraient pas la création de bulletins d’information.
    Je crois qu’il faut aborder les questions commerciales de façon réaliste. On peut rédiger toutes sortes de dispositions concernant les pourriels, mais si elles empêchent les sociétés de se développer et de joindre leurs clients par l’entremise de bulletins d’information, ce n’est pas une bonne chose, à mon avis.
    Mon temps d’intervention est écoulé.
    Monsieur Breton, vous avez la parole.

[Français]

    Combien de temps de parole me reste-t-il, madame la présidente?

[Traduction]

    Il vous reste environ deux minutes et demie.

[Français]

    Parfait, merci.
    Je vais commencer par M. Martineau.
    À Granby, dans ma circonscription, il existe un modèle d'affaires différent, soit celui de la radio M105. Ce modèle a été développé sous forme de coopérative. Nous en sommes très fiers, à Granby, et je crois que ce modèle d'affaires fonctionne bien. Évidemment, la radio est très écoutée. Pour les gens, c'est une façon de s'informer localement de ce qui se passe dans tous les domaines. J'aurai bientôt l'occasion de rencontrer de nouveau le directeur général.
    J'aimerais que vous me parliez de l'avenir de la radio en général, au Québec et au Canada. À une question de M. Nantel, vous avez répondu plus tôt que les revenus publicitaires diminuaient d'année en année. C'est inquiétant, étant donné que vous vivez en grande partie grâce à la publicité.
(1230)
    Je vais vous donner un exemple très marquant. En septembre et octobre cette année, dans le marché publicitaire radiophonique de Québec, il y avait 600 000 $ de moins que l'année dernière. Cette situation implique une dizaine de stations de radio. Est-ce une question de contexte économique? La situation sera-t-elle la même au cours des prochains mois ou est-elle simplement passagère? Je ne le sais pas.
    Vous me posez une question extrêmement vaste à laquelle je vais répondre en vous disant tout simplement que les meilleurs vont survivre. Malheureusement, les autres vont disparaître.
    Vous avez également évoqué cette station de Granby qu'on pourrait qualifier de communautaire, d'une certaine façon. Je crois que ce modèle représente effectivement une belle piste de solution pour les plus petites communautés. Mon plus jeune fils travaille pour l'une de ces stations, dans un petit marché, soit celui de Joliette. Dans ce cas également, il s'agit d'une station qui fonctionne de façon exemplaire. Les cotes d'écoute sont très bonnes. La station diffuse de l'information locale. Je crois que, dans le cas des petites communautés, c'est porteur.
    Quant à l'avenir de la radio, je crois que nous allons bénéficier de circonstances favorables tant que la radio conventionnelle sera accessible dans les voitures. Par contre, quand la radio Internet fera son apparition dans les voitures, ce qui ne devrait pas tarder, il va falloir se remettre en question.
    Merci.
    Monsieur Dumas, j'aimerais que vous répétiez les chiffres que vous avez mentionnés plus tôt. Votre intervention a été brève et les choses se sont déroulées rapidement. Cela revient un peu à ce que M. Nantel disait.
    C'est comme si le poids des régions était de moins en moins important dans la sphère médiatique. Je trouve la situation préoccupante. J'aimerais que vous nous rappeliez les chiffres et que vous nous disiez quelles répercussions aura cette situation, selon vous.
    Au cours des prochaines heures, j'aurai l'occasion de vous envoyer l'ensemble des chiffres par courrier électronique. Vous pourrez les faire parvenir à vos collègues.
    Merci.
    Concernant ce que disait M. Martineau, la radio joue un rôle si important dans les régions qu'elle y est devenue le principal vecteur d'information. Ce n'est pas le cas sur le plan national. La radio joue donc un rôle très important dans les régions. C'est essentiellement ce qui crée le dynamisme médiatique dans les régions.
    Laissez-moi reprendre les données dont nous parlions plus tôt. De fait, 88 % de l'information régionale a disparu au cours des 15 dernières années. Par exemple, il est vraiment très inquiétant de constater que l'intérêt médiatique qu'on porte à l'ensemble des francophones hors Québec, à l'échelle du Canada, est équivalent à la médiatisation de l'horoscope. Cela représente 49 %...

[Traduction]

    Je suis désolée, monsieur Dumas, mais nous avons dépassé les huit minutes prévues. Le Comité vous a demandé de lui faire parvenir des informations sur certains points. Pourriez-vous également lui faire parvenir la ventilation par région?

[Français]

     Oui, bien sûr, madame.

[Traduction]

    Monsieur Gruzuk, le Comité vous a demandé, à vous aussi, de faire parvenir certaines informations au greffier. Serait-ce possible? Nous serons heureux de transmettre cette information aux membres du Comité.
    J’aurais une brève question à poser. Vous dites que le Globe and Mail poursuit ses activités et que les choses vont plutôt bien, et que malgré la baisse en popularité de la version imprimée du journal, la portée de la version électronique augmente. Toutefois, vous dites que vous n’arrivez pas à tirer les mêmes revenus publicitaires sur les petits appareils que sur les plus gros. Si la tendance est à l’utilisation accrue des petits appareils, est-ce que cela nuit à vos prévisions quant à l’accroissement de la portée du numérique? Celle-ci va-t-elle diminuer?
    C’est plus une question de revenus publicitaires qu’une question de portée. La préférence des gens à lire sur de petits appareils ne changera pas; nous devons nous efforcer à mieux livrer notre contenu. Nous travaillons constamment à améliorer la rapidité avec laquelle nous joignons les gens. Sur de tels appareils, nous n’avons qu’une ou deux secondes pour attirer leur attention avant qu’ils ne passent à autre chose. Notre objectif est vraiment d’accroître notre capacité à livrer notre contenu aussi rapidement que possible sur ces appareils, d’une façon acceptable pour le consommateur.
(1235)
    Quel sera l’impact sur votre flux de rentrées?
    Nous allons trouver de meilleures façons de procéder, ce qui permettra d’accroître notre flux de rentrées. Toutefois, comme vous le savez, les grands joueurs dans le secteur absorbent déjà une grande partie des revenus des publicités numériques. Notre part du marché est beaucoup plus petite.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier les témoins d’avoir accepté notre invitation et pour leurs exposés. C’est dommage que nous n’ayons pas plus de temps pour explorer certaines des questions que nous voulions tous aborder avec vous.
    Chers collègues, nous allons maintenant suspendre la séance quelques minutes pour permettre aux témoins de quitter la table et laisser au prochain groupe de témoins le temps de s’installer.
(1235)

(1235)
    Nous sommes prêts à reprendre.
    Nous n'avons qu'un groupe de témoins pour cette partie de la séance. Nous accueillons M. Gingras, vice-président, Google Canada.
    Monsieur Gingras, merci d’être venu. Je vous explique la procédure. Vous disposerez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres. Je vous ferai signe lorsqu’il vous restera deux minutes pour votre exposé.
    Merci. Vous avez la parole.
(1240)
    Madame la présidente, vous avez employé la prononciation plus authentique de mon nom. Je suis d'origine québécoise. Je vous demande pardon, cependant, car mes compétences en français ne sont pas à la hauteur de la séance d'aujourd'hui.
    Je suis vice-président des nouvelles chez Google. Je suis responsable de tous les produits d'information de Google, pour toutes les plateformes employées par les consommateurs, ainsi que des partenariats avec les éditeurs.
    Au début de ma carrière, dans les années 1970, je travaillais au Public Broadcasting Service, PBS. Je relevais de M. Hartford Gunn, son fondateur et président visionnaire. Là, j'ai participé à plusieurs projets de technologie novateurs, y compris la création du réseau satellitaire de PBS et la conception du premier service d'information interactive diffusée par télétexte.
    Pendant que j'étais là, Hartford m'a appris une leçon de première importance qui a orienté ma carrière et que je trouve particulièrement pertinente dans le contexte de la discussion d'aujourd'hui. Il m'a dit:
Richard, si tu veux influencer l'évolution des médias, concentre-toi sur la technologie. La technologie modifie les règles du jeu. Elle transforme le terrain. En demeurant à la fine pointe de la technologie et en l'utilisant bien, nous pourrons avoir une incidence énorme sur ce que nous ferons et ce que nous accomplirons au moyen des médias.
    Étant donné les changements extraordinaires survenus au cours des 25 dernières années, le conseil prémonitoire de Hartford semble frôler l'évidence. C'est en grande partie pour cette raison que nous discutons ici aujourd'hui de l'avenir des nouvelles locales. L'omniprésence d'Internet a transformé tous les secteurs d'activités.
    Les médias se trouvent au coeur de ce changement. Jamais les gens n'ont consommé autant de nouvelles et d'information, et jamais autant de contenu n'a été créé. L'écosystème ouvert du Web a permis l'apparition de nombreuses nouvelles voix, comme des sites de nouvelles, des répertoires d'emplois en ligne, Wikipédia, des millions de blogues et des milliards de messages affichés dans les médias sociaux. Il a également permis à des médias traditionnels, comme le Globe and Mail et le Toronto Star, à atteindre un public mondial.
    Internet est un outil précieux pour les internautes partout dans le monde. D'un côté, il fournit de nouvelles occasions extraordinaires sur les plans de l'expression et du commerce. De l'autre, il pose des défis aux entreprises médiatiques et aux commerces créés avant l'apparition d'Internet, qui doivent maintenant adapter leurs produits et leurs stratégies aux nouvelles possibilités offertes dans le nouveau monde numérique.
    Google a eu la bonne fortune de créer des produits très utilisés fondés sur le Web ouvert. Pendant toute la journée, le moteur de recherche de Google est employé pour trouver la bonne réponse à des requêtes faites dans son répertoire, qui regroupe un milliard de sites Web. Tous les mois, Google dirige des milliards d'internautes vers les sites Web d'éditeurs de nouvelles. En outre, les plateformes de publicité de Google sont utilisées par des millions d'éditeurs, petits et grands; elles les aident à augmenter leurs revenus et à faire croître leur entreprise. Google doit son existence au Web, et elle tient coûte que coûte à en maintenir l'ouverture, la richesse et la diversité.
    Selon nous, Google et les éditeurs soutiennent une cause commune. Nous dépendons tous deux d'une plateforme ouverte permettant la libre expression et l'accès aux connaissances. Nous cherchons tous deux à permettre aux gens d'accéder à l'information. Toutefois, l'ouverture d'Internet nous force à remettre en question notre compréhension des aspects économiques de l'information. Prenez l'exemple d'un journal publié dans une grande ville américaine dans les années 1990, un paquet de papier journal pesant de deux à cinq livres qui offrait du contenu de grande valeur à ses lecteurs: des nouvelles locales et nationales, une section mode, une section style de vie, une section automobile et des petites annonces. En 2016, chaque section de ce journal doit faire concurrence à une vaste gamme de compétiteurs sur le Web, dans chacune des catégories.
    Google Actualités compte plus de 75 000 sources, y compris presque 2 000 sources canadiennes, dont environ un tiers sont en français; les nouvelles locales demeurent un facteur de différenciation. La section locale de Google Actualités affiche du contenu puisé à la fois dans des journaux régionaux et des blogues hyperlocaux qui n'apparaîtraient pas autrement. Google Actualités appose la mention « source locale » pour mettre en valeur la couverture locale de grands événements, les articles qui sont pertinents pour la population locale.
(1245)
    Or, quel est le modèle opérationnel? Nous devons trouver de nouvelles sources de revenus et de nouveaux modèles opérationnels. À Halifax, il y a l'exemple de Local Xpress, un site de nouvelles fondé par les journalistes du Chronicle Herald, qui sont en grève depuis janvier. Le site est consacré aux nouvelles locales. En moins d'un an, sa taille a décuplé; il a atteint un sommet de 300 000 pages visionnées par semaine. Les créateurs du site se servent d'outils collaboratifs gratuits, comme Google Docs; ils monnayent et développent leur nouveau produit. Le directeur-rédacteur en chef décrit le site Local Xpress, né d'un conflit de travail, comme l'une des entreprises les plus avant-gardistes du milieu médiatique canadien.
    Google tient à aider les éditeurs à réussir. L'avenir de Google et l'avenir des nouvelles sont liés. Nous voulons que les éditeurs développent leurs entreprises et qu'ils réussissent à leur manière. Toutes nos activités sont conçues de façon à ce que l'écosystème crée de la valeur pour les éditeurs. Nous y arrivons en augmentant les revenus. À l'échelle mondiale, nous avons généré des recettes publicitaires de 15 milliards de dollars et nous avons partagé plus de 10 milliards de dollars de ces recettes avec nos partenaires de la presse. Environ 70 % des recettes reviennent donc directement aux éditeurs. En outre, nous orientons et nous appuyons les éditeurs dans des projets qui s'attaquent à des problèmes majeurs de l'industrie, comme la latence mobile et le blocage des publicités.
    Ce sont ces deux dossiers qui ont poussé Google, ainsi que plus d'une trentaine d'éditeurs de partout dans le monde et des fournisseurs de technologies à travailler ensemble pour lancer le projet AMP, qui vise à accélérer l'affichage du contenu des pages Web sur les dispositifs mobiles. La recherche montre que 53 % des utilisateurs quittent un site si son contenu n'est pas affiché après 3 secondes. À l'heure actuelle, l'affichage sur le Web n'est pas instantané, et il doit l'être. Aussi, trop souvent, les publicités en ligne ne sont pas respectueuses de l'expérience de l'utilisateur, et elles doivent l'être. En moyenne, le contenu des pages de format AMP s'affiche en moins d'une seconde. Des organismes de presse canadiens et 700 000 domaines partout dans le monde ont adopté le format AMP. Il y a seulement un an que le projet a été lancé, mais déjà, des éditeurs canadiens nous ont transmis des données qui montrent la fidélisation accrue du public, et nous avons de bonnes indications des façons dont le format AMP peut augmenter les recettes.
    La révolution numérique a transformé notre manière de communiquer, de nous exprimer et de nous renseigner sur le monde qui nous entoure. Bien sûr, il y a des défis, mais mes collègues qui m'accompagnent aujourd'hui et moi sommes passionnément optimistes quant à l'avenir de l'information. Il y a tellement de nouveaux outils et de nouveaux moyens à mettre à profit. Aussi, on accomplit tant de travail numérique impressionnant qu'il est facile d'en venir à la même conclusion que moi: que nous vivons les premiers jours d'une renaissance de la créativité journalistique.
    Permettez-moi de conclure en disant que je désire vivement et que Google désire vivement continuer à collaborer afin de favoriser l'innovation et l'expérimentation essentielles au succès à long terme.
    Je vous remercie de m'avoir permis de m'adresser à vous et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Gingras.
    J'aimerais simplement signaler aux membres du Comité que MM. Jason Kee et Aaron Brindle sont aussi ici pour répondre aux questions.
    Avant de commencer, monsieur Gingras, je veux vous expliquer le déroulement de la période de questions. Tout le monde aura droit à sept minutes pour vous poser des questions et pour entendre vos réponses. Les réponses sont comprises dans les sept minutes; je dis donc toujours que j'espère que tout le monde présentera des questions et des réponses brèves. Merci beaucoup.
    Je donne d'abord la parole à M. Seamus O'Regan, du côté des libéraux.
    Merci beaucoup, Richard. Merci d'avoir pris le temps de vous joindre à nous. Les membres du Comité trouvaient vraiment important que Google soit représenté. Tout le travail que nous avons accompli jusqu'à maintenant semble nous mener vers vous et vers Facebook, surtout.
    Pour contextualiser, évidemment — je ne vous apprendrai rien, mais d'autres ne le savent peut-être pas —, Alphabet, la société mère de Google, est maintenant la plus grande propriétaire de médias au monde, et elle continue à prendre de l'expansion. Elle est plus grande que Disney, qui occupe le deuxième rang, dans une proportion de 136 %; elle est aussi plus grande que Disney et Comcast réunies, Comcast occupant le troisième rang. En outre, 12 % des dépenses liées aux médias passent par Google et Facebook. Il est donc question de grandes sommes d'argent. C'est ce qui semble poser problème pour de nombreux propriétaires de journaux, même ceux qui ont témoigné il y a quelques instants.
    C'est ce que nous tentons de comprendre. Un fait intéressant, c'est qu'il ne s'agit pas d'un problème canadien en soi. Les États-Unis sont uniques à de très nombreux égards. Toutefois, lorsque nous nous comparons plus exactement à des pays européens, à l'Australie ou à la Nouvelle-Zélande, nous constatons que leurs parlements prennent des mesures très semblables.
    Il y a quelques jours, la Media Reform Coalition et le National Union of Journalists ont publié un rapport dans lequel ils déclarent que Google et Facebook devraient financer la presse publique en Grande-Bretagne. On y lit:
    
Non seulement [...] Google et Facebook réalisent des profits énormes et payent un montant minime d'impôts en Grande-Bretagne, mais ils saignent aussi à blanc l'industrie de la presse en accaparant les recettes publicitaires. Les journaux nationaux et locaux tentent de s'en tirer en amputant les budgets et en licenciant les employés, au détriment de la qualité journalistique. Le journalisme d'intérêt public est la plus grande victime dans tout cela, comme les journaux sont leurrés par la culture du piège à clics, qui favorise le sensationnel et le banal.
    Je peux vous dire que quand j'étais reporter national, j'ai souvent eu à jouer le jeu du piège à clics pour qu'un nombre accru de personnes portent attention aux affaires plus sérieuses dont nous allions parler durant l'émission.
    On dit ensuite dans le rapport:
    
Pour toutes ces raisons, nous proposons d'instaurer une redevance de 1 % sur les activités des principaux intermédiaires numériques. Les fonds ainsi levés seraient réaffectés à des groupes sans but lucratif ayant pour mandat de créer du contenu journalistique local ou d'enquête original.
    Je lis l'extrait à voix haute, mais j'ignore si c'est réellement la solution. Lorsque je vois « une redevance de 1 % », je ne crois pas nécessairement que ce soit une bonne chose, mais je dois vous poser la question. Nous semblons être à un tournant; vous avez parlé d'une renaissance de la créativité journalistique.
    Cependant, lorsque M. David Simon, créateur de l'émission Sur écoute, a comparu devant le Congrès à ce sujet, il a déclaré que nous nous dirigions vers un âge d'or de la corruption politique parce que les petits journaux ne couvrent plus la politique municipale, l'échelon auquel les décisions sur la propriété et le développement sont prises. C'est sa grande préoccupation.
    Aidez-moi, dans le peu de temps dont nous disposons, à faire la quadrature du cercle. Aussi, j'aimerais beaucoup que vous me disiez — ce sont des choses que vous avez déjà entendues — quelles réponses vous avez trouvées et quelles ententes vous avez conclues avec d'autres territoires, comme l'Union européenne ou d'autres.
(1250)
    Je pense qu'il faut souligner quelques points. Oui, évidemment, Google a eu beaucoup de chance. Le moteur de recherche que nous avons créé est très utilisé. Nous avons aussi introduit, dans un sens, de nouveaux formats de publicité qui sont manifestement efficaces.
    En passant, ce n'est pas la première fois que de nouvelles technologies perturbent un écosystème de médias. Dans les années 1950, la télévision a bouleversé les aspects économiques de la presse et elle a transformé le paysage, elle aussi.
    Oui, mais dans le peu de temps dont je dispose, j'aimerais beaucoup parler du présent et de l'avenir, s'il vous plaît.
    Certainement. C'est ce que je veux faire. Voici où je voulais en venir: aujourd'hui, ce qui est très important, c'est que les éditeurs qui cherchent à moderniser leurs produits considèrent comment ils peuvent créer non seulement des produits ayant de la pertinence pour les utilisateurs, mais aussi des formats de publicité adaptés aux besoins des annonceurs. Par exemple, à l'heure actuelle, le New York Times a beaucoup recours à ce qu'on appelle la « publicité native ». Aujourd'hui, cela représente 30 % de ses recettes publicitaires, et ce montant augmente. Il existe de nouvelles méthodes. Je crois donc que nous devons absolument reconnaître qu'en ce qui touche la publicité, la situation évolue encore.
    En outre, certains secteurs commencent à connaître des réussites, non seulement sur le plan des recettes publicitaires, mais aussi des revenus générés par les abonnements. Je vais vous donner un exemple provenant de Paris. Il y a huit ans, M. Edwy Plenel, ancien rédacteur en chef du journal Le Monde, a mis sur pied une organisation appelée Mediapart. Elle est très manifestement axée sur l'actualité et le journalisme d'enquête. Le site est doté d'un verrou d'accès payant. Aujourd'hui, il compte 120 000 abonnés payant 10 euros par mois. L'organisation a un effectif de 40 journalistes et elle est rentable. Ainsi, le paysage montre bel et bien qu'il est possible de réussir.
    Alors, que peut faire Google? Comme je l'ai déjà dit, nous jouons déjà un rôle dans de nombreux domaines et nous continuerons à le faire. Le projet AMP visait principalement à faire fonctionner l'écosystème en ligne, tant par rapport à l'intérêt qu'à la publicité. Les annonces de type « piège à clics » ne fonctionnent pas. Comment pouvons-nous améliorer les annonces? Que pouvons-nous faire pour veiller à ce que les gens n'utilisent pas de logiciels de blocage des publicités?
    Nous fournissons toujours des outils dans de nombreux secteurs pour appuyer les projets et pour aider les éditeurs traditionnels à exploiter les nouvelles technologies dans le but de faire de nouvelles choses intéressantes. Par exemple, je pense que le journalisme de données est fort prometteur; il pourrait aider les collectivités à comprendre leurs propres réalités et à cerner les dossiers importants.
    À mon avis, les façons d'aborder la question sont très nombreuses. Je le répète, c'est extrêmement important pour nous de collaborer avec le milieu de la presse partout dans le monde pour surmonter ces difficultés.
(1255)
    Il vous reste une minute, monsieur O'Regan.
    Un de nos témoins précédents a soulevé quelque chose dont le Comité avait déjà discuté: la décision de la BBC de financer, au coût de 8 millions de livres, je crois, un groupe de journalistes locaux qui serait relié à la BBC. Je comprends qu'il s'agit d'un organisme géré par l'État, mais il a une grande ampleur et une incidence énorme sur les recettes publicitaires des nouvelles entreprises, ainsi que de la presse, de la radio et des éditeurs locaux au Royaume-Uni. C'est sa façon d'alimenter un réseau très local, tout en comprenant que sa grande ampleur à l'ère numérique a une incidence considérable sur ces voix.
    Est-ce qu'on pourrait prendre en considération une certaine responsabilité morale?
     Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, il est évident que Google en tant que société croit fermement aux environnements ouverts et à la démocratie ouverte et libre. Nos objectifs à cet égard sont les mêmes, et c'est pourquoi nous nous concentrons sur la façon dont nous pouvons prendre les bonnes mesures sur le plan architectural. Je pense que le financement artificiel des efforts journalistiques est un aspect qui pourrait poser problème. Est-ce Google qui devrait déterminer quels journalistes devraient être payés ou non? Non. Sans compter le fait que l'environnement technologique continue de changer. Comme l'a souvent dit notre directeur général, Larry Page, nous devons continuer de penser à notre façon de changer. Avoir du succès aujourd'hui ne signifie pas que nous en aurons dans deux ans.
    C'est la raison pour laquelle nous devons examiner des approches systémiques de notre façon d'utiliser et de favoriser l'innovation et le succès.
    Nous devons poursuivre.
    M. Clement, du Parti conservateur, est le prochain intervenant. Vous avez sept minutes.
    Merci.
    Merci beaucoup de votre intervention, monsieur Gingras. J'essaie de concilier certaines des observations formulées aujourd'hui avec ma réalité locale. Je suppose que c'est ce que tous les humains essaient de faire. Je parlais à mon collègue qui représente une circonscription située juste au sud de la mienne, et ma réalité locale a été une destruction des médias purement locaux. Ils ont d'abord été achetés par des acteurs de plus grandes agglomérations. Ils ont ensuite tout simplement perdu des lecteurs, des téléspectateurs et ainsi de suite. Cependant, ce qui a eu lieu — du moins d'après mon expérience, et Alex Nuttall a constaté la même chose —, c'est une multiplication du contenu local provenant de gens de la place qui voient une occasion à saisir. Dans mon coin, les journaux locaux ont été achetés par Metroland. Tout le monde s'est ensuite généralement entendu pour dire que le contenu local n'était plus aussi bon que celui des anciens journaux indépendants. On se retrouve donc soit avec des journaux concurrents, soit, plus récemment, avec des produits offerts uniquement en ligne, comme le Doppler à Huntsville, en Ontario. Par ailleurs, la radio communautaire joue un rôle en offrant beaucoup de contenu local.
    Monsieur O'Regan et moi avons peut-être tout simplement eu une expérience différente. En fait, ce que j'ai observé, c'est une multiplication de ce contenu, alors qu'on se sert de la technologie — Google en est un bon exemple — pour présenter des nouvelles locales et demander des comptes aux politiciens locaux. Ce genre de contenu s'est multiplié au cours des dernières années, pas l'inverse.
    Je voulais seulement connaître l'opinion de Google à ce sujet. Vous avez un point de vue mondial, alors que le mien est local. Cette question pourrait peut-être aider à animer la discussion.
    Je suis heureux de donner des exemples canadiens. Je ne peux pas m'attendre à ce que Richard, qui est Washington, soit au courant de tout.
    L'hon. Tony Clement: Bien sûr.
    Je suis d'accord, et je pense que cette situation devient de plus en plus commune. Nous avons parlé de Xpress à Halifax. Il y a aussi Texas Tribune à Austin, Voice of San Diego à San Diego et beaucoup d'autres médias d'information partout dans le monde.
    Une fois de plus, alors que nous regardons le contexte et nos efforts, nous pouvons manifestement nous demander comment nous contribuons tous à la création d'un environnement favorable à l'innovation pour qu'un nombre croissant de ces entreprises prennent leur envol. Comme je l'ai dit, j'ai toujours eu l'impression qu'Internet offre un immense potentiel pour toutes sortes d'expressions journalistiques, mais nous devons évoluer; nous devons favoriser l'innovation de manière à ce que ces choses puissent se produire et à ce que ces entreprises connaissent du succès. Il est formidable de voir déjà des exemples de réussite.
(1300)
    Certains exemples ici au Canada valent la peine d'être soulignés.
    En passant, je m'appelle Aaron Bringle. Je fais partie de l'équipe des affaires publiques de Google Canada. La plus grande partie de mon travail avec les éditeurs se rapporte aux activités éditoriales. J'ai eu la chance de travailler partout au pays avec des agences de nouvelles locales et nationales. J'ai aussi déjà été journaliste. J'ai travaillé à CBC pendant dix ans en tant que producteur en chef de l'émission The Current.
    Il y a des exemples intéressants. Nous avons parlé de Local Xpress, qui relève à vrai dire d'une organisation de Sault Ste. Marie appelée Village Media. Village Media est devenu une sorte de Shopify des nouvelles locales en travaillant dans les petits marchés qui ont été perturbés, où les nouvelles locales sont devenues rares. Cette organisation aide à offrir des nouvelles sur support numérique pour répondre à la demande du marché. Elle a commencé par un site de nouvelles qui s'appelle SooToday. C'est formidable. Le site reçoit maintenant 80 000 visites uniques de la part de 40 000 utilisateurs uniques, et le modèle a été repris à Sault Ste. Marie, North Bay, Timmins, Barrie, Guelph. Il y a des exemples très intéressants à l'échelle locale. Par ailleurs, il y a évidemment iPolitics et Canada Lands. Je sais que The Tyee a été mentionné. Je crois que ses représentantes ont témoigné ici.
    Il y a donc un mélange intéressant d'exemples remarquables d'entreprises canadiennes qui interviennent pour remédier au manque de nouvelles locales.
    Monsieur Clement, vous avez encore deux minutes.
    Alex a peut-être quelque chose à dire.
    Merci d'avoir abordé la question, Aaron.
    Il était intéressant de voir Metroland et Postmedia commencer à regrouper des petits journaux. Les membres de la collectivité qui s'intéressaient aux médias locaux ont lancé leur propre journal imprimé. Dans ma circonscription, par exemple, nous avons les nouvelles de Simcoe-Nord. Nous avons également le Springwater News. Il y en a même un qui se consacre uniquement à Elmvale, où la population est d'environ 2 000 personnes. Ils fournissent constamment de l'information à propos de ce qui se passe aux conseils locaux. Barrie Today est le journal en ligne dont Aaron vient tout juste de parler.
    Les représentants de Google peuvent-ils me dire si ces entreprises connaissent une croissance rapide après leur lancement? Je suppose qu'une sorte d'analyse l'indique. Ou s'agit-il plutôt d'un long processus avant que ces médias d'information locale atteignent un certain niveau de viabilité?
    Je pense que la rapidité avec laquelle ces médias prennent leur envol et deviennent viables dépend de la région du monde dont nous parlons. Comme je l'ai dit plus tôt, l'une des raisons qui expliquent mon optimisme est tout d'abord le coût de la mise sur pied d'une entreprise d'édition sur Internet, qui est incroyablement faible par rapport au coût assumé dans le secteur de la presse écrite. Le coût de production est beaucoup moins élevé; le coût de distribution est presque inexistant; et les sommes dépensées pour élargir l'audience sont une fois de plus presque nulles.
    Je vais vous donner un exemple. Dans le milieu de la presse écrite, de quelle façon les maisons d'édition élargissent-elles leur audience? Elles présentent leurs produits dans des kiosques, moyennant des frais. Elles installent de nouvelles boîtes aux coins des rues, moyennant encore une fois des frais. Elles mettent du matériel promotionnel dans les avions, moyennant des frais. Comme je l'ai mentionné, grâce à sa structure, Google Actualités est tous les mois à l'origine de 10 milliards de visites de nouveaux sites. Deloitte Touche en Europe a estimé que chacune de ces visites vaut entre cinq et dix cents, et cela ne coûte rien aux éditeurs. En passant, cette valeur n'est pas comprise dans la somme de 10 milliards de dollars dont j'ai parlé plus tôt, qui provient des parts de revenus, de l'ordre de 70 %, de nos plateformes publicitaires. C'est la raison pour laquelle je ne pense pas que les circonstances aient déjà été meilleures pour assurer la prospérité des médias locaux, mais cela demande du temps, de toute évidence.
    Sans oublier que l'empreinte carbone des médias en ligne est beaucoup plus faible, ce qui, je crois, est une priorité de nos jours.
(1305)
    Je vais remplir les fonctions de notre présidente, qui a dû partir. Je peux toutefois encore vous poser des questions.
    Avez-vous entendu les témoins qui ont comparu devant notre comité? Avez-vous entendu tous les vendeurs de publicité qui affirment sentir une différence parce que vous êtes sur le marché et que vous engrangez une grande part des recettes publicitaires? En avez-vous entendu parler?
    Je n'ai pas entendu les témoignages de ce matin. J'ai toutefois déjà entendu ce genre d'observations. Je tiens à préciser une chose: Google ne prend rien à personne. Google a eu la chance de mettre en place de nouveaux systèmes publicitaires, des systèmes hautement évolutifs. En passant, ce n'est pas nous qui agissons ainsi. De toute évidence, nous avons fait preuve d'efficacité, mais ces systèmes ont une grande portée et sont efficaces.
    Comme je l'ai dit plus tôt, deux millions d'éditeurs dans le monde entier utilisent nos systèmes publicitaires. Comme on l'a mentionné, la part de revenus de ces éditeurs est habituellement de l'ordre de 70 %. C'est énorme. Ils n'ont pas besoin d'équipes de vendeurs pour en profiter, ce qui a changé les règles du jeu à bien des égards.
    Tout à fait, les règles ont changé. À une certaine époque, je travaillais dans le domaine de l'enregistrement de musique, et j'utilisais Lotus Notes pour envoyer des courriels. Yahoo était mon moteur de recherche. La commercialisation de Google me semblait très lente. Je préférais le tape-à-l'oeil de Yahoo. Google est ensuite devenu la marque que tout le monde aime. Pour tout le monde, des républicains aux démocrates aux États-Unis, la marque de l'entreprise figure parmi les cinq meilleures.
    J'ai l'impression que les gens ici forment une industrie. C'est surtout vrai dans le Canada français, c'est-à-dire le Québec et d'autres petites régions partout au pays. Ce que nous venons tout juste d'entendre aujourd'hui, c'est que les nouvelles locales, surtout en français, disparaissent alors que nous sommes régulièrement exposés aux médias. Que pouvez-vous faire pour aider à donner une voix à cette diversité culturelle?
    Tout d'abord, Google Actualités et le moteur de recherche de Google sont des produits qui, à bien des égards, favorisent justement la diversité.
    Google Actualités, par exemple, qui a été fondé après les événements du 11 septembre, a été créé par un de nos ingénieurs qui voulait se faire une idée de la façon dont les gens parlaient de ces événements et les signalaient, une idée non seulement du point de vue des médias d'information locale ou nationale aux États-Unis, mais aussi de celui des gens à Jérusalem ou en Égypte. Il faut se demander encore une fois comment nous pouvons obtenir des points de vue plus diversifiés. Comment pouvons-nous incorporer un plus grand nombre de sources de connaissances et d'information?
    Il s'agit vraiment de notre mission qui sous-tend ces produits, et cela n'a pas changé. Une fois de plus, notre objectif est de déterminer comment favoriser davantage l'innovation. Je pense que nous reconnaissons tous — c'est la raison pour laquelle nous sommes ici — que le monde a changé. L'écosystème a changé. Notre société a changé. Les médias d'information doivent également changer pour savoir quel genre de produits ils doivent créer afin de remplir leur rôle de quatrième pouvoir des démocraties. La situation n'est plus ce qu'elle était il y a 40 ans.
    Oui. C'est la raison pour laquelle je vous pose la question. Prenez par exemple le fait que votre nom, Richard Gingras, est français, et que nous devons le prononcer en anglais: cela renvoie en soi à la question. Au Québec, tous les médias ont été créés en tant qu'écosystème pour maintenir la place de la diversité. Même dans les nouveaux accords commerciaux comme l'AECG, il est précisé dans les premiers paragraphes qu'il faut se conformer aux règles de la Coalition pour la diversité culturelle, de l'UNESCO. Pour un grand acteur comme vous, en faire partie, s'assurer que vous pouvez maintenir la diversité, n'est-ce pas... Je sais que vous parlez de la diversité des points de vue, mais nous parlons également de la protection d'un contenu dont la taille diminue ou qui, si l'on veut, se désagrège dans un contexte de mondialisation.
    J'ai eu la chance d'aller visiter votre bureau à Montréal avec Jason Kee, je crois, ou certaines personnes de Google. J'étais là avec vous, à la Place Ville-Marie, lorsque vous avez accordé une entrevue à Mme Lapierre, de Radio-Canada. Il est formidable de voir votre approche du journalisme et de son avenir. Cela dit, la réalité dans certains milieux — par exemple une petite collectivité française au Manitoba —, c'est qu'on se demande comment survivre.
    Pouvez-vous jouer un rôle? Pouvez-vous parrainer des activités locales? Google a-t-il des projets spéciaux pour redonner dans une petite collectivité un certain sens au nom de la société propriétaire, Alphabet, ou devez-vous toujours procéder de manière plus globale?
(1310)
    Nous procédons toujours à grande échelle. Nous ne mettons pas l'accent sur une population, une langue ou autre chose. Nous menons nos activités de façon globale. Comme vous le savez, nous avons une version française de Google Actualités. Jason peut probablement vous donner une idée de la façon dont le pourcentage du revenu généré par la publicité de Google au Canada français est à peu près proportionnel au PIB du Canada français.
    Nous examinons ces questions globalement. Nous ne nous demandons pas ce que nous faisons dans la version anglaise par rapport à ce que nous ne faisons pas. Nous faisons la même chose partout. Nous procédons de manière globale du mieux que nous le pouvons. Cela ne signifie pas que nous sommes parfaits. Nous continuons de nous améliorer sur tous les plans, qu'il s'agisse de nos systèmes algorithmiques, de notre technologie. Oui, nous avons établi une entreprise qui connaît beaucoup de succès. Vous avez parlé de Yahoo. Ce que nous n'oublions jamais, c'est que rien ne force quelqu'un à utiliser Google. Il suffit d'un clic pour avoir accès à un autre moteur de recherche. Notre succès dépend de ce que nous faisons aujourd'hui, et espérons que nous continuerons de favoriser notre réussite et celle de ceux avec qui nous travaillons.
    Une grande partie des outils sur lesquels nous nous concentrons sont précisément conçus pour donner des moyens aux collectivités locales, essentiellement des villes du Québec et ainsi de suite. Je pense que les difficultés auxquelles les agences de nouvelles locales du Québec font face ne sont pas si différentes que celles éprouvées ailleurs dans le monde, surtout dans les régions éloignées et rurales. Notre concept, qui était... Je crois que le discours tenu auprès du Comité était qu'une partie des difficultés éprouvées par les journaux communautaires locaux s'expliquaient en général par de vastes prises de contrôle. En gros, certaines des entités concernées devaient cesser leurs activités. Pourtant, ce que nous avons vu, c'est l'apparition de publications hyper locales, comme celles de Village Media, qui ont rendu possible la diffusion de ces nouvelles. Au Québec, des entités semblables mettent grandement l'accent sur les questions locales.
    De notre côté, nous faisons tout notre possible pour favoriser la création de ces entités en offrant un certain nombre de produits et de services publicitaires dont elles peuvent tirer parti pour avoir des revenus publicitaires. Au cas où ce ne serait pas clair, chaque fois que quelqu'un dit que Google prend l'ensemble des recettes publicitaires, on ne tient pas compte du fait que 70 % de ce que prend Google est versé de nouveau dans l'écosystème d'éditeurs, pas seulement pour les nouvelles, mais aussi à l'échelle du Web.
    Merci, monsieur Kee.
    Nous devrons reparler à tous ceux et celles qui se sont plaints de la situation. On entend souvent qu'il n'y a pas de taxe de vente qui s'applique aux transactions faisant intervenir de grands acteurs comme vous. Personne n'accuse personne de ne pas payer de taxes. C'est simplement que nous n'en exigeons pas. Cela demeure donc un grand enjeu qui reviendra au cours des prochaines semaines.
    Malheureusement, mon temps est écoulé, donc la parole va à M. Samson. Il nous parlera de la réalité francophone.

[Français]

     Monsieur Gingras, merci de votre présentation.

[Traduction]

    Notre Comité se concentre sur trois grands enjeux. Je vais les résumer à la lumière des discussions que nous avons depuis déjà quelque temps: les nouvelles locales, le contenu canadien et les minorités. C'est un peu ce que M. Nantel mentionnait. Je ne suis pas d'accord avec M. Clement lorsqu'il prétend que les nouvelles locales sont en plein essor en cette nouvelle époque. C'est absolument faux, ce n'est pas du tout ce que nous disent les témoins depuis quatre ou six mois. Cette affirmation me laisse pantois.
    Comme vous avez parlé un peu d'argent, monsieur Kee, parlons d'argent. C'est une question que beaucoup de témoins soulèvent. Mon collègue a posé une question à Richard un peu plus tôt sur le fait que Google paie 1 % pour les nouvelles locales. Je n'ai pas entendu de réponse à cette question. Avez-vous une opinion à cet égard?
(1315)
    Le coeur de notre philosophie, c'est que l'avenir passe par l'innovation, la technologie, le développement des produits et la mise au point d'un nouveau modèle d'affaires novateur et durable plutôt que par les subventions d'interfinancement. Il y a diverses raisons à cela, notamment que la création de subventions n'est pas viable à long terme. Les subventions ont tendance à générer une dépendance et ne stimulent pas nécessairement le genre d'innovation qu'il faut pour créer des modèles durables.
    Le grand défi auquel tout le monde est confronté en ce moment, c'est essentiellement celui de la perturbation du système. Toute l'industrie se fondait sur un certain nombre de conditions préalables: elle était contrainte géographiquement, elle était essentiellement maître de la production et de la diffusion, et le public était bien circonscrit. L'Internet a tout chamboulé, puisqu'on peut désormais trouver de l'information partout. Bon nombre des propositions de base des journaux, non seulement en ce qui concerne la publicité, mais aussi les annonces classées, ne tiennent plus la route. Craigslist et Kijiji ont été de grands perturbateurs, et toute cette valeur ajoutée s'est envolée. Ce sont maintenant les journaux qui essaient de trouver une façon de s'adapter à l'époque. En même temps, ils ont le fardeau de tous les coûts hérités des médias imprimés.
    La véritable innovation s'observe chez les acteurs strictement numériques, ceux qui émergent des communautés locales, qui ne viennent pas du milieu. Ils ne traînent pas ce genre de coûts et peuvent tirer parti des outils numériques. Cela signifie qu'ils peuvent produire du contenu à très faible coût, à la sueur de leur front et en y investissant le temps.
    Vous me donnez une bonne réponse, du point de vue des affaires, mais compte tenu de l'objectif que nous visons, celui de produire du contenu canadien, je ne suis pas certain que votre réponse m'aide beaucoup.
    Le gouvernement du Canada et bien d'autres qui investissent dans la publicité font la transition vers le numérique, et c'est le jeu que vous jouez en ce moment. Cela ne fait aucun doute. Les règles du jeu peuvent changer, comme on l'a dit, mais c'est à vous de jouer maintenant. Quelle proportion de vos revenus de publicité réinvestissez-vous dans le contenu canadien? Ce serait une question.
    Tout dépend de votre définition. Comme Richard l'a souligné, et comme nous le disons nous-mêmes, la majorité des revenus tirés des annonces publicitaires, soit 70 %, revient aux créateurs de contenu, à ceux et celles qui créent le contenu des sites Web sur lesquels apparaît la publicité. C'est essentiellement un financement de la création de contenu, l'argent est donc utilisé pour créer du contenu.
    YouTube fonctionne à peu près de la même façon. Il suit un modèle de partage des revenus de publicité. Le créateur crée une vidéo, la diffuse sur YouTube, puis touche la majorité des revenus de publicité associés. C'est utilisé pour créer du contenu canadien.
    Ce n'est pas le genre de modèle de financement qu'on voit dans les industries réglementées. C'est plutôt un modèle de partage des revenus axé sur le marché.
    Permettez-moi de vous poser une question précise. Google paie-t-elle de l'impôt fédéral au Canada et le cas échéant, combien?
    Oui, nous payons de l'impôt fédéral. Toutefois, nous ne divulguons habituellement pas d'information financière sensible comme celle-ci.
    Au sujet de la TPS, comme M. Nantel l'a souligné, je vais vous expliquer rapidement que la situation est attribuable à la structure de la taxe elle-même. Il ne faut pas oublier que la TPS est une taxe imposée aux consommateurs. Ce sont donc les consommateurs qui la paient et non Google, le détaillant ou qui que ce soit d'autre. L'ARC a des règles. Ceux qui offrent des services de l'extérieur du pays ne sont pas tenus de s'enregistrer, puis de prélever ou de remettre la TPS. Dans ce cas-ci, la responsabilité incombe au consommateur, qui a l'obligation de la déclaration et de la remise. C'est pourquoi nous affirmons que pour certains services, elle est appliquée, mais pour d'autres, non. Tout dépend du contexte.
    Si c'est quelque chose que le Comité envisage de changer — et ce n'est pas la première fois que nous entendons parler de cette éventualité, on mentionne souvent Netflix dans ce contexte aussi —, vous devez surtout vous demander quelles en seront les conséquences. C'est une chose pour Google ou Netflix, mais il faut penser aux difficultés que cela pourrait causer à chaque entreprise présente sur Internet qui voudrait servir le marché canadien si elle devait s'enregistrer pour la TPS, prélever la TPS, remettre la TPS. Ce sera tout un défi, et il pourrait avoir pour résultat que les plus petits services n'arrivent plus à pénétrer le marché. Cela ferait plus de tort aux petites entreprises qu'à nous.
    Est-ce que Google crée du contenu de nouvelles original?
    Richard?
    Non. Ce n'est pas le rôle que nous nous voyons jouer; c'est vrai pour le passé, le présent et l'avenir, bien honnêtement. Comme vous le savez, nous avons pour mission de comprendre et d'organiser l'information mondiale pour la rendre accessible. Notre tâche consiste à faire tout en notre pouvoir pour relier les points entre les intérêts d'un utilisateur et l'information de la meilleure qualité possible qui existe. C'est notre rôle. Nous ne sommes pas là pour créer du contenu.
    Je pense qu'il n'y a personne qui souhaite nous voir créer du contenu dans le secteur des nouvelles. Nous pouvons participer de façon bien plus efficace à l'écosystème — et nous le faisons — en jouant le rôle que nous jouons actuellement, c'est-à-dire en faisant le pont entre les utilisateurs et l'information de qualité, en créant des plateformes pour monétiser et appuyer l'information et en offrant des outils stimulant l'innovation. C'est ainsi que nous percevons notre rôle et c'est ce que nous sommes déterminés à continuer de faire.
(1320)
    J'aimerais préciser une chose pour ceux et celles qui ne connaissent pas bien Google Actualités. Google Actualités n'est pas monétisé. Il n'y a pas de publicité dans Google Actualités. C'est essentiellement une liste de grands titres accompagnés d'une ligne de texte ou deux pour décrire l'article. On clique sur le lien, puis il nous mène ailleurs. Ce n'est pas une plateforme de contenu. Les articles n'y sont pas reproduits. C'est tout ce que le site fait, et c'est pourquoi il génère plus de 10 milliards de clics par mois vers d'autres sites. C'est une plateforme qui redirige le trafic vers d'autres sources et c'est ce qui permet aux journaux et aux organisations de nouvelles de monétiser ce contenu.
    Je vais laisser ma collègue poser une question.
    Comme il reste une minute et que vous en avez cinq vous-même, vous en aurez six en tout, d'accord?
    On m'ajoute du temps.
    Vous avez un peu parlé du partage des revenus. J'aimerais bien que nous creusions un peu plus sur la question, parce que nous n'en avons pas entendu beaucoup parler pendant nos audiences. Si l'on regarde les sites des médias canadiens, avez-vous une idée des sommes que les médias canadiens reçoivent au moyen du partage des revenus de Google dont vous parliez?
    Pas précisément. La moyenne mondiale est d'environ 70 %. Les détails dépendent beaucoup des ententes particulières. Nous avons des ententes particulières avec différents éditeurs, et elles diffèrent d'un à l'autre; c'est la raison pour laquelle il est difficile de vous donner un montant. Par ailleurs, nous ne ventilons pas nos données financières par pays, donc je ne peux pas vous donner de ventilation. Je sais que c'est assez important. Tout dépend aussi de la façon dont l'éditeur, qu'il produise des nouvelles ou d'autres choses, souhaite structurer son entreprise.
    Il y a une autre chose dont vous n'avez peut-être pas nécessairement entendu parler pendant vos travaux, c'est-à-dire que l'écosystème de la publicité numérique est extrêmement complexe. Ce n'est pas un monde qui se résume à un acheteur et à un vendeur ou à un annonceur et à un éditeur. Il y a une multitude d'entités entre les deux dans l'écosystème de la publicité numérique. Cela comprend les réseaux de publicité, qui se regroupent essentiellement et vendent leurs publicités à tout un bassin d'éditeurs, plutôt qu'à un seul. Il y a aussi les échanges publicitaires, qui se fondent sur des enchères en temps réel sur les impressions publicitaires, c'est donc extrêmement efficace. Il y a également des plateformes d'offre et de demande pour gérer tout cela, pour ne nommer que quelques éléments. Je me rappelle un directeur de publicité qui disait que quand on achète une annonce, on n'achète pas seulement le média, on achète les données. On achète en fait les données de 3 800 entreprises qui offrent une multitude de services à valeur ajoutée dans l'écosystème, ce qui le rend très complexe.
    Chaque éditeur gère ses propres annonces à sa façon. Dans certains cas, ils utilisent nos services, dans d'autres cas, ils font tout eux-mêmes. Cela dépend s'ils ont une équipe de vente ou pas.
    Monsieur Kee, les interprètes vous demandent de ralentir un peu vos ardeurs et votre débit.
    Je m'excuse.
    C'est la raison pour laquelle c'est si complexe; tout dépend des structures de chacun, de la façon dont les entreprises sont organisées.
    C'est toujours un peu vague. J'essaie de saisir... Prenons l'un des grands journaux nationaux du Canada. Quelle en serait la structure? Le National Post et le Globe and Mail sont deux des plus grands journaux dont des représentants ont témoigné devant nous. Je ne vous demande pas d'information commerciale privilégiée, mais si l'on prend l'exemple de l'un de nos grands journaux, disons le Toronto Star, quelle serait la structure de partage des revenus avec Google?
    Encore une fois, je m'avance, mais voici ce que je ferais probablement si je lançais un grand site Web pour une marque réputée. Premièrement, une partie de mes publicités se ferait par ventes directes. J'aurais une équipe responsable des ventes. Je pourrais donc solliciter directement les annonceurs. Je pourrais acquérir leurs produits. Comme je présenterais une marque réputée, j'obtiendrais un bon retour sur l'investissement, parce que ce serait de l'espace privilégié (la page d'accueil du National Post, par exemple). Cependant, la publication en ligne du National Post serait tellement grande qu'il n'arriverait pas nécessairement à vendre tout l'espace disponible. Le journal pourrait donc en complément combler l'espace invendu directement à des annonceurs par des liens Google ou autres sur le marché — et je répète qu'il existe bien d'autres réseaux que Google — au moyen de ventes aux enchères, par les réseaux. L'entreprise serait donc maître de toutes les publicités principales découlant de ventes directes, puis il y aurait le supplément des publicités automatisées.
    Il y a également d'autres formes émergentes d'automatisation du processus, qui passent encore une fois soit totalement par des ventes publiques aux enchères, soit par le processus étroit des transactions individuelles.
    Je suppose qu'à titre de multinationale, vous devez tenir des statistiques sur votre part du marché canadien et les investissements que vous y faites. Vous analysez sûrement le potentiel de différents pays. Quand vous analysez le marché mondial, faites-vous une ventilation pays par pays?
    De manière générale, l'entreprise évalue effectivement la situation marché par marché, mais nous ne divulguons pas publiquement d'information pays par pays.
(1325)
    Très bien.
    J'aimerais changer de sujet pour aborder les différences entre les sexes. Comme je l'ai déjà mentionné, je suis en train de lire un livre de John Stackhouse qui parle du lectorat du Global and Mail. Il se composait en grande partie d'hommes, auparavant, mais au fur et à mesure que Facebook et Google ont commencé à générer du trafic vers le journal, il a commencé à attirer un marché plus féminin. Je ne sais pas si vous avez des statistiques à ce sujet. Tenez-vous des statistiques sur les différences entre les sexes, la diversité...?
    Je vois beaucoup de têtes qui font signe que non, mais j'essaie toujours de savoir si les gens font une analyse comparative entre les sexes de leur effet sur les marchés. Faites-vous quelque chose du genre?
    Je vais laisser Richard vous répondre.
    Je n'ai pas de statistiques sur la consommation selon les sexes, mais comme je l'ai déjà mentionné, j'estime très important que ceux et celles qui travaillent dans le milieu des médias, des nouvelles, comprennent bien qui est leur public. Nous avons lancé un projet avec une université américaine, le Trust Project. Ce projet a une portée mondiale, il ne se limite pas seulement à Google. Il visait à susciter une conversation dans l'industrie sur la façon de repenser le modèle journalistique pour bâtir la confiance et la crédibilité.
    D'après les recherches que nous avons vues, il ressort clairement que pour gagner la confiance des gens et avoir de la crédibilité, il doit y avoir des affinités entre l'organisation de nouvelles et le public. Donc comme on peut s'y attendre, les femmes préfèrent qu'une organisation de nouvelles ne présente pas que des hommes, et l'inverse est vrai aussi. Je pense que ce sont des dynamiques importantes à prendre en considération dans la planification.
    Comme je l'ai déjà dit, comment pouvons-nous, nous et les éditeurs de nouvelles, mieux comprendre le public, mieux comprendre comment le rejoindre, pour un journalisme le plus efficace possible qui permettrait de produire un contenu journalistique de qualité qui s'attirerait la crédibilité qu'il mérite?
    Merci, monsieur Gingras.
    Selon la tradition du choix du président (au Canada, il y a une marque Le choix du Président, monsieur Gingras), j'ai quelques questions à vous poser. Premièrement, est-il exact que les espaces publicitaires sont vendus aux enchères, d'une certaine façon, qu'ils sont vendus au client au meilleur prix possible?
    Tout dépend du modèle de chaque éditeur et de ce qu'il veut faire de son inventaire invendu. Tout dépend aussi des réseaux qu'il utilise pour vendre ses espaces publicitaires. Il y a divers types de ventes aux enchères, entre autres.
    Merci beaucoup.
    Est-il vrai également que le partage des revenus de publicité que vous évoquez vient surtout de YouTube?
    Je vais laisser Jason répondre à cette question. Il connaît les chiffres mieux que moi.
    C'est vrai pour la publicité par annonces, toutes les bannières et les autres annonces que vous voyez sur les sites Web. En fait, la majorité des revenus viennent directement de là. Cela comprend les publicités sur YouTube aussi, mais ce sont surtout les bannières et les autres publicités du genre qui génèrent des revenus.
    Ces revenus sont partagés selon un certain pourcentage avec les éditeurs de quoi à quel moment?
    Que voulez-vous dire?
    Si je fais une recherche à l'aide de Google, il y a quelques bannières qui apparaîtront ici et là. Les revenus qui en découlent seront-ils partagés avec quelqu'un?
    D'abord, je dois préciser qu'il s'agit dans ce cas d'annonces de recherche, et que les revenus qu'elles génèrent ne sont pas partagés, parce qu'il ne s'agit pas là de contenu qui nous est fourni. Ce sont les publicités par annonce, les bannières et toutes les autres publicités qui apparaissent sur le site Web que vous consulterez qui généreront des revenus. Ce sont les publicités qui activent le réseau d'affichage qui rapportent de l'argent.
    Supposons qu'on utilise les nouveaux entrefilets qui sont là pour nous attirer. Il n'y a pas de partage de revenus à ce moment-là, et je peux le comprendre. J'ai déjà travaillé dans le domaine de l'enregistrement de musique et je souhaitais désespérément que les diffuseurs fassent jouer ma musique. Je ne leur ai jamais demandé un sou pour la diffuser, à part les maigres droits de la SODRAC. Je voulais qu'ils la fassent jouer.
    Supposez-vous que nos médias, nos éditeurs, devraient être contents d'avoir cette visibilité pour que les gens aillent voir leurs sites Web? Est-ce l'idée générale?
    En effet. En réalité, je pense que nous savons que la très grande majorité des éditeurs du monde sont enchantés de l'expérience. Il faut aussi rappeler qu'ils ont le choix d'être inclus ou non dans Google Actualités et l'outil de recherche de Google.
    Je pense qu'il faut bien comprendre les paramètres de base de Google Actualités et de l'outil de recherche de Google. Le facteur déterminant de l'équipe qui administre Google Actualités, c'est le nombre de clics qu'on peut obtenir. Chaque fois que les utilisateurs cliquent sur un lien, ils sont dirigés vers le site source de la nouvelle, n'est-ce pas? C'est important pour nous. S'ils ne cliquent pas, c'est que nous ne mettons pas en vedette le bon contenu. Le but est d'orienter le trafic vers le contenu.
(1330)
    C'est la raison pour laquelle je conclurai en vous disant que selon moi et selon la simple logique, le monde est content d'être vu dans Google, tout comme les musiciens étaient heureux qu'on fasse jouer leur musique à la radio partout dans le monde, mais nous avions des quotas ici, au Canada, pour le contenu canadien, le contenu québécois et le contenu francophone. On peut donc se demander ce qu'on peut proposer pour ne pas disparaître, mais conserver notre pertinence dans l'environnement actuel.
    Je vous remercie beaucoup de votre participation. Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer. Nous apprécions vraiment que notre invitation ait été prise au sérieux.
    Monsieur Gingras, j'espère avoir l'occasion de vous rencontrer bientôt.
    M. Richard Gingras: Merci.
    Le vice-président (M. Pierre Nantel): Merci beaucoup, monsieur Kee et monsieur Brindle.
    La séance est levée.
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