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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 130 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 3 octobre 2018

[Énregistrement électronique]

(1625)

[Traduction]

    Comme c'est le cas la plupart du temps à la Chambre des communes, il y des choses qui sont parfois inévitables et qui se produisent; et aujourd'hui, nous avons dû aller voter, et nous allons donc immédiatement commencer notre séance.
    Nous accueillons aujourd'hui, pour poursuivre notre examen prévu par la loi de la Loi sur le droit d'auteur, Jayson Hilchie, président-directeur général de l'Association canadienne du logiciel de divertissement, Paul Gagnon, conseiller juridique d'Element AI; Christian Troncoso, directeur, Politique de la BSA, The Software Alliance; et Nevin French, vice-président, Politiques, de l'Association canadienne de la technologie de l'information.
    Vous disposez tous de sept minutes pour présenter vos exposés. Si vous pouvez le faire en moins de sept minutes, tout le monde aura un temps de parole aux fins du compte rendu.
    Nous commençons tout de suite par Jayson Hilchie, de l'Association canadienne du logiciel de divertissement.
    Je remercie le Comité de me donner l'occasion de participer à cette étude aujourd'hui.
    Une fois de plus, comme on vient de le dire, je m'appelle Jayson Hilchie, et je suis le président-directeur général de l'Association canadienne du logiciel de divertissement. Cette association représente un certain nombre de grandes sociétés de jeux vidéo qui exercent leurs activités dans notre pays, allant des éditeurs et des fabricants de consoles multinationaux jusqu'aux distributeurs locaux et aux studios indépendants de propriété canadienne.
    Le secteur canadien des jeux vidéo est l'un des plus dynamiques et des plus prolifiques au monde. Nous employons directement près de 22 000 personnes à temps plein, et nous soutenons 19 000 autres emplois indirects. La contribution du secteur au PIB canadien s'élève à près de 4 milliards de dollars; ce montant ne représente pas nos revenus. Il représente les salaires de nos employés, de ceux que notre industrie soutient, ainsi que leurs répercussions économiques collectives, et elles sont de taille. Malgré le fait que la population canadienne représente seulement 10 % de la population américaine, le secteur canadien de la conception de jeux vidéo fait environ la moitié de la taille de celui de son voisin, qui est le plus important au monde. Je ne saurais donc trop insister sur l'importance du Canada en matière de production et de création de jeux vidéo, sur la scène mondiale.
    Beaucoup de jeux parmi les plus populaires au monde sont créés ici au Canada. Comme dans bien d'autres secteurs basés sur la propriété intellectuelle, le piratage reste encore un problème et nous devons constamment innover pour le combattre. L'une de nos solutions à ce problème a consisté à ajouter une composante en ligne à la plupart de nos jeux. Il s'agit de créer compte qui permet de télécharger du contenu à partir d'un serveur central ou, plus fréquemment, d'intégrer un mode multijoueurs dans le jeu. C'est une solution très efficace pour limiter la prolifération des contrefaçons, étant donné que les jeux piratés ne permettent pas d'accéder aux fonctions en ligne que nous offrons. Dans la plupart des cas, un joueur qui utilise un jeu piraté ne pourra utiliser que le mode monojoueur, qui est de moins en moins courant dans notre secteur.
    En plus de créer des jeux qui disposent de la fonctionnalité en ligne dont je viens de parler, notre industrie utilise des mécanismes de protection technologiques pour lutter contre le piratage, c'est-à-dire à la fois des technologies de chiffrement dans les logiciels et des composantes matérielles dans les consoles de jeux vidéo. Ces mesures de protection technologiques ont essentiellement deux fonctions: elles cryptent les données d'un jeu, qui ne pourront pas être copiées, et elles rendent les jeux copiés illisibles sur les consoles. Même si les pirates trouvent souvent le moyen de les contourner, ces mesures donnent aux entreprises le temps de vendre des copies légitimes des jeux pendant la période où la demande est la plus forte, laquelle correspond habituellement aux 90 premiers jours.
    Plus la technologie de cryptage s'améliore, plus il faut de temps pour pirater un jeu, ce qui donne aux entreprises une plus grande fenêtre pour récupérer leur investissement dans un produit. Dans certains cas, des vendeurs en ligne proposent des « puces pirates » capables de contourner les protections des consoles afin qu'elles acceptent les jeux copiés. Ces dispositifs de contournement sont devenus illégaux au Canada en 2012 dans le cadre de la Loi sur la modernisation du droit d'auteur du Canada.
    En fait, l'an dernier, cette loi a permis à Nintendo d'obtenir gain de cause contre une entreprise de Waterloo, en Ontario, qui vendait des dispositifs de contournement en ligne. Après un long procès, Nintendo a obtenu plus de 12 millions de dollars en dommages et intérêts sur décision de la Cour fédérale, ce qui, selon de nombreux médias, fait de cette loi canadienne sur le droit d'auteur l'une des plus strictes au monde.
    La Loi sur la modernisation du droit d'auteur s'est avérée efficace, car elle offre des protections aux créateurs de contenu du secteur des jeux vidéo. Plus notre économie tend vers les biens et les services numériques, plus il est important de maintenir ces mesures de protection. Cependant, nous pouvons aussi en faire davantage pour nous assurer que les consommateurs comprennent les répercussions du piratage.
    Le régime d'avis et avis, dans sa forme la plus pure, oeuvre dans ce sens. Mais les avis ne sont pas toujours transmis comme il se doit par les fournisseurs de services Internet, et les consommateurs qui reçoivent ces avis ne les comprennent pas toujours et les ignorent souvent. Nous croyons que le gouvernement du Canada et les fournisseurs de services Internet doivent collaborer afin que le régime d'avis et avis soit correctement appliqué et utilisé. C'est en veillant à ce que les fournisseurs de services Internet transmettent régulièrement et uniformément ces avis de violation que nous pourrons le mieux accroître la responsabilisation et promouvoir la sensibilisation et les occasions d'éducation auprès de ceux qui contrefont le contenu, intentionnellement ou autrement. En éduquant mieux les gens sur les méfaits du piratage, nous améliorons la situation de vie des créateurs de toutes sortes.
    Merci beaucoup.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Paul Gagnon, d'Element AI, je vous en prie. Vous avez jusqu'à sept minutes.
    J'ai jusqu'à sept minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les membres du Comité.
    Je m'appelle Paul Gagnon. Je suis conseiller juridique chez Element AI. Je m'occupe des questions de propriété intellectuelle et de données.

[Traduction]

    Je témoigne en anglais au nom d'Element AI, bien que je serai heureux de répondre aux questions dans les deux langues, plus tard au cours de la séance.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Element AI est un fournisseur de solutions d'intelligence artificielle qui a ses bureaux à Montréal et à Toronto. Nous célébrons bientôt nos deux ans d'activité et nous faisons la une des journaux du monde entier; nous avons aussi des bureaux à Londres, Singapour et Séoul.
    C'est un grand privilège d'être parmi vous aujourd'hui, surtout que je suis un passionné de la propriété intellectuelle. C'est une excellente occasion pour moi d'être ici et de discuter de la réforme du droit d'auteur.
    Element AI fait en sorte que la recherche fondamentale aboutisse le plus rapidement possible à des produits exploitables et à des solutions pour les entreprises. Nous sommes sur une bonne lancée. Nous sommes assez fiers de nos réalisations, mais le meilleur reste à venir, et c'est pourquoi nous sommes ici. Nous voulons discuter de la raison pour laquelle le Canada n'a pas une place assurée en tant que leader mondial dans le domaine de l'intelligence artificielle. Nous aimerions entraîner une réforme limitée et ciblée de la Loi sur le droit d'auteur, afin de clarifier un cas d'utilisation particulière de l'analyse de l'information, également connue sous le nom d'exploration de textes et de données.
    Ce manque de certitude à l'égard de la loi a des répercussions sur de très importantes activités de développement de l'intelligence artificielle. Cette analyse de l'information, dans le contexte d'utilisation équitable, serait bénéfique pour tous les Canadiens et plus spécifiquement pour ceux qui sont actifs dans le secteur de l'intelligence artificielle.
    Cette exemption ciblée nous aiderait à mettre en place un environnement sûr et prévisible pour l'intelligence artificielle, afin de maintenir sa croissance exceptionnelle. Dans le domaine de l'intelligence artificielle, la concurrence est mondiale. D'autres pays mettent activement en place des outils stratégiques pour attirer les investissements et les talents. Nous exhortons le Canada à en faire autant.
    Lorsque nous parlons d'analyse de l'information, de quoi parlons-nous? Nous parlons des analyses que l'on peut faire de données et d'oeuvres protégées par le droit d'auteur, pour en tirer des conclusions et en extraire des informations et des modèles. Il s'agit d'une analyse de l'information, et non pas de l'utilisation des oeuvres elles-mêmes ou l'extraction d'informations qui seront utilisées et appliquées. C'est différent de l'utilisation directe de ces travaux. Il s'agit d'abstraction. Il ne s'agit pas de commercialiser les travaux ou d'affaiblir les titulaires de droits canadiens.
    À titre d'exemple, regarder des peintures dans un immeuble, en entrant, ce n'est pas comme prendre des photos de ces peintures et en faire t-shirts. Il s'agit uniquement de regarder les peintures en question et de dégager les motifs, de mesurer les distances, d'évaluer les couleurs et les tons utilisés par les artistes.
    Pour donner un autre exemple plus pertinent pour votre travail quotidien au Parlement, si on devait examiner les débats du hansard et les utiliser dans une analyse d'information, nous cesserions de relier des livres et de vendre les débats. Peut-être que nous utiliserons des traductions pour créer des algorithmes plus fonctionnels pour traduire des travaux. Nous voyons qu'ici il y a une abstraction. Il n'est pas question du travail en lui-même; c'est l'information que nous en retirons qui sera utilisée.
    Les données sont réellement le carburant qui alimente l'IA. Les algorithmes des produits basés sur l'IA nécessitent des données diverses, représentatives et de qualité. C'est la chaîne d'approvisionnement de l'IA, celle qui fournit des renseignements et des données exploitables, lesquelles donnent de meilleurs produits et services.
    Une expression bien connue en informatique dit: « À données inexactes, résultats erronés ». Elle s'applique réellement au domaine de l'intelligence artificielle et de l'analyse de l'information. Notre IA sera uniquement bonne si les données que nous lui fournissons le sont. C'est pour cela que l'exemption ciblée dont nous voulons parler aujourd'hui vise à élargir la portée, pour que notre IA soit de qualité et représentative et, en conséquence, qu'elle soit accessible pour tous les Canadiens.
    Nous pensons qu'avec un droit plus clair et en dissipant l'incertitude juridique qui plane sur l'analyse de l'information, nous pouvons augmenter l'équité, l'accessibilité et l'inclusivité des solutions basées sur l'IA. Vraiment, de meilleures données signifient une meilleure IA.
    Sous le régime de la Loi sur le droit d'auteur actuelle, de quelle manière l'analyse de l'information est-elle comprise? Comment est-elle appréhendée? La Loi sur le droit d'auteur s'applique aux oeuvres protégées, mais aussi aux compilations d'oeuvres protégées ainsi qu'aux compilations de données. Il s'agit des trois blocs qui sont couverts par la loi.
    Comme vous l'avez constaté pendant les travaux du comité permanent, la Loi sur le droit d'auteur consiste à trouver un équilibre entre différents intérêts, les droits des utilisateurs et l'accès, mais aussi les titulaires de droits, et c'est pourquoi nous proposons que l'analyse de l'information fasse partie des exemptions relatives à l'utilisation équitable.
    Les exemptions relatives à l'utilisation équitable ont un but bien délimité. La loi énonce clairement les objectifs relatifs à l'intention que nous poursuivons dans nos analyses; par exemple, l'utilisation des recherches, les études privées ou les reportages. Là où se trouve l'intérêt général du public, la loi a précisé qu'il est permis d'avoir un objectif clair dans le cadre de l'utilisation équitable d'une oeuvre.
(1630)
    De quelle façon l'analyse informationnelle, telle que nous l'avons expliquée, est-elle visée par la loi en vigueur? Ce n'est pas clair, il y a donc de l'ambiguïté juridique à cet égard. Si l'on examine l'exemption qui touche les reproductions temporaires, on constate que cela ne s'applique pas tout à fait. Si on se tourne plutôt du côté de l'exemption pour une utilisation équitable précise, pour de la recherche ou pour une étude privée, ce n'est pas clair. Nous sommes d'avis que le législateur est en mesure d'apporter des précisions à la loi et, en conséquence, d'aider à attirer des investissements dans le secteur de l'IA au Canada et à procurer de la certitude à ce secteur.
    Si nous nous penchons en particulier sur les utilisations aux fins de recherche, l'ambiguïté qui règne a des conséquences certaines. En effet, les dispositions législatives pourraient permettre d'effectuer de l'analyse informationnelle en soi dans le cadre d'une recherche, mais il y a assurément de l'ambiguïté quant au fait de savoir s'il est possible d'utiliser cette recherche pour offrir des produits et des solutions. Il pourrait être insuffisant de s'appuyer uniquement sur l'exemption qui vise la recherche.
    Nous proposons que cette exemption ne soit pas spécifique quant à l'identité des entités qui effectuent l'analyse informationnelle. De fait, si vous prêtez attention aux travaux de recherche touchant l'IA, le secteur public est très actif, tout comme le secteur privé. Chez Element AI, nous collaborons chaque jour avec des chercheurs universitaires de partout au Canada. Si on décidait d'empêcher, de façon précise, les entités commerciales, comme la nôtre, d'effectuer ce type de recherche, ce serait grandement méconnaître la nature des travaux de recherche menés au Canada.
    Quels sont les effets de cette ambiguïté? Dans l'avenir, si rien n'est fait pour apporter des précisions concernant l'analyse informationnelle, il pourrait y avoir des conséquences réelles et d'ordre pratique sur la compétitivité du Canada dans le secteur de l'IA. Cette ambiguïté pourrait dissuader de faire des investissements dans la R-D et engendrer des risques pour les entreprises. Le fait qu'il existe une ambiguïté juridique concernant l'analyse informationnelle touche de façon disproportionnée les entreprises en démarrage et les petites et moyennes entreprises. Pourquoi? Comme nous le savons tous, la certitude et la prévisibilité sont essentielles pour nos entrepreneurs. De leur côté, les acteurs importants du domaine peuvent se permettre des batailles juridiques qui pourraient découler de cette ambiguïté. Ce ne serait peut-être pas le cas pour nos entreprises en démarrage et nos PME.
    Devrions-nous attendre que des causes soient portées devant les tribunaux et que ceux-ci apportent des précisions dans deux ou trois ans? Nous ne sommes pas de cet avis. Nous avons une excellente occasion d'apporter des précisions à ce sujet maintenant.
    Nous entendons souvent dire que nous vivons à l'ère des mégadonnées, ce qui est vrai. Pour ce qui est du volume, il y a des quantités astronomiques de données qui sont générées chaque jour, mais il existe une immense lacune à cet égard. Le fait de générer ces données ne les rend pas accessibles à de petits acteurs. En effet, il y a un fossé immense entre ceux qui contrôlent les données et ceux qui y ont accès. Pour assurer la compétitivité de nos PME, de nos entreprises en démarrage et de nos entreprises établies, il est essentiel de faire en sorte que l'accès à ces données soit défini de façon plus précise afin de réduire cet écart et de ne pas accroître le fossé qui sépare les géants d'Internet.
    La raison pour laquelle l'exemption relative à l'utilisation équitable conviendrait à l'analyse informationnelle tient au fait qu'on pourrait tirer avantage de l'interprétation antérieure de la loi faite par les tribunaux. Le cadre est clair, et il vise à assurer l'équité. Les cas ayant fait jurisprudence ont permis d'établir des critères clairs sur lesquels nous pouvons nous appuyer. Ces critères sont flexibles, et il est possible de les adapter à différentes situations d'utilisation.
    En somme, le droit d'auteur protège l'expression d'idées et d'informations, et non des informations et des idées en soi. Il s'agit d'un principe fondamental qui sous-tend les lois sur le droit d'auteur. L'utilisation équitable, dans ce contexte, en particulier en ce qui concerne l'analyse informationnelle, pose des limites claires qui sont très raisonnables, et apporte, assurément, plus de certitude à notre secteur privé.
    Le point important, c'est qu'une exemption relative à l'analyse informationnelle peut aider à démocratiser l'accès aux données et à créer de la certitude pour la nouvelle industrie de l'IA. En conséquence, cela aidera le Canada à conserver sa position de chef de file et de pôle mondial en matière d'IA.
    Merci.
(1635)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Christian Troncoso de la BSA, The Software Alliance.
    Bonjour, monsieur le président, madame la vice-présidente, monsieur le vice-président et distingués membres du Comité.
    Je m'appelle Christian Troncoso et je suis le directeur, Politique, de la BSA, The Software Alliance.
    La BSA agit comme principal défenseur de l'industrie mondiale du logiciel auprès des gouvernements et des décideurs partout dans le monde. Nos membres sont à l'avant-garde de l'innovation logicielle qui alimente l'économie mondiale et qui aide les entreprises de tous les secteurs à devenir plus concurrentielles.
    Vu que la politique sur le droit d'auteur est un moteur essentiel de l'innovation dans le domaine du logiciel, nous sommes très reconnaissants de l'occasion qui nous est donnée de témoigner devant ce comité aujourd'hui.
    L'examen de la Loi sur le droit d'auteur mené par ce comité arrive à point nommé.
    Le Canada, en annonçant récemment la stratégie pancanadienne sur l'intelligence artificielle, s'est fixé l'objectif ambitieux de devenir un chef de file mondial dans le développement de l'IA. Ce comité a un rôle essentiel à jouer pour aider à concrétiser cette vision.
    Pour devenir un chef de file mondial de l'IA, le Canada doit mettre en place un ensemble de politiques qui permettront de récolter les fruits de ses investissements en R-D. L'accès aux données représente un facteur concurrentiel déterminant. La recherche sur l'IA nécessite souvent l'accès à d'énormes quantités de données pour entraîner les logiciels à reconnaître les objets, à interpréter un texte, à écouter des paroles et à y répondre et à faire des prédictions. Pour permettre aux chercheurs canadiens de rivaliser avec leurs homologues d'autres grands pays producteurs d'IA, il faut examiner attentivement les politiques gouvernementales qui ont une incidence sur leur capacité d'accéder aux données. Le droit d'auteur est l'une de ces politiques.
    Dans sa forme actuelle, la Loi sur le droit d'auteur peut créer un désavantage pour les chercheurs canadiens par rapport à leurs concurrents internationaux. Par exemple, contrairement à la situation qui prévaut aux États-Unis et au Japon, les règles touchant le droit d'auteur au Canada créent de l'incertitude quant aux répercussions juridiques des principales techniques d'analyse sur lesquelles s'appuie le développement de l'IA. Ce comité peut renforcer le fondement juridique des investissements au Canada dans le domaine de l'IA par l'adoption d'une exception expresse au droit d'auteur relative à l'analyse de l'information.
    Nombre des progrès les plus excitants en IA découlent d'une technique appelée l'apprentissage machine. Il s'agit d'une forme d'analyse de l'information qui permet aux chercheurs d'« entraîner » les systèmes d'IA en y intégrant de vastes ensembles de données. Les données servant à l'« entraînement » sont analysées, ce qui permet de cerner des schémas, des relations et des tendances sous-jacentes, puis de les utiliser ensuite pour faire des prédictions fondées sur de nouvelles données.
    Par exemple, des développeurs ont élaboré l'application Seeing AI, qui aide les personnes aveugles ou malvoyantes à naviguer dans le monde en leur fournissant des descriptions auditives des objets figurant sur des photos. Les utilisateurs de l'application peuvent prendre des photos à l'aide de leur téléphone intelligent, et l'application Seeing Al peut interpréter ces informations à l'aide de descriptions auditives, informant ainsi les utilisateurs de ce qui se trouve devant eux. Pour élaborer un modèle de vision artificielle pouvant identifier les objets, il a fallu « entraîner » le système à l'aide de données tirées de millions d'images, représentant des milliers d'objets usuels qui se trouvent dans notre environnement quotidien, comme des automobiles, des panneaux routiers, des paysages et des animaux.
    On pourrait comprendre que vous vous demandiez en ce moment ce que tout cela a à voir avec le droit d'auteur. L'incertitude se manifeste parce que le processus d'apprentissage automatique peut comprendre la création de reproductions des données d'entraînement qui sont lisibles par machine. Dans certains cas, les données servant à l'entraînement peuvent comprendre des oeuvres qui sont protégées par le droit d'auteur. Dans le cas de l'application Seeing AI, il s'agit de millions de photos qui ont été utilisées pour entraîner le modèle de vision artificielle à identifier des objets usuels.
    Soyons clairs: les reproductions nécessaires à l'apprentissage machine ne sont utilisées que dans le but de cerner des informations qui ne sont pas visées par le droit d'auteur à partir d'oeuvres accessibles de façon légale. Toutefois, il manque actuellement une exception expresse dans la Loi sur le droit d'auteur pour permettre ce type d'analyse informationnelle. En conséquence, il existe une grande incertitude quant à la portée des activités autorisées par la loi dans sa forme actuelle. Cette incertitude pose un risque à l'égard des investissements du Canada en IA, et confère un avantage concurrentiel aux pays qui offrent une assise juridique plus solide au développement de l'IA.
    Le Japon en est un exemple. En 2009, ce pays a été le premier à adopter une exception visant les reproductions qui sont créées dans le cadre d'un processus d'« analyse de l'information ». Plus tôt cette année, la Diète japonaise a modifié cette exception pour en étendre la portée en ce qui concerne la recherche sur l'IA. Les analystes attribuent maintenant à ces réformes législatives la transformation du Japon en ce qu'ils appellent un paradis de l'apprentissage machine.
    Les tribunaux américains ont aussi confirmé que, en vertu du principe d'utilisation équitable, les reproductions accessoires aux fins d'analyse de l'information ne sont pas contraires à la loi. En septembre, le Parlement européen s'est prononcé en faveur de l'adoption d'une nouvelle disposition sur le droit d'auteur qui donnerait aux États membres toute la souplesse nécessaire pour créer de larges exceptions relativement à l'analyse de l'information. On examine actuellement l'adoption d'exceptions semblables à Singapour et en Australie.
(1640)
    Ces modifications reflètent un consensus qui est en train de s’établir, selon lequel la création de reproductions lisibles par machine aux fins d’analyse de l’information ne devrait pas être perçue comme un acte visé par le droit d’auteur. La protection du droit d’auteur n’a jamais eu pour objectif d'empêcher les utilisateurs d’analyser une oeuvre en vue d’en tirer des informations factuelles et ne pouvant être protégées; c’est pourquoi il est peu sensé que la législation sur le droit d’auteur empêche d’effectuer une analyse simplement parce qu’elle est effectuée par ordinateur.
    Afin de veiller à que les sommes importantes investies par le Canada dans l'IA portent leurs fruits à long terme, il faut moderniser la Loi sur le droit d'auteur pour assurer la sécurité juridique, comme le veut cette proposition pleine de bon sens.
    Les reproductions créées dans le cadre de l'entraînement des systèmes d'IA n'ont aucun rapport avec l'expression créative que le droit d'auteur est destiné à protéger, ne sont pas visibles pour l'être humain et ne font concurrence à aucune des oeuvres originales ni ne les remplacent. Autrement dit, l'exception visant l'analyse de l'information ne crée aucun risque à l'égard des intérêts légitimes que la législation sur le droit d'auteur vise à protéger.
    Au bout du compte, le droit d’auteur est censé instaurer des mesures qui encouragent la création de nouvelles oeuvres. Une exception relative à l’analyse de l’information soutient cet objectif en stimulant la création de nouveaux projets de recherche et en permettant de découvrir de nouvelles connaissances. Ce comité, en recommandant l’adoption de cette exception, fera en sorte que la Loi sur le droit d’auteur demeure pertinente quant à l'atteinte de ses objectifs à l'ère de l'intelligence numérique.
    Je vous remercie et je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous recevons maintenant le représentant de l'Information Technology Association of Canada, M. French.
    Vous disposez d'au plus sept minutes.
(1645)
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, c'est un privilège pour moi de représenter l'Association canadienne de la technologie de l'information, aussi appelée l'ACTI, et de participer aux discussions dans le cadre de l'examen de la Loi sur le droit d'auteur.
    L'ACTI se veut la voix, à l'échelle nationale, de l'industrie des TIC au Canada, qui comprend plus de 37 000 entreprises, crée plus de 1,5 million d'emplois et contribue plus de 76 milliards de dollars à l'économie.
    De nos jours, la technologie peut devancer les lois et la réglementation, et c'est le cas. Il est primordial que le Canada, à titre de chef de file mondial, ne prenne pas de retard.
    Aujourd'hui, j'aimerais aborder la façon dont l'examen de la Loi sur le droit d'auteur s'inscrit dans le portrait global de l'économie numérique au Canada. Je vais m'attarder à l'apprentissage machine et à l'intelligence artificielle et aux répercussions qui toucheront les règles et la réglementation liées au droit d'auteur.
    La Loi sur le droit d'auteur joue un rôle essentiel pour protéger les titulaires de droits, tout en favorisant la créativité et l'innovation, qui sont d'une importance capitale pour le secteur de la technologie. L'important, c'est de trouver un juste équilibre entre la protection des droits des créateurs et la capacité des utilisateurs à avoir accès aux oeuvres créées et à en tirer avantage. La difficulté réside dans le maintien de l'équilibre entre les deux extrêmes. Sans cet équilibre, c'est l'ensemble de l'économie numérique qui souffrira. Pour tout dire, nous devons mettre en place la bonne politique.
    Examinons brièvement le contexte en matière de technologie au Canada. Nous venons de connaître une année exceptionnelle pour ce qui est des investissements dans les technologies canadiennes; nous avons vu une croissance sans précédent du nombre d'emplois, des investissements directs étrangers importants, sans compter que plusieurs entreprises canadiennes dans le domaine des technologies ont intégré le marché mondial.
    Dans l'économie actuelle, il peut exister des emplois en technologie dans presque n'importe quel secteur. Nombre d'emplois qui sont liés aux technologies ne concernent plus seulement la science informatique ou la programmation. Il s'agit maintenant de combiner passions et technologie. Cela touche la santé, l'environnement, l'énergie, les mines, l'agriculture ou les arts, et certains emplois sont entièrement centrés sur la technologie, comme ceux dans les domaines de la cybersécurité, des réseaux et de l'analyse de données.
    C'est pourquoi l'ACTI a collaboré avec des établissements postsecondaires pour créer des programmes en gestion d'entreprise technologique qui allient des cours en commerce et en technologie. Ces initiatives sont importantes, parce que la lutte pour attirer les talents en technologie se déroule maintenant à l'échelle internationale, et le Canada se trouve dans une position particulière et est perçu comme un chef de file. C'est une des raisons pour lesquelles il y a autant d'entreprises de premier plan dans le domaine des technologies qui effectuent des investissements partout au pays. La technologie et ses applications dans des domaines de pointe ne tiennent plus de l'histoire à succès vécue au pays; le Canada est un acteur important dans l'économie numérique mondiale, constitue un endroit de choix où investir et occupe un rôle de chef de file en intelligence artificielle.
    Au cours de la dernière année, le Canada a attiré énormément de talents à l'échelle internationale, y compris en provenance des États-Unis. Voilà quelque chose qu'on ne pouvait entrevoir il n'y a pas si longtemps. Presque toutes les villes au Canada comptent des incubateurs de technologie, et on compte de nombreux exemples d'investissements importants faits par de très grandes entreprises de technologie qui sont générateurs d'emplois dans ce secteur. On constate que, de façon aussi importante, le secteur technologique au pays connaît aussi une croissance, grâce à l'accès accru à des talents et à du capital de risque et à l'appui gouvernemental aux petites entreprises. Cela s'ajoute à des taux d'imposition et à des coûts d'exploitation concurrentiels, ainsi qu'à une économie forte, ce qui crée un environnement favorable au succès.
    Une des raisons principales de ce succès, c'est que nous avons la bonne approche en matière de droit d'auteur, c'est-à-dire une approche très équilibrée, et cela devrait être maintenu. La loi fonctionne. Nous devons faire preuve de prudence quant à la recommandation d'apporter des modifications importantes qui pourraient entraîner des conséquences inattendues dans d'autres industries. Les acteurs de l'industrie technologique sont d'avis que l'examen mené en 2012 a porté des fruits, et qu'il s'agit d'un facteur important de la croissance du secteur des technologies au Canada.
    On ne peut échapper au fait que la technologie a changé notre monde à jamais, et qu'il existe une quantité faramineuse de données, qui ne cessera d'augmenter et dont le traitement exigera le recours à des machines. Les ordinateurs surpassent de loin la capacité des humains à recueillir et à traiter rapidement des données, mais quand on utilise la machine en conjonction avec la pensée et l'intuition humaines, nos façons de travailler, d'apprendre, de grandir, et d'évoluer dans le monde qui nous entoure deviennent beaucoup plus efficaces.
    Comme je l'ai mentionné au début, notre rôle à titre d'association nationale de l'industrie consiste à travailler étroitement avec nos membres. C'est pourquoi nous les avons consultés pour connaître leurs préoccupations concernant le droit d'auteur, et ils ont tous mentionné l'intelligence artificielle, ou l'IA, et l'apprentissage machine.
    Le Canada doit harmoniser sa vision, qui consiste à devenir un chef de file en IA, avec un cadre stratégique qui soutient le développement de l'IA et sa commercialisation. Il faut pour cela des politiques qui favorisent l'accès aux données, car un accès important aux données est fondamental quand il s'agit d'IA. Les recherches dans ce domaine et les produits qui en sont issus nécessitent de grandes quantités de données pour entraîner les logiciels à interpréter un texte, à reconnaître des tendances et à faire des prédictions. Il est aussi nécessaire d'avoir un large accès aux données pour atténuer le risque d'introduire un biais dans des solutions fondées sur l'IA.
(1650)
    Dans d'autres pays, comme les États-Unis et le Japon, on a reconnu l'importance de l'accès aux données, et les lois sur le droit d'auteur permettent de façon expresse la reproduction d'oeuvres protégées par le droit d'auteur pour faciliter l'analyse de l'information par des ordinateurs.
    Si le Canada ne modifie pas la Loi sur le droit d'auteur afin d'inclure une exemption à la violation du droit d'auteur similaire à celle qui existe ailleurs, on peut raisonnablement s'attendre à ce que nous prenions du retard par rapport à ces autres pays, et que les talents et les investissements en capital dans le domaine de l'IA migrent vers des administrations plus favorables. Nous devons être clairs. Le fait d'ajouter une exemption visant l'analyse de l'information ne mine pas les intérêts des titulaires de droits d'auteur quant au contenu. Le droit de lire, de comprendre et d'analyser des données n'a jamais été assujetti à un contrôle en vertu de lois sur le droit d'auteur. L'utilisation d'un ordinateur pour apprendre de façon plus efficace qu'en lisant, en regardant ou en observant des oeuvres ne touche pas les droits des titulaires. Ceux qui possèdent les droits d'auteur continueront de contrôler l'accès à leurs oeuvres.
    Il existe aujourd'hui une course à l'IA à l'échelle internationale, vu que d'autres pays tentent de rattraper et de dépasser le Canada dans ce domaine. Nous ne pouvons nous asseoir sur nos lauriers simplement parce que le Canada est perçu comme un chef de file. Pendant de nombreuses années, nous nous sommes dit: « Si seulement nous pouvions changer notre réputation de pays où on mène de la recherche fondamentale à celle de pays où on crée des entreprises. » Eh bien, l'IA constitue une occasion en ce sens. Nous ne voulons pas créer un effet de ralentissement de la croissance dans le domaine de l'IA au Canada, en particulier en ce moment, et de mauvais choix stratégiques auront des conséquences néfastes et nuiront en particulier aux petites entreprises, qui forment l'épine dorsale de notre économie. Si nous ne permettons pas un accès élargi aux données, les PME et les entreprises en démarrage seront celles qui écoperont le plus. Ces entreprises auront peu ou pas de données en propre, ce qui fait que l'accès à des oeuvres et à des données rendues publiques est essentiel à leurs travaux de recherche et à leurs efforts de commercialisation.
    En somme, nous proposons ce qui suit: que le Comité reconnaisse que la Loi sur le droit d'auteur ne vise pas la reproduction d'oeuvres accessibles légalement aux fins de l'IA, et que le Comité recommande d'ajouter une disposition dans la Loi sur le droit d'auteur pour préciser que la reproduction, l'analyse et l'utilisation d'oeuvres et de données légalement acquises visant à acquérir de nouvelles connaissances ne nécessitent pas d'obtenir l'autorisation du titulaire des droits d'auteur. Si nous voulons que le Canada conserve sa position de chef de file de l'industrie de l'IA, nous devons établir correctement cette politique.
    Par le passé, l'ACTI a demandé au gouvernement de faire participer davantage la communauté des technologies à l'élaboration de politiques et, pour être franc, nous pouvons dire que le gouvernement, y compris ce comité, en fait de plus en plus en ce sens. Les acteurs de l'industrie peuvent donner leur point de vue et partager leurs connaissances et leur expertise, ce qui est particulièrement important en ce qui concerne les nouvelles technologies.
    Comment le gouvernement peut-il soutenir la croissance de l'industrie des technologies? Il n'est pas nécessaire d'avoir recours à du financement direct, même si cela peut être utile. Le gouvernement peut aussi établir un cadre stratégique qui assure un juste équilibre. À mesure que le secteur des technologies au Canada continue de grandir, l'accès aux données, les occasions d'attirer du capital financier et des talents ainsi que la création d'occasions d'affaires constituent des éléments qui peuvent aider à assurer la continuité des investissements.
    Nous sommes d'avis que les pratiques exemplaires générales peuvent s'appliquer dans le cadre de l'examen de la Loi sur le droit d'auteur. La loi doit faire l'objet d'un examen tous les cinq ans. Toutefois, la technologie continuera de devancer la législation. C'est pourquoi nous demandons d'apporter des modifications à la loi, mais nous souhaitons l'utilisation d'une approche chirurgicale. Le Comité s'est vu confier une tâche très ardue, et il sera très difficile de satisfaire tout le monde. Toutefois, notre message principal, c'est que la loi nécessite une mise à jour ciblée et que, en toute franchise, à l'avenir, il faudra utiliser un scalpel, et non un marteau, vu la vitesse des changements.
    Pour terminer, je souhaite remercier le Comité d'avoir mené jusqu'à présent des consultations exhaustives.
    Je vous remercie de m'avoir offert l'occasion de présenter le point de vue de notre industrie.
    Merci beaucoup.
    Compte tenu de nos contraintes de temps, nous allons passer immédiatement aux questions.
    Madame Caesar-Chavannes, vous avez sept minutes.
    Je remercie tous les témoins.
    Je vais poser mes premières questions à M. Hilchie.
    À combien s'élèvent vos coûts liés au piratage dans l'industrie du jeu vidéo? En avez-vous une idée?
    Cela a toujours été un défi d'établir ce chiffre. Nous savons combien nous vendons de copies légitimes, mais nous ne sommes pas en mesure de dire combien de copies sont piratées par rapport au nombre de copies vendues de façon légitime. Nous savons toutefois que le nombre est important. Il s'agit surtout maintenant de jeux clonés et de jeux pour appareils mobiles. Les jeux pour appareils mobiles sont maintenant clonés, et il existe des façons de tricher et de contourner les protections qui sont accessibles en ligne. Si vous cherchez à obtenir un chiffre précis, je ne suis pas en mesure de vous en donner un.
    Très bien.
    Nous savons qu'il s'agit d'une industrie en croissance. Nous avons des étudiants du Collège algonquin qui sont présents aujourd'hui, et il y a des étudiants de l'IUTO dans ma circonscription qui font partie d'un nombre grandissant d'étudiants qui se dirigent dans le domaine des jeux vidéo. Je leur ai dit que je les saluerais.
    Je cherche à mieux comprendre les conséquences du piratage continu, en particulier dans le cas des jeux utilisés dans des domaines comme la santé ou d'autres industries, où il ne s'agit pas simplement d'une personne devant un ordinateur dans sa maison en train de jouer à un jeu. Quelles sont les incidences des droits d'auteur en ce qui concerne les questions de protection de la vie privée, et les incidences sur des applications futures quand les jeux sont utilisés dans d'autres contextes que celui de l'industrie du jeu vidéo, par exemple en santé?
(1655)
    Je crois que votre première question porte sur les répercussions de la Loi sur le droit d'auteur sur de petites entreprises de jeux vidéo qui essaient de percer dans l'industrie. Il y a environ 600 entreprises de jeux vidéo au Canada. Nous produisons plus de 2 100 produits différents par année. La grande majorité de ces produits sont créés par de petits studios indépendants comptant de deux à cinq personnes qui créent des jeux et qui les publient elles-mêmes sur l'App Store, auquel on a accès sur un appareil mobile. Elles produisent ces jeux en utilisant des fonds personnels ou les revenus d'exploitation, ou autrement.
    La possibilité de découvrir les produits dans notre industrie constitue une des plus grandes difficultés auxquelles nous faisons face, et elle découle du fait qu'un très grand nombre de jeux sont constamment créés et qu'ils sont difficiles à trouver.
    Tout d'abord, il est très difficile de faire de l'argent avec des jeux vidéo et la production indépendante de jeux vidéo quand vous essayez de les vendre de façon légitime. Tous les jeux qui se font pirater aggravent cette situation.
    En ce qui concerne le droit d'auteur relativement à la façon dont notre industrie intègre des domaines plus sérieux, comme l'aéronautique ou la santé, et même l'IA, nous sommes un joueur important en ce qui concerne la création de certaines interfaces utilisateurs dans les voitures autonomes et d'autres choses du genre. Je n'ai pas eu connaissance de situations où le droit d'auteur poserait problème dans ce type d'application. Nous créons des programmes qui sont utilisés, au bout du compte, à des fins sérieuses, autres que dans le divertissement, mais nous établissons aussi des partenariats avec des universités et d'autres entreprises indépendantes dans le domaine des technologies aux fins de développement d'appareils médicaux, entre autres. Je ne peux que tenir pour acquis que ces organisations effectuent les démarches appropriées pour obtenir les autorisations en matière de droit d'auteur, ce dont je ne suis pas au courant.
    D'accord. Merci.
    Je vais maintenant m'adresser aux gens du domaine de l'IA. Tout d'abord, je tiens à dire que je reconnais qu'il faille demeurer concurrentiel et que le Canada est un chef de file dans ce domaine, ce que vous avez tous les trois souligné très clairement dans vos témoignages.
    Y a-t-il des entreprises qui tirent avantage des abstractions ou des prédictions produites par l'IA?
    Le but est d'élaborer des outils qui finissent par être indirectement alimentés et peaufinés grâce à l'accès à ces données. J'utilise l'expression « chaîne d'approvisionnement ». Au début, des techniques fondamentales, des algorithmes et des intuitions de base orientent la façon de construire le produit ou de fournir une solution.
    Si vous voulez des exemples précis, nous pouvons songer à l'élaboration d'outils pour l'environnement. Nous voulons élaborer un outil qui permettra de mieux prédire les modèles météorologiques locaux, peut-être les tornades dans la région d'Ottawa. C'est un excellent sujet d'actualité. En agriculture, il se pourrait que l'on veuille élaborer des outils qui amélioreront le rendement des cultures ou qui permettront de gérer de façon plus intelligente les impacts environnementaux. À partir de là, on examine diverses sources de données afin d'élaborer des outils. Le facteur déterminant pourrait être le moment où il faut ensemencer le champ. Voilà ce que l'algorithme cherchera à savoir. Il se servira de diverses sources d'information afin d'obtenir la réponse recherchée.
    C'est sur ce plan que l'IA est véritablement puissante, car elle peut combiner et appliquer les données de ce vaste éventail, puis en arriver à une réponse digérable en procédant d'une manière qui ne correspond pas nécessairement à ce que fait l'esprit humain.
    À un certain moment, les outils qu'on crée en se fondant sur les prédictions génèrent un certain degré de rentabilité. Est-ce exact?
    Exact.
    Si on mine ces données et qu'elles contiennent du matériel protégé par des droits d'auteur, qui, dans la chaîne d'approvisionnement, fournit cette rémunération au propriétaire?
    Je pense que c'est une bonne question. Il y a une défaillance du marché à cet égard, en raison du très grand volume.
    D'accord.
    Je pense qu'il importe que l'on y réfléchisse d'un point de vue quotidien. Si je lis un livre sur la façon d'investir dans les marchés financiers et que je fais beaucoup d'argent, je pense que personne ne présumerait que je dois une partie de ces profits à l'auteur du livre en question. Nous ne présumons généralement pas à tout moment où une oeuvre est utilisée d'une certaine manière qui génère un quelconque profit pour une personne, une compensation financière est nécessairement due à l'auteur.
    Je pense que l'IA que nous...
(1700)
    Mais la personne a payé pour acheter le livre.
    Certes.
    Je pense qu'il est très important de souligner la question... Je ne parlerai pas au nom de tout le monde. En ce qui me concerne, nous ne souhaitons pas obtenir une exception qui nous permettra d'accéder à de nouvelles formes d'oeuvres. Nous sommes tout à fait prêts à payer. C'est très bien. Toutefois, une fois qu'une entreprise a obtenu l'accès à une oeuvre et qu'elle a payé pour l'avoir, elle devrait pouvoir analyser cette oeuvre autant que vous pouvez le faire lorsque vous lisez un livre que vous avez acheté au magasin.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Albas.
    Vous disposez de sept minutes; allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais présenter la motion que j'ai versée au dossier à l'égard des propos que j'ai adressés au Comité. Je demanderai aux députés et à nos témoins de faire preuve d'indulgence, et je serai le plus bref possible, car je pense qu'il importe que nous réglions cette question. J'espère que les députés l'appuieront.
    Pour ceux qui ne l'ont pas sous les yeux, la motion est ainsi libellée:
Pour aider dans l’examen de la Loi sur le droit d’auteur, que le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie demande aux ministres Freeland et Bains, de venir devant le Comité, accompagnés de fonctionnaires, pour expliquer les répercussions de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) sur les régimes régissant la propriété intellectuelle et le droit d’auteur au Canada.
    Tout d'abord, il est difficile pour le greffier et pour le président de pouvoir joindre les ministres. L'Action de grâce arrive, et il ne nous reste pas beaucoup de temps avant que nous ajournions pour le congé des Fêtes.
    J'espère que les députés appuieront la motion. Ce nouvel accord contient beaucoup d'éléments, et je pense qu'il a une incidence sur les travaux que nous faisons ici, aujourd'hui.
    Je demanderais aux députés d'appuyer cette demande.
    Monsieur Sheehan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci infiniment d'avoir présenté cette motion.
    Bien entendu, on est en train d'examiner l'information, et on en débattra à la Chambre, alors ce que j'affirme, c'est que nous devrions peut-être faire cela plus tard, mais pas maintenant.
    Je ne peux pas l'appuyer pour l'instant, mais, à un certain moment, nous étudierons divers aspects du nouvel AEUMC.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Jowhari.
    Monsieur le président, je propose que l'on ajourne le débat.
    Cette motion ne peut pas faire l'objet d'un débat, alors nous allons la mettre aux voix.
    Je ne pense pas qu'elle soit...
    Elle ne peut pas faire l'objet d'un débat.
    Je ne comprends pas quel est le problème. La motion ne peut pas faire l'objet d'un débat, alors nous allons la mettre aux voix.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'ai déjà présidé des comités de la Chambre des communes et, d'après mes souvenirs, en cas de motion dilatoire, on suspend les travaux du comité; on n'ajourne pas le débat.
    Je ne me souviens d'aucune situation où un membre d'un comité a eu la permission de présenter une motion visant à ajourner le débat sur une motion. C'est considéré comme une motion dilatoire.
    Je crois savoir que la suspension des travaux d'un comité ne peut pas faire l'objet d'un débat, puisqu'il s'agit d'une motion dilatoire, mais que ce n'est pas le cas lorsqu'il est question de l'ajournement du débat sur une motion présentée au comité.
    Il s'agit d'une motion dilatoire. C'est arrivé au sein de notre comité à de nombreuses occasions.
    Nous ne suspendrons pas les travaux du Comité. Nous ajournons le débat sur cette motion, et c'est ce qui a été demandé. La motion ne peut pas faire l'objet d'un débat.
    Si vous le voulez, le greffier pourra vous expliquer les règles.
    Monsieur Masse.
    Pour préciser, techniquement, je suppose que ce pourrait être exact, mais ce serait rompre avec l'approche collégiale adoptée au sein du Comité. Les libéraux veulent étouffer même l'intérêt de permettre aux gens de se prononcer.
    Vous avez peut-être raison en ce qui concerne l'aspect technique de la question, mais cela envoie clairement le message aux députés comme moi selon lequel ils ne peuvent même pas participer pour un instant à quelque chose qui est présenté.
    Vous allez peut-être trancher en faveur de cet ajournement, mais c'est un choix d'ordre technique. Il est certainement contraire aux antécédents du Comité et à l'objectif que nous travaillons à atteindre.
    Monsieur Masse, je souscris à votre opinion.
    Je pense qu'une partie du problème tient au fait que des témoins comparaissent devant nous et que nous disposons d'une période très limitée en raison des mises aux voix. Aucun vote n'a été tenu dans le but d'arrêter ce débat.
    Comme l'a affirmé M. Sheehan, nous ne disposons pas d'assez de temps aujourd'hui pour débattre de cette notion.
    Encore une fois, des témoins comparaissent devant nous, et le temps est limité.
    Nous avons toujours tenté de fonctionner de façon collégiale, et je veux m'assurer que vous disposerez, vous aussi, d'une période pour poser des questions aux témoins.
    Il s'agit d'une motion qui ne peut pas faire l'objet d'un débat.
(1705)
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je crois savoir que nous pourrons soulever ce débat à la prochaine séance, quand nous aurons plus de temps.
    Vous le pouvez certainement.
    Voici les deux options: vous rejetez la motion et c'est terminé, ou bien vous la présentez à nouveau dans l'avenir.
    À ce que je crois savoir, comme nous manquons de temps, personne ne souhaite tenir un débat de fond à ce sujet.
    Désolé, monsieur le président; je n'ai qu'une dernière question rapide à poser.
    Même si j'ai une modification à apporter à la motion, je ne peux pas la proposer.
    Je procéderais à un vote à main levée, alors quiconque a la parole.
    Merci.
    Je veux seulement m'assurer que tout le monde comprend clairement. Nous allons tenir un vote.
    Puis-je demander un vote par appel nominal?
    D'accord.
    (La motion est adoptée par 5 voix contre 4.)
    Le président: Je vais vous demander si vous pouvez vous en tenir... parce que je veux m'assurer que M. Masse obtient son temps de parole.
    Je comprends cela, monsieur le président.
    Je vais simplement passer directement à l'Association canadienne du logiciel de divertissement.
    La diffusion de vidéo de soi en continu représente un énorme marché, actuellement. Sur Twitch, nous voyons des utilisateurs obtenir des nombres de visionnements qui feraient l'envie de nombreuses émissions de télévision. Ces utilisateurs font de l'argent en jouant à un jeu protégé par des droits d'auteur; toutefois, ils font également connaître le jeu à des acheteurs potentiels. Comment l'industrie du jeu vidéo voit-elle la diffusion en continu? Est-ce de la publicité gratuite, ou bien croyez-vous qu'il s'agit d'une violation du droit d'auteur?
    La réponse, c'est que chaque entreprise qui voit son contenu être diffusé en continu sur Internet est dotée de politiques différentes à cet égard. Certaines travaillent en partenariat avec les utilisateurs dans le but de partager les recettes qui découlent de la publicité faite sur la chaîne en question. D'autres interdisent tout simplement la diffusion, et d'autres encore l'encouragent, comme vous le dites, car elle fait la promotion du jeu. Vous avez raison d'affirmer qu'il s'agit d'oeuvres protégées par des droits d'auteur appartenant aux entreprises, mais chacune applique sa propre politique en la matière.
    Quelle est votre politique relative à la diffusion en continu des jeux, en tant qu'organisation?
    Ma politique sur la diffusion en continu des jeux, en ce qui a trait à...
    Croyez-vous que les dispositions actuelles de la loi permettent une utilisation équitable de ce matériel protégé par des droits d'auteurs, ou bien est-ce quelque chose à l'égard de quoi vos membres ne vous ont pas donné de consignes?
    Eh bien, comme je l'ai dit, chaque membre a été établi ses propres politiques en ce qui a trait à la diffusion en continu des émissions de télévision...
    Alors, vous n'appliquez aucune politique?
    Je n'ai pas établi de politique particulière sur la diffusion en continu des jeux lorsqu'il s'agit simplement d'y jouer. C'est hors de la portée de mes tâches.
    Nous avons également entendu des représentants de l'industrie musicale affirmer qu'ils voudraient que les enregistrements sonores utilisés dans des films ou des émissions de télévision donnent lieu à des redevances pour diffusion répétée. Évidemment, certains des jeux qui sont créés par un grand nombre de vos membres ressemblent presque à une production cinématographique. Savez-vous quelle serait l'incidence d'une telle mesure sur l'industrie du jeu vidéo, et votre association s'y opposerait-elle?
    La question était...?
    Ce sont les enregistrements de la bande sonore, parce que ce sont des musiciens et des gens qui créent la musique. Quand ces enregistrements sont inclus dans une oeuvre, les auteurs souhaitent obtenir d'autres redevances chaque fois que l'enregistrement est rediffusé et que la musique est utilisée.
    Chaque entreprise qui octroie des licences musicales pour un jeu ou qui crée de la musique pour un jeu le fait par l'intermédiaire d'une société de gestion ou de quelque chose du genre. Habituellement, elle paie d'emblée pour avoir accès à l'oeuvre. Toutefois, en ce qui a trait à... et je ne sais pas si vous voulez parler du droit de mise à disposition, qui est lié à une affaire actuellement instruite devant la Commission du droit d'auteur.
(1710)
    Oui, il y a une exemption pour les enregistrements sonores, mais j'ai l'impression qu'il y a dans votre industrie une pratique établie, selon laquelle les gens se font payer pour l'utilisation des oeuvres.
    Absolument.
    Encore une fois, certains artistes demandent qu'il y ait un flux de revenus continus découlant de l'utilisation répétée d'enregistrements sonores.
    D'accord. Le seul cas que je connais est celui de l'affaire qui est actuellement instruite devant la Commission du droit d'auteur relativement au droit de mise à disposition.
    Je vais simplement poser une question à Element AI en ce qui concerne l'apprentissage automatique. De toute évidence, il semblerait qu'il y ait des iniquités entre le Canada et d'autres pays, soit le Japon et les États-Unis, pour ce qui est de la certitude que vous cherchez à obtenir.
    Il y a aussi un autre groupe, l'Institut canadien de formation juridique, qui a présenté un mémoire à ce comité, qui concerne la disposition sur le droit d'auteur de la Couronne, l'article 12. Ses représentants affirment qu'il faut obtenir davantage de précisions en ce qui concerne l'utilisation des documents de la Couronne, par exemple au moyen d'un projet de loi gouvernemental, d'un débat au Parlement et ainsi de suite, car ils ne peuvent utiliser le clavardage pour expliquer de nouvelles exigences ou de nouveaux règlements ou que sais-je. Cela appuie-t-il vos propos, à savoir que vous croyez qu'il est nécessaire d'obtenir plus de certitude à l'égard du recours à l'apprentissage automatique? Ce besoin s'applique-t-il aussi au droit d'auteur de la Couronne?
    Je crois fermement qu'il est aussi possible d'obtenir davantage de clarté au chapitre du droit d'auteur de la Couronne. Cela nous ramène aussi aux initiatives en matière de données ouvertes. Si vous regardez les conditions établies par le gouvernement relativement aux licences de données ouvertes, l'objectif est de rendre l'information accessible sans aucune restriction. Cela n'a pas été complètement harmonisé au sein des différents ordres de gouvernement. Il serait grandement utile d'obtenir davantage de clarté même en ce qui concerne les différents ensembles de données, les divers renseignements rendus accessibles par le gouvernement au titre du droit d'auteur de la Couronne.
    D'accord. Je me demande vraiment, par contre, ce que les chercheurs en IA apprendraient en écoutant tous vos débats.
    C'est drôle.
    Je l'apprécie. Merci.
    Nous allons donner la parole à M. Masse durant sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être ici.
    Je vais commencer par l'association du logiciel de divertissement. Je crois que la plupart des gens considèrent qu'elle s'occupe uniquement des jeux vidéo sur console, mais en réalité, elle contribue grandement à l'évolution de bien d'autres domaines, de la publicité aux questions liées à l'entraînement et au sport. En Corée du Sud, par exemple, il y a un ministre responsable du jeu. C'est vraiment vers quoi nous nous dirigeons, ou bien nous y sommes déjà.
    Vous vous êtes servis de l'innovation à de nombreux égards afin de contrer certains actes de piratage qui se produisent. Par exemple, le problème avec le nouveau Spider-Man tient au fait qu'il est possible de jouer de façon individuelle hors ligne, mais pour vivre l'expérience complète recherchée lorsque vous achetez le jeu, vous devez aller en ligne. Cela nécessite une connexion rapide à large bande et ainsi de suite. Pouvez-vous, au moins, fournir certains renseignements concernant la manière dont vous en êtes venus à envisager une solution technologique afin de lutter contre le piratage, comparativement aux autres personnes qui se sont présentées devant ce comité avant vous? Essentiellement, elles ont demandé un renforcement de l'application de la loi.
    J'aimerais souligner la situation à Windsor, où il y a eu beaucoup de piratage en ce qui concerne DirecTV, par exemple. Il était très facile d'accéder à ce réseau de chaînes américain. Ensuite, des mesures ont été mises en place pour éliminer le piratage.
    Pouvez-vous donner un peu plus d'information au sujet des mesures novatrices prises par l'industrie afin de lutter contre le piratage?
    Comme je l'ai mentionné dans mes déclarations préliminaires, et comme l'a dit l'ACTI, nous avons l'impression que la Loi sur le droit d'auteur est efficace. Nous ne cherchons pas à y apporter de nombreuses modifications. Nous cherchons à nous assurer que les mesures techniques de protection et les clauses contre le contournement de ces mesures énoncées dans la Loi sur le droit d'auteur continuent à faire l'objet d'un examen. Comme vous dites, l'innovation technologique mise au point par notre industrie afin de contrer le piratage de nos jeux est l'une des raisons pour lesquelles nous avons été en mesure de poursuivre notre croissance.
    Les MTP pourraient correspondre à bon nombre de choses comme un mot de passe permettant un accès. Cela peut être aussi simple que ça. Il peut s'agir d'une mesure aussi compliquée qu'un logiciel intégré dans une console qui rend illisibles les disques de copie — comme des en-têtes sur un logiciel qui pourraient distinguer un exemplaire de jeu authentique d'une copie de jeu. Bien honnêtement, au Canada, nous avons eu la chance que notre industrie se soit retrouvée au coeur d'une poursuite judiciaire devant la Cour fédérale où Nintendo a eu recours à la nouvelle loi pour remettre en cause les clauses et les MTP. Nintendo a réussi à obtenir des dommages-intérêts ou une autre forme de redressement à l'égard d'une entreprise qui vendait des puces de modification qui permettaient essentiellement aux gens d'utiliser des jeux copiés, et aussi d'effectuer un certain nombre de choses que la console n'était pas censée faire.
    En toute franchise, comme l'a dit M. Troncoso, le droit d'auteur est principalement en place pour inciter les créateurs à continuer de concevoir de nouveaux produits. À nos yeux, les MTP sont l'une des principales façons qui servent à protéger les oeuvres de création que nous mettons sur le marché afin de réaliser des recettes nous permettant de continuer à concevoir des produits.
(1715)
    Ceci n'est pas le sujet de discussion ici, mais j'ai certaines préoccupations quant aux coffres à butin et ainsi de suite.
    Il y a certes beaucoup d'éléments positifs en ce qui concerne la technologie transférable. De nombreuses choses intéressantes se produisent dans l'industrie.
    J'ai déjà été directeur du conseil d'administration d'INCA, à titre de spécialiste en emploi, lorsque j'avais un vrai travail. Je m'occupais de l'adaptation du lieu de travail, notamment en ce qui a trait au logiciel de reconnaissance vocale. Je veux m'assurer de bien comprendre. Cherchez-vous à vous procurer une seule fois les images et le contenu qui ont été mis sur le marché, et ensuite à faire en sorte qu'ils soient adaptés à la technologie que vous exploitez? J'essaie de bien comprendre...
    En ce qui concerne l'IA, je crois qu'il existe un nombre infini de possibilités et de différents cas d'utilisation. En règle générale, nous serions en faveur d'une exception au droit d'auteur selon laquelle si vous avez accès à une oeuvre, vous pouvez utiliser un ordinateur l'analyser, la comparer à d'autres oeuvres et trouver des corrélations et des formes, le tout pour ensuite mettre au point un modèle d'IA pour l'avenir. Dans votre cas, cela correspondrait à la reconnaissance vocale. Vous pourriez avoir besoin d'un genre de grand corpus de paroles enregistrées. De plus, vous pourriez aussi avoir besoin des transcriptions de ces enregistrements.
    Ensuite, vous mettriez au point un système d'IA fondé sur... Ce serait un très grand corpus constitué de centaines de milliers d'heures d'enregistrements vocaux et de transcriptions qui servirait à créer un modèle, de manière à ce que le système d'IA repère des formes, fasse correspondre la voix à la transcription, et puisse refaire l'opération ultérieurement lorsqu'il capte un nouveau discours.
    Une fois que votre modèle sera mis au point, je présume que vous serez préoccupé du fait d'avoir à payer des frais à chaque utilisation, contrairement à...
    Oui, je crois que ce serait une préoccupation. À l'heure actuelle, je pense qu'il existe un flou juridique en ce qui concerne bon nombre de recherches qui ont cours. Le potentiel que représente l'IA est si important — elle rapporte beaucoup d'argent et sera utile pour pratiquement toutes les industries — qu'à l'heure actuelle, la tolérance des entreprises face aux risques est peut-être un peu plus élevée. Je crois que si l'on rendait une décision judiciaire défavorable qui dirait, en fait, que tout cela enfreint le droit d'auteur, cela aurait des répercussions très négatives sur les investissements du Canada en matière d'IA.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Vous avez environ six secondes.
    Merci beaucoup d'être ici.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Graham. Vous avez sept minutes.
    Je crois comprendre que M. Lametti a une brève question à poser avant que je ne prenne la parole.
    La question s'adresse à M. Hilchie.
    Je crois que vous pourriez susciter beaucoup d'appui en ayant recours aux mesures techniques de protection pour protéger le jeu en tant que tel, surtout si vous passez à un environnement en ligne.
    S’il faut jouer à un jeu à l'aide d’une sorte d'appareil en particulier, quelle devrait être la portée de la mesure technique de protection? Je sais que la décision de la Cour fédérale joue en votre faveur, mais une MTP devrait-elle vous empêcher d’utiliser un appareil pour jouer à n’importe quel jeu? Il est question d’un appareil qui serait mieux régi s’il était assujetti au domaine du brevet. Voilà pour l'autre volet. Ensuite, pour ce qui est du dernier volet, une mesure technique de protection devrait-elle être utilisée — cette même sorte de protection — afin d’empêcher un agriculteur de modifier le matériel protégé par le droit d’auteur se trouvant sur son tracteur, et faire en sorte qu’il ne puisse l’utiliser sans problème?
    Où doit-on fixer les limites?
(1720)
    Ce sont deux bonnes questions.
    En ce qui concerne la console de jeux vidéo — et rappelons que la décision de la Cour fédérale joue en notre faveur —, dans ce cas en particulier, Nintendo a soutenu que les jeux qu'elle conçoit pour cette console devraient uniquement être joués sur celle-ci, et que la console devrait uniquement être utilisée pour ces jeux, et vice versa.
    Une personne a fait valoir que les mesures techniques de protection, par l’intermédiaire d’une exemption relative à l’interopérabilité, permettraient essentiellement de jouer sur la console à des jeux conçus de manière artisanale ou à des jeux indépendants. À l’heure actuelle, il n’existe aucun poste, dans les modèles d’entreprise des principaux concepteurs de consoles de jeux vidéo, qui ne suppose pas une collaboration avec de petits concepteurs indépendants afin d’intégrer du contenu dans leur console. Ils sont tous en concurrence les uns avec les autres. Les exclusivités sont actuellement très importantes dans notre industrie. Si un jeu peut uniquement être joué sur une console Xbox, c’est qu’il y a eu un investissement financier considérable pour faire en sorte que ce jeu soit une exclusivité, et je ne vois pas pourquoi une MTP ne devrait pas protéger la possibilité de procéder ainsi.
    En ce qui concerne l'agriculteur, je ne sais pas si je suis qualifié pour répondre à cette question, mais je comprends ce que vous dites.
    [Inaudible]
    Oui, je le ferai.
    Que le compte rendu indique que M. Masse ne croit pas qu'il occupe un vrai emploi. Il s'agit simplement d'une précision.
    Je vais continuer à parler des MTP, sujet que M. Lametti a abordé en profondeur. Les exceptions concernant l'utilisation équitable s'appliquent à beaucoup de choses. Il existe bon nombre de situations dans lesquelles on applique de telles exceptions. Vous demandez qu'une nouvelle exception soit mise en place afin de permettre l'analyse de données globales. S'il existe une mesure technique qui protège les données, devrait-on tout de même appliquer l'exception? Je pose la question à toutes les personnes qui ont préconisé cette mesure.
    L'accès légitime à l'information est directement lié à l'exemption relative à l'analyse de l'information. Je ne crois pas que mon exposé a exprimé cette idée de façon suffisamment claire, mais nous considérons que l'accès légitime à l'information est un élément important à cet égard. Il ne s'agit pas de contourner les modèles d'entreprise et d'accéder aux données par des moyens illégaux ou non autorisés.
    En contrepartie, il faut s'assurer que ce qui est prévu par la loi est efficace. Si j'accède à une oeuvre de manière légale au moyen d'un contrat, ce contrat ne devrait pas non plus contenir de disposition qui interdit l'analyse d'information.
    Je ne crois pas que l'exemption que nous jugeons nécessaire doit forcément permettre l'accès illégal ou l'accès complètement libre aux oeuvres et aux données, car cela ne respecterait pas l'équilibre qui existe dans la loi entre les détenteurs de droits et les droits des utilisateurs.
    Si une personne produit quelque chose qui fait l'objet d'une MTP, on ne peut y avoir accès. Selon les définitions des MTP, le fait que l'oeuvre se retrouve sur un ordinateur pourrait correspondre d'emblée à la définition d'une MTP.
    Ma question est simple. Si quelqu'un a recours à une MTP et que vous voulez accéder aux données à des fins d'analyse, l'exemption devrait-elle s'appliquer, ou la MTP devrait-elle avoir préséance sur l'exemption concernant l'utilisation équitable?
    Je n'ai pas connaissance d'affaires judiciaires où cette question a été tranchée. J'aurais tendance à dire que s'il y a des MTP, cela voudrait probablement dire que l'accès légitime à l'information n'est pas obligatoire.
    La rétro-ingénierie devrait-elle être légale?
    Je trouve que la loi présente clairement les droits relatifs à la rétro-ingénierie en utilisant des termes précis et spécifiques pour ce qui est de l'interopérabilité ou des mesures de sécurité. La loi admet qu'il y a certaines utilisations qui donnent lieu à des exceptions et permettent une certaine forme de rétro-ingénierie.
    Pour les citoyens de l'ère numérique, ces dispositions sont quelque peu importantes, car elles nous permettent de nous assurer que nous ne sommes pas pris avec des plateformes que nous ne pouvons plus analyser ni contrôler, sauf dans un contexte très limité.
    Y a-t-il des circonstances dans lesquelles vous estimez que la rétro-ingénierie ne devrait pas être légale?
    La loi établit un bon équilibre pour ce qui est de cerner des cas spécifiques où la rétro-ingénierie est acceptable. Un bon exemple serait les mesures de sécurité qui permettent d'identifier les systèmes de sécurité sous-jacents. Vous pouvez également prendre comme exemple l'interopérabilité. Cela donne aux consommateurs beaucoup de... Comme nous l'avons abordé avec la question de M. Lametti, on peut toujours se demander si c'est assez de liberté, mais dans un contexte limité, nous pouvons avoir ces objectifs et être en mesure de... Je ne militerais pas en faveur d'un droit général à la rétro-ingénierie.
    Avons-nous une pénurie de programmeurs de logiciel, de gens qualifiés pour ce type de travail dans le monde actuellement? Cette question s'adresse à vous tous.
    Dans le domaine de l'IA, nous avons certainement une pénurie de chercheurs et de gens qui maîtrisent cet art, effectivement.
    D'accord.
    J'ai travaillé dans le domaine de la haute technologie pendant assez longtemps. Cela va faire 20 ans que j'y participe. J'ai remarqué que les gens avec qui je fais affaire actuellement sont, de façon générale, les mêmes personnes qu'il y a 20 ans. Ce que nous avons en commun, c'est que nous démontions nos ordinateurs dans nos sous-sols. Nous connaissions le fonctionnement des appareils. Je me rappelle avoir utilisé des éditeurs hexadécimaux pour pirater des jeux. C'était plutôt amusant.
    La génération d'aujourd'hui n'a pas cet accès. Ils n'ont pas accès aux appareils, qui sont maintenant impossibles à démonter. Est-ce un problème? Pouvons-nous utiliser le droit d'auteur pour le régler afin que les gens de la prochaine génération puissent comprendre le fonctionnement des appareils et devenir les développeurs de demain?
(1725)
    Je pense que les lois sur la propriété intellectuelle, qu'il s'agisse de la Loi sur les brevets ou de la Loi sur le droit d'auteur, laissent place à l'étude personnelle et à la recherche. Les exemptions pour la recherche prévues par la Loi sur les brevets permettent ce type de piratage personnel. Par contre, l'exploitation commerciale de ce type d'activité serait certainement interdite.
    Dans le domaine de l'IA, nous avons la chance de travailler avec des logiciels ouverts. Il s'agit d'une communauté très coopérative. Idéalement, nous pouvons bricoler ouvertement et en tirer des leçons et des connaissances que nous partageons avec tout le monde. Cela s'oppose directement à l'image du « patenteux » dans son sous-sol.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous avons le temps pour une brève question de la part de M. Lloyd.
    Merci. J'apprécie votre présence ici aujourd'hui.
    J'ai une question pour l'Association canadienne du logiciel de divertissement. Beaucoup de gens utilisent des jeux modifiés actuellement. Votre association se préoccupe-t-elle de ces jeux modifiés, qui pourraient constituer une violation du droit d'auteur?
    Lorsque vous parlez des jeux modifiés, oui, nous avons des préoccupations.
    S'agit-il d'un problème important pour le droit d'auteur?
    Oui, il s'agit essentiellement de pirater un jeu. Il s'agit d'un contournement des mesures de sécurité.
    Seriez-vous d'accord avec le fait qu'il existe des usages légitimes pour les jeux modifiés? Certains jeux modifiés peuvent être très originaux...
    Il y a quelques exceptions dans le projet de loi sur le droit d'auteur qui permettent la modification de jeux. L'exception d'interopérabilité est l'une d'entre elles. Il y a également une exception relative à l'utilisation équitable pour la recherche et à des fins éducatives. Des exceptions pour ce genre de chose existent déjà.
    En ce qui concerne les jeux modifiés, oui, il s'agit d'un énorme problème pour notre industrie.
    Dans le cas où il s'agit d'un usage personnel et non d'un usage commercial, cela poserait-il problème?
    Il me semble que ce point est visé par une exception qui est déjà prévue par la Loi sur le droit d'auteur.
    C'est donc la commercialisation de jeux modifiés qui pose un sérieux problème.
    Absolument. C'est la raison de notre présence ici aujourd'hui. Nous voulons nous assurer que les mesures de protection technologiques demeurent dans le projet de loi sur le droit d'auteur. Elles fonctionnent et elles sont extrêmement cruciales pour notre industrie.
    Pour faire un suivi rapide, je remarque que Blizzard Entertainment a sorti StarCraft, un jeu très connu. Il est maintenant disponible gratuitement en ligne. Lorsqu'une entreprise prend une décision comme celle-là, elle renonce certainement à certaines recettes. De telles décisions sont-elles possibles dans un monde où le droit d'auteur n'est pas protégé?
    Je ne connais pas bien ce jeu ni le modèle de gestion que cette entreprise a adopté, mais peut-être offre-t-elle ce jeu gratuitement puisqu'il est possible de faire des achats dans le jeu, ce qui finira par apporter des recettes. Notre industrie évolue et change rapidement. Nous utilisons un grand nombre de différents modèles de gestion, ce qui inclut des abonnements pour les jeux en ligne, des achats à même le jeu et d'autres choses du genre. J'imagine qu'il existe un type de modèle de gestion qui en découle.
    En ce qui concerne le droit d'auteur, encore une fois, sans la possibilité de protéger le jeu ou de faire en sorte qu'il soit distribué et joué de la façon prévue, l'intérêt pour les entreprises de continuer à créer et à investir est certainement diminué.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    J'aurais aimé que nous ayons plus de temps, mais ce n'est pas le cas. Nous devons sortir pour aller voter bientôt.
    Merci à tous.
    La séance est levée.
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