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FOPO Rapport du Comité

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DES OCÉANS SAINS, DES COLLECTIVITÉS CÔTIÈRES DYNAMIQUES : RENFORCER LE PROCESSUS D’ÉTABLISSEMENT DES ZONES DE PROTECTION MARINE EN VERTU DE LA LOI SUR LES OCÉANS

Rapport supplémentaire du Parti conservateur du Canada

En 2010, dans le cadre de la participation du Canada à la Convention sur la diversité biologique, le gouvernement conservateur s’est engagé à respecter les objectifs d’Aichi. Un élément important des objectifs d’Aichi est l’engagement pris à même l’objectif 11, soit protéger 10 % des zones côtières et marines du Canada d’ici 2020, engagement appuyé par les trois principaux partis fédéraux.

Malgré le large soutien des partis fédéraux à la protection des océans, le gouvernement libéral a politisé le processus d’établissement des aires marines protégées (AMP) en promettant en 2015, lors de la campagne électorale, d’atteindre d’ici 2017 la cible de 5 % pour la protection des zones marines et côtières. Si la surenchère n’est pas nouvelle en politique, à quelque échelon que ce soit, cette promesse de campagne précise s’est avérée particulièrement préoccupante pour de nombreux Canadiens, y compris les pêcheurs de poissons et de fruits de mer, les Premières Nations et les collectivités côtières.

Le Parti conservateur du Canada sait que les AMP jouent un rôle essentiel dans la conservation et la bonne santé des océans du Canada; c’est exactement pour cette raison que notre gouvernement s’est engagé en 2010 envers les objectifs d’Aichi pour la biodiversité. Toutefois, de 2016 à 2018, l’accélération soudaine par le gouvernement libéral des processus établis pour créer des AMP a mis en évidence des schémas problématiques qui menacent la durabilité des AMP établies selon ce processus précipité.

Pendant tout le temps où il examinait les critères et le processus appliqués pour repérer et établir des AMP, le Comité permanent des pêches et des océans a recueilli des témoignages confirmant clairement le succès des AMP adoptées avec un large consensus des parties concernées et la discorde et les conséquences imprévues engendrées par la création d’AMP sans un tel consensus.

La poursuite par le gouvernement de sa promesse politique a affaibli le processus de création établi des AMP et celles créées sont moins durables, car plus susceptibles de rencontrer une résistance soutenue et de faire l’objet de contestations judiciaires. Des AMP vraiment durables doivent être le fruit d’un consensus et bénéficier du soutien des intervenants, y compris les collectivités locales, les Premières Nations, les pêcheurs et autres personnes qui dépendent des ressources marines partagées du Canada pour leur subsistance, leur emploi, leur secteur d’activités et leurs loisirs.

L’expérience d’autres pays, qui se sont précipités pour atteindre leurs objectifs et dont les réalisations attendues ont fini par être contrecarrées parce qu’ils n’ont pas tenu compte des données scientifiques et des opinions exprimées, confirme cette vérité. Le Canada doit tirer les leçons des expériences douloureuses d’autres pays où la création d’AMP sans procédure de consultation ni consensus a mené à des litiges, qui ont mis au jour les faiblesses d’un tel système.

Le Canada possède le littoral le plus vaste et le plus diversifié sur le plan géographique au monde. L’application d’une taille unique à toutes les comparaisons avec ce que d’autres pays font ou vivent en ce qui concerne les ZPM s’avérerait problématique et malavisée. L’empressement à désigner rapidement des ZPM provisoires pour maximiser le bénéfice politique sur la scène internationale ne tient pas compte des communautés isolées le long de nos côtes, qui dépendent uniquement de nos eaux. Le gouvernement doit adopter une approche réfléchie et bien communiquée pour l’établissement des ZPM.

Comme l’a écrit une équipe de chercheurs qui étudiait les conséquences imprévues de la conservation du milieu, « [...] la qualité des modalités de gestion et les conséquences sociales de certaines initiatives de conservation marine ont fait l’objet de critiques, voire de plaintes relatives aux droits de la personne. Ces types de gouvernance et de questions sociales peuvent compromettre la légitimité de la conservation du milieu marin, le soutien dont il jouit et son efficacité à long terme[1]. » [traduction]

En accélérant le processus de création des AMP, le gouvernement libéral a remplacé les processus établis de recherche de consensus et a emprunté la voie de l’opportunisme à des fins partisanes. Des AMP vraiment durables exigent un équilibre délicat qui respecte les principes de conservation, les droits des Autochtones, les ressources communes et les intérêts de tous les Canadiens, aujourd’hui et à l’avenir.

Comme le précise la Stratégie fédérale sur les aires marines protégées du gouvernement du Canada, le « concept de consultation et de collaboration est essentiel à l’élaboration et à la mise en œuvre du réseau fédéral d’aires marines protégées et de ses composantes individuelles. Son efficacité dépend de la capacité des parties intéressées à travailler ensemble[2]. » En adoptant une approche précipitée pour établir des AMP, le gouvernement libéral outrepasse les principes qui sous-tendent la propre stratégie fédérale sur les AMP.

L’empressement du gouvernement Trudeau à créer des AMP expose les Canadiens et le gouvernement du Canada à de possibles coûts sociaux, économiques et juridiques inconnus. Pour sa part, le ministre des Pêches et des Océans a en effet reconnu que le nouveau processus accéléré de création des AMP aura des conséquences, en particulier pour les pêcheurs qui dépendent pour leurs moyens de subsistance de l’accès aux ressources marines, c’est‑à‑dire aux stocks halieutiques.

Lors de sa comparution devant le Sénat du Canada, le 1er novembre 2016, le ministre LeBlanc a admis que « […] notre gouvernement a pris l’engagement ambitieux d’augmenter de façon substantielle les aires marines protégées […] il y a certains endroits où ce sera plus difficile que d’autres, surtout en ce qui concerne la pêche commerciale[3] ». Le ministre LeBlanc a poursuivi en disant au Sénat que pendant ses discussions « [...] avec les intervenants de l’industrie de la pêche et des représentants des gouvernements principaux, qui m’ont fait part exactement des mêmes préoccupations que les vôtres, je me suis engagé à travailler avec eux afin de les indemniser adéquatement[4] ».

Malgré cette déclaration du ministre LeBlanc, les membres conservateurs du Comité ignorent quel système officiel a été créé pour verser les indemnisations auxquelles le ministre a fait allusion. Un tel système d’indemnisation doit être clairement défini et communiqué à tous les Canadiens et à d’autres niveaux de gouvernement touchés par la création précipitée des AMP.

Lorsque les libéraux ont fait leur promesse électorale d’atteindre d’ici 2017 la cible de 5 %, ils se sont arrogé le mérite politique d’un engagement pris par un autre gouvernement et, saisissant l’occasion, ils ont bouleversé les processus rodés de recherche de consensus avec les Canadiens pour déterminer le choix, le lieu et les modalités d’application des AMP. Comme le dit le vieil adage, ce n’est pas ce que vous faites qui compte; c’est comment vous le faites.

Il y a une forte volonté politique de respecter les engagements du Canada dans le domaine de la protection des zones côtières et marines et de maintenir l’approche équilibrée voulue pour atteindre ces objectifs; alors pourquoi le gouvernement libéral met‑il au rancart des processus d’évaluation scientifique, sociale et économique essentiels? Dans cette nouvelle précipitation à établir des AMP, le gouvernement Trudeau a accordé une importance plus grande aux commentaires des organisations non gouvernementales de l’environnement (ONGE). Cette évolution est un sujet de préoccupation pour les membres conservateurs du Comité, car l’influence accrue des ONGE sur les politiques relatives à la pêche et aux océans du gouvernement Trudeau a érodé celle des intervenants de première ligne, en particulier les pêcheurs.

Une ONGE aussi connue que la West Coast Environmental Law Association a confié au Comité qu’elle reçoit des fonds étrangers qui sont transmis par d’autres organismes comme la Gordon and Betty Moore Foundation et Tides Canada[5]. Cette révélation est d’autant plus préoccupante qu’elle soulève la question de savoir qui le gouvernement libéral écoute réellement lorsqu’il élabore des politiques, des lois et des règlements qui ont une incidence directe sur les Canadiens d’un océan à l’autre.

Recommandation supplémentaire

Quand il établit de nouvelles aires marines protégées et des zones d’intérêt ou qu’il prend des mesures contribuant à l’atteinte des objectifs en matière de protection des zones marines, le gouvernement du Canada doit défendre l’intérêt national, c’est‑à‑dire accorder la priorité aux intérêts canadiens par rapport à ceux de pays étrangers ou financés par l’étranger.   

En se précipitant vers la ligne d’arrivée de l’objectif d’Aichi 11, le gouvernement suscite de l’incertitude dans les secteurs de la pêche et du tourisme, il dresse les régions et les Canadiens les uns contre les autres et ternit une noble cause que tous les partis fédéraux soutiennent.

Le gouvernement du Canada doit rétablir sans tarder les processus reconnus d’évaluation scientifique, sociale et économique et des consultations efficaces pour tous les Canadiens touchés par la création de nouvelles AMP. Si le gouvernement du Canada est sincèrement déterminé à indemniser les Canadiens touchés par la création d’AMP, un système d’indemnisation doit aussi être clairement défini, mis en place et communiqué sans délai à tous les Canadiens concernés.

Si une chose vaut la peine d’être faite, elle vaut la peine d’être bien faite. Il est temps que le gouvernement libéral mette de côté sa fierté politique et fasse les bons choix pour les Canadiens, nos océans et les AMP.


[1] An appeal for a code of conduct for marine conservation, Marine Policy, vol. 81, 2017, p. 411‑418.

[3] Dominic LeBlanc, ministre des Pêches et des Océans, Période des questions au Sénat, 1er novembre 2016.

[4] Ibid.

[5] Linda Nowlan, avocate-conseil à l’interne, West Coast Environmental Law Association, Témoignages, 2 mai 2017.