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HESA Rapport du Comité

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Introduction

Au cours des dernières années, un nombre croissant de boissons à teneur élevée en alcool et en sucre, vendues en portions individuelles, ont fait leur apparition dans le marché canadien, suscitant des inquiétudes chez de nombreux experts en santé publique du pays. Le 1er mars 2018, Athéna Gervais, une jeune fille de 14 ans, a été retrouvée morte dans un ruisseau coulant derrière son école secondaire de Laval (Québec). Elle aurait auparavant consommé une canette de 568 ml d’une boisson contenant 11,9 % d’alcool, soit l’équivalent de quatre consommations standard en une fois. La mort d’Athéna Gervais a avivé les craintes concernant les dangers que pourraient présenter ces boissons.[1] La grande quantité de sucre et les ingrédients aromatisants masquent la forte présence de l’alcool dans ces boissons, et leur vente en portion individuelle incite à leur consommation rapide. Or, la consommation rapide de boissons à haute teneur en alcool peut entraîner une intoxication alcoolique aiguë, voire la mort.[2]

Alarmé par le décès tragique d’Athéna Gervais, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes (« le Comité ») a adopté la motion suivante le 19 mars 2018 :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne de façon urgente une étude qui durera au moins trois (3) réunions afin de produire des recommandations sur les mesures que le gouvernement fédéral peut prendre, en collaboration avec les provinces et les territoires, pour mieux réglementer les boissons ayant une combinaison d’alcool à teneur élevée, de caféine et de sucre; que le Comité fasse rapport de ses conclusions et de ses recommandations à la Chambre au plus tard en juin 2018; et que, conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale au rapport.[3]

Le Comité a convenu plus tard de tenir deux réunions de trois heures afin de remplir la tâche qu’il s’est donnée dans la motion. Lors des deux réunions en question, tenues le 30 avril et le 9 mai 2018, le Comité a entendu des représentants de Santé Canada, des experts en santé publique, des médecins, des toxicologues et des représentants de l’industrie. Le présent rapport résume les témoignages et les recommandations des témoins. Il commence par faire le survol de la réglementation des boissons alcoolisées au Canada, en définissant notamment les rôles et les responsabilités des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en la matière. Suit une brève description des boissons alcoolisées à haute teneur en sucre ainsi que des risques que ces boissons font peser sur la santé et la sécurité des Canadiens, et tout particulièrement des jeunes. Enfin, le rapport présente les mesures prises jusqu’à maintenant pour réduire ces risques, de même que les autres mesures qui pourraient renforcer la réglementation des boissons à teneur élevée en alcool et en sucre.

SURVOL DE LA RÉGLEMENTATION DES BOISSONS ALCOOLISÉES AU CANADA

Lors de sa comparution devant le Comité, Mme Karen McIntyre, directrice générale, Direction des aliments, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada, a expliqué que la réglementation des boissons alcoolisées est une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux[4].

1. Rôles et responsabilités du gouvernement fédéral

a. Loi sur les aliments et drogues

Au niveau fédéral, les boissons alcoolisées sont réglementées par la Loi sur les aliments et drogues[5] et le Règlement sur les aliments et drogues (le Règlement)[6]. Même si elles ne requièrent pas une évaluation préalable à la mise en marché pour que Santé Canada en approuve la vente, les boissons alcoolisées doivent respecter les normes de production applicables à différentes catégories d’alcool, comme la bière, le vin, le cidre, le whisky, le rhum, le gin et d’autres spiritueux, qui sont énoncées dans le Règlement[7]. Le Règlement indique les méthodes de fabrication et les ingrédients autorisés pour ces produits. Mme McIntyre a signalé à ce sujet que, selon le Règlement, les ingrédients aromatisants dans lesquels la caféine est naturellement présente, comme le café, le chocolat et le guarana, sont autorisés puisque la quantité de caféine qu’ils fournissent aux boissons alcoolisées est très faible en comparaison à une portion de café (5 mg par rapport à 180 mg)[8]. Mme McIntyre a cependant précisé que l’ajout de caféine non présente naturellement aux boissons alcoolisées est interdit par le Règlement. Par exemple, les boissons énergisantes caféinées vendues au Canada ne peuvent pas contenir d’alcool, et leur contenant doit présenter un avertissement de ne pas les mélanger avec de l’alcool.

Enfin, le Comité a appris que le Règlement impose certaines exigences à l’étiquetage des boissons alcoolisées, notamment pour ce qui est de l’appellation courante, de la qualité et du volume d’alcool[9]. Cependant, ces boissons sont exemptées des exigences sur l’étiquetage nutritionnel qui s’appliquent à d’autres aliments en vertu de la Loi[10]. En outre, les boissons alcoolisées sont assujetties aux interdictions générales contre la publicité trompeuse sur les aliments qui sont énoncées dans la Loi sur les aliments et drogues[11].

b. Publicité sur les boissons alcoolisées

Le gouvernement fédéral est également responsable de réglementer, au moyen du Règlement sur la radio et du Règlement sur la télédiffusion pris en vertu de la Loi sur la radiodiffusion[12], la publicité sur les boissons alcoolisées diffusée à la radio et à la télévision. Mme McIntyre a toutefois apporté la précision suivante à ce sujet :

La publicité des boissons alcoolisées est en grande partie autoréglementée et est principalement régie par le Code de la publicité radiodiffusée en faveur de boissons alcoolisées du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Le code impose des restrictions sur les publicités radiodiffusées touchant l’alcool, notamment en ce qui concerne les jeunes et le fait d’encourager la consommation d’alcool. La conformité avec les règles du CRTC sur la publicité relève des Normes canadiennes de la publicité. Le code du CRTC n’a cependant pas force de loi[13].

c. Taxation

Lorsqu’il a comparu devant le Comité, M. Tim Stockwell, directeur, Institut canadien de recherche en toxicomanie, Université de Victoria, a fait valoir que le gouvernement fédéral influe lui aussi sur le prix des boissons alcoolisées en imposant des taxes d’accise à ces produits[14]. M. Stockwell a expliqué que les taxes d’accise sont appliquées au prix de gros de l’alcool et qu’elles se répercutent donc sur le prix de détail et les taxes de vente, qui sont perçues par la suite[15]. Les droits d’accise que le gouvernement fédéral perçoit sur les vins et les spiritueux sont indiqués aux annexes 4 et 6 de la Loi de 2001 sur l’accise[16]. Le taux des droits d’accise imposés à ces produits varie selon le pourcentage d’alcool par volume du vin ou du spiritueux. Les taux appliqués à la bière et aux boissons à base de malt sont indiqués dans l’annexe de la Loi sur l’accise[17]. Pour la bière, le taux est fondé sur le pourcentage d’alcool par volume et la quantité produite par le brasseur.

2. Rôles et responsabilités des provinces et des territoires

Des témoins ont dit au Comité que les provinces et les territoires ont la responsabilité d’adopter des lois et des règlements applicables à la vente et à la distribution de boissons alcoolisées[18]. Chaque province et territoire a une régie ou une société des alcools qui est chargée du contrôle et de la distribution de l’alcool à l’intérieur de ses frontières. Selon Mme McIntyre, les provinces et les territoires peuvent également établir d’autres règles d’étiquetage en matière de santé et de sécurité qui s’appliquent aux boissons alcoolisées, et contrôler l’accès à ces produits au moyen du prix, de l’attribution de licences aux points de vente, des heures d’ouverture de ces établissements et d’un âge minimal pour la consommation.

BRÈVE DESCRIPTION DES BOISSONS ALCOOLISÉES PRÉMÉLANGÉES À TENEUR ÉLEVÉE EN SUCRE

Le Comité a appris que les boissons alcoolisées à teneur élevée en sucre sont de plus en plus présentes dans le marché canadien. Ces produits, qui ont une teneur en alcool variant entre 7 % et 12 %, sont vendus en contenants individuels et commercialisés à grands coups de publicités ciblant les jeunes[19]. Ceux qui affichent la plus forte teneur en alcool contiennent l’équivalent de quatre verres standard d’alcool. Selon les directives canadiennes de consommation à faible risque, un verre standard d’alcool est une consommation renfermant 17,05 millilitres ou 13,45 grammes d’alcool pur[20]. Les témoins ont fait savoir au Comité que le marché des boissons alcoolisées à haute teneur en sucre évolue constamment; de nouveaux produits aux teneurs en alcool et aux arômes différents sont sans cesse créés, et la tendance favorise la production de boissons plus alcoolisées[21]. Selon le Dr Réal Morin, vice‑président aux affaires scientifiques à l’Institut national de santé publique du Québec, les ventes de ce type de boissons ayant la plus forte teneur en alcool (11 % ou plus) ont augmenté de 319 % au Québec entre 2016 et 2017[22].

Le Comité a appris que ces boissons sont issues de la fermentation de céréales, auxquelles on fait subir d’autres processus afin d’obtenir un produit de malt à forte teneur en alcool qui imite les effets de la distillation[23]. Des arômes et des sucres sont ensuite ajoutés afin de créer le produit final, qui est classé comme une « boisson de malt aromatisée » au Canada ou « mélange à la bière » au Québec[24]. La boisson Four Loko, qui est produite par Breuvages Blue Spike et qui contient 11,9 % d’alcool et 52 g de sucre (l’équivalent de 13 cuillères à thé) dans une canette de 694 ml, en est un exemple[25]. Une boisson appelée FCKDUP, qui a été retirée du marché, est un autre exemple. Elle contenait 11,9 % d’alcool dans une canette de 568 ml, environ 11 % de sucre et 5 mg de caféine provenant du guarana[26]. FCKDUP était fabriquée par le Groupe Geloso, qui en a cessé la production en mars 2018, après la mort d’Athéna Gervais.

« Un jeune fait un calcul financier et se demande ce qui peut l’intoxiquer au plus bas prix possible. Lorsqu’il trouve deux canettes pour 7 $, que la publicité du produit est trompeuse et qu’il peut ingurgiter le tout rapidement, ce qu’il ne pourrait pas faire avec d’autres genres d’alcools parce qu’il aurait la nausée plus rapidement, on a la recette parfaite pour un appel au centre antipoison et une visite à l’urgence. »

Dr Réal Morin, vice président aux affaires scientifiques, Institut national de santé publique du Québec

Mme Catherine Paradis, analyste principale, recherche et politiques, Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS), a expliqué au Comité que la vente de ces produits, qui sont considérés comme des boissons de malt plutôt que des spiritueux, est réglementée comme l’est celle de la bière dans les provinces et les territoires. Ces boissons ne coûtent donc pas cher et se vendent presque partout malgré leur haute teneur en alcool[27]. En effet, tout comme les autres boissons de malt, leur vente ne se limite pas aux magasins d’alcools exploités par l’État ou une entreprise privée; on peut en acheter dans les dépanneurs, les épiceries ou les magasins de bière. Mme Paradis a ajouté que le classement comme boissons de malt permet à ces produits de profiter des taux de taxe d’accise fédérale les plus bas, soit ceux qui sont appliqués à la bière plutôt qu’aux autres boissons alcoolisées telles que les spiritueux. Les boissons de malt peuvent également bénéficier d’un prix minimum plus bas dans les provinces et les territoires qui imposent des prix planchers aux boissons alcoolisées. Ces produits peuvent donc être vendus à des prix très réduits. Selon des témoins, il est possible d’en acheter des contenants à moins de 5 $, ce qui équivaut à environ 74 cents par consommation standard. C’est beaucoup moins que le prix recommandé d’une consommation standard d’alcool, soit 1,71 $, qui a été établi par un groupe de travail lors de l’élaboration de la Stratégie nationale sur l’alcool du CCDUS[28]. On a fait valoir au Comité que le prix relativement bas de ces boissons, de même que leur forte teneur en alcool et en sucre, incitent à leur consommation, notamment chez les jeunes :

Un jeune fait un calcul financier et se demande ce qui peut l’intoxiquer au plus bas prix possible. Lorsqu’il trouve deux canettes pour 7 $, que la publicité du produit est trompeuse et qu’il peut ingurgiter le tout rapidement, ce qu’il ne pourrait pas faire avec d’autres genres d’alcools parce qu’il aurait la nausée plus rapidement, on a la recette parfaite pour un appel au centre antipoison et une visite à l’urgence[29].

Enfin, des témoins ont indiqué au Comité que la commercialisation de ces produits – y compris l’emballage, les noms de marque et les stratégies de marketing dans les médias sociaux et sur Internet – cible activement les jeunes, et plus particulièrement les jeunes filles et les femmes. M. Hubert Sacy, directeur général d’Éduc’alcool, a souligné que ces boissons sont vendues dans des contenants arborant des couleurs et un lettrage qui visent clairement les jeunes : « Il suffit de regarder une de ces canettes pour se rendre compte que le produit ne s’adresse pas à l’âge d’or[30]. » M. Stockwell a indiqué pour sa part que ces produits portent des noms qui font la promotion de la consommation excessive d’alcool, comme « Monster Rehab », « Four Loko » et « Delirium Tremens[31] ». Mme Lucie Granger, directrice générale, Association pour la santé publique du Québec, a expliqué que l’industrie utilise également l’ajout d’ingrédients caféinés comme le guarana à des fins de marketing stratégique pour promouvoir la consommation excessive d’alcool :

Le fabricant de FCKDUP ajoute sur son site Web : « Mettre du guarana dans un nectar de raisin à 11,9 %, c’est comme booster son char sport avec de la nitro. Si tu veux passer de zéro à party en quelques gorgées, bois le mauve. » Il utilise ainsi un type de marketing qui cible les jeunes de façon redoutablement efficace en leur vendant un style de vie. Il incite à la consommation abusive d’alcool, et cela s’avère extrêmement dangereux[32].

Le Dr Réal Morin a signalé par ailleurs que les fabricants de ces boissons se servent des médias sociaux pour promouvoir leurs produits directement aux jeunes. Ils utilisent alors des vidéos et des jeux interactifs qui mettent en scène des chanteurs de rap,  des disques-jockeys et des personnages enfantins dans un contexte de consommation d’alcool, ce qui contrevient directement au Code de la publicité radiodiffusée en faveur des boissons alcoolisées du CRTC[33]. Enfin, le Comité a appris que les stratégies de marketing de ce genre ciblent tout particulièrement les jeunes femmes, qui préfèrent souvent les boissons alcoolisées sucrées à la bière, plus amère[34].

RISQUES POUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ ASSOCIÉS À LA CONSOMMATION DE BOISSONS ALCOOLISÉES PRÉMÉLANGÉES À TENEUR ÉLEVÉE EN SUCRE

« Le fabricant de FCKDUP ajoute sur son site Web : “Mettre du guarana dans un nectar de raisin à 11,9 %, c’est comme booster son char sport avec de la nitro. Si tu veux passer de zéro à party en quelques gorgées, bois le mauve.” Il utilise ainsi un type de marketing qui cible les jeunes de façon redoutablement efficace en leur vendant un style de vie. Il incite à la consommation abusive d’alcool, et cela s’avère extrêmement dangereux. »

Mme Lucie Granger, directrice générale, Association pour la santé publique du Québec

Des témoins ont expliqué au Comité que la forte teneur en alcool est le plus grand risque pour la santé que présente la consommation de boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en sucre. M. Jan Westcott, président et chef de la direction de Spiritueux Canada, a fait remarquer que la quantité d’alcool qu’on trouve dans un contenant individuel dépasse la limite quotidienne recommandée par les directives canadiennes de consommation à faible risque, qui est de deux verres standard pour une femme et de trois pour un homme[35]. Mme Granger, directrice générale, Association pour la santé publique du Québec, a souligné que les jeunes sont encore plus vulnérables aux effets de l’alcool, notamment aux effets susceptibles de provoquer des dommages physiques[36]. Comme ils sont plus légers que les adultes, leur taux d’alcool dans le sang augmente plus vite. À leur âge, l’enzyme responsable de l’élimination de l’alcool n’est pas encore produite en quantité suffisante. Après avoir consommé un seul contenant de ce type de boisson, un jeune peut donc avoir un taux d’alcoolémie supérieur à la limite légale; après en avoir bu deux, il court un risque élevé d’intoxication alcoolique.

Bien que la forte teneur en sucre de ces boissons ne soit pas saine, les témoins ont indiqué que le plus grand risque réside dans le fait que le sucre masque la teneur en alcool, ce qui incite la consommation rapide et excessive et accroît le risque d’intoxication[37]. Des témoins ont observé que les substances aromatisantes caféinées, comme le guarana, cachent elles aussi la forte teneur en alcool de ces boissons[38]. Il a aussi été souligné que les mélanges de caféine et d’alcool présentent des risques importants, car la caféine occulte le degré réel d’ébriété en gardant éveillé et en incitant à boire de l’alcool pendant une plus longue période. La Dre Maude St‑Onge, directrice médicale au Centre antipoison du Québec, a indiqué que l’intoxication par la caféine et par l’alcool peut causer de l’arythmie cardiaque et d’autres troubles[39]. Elle a noté qu’en 2017, au Québec, il y avait eu 96 cas d’intoxication à la caféine attribuables à la consommation de boissons énergisantes[40].

Le Dr Morin a dit au Comité que l’arrivée de ces boissons sur le marché coïncide avec la hausse du nombre d’intoxications alcooliques aiguës constaté chez les jeunes âgés de 12 à 24 ans[41]. Au Québec, entre le 1er janvier et le 26 novembre 2017, 2 332 personnes faisant partie de ce groupe d’âge ont été hospitalisées à la suite d’une intoxication alcoolique aiguë. C’est l’équivalent de 214 cas par mois, de 49 par semaine ou de sept par jour[42]. En outre, un quart des patients avaient un niveau de priorité au triage de l’urgence indiquant que leur vie était en danger. Même si nous ne disposons pas de données suffisantes pour établir un lien entre ces cas d’intoxication alcoolique aiguë et les boissons alcoolisées à teneur élevée en sucre, des témoins ont estimé que la vente de ces boissons contribue à ces tendances troublantes en santé[43]. Mais ces tendances ne concernent pas seulement le Québec. M. Stockwell a signalé que le nombre de décès imputables à une intoxication alcoolique a augmenté de 37 % entre 2007 et 2014 au Canada, passant de 210 à 313 au cours de cette période (voir la figure 1)[44]. Mme Paradis a indiqué pour sa part que des études menées aux États‑Unis ont montré que « la disponibilité de ces produits était aussi associée à divers problèmes légaux, incluant les voies de faits, les méfaits, les conduites d’incivilité, la conduite en état d’ébriété et la consommation d’alcool par les mineurs[45] ».

Figure 1: Décès dus à l'empoisonnement à l'alcool au Canada, de 2007 à 2014

Source :     Tim Stockwell, PhD, directeur, et Adam Sherk, étudiant au doctorat, Institut canadien de recherche sur la toxicomanie, Université de Victoria, Enquête sur les boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en alcool et en sucre, mémoire présenté au HESA, mai 2018.

MESURES PRISES POUR RÉDUIRE LES RISQUES QUE PRÉSENTENT LES BOISSONS ALCOOLISÉES PRÉMÉLANGÉES À TENEUR ÉLEVÉE EN SUCRE POUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ

Le Comité a appris que les gouvernements du Canada et du Québec prennent déjà des mesures pour atténuer les risques que les boissons alcoolisées à haute teneur en sucre font peser sur la santé et la sécurité. Ces mesures sont résumées ci‑dessous.

A. Santé Canada

Selon Mme McIntyre, qui a témoigné au nom du ministère, Santé Canada a publié, le 19 mars 2018, un avis d’intention résumant une proposition de modification au Règlement sur les aliments et drogues afin de restreindre le taux d’alcool contenu dans ce type de produits[46]. Elle a expliqué que le Ministère souhaite obtenir les commentaires des parties intéressées sur deux questions : d’abord, le mécanisme à suivre pour restreindre la quantité d’alcool dans un produit, ce qui pourrait se faire en limitant la taille des contenants ou en limitant le taux d’alcool permis dans les contenants à portion individuelle; ensuite, « le seuil de teneur en sucre » qui déclencherait l’imposition de restrictions au taux d’alcool. Mme McIntyre a ajouté que les propositions de Santé Canada ne visent pas les liqueurs, les vins de dessert et les autres boissons alcoolisées sucrées vendues dans des contenants refermables. Le ministère demande aussi les commentaires des parties intéressées concernant la publicité, le marketing et l’étiquetage, l’objectif étant de réduire les risques suscités par ces produits. De plus, des représentants de Santé Canada rencontrent leurs homologues provinciaux et territoriaux afin de déterminer des mesures pouvant aider à régler le problème. Mme McIntyre a dit que les consultations se termineraient le 8 mai 2018 et que des règlements seraient présentés à l’automne de 2018. Enfin, le Ministère tente aussi d’accroître la sensibilisation à l’égard des risques que présentent ces boissons en informant les parents et les enfants au moyen de son site Web et des médias sociaux.

B. Gouvernement du Québec

Dans le mémoire qu’elle a remis au Comité, l’Association pour la santé publique du Québec met en lumière les mesures prises jusqu’à maintenant par le gouvernement du Québec pour réduire les risques que les boissons alcoolisées à forte teneur en sucre font peser sur la santé et la sécurité[47]. En octobre 2017, la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec a analysé la composition des boissons fabriquées par Breuvages Blue Spike. Elle a constaté que ces boissons n’étaient pas issues de la fermentation du malt, mais de l’ajout direct d’éthanol. Dans une lettre datée du 17 novembre 2018, la Régie a exigé que quatre produits de Breuvages Blue Spike – nommés Baron, Four Loko, Mojo et Seagram – soient retirés des tablettes avant le 20 décembre 2017. Le 26 octobre 2017, l’Assemblée nationale du Québec a demandé au directeur national de santé publique de se pencher sur les cas d’intoxication alcoolique survenus à la suite de la consommation de boissons ayant une teneur élevée en sucre et en alcool, particulièrement chez des jeunes. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a présenté ses constatations et ses recommandations à l’Assemblée nationale du Québec à l’hiver 2018. Après le décès d’Athéna Gervais, le 1er mars 2018, le gouvernement du Québec a annoncé son intention d’interdire la vente de boissons prémélangées à base de malt ayant une teneur en alcool supérieure à 7 % dans les épiceries et les dépanneurs du Québec. À cette fin, il amendera le projet de loi 170, Loi modernisant le régime juridique applicable aux permis d’alcool et modifiant diverses dispositions législatives en matière de boissons alcooliques, qui est actuellement examiné par l’Assemblée nationale du Québec[48].

ALLER DE L’AVANT: MESURES À PRENDRE POUR ABORDER LES RISQUES POUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ POSÉS PAR LES BOISSONS ALCOOLISÉES PRÉMÉLANGÉES À TENEUR ÉLEVÉE EN SUCRE

Même si les témoins voyaient d’un bon œil l’idée d’interdire les boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en sucre, ils ont également reconnu qu’une meilleure réglementation de ces produits permettrait aussi d’aborder les risques qu’ils posent pour la santé et la sécurité et empêcherait la mise en marché de produits similaires ou de nouveaux produits à l’avenir. Par conséquent, ils ont présenté des recommandations au Comité sur la façon de restreindre la teneur en alcool, en sucre et en caféine de ces boissons, sur l’amélioration de l’étiquetage des boissons alcoolisées, sur l’imposition de restrictions supplémentaires en ce qui concerne l’image de marque et la mise en marché des boissons alcoolisées, et sur la façon d’aborder la taxation et les facteurs qui influent sur les prix. Les témoins ont également présenté des façons d’améliorer la surveillance de ces produits et d’aborder les questions générales entourant l’augmentation du nombre de cas d’intoxication alcoolique aiguë chez les jeunes au Canada. Un aperçu de ces recommandations est présenté ci‑dessous.

A. Restrictions relatives à la teneur en alcool, en sucre et en caféine

Les témoins ont convenu que la teneur en alcool de ces boissons devrait être limitée à 13,5 g d’alcool, ou 17,05 ml, soit un contenu équivalent à une consommation standard d’alcool au Canada[49]. Au plus, le contenu en alcool devrait être limité à  1,5 consommation standard au Canada[50].  Le président de Bière Canada, M. Luke Harford, a expliqué qu’en limitant la teneur en alcool à celle d’un verre standard, on pourrait déterminer un autre ensemble de tailles de contenant[51]. En outre, l’établissement d’une restriction relative au contenu en alcool fondée sur la source de l’alcool (grains ou fruits) « limitera l’innovation chez les fabricants responsables, tout en étant facilement contournable par ceux qui ne le sont pas[52] ».

Pour ce qui est de la teneur en sucre, Mme Catherine Paradis a recommandé que le taux de sucre de ces produits soit établi à 5 % aux termes du Règlement sur les aliments et drogues, ce qui les placerait dans la catégorie des spiritueux plutôt que dans celle des produits issus de la fermentation du malt[53]. Cette restriction ferait en sorte que ces produits pourraient uniquement se retrouver dans les magasins publics, et non dans les épiceries et les dépanneurs, sauf en Alberta, ce qui les rendrait moins accessibles physiquement pour les jeunes. Cette proposition exempterait également toutes les bières puisque leur teneur en sucre est de 4 %. Cette proposition a également une incidence sur la taxation et les facteurs qui influent sur les prix. Il en sera question plus loin dans le rapport.

Enfin, les témoins ont également convenu que des restrictions doivent être imposées relativement à la teneur en caféine de ces produits. La directrice médicale du Centre antipoison du Québec, la Dre Maude St‑Onge, a déclaré ce qui suit :

J’ajouterais aussi que les produits de caféine naturelle, comme le guarana, devraient être considérés comme des équivalents de la caféine artificielle ou synthétique. D’un point de vue toxicologique, ces produits devraient être considérés sur un pied d’égalité[54].

Le Dr Martin Laliberté, urgentologue et toxicologue au Centre universitaire de santé McGill, a par ailleurs répété qu’« [i]l faut se rappeler que tous les extraits de plante ne peuvent pas être présumés inoffensifs simplement parce qu’ils sont naturels[55] ». Par conséquent, les témoins ont recommandé que la teneur en caféine soit restreinte à 30 mg par consommation standard, une limite volontaire qui a déjà été établie par l’Association canadienne des sociétés des alcools[56].

B. Étiquetage et emballage

Le Comité a appris que pour des raisons de santé et de sécurité, « [l]es Canadiens ont le droit de savoir ce qu’ils mangent et boivent. Pratiquement tous les aliments et boissons doivent étiqueter les calories et les ingrédients, mais pas les produits alcoolisés[57] ». Le président et chef de la direction de Spiritueux Canada, M. Jan Westcott, a expliqué que par le passé, il en était ainsi, car les ingrédients subissent une transformation substantielle lors de la fermentation et de la distillation[58]. Cela dit, les témoins ont indiqué au Comité qu’il est urgent de procéder à un examen de l’étiquetage des boissons alcoolisées pour aider les consommateurs à estimer leur consommation d’alcool et à être conscients de la valeur nutritive de ces boissons. Par conséquent, certains témoins ont recommandé que les étiquettes des boissons alcoolisées contiennent entre autres des renseignements sur :

  • le nombre de consommations standard d’alcool contenues dans la boisson;
  • la teneur en sucre, en calories et en caféine de la boisson et la présence d’autres types de stimulants;
  • les lignes directrices sur la consommation d’alcool à faible risque du Canada;
  • les risques pour la santé, comme le cancer, associés à la consommation d’alcool[59].

« Les Canadiens ont le droit de savoir ce qu’ils mangent et boivent. Pratiquement tous les aliments et boissons doivent étiqueter les calories et les ingrédients, mais pas les produits alcoolisés. »

Tim Stockwell, PhD, directeur, et Adam Sherk, étudiant au doctorat, Institut canadien de recherche sur la toxicomanie, Université de Victoria

En ce qui concerne l’étiquetage et l’emballage des boissons alcoolisées à haute teneur en sucre en particulier, le directeur général d’Éduc’alcool, M. Hubert Sacy, a recommandé que l’emballage, l’étiquetage et le lettrage de ces produits soient clairement conçus pour viser une clientèle adulte[60].

C. Mise en marché et image de marque

Les témoins ont soulevé de nombreuses questions qui, selon eux, doivent être abordées en ce qui a trait à la mise en marché des boissons alcoolisées à haute teneur en sucre. Premièrement, le Comité a appris que même si la conformité au Code de la publicité radiodiffusée en faveur de boissons alcoolisées du CRTC est volontaire, ce code a été adopté par la majorité des provinces et des territoires dans leurs règlements régissant la publicité des boissons alcoolisées[61]. Cela dit, le président et chef de la direction de Spiritueux Canada, M. Jan Westcott, a expliqué que l’organisme de réglementation provincial du Québec « a choisi de ne pas appliquer les dispositions pertinentes du règlement sur la promotion des boissons alcoolisées, qui interdit la publicité incitant une personne à consommer des boissons alcoolisées de façon non responsable[62] ». Deuxièmement, le Comité a appris qu’il est nécessaire de mettre à jour le Code de la publicité radiodiffusée en faveur de boissons alcoolisées du CRTC pour qu’il s’applique à la publicité des boissons alcoolisées dans les médias sociaux, étant donné que les producteurs de boissons alcoolisées à haute teneur en sucre les utilisent pour cibler les jeunes[63]. Les témoins ont indiqué au Comité que ces enjeux pourraient être abordés en mettant à jour le code du CRTC, en modifiant les dispositions de la Loi sur les aliments et drogues qui portent sur la mise en marché des boissons alcoolisées, ou en adoptant une approche législative globale relativement à la réglementation de l’alcool, qui serait semblable à celle mise en place pour le tabac[64].

En ce qui concerne l’image de marque des boissons alcoolisées à haute teneur en sucre, le Comité a appris que les images de marque ou les noms qui font référence à la teneur en alcool d’un produit ou à la consommation excessive d’alcool ou encore qui banalisent la dépendance à l’alcool seront interdits[65]. M. Wescott a également expliqué qu’il existe aussi sur le marché canadien des boissons alcoolisées qui utilisent le même nom et la même image de marque que les boissons énergisantes caféinées, faisant ainsi la promotion du mélange de l’alcool et de la caféine, malgré le fait que les boissons énergisantes alcoolisées soient interdites au Canada[66]. Il a donc recommandé que Santé Canada interdise l’utilisation du nom de marque d’une boisson énergisante caféinée autorisée pour toute boisson alcoolisée. Parallèlement, comme cela a été mentionné ci‑dessus, Mme Granger a mentionné que les producteurs de boissons à haute teneur en sucre qui contiennent naturellement de la caféine font la promotion de ces produits en fonction de leur teneur en caféine.

D. Prix et taxes

Les témoins ont expliqué au Comité que les études effectuées par d’autres administrations indiquent que c’est d’abord et avant tout le bas prix des boissons alcoolisées à haute teneur en sucre qui attire les jeunes. Mme Paradis a expliqué que si on reclassifiait ces boissons dans la catégorie des spiritueux en établissant leur taux de sucre à 5 %, elles seraient assujetties à la taxe d’accise fédérale sur les spiritueux, qui est plus élevée, ce qui les rendrait moins abordables pour les jeunes[67]. Par exemple, si une canette FCKDUP avait été classée dans la catégorie des spiritueux, elle aurait été assujettie à une taxe d’accise de 82 cents, et non de 18 cents, comme c’est le cas pour les boissons de malt. Elle a expliqué que lorsque l’Australie a reclassé ces boissons dans une catégorie où les taxes sont plus élevées, il y a eu une diminution de 28 % des ventes. Dans le même ordre d’idées, M. Tim Stockwell a recommandé que la taxe d’accise fédérale soit appliquée à un taux fixe de 25 cents par consommation standard, plutôt que par type d’alcool, pour encourager les gens à choisir les boissons ayant une plus faible teneur en alcool[68].

Enfin, les témoins ont également recommandé qu’on établisse un prix national minimal commun par consommation standard d’alcool pour lutter contre la consommation d’alcool à haut risque[69]. Même si l’établissement du prix de l’alcool relève de la compétence des provinces, les témoins ont indiqué au Comité que le gouvernement fédéral pourrait collaborer avec les provinces et les territoires afin d’établir un prix minimal pour une consommation standard d’alcool. Selon M. Stockwell, l’Alberta et les territoires n’ont toujours pas adopté de prix minimal standard pour l’alcool, tandis que la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick ont établi un prix minimal relativement élevé et efficace[70]. Les témoins ont expliqué que des études ont montré qu’un prix minimal de 1,71 $ par consommation standard d’alcool réduirait la consommation d’alcool à haut risque et les torts connexes, y compris les hospitalisations et les décès liés à l’alcool[71].

E. Surveillance

Le Dr Martin Laliberté a souligné le rôle important joué par les centres antipoison dans la surveillance post-commercialisation des produits pouvant représenter un risque pour la santé publique, y compris les boissons alcoolisées[72]. Un système national de surveillance qui intègre des données provenant des centres antipoison partout au Canada permettrait aux spécialistes de la santé publique d’évaluer le nombre d’appels reçus par les centres antipoison ou les services d’urgence en ce qui concerne la consommation de boissons mélangées à haute teneur en alcool ou d’autres produits suscitant des préoccupations et d’intervenir plus rapidement. Le Dr Laliberté a expliqué que même si un tel système est en cours d’élaboration à l’échelle nationale, il faudra y accorder des fonds de façon continue au fil des ans pour assurer sa réussite.

F. Stratégie nationale sur l’alcool

Le Comité a appris qu’afin d’aborder les questions générales liées à l’alcool, y compris l’incidence croissante des intoxications alcooliques aiguës au Canada, il est nécessaire de mettre à jour la Stratégie nationale sur l’alcool du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances[73]. Cette stratégie a été élaborée en 2007, en collaboration avec des représentants de tous les ordres de gouvernement, de l’industrie, de communautés autochtones et d’organismes sans but lucratif. Elle contient 41 recommandations, qui sont axées sur la disponibilité de l’alcool, la promotion de la santé et l’éducation, les effets de l’alcool sur la santé, le traitement de la toxicomanie ainsi que la sécurité dans les collectivités. Bon nombre des recommandations énoncées dans la stratégie ont été mises en œuvre ou sont en cours de mise en œuvre. Par contre, le Comité a appris qu’il faut mettre à jour cette stratégie et redoubler d’efforts en ce qui concerne sa mise en œuvre, compte tenu des nouvelles données dont nous disposons et de l’augmentation des coûts sanitaires et économiques associés à la consommation excessive d’alcool au Canada.

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

Le Comité est très préoccupé par les risques pour la santé et la sécurité que pose la consommation de boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en sucre, pour les Canadiens en général et pour les jeunes en particulier. Les problèmes associés aux boissons de ce type ont été bien résumés par le Dr Martin Laliberté, urgentologue et toxicologue au Centre universitaire de santé McGill, qui a déclaré ce qui suit:

[P]remièrement, la canette est trop grosse; deuxièmement, il y a beaucoup trop d’alcool dans la canette; troisièmement, la forte teneur en sucre masque le goût de l’alcool; quatrièmement, le prix de la canette est trop bas; cinquièmement, l’emballage et l’étiquetage sont attrayants pour les adolescents; sixièmement, les stratégies de marketing ciblent les jeunes[74].

Tout comme les témoins, le Comité convient que les torts causés par ces boissons peuvent être abordés en appliquant des règles plus strictes à ces produits, notamment en limitant leur contenu en alcool à l’équivalent d’une consommation standard par contenant, en abordant la taxation et les facteurs qui influent sur les prix, en mettant en œuvre des exigences relatives à l’étiquetage des boissons alcoolisées et en imposant de nouvelles restrictions pour la mise en marché de ces produits. Le Comité a appris qu’il est aussi nécessaire que les gouvernements déploient davantage d’efforts pour appliquer les règlements existants, particulièrement en ce qui concerne la mise en marché des boissons alcoolisées au Canada. L’étude du Comité a également permis de mettre en lumière les problèmes associés à la promotion du mélange de l’alcool et de la caféine, que ce soit par les entreprises qui produisent des boissons énergisantes contenant de la caféine ou par les fabricants de boissons alcoolisées, qui présentent leurs produits comme étant des boissons énergisantes. Le Comité estime que la confusion entourant cette question est renforcée par le Règlement sur les aliments et drogues, qui autorise les boissons alcoolisées contenant des ingrédients aromatisants dans lesquels de la caféine est présente naturellement. Le Comité est d’avis que ces enjeux doivent être examinés de plus près par Santé Canada.

Enfin, l’étude du Comité indique également qu’il faut redoubler d’efforts pour aborder la consommation excessive d’alcool au Canada, en prenant diverses mesures. Athéna Gervais fait partie des centaines de personnes qui meurent chaque année au Canada à la suite d’une intoxication alcoolique aiguë. Il est peut-être temps que le gouvernement du Canada envisage la mise en œuvre d’une approche de réglementation de l’alcool qui correspondrait davantage aux efforts qu’il déploie pour lutter contre le tabagisme.

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Restrictions sur la teneur en alcool, en sucre et en caféine des boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en sucre

Recommandation 1

Que Santé Canada restreigne la teneur en alcool dans les boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en sucre  à l’équivalent d’une consommation standard d’alcool au Canada, soit 13,5 g ou 17,05 ml d’alcool pur, aux termes du Règlement sur les aliments et drogues.

Recommandation 2

Que Santé Canada établisse la teneur en sucre dans les boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en sucre  à 5%  aux termes du Règlement sur les aliments et drogues pour ainsi restreindre le nombre de points de vente de ces produits.

Recommandation 3

Que Santé Canada établisse la teneur en caféine des boissons alcoolisées au Canada à 30 mg par consommation standard d’alcool aux termes du Règlement sur les aliments et drogues, ce qui correspond à la limite volontaire adoptée par l’Association canadienne des sociétés des alcools.

Étiquetage et emballage

Recommandation 4

Que Santé Canada exige, aux termes du Règlement sur les aliments et drogues, que l’étiquette de toutes les boissons alcoolisées en vente au Canada indique le nombre de consommations standard d’alcool contenues dans la boisson.

Recommandation 5

Que Santé Canada exige, aux termes du Règlement sur les aliments et drogues, que l’étiquette de toutes les boissons alcoolisées en vente au Canada indique clairement la teneur en sucre, en calories et en caféine, ainsi que la présence de tout autre stimulant.

Recommandation 6

Que Santé Canada interdise, aux termes du Règlement sur les aliments et drogues, que les boissons alcoolisées soient étiquetées et emballées d’une manière pouvant être considérée comme attrayante pour les jeunes.

Mise en marché et image de marque

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada modifie l’article 7 de la Loi sur les aliments et drogues pour interdire que les boissons alcoolisées fassent l’objet de publicités pouvant être considérées comme attrayantes pour les jeunes.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada envisage la possibilité d’exiger que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes examine son Code de la publicité radiodiffusée en faveur de boissons alcoolisées pour déterminer s’il doit s’appliquer ou non aux nouveaux médias numériques, y compris les médias sociaux et Internet.

Recommandation 9

Que Santé Canada interdise, aux termes du Règlement sur les aliments et drogues, l’utilisation par les producteurs d’une image de marque ou de noms qui font référence à la teneur en alcool d’un produit ou à la consommation excessive d’alcool ou encore qui banalisent la dépendance à l’alcool.

Recommandation 10

Que Santé Canada examine les problèmes possibles concernant l’utilisation du nom de marque d’une boisson énergisante avec caféine autorisée par une entreprise qui produit des boissons alcoolisées.

Recommandation 11

Que Santé Canada examine les enjeux liés aux activités de promotion des fabricants de boissons énergisantes avec caféine au Canada pour déterminer s’ils font la promotion du mélange de l’alcool et de la caféine, et qu’il présente un rapport public exposant ses conclusions.

Prix et taxation

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada :

a) établisse un taux fixe pour la taxe d’accise par consommation standard, qui s’appliquera à l’ensemble des boissons alcoolisées et qui sera indexé en fonction de l’inflation; ou

b) établisse le taux de la taxe d’accise qui s’applique aux boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en sucre  au même taux que celui des spiritueux.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada établisse, en collaboration avec les provinces et les territoires, un prix national minimal par consommation standard, qui sera indexé en fonction de l’inflation.

Surveillance

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada accorde un financement continu pour la création d’un système de surveillance national par les centres antipoison afin d’améliorer la surveillance des produits susceptibles de poser un risque pour la santé et la sécurité humaines.

Stratégie nationale sur l’alcool

Recommandation 15

Que Santé Canada travaille en collaboration avec le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les organisations non gouvernementales, l’industrie et les communautés autochtones afin de mettre à jour et de renouveler la Stratégie nationale sur l’alcool de 2007.


[1]              HESA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 avril 2018,1635 (Mme Catherine Paradis, analyste principale, recherche et politiques, Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances).

[2]              Institut national de santé publique du Québec, Intoxications aiguës à l’alcool et boissons sucrées alcoolisées, mémoire présenté au HESA, mai 2018 et Tim Stockwell, PhD, directeur, et Adam Sherk, étudiant au doctorat, Institut canadien de recherche sur la toxicomanie, Université de Victoria, Enquête sur les boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en alcool et en sucre, mémoire présenté au HESA, mai 2018.

[3]              Chambre des communes, Comité permanent de la santé, Procès-verbal, 1re session, 42e législature, 19 mars 2018.

[4]              Comité permanent de la santé de la Chambre des communes (HESA), Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 avril 2018, 1545 (Mme Karen McIntyre, directrice générale, Direction des aliments, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada).

[5]              Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27.

[6]              Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870.

[7]              HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1545 (McIntyre).

[8]              Ibid.

[9]              Ibid., 1555 (McIntyre).

[10]            Ibid.

[11]            Ibid.

[12]            Agence canadienne d’inspection des aliments, Exigences en matière d’étiquetage des boissons alcoolisées, 12 mars 2018.

[13]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1545 (McIntyre).

[14]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1755 (M. Tim Stockwell, directeur, Institut canadien de recherche en toxicomanie, Université de Victoria, à titre personnel).

[15]            Ibid.

[16]            Loi de 2001 sur l’accise, L.C. 2002, ch. 22.

[17]            Loi sur l’accise, L.R.C. (1985), ch. E‑14.

[18]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1545 (McIntyre).

[19]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1545 (McIntyre).

[20]            Butt, P., Beirness, D., Gliksman, L., Paradis, C. et Stockwell, T., L’alcool et la santé au Canada : résumé des données probantes et directives de consommation à faible risque, Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, 2011, p. 15.

[21]            Institut national de santé publique du Québec, Intoxications aiguës à l’alcool et boissons sucrées alcoolisées, mémoire présenté au HESA, mai 2018.

[22]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1820 (Dr Réal Morin, vice‑président aux affaires scientifiques, Institut national de santé publique du Québec).

[23]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1725 (M. Jan Westcott, président et chef de la direction, Spiritueux Canada).

[24]            Ibid.

[25]            Association pour la santé publique du Québec, Les dangers des boissons ayant une combinaison d’alcool à teneur élevée, de caféine et de sucre, mémoire présenté au HESA, mai 2018.

[26]            Ibid.

[27]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1635 (Paradis).

[28]            Ibid., 1635 et 1705 (Paradis).

[29]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1820 (Morin).

[30]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1650 (M. Hubert Sacy, directeur général, Éduc’alcool).

[31]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1755 (Stockwell).

[32]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1800 (Mme Lucie Granger, directrice générale, Association pour la santé publique du Québec).

[33]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1820 (Morin).

[34]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1600 (McIntyre) et Association pour la santé publique du Québec, Les dangers des boissons ayant une combinaison d’alcool à teneur élevée, de caféine et de sucre, mémoire présenté au HESA, mai 2018.

[35]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1730 (Wescott).

[36]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1800, (Granger).

[37]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018 (Morin, Stockwell) et HESA, Témoignages, 30 avril 2018 (Sacy, Paradis, Laliberté).

[38]            Ibid.

[39]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1815 (Dre Maude St‑Onge, directrice médicale, Centre antipoison du Québec).

[40]            Ibid.

[41]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1820 (Morin).

[42]            Ibid.

[43]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1820 (Morin).

[44]            Ibid.

[45]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1635 (Paradis).

[46]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1545 (McIntyre).

[47]            Association pour la santé publique du Québec, Les dangers des boissons ayant une combinaison d’alcool à teneur élevée, de caféine et de sucre, mémoire présenté au HESA, mai 2018.

[49]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018 (Morin, Stockwell) et HESA, Témoignages, 30 avril 2018 (Sacy, Paradis, Laliberté).

[50]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1800 (Stockwell).

[51]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018 (M. Luke Harford, président, Bière Canada).

[52]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1755 (Stockwell).

[53]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1640 (Paradis).

[54]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1850 (St-Onge).

[55]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1745 (Dr Martin Laliberté, urgentologue et toxicologue, Centre universitaire de santé McGill).

[56]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018 (Wescott).

[57]            Tim Stockwell, Ph.D., directeur, et Adam Sherk, étudiant au doctorat, Institut canadien de recherche sur la toxicomanie, Université de Victoria, Enquête sur les boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en alcool et en sucre, document de référence présenté au Comité, mai 2018.

[58]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1805 (Wescott).

[59]            Tim Stockwell, PhD, directeur, et Adam Sherk, étudiant au doctorat, Institut canadien de recherche sur la toxicomanie, Université de Victoria, Enquête sur les boissons alcoolisées prémélangées à teneur élevée en alcool et en sucre, mémoire présenté au HESA, mai 2018.

[60]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1625 (Sacy).

[61]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1805 (C.J Helie, vice-président, Spiritueux Canada).

[62]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1735 (Wescott).

[63]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1640 (Paradis).

[64]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018 (McIntyre, Paradis) et HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1840 (Granger).

[65]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1755 (Stockwell).

[66]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1735 (Wescott).

[67]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1635 (Paradis).

[68]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1800 (Stockwell).

[69]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1635 (Paradis) et HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1800 (Stockwell).

[70]            HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1845 (Stockwell).

[71]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1705 (Paradis) et HESA, Témoignages, 9 mai 2018, 1800 (Stockwell).

[72]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1745 (Laliberté).

[73]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1640 (Paradis).

[74]            HESA, Témoignages, 30 avril 2018, 1745 (Laliberté).