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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 017 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 juin 2016

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Conformément au paragraphe 108(2), nous continuons notre étude sur les pays ciblés par le gouvernement du Canada pour recevoir l'aide bilatérale au développement.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Merci de prendre le temps de venir témoigner. Je suis président invité aujourd'hui, puisque notre président est absent pour des raisons professionnelles.
    Nous allons commencer par les exposés. Je crois que vous disposez tous de 10 minutes. Nous allons essayer de respecter ce temps le plus possible. Par la suite, nous aurons tout le temps voulu pour les questions.
    Je vais suivre la liste que j'ai ici.
    Monsieur Werker, bienvenue. Nous allons vous laisser vous présenter et nous donner un aperçu de votre parcours. Si vous voulez commencer par présenter votre exposé, ce serait très bien.
    Merci, monsieur le président. Je suis ravi d'être ici. C'est un honneur pour moi qu'un groupe de gens accomplis et d'expérience me consulte.
    Je vais vous parler brièvement de mon parcours. L'an dernier, je suis retourné à Vancouver avec ma famille après avoir vécu à Boston pendant près de 20 ans. J'y ai fait mes études en économie, à Harvard, et j'ai passé presque une décennie à la Harvard Business School. Mes recherches portent surtout sur l'aide extérieure, mais j'étudie un certain nombre d'autres aspects du développement économique. Une partie de mes recherches sur l'aide extérieure porte sur les décisions sur l'allocation de l'aide que prennent les pays donateurs. Il est donc d'autant plus intéressant pour moi de comparaître devant votre comité.
    J'ai également gardé un pied dans le monde concret, en travaillant, pendant mes études supérieures, aux questions relatives aux réfugiés en Ouganda et, pendant une courte période, pour la Millennium Challenge Corporation, un organisme d'aide gouvernementale américain, pendant l'année où elle commençait ses activités, et j'ai agi à titre de conseiller du gouvernement du Libéria sur la politique économique. Depuis mon retour à Vancouver, je contribue au travail de l'Université Simon Fraser dans le cadre de l'ICIRD, l'Institut canadien international des ressources et du développement; j'étudie des questions liées à la gouvernance des ressources.
    Je veux dire que je serai à la disposition du Comité — de ses membres et des analystes — dans la mesure où ce sera utile.
    Le Canada est la 10e puissance économique dans le monde. Sa contribution concernant le PIB des économies avancées est légèrement supérieure à 3 %, ce qui veut dire que lorsque les choses vont bien, nous pourrions consacrer plus de 5 % des dépenses au bien public mondial. Cependant, 5 %, c'est une donnée un peu bizarre. Si nous faisons bien les choses, nous pouvons cibler une poignée de problèmes, travailler dans un petit nombre d'endroits et vraiment aller plus loin et produire des changements. Si le travail est effectué sans objectif précis, c'est comme si l'on essayait de faire bouillir l'océan.
    Qu'en est-il de l'aide extérieure que le Canada a fournie jusqu'à maintenant? Je ne sais pas si vous avez reçu le document que j'ai envoyé. Oui? D'accord. Je peux y faire référence.
    J'ai examiné la liste des 10 principaux pays bénéficiaires de l'aide de la dernière année sur lesquels l'OCDE a fourni les données. Le premier pays sur la liste, c'est l'Ukraine, qui a reçu environ 130 millions de dollars américains. La Jordanie et la Cisjordanie et la bande de Gaza sont respectivement au 9e et 10e rang sur la liste. Par la suite, j'ai fait une comparaison entre leur PIB et l'aide totale que d'autres donateurs fournissent à ces pays. En examinant le document, vous constaterez qu'il n'y a qu'un seul pays pour lequel nous donnons l'équivalent de 1 % du PIB, et il s'agit d'Haïti. Pour la plupart des autres, on parle de moins de 0,5 % de leur PIB.
    Si l'on examine la part de l'aide que reçoivent tous nos pays bénéficiaires, on remarque que l'Ukraine et les Philippines sont en tête de liste; nous leur donnons près de 10 % de l'aide qu'ils reçoivent, et ce ne sont pas des pays qui dépendent beaucoup de l'aide. Ce sont des pays à revenu intermédiaire qui ne dépendent pas vraiment beaucoup de l'aide au développement. Si l'on examinait les pays auxquels nous donnons au moins l'équivalent de 0,5 % de leur PIB, et nous contribuons pour au moins 5 % de l'aide totale que reçoivent ces pays, on constaterait qu'il n'y a que deux pays sur la liste: le Mali et Haïti. C'est un seuil assez bas, si l'on veut avoir vraiment une influence sur le développement de ces pays.
     C'est ce qu'indique l'illustration A. La deuxième dont je voulais vous parler, l'illustration B, qui correspond au tableau 2, c'est la possibilité de fonctionner par priorités thématiques, d'axer les efforts sur une question de fond.
    Dans mon milieu, celui du développement économique et de la gouvernance des ressources, il y a un petit nombre de programmes bilatéraux que j'admire. La Norvège en compte deux ou trois.
     Il y a entre autres l'aide qu'elle fournit aux pays sur le plan de la gouvernance relative au pétrole. Ses dépenses annuelles à cet égard sont d'environ 50 millions de dollars canadiens. C'est une question assez précise, mais ce montant est bien en deçà de l'enveloppe budgétaire d'un pays comme le Canada concernant le leadership mondial dont il peut faire preuve.
    Il y a ensuite son initiative pour le climat et les forêts. La Norvège est de loin le chef de file mondial parmi les pays donateurs pour ce qui est d'essayer de résoudre le problème des changements climatiques causé par la déforestation. Elle agissait depuis un certain nombre d'années au moment où tous les autres pays traînassaient et essayaient de comprendre le problème. Ses dépenses à cet égard sont de près de 500 millions de dollars canadiens. C'est beaucoup plus, mais c'est toujours tout à fait à la hauteur des possibilités du Canada si nous devions voir grand pour un enjeu comme celui-là.

  (1535)  

     Le Royaume-Uni qui, comme vous le savez, consacre 0,7 % de son PIB aux dépenses d'aide, est le chef de file mondial en tant que donateur intelligent. Il consacre environ 600 millions de dollars canadiens à la recherche. Bien entendu, l'aide est consacrée à toute la gamme des questions relatives au développement.
    Ce n'est peut-être pas une coïncidence: je travaille à deux projets présentement, un à la LSE et l'autre à l'Université de Manchester. Ce sont essentiellement des projets de recherche appliquée. Nous collaborons étroitement avec des conseillers du DFID, le Department for International Development, pour amener la recherche sur l'économie à apporter un éclairage sur les problèmes.
    Encore une fois, c'est 600 millions de dollars pour toute la gamme. Le Canada pourrait renforcer son leadership avec une fraction de cela pour un groupe d'enjeux choisis.
    L'initiative d'Obama, du gouvernement des États-Unis, Power Africa, donne 390 millions de dollars canadiens par année. Encore une fois, c'est tout à fait à la hauteur de nos ambitions.
    Même dans le cas de la Millennium Challenge Corporation, qui est considérée comme le meilleur organisme d'aide bilatérale qui soutient des pays qui ont une bonne croissance, on ne parle que d'environ 1,6 milliard de dollars canadiens.
     Les thèmes de fonds correspondent également à la façon dont les connaissances sont organisées. À quelques exceptions près, il y a très peu de spécialistes de secteurs et il y a plus de spécialistes qui ont des connaissances en génie des eaux ou en réglementation financière. Les objectifs de développement durable sont organisés selon des questions de fond.
    Cela ne signifie pas qu'il ne sert à rien d'assurer une forte présence dans un seul pays ou dans un petit nombre de pays.
    Je recommande une approche à deux volets: tout d'abord, profondeur et étendue.
    Nous pourrions chercher un petit nombre de pays où le Canada pourrait jouer un rôle d'envergure. De loin l'un des plus grands donateurs bilatéraux, dont la contribution est du même ordre que celle de la Banque mondiale, le Canada peut participer à une approche globale des problèmes pour créer de la croissance inclusive. Ce serait bon autant pour nous que pour eux.
     Ce serait bon pour nous, parce que nous serions exposés à des domaines dans lesquels nous n'avons peut-être pas choisi de nous spécialiser. Nous pourrions avoir une présence sur le terrain qui nous permettrait de voir les problèmes qui prennent de l'ampleur, de même que de faire participer l'ensemble de l'écosystème canadien ici, des organismes de réglementation aux urbanistes, en passant par les professeurs d'université et les enseignants du secondaire, ou peu importe la façon dont nous choisissons d'agir dans le pays.
    Compte tenu des conclusions tirées du premier tableau, pour procéder de façon efficace, il faudrait que le Canada choisisse un nombre beaucoup plus restreint de pays que les 25 pays ciblés, surtout si nous devions prendre presque un montant équivalent de notre budget pour l'investir dans un petit nombre de secteurs dans lesquels le Canada pourrait espérer être le meilleur dans le monde et faire participer, encore une fois, son écosystème d'acteurs, soit des professeurs d'université, des dirigeants de la société civile, des dirigeants provinciaux et municipaux, le secteur privé et des investisseurs dans le cadre des changements dans ces domaines.
    Dans le troisième tableau, j'ai inclus une liste de domaines d'intervention privilégiés hypothétiques du Canada. Les pays pourraient être...
     Cela ne se fonde pas sur un processus empirique. C'est mon prochain point.
    Imaginez si nous étions présents en Haïti, au Mali, en Syrie, au Pérou et en Mongolie, et que nous travaillions à des thèmes significatifs, comme la santé maternelle, l'exploitation minière responsable, la productivité agricole, la gestion de l'eau et le bien-être des réfugiés. Ce serait un portefeuille représentatif sur lequel le Canada pourrait avoir des ambitions dans un petit nombre de domaines essentiels et de régions. Cela ne se ferait pas à l'extérieur de notre stratégie d'engagement multilatéral.
     Ici encore, il s'agirait d'investir grandement dans une poignée d'organisations internationales de grande portée, comme le Secrétariat de l'ONU ou le G20, de même que dans un petit nombre d'organisations internationales ayant une grande expertise, comme l'Organisation mondiale de la santé ou le HCR, où notre objectif serait d'être un chef de file, de faire partie des deux ou trois pays en tête de liste sur le plan des membres du personnel et des efforts de réforme, d'être le pays hôte de rencontres, de faire progresser des initiatives et, bien entendu, de fournir des fonds.
    Comment les choisirions-nous? Je propose l'établissement d'un tableau indicateur. Il est évidemment important de faire participer des gens et d'écouter les Canadiens, mais l'examen d'un tableau indicateur pourrait également permettre de définir et d'évaluer le besoin, pour nous, de participer à cet égard et de déterminer s'il y a un besoin qui n'est pas comblé par d'autres donateurs.
    Avec la capacité canadienne, pouvons-nous être les meilleurs au monde dans un domaine? Pouvons-nous fournir de l'aide à une échelle suffisante?

  (1540)  

     Ensuite, bien entendu, il y a l'intérêt national. Pouvons-nous faire participer un écosystème canadien à l'extérieur des groupes de développement international et pouvons-nous du même coup améliorer la vie des Canadiens?
    J'ai serai ravi de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Werker.
    C'est maintenant au tour de M. Greenhill, qui dispose de 10 minutes.
    Si vous pouviez rapidement vous présenter, nous parler un peu de vous avant de commencer votre exposé, ce serait très bien.

[Français]

    Bonjour. Je suis enchanté d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup de votre invitation.

[Traduction]

    Pour ce qui est des informations générales et de mon parcours, il s'agit évidemment de mon point de vue personnel et non celui de Global Canada, dont je préside le conseil.
     Je viens de l'Ouest canadien. J'ai été consultant à McKinsey and Company pendant un certain nombre d'années, et je suis devenu par la suite directeur de la stratégie chez Bombardier et président de Bombardier International group ensuite avant de travailler au CRDI en tant que spécialiste qui étudiait le rôle du Canada dans le monde. On m'a demandé de présider l'ACDI, ce que j'ai fait pendant trois ans sous les gouvernements libéral et conservateur; et pendant six ans, j'ai été directeur général du Forum économique mondial, qui a organisé le Forum de Davos, entre autres choses, et qui participe grandement à des mesures collectives sur les problèmes mondiaux.
    C'est à partir de ce parcours que je vais maintenant vous donner mon point de vue.
    Concernant le contexte stratégique, au cours des 15 dernières années environ, nous sommes passés d'un monde du G7 à un monde comptant 7 milliards de gens dans lequel une multitude d'acteurs étatiques et non étatiques peuvent avoir une influence sur notre sort collectif. Dans ce monde, les innovations et les améliorations peuvent se propager rapidement à travers les frontières. De la même façon, les événements négatifs, qu'il s'agisse de maladies infectieuses, de cybercrime ou de terrorisme, peuvent se propager tout aussi rapidement.
    Ce monde est à la croisée des chemins. Il est possible qu'au cours des 15 prochaines années, nous puissions éradiquer la pauvreté. Nous pourrions voir se stabiliser certains des États les plus fragiles dans le monde. Un nombre sans précédent d'États et de gens pourraient accéder à la classe moyenne. Nous pourrions vivre dans un monde plus juste, stable et prospère dans lequel les frontières seraient tout de même respectées. C'est possible et ce serait sans précédent.
    Malheureusement, je crois qu'il est plus probable que nous nous engagions plutôt dans une mauvaise voie: affaiblissement de la coopération internationale; effondrement d'un certain nombre d'États fragiles; groupes extrémistes ou groupes d'intérêts autoritaires qui s'emparent de pays à revenu intermédiaire; un certain nombre d'États occidentaux qui se désengagent; le monde qui entre dans une dégringolade — tensions, conflits, dégradation de l'environnement et, dans certaines régions, effondrement sur le plan écologique — ; et possible échec monumental du système international.
    Ce n'est pas parce que nous ne l'avons pas encore vécu que nous devrions nous imaginer que cela ne se produira pas d'ici les 10 prochaines années. Dans une certaine mesure, nous sommes une situation qui ressemble en quelque sorte à celle des années 1928 et 1929 — sans les tensions du fascisme, mais avec des problèmes collectifs et des pressions qui s'exercent sur le système. Je crois qu'il nous faut comprendre que nous sommes vraiment à la croisée des chemins dans notre histoire.
    Il est évident également que le scénario le plus probable, c'est celui qui est négatif, ce qui serait une catastrophe pour le Canada et un triste héritage à laisser à nos enfants. Je crois que c'est là la situation.
    Je pense également qu'en cette période critique, le Canada peut jouer un rôle plus important que tous les rôles qu'il a joués au cours des 60 dernières années. Nous sommes probablement bien placés pour avoir le genre d'influence que nous avions à la fin des années 1940 et au début des années 1950, et ce, pour deux raisons.
    La première, c'est notre capacité de faire bouger les choses. Nous avons, en fait, la marge de manoeuvre financière et le soutien national qu'il faut pour que les décideurs d'Ottawa prennent des mesures audacieuses à l'échelle internationale. L'appui national pour un Canada actif dans le monde existe.
    La deuxième, c'est que nous avons l'attitude et l'ensemble de compétences requises pour faire face aux défis d'aujourd'hui, et nous avons de la crédibilité sur la scène internationale. On nous fait confiance, on croit que nous prendrons les mesures qui s'imposent pour les bonnes raisons, de sorte que nous pouvons changer la donne.
    Ce qui est peut-être encore plus frappant — et, dans un sens, plus inquiétant —, c'est qu'à titre comparatif, nous nous démarquons vraiment, car bien que notre pays soit le plus petit membre du G7, c'est peut-être aussi celui qui a aujourd'hui la capacité inutilisée la plus importante d'influencer le cours des événements de façon positive, puisqu'une bonne partie des autres partenaires du G7 sont exaspérés. Les États-Unis vivent une période très difficile sur le plan politique. Le Royaume-Uni est exaspéré sur le plan de ses engagements financiers en matière de défense et de développement, qui dépassent grandement les nôtres et ceux de bien d'autres pays, et il est en train de traverser une crise existentielle. La France est dans une situation très difficile. L'Italie et le Japon sont dans un chaos financier. En regardant la situation des pays du G7, le Canada est le seul qui est encore capable de participer de façon importante s'il le décide ainsi.
    Compte tenu de ce contexte, je crois que nous avons l'occasion et également l'obligation de participer de façon à ce qu'il y ait des conséquences: le Canada ne doit pas se contenter d'être présent; il doit vraiment changer la donne.
    Comment le faire dans un monde aussi complexe? Je dirais qu'il nous faut être très déterminés.

  (1545)  

    Au cours des cinq prochaines minutes, je décrirai un plan de développement en quatre points.
    Tout d'abord, il faut cibler les efforts. Comme Eric l'a mentionné, nous pouvons être très utiles dans plusieurs régions. Toutefois, je ferais valoir qu'il y a seulement un nombre limité de régions dans lesquelles nous pouvons réellement changer les choses.
    Deux pays sont importants, à l'échelle régionale ou mondiale, pour la stabilité mondiale et ce sont également des pays où nous pouvons faire une différence sur le plan des résultats.
    Il y a tout d'abord Haïti, comme Eric l'a mentionné. Il s'agit du seul État fragile en Amérique latine ou dans les Amériques — mais le Venezuela tente de le rattraper — et il a un énorme impact sur l'ensemble de la région des Caraïbes. Son développement politique et économique a atteint un point critique. Nous sommes l'un des trois principaux intervenants dans ce pays — avec la France et les États-Unis —, mais nous jouissons d'une réputation de crédibilité et d'objectivité que ne possèdent pas les deux autres. Si nous le souhaitons, nous pouvons apporter une contribution sans pareille là-bas.
    Le deuxième endroit est l'Afghanistan. Il s'agit manifestement de l'un des pays les plus pauvres du monde. Ce pays fait face à des défis extrêmes. Il est très important, non seulement en soi, mais également en raison de l'impact qu'il a sur le Pakistan et sur la région. C'est un pays avec lequel nous avons une relation unique, non seulement en raison des sacrifices monétaires et humains auxquels nous avons collectivement consentis, mais également en raison de la capacité offerte par nos fonctionnaires, nos dirigeants et la société civile du Canada, et le très grand respect dont jouit le Canada en Afghanistan, de l'échelon le plus bas jusqu'au président. C'est un autre endroit où, si nous le souhaitons, nous pouvons faire une grande différence. Ce sont donc les deux endroits dont je voulais vous parler.
    Permettez-moi de vous parler de l'autre volet sur lequel il faut cibler les efforts, à savoir la thématique. Vous pouvez vous représenter nos interventions à l'échelle mondiale sous la forme de la lettre T. Nous pouvons mener des interventions très approfondies dans un nombre limité de pays, et nous pouvons faire une différence dans quelques régions du monde grâce à une intervention d'ordre général.
    Ces interventions ne sont pas exclusives. Nous mènerons aussi d'autres interventions, mais il y a deux secteurs qui présentent de grands besoins non comblés qui ont des conséquences à l'échelle mondiale, c'est-à-dire qu'il est non seulement souhaitable d'améliorer ces secteurs, mais que ces améliorations auront également des répercussions sur les résultats mondiaux. Nous pouvons donc apporter une contribution sans pareille dans ces deux secteurs.
    Tout d'abord, il y a la santé génésique. Dans les programmes de développement international, les gens ont trop souvent tendance à protéger les filles, mais à abandonner ou à oublier les femmes. Dans certains pays en développement dans lesquels nous intervenons, les chances qu'une fille soit immunisée ou fréquente l'école sont de 80 à 90 %. Toutefois, les chances qu'elle ait accès à des moyens de contraception modernes lorsqu'elle devient une femme sont de 10 à 20 %.
    Étant donné que 200 millions de femmes n'ont pas accès aux moyens de contraception qu'elles souhaitent souvent ardemment obtenir, 100 000 femmes et 600 000 enfants meurent chaque année. Les effets de cette situation sur le développement d'un pays sont encore plus importants.
    Lorsque les femmes peuvent choisir le moment où elles auront des enfants et leur nombre, elles ont tendance à avoir des familles moins nombreuses. Ces familles moins nombreuses permettent d'augmenter le ratio de travailleurs par personne à charge, ce qui augmente la croissance économique par habitant de 30 % ou moins. Cela a également tendance à réduire le fardeau écologique sur le pays et, dans les États fragiles, le risque de conflits liés aux ressources. Ainsi, le renforcement de l'autonomie des femmes ne favorise pas seulement les droits de la personne, mais cela change également la destinée démographique de pays et de régions. Si nous pensons à des situations comme celle du Sahel, nous nous rendons compte que des pays comme le Mali et le Niger s'effondreront au cours des 30 prochaines années si on ne renforce pas entièrement l'autonomie des femmes dans ces pays.
    Ainsi, il ne s'agit pas seulement d'un enjeu lié aux droits de la personne, mais d'un enjeu géopolitique. C'est un domaine dans lequel le Canada est dans une situation unique, car il jouit d'une grande crédibilité en matière de questions liées à la SMNE — le gouvernement actuel poursuit les efforts en ce sens —, et parce que le gouvernement actuel concentre aussi ses efforts sur les femmes et les filles et qu'en général, notre pays jouit d'une bonne crédibilité lorsqu'il s'agit de gérer des questions délicates. C'est donc l'un des thèmes.
    Le deuxième thème est lié aux éléments de notre propre structure de base, à savoir la paix, l'ordre et la bonne gouvernance. Lorsqu'il s'agit du développement mondial, nous constatons que l'élément clé demeure la gouvernance dans les États fragiles ou les États à revenus moyens à peu élevés ou les États plus développés comme le Brésil. Pour paraphraser James Carville, cela revient évidemment à l'État. C'est l'élément clé.
    Le Canada a d'excellents antécédents en matière de gouvernance. C'est une notion que nous avons comprise dès la création de notre pays. Nous portons une attention particulière aux notions de la paix et de l'ordre, que nous favorisons par les services de police, le système judiciaire et le système pénitentiaire. Ce sont des domaines dans lesquels des pays ont besoin d'aide et ce sont également des domaines dans lesquels le Canada jouit d'une très grande crédibilité. Je ferais valoir que la paix, l'ordre et la bonne gouvernance représentent le principal avantage concurrentiel du Canada et le plus grand besoin à combler dans le monde.
    Ce sont donc les priorités sur le plan géographique et sur le plan sectoriel.
    Le troisième point concerne la façon dont nous concrétisons ces notions. Nous avons besoin des ressources appropriées, et elles doivent être suffisantes. Cela signifie que nous devons investir dans ces pays et ces régions avec l'intention de devenir le meilleur intervenant à l'échelle mondiale. Si nous souhaitons nous concentrer sur la bonne gouvernance, y compris la gouvernance des ressources mentionnées par Eric, nous devrions affirmer que le Canada et Ottawa deviendront des centres mondiaux de bonne gouvernance. L'ONU n'a aucune institution pour la bonne gouvernance comme dans le cas de l'OMS pour la santé. Nous pouvons donc assumer cette responsabilité.

  (1550)  

    Au-delà de l'idée d'investir des ressources dans un secteur précis, il y a la question des ressources en général. Pendant les deux dernières minutes dont je dispose, j'aimerais vous parler de nos engagements à veiller à ce que nos ressources soient suffisantes pour réaliser nos objectifs.
    J'aimerais attirer votre attention sur les quatre prochaines diapositives.
    La première montre où se situe le Canada comparativement à ses pairs, c'est-à-dire les autres pays du G7 et les économies moyennes ouvertes, par exemple la Norvège et la Suède. Notre contribution est inférieure à la moyenne de celles du reste des membres de ce groupe. En 2014, notre contribution représentait environ 0,24 % de notre RNB; en 2015, environ 0,28 %. Les contributions des autres membres de ce groupe atteignent presque le double de cette proportion, c'est-à-dire environ un demi-pour cent de leur RNB. Si vous examinez les pays que nous appelons « à intérêts communs » — les pays scandinaves et le Royaume-Uni —, vous pouvez constater que nous avons les mêmes intérêts, mais pas les mêmes portefeuilles. En général, notre contribution représente la moitié ou le tiers de celle de nos pairs.
    Le deuxième point, comme vous pouvez le voir sur la troisième diapositive, c'est que non seulement nous dépensons moins que nos pairs, mais nous dépensons également beaucoup moins qu'auparavant. En effet, pendant 30 ans, sous des gouvernements conservateurs et libéraux, notre pays s'était fermement engagé envers le développement. Nous étions des chefs de file, et notre contribution s'élevait à environ un demi-pour cent de notre RNB. Au début des années 1990, à la suite des crises financière et constitutionnelle qu'a subies notre pays, ce montant a diminué en flèche, et il n'a encore pas remonté.
    Si nous continuons ainsi, la situation actuelle sera la pire que nous avons connue. L'an dernier, en pourcentage de son RNB, le Canada a dépensé la deuxième somme la moins élevée de son histoire. Aujourd'hui, notre contribution représente environ 0,28 % du RNB; à l'époque du premier ministre Chrétien, elle était de 0,31 %, à l'époque du gouvernement Martin, elle était de 0,3 % et à l'époque du premier ministre Harper, elle était de 0,3 %.
    Ces centièmes de pour cent ne représentent pas réellement une fraction d'un pour cent. En effet, chaque centième représente environ 200 millions de dollars — c'est-à-dire environ 25 000 vies, ce qui est encore plus important. Cela signifie donc environ 50 000 familles de réfugiés, 2 millions de filles qui peuvent fréquenter l'école et 1,5 million de femmes qui ont accès à des moyens de contraception. C'est ce qu'on peut accomplir avec un centième d'un pour cent. Il ne s'agit donc pas d'une fraction d'un pour cent, mais de millions de vies.
    Si nous continuons dans cette voie, notre gouvernement offrira la contribution la moins élevée de tous les gouvernements canadiens des 50 dernières années. L'une des raisons pour lesquelles nous avons perdu notre campagne pour le Conseil de sécurité de l'ONU, c'est qu'on juge que nous ne nous engageons pas suffisamment à l'égard du développement international. À ce moment-là, notre contribution s'élevait à 0,34 %. Pour revenir à un niveau considéré trop bas il y a plusieurs années, il faudrait que nous nous engagions à verser 1 milliard de dollars supplémentaires par année.
    Je n'essaie pas de revenir sur le passé, mais de faire valoir que nous devons prendre des résolutions pour l'avenir. Nous devons nous mobiliser et progresser.
    Le Royaume-Uni est le seul pays du G7 dont la contribution a atteint 0,7 %. Il a atteint cette proportion sous trois gouvernements différents, c'est-à-dire le Parti travailliste, une coalition des partis social-démocrate et conservateur, et un gouvernement conservateur. Le pays y est parvenu après 15 ans d'engagements soutenus. Il a entamé ce parcours en 1997, et il a atteint ce résultat en 2013.
    En 1997, la situation du Royaume-Uni était pratiquement identique à notre situation actuelle. Son taux de chômage était d'environ 7 %, comme le nôtre aujourd'hui. Il avait un déficit d'environ 2 %, et nous avons aussi un déficit de 2 %. Sa contribution à l'APD, l'Aide publique au développement, était d'environ un quart d'un pour cent du RNB, tout comme celle de notre pays aujourd'hui. À l'époque, la situation du Royaume-Uni était identique à notre situation actuelle. Il faut donc se demander si nous avons collectivement l'ambition d'être dans la même situation que le Royaume-Uni d'ici 15 ans, c'est-à-dire de devenir un vrai chef de file en matière de développement international.
    Nous ne parlons pas d'aide et d'assistance. Nous parlons d'un investissement international dans notre bien-être collectif. Il s'agit d'investir dans l'entretien préventif de la planète. C'est ce qui résume la contribution au développement international au XXIe siècle. C'est la raison pour laquelle je crois que votre examen bilatéral de l'aide au développement est si important.
    Je vous remercie de votre temps.

  (1555)  

     Merci, monsieur Greenhill.
    Nous allons entamer la première série de questions avec le Parti conservateur.
    Allez-y, monsieur Kent.
    Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais également remercier les deux témoins de nous avoir communiqué des messages qui provoquent la réflexion.
    Les témoignages que nous avons entendus et les questions et les discussions des membres du Comité depuis le début de l'étude des pays ciblés par le gouvernement m'ont donné l'impression qu'on encouragera le gouvernement à être plus ambitieux lorsqu'il s'agit d'augmenter le pourcentage de l'aide que nous fournissons, et si on ne vise pas la proportion idéale de 0,7 %, on nous recommandera d'atteindre au moins la proportion située entre ces deux niveaux.
    J'aimerais entendre les commentaires de M. Greenhill et, si possible, ceux de M. Werker. Vous avez laissé entendre qu'Haïti et l'Afghanistan étaient deux pays sur lesquels il serait sage de concentrer les efforts; en effet, nous avons beaucoup investi dans leur sécurité et leur développement. Je crois que l'intervention du gouvernement canadien immédiatement après le tremblement de terre d'Haïti, en collaboration avec d'autres principaux pays donateurs, a été très efficace. Il s'agissait probablement d'un modèle de réponse internationale en matière de coopération interministérielle et de concentration des efforts sur le terrain. Toutefois, six ans plus tard, il y a toujours des bidonvilles sur les collines et Haïti est essentiellement dirigé par l'armée et la MINUSTAH menée par le Brésil, et le plus gros problème, c'est l'incapacité totale de restaurer une administration gouvernementale appropriée.
    Nous avons vu, je crois, en Afghanistan, après le retrait... Le retrait de nos forces militaires était partiellement attribuable au fait que l'appui de la population canadienne pour ces deux pays avait visiblement diminué, étant donné l'absence des résultats auxquels on s'attendait peut-être et le total des sommes investies. J'aimerais seulement savoir ce que le Canada pourrait faire différemment pour faire d'Haïti... Prenons l'exemple d'Haïti. Des raisons politiques justifient l'intervention dans ce pays, ainsi que la logique en matière de développement. J'aimerais savoir ce que nous pourrions faire différemment, selon vous, pour obtenir un meilleur résultat plus rapidement.
    Je crois que ce sont d'excellentes questions, et qu'elles soulignent le fait que ce sont des secteurs qui posent de grands défis.
    Le développement d'Haïti ou de l'Afghanistan, des pays semblables à la Corée du Sud ou à Taïwan d'il y a 40 ans, n'est pas un processus qui prendra 5 ou 10 ans, mais plutôt 30 ou 40 ans.
    En Haïti, pendant les années 1980 et 1990, le revenu par habitant était à la baisse, et la dévastation environnementale était à la hausse, ainsi que la violence politique. La situation se détériorait rapidement. Malgré le tremblement de terre et les autres défis auxquels le pays a fait face, Haïti s'est maintenant stabilisé. On observe certains signes que les jeunes ont accès à l'éducation, surtout les filles, et certains éléments de croissance par habitant commencent à être positifs, mais il faudra encore beaucoup de travail. Un grand nombre des meilleurs fonctionnaires sont morts dans l'effondrement des édifices pendant le tremblement de terre. Il faudra des décennies, plutôt que des années, pour rebâtir les capacités.
    Que pouvons-nous faire? Je crois que le Canada a fait un excellent travail en Haïti et en Afghanistan. Que devons-nous faire? Il faut continuer de cibler les efforts. C'est une situation complexe et difficile, et ce n'est pas facile de travailler dans ces régions, mais c'est nécessaire, et il faut donc que tous les partis prennent la décision commune de poursuivre les efforts. Nous devons décider que nous continuerons d'avancer malgré les difficultés.
    Que pouvons-nous faire pour poursuivre les efforts? Nous pouvons poursuivre la réforme du secteur de la sécurité en Haïti en effectuant des réformes dans la police, le système judiciaire et le système pénitentiaire, afin que les intervenants de la MINUSTAH puissent éventuellement quitter le pays. Nous pouvons continuer de bâtir certains des établissements clés et créer la primauté du droit qui permettra au secteur privé de prospérer et qui favorisera d'autres types de croissance. Nous pouvons confier le dossier d'Haïti à un sous-ministre adjoint, que ce soit l'ambassadeur ou un envoyé spécial. Nous pouvons également nous engager à aider Haïti et l'Afghanistan non seulement pendant deux ou trois ans, comme nous le faisons présentement, mais pendant une période de 15 ans.
    Si nous voulons faire une différence en Afghanistan, nous devons signaler que nous sommes là-bas et que si certaines choses sont réalisées, nous y serons pendant 15 ans et nous verserons 300 millions de dollars par année — notre contribution au plus fort de l'engagement civil. C'est un engagement de 4,5 milliards de dollars. Il nous faudra envoyer un sous-ministre adjoint ou un sous-ministre à la retraite à titre d'envoyé spécial pour superviser le tout. Nous présenterons un rapport à ce groupe tous les trimestres, comme nous le faisions auparavant. Nous continuerons d'avancer. Nous ne le ferons pas pour des raisons partisanes ou politiques — ces raisons ne sont pas populaires —, mais parce que c'est important. Je crois que c'est le type d'engagement que nous devons prendre.
    J'ai mentionné la Corée du Sud, car c'est un cas intéressant. En effet, dans les années 1960, 10 ans après la fin du conflit, la Banque mondiale et d'autres organismes étaient désespérés par la situation dans ce pays. C'était un gâchis épouvantable. C'était une dictature militaire. Pourquoi ont-ils poursuivi les efforts? Parce qu'il le fallait. Nous ne pouvions pas laisser la Corée du Sud s'effondrer. Si vous observez ce qui s'est produit dans les 20 années suivantes, vous constaterez que leurs efforts ont porté leurs fruits, et c'est en raison de la persévérance stratégique dont ils ont fait preuve. Je crois que c'est un autre élément que nous pouvons fournir.
    Pour terminer, si on compare la situation à celle d'il y a 30 ans, l'une des différences en matière de développement, c'est que les États fragiles représentent toujours le défi principal en matière de développement. Ils présentent les problèmes les plus difficiles à régler. Si nous souhaitons faire une différence, nous devons être prêts à nous y prendre autrement.

  (1600)  

    Merci beaucoup, monsieur Kent.
    La parole est maintenant à M. Fragiskatos.
    J'aimerais transférer cette question à Karina Gould, et Michael me transférera sa question.
    D'accord. C'est bien.
    Allez-y, madame Gould.
    Nous voulons vous tenir en alerte, monsieur Allison.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Karina Gould: Merci beaucoup. J'aimerais également remercier M. Greenhill et M. Werker d'être ici aujourd'hui et de nous avoir fait part de leurs observations. Dans le cadre de ce que nous avons entendu jusqu'ici, je les ai trouvées intéressantes et uniques.
    J'aimerais revenir sur une question. Nous parlons des pays ciblés, mais nous parlons également des défis mondiaux et de la façon de les résoudre. Monsieur Greenhill, vous avez spécifiquement mentionné la région du Sahel, et j'ai trouvé cela intéressant, car je reviens du Sommet humanitaire mondial, où j'ai eu la chance de discuter de la question avec un rapporteur spécial. Lorsque je lui ai demandé de cerner le défi principal, il a mentionné exactement la même chose que vous, c'est-à-dire l'importance de renforcer l'autonomie des femmes et de maintenir une population durable dans les régions du monde qui sont déjà fragiles et où sévissent des conflits.
    Ma question concerne l'aide au développement. Comment le Canada peut-il exercer une influence ou engendrer des effets positifs relativement à certains de ces défis thématiques mondiaux tout en continuant de collaborer avec ses partenaires? J'espère que vous pourrez nous en dire un peu plus à cet égard.
     C'est un très bon exemple. Si la tendance démographique du Sahel se maintient, la région va sombrer. Le taux de fécondité est d'environ sept enfants par femme au Niger et cinq ou six au Mali. Les ressources de ces pays sont tellement limitées et l'eau s'y fait si rare qu'ils ont du mal à subvenir aux besoins de la population existante.
    Comment peut-on y remédier? Une partie de la solution consiste à travailler avec le gouvernement en place et à faire fond sur l'excellent travail réalisé en matière de santé des mères, des nouveau-nés et des enfants — travail qui se poursuit et progresse de belle manière, par-delà des lignes de parti —, puis à collaborer avec certains des partenaires les plus créatifs sur le terrain.
    Le Partenariat de Ouagadougou, qui regroupe de nombreux pays francophones du Sahel, fait un travail remarquable en matière de planification familiale. Il collabore avec les chefs religieux et les dirigeants communautaires de la région de façon à intégrer l'autonomisation des femmes à la culture au lieu de la présenter comme une mesure imposée par des étrangers.
    À mon avis, nous avons un rôle particulier à jouer dans ce domaine. La question est de veiller à fournir les ressources additionnelles nécessaires pour y parvenir. Pour changer véritablement l'état des choses en ce qui concerne la santé sexuelle et génésique et les droits connexes, il faudrait probablement environ 5 % de l'aide publique que nous consacrons au développement, soit environ 250 millions de dollars par année, ce qui permettrait de promouvoir l'autonomie de 18 millions de filles et de femmes. Cela correspond au nombre de femmes qu'il y a au Canada aujourd'hui. Si nous pouvions faire cela au cours des quatre prochaines années, en partenariat avec l'initiative Family Planning 2020, nous contribuerions à changer le destin démographique de cette région.
    Que faudrait-il faire? Pour bien organiser cette initiative, il faudrait adopter une approche très structurée et ciblée, fournir les ressources nécessaires, puis renforcer la capacité régionale.
    Ma question complémentaire porte sur les pays ciblés. Le CAD de l'OCDE et d'autres organismes affirment entre autres choses que l'influence découle d'objectifs bien définis, mais M. Werker a indiqué que, dans bien des cas, la contribution du Canada n'équivaut même pas à 1 % du budget du pays. Dans le sens de ma première question, de quelle façon peut-on, avec nos ressources limitées, entraîner des effets tangibles, exercer une influence et travailler de façon durable et concrète avec des pays partenaires?
    La question s'adresse à vous deux.

  (1605)  

    On pourrait par exemple s'appuyer sur la gouvernance des ressources, dont Eric a parlé.
    L'influence n'est pas seulement une question d'argent, c'est aussi une question d'excellence. Le Canada a joué un rôle essentiel dans la transition du Vietnam, qui était une société plutôt fermée. Marc Lalonde et quelques anciens fonctionnaires clés ont travaillé pendant 15 ans avec le comité central du gouvernement vietnamien pour changer la manière dont il se gouvernait et le rendre plus efficace et mieux adapté. Ils ont participé à l'établissement de la gouvernance. Nous avons dépensé moins d'argent que d'autres pays, mais avons eu davantage d'influence que certains d'entre eux parce que nous avons participé à la conception du gouvernement.
    Nous avons fait la même chose en Chine pour ce qui est de la gouvernance environnementale. En fait, monsieur Kent, je crois que vous faites partie du Conseil chinois de coopération internationale en environnement et en développement. La politique de développement du Conseil en fait probablement l'organisme le plus influent de Chine. Il a été fondé en 1990 ou en 1992 et existe depuis plus de vingt ans. Nous y avons consacré une fraction de ce que d'autres pays ont investi. Si le Conseil a eu une incidence exceptionnelle, c'est en raison des efforts qui ont été déployés et parce que l'on a persévéré.
    Je pense que nous devons essayer de ne pas être partout à la fois, mais plutôt de nous efforcer d'être les meilleurs dans les quelques secteurs dans lesquels nous nous engageons.
    Puis-je ajouter quelque chose? Je ne sais pas si vous avez pris connaissance du rapport du groupe de travail du CEPI intitulé Vers l'année 2030: susciter l'engagement du Canada avec le développement durable global, auquel j'ai contribué en collaboration avec Margaret Biggs, John McArthur, Kate Higgins, David Moloney et Julia Sanchez.
    Pour répondre à votre question, nous soutenons qu'il faut bâtir l'écosystème canadien. Il faut se demander ce que l'on pourrait faire. Parfois, il faut semer l'idée dans les institutions et les organismes au Canada, peut-être établir une collaboration entre plusieurs institutions qui ont des capacités canadiennes dans le domaine, puis les mettre au défi de réaliser des choses remarquables. Leurs réseaux ne seront pas les mêmes que ceux de la filière de l'aide publique au développement. Ils entreront plus rapidement en contact avec les communautés de pratique dans ces pays et pourraient bien faire le genre de choses dont parlait Robert par rapport à la Chine.
    Il faut vraiment adopter l'une de ces approches. C'est comme investir dans la biotechnologie en utilisant du capital de risque. On peut investir dans 50 entreprises, et si deux d'entre elles changent le monde, on se retrouve avec un portefeuille extraordinaire.
    Merci, madame Gould.
    Merci beaucoup.
    Nous revenons maintenant de ce côté-ci. Monsieur Aubin, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Merci d'être parmi nous, messieurs.
    Ma première question s'adresse à M. Greenhill, mais soyez à l'aise d'y répondre aussi.
    Évidemment, nous ne sommes pas surpris par les tableaux que vous nous avez présentés, même si nous sommes déçus. Nous sommes encore plus déçus d'entendre parfois le premier ministre nous dire que l'objectif de 0,7 % est trop ambitieux.
    J'aimerais vous entendre nous parler du modèle du Royaume-Uni. Les Britanniques étaient, il y a 15 ans, là ou nous sommes présentement, et ils ont maintenant atteint la cible de 0,7 %. Quel a été l'élément déclencheur? Comment se fait-il qu'ils en soient arrivés là? Est-ce une simple décision politique ou cela va-t-il de pair avec une campagne d'éducation populaire où on fait comprendre aux gens qu'il ne s'agit pas d'un geste de charité publique, mais de véritables investissements? Dans chacune de nos circonscriptions, des gens sont favorables à ce que nous aidions les pays les plus pauvres, mais ils reconnaissent aussi qu'il y a de la pauvreté chez nous. Il faut pouvoir détacher ces deux éléments. Je pense que nous pouvons travailler sur les deux plans en même temps.
    J'aimerais entendre ce que vous avez à dire sur le modèle du Royaume-Uni. Comment les Britanniques sont-ils arrivés à faire ce passage?
    Après avoir discuté avec les gens et étudié un peu les documents de l'époque, j'ai l'impression que c'était une décision géostratégique éclairée. Il y avait donc du leadership. Il est clair que le gouvernement travailliste a été élu au pouvoir en ayant pour mission de démontrer le rôle positif que le Royaume-Uni pouvait jouer dans le monde. Par ailleurs, des gens dans le secteur public avaient bien préparé le terrain. Ils se sont demandé ce qu'ils pouvaient faire de cet argent pour changer le cours des choses. La société civile était aussi très impliquée.
    L'important est que ce n'était pas pour demain. Le document de travail pour la revue de la politique de développement démontrait clairement qu'il était impossible de faire cela en trois ou quatre ans. Je suis du même avis. L'idée est de nous demander ce que nous pouvons faire au cours des 10 ou 15 prochaines années. C'est ce que les Britanniques ont fait. Ils ont dit que ce n'était pas qu'une question de charité, mais aussi une question de prospérité partagée et de stabilité mondiale. Je pense qu'au Royaume-Uni, peut-être à cause de son histoire, on était un peu plus sensible à cela que nous ne l'étions il y a 10 ans. Je pense qu'aujourd'hui nous pouvons devenir, nous aussi, un peu plus sensibles à cette réalité.
    Pour que le Canada devienne, d'ici aux environs de 2030, un leader comme le Royaume-Uni, il faudrait environ 12 % d'augmentation par année. Ce n'est pas rien, c'est un montant important, mais ce n'est pas impossible. Dans une telle situation, le ministère des Finances va peut-être dire qu'il ne veut pas certaines choses, mais qu'il est prêt à en faire d'autres. Ce sont un peu les possibilités actuelles.

  (1610)  

    Monsieur Werker, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

    La seule chose que je voudrais ajouter, c'est que la tendance prévue en ce qui concerne les domaines ciblés, qui permettrait de mettre à profit les forces du Canada, ne ralliera peut-être pas la population canadienne comme les enjeux sociaux ou liés au genre, qui sont des domaines très importants.
    Plusieurs d'entre vous, y compris Robert, ont fait valoir que les Britanniques ont fait des choix géostratégiques, mais il faut aussi relier la géostratégie et la prospérité avec l'aide canadienne au développement international afin de ne pas prêcher des convertis. Ceux qui estiment que le développement international ne sert pas leurs intérêts comprennent qu'ils se trompent quand leur fils décroche un stage en Chine ou que leur entreprise arrive à percer le marché caribéen.
    On peut quand même relier cela au développement mondial, car l'objectif consiste à stimuler la croissance économique, puis à rendre cette croissance inclusive. La première partie du problème est la plus difficile à aborder, comme on l'a constaté en Haïti.

[Français]

    Ma prochaine question porte sur la crédibilité du Canada dans un certain nombre de pays où notre aide est présente, notamment Haïti, dont vous avez parlé. Notre crédibilité demeure-t-elle la même ou est-elle entachée lorsque, par exemple, des minières canadiennes nous font mauvaise presse ou quand nous nous classons en queue de peloton parmi les pays de l'OCDE? À l'heure actuelle, notre crédibilité sur le plan international est-elle entachée?
    En général, le Canada est probablement un des pays les plus crédibles du G7. Tous les pays ont leurs lacunes.
    Pour ce qui est de la politique minière, il s'agit d'un grand défi, mais aussi d'une grande occasion pour le Canada. Le développement minier responsable n'est pas une chose facile, mais c'est important. C'est important pour nous et pour nos compagnies et c'est essentiel pour ces pays.
    Après que j'eus quitté l'ACDI, le gouvernement a décidé de s'impliquer dans ce domaine. C'était très controversé, mais, honnêtement, je pense que c'était une bonne idée. S'il y a des choses à améliorer, nous devons le faire, mais nous ne pouvons pas ignorer ce secteur essentiel pour plusieurs de ces pays en développement, et nous ne pouvons pas ignorer le rôle que nous allons jouer, pour le meilleur ou pour le pire. Travailler ensemble pour arriver à le faire le mieux possible est, stratégiquement, bon pour tout le monde. Cependant, ce n'est pas facile.

[Traduction]

    Veuillez répondre rapidement, monsieur Werker. Je vous remercie.
    Au départ, la Norvège était probablement le pays qui contribuait le plus, par habitant, au réchauffement climatique, simplement à cause de l'envergure de sa production pétrolière, mais elle s'en est servi à son avantage. Au lieu de se dérober, ce pays dont l'économie est beaucoup plus modeste que celle du Canada a pris les devants en trouvant des solutions aux problèmes causés par les changements climatiques. Ainsi, la Norvège a complètement changé la perception que les autres pays avaient d'elle par rapport à l'environnement.
    Merci infiniment.
    Merci beaucoup, monsieur Aubin.
    Nous revenons maintenant au Parti libéral pour la dernière série de questions. M. Levitt a cédé son temps de parole à M. Fragiskatos. Nous vous passons donc la parole, monsieur.
    Monsieur Greenhill, en 2012, vous avez écrit une lettre d'opinion sur l'Afghanistan dans le National Post. En gros, vous disiez que le développement peut avoir lieu dans les zones de conflit. J'aimerais que vous vous attardiez là-dessus. Je pose cette question surtout compte tenu de la situation actuelle au Moyen-Orient, et plus particulièrement en Syrie.
    Le fait est qu'il s'agit des zones les plus fragiles du monde et que si on cherche les défauts on les trouvera. Ce sont des États en déroute. Si on cherche les lacunes dans un État en déroute, on les trouvera, mais on peut aussi connaître des réussites si l'on s'y prend de la bonne manière.
    Des réalisations remarquables ont vu le jour en Afghanistan. Chaque année, de 40 000 à 50 000 enfants qui seraient morts sous l'ancien régime demeurent en vie. La mortalité maternelle y est encore l'une des plus élevées au monde, mais elle a chuté à un rythme record. Non seulement y a-t-il huit ou neuf millions de filles et de garçons qui vont à l'école, comparativement à un million sous les talibans, mais environ 500 000 élèves obtiennent chaque année un diplôme d'études secondaires. On est en train de jeter les bases de l'avenir. Ceci demande toutefois du temps et la mobilisation de ressources.
    Je vais vous donner un exemple. L'un de nos projets phares était la construction de 50 écoles à Kandahar. Cela a été très difficile parce qu'elles étaient sans cesse défruites par des explosions. Parallèlement, en collaboration avec le Bangladesh Rural Advancement Committee, le BRAC, l'ACDI a contribué à la création de plus de 1 000 écoles dans des régions rurales de l'Afghanistan. Elles ont fini par connaître un succès énorme, particulièrement auprès des filles. Pourquoi cette réussite? Parce que le projet n'arborait pas le drapeau canadien. L'ACDI a collaboré avec une ONG du Bangladesh qui savait comment s'y prendre avec des collectivités musulmanes conservatrices dans des régions rurales pauvres et elle s'en est bien tirée.
    Ce fut un projet intéressant, parce que nous ne tentions pas de nous faire valoir. Nous tentions de changer les conditions sur le terrain. Nous pouvons accomplir de grandes choses dans ces domaines, mais cela exige un leadership de haut niveau, un soutien constant et tenace, ainsi qu'une volonté d'apprendre.
    Chose intéressante, j'ai écrit cet article à cause de l'attaque en règle qui est survenue après la publication de rapports demandés par l'ACDI à des tierces parties, qui devaient lui faire tous les six mois un compte rendu honnête de ce qui fonctionnait et de ce qui ne fonctionnait pas. C'était très inhabituel, mais on a estimé que c'était nécessaire. On était en pleine courbe d'apprentissage. Ces rapports ont servi à critiquer les mesures mises en place, mais c'est le genre d'approche qui doit être adoptée pour réussir.
    Pour que ces initiatives de développement fonctionnent, elles ne doivent pas être lancées par un gouvernement, libéral ou autre, il doit plutôt s'agir d'initiatives canadiennes jouissant d'un appui parlementaire qui transcende les lignes de parti. Si nous voulons améliorer véritablement la situation en Haïti ou en Afghanistan, il faut savoir qu'il y aura des problèmes, alors il vaut mieux que notre engagement bénéficie d'un appui stratégique, sinon nous ne devrions même pas essayer.

  (1615)  

    J'aime les citations pleines d'esprit et celle-ci est particulièrement savoureuse: « C'est à cause des États, espèce d'idiot. » Je suis d'accord avec vous. Les États ont une importance capitale. Quand ils s'effondrent, il se produit ce que l'on voit en Afghanistan, en Syrie et ailleurs.
    Qu'en est-il des régions? Certains témoins nous ont dit que se concentrer uniquement sur les États, c'est-à-dire adopter une approche centrée sur l'État, pouvait limiter le dynamisme et la souplesse. Si nous nous concentrons sur un petit nombre d'États, qu'arrivera-t-il si un problème régional surgit? Il pourrait s'agir d'un problème relatif à des réfugiés à la suite d'une crise humanitaire, d'une guerre ou d'une question connexe.
    Que pensez-vous de cela? Monsieur Greenhill ou monsieur Werker, croyez-vous qu'une approche centrée sur l'État pourrait faire obstacle à nos efforts?
    Il y a plusieurs enjeux régionaux, comme les infrastructures ou la sécurité économique, mais l'État demeure à la base de tout. Quand on a demandé à Pascal Lamy, ancien dirigeant de l'OMC, ce qu'il avait appris, il a répondu qu'il avait toujours pensé qu'il fallait trouver des solutions mondiales aux problèmes nationaux, mais qu'il comprenait désormais qu'il fallait trouver des solutions nationales aux problèmes mondiaux. Il faut donc mettre en place les fondements pour y arriver.
    Prenez l'exemple de l'Afrique de l'Ouest. Il faut une approche régionale, mais stabiliser et améliorer la situation du Ghana et du Sénégal a sûrement été une excellente chose, puisque ces pays ont ensuite montré la voie à suivre aux autres pays anglophones et francophones de l'Afrique de l'Ouest. Si nous décidons de concentrer nos efforts, l'engagement régional est une bonne chose, mais il est essentiel de cibler les pays.
    Il ne faut pas oublier les entités infranationales. Si nous envisageons une initiative en Inde ou au Pérou, il faut travailler à l'échelle infranationale pour arriver à faire bouger les choses.
    Pour revenir à la question sur les États fragiles, je pense que le problème fondamental dans des pays comme Haïti et l'Afghanistan réside dans le fait que l'élite du milieu des affaires et du milieu politique — en tout cas une partie suffisante de cette élite — profite dans une certaine mesure de l'état actuel des choses. Si l'on se contente de réaliser de bons projets à l'échelle régionale — de bons projets qui se propageront ici et là dans le pays —, sans toutefois intervenir en coulisse dans le débat sur les investisseurs particuliers, les réformateurs individuels et la nouvelle génération de technocrates dans les différents ministères, je crois qu'il sera impossible de modifier la dynamique des intérêts de ces élites.
    Il va sans dire que les efforts en ce sens représentent un certain défi. Quand je travaillais au Libéria, les États-Unis étaient le seul pays qui était en mesure de tenir ce genre de discussions, pour des raisons historiques et aussi, bien sûr, en raison de leur envergure. Ils ont aidé le Libéria à relever l'ensemble de ses défis en matière de développement. Ce n'était pas une coïncidence si ce sont aussi eux qui ont pu réagir le plus vigoureusement à l'éclosion d'Ebola qui a pris tout le monde par surprise. Les États-Unis avaient la crédibilité et les relations nécessaires, notamment sur le plan social grâce aux rapports entre l'ambassadeur et le président, pour pouvoir remédier aux problèmes d'un État relativement faible. Malgré l'épidémie d'Ebola, la croissance économique du pays a été relativement soutenue.

  (1620)  

    Merci beaucoup, monsieur Fragiskatos.
    Nous entreprenons la dernière tournée. Il nous reste assez de temps pour que deux personnes posent des questions. Nous accorderons quatre minutes à chaque ronde afin de pouvoir respecter l'horaire.
    Nous vous cédons la parole, monsieur Saini.
    Tout d'abord, merci beaucoup de votre présence.
    J'aimerais passer à un autre sujet.
    Monsieur Werker, vous avez écrit dans ce rapport une chose que je trouve fascinante et dont nous avons peu parlé. Vous avez abordé le sujet de la responsabilité des entreprises en matière d'aide internationale. Vous donnez l'exemple du Pacte mondial des Nations unies, une initiative qui regroupe 8 000 sociétés, dont 54 sociétés canadiennes. Vous avez écrit que ces sociétés représentent 0,065 % de toutes les sociétés membres, par rapport à d'autres pays comme l'Australie, qui comptent 74 sociétés membres, les Pays-Bas, qui en comptent 86, et de la Suède, qui en a 194, et ce, bien que le Canada contribue pour 2,3 % au PIB mondial, pour 2,5 % au commerce mondial et pour 4 % à l'investissement direct étranger dans le monde.
    Vous avez aussi parlé de l'écosystème et de son importance, et que la responsabilité des entreprises y contribue ou le détermine, particulièrement lorsque les entreprises investissent à l'étranger. Dans ce contexte, à votre avis, comment le gouvernement doit-il s'y prendre pour exploiter les talents des entreprises et du secteur privé afin de promouvoir les objectifs du Canada en matière d'aide internationale?
    Je vais répondre rapidement pour donner la parole à Robert, qui est notre principale source en la matière.
    En fin de compte, ce sont les sociétés qui doivent exprimer cette volonté. Le gouvernement peut les y encourager dans la mesure où il en souligne l'importance, mais c'est une occasion pour les sociétés canadiennes de faire preuve de leadership, soit grâce à la reddition de comptes et à des principes comptables soit au moyen d'investissements.
    Le gouvernement peut notamment encourager les sociétés par l'intermédiaire de structures comme les fonds d'investissement des régimes de pensions, qui sont des joueurs gigantesques dans le secteur privé, ou les banques, qui sont rigoureusement réglementées, et bien sûr grâce à la réglementation des entreprises. Par exemple, si des entreprises manifestent la volonté de devenir des chefs de file mondiaux en matière de reddition de comptes, les organismes de réglementation canadiens pourraient les y aider. Cela laisse aussi entendre que bien des gens qui ne sont pas dans cette pièce devraient participer au débat.
    Permettez-moi de céder la parole à Robert.
    C'est un enjeu crucial. En fait, j'ai siégé au conseil du Pacte mondial des Nations Unies pendant plusieurs années. À l'heure actuelle, nous essayons de trouver des moyens d'accroître la participation du Canada.
    Nous avons pris quelques mesures concrètes. Tout d'abord, sachez que Canada Global a organisé, il y a deux semaines, un atelier avec le Pacte mondial, un grand nombre d'entreprises canadiennes et le Conseil canadien des affaires sur la façon d'intégrer les objectifs de développement durable à leur planification stratégique et à leurs processus d'examen des risques. Les entreprises commencent à se servir de ce cadre de 17 indicateurs, c'est-à-dire 17 ODD, dans leur évaluation des possibilités et des risques.
    Il y a aussi des questions précises. Les fonds de pension sont une excellente façon de permettre au Canada de jouer un rôle sur la scène internationale. Le secteur des minerais — l'exploitation des ressources — en est un autre, tout comme le secteur de la construction. Nous devons tenir des conversations plus constructives avec les divers intervenants afin d'améliorer notre stratégie dans ce domaine. Par exemple, si les sociétés d'exploitation des ressources veulent changer les choses, elles doivent faire leur part, devenir membres du Pacte mondial puis collaborer avec les ONG. À ce moment-là, les ONG et le gouvernement feront leur bout de chemin et ils pourront travailler tous ensemble. Jusqu'ici, cela ne s'est pas fait beaucoup. Je pense que nous avons là une belle occasion d'unir nos efforts.
    J'aurais une question complémentaire. Vous avez parlé du secteur minier. Il me semble que les mines et l'assurance ou les services financiers sont les deux plus grands secteurs, mais les infrastructures occupent également une place importante. Qu'en est-il des infrastructures? Est-ce un secteur sur lequel nous devrions nous concentrer également?
    On investit déjà dans ce domaine. Nos plus grosses caisses de retraite sont parmi les meilleurs investissements à long terme dans le monde. C'est ce que j'ai appris au sein de mon groupe d'anciens de la Harvard Business School. Nous y arrivons très bien. Nous pouvons investir sur une période de 25 ou 50 ans. De ce point de vue, il y a d'énormes possibilités pour le Canada d'être un chef de file et de faire des investissements responsables à long terme dans les infrastructures, en partenariat avec le secteur privé, ce qui est, au bout du compte, la voie à suivre.
    Comment peut-on s'y prendre? Les entreprises seraient peut-être mieux placées pour répondre à cette question.

  (1625)  

    Merci beaucoup. Merci, monsieur Saini.
    Nous allons terminer ce tour de table avec M. Genuis.
    Vous avez quatre minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux pour vos témoignages absolument fascinants. Étant donné que je n'aurai probablement pas assez de quatre minutes pour poser mes questions, je vais parler rapidement.
    Monsieur Werker, je suis ravi d'entendre tout le travail que vous accomplissez avec la LSE, qui se trouve à être mon alma mater. Je suis curieux de savoir quelle est l'incidence de l'intérêt accru du gouvernement britannique à l'égard de la mesure du bonheur et du bien-être en général, en particulier à la LSE, sur les discussions entourant le développement au Royaume-Uni.
    À ma connaissance, cela n'a pas une grande incidence. Un de mes collègues de la Harvard Business School était l'un des plus éminents chercheurs du monde dans le domaine. Je dirais que ce n'est pas très courant dans les pratiques de développement. On devrait peut-être en tenir compte davantage.
    Très bien.
    Au Comité, on a discuté de la mesure dans laquelle l'aide bilatérale était liée aux intérêts stratégiques du Canada. Une chose est sûre, certains témoins étaient contre l'idée que nos intérêts stratégiques influencent nos discussions à cet égard. Toutefois, monsieur Greenhill, vous avez parlé de la Corée du Sud, et j'ai trouvé très intéressant de voir comment on avait pu créer une dynamique entre l'aide bilatérale et les intérêts stratégiques occidentaux. On y a investi du capital politique de manière efficace et à long terme. Il me semble que, dans tous les cas, il peut être utile de faire d'une pierre deux coups en s'attaquant à la pauvreté tout en faisant avancer des intérêts stratégiques très nobles.
    J'aimerais donc que vous nous en disiez davantage sur les intérêts stratégiques du Canada dans le contexte de cette discussion sur l'aide bilatérale.
    Je suppose que cela nous ramène au système.
    Nous vivons dans un monde compliqué et foncièrement interdépendant, où il y a plusieurs failles possibles. Notre système de santé est solide dans la mesure où le système de santé du Liberia ou du Brésil l'est, parce que les divers virus résistants aux médicaments, tels que le Zika et l'Ebola, proviennent tous de pays en développement qui ont un système de santé médiocre. La sécurité de notre population dépend de celle des autres pays, étant donné la menace que représentent la criminalité et le terrorisme internationaux.
    L'idée ici n'est pas forcément d'aider un pays en vue de faire des affaires avec lui; si on aide un pays en y instaurant la stabilité, ce pays deviendra un membre plus positif et responsable de la région, ce qui donnera lieu à un monde plus stable et plus prospère dont nous bénéficierons tous. C'est la stratégie qu'il faut adopter. C'est un peu compliqué, mais c'est la réalité à laquelle nous devons faire face.
    Vous soulevez un bon point: peu importe que nous tenions compte ou non de nos intérêts commerciaux, nous devons songer à nos intérêts stratégiques, parce qu'ils sont étroitement liés à nos objectifs en matière d'aide bilatérale.
    J'aimerais parler de l'Afghanistan et d'Haïti et revenir à ce que disait mon collègue, mais dans le contexte de l'Afghanistan, malheureusement, on est encore aux prises avec des problèmes relatifs aux droits de la personne. Je sais que les minorités religieuses, particulièrement les sikhs et les hindous, vivent dans des conditions épouvantables, et cela préoccupe énormément les membres de tous les partis. On a investi des sommes considérables dans ce pays et on observe encore des violations des droits de la personne, alors que peut-on faire? Comment peut-on s'engager à long terme et essayer d'avoir une influence tout en établissant des limites et en disant qu'on ne veut pas collaborer avec des gouvernements qui agissent à l'encontre...
    On ne veut pas être complices d'abus.
    Exactement. Nous ne voulons pas être complices. En fait, nous voulons plutôt l'inverse: nous voulons promouvoir les droits de la personne tout en favorisant le développement.
    Que ce soit en Afghanistan ou ailleurs, que pensez-vous de la situation?
     L'Éthiopie est un bon exemple. Sous la direction du premier ministre Meles Zenawi, on a connu un essor remarquable, mais on a également assisté à de graves violations des droits de la personne et à des restrictions à la liberté d’expression des journalistes.
    J'y suis allé à deux reprises, une fois en tant que président de l'ACDI, après les très mauvaises élections éthiopiennes, puis une autre fois, à titre de directeur général du Forum économique mondial, lorsque nous voulions organiser un événement dans ce pays après que deux journalistes suédois aient été emprisonnés.
    J'ai consulté Bekele Geleta, un Canadien d'origine éthiopienne, un homme très réfléchi et ancien réfugié politique du régime Meles, qui est venu au Canada et qui est finalement devenu secrétaire général de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Il était d'avis qu'il fallait collaborer, faire la lumière sur la situation et amorcer le dialogue, alors c'est ce que nous avons fait.
    Nous avons eu une discussion avec Meles. Nous lui avons annoncé notre visite et nous lui avons dit que nous serions respectueux et que nous discuterions de tout ce que les gens voulaient discuter. Il a dit qu'il avait du mal à s'imaginer qu'une question puisse ne pas valoir la peine d’être abordée, et il a été fidèle à sa parole. Maintenant, est-ce que les abus avaient cessé le lendemain? Non. Toutefois, est-ce que la situation s'est améliorée? Je crois que oui.
    Ce qui est difficile, lorsqu'on regarde un État fragile, c'est de ne pas le juger simplement par sa situation actuelle, mais plutôt par l'orientation qu'il prend, et s'il y a moyen qu'on joue un rôle positif tout en reconnaissant qu'il ne sera pas là où on veut qu'il soit aujourd'hui, ni demain, ni l'année prochaine, mais que grâce à la collaboration, dans 30 ans, on obtiendra peut-être de bons résultats. Lorsqu'on joue un rôle clé dans la stabilisation d'un pays, cela profite non seulement aux habitants, mais aussi au monde entier.
    Encore une fois, cela fait partie des défis.

  (1630)  

    Merci beaucoup. Merci, monsieur Genuis.
    Je tiens également à remercier nos témoins pour leurs excellents témoignages et leurs idées très inspirantes qui nous donnent certes matière à réflexion.
    Nous allons faire une pause de deux minutes afin de faire entrer notre deuxième groupe de témoins.
    Merci.

  (1630)  


  (1630)  

    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue et je vous remercie d'être retournés à vos places aussi rapidement.
    Nous avons deux invités. Je vais tout d'abord vous demander de vous présenter et de nous parler de votre expérience.
    Evelyne, vous avez déjà comparu devant le Comité. C'est un plaisir de vous revoir.
    Wendy, nous vous avons déjà rencontrée également. Je suis heureux de vous voir toutes les deux aujourd'hui dans le cadre de cette étude.
    Je vais tout d'abord céder la parole à Mme Harris. Veuillez vous présenter, puis nous dire un peu ce que vous faites, après quoi vous pourrez enchaîner avec votre déclaration. Vous disposez de 10 minutes chacune, et les membres du Comité vous poseront des questions pendant les 56 minutes restantes.
    Merci.
    Je m'appelle Wendy Harris, et je suis la présidente-directrice générale du Service d’assistance canadienne aux organismes.
    Je viens du secteur privé. Je suis comptable professionnelle agréée. J'applique donc mes connaissances dans le contexte du développement international. Je me suis jointe à l'équipe du SACO il y a sept ans, et je crois au pouvoir de la sagesse, de l'expérience et des solides fondements économiques pour stimuler le changement.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les membres honorables du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Nous sommes heureux de pouvoir apporter notre point de vue sur les pays ciblés par le gouvernement du Canada pour recevoir l'aide bilatérale au développement.
    Le SACO est une organisation de développement économique internationale qui a pour mission de réduire la pauvreté de façon durable et de stimuler la croissance économique dans plusieurs pays dans le monde et au sein des communautés autochtones du Canada. Nos principaux secteurs d'activité sont le développement du secteur privé et le renforcement institutionnel.
    Le 9 mai dernier, Justin Trudeau lançait à la communauté du développement le défi de faire le lien entre les efforts de développement déployés au Canada et ceux réalisés ailleurs dans le monde. De par son engagement tant au Canada qu'à l'étranger, le SACO est à même d'apporter cette perspective unique et de partager avec le Comité les apprentissages clés et les meilleures pratiques tirées d'une réalité que nous côtoyons chaque jour et que nous sommes enthousiastes de partager aujourd'hui.
    Notre travail répond aux préoccupations locales, et notre principale responsabilité est envers nos clients et partenaires. Tout ce que nous faisons est dirigé par ce principe. Nos experts volontaires transfèrent leurs connaissances et compétences à nos clients, qui développent ainsi les outils nécessaires pour briser le cycle de la pauvreté afin de devenir non seulement les responsables, mais aussi les créateurs de leur prospérité à long terme. Cette approche favorise leur autonomie et leur résilience même après que notre travail soit terminé.
    En tant qu'organisation vouée à la réduction durable de la pauvreté, nous appuyons entièrement le nouveau programme mondial et son principal objectif qui est d'enrayer la pauvreté d'ici 2030. Comme plusieurs de mes collègues l'ont mentionné précédemment lors de leurs témoignages, cet objectif, ainsi que chacun des 17 objectifs de développement durable en général, représente un engagement considérable de la part de la communauté internationale dans le but de s'attaquer aux plus gros problèmes et défis auxquels sont confrontées les populations les plus vulnérables dans tous les pays du monde, y compris le Canada. Cet objectif donne aussi l'occasion aux nombreux intervenants partout dans le monde, ainsi qu'aux partenaires locaux, de collaborer, de communiquer et d'innover dans les domaines du développement et du commerce comme jamais auparavant.
    C'est formidable de pouvoir examiner ces problématiques complexes avec un regard neuf, de nouvelles approches et de nouveaux partenariats. Nous sommes ravis que le gouvernement ait décidé d'accorder la priorité aux plus démunis, aux États fragiles, ainsi qu'aux femmes et aux filles.
    Du point de vue du développement économique, aider à briser le cycle de la pauvreté et réduire l'écart entre les riches et les pauvres sont des défis qui vont au-delà de l'individu. Les systèmes et les institutions, que ce soit dans les pays à faible ou à moyen revenu, doivent avoir la capacité de fournir et de gérer des programmes sociaux et économiques adéquats pour veiller à ce que des ressources et des solutions efficaces et équitables soient accessibles à tous les individus.
    Fort de près de 50 ans d'expérience dans ce domaine, le SACO estime que la création d'une valeur économique et le développement de solides infrastructures économiques sont au coeur du changement et de la croissance durable, y compris de l'éradication de la pauvreté. Nous saluons la reconnaissance du gouvernement précédent et du gouvernement actuel du rôle que le développement économique joue dans l'atteinte de ces objectifs, et nous prônons un engagement solide pour l'approfondissement de cette thématique dans le cadre de l'approche révisée de l'aide internationale. Toutefois, il est important de reconnaître l'interconnectivité entre le développement économique et le développement social ainsi que le besoin criant de considérer ces deux domaines comme faisant partie d'une même réalité.
    Ce lien n'est pas toujours évident. Souvent, les efforts sociaux et économiques sont considérés, et même abordés, séparément ou comme étant des priorités concurrentes. Grâce à son travail de longue date autant à l'échelle nationale qu'internationale, le SACO sait à quel point les deux sont étroitement liés. Ce lien est peut-être plus visible et évident dans notre travail avec les communautés autochtones du Canada.
    Dans plusieurs de ces communautés, le seul fait de réaliser une « activité de développement économique A » ou une « activité de développement social B » n'est pas suffisant. Une approche plus holistique dirigée vers plusieurs problématiques est souvent nécessaire. Au niveau de la stimulation économique, plus les infrastructures économiques sont solides — notamment les institutions et les structures de gouvernance transparentes et fonctionnelles, les possibilités d'emploi, une économie diversifiée, etc. —, plus grande sera la capacité d'un individu, d'une communauté, d'un pays ou d'une région d'investir et de réinvestir dans des initiatives autant sociales qu'économiques.

  (1635)  

    En fait, la ministre Bibeau a récemment émis un commentaire dans ce sens:
La croissance économique ne consiste pas uniquement à créer des emplois pour les personnes. Elle peut aussi générer des revenus pour les gouvernements qui leur permettent ainsi d'offrir à leurs citoyens des programmes sociaux inclusifs comme l'éducation et les soins de santé.
    Le travail du SACO au Guyana en renforcement de l'administration et de la vérification fiscale est un bon exemple de cette capacité à générer des revenus qui peuvent par la suite servir à créer et soutenir des programmes sociaux et économiques additionnels.
    Au niveau individuel, la possibilité de planifier et d'aller au-delà de la survie quotidienne est primordiale. Lorsqu'une personne ou une famille possède un revenu stable et prévisible, elle peut commencer à investir dans d'autres domaines importants tels que l'éducation des enfants, la nourriture et l'alimentation, la santé préventive et un logement fiable.
    L'autre conséquence, qui est souvent négligée, c'est que ces individus commencent à se livrer à des activités axées sur les consommateurs telles que l'achat de biens et de services chez les micros, petites et moyennes entreprises locales, stimulant ainsi l'économie locale. Ces individus peuvent à leur tour utiliser leurs revenus garantis pour améliorer la santé et le bien-être de leur famille et l'économie de leur communauté. Ceci est l'effet multiplicateur, et les recherches démontrent que ce réinvestissement au niveau individuel et communautaire se produit à un taux plus élevé lorsque les femmes sont autonomes sur le plan économique.
    Les bénéficiaires les plus directs de ces investissements sont les enfants et les jeunes, non seulement parce que leur qualité de vie s'améliore, mais aussi parce qu'il y aura de plus en plus de possibilités qui s'offriront à eux à l'avenir. La stabilité et la prévisibilité contribuent à la résilience, à l'adaptabilité et à la capacité d'un individu ou d'une institution de se remettre rapidement d'un choc ou d'un désastre, qu'il soit naturel, économique, politique ou social.
    Au niveau du développement social, plus les infrastructures sociales sont solides, notamment la santé, l'éducation et les mesures favorisant l'égalité, plus les personnes, les communautés et les institutions seront en mesure de prendre part activement aux activités économiques qui se déroulent autour d'elles.
    Comme mes collègues avant moi l'ont souligné, plus de 70 % des plus démunis au monde vivent dans des pays à moyen revenu. Cette statistique troublante renvoie à une variété de causes et de problématiques complexes qui se présentent souvent de manière simultanée, soit des perspectives économiques limitées, de hauts niveaux d'inégalités et une myriade de conséquences liées aux changements climatiques pour n'en nommer que quelques-unes. Cela renvoie aussi à des faiblesses autant au niveau institutionnel que systémique. D'où l'importance de l'interconnectivité entre le développement social et économique. Ces deux domaines d'intervention doivent être traités conjointement pour éradiquer la pauvreté de manière durable.
    Compte tenu des connaissances et de l'expérience que nous avons acquises dans ces domaines au cours de notre existence, nous demandons au gouvernement canadien de tenir compte de nos trois recommandations à l'égard de l'aide internationale.
    Tout d'abord, nous recommandons fortement que les points de vue locaux jouent un plus grand rôle dans l'établissement et l'orientation des priorités canadiennes en matière de développement. En accordant plus d'importance à la participation locale, nous veillons à ce que les efforts en matière de développement soient réellement orientés vers les besoins locaux et ce, indépendamment du cadre de priorisation ou de mise en oeuvre. Ceci est d'autant plus vrai et nécessaire pour le travail effectué avec les communautés autochtones au Canada. Nous ne pourrons donc jamais trop insister sur la valeur de la collaboration locale. Afin qu'il y ait une réelle durabilité, les idées, processus et approches locales doivent être intégrés de manière organique et ce, à chaque étape de l'intervention canadienne, afin que les bénéficiaires soient créateurs et responsables des impacts engendrés, et pas seulement les destinataires.
    Ensuite, nous assumons souvent que l'innovation se limite à trouver de nouvelles idées et de nouvelles façons de faire. Toutefois, l'innovation surgit parfois simplement de l'application de succès antérieurs dans de nouveaux contextes de façon à ce qu'en découle un changement positif. Dans le contexte du développement, on devrait miser autant que possible sur les succès obtenus afin d'en reproduire les impacts lorsque cela est pertinent. Nous aimerions donc aussi recommander que le gouvernement canadien considère d'octroyer du financement afin de répliquer des modèles probants fondés sur une orientation thématique, et ce, même à l'extérieur des pays ciblés.

  (1640)  

    Notre travail en gouvernance électronique aux Philippines, par exemple, est hautement recherché chez plusieurs de nos pays de concentration tels que la Tanzanie, l'Équateur et le Sénégal.
    En bref, le programme de gouvernance électronique utilise la technologie pour entraîner des bénéfices tels que la simplification des systèmes gouvernementaux, l'amélioration de la transparence et de l'efficacité, la réduction de la corruption au sein du gouvernement, l'augmentation des recettes fiscales et plusieurs autres. En faisant les modifications nécessaires selon les contextes locaux ou régionaux, ce genre de programmes novateurs pourrait facilement être répliqué dans plusieurs pays et régions.
    Enfin, le monde s'ouvre et, de nombreuses manières, les frontières se dissolvent. Beaucoup de défis complexes dont nous avons discuté aujourd'hui ne sont pas délimités par des frontières territoriales. De même, considérer ces problématiques seulement en termes d'impacts sur des pays individuels limite le potentiel de solutions innovatrices générées par de multiples collaborateurs avec des perspectives et des expériences différentes. Je serai heureuse de pouvoir approfondir ce sujet à l'aide d'un exemple du travail que nous faisons en Afrique de l'Ouest en lien avec la sécurité alimentaire régionale et l'agriculture.
    Nous encourageons vivement le gouvernement canadien à songer à s'attaquer aux questions thématiques régionales de manière plus large qu'un pays à la fois.
    Je vous remercie de l'opportunité qui nous a été donnée de participer au processus de revue de l'aide et je serai heureuse de répondre à vos questions.

  (1645)  

    Merci beaucoup, madame Harris.
    Écoutons maintenant Mme Guindon.

[Français]

     En premier lieu, je veux souhaiter un bon après-midi à tout le monde.
     Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant le Comité.

[Traduction]

    Après mon exposé, n'hésitez pas à me questionner dans la langue de votre choix.
    Je possède 25 années d'expérience comme spécialiste du développement. J'ai entrepris ma carrière dans l'hygiène sexuelle et la santé génésique. J'ai travaillé dans des secteurs de l'environnement. J'ai commencé dans le bénévolat. Mon travail pour Cuso a constitué une partie très significative de ma carrière. Très important aussi, pendant ma carrière, je me suis accrochée à la croyance tenace dans le pouvoir du partenariat. J'ai travaillé dans tous les secteurs qui se trouvent aux premières loges du développement. Au fil des années, j'ai appris que le partenariat et le dialogue sont importants et complexes et qu'ils sont indispensables pour s'attaquer à la pauvreté et aux inégalités. C'est ce que j'essaierai d'exprimer dans mon exposé.
    Cuso International, pour ceux qui l'ignoreraient, est un vieil organisme canadien de développement international qui travaille à l'éradication de la pauvreté et à la réduction des inégalités dans le monde. Depuis ses débuts, en 1961, il a mobilisé plus de 16 000 bénévoles hautement qualifiés pour développer les capacités de partenaires locaux, de gouvernements, de la société civile et de partenaires du secteur privé. Il l'a fait dans plus de 80 pays.
    Actuellement, nous sommes présents dans 19 pays d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine, des Caraïbes et, maintenant, ici, au Canada, en partenariat avec les communautés autochtones. Nous accueillons avec beaucoup de satisfaction l'engagement actuel du gouvernement de revoir et d'affiner l'aide bilatérale au développement pour qu'elle profite à ceux qui en ont le plus besoin.
    Aujourd'hui, nous avons six éléments importants de réponses à proposer aux questions pertinentes que vous avez soumises à notre examen.
    Premièrement, je crois que l'aide bilatérale au développement devrait viser les personnes et les collectivités pauvres et marginalisées plutôt que simplement les pays pauvres. Nous croyons que le modèle actuel des pays de concentration comporte des avantages et des limites. Se soucier de certains pays signifie que les programmes sont limités par la géographie et qu'ils permettent moins bien de répondre aux crises ou de profiter des occasions qui peuvent se présenter. Les pays à revenu moyen rassemblent cinq milliards des sept milliards d'humains de la planète et 73 % des personnes les plus pauvres de la planète.
    Par exemple, la Colombie est considérée comme un pays à revenu moyen-supérieur, mais c'est aussi un pays où les inégalités sont les plus fortes. Plus de 13 millions de Colombiens vivent dans la pauvreté tandis que plus de 6 millions sont déplacés à l'intérieur du pays. À ce titre, la Colombie occupe le deuxième rang mondial, après la Syrie. Nous croyons donc que la pauvreté, l'inégalité et l'exclusion sont les facteurs qui devraient orienter nos efforts et dont nous devrions tenir compte malgré la catégorisation excessivement simpliste des pays pauvres, qui ignore l'existence d'îlots de pauvreté extrême et d'exclusion.
    Deuxièmement, l'élaboration de programmes efficaces de développement exige une vision et un engagement à long terme. Les initiatives qui produisent des résultats et qui sont utiles prennent du temps. L'appui en aide technique et en bénévoles que nous avons fourni a permis à nos partenaires de devenir autonomes, au lieu de demeurer simplement des bénéficiaires, et de réaliser des missions et des projets fructueux, ce dont ma collègue a parlé.
    Notre recommandation au comité est de modifier le moins possible la liste des pays prioritaires, à court terme, ce qui assurera la stabilité des programmes et des partenariats dans les pays où collectivement nous travaillons.
    Corrélativement, nous encourageons les possibilités et les mécanismes de financement qui favorisent l'accompagnement à long terme. L'obtention de résultats durables grâce à l'aide internationale exige une action à long terme, et il importe que les cycles de financement reflètent cette réalité. Il faut donc honorer des cycles prévisibles quinquennaux de financement, rendre accessible le financement des étapes ultérieures de programmes évolutifs et couronnés de réussite et, idéalement, fournir un financement à plus long terme que le cycle quinquennal.

  (1650)  

    Nous devons créer des synergies entre l'aide, la diplomatie et les échanges commerciaux, mais en évitant d'inféoder les priorités de l'aide aux échanges. De même, nous devons créer des synergies entre les filières du financement multilatéral, bilatéral et les autres filières de financement, comme le Secteur des partenariats pour l'innovation dans le développement.
    Troisièmement, le gouvernement canadien devrait aligner son programme de développement sur les objectifs de développement durable, en s'inspirant des domaines thématiques antérieurs d'intervention tels que la sécurité alimentaire, la croissance économique durable, les enfants et les jeunes, mais plus holistiquement, en ratissant plus large.
    La méthode de Cuso a été d'accentuer son expertise et ses programmes dans les domaines thématiques particuliers où nous nous sentons le plus efficace, où nous pouvons rassembler un corpus robuste de connaissances et d'expertise et où les retours sur l'investissement sont considérables. Aujourd'hui, nous insistons sur la croissance économique durable qui profite à tous, sur l'accès à des services de santé de qualité, l'égalité des sexes et l'inclusion sociale.
    Il est indispensable de centrer le programme de développement du Canada sur les femmes et les filles. Notre priorité est la promotion et la protection des droits des femmes et des filles et l'égalité des sexes. En notre qualité d'organisation animant des programmes innovants pour la santé mentale, la santé génésique et les sages-femmes et misant à cette fin sur l'expertise canadienne, il nous plairait vraiment de voir le gouvernement du Canada ne pas s'en tenir simplement au programme de santé maternelle, néonatale et infantile, mais qu'il appuie les droits des femmes et des filles d'une manière plus holistique.
    Nous favorisons aussi l'affectation de ressources accrues et plus de programmes pour les jeunes. Le monde compte 1,8 milliard de jeunes, et beaucoup sont concentrés dans les pays où Cuso International oeuvre. Cela crée à la fois une demande et des occasions de collaboration avec eux pour améliorer les possibilités d'études, de santé et d'emploi et cela peut constituer une force dynamique de changement politique et de transformation sociale.
    Même si le Canada peut ne pas se concentrer sur les 17 objectifs de développement durable, nous encourageons le Comité à examiner, à la loupe de l'inclusion sociale et de l'égalité entre les sexes, les principales priorités thématiques qui contribuent ensemble à réduire la pauvreté, les inégalités et l'exclusion.
    Quatrièmement, notre organisme qui axe son action sur le renforcement des capacités croit que le renforcement et la construction des capacités existantes d'un pays sont la recette pour favoriser la mise en place d'un climat propice à l'efficacité de l'aide au développement. L'augmentation de la capacité des partenaires locaux et l'incitation à l'appropriation locale sont d'excellentes pratiques qui réduisent le risque de dépendance à l'égard de l'aide étrangère. Même quand il y a crise humanitaire et urgences prolongées et durables, le renforcement des capacités des partenaires locaux, y compris de la société civile, pour répondre aux besoins du développement à long terme, doit faire partie des plans, sinon on ne répond qu'aux besoins à court terme pendant que la pauvreté, l'instabilité et la fragilité se maintiennent.
    Cuso International a fait ses preuves dans la création de partenariats utiles et dans le recrutement de bénévoles hautement qualifiés dans notre riche mosaïque canadienne, notamment dans la diaspora, et de « cyberbénévoles », qui, dans le confort de leur foyer, mettent des moyens électroniques à notre disposition. Nous encourageons l'établissement de priorités dans les initiatives qui visent le renforcement des capacités des agents locaux de changement pour concevoir et appliquer des solutions efficaces et innovantes aux problèmes de développement, compte tenu de leurs propres contextes et besoins.
    Nous encourageons aussi le gouvernement du Canada à compléter ses interventions humanitaires par des initiatives à long terme qui visent l'augmentation de la résilience et le renforcement des capacités locales, grâce à l'établissement de partenariats stratégiques entre les organisations qui possèdent des types d'expertise différents mais complémentaires.
    Cinquièmement, il s'agit de promouvoir des programmes innovants, flexibles, stables, qui reconnaissent les coûts de transaction et les avantages des partenariats. En passant de l'appui à des initiatives fondées sur des modèles ou des paramètres programmatiques fixes à des mécanismes de financement souples qui favorisent le pilotage, la mise à l'essai et l'extrapolation d'initiatives intersectorielles innovantes, les organisations canadiennes comme la nôtre occupent l'espace nécessaire pour collaborer, réfléchir et innover à l'intérieur de cycles de vie des projets. Le gouvernement du Canada devrait envisager de faciliter les partenariats pour assurer l'innovation et les apports intersectoriels.

  (1655)  

    Les ONG du Canada ont besoin de financement pour s'engager utilement dans ces types d'efforts de collaboration. L'expérience m'a appris que l'effet est maximal quand la collaboration entre les secteurs fait partie intrinsèque du programme, mais il faut du temps, de l'effort et du financement pour que ça porte fruit. Notre collaboration doit cesser d'être une action secondaire, comme elle l'est actuellement et l'a été, avec le concours d'organisations comme l'initiative Devonshire et d'autres merveilleuses initiatives dont on aura pu vous parler aujourd'hui, mais elle doit se situer au centre de notre démarche pour que l'aide soit efficace.
    Sixièmement, nous encourageons le maintien de l'appui au bénévolat international comme moyen efficace d'éradication de la pauvreté, des inégalités et de l'exclusion. Le bénévolat est une valeur culturelle intégrale et de premier plan qui doit être reconnu comme faisant partie du tissu même d'une société civile saine et démocratique. C'est un moyen privilégié d'exprimer les citoyennetés locale, nationale et mondiale. Le Canada est reconnu dans le monde pour avoir élaboré les modèles les plus innovants et les plus perfectionnés de bénévolat en développement international. Nos deux organisations en sont des exemples, et c'est un reflet du rôle joué par Cuso International et beaucoup d'autres organisations.
    Les bénévoles peuvent contribuer à l'atteinte, sous diverses formes, des objectifs du développement durable dans tous les secteurs thématiques, mais je tiens à attirer votre attention sur l'objectif 17, qui, explicitement, met en évidence l'indispensabilité des groupes de bénévoles à l'atteinte de tous les objectifs. Le bénévolat est une façon efficace et rentable de mobiliser l'expertise canadienne et, comme l'a dit Robert Greenhill, l'excellence canadienne pour renforcer les capacités des partenaires locaux et obtenir des résultats.
    Les bénévoles hautement qualifiés canadiens symbolisent les valeurs canadiennes de citoyenneté mondiale, d'ouverture, de diversité et de respect. Nous recommandons de faire du programme de coopération volontaire la pièce centrale des programmes de développement international du Canada. Le bénévolat international ne devrait pas se limiter aux interventions Nord-Sud, mais il devrait encourager ses manifestations nationales, le bénévolat Sud-Sud, le bénévolat Sud-Nord, pour maximiser l'emploi des ressources humaines disponibles partout dans le monde.
    Bref, nous recommandons la focalisation sur les pauvres et les collectivités pauvres, une vision et un engagement à long terme pour nouer des partenariats durables pour le développement; de s'inspirer de secteurs thématiques antérieurs et de viser certains objectifs de développement durable, mais en suivant une démarche plus holistique et en insistant sur les femmes et les jeunes; d'appuyer les initiatives qui renforcent les capacités locales; de privilégier les programmes stables, souples et innovants; de maintenir l'appui au leadership canadien dans le bénévolat international pour l'éradication de la pauvreté, des inégalités et de l'exclusion.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup de votre invitation.

[Traduction]

    Merci. C'était très intéressant.
    Entamons le premier cycle de questions.
    Je tiens à consulter le Comité. Êtes-vous d'accord si nous réduisons les durées d'intervention de six à cinq minutes pour augmenter le nombre de participants? Il pourrait s'élever à six, qui poseraient autant de questions que possible.
    Commençons par M. Genuis. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie aussi nos deux témoins.
    J'ai un certain nombre de questions à poser. Madame Harris, j'ai vraiment apprécié votre exposé. J'ignore si j'ai entendu des recommandations précises sur les pays de concentration, en ce qui concerne une longue liste, une liste courte ou pas de liste ou une liste flexible. Dans le contexte des recommandations générales très importantes que vous avez formulées, je me demande si vous pouvez faire des observations sur la liste.
    C'est par exprès que je n'ai rien dit sur le nombre de pays, parce que je ne crois pas qu'il existe un nombre qui soit le bon.
    L'une des qualités importantes d'un partenaire est d'être digne de confiance. Relativement aux cycles quinquennaux de financement et ce genre de mécanismes, je n'appuie pas le fait de se retirer d'un pays à la suite de la modification de la liste. On se retire d'un pays parce qu'on a réussi à s'acquitter de son mandat et qu'un plan rigoureux de sortie l'autorise. C'est la façon de faire.
    Quand le Service d'assistance canadienne aux organismes examine la liste de nos futurs collaborateurs, il cherche chez eux un niveau de préparation. Il regarde le contexte local. Quel est le niveau de mobilisation? Y a-t-il coïncidence avec les priorités nationales? Avec les priorités canadiennes? Y a-t-il un engagement suffisant de la part des partenaires locaux qui les dispose à payer de leur propre personne et à partager les coûts? Voilà les questions qu'il poserait.

  (1700)  

    Merci.
    Je tenais aussi à vous questionner sur le développement économique qu'on provoque. Bien sûr, l'un des principaux obstacles tient dans les politiques. Comment notre gouvernement, dans le contexte de l'aide, devrait-il se concerter avec d'autres pays pour essayer de favoriser un changement de politique nécessaire pour faciliter le développement économique?
    Je pense que la réponse se situe directement au coeur du lien qui existe entre le développement du secteur privé et le renforcement des institutions. Pour des raisons sociales et économiques, il est indispensable de pouvoir compter sur un secteur privé dynamique et fort, ou d'un secteur qui a un pouvoir renforçateur. En même temps, il faut veiller à ce que les institutions augmentent leurs propres capacités, non seulement pour fonctionner, réglementer et servir leur clientèle, mais aussi pour élaborer des politiques efficaces dans le contexte local.
    En pratique, diriez-vous qu'il importe pour nous de commencer à s'entendre avec d'autres pays sur la réforme des politiques en même temps que nous fournissons de l'aide, avec ces seuls objectifs en tête?
    Bien sûr. Absolument. Par exemple, j'ai une liste de plus de 700 conseillers bénévoles, des experts des secteurs public et privé. Beaucoup sont des retraités de l'ACDI et du secteur public, de haut niveau, très hautement qualifiés. On se les arrache dans le monde entier non seulement à cause de leurs relations et de leur connaissance du processus, mais aussi de leur connaissance des politiques.
    Merci beaucoup.
    Madame Guindon, vos observations sur la création de synergies entre différents objectifs étaient très intéressantes. Nos objectifs commerciaux ne devraient pas impulser nos objectifs en matière d'aide, mais, si je vous ai bien comprise, nous pouvons faire d'une pierre plusieurs coups, pour autant que nous donnions la priorité aussi à faire de notre mieux dans le contexte de l'aide.
    Je tiens à en savoir davantage sur ce que vous avez dit sur l'exclusion. Vous avez dit que la pauvreté pouvait exister dans des pays qui n'étaient pas les plus pauvres. J'ai alors pensé à l'Inde, avec qui nos rapports sont étroits et importants et où existent d'importants problèmes d'égalité des sexes, des taux élevés de mariages précoces et forcés ainsi que de pauvreté et des problèmes d'exclusion causés par la religion et les castes. Je pense que le Canada ne fournit pas d'aide bilatérale directe à l'Inde. L'économie de ce pays englué dans beaucoup de problèmes est cependant prospère.
    À titre d'exemple, dans le cadre que vous avez ainsi délimité, comment nous y prendrions-nous avec l'Inde ou un pays comme lui, un pays à revenu moyen, mais où se posent d'importants problèmes qui méritent attention?
    Je ne peux pas parler de l'Inde, parce que Cuso International n'y oeuvre plus depuis plusieurs années. À diverses époques, j'y ai travaillé, et, indéniablement, c'est un pays où des populations sont exclues et sont dans le besoin. J'y ai appris que, souvent, il faut l'appui du gouvernement et de la société civile. Si la société civile n'existe pas ou n'est pas florissante, des occasions se présentent pour aider à changer la situation.
    La Colombie, que j'ai citée et où je suis allée dernièrement est le pays qui réunit vraiment toutes ces conditions gagnantes. Effectivement, le Canada s'y trouve pour des motifs commerciaux, et de grandes entreprises canadiennes s'y construisent et s'y développent, mais un processus de paix très important y est à l'oeuvre. Nous constatons et nous comprenons que le pays tient beaucoup à ce processus et qu'il voit dans le développement la clé de ce processus et de la prospérité économique.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Genuis.
    Nous passons maintenant à M. Sidhu, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux de vous revoir et je vous remercie de votre témoignage.
    J'aime bien votre façon de voir les choses: du soutien local parallèlement à l'aide internationale. Le problème du logement est criant sur ces deux tableaux. Il faut se demander si le Canada ne devrait pas cibler son aide internationale en fonction des besoins, plutôt que de se concentrer sur certains pays. Vous avez traité de la nécessité d'éradiquer la pauvreté, d'aplanir les inégalités, de favoriser l'équité entre les sexes, notamment au Parlement, et de faire la promotion de la saine gouvernance et de la santé dans le monde. Qu'en pensez-vous? Quelle est votre interprétation de la situation?

  (1705)  

    J'estime que le Canada bénéficie d'un avantage concurrentiel à différents égards. Nos interventions auraient plus d'impact si nous mettions l'accent sur ces aspects particuliers, et c'est exactement ce que fait le SACO.
    Nous avons traité aujourd'hui de la nécessité d'exploiter de façon optimale des ressources limitées. Pour ce qui est des avantages concurrentiels dont profite le Canada, on me parle sans cesse de notre capacité d'écoute, une compétence plutôt subtile. Les clients qui accueillent nos conseillers volontaires canadiens font toujours un peu le même commentaire: « Ils n'arrivent pas ici pour nous dire quoi faire. Ils prennent le temps de nous écouter. Ils trouvent ensuite une solution adaptée à notre situation et à notre contexte culturel. » Non seulement cette approche produit-elle d'excellents résultats, mais elle suscite aussi énormément de bonne volonté.
    Evelyne pourra certes vous parler des très importantes questions touchant l'égalité entre les sexes, mais j'aimerais aborder cet enjeu sous un angle légèrement différent. C'est là qu'interviennent les divers éléments à l'origine de notre avantage concurrentiel, à savoir la solidité de nos institutions financières et de notre régime fiscal, et notre capacité d'utiliser cette expertise partout dans le monde pour mobiliser les ressources locales et réduire la dépendance à l'égard de l'aide internationale tout en favorisant un développement responsable des ressources naturelles, un domaine où la renommée du Canada n'est plus à faire. Ce n'est pas chose facile et il y a toujours des problèmes qui se posent, mais le Canada peut être fier de pouvoir exporter ainsi ses compétences en matière de gestion responsable des ressources naturelles.
    Ce sont des activités que nous menons aussi bien à l'échelle internationale qu'ici même au pays. Nous avons notamment travaillé avec le Conseil de Mushkegowuk en rapport avec le développement du Cercle de feu dans le nord de l'Ontario. Nous avons rassemblé plusieurs communautés afin de créer un cadre de gouvernance suffisamment solide pour leur permettre de participer efficacement à ce grand projet de développement économique d'une manière qui respecte à la fois l'environnement et leurs particularités culturelles. Nous travaillons aussi dans les secteurs de l'agrocommerce et de l'agriculture ainsi que de l'accueil et du tourisme. Je vous ai également parlé de notre bassin d'expérience et de connaissances en matière de gouvernance publique.
    Ce sont les secteurs où nous devrions concentrer nos efforts.
    Si j'ai bien compris précédemment, votre financement vient entièrement du secteur privé. Est-ce que tous les fonds destinés à l'aide offerte viennent du secteur privé?
    Non. La plus grande partie de notre financement nous vient du gouvernement du Canada, tant du point de vue international qu'à l'échelle nationale. En outre, nous collaborons directement avec le secteur privé et avec des gouvernements étrangers.
    Pour revenir à ma question...
    Désolée.
    ... Supposons que vous orientez vos efforts en fonction des besoins existants, plutôt que de les concentrer sur certains pays. Comment évaluez-vous votre efficacité et comment s'effectue le financement? Comment pouvez-vous déterminer si votre travail est efficient dans un pays ne figurant pas sur la liste de ceux qui sont ciblés par le Canada?
    Nous travaillons suivant un modèle de partenariat entre plusieurs pays pour le déploiement des bénévoles. Nos processus d'évaluation sont tout aussi rigoureux dans le cas d'un pays ne figurant pas sur la liste. Que notre financement provienne du gouvernement du Canada ou, par exemple, de celui du Kazakhstan, nous respectons les mêmes normes internes en matière de contrôle et d'évaluation. C'est ainsi que nous pouvons déterminer si notre travail permet d'améliorer la situation et si l'investissement en vaut vraiment la peine.
    Les modalités transactionnelles peuvent différer en fonction du pourvoyeur de fonds. Je vais poursuivre avec l'exemple du Kazakhstan dont je reviens à peine avec un restant de décalage horaire.
    L'économie de ce pays n'est pas très diversifiée. Elle est fondée en grande partie sur une industrie pétrolière plutôt fragile. Le gouvernement kazakh s'est engagé à investir dans les PME pour amorcer le processus de diversification et de consolidation de l'économie. Ce niveau d'engagement gouvernemental, la conjoncture locale propice au genre de soutien qu'offre le SACO, les objectifs de développement pour les PME et l'harmonisation avec les priorités canadiennes sont autant de facteurs qui peuvent influer sur notre décision d'aller ou non de l'avant.

  (1710)  

    Merci beaucoup, monsieur Sidhu.
    Nous passons maintenant à M. Aubin qui dispose de cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie toutes les deux. Nous ne vous avons pas demandé si vous étiez à l'aise avec des périodes de questions de cinq minutes, car cela exige de vous des réponses encore plus synthétisées. Je vous remercie de faire l'expérience.
    J'ai deux questions pour vous. Je vous les pose et je vous laisse le temps d'y répondre. Vous avez toutes les deux, lors de vos discours préliminaires, parlé de l'importance d'une approche holistique. Intellectuellement, je comprends très bien ce qu'est cette approche. J'aimerais qu'en quelques minutes vous me dressiez un portrait d'une expérience holistique réussie sur le terrain, pour que nous puissions y être pendant quelques secondes.
    Ma deuxième question s'adresse peut-être plus à Mme Guindon, mais soyez bien à l'aise d'y répondre, madame Harris.
    Nous avons parlé de bénévolat. Dieu sait combien il est difficile, pour tous les organismes, de retenir les bénévoles. Nous n'avons pas naturellement tendance à penser que l'aide internationale, surtout dans le cas d'un développement à long terme et stable, puisse fonctionner avec des bénévoles. Pourriez-vous me faire le portrait type d'un bénévole oeuvrant chez vous?
    Je vais commencer par un exemple d'approche holistique. Nous avons un programme très intéressant de partenariat au Nigeria. C'est un programme de développement économique pour la petite entreprise, la moyenne entreprise et les jeunes.
    Nous avons aussi un plus grand programme bilatéral qui est bâti sur ce programme. Ce programme plus vaste fait de la formation de petites entreprises avec les jeunes les plus défavorisés.
    Avec ces deux programmes, nous sommes capables d'intervenir auprès des communautés les plus exclues, mais surtout dans le domaine du genre. Dans le cadre de nos programmes dans le domaine du genre, nous travaillons non seulement avec les femmes, mais aussi avec les garçons, les hommes et les pères de famille. Ce sont des programmes intégrés.
    On pourrait dire qu'il s'agit d'un programme de développement économique, mais c'est vraiment un programme holistique. Nous connaissons un franc succès.
    La question sur la manière de retenir les bénévoles est bonne. Aujourd'hui, beaucoup de gens sont très occupés. Toutefois, nous voyons de plus en plus une nouvelle génération s'ouvrir à cette idée. L'âge moyen des bénévoles coopérants au sein de notre organisation est de 42 ans. Très peu de ces bénévoles sont dans la trentaine. La majorité des bénévoles sont dans le milieu de leur carrière et prêts à faire le déplacement, souvent pour trois mois, mais parfois jusqu'à deux ans. Beaucoup de nos bénévoles partent pour un an, mais restent jusqu'à deux ans. Il y a de plus en plus de bénévoles qui s'impliquent après la retraite, comme ma collègue.

[Traduction]

    Pour répondre à votre question concernant notre approche holistique, je vais revenir sur la scène nationale pour vous donner un exemple fort révélateur.
    J'ai parlé de notre travail auprès du Conseil de Mushkegowuk, un regroupement de Premières Nations, pour les aider à renforcer leurs structures de gouvernance. À quelques rares exceptions près, il y a toujours un objectif économique rattaché aux projets que nous réalisons au niveau national. Il s'agissait en l'occurrence de la chaîne d'approvisionnement dans le cadre du développement du Cercle de feu, mais il y a des enjeux sociaux qui peuvent préoccuper davantage les communautés locales, comme une gouvernance déficiente, une mauvaise gestion financière ou des lacunes dans la planification et la gestion des services de santé. Il arrive même que nous devions intervenir directement auprès d'un groupe pour l'aider à mieux travailler collectivement. En reconnaissant qu'il y a un objectif économique à atteindre, nous croyons qu'il est nécessaire d'investir rapidement dans la communauté dans le cadre d'une approche holistique. C'est ainsi qu'elle pourra non seulement acquérir les compétences nécessaires pour participer à l'activité économique, mais aussi se mobiliser pour y parvenir.

  (1715)  

    Merci. C'est tout le temps que vous aviez.
    Nous passons maintenant à Mme Romanado.
    Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de votre présence aujourd'hui, ainsi que de votre implication dans le domaine du développement international.
     Je vais poser mes questions en anglais.

[Traduction]

parce que ce sera plus facile pour tout le monde.
    Nous avons entendu juste avant vous deux témoins qui prônent une approche très différente. Ils voudraient que nous concentrions notre attention sur un nombre restreint de pays dans des domaines d'intervention mieux définis de manière à ne pas diluer nos efforts. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette façon de voir les choses, car vous semblez plutôt préconiser le statu quo avec une liste de 25 pays pour la répartition des richesses et de l'aide.
    Je me demande dans quelle mesure nous pourrons vraiment améliorer les choses en répartissant notre aide dans autant de pays pour nous attaquer à différents enjeux. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Je ne crois pas que ce soit le nombre de pays qui compte. Il faut plutôt surtout s'assurer d'avoir la souplesse nécessaire pour pouvoir déterminer dans quelle mesure une région ou un pays est prêt à passer à l'action avant d'y déployer nos ressources.
    À titre d'exemple, nous avons ciblé cinq pays de l'Afrique de l'Ouest, mais nous collaborons aussi dans le secteur de l'agrocommerce avec AFEX, une organisation présente dans 17 pays de cette portion du continent africain.
    Nous avons d'abord travaillé avec différents membres et bureaux régionaux de l'AFEX, ce qui nous a permis de constater que l'organisation possédait les capacités requises pour que les résultats obtenus localement puissent être étendus à plus grande échelle par l'intermédiaire de leurs pôles régionaux et de leur administration centrale.
    Il nous faut donc avoir la flexibilité nécessaire pour pouvoir entreprendre des opérations sur le terrain lorsque le contexte est propice à l'obtention des résultats visés.
    Merci.
    Madame Guindon, aviez-vous quelque chose à ajouter?
    Nous misons d'abord et avant tout sur le concept de partenariat. Il s'agit surtout de pouvoir assurer l'accompagnement à long terme nécessaire en demeurant suffisamment flexible pour voir à ce que le pays puisse à la fois se développer de façon durable dans une perspective humanitaire et acquérir la résilience voulue. La capacité d'adaptation est essentielle pour pouvoir y parvenir efficacement. Si nous concentrons nos efforts sur un nombre restreint de pays, nous ne pouvons pas en faire autant.
    Il faut comprendre que notre pays ne jouit pas de ressources illimitées. Les organisations comme la nôtre doivent donc pouvoir cibler leurs efforts. Nous voulons favoriser le développement de l'expertise nécessaire en misant sur celle que nous avons au Canada. Lorsque nous déployons des bénévoles, nous devons tabler sur ce que le Canada fait le mieux. C'est dans les secteurs d'expertise dont vous parliez que nos bénévoles peuvent vraiment faire une différence en apportant une valeur ajoutée.
    À mon sens, nous ne devons pas nous arrêter à la question du nombre de pays ciblés, mais nous concentrer plutôt sur la qualité des partenariats établis et, surtout, sur une orientation à long terme qui nous permettra d'obtenir les résultats souhaités. Il est parfois difficile d'y arriver lorsqu'on doit composer avec des subventions à court terme.
    Je viens du milieu de l'éducation, un domaine dont il n'a pas vraiment été question jusqu'à maintenant aujourd'hui. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, car on n'a guère insisté sur l'importance de permettre à d'autres pays de développer leurs propres capacités en la matière. Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet?
    À notre avis, cela nous ramène au lien intrinsèque entre l'autonomie économique et le pouvoir de choisir, et, en l'occurrence, de choisir d'investir dans l'éducation.
    Je vais vous donner un exemple. En Tanzanie, nous travaillons avec la fédération nationale qui chapeaute toutes les coopératives, mais aussi avec plusieurs de ces coopératives elles-mêmes. L'une d'elles, la Nronga Women Dairy Coop, a été mise sur pied par un impressionnant groupe de femmes entrepreneures. Leur production laitière a pu atteindre des niveaux de qualité et de quantité suffisants pour permettre la commercialisation. Elles peuvent maintenant réinvestir les produits de leurs ventes dans des initiatives comme l'amélioration des logements.
    On peut noter une transformation stupéfiante pour ce qui est de l'éducation de la jeune génération. Elles ont pu construire des écoles et aider les enfants à les fréquenter. Je crois que le taux de réussite a été de 100 % à l'école primaire et 95 % à l'école secondaire. Le sort de la prochaine génération sera donc très différent grâce aux investissements qui ont été consentis, car l'éducation fait foi de tout.

  (1720)  

    Merci beaucoup. Ce fut un plaisir de vous accueillir comme membre de notre comité aujourd'hui. C'est ainsi que se termine le premier tour de questions, mais nous avons encore du temps pour deux autres interventions.
    Nous allons donc revenir du côté des libéraux avec M. Saini.
    Un grand merci à toutes les deux de votre présence aujourd'hui.
    J'ai une question très précise, car il semble ressortir de vos témoignages respectifs...
    Madame Harris, vous avez notamment parlé de collaboration locale, de viabilité à long terme et de prise en charge des impacts. Notre comité doit entre autres déterminer quels critères doivent être utilisés pour établir la liste des pays ciblés, et on retrouve actuellement parmi ces critères la capacité d'accepter et d'utiliser l'aide étrangère.
    C'est en quelque sorte un cercle vicieux, car il est impossible de se doter d'une telle capacité sans aide étrangère. Croyez-vous vraiment que cela devrait faire partie des critères? Je pose la question, parce que je ne voudrais surtout pas que des pays se retrouvent sans aucune forme d'aide.
    Il est question ici de développement. Lorsque l'aide internationale est nécessaire, il est bien clair qu'elle est effectivement offerte.
    J'estime essentiel de mobiliser les clients locaux pour obtenir un niveau d'engagement suffisant aux fins du développement recherché. C'est ce qui détermine si un impact sera durable ou non. Pour notre part, nous cherchons surtout des solutions locales efficaces que nous pouvons contribuer à mettre en place afin que l'on puisse par la suite en étendre l'application à d'autres régions.
    Vous proposez d'utiliser un système déjà en place, plutôt que d'en créer un nouveau.
    Idéalement, nous cherchons à miser sur l'expertise locale pour trouver des solutions que nous pourrons déployer par la suite. On peut aussi tenter de dépister le potentiel local. Cela peut se faire à une étape antérieure, quand la structure n'est pas encore en place. Nous pouvons contribuer à l'élaboration de cette structure qui peut par exemple prendre la forme d'une coopérative réunissant des productrices de beurre de karité afin d'augmenter leur pouvoir d'achat et de commercialisation.
    C'est comme Moroccanoil. Est-il question également de financement? Est-ce que vous offrez de l'aide au niveau du microfinancement ou est-ce que votre contribution se limite à des conseils ou aux aspects administratifs?
    Notre aide directe s'articule autour du mentorat, de l'encadrement et de la transmission des notions élémentaires pour la gestion d'une entreprise. Nous travaillons également avec des organisations locales s'occupant de microfinancement de telle sorte que les propriétaires de ces entreprises puissent avoir accès à des prêts.
    Vous parlez de ceux qui sont déjà sur place?
    Oui.
    Madame Guindon, j'aimerais savoir comment vous vous y prenez pour distribuer les médicaments et apprendre aux gens à les utiliser. C'est un aspect qui m'intéresse, car je suis moi-même pharmacien.
    Nous offrons différents programmes. Nous ne fournissons pas directement de l'équipement ou des médicaments. Nous travaillons au transfert des compétences.
    Nous lançons actuellement le programme Midwives Save Lives en collaboration avec l'Association canadiennes des sages-femmes, notre principal partenaire. Elles connaissent très bien la profession de sage-femme et ont l'expérience de l'établissement d'un réseau au Canada. Elles vont travailler dans quatre pays. Nous allons collaborer avec les instances gouvernementales et des organisations de la société civile pour contribuer à la mise en place d'associations de sages-femmes s'inspirant du modèle canadien.
    Des sages-femmes pourront y transmettre les compétences nécessaires à la pratique de leur profession. Notre réseau est encore très récent, et on utilise chez nous quelques-unes des techniques parmi les plus modernes au monde. Des efforts seront aussi consacrés à l'amélioration de la gouvernance. Comme ces organisations vont établir les normes en vigueur dans leurs pays respectifs, elles devront pouvoir compter sur un régime de gouvernance efficace. On aura besoin de gens qui comprennent les systèmes de classement. Une aide technique sera offerte sous différentes formes, en plus du travail des bénévoles et de nos propres assistants techniques. Nous allons contribuer à la mise en place de ces systèmes. Ils doivent s'appuyer à notre avis non seulement sur des partenaires gouvernementaux mais aussi sur des organisations de la société civile, les deux travaillant main dans la main.

  (1725)  

    Nous allons terminer avec M. Kent.
    Merci. Je remercie également nos témoins pour leur comparution et les recommandations qu'elles nous ont faites aujourd'hui.
    Madame Harris, j'aimerais que nous parlions de votre observation quant à la réticence à retirer des pays de la liste ou à modifier le montant des sommes destinées à ceux qui y figurent toujours.
    Vous avez parlé des stratégies de sortie. Je sais que les ONG sont généralement discrètes quant à leurs opinions au sujet des pays qui devraient demeurer ou non sur la liste de ceux qui sont ciblés, du fait que ces points de vue pourraient entrer en contradiction avec les décisions gouvernementales. Le gouvernement devrait-il songer à élaborer une stratégie visant la pleine réalisation, de préférence à un scénario de fin abrupte, afin de se conformer aux nouveaux critères qui pourraient être établis pour une nouvelle liste des régions ou des pays ciblés?
    Pour être brève, la réponse est non, et je m'explique. J'essaie de considérer les choses en me mettant à la place des différents clients dans les pays où nous travaillons.
    À titre d'exemple, nous avons mené à terme il y a environ un an un programme d'une durée de six années dans le cadre du modèle de partenariat, et nous en avons entrepris un nouveau. Un de nos clients, une chambre de commerce colombienne, a franchi toutes les étapes du programme. Soit dit en passant, la Colombie est un pays encore aux prises avec des besoins pressants et des inégalités marquées, et ne devrait donc pas être retirée de la liste. Le client en question a acquis les compétences et l'expérience nécessaires pour pouvoir fonctionner de façon autonome. Ce n'est sans doute pas aussi structuré que dans certains autres pays qui sont prêts à s'affranchir. Je crois qu'il faut en fait établir ces stratégies de sortie dès la mise en place des programmes.
    Je vais vous donner très rapidement un exemple. Nous avions un programme bilatéral de développement des PME aux Philippines où nos conseillers bénévoles se sont rendus pour encadrer le travail des entreprises. Quelques années avant la fin du programme, nous avons établi sur place un SACO. Les employés et les bénévoles étaient des Philippins, ce qui a permis de poursuivre les efforts d'encadrement des entreprises après la fin du programme bilatéral.
    Madame Guindon, je ne sais pas si vous avez pu assister à la comparution des témoins précédents, mais je peux vous dire que l'un d'entre eux a laissé entendre que si le Canada voulait se montrer vraiment ambitieux, il pourrait concentrer ses efforts sur deux pays seulement, Haïti et l'Afghanistan, qui sont encore aux prises avec de nombreuses difficultés, bien que des progrès importants aient été réalisés au chapitre de l'éducation, de la sécurité des filles et des femmes, et de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants.
    Que diriez-vous de l'idée d'accorder ainsi la priorité à deux pays, plutôt qu'à tous ceux qui pourraient se retrouver sur la liste, et d'y consacrer toutes nos énergies, et peut-être des fonds supplémentaires, sans égard aux risques ou aux inconvénients que l'on pourrait y voir?
    Je vais vous donner une réponse diplomatique en vous disant qu'il serait formidable d'être plus ambitieux, mais qu'il est également important d'avoir des objectifs clairs. Nous nous devons d'agir ainsi en tant que nation, mais surtout au bénéfice de ces gens que nous voulons aider. Pour être ambitieux, je pense que nous devrions chercher à reproduire ce que le Canada a toujours su faire dans le monde, c'est-à-dire faire profiter les autres de notre excellence de la manière la plus efficace possible.
    J'aimerais parler au nom des quelque 16 000 bénévoles qui ont oeuvré pour Cuso. Je crois que dans les premiers temps nos bénévoles ont bénéficié bien davantage de l'aventure qu'ils ont pu en faire profiter les autres. Il en est découlé, comme j'ai pu le constater tout au long de ma carrière au sein d'organisations non canadiennes, cette touche unique qu'apporte l'expertise canadienne dans tous ces pays où les besoins sont particulièrement criants. Autant au Biafra dans les années 1960 qu'au Vietnam quelques décennies plus tard, nous étions toujours présents au bon moment. Je voudrais m'assurer que c'est encore le cas aujourd'hui et que nous pourrons continuer dans la même veine. Pour moi, être ambitieux ça peut vouloir dire bien des choses, et j'estime qu'il y a bien d'autres façons de se montrer ambitieux.

  (1730)  

    Merci, monsieur Kent.
    Je remercie énormément nos témoins pour leur précieuse contribution.
    La séance est levée.
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