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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 134 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 29 octobre 2018

[Enregistrement électronique]

(1630)

[Traduction]

     Nous allons commencer. Merci à tous d’être venus. Encore une fois, toutes nos excuses, mais c’est ainsi que fonctionne la Chambre. Les votes ont préséance sur tout le reste, surtout lorsqu’il s’agit de votes de confiance.
    Bienvenue à notre réunion 134, où nous poursuivons notre examen quinquennal du droit d’auteur prévu par la loi.
    Nous accueillons aujourd’hui M. Lorne Lipkus, qui est président du Réseau anti-contrefaçon canadien; M. Michael Petricone, qui est premier vice-président, Affaires gouvernementales, à la Consumer Technology Association; Mme Kelsey Merkley, qui représente Creative Commons Canada; Mmes Laura Tribe et Marie Aspiazu, qui sont respectivement directrice exécutive et spécialiste des droits numériques chez OpenMedia.
    Normalement, les déclarations préliminaires sont de sept minutes. Vous pouvez prendre jusqu’à sept minutes, mais plus nous aurons de temps pour poser des questions, mieux ce sera.
    Nous commençons par M. Lipkus.

[Français]

     Je vous remercie de me donner l'occasion de parler avec vous aujourd'hui.

[Traduction]

     Le Réseau anti-contrefaçon canadien est un regroupement de titulaires de propriété intellectuelle, de fournisseurs de services, d’organismes de certification, de cabinets d’avocats, d’associations industrielles et autres qui a pour but d'empêcher la fraude par contrefaçon et le piratage des droits d’auteur au Canada.
    Presque tous les membres du Réseau ont leur propre emploi. Je suis moi-même associé d'un cabinet d’avocats de Toronto qui s’occupe de protéger la propriété intellectuelle de plus de 80 marques au Canada. Je le suis depuis 1985 et j’ai vécu tous les changements apportés depuis aux lois sur les marques de commerce et le droit d’auteur. Plus récemment, j’ai participé de près au programme des demandes d’aide pour faire appliquer la loi à la frontière du Canada.
    Je passe mes journées — et bien d'autres moments aussi, comme mon épouse aime le rappeler — à essayer de protéger les propriétaires de marques contre la prolifération de produits illégaux, dangereux, contrefaits ou piratés qui se retrouvent en ligne ou qui finissent par entrer au Canada.
    Nous convenons tous qu’il n’y a pas de solution unique pour lutter contre la violation du droit d’auteur ou la vente de produits contrefaits, mais nous pouvons convenir aussi, j'espère, qu’il est dans notre intérêt à tous de fournir aux titulaires de droits les outils de lutte qui se sont révélés les plus efficaces dans le monde, afin de les appliquer ici au Canada.
    Malheureusement, le Canada a rarement été un chef de file dans ces domaines. Heureusement, nous pouvons maintenant nous inspirer de l’expérience des autres.
    Je précise que je suis ici pour parler des produits, des sites et des services qui contiennent et qui vendent de la propriété intellectuelle, c'est-à-dire des droits d’auteur et des marques de commerce. Tout produit légitime, autorisé, authentique peut être contrefait ou piraté, s'il ne l'est pas déjà, et il n'y a qu'à se rappeler ce qui s'est passé au Canada pour s'en convaincre.
    Plusieurs personnes bien informées sont venues témoigner devant ce comité du tort causé à nos créateurs par la diffusion illégale de musique et de films.
    Le Réseau anti-contrefaçon canadien appuie la position adoptée par Bell, Rogers, la Canadian Media Producers Association, le chapitre canadien de la Motion Picture Association et d’autres encore, sur la nécessité de permettre aux titulaires de droits d’obtenir des injonctions, y compris des ordonnances de blocage et de désindexation de sites Internet, contre les intermédiaires dont les services sont utilisés pour violer le droit d’auteur.
    Toutefois, l’objectif du Réseau et mon propos ici aujourd’hui, c'est de voir ce qu'on peut faire pour se prémunir contre les produits, les biens matériels, les marchandises, les articles que des Canadiens ordinaires fabriquent, importent, exportent, achètent en ligne, achètent dans la rue ou dans les magasins. Ces produits portent des oeuvres protégées par droit d’auteur. Ils portent aussi parfois des marques de commerce canadiennes déposées, quand ce n'est pas les deux à la fois.
    J’ai vu des produits, des sites et des services de contrefaçon qui mettent à la disposition des Canadiens des médicaments, des aliments, des lentilles cornéennes, des produits électriques comme des rallonges et des disjoncteurs qu'on a trouvés dans des hôpitaux canadiens, des pièces d’automobile, des piles, des chargeurs et des cordons de téléphone intelligent, des appareils cellulaires, des shampooings, des outils, des engrais, des meubles, des articles et des vêtements de luxe... tout ce que vous voulez. Si c'est fabriqué, c'est aussi contrefait ou copié.
    Au Réseau anti-contrefaçon canadien, nous appuyons donc les modifications qui s'imposent à la Loi sur le droit d’auteur. J’ai parlé de l’injonction et des dispositions d’exonération, mais la troisième chose que nous demandons, c’est une procédure simplifiée à l'égard des produits que je viens de décrire.
    Nous aimerions voir simplifier la procédure prévue à l’article 44, qui porte sur le programme de demande d’aide de l'Agence des services frontaliers du Canada, pour qu’il soit clair que les agents des douanes soient autorisés non seulement à retenir ces produits qui entrent au Canada, mais aussi à les saisir. À l’heure actuelle, ils les retiennent. Nous demandons qu’ils puissent aussi les saisir, comme cela se fait partout dans le monde, et les détruire, sans qu’il soit nécessaire d'engager une poursuite judiciaire, comme c'est le cas actuellement.
(1635)
    Notre organisation espère aussi que le Canada aura un jour un centre de coordination des droits de propriété intellectuelle qui pourra regrouper sous le même toit les renseignements obtenus par les corps policiers, les douanes et les organismes connexes, ainsi que par les citoyens et les titulaires de droits de propriété intellectuelle, afin que puissent servir à bon escient les ressources consacrées à ce problème de plus en plus grave au Canada.

[Français]

     Je vous remercie de votre aimable attention.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Nous allons passer à la Consumer Technology Association. De Washington, nous accueillons M. Petricone.
    Au nom de la Consumer Technology Association, je suis heureux de participer à l’examen de la Loi sur le droit d’auteur du Canada. Je suis honoré aussi de comparaître devant vous parce que, enfant, j’ai vécu à Oakville, en Ontario, et j'ai beaucoup de souvenirs heureux de mon enfance dans votre merveilleux pays.
    La CTA représente plus de 2 200 entreprises canadiennes et américaines de technologie de consommation, qui valent en tout 321 milliards de dollars. Il s'agit à 80 % de petites entreprises et d'entreprises en démarrage. La CTA produit aussi le Consumer Electronics Show, le CES, le Salon international de l'électronique grand public, dont elle est propriétaire.
    Dans notre mémoire, nous vous exhortons à faire en sorte que les oeuvres, les services et les technologies canadiens et internationaux deviennent plus accessibles au Canada et à l’étranger. Nous exprimons notre crainte à l'égard de propositions qui amèneraient le contraire en imposant de nouvelles contraintes aux technologies, aux appareils et aux fournisseurs de services d'ici et d'ailleurs. C'est l'innovation qui a fait des Canadiens des chefs de file de l’économie mondiale. Cet examen de la Loi devrait améliorer plutôt que limiter la contribution du Canada. Nous faisons donc les recommandations suivantes:
    Premièrement, maintenir et renforcer les limites aux exceptions comme celles de l’utilisation équitable. Deuxièmement, éviter d’imposer aux fournisseurs de services en ligne des contraintes particulières qui nuiraient à la contribution du Canada au débat international et qui entraîneraient un recul des services au Canada. Troisièmement, résister aux envies de surveiller la conception de la technologie et des appareils ou de définir des catégories de technologie ou d’appareils à frapper d’une redevance quelconque.
    Enfin, en ce qui concerne la durée du droit d’auteur, nous nous opposons à ce qu'elle soit prolongée, parce que nous préférons mettre l'accent sur la création de nouvelles oeuvres et de nouvelles orientations. Nous considérons que les résultats contraires obtenus dans l’AEUMC sont malheureux et nous espérons que l’effet pourra être atténué dans votre loi par des exceptions, des limitations et une plus grande discrétion en ce qui concerne l’utilisation équitable.
    À propos d’utilisation équitable, comme il a accepté les dispositions américaines sur la durée du droit d’auteur et la politique américaine sur le contournement des mesures techniques, le Canada devrait les contrebalancer par des restrictions et des exceptions qui auraient peu d'incidence sur la loi américaine. Le Canada a pris des mesures concrètes en 2012 pour reconnaître les pratiques exemplaires et l’utilisation équitable. Ces pratiques favorisent la recherche, l’étude et la critique, et elles reconnaissent la valeur de la satire, de la parodie et du contenu généré par l’utilisateur. Si un régime intégral d’utilisation équitable servirait peut-être mieux l’environnement dynamique actuel, le régime canadien d’utilisation équitable aurait peut-être avantage à être plus souple et plus adaptable.
    L’application stricte d’un régime codifié comme celui de l’utilisation équitable ne peut convenir à de nouvelles technologies et de nouvelles utilisations. Une mesure conforme à la loi américaine serait d'ajouter les mots « such as », qui figurent à l’article 107 du code américain. Cela permettrait aux tribunaux canadiens de suivre les pratiques habituelles et raisonnables des entreprises et des utilisateurs.
    La doctrine de l’utilisation équitable, élaborée par les tribunaux comme une nouvelle lecture des principes du premier amendement des États-Unis, a continué d'évoluer même après sa codification. Son application par la Cour suprême dans l’affaire Sony Betamax de 1984 a ouvert la porte aux communications personnelles, au commerce électronique et à Internet. Pour nous, cela équivaut à la Grande Charte de l’industrie des technologies de consommation. L’utilisation équitable est aussi un fondement des codes de conduite et des pratiques exemplaires implicites qu'on trouve aussi au Canada dans de nombreux domaines.
    À l’échelle internationale, la capacité de citer et de critiquer a été importante pour la démocratie et l’innovation. La CTA pense que les États-Unis, le Canada et l’Europe devraient encourager ces valeurs chez eux et à l’étranger.
    Pour ce qui est des mesures techniques, le Canada a suivi l’exemple des États-Unis en rendant leur contournement illégal, mais encore là, il n’a pas prévu de restrictions et d’exceptions correspondantes. Comme l’a décidé la semaine dernière le U.S. Register of Copyrights dans ses recommandations en vertu de l’article 1201 de la Digital Millenium Copyright Act, la DMCA, des exceptions d’utilisateur légitime sont nécessaires surtout pour le diagnostic, l’entretien et la réparation des voitures, des machines agricoles et d’autres appareils modernes, parce que les circuits analogiques dans les pièces mécaniques ont été remplacés par des logiciels intégrés. Grâce au nouveau règlement, les agriculteurs américains n’auront plus à s’inquiéter de la légalité de faire appel à des experts pour réparer un tracteur ou une moissonneuse-batteuse pendant la courte saison végétative du Nord.
    Après une étude exhaustive et des commentaires de la CTA, et d’autres organismes, les registraires ont conclu que de telles exceptions peuvent et doivent être appliquées sans mettre en péril l’expression créatrice. C’est un pas en avant que le Canada devrait également envisager. Même si les tribunaux américains ne considèrent pas l’utilisation équitable comme un moyen de défense contre l'article 1201 de la DMCA, c'est le critère utilisé par le Register of Copyrights pour évaluer les demandes d’exception. Des restrictions fondées sur de telles considérations serviraient bien le Canada.
    Le Canada et l’AEUMC s'orientent maintenant dans la bonne direction en ce qui concerne la reconnaissance des exonérations accordées aux fournisseurs de services en ligne qui hébergent du contenu généré par les utilisateurs. Comme le signale notre mémoire, des études ont montré qu'une atteinte à ces exonérations serait lourde de conséquences surtout pour les petits fournisseurs et les nouveaux venus dans le marché local qui n’ont pas les ressources nécessaires pour faire du filtrage de masse. Nous reconnaissons toutefois qu’aucun régime n’est parfait. Dans notre mémoire, nous vous exhortons à envisager des mesures pour contrer les activités de pollupostage selon le régime de double avis du Canada. Comme dans le cas des mesures techniques, les contraintes et les dispenses qui viennent avec sont maintenant des cibles mobiles qu'il vaut mieux viser en même temps.
(1640)
     En ce qui concerne le blocage de sites, qui a refait surface dans le cours de votre examen, c’est une mesure à laquelle la CTA s’oppose depuis longtemps. Les propositions en ce sens formulées aux États-Unis il y a six ans dans les projets de loi SOPA et PIPA n'ont pas résisté à l’examen des experts et à l’indignation du public. Dans le contexte canadien, de telles mesures auraient l’inconvénient supplémentaire d'empêcher des entrepreneurs et des utilisateurs d’accéder à des sites pourtant accessibles dans d’autres parties de l’Amérique du Nord et ailleurs.
    La CTA est aussi contre l'imposition de nouvelles redevances et contraintes de conception aux produits et aux services. De telles mesures faussent les technologies et les marchés et finissent par succomber au changement technologique, sauf dans les poursuites qui traînent en cour. Selon notre expérience, les redevances sur les appareils ne répondent pas au besoin des titulaires de droits de réagir au changement technologique et elles deviennent rapidement désuètes.
    Pour ce qui est de prolonger la durée du droit d’auteur, la CTA considère le domaine public comme une ressource précieuse pour la créativité culturelle et l’innovation future. Nous trouvons regrettable que le Canada ait accepté dans l'AEUMC d'allonger la durée de 20 ans pour se conformer à la situation des États-Unis, mais nous espérons que, grâce aux mesures que nous proposons, vous pourrez atténuer les conséquences de cet empiètement dans le domaine public. On a laissé entendre aux États-Unis qu’une mesure formelle devrait s’appliquer durant les 20 dernières années de protection pour éviter les problèmes d'oeuvres orphelines, et le Canada pourrait aussi envisager une solution de ce genre.
    En conclusion, le rythme de l’innovation est souvent plus rapide que la capacité de légiférer de façon responsable. Même au rythme d’un examen quinquennal, on ne peut pas prévoir ou suivre la cadence des changements qui ont remplacé les appareils mécaniques par des appareils numériques, puis bon nombre d'appareils numériques par des services en ligne. La CTA recommande au Comité de privilégier la créativité et l’innovation et de se garder d'imposer des contraintes aux services numériques, aux appareils numériques et aux services en ligne.
    Au nom de la CTA, je vous remercie de cette occasion de nous faire entendre.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Merkley, de Creative Commons Canada.
     Vous avez jusqu’à sept minutes.
    Bonjour. Merci de m’avoir invitée ici aujourd’hui.
     J’aimerais signaler pour commencer que nous sommes réunis sur un territoire ancestral non cédé de la nation algonquine.
    Je m’appelle Kelsey Merkley. Je suis ici en qualité de citoyenne et de représentante de Creative Commons Canada. Nous faisons partie d’une organisation planétaire à but non lucratif qui a vu le jour en 2001, qui compte 26 chapitres nationaux dans le monde et qui travaille avec des artistes, des bibliothécaires, des scientifiques, des cinéastes et des photographes. Nous créons, nous administrons et nous recommandons les licences de droit d’auteur Creative Commons, qui sont reconnues dans le monde entier et dont l'usage est gratuit. Elles permettent aux créateurs de choisir comment leurs oeuvres peuvent être réutilisées suivant des conditions standards simples.
    À l’échelle mondiale, des licences Creative Commons, ou licences CC, s'appliquent aujourd'hui à plus de 1,4 milliard d’oeuvres. Ce qui me frappe le plus au sujet de ce 1,4 milliard d’oeuvres, c’est que des personnes ont pris la décision de partager 1,4 milliard de fois. Si vous avez consulté un des 40 millions d’articles de Wikipédia, téléchargé une photo de Flickr ou regardé des vidéos sur YouTube, vous avez eu affaire à une de nos licences dans un contexte commercial ou non commercial.
    Comme exemple de nos licences dans le monde, mentionnons la licence ouverte de Lumen Learning, qui permet l'utilisation commerciale à plus de 280 établissements aux États-Unis. Rien que cette année, Lumen a enregistré plus de 4 millions de visites par mois sur son site Web de contenu éducatif ouvert. À maintes reprises, Lumen a pu démontrer que son offre de ressources pédagogiques en libre accès éliminait l’écart de performance entre les étudiants de faible niveau socioéconomique et ceux de haut niveau socioéconomique.
    Ici au Canada, BCcampus, le champion mondial des manuels scolaires ouverts, a épargné plus de 9 millions de dollars à des étudiants de la Colombie-Britannique privés de moyens en mettant à leur libre disposition des manuels scolaires créés au Canada.
     Cory Doctorow, l'écrivain canadien de science-fiction destinée aux jeunes adultes, permet d'utiliser un grand nombre de ses oeuvres en vertu d'une licence CC non commerciale, de sorte que tout le monde y a accès à condition de ne pas vendre sa créativité. Des chercheurs de MaRS au Structural Genomics Consortium, Aled Edwards et Rachel Harding, ont choisi la licence la plus ouverte, CC By Attribution, pour accélérer le rythme des découvertes scientifiques en ouvrant sans restriction leurs carnets de laboratoire à d’autres chercheurs du monde entier.
    La Bibliothèque publique de New York, le Met, le Rijksmuseum et, plus récemment, Europeana, partagent tous des oeuvres grâce à une licence Creative Commons qui permet à leurs collections de voyager dans le monde entier.
    Nous conseillons des gouvernements et des institutions qui veulent utiliser des licences ouvertes pour aider leurs citoyens à accéder à du contenu. Nous l'avons fait auprès de l’Agence spatiale européenne, de la Commission européenne, du Département d’État et du département de l’Éducation des États-Unis. Tous ont utilisé des licences CC pour offrir au grand public le libre accès à leurs oeuvres financées par l'État. Ici, au Canada, le Québec a été le premier gouvernement au monde à adopter la licence CC 4.0 pour toutes les données ouvertes qu'il publie.
     Je remercie le Comité de me permettre de lui faire part de quelques réflexions et suggestions dans le cadre de son examen des modifications éventuelles à la Loi sur le droit d’auteur.
     Premièrement, la prolongation de la durée du droit d’auteur nuit au domaine public. Fondamentalement, nous croyons que toute créativité s’appuie sur des antécédents et que la promotion et la protection d’un domaine public solide sont au coeur de notre mission. Pourquoi? Parce que les oeuvres du domaine public peuvent être utilisées par n’importe qui sans restriction. Les oeuvres du domaine public deviennent la matière première de la créativité et de l’innovation. Le Comité ne devrait pas toucher à la durée du droit d'auteur prévue par la Loi. S'il faut la prolonger de 20 ans, qu'on pense alors à autoriser d'autres usages et à clarifier l'utilisation équitable afin d’atténuer l'incidence sur l’éducation, la créativité et l’innovation.
    Deuxièmement, permettre aux créateurs de récupérer leurs droits. Nous appuyons la recommandation que Bryan Adams a faite au Comité, soit que les créateurs canadiens puissent récupérer les droits sur leurs créations non plus 25 ans après leur mort, mais 25 ans après les avoir cédés.
    Troisièmement, il faut protéger l’utilisation équitable, surtout pour l’éducation. C'est essentiel si on veut que le droit d’auteur atteigne son objectif ultime, qui est de promouvoir des aspects essentiels de l’intérêt public.
    Quatrièmement, qui a le droit de lire devrait avoir le droit d'exploiter. Étant donné l’énorme potentiel de découvertes nouvelles, les progrès de l'intelligence artificielle, de l’apprentissage machine et de l’innovation au Canada, la Loi sur le droit d’auteur devrait préciser que le droit de lire est le droit d'exploiter. Elle devrait veiller à ce que tous ces usages non expressifs ou non commerciaux, comme l’exploration de textes et de données, soient admis dans le cadre de l’utilisation équitable ou largement appuyés par d’autres mesures juridiques.
    Cinquièmement, renforcer le libre accès à l’éducation, à la recherche et aux données financées par l'État. Le partage d’oeuvres sous licence Creative Commons est un exercice légitime du droit d’auteur et devrait être la norme pour toutes les ressources publiques comme les documents de recherche, le matériel didactique, les données recueillies par le gouvernement et les oeuvres culturelles.
(1645)
     Le Canada devrait réformer le régime du droit d’auteur de la Couronne, car tous les Canadiens devraient avoir le droit d’accéder aux oeuvres produites par leur gouvernement et de les réutiliser, sans restriction. Le Canada devrait les placer directement dans le domaine public dès leur publication.
    J’espère que vos questions m'amèneront à parler davantage de la valeur publique et scientifique de l’édition en libre accès.
    La gratitude est au centre de notre travail, alors je vais m'arrêter ici en vous remerciant de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à OpenMedia, avec Laura Tribe.
     Bonjour et merci de nous accueillir.
    J’aimerais aussi commencer par reconnaître que nous sommes sur le territoire traditionnel du peuple algonquin.
    Je m’appelle Laura Tribe et je suis la directrice exécutive chez OpenMedia. Nous sommes une organisation communautaire qui compte plus de 500 000 partisans et qui travaille pour faire en sorte de garder Internet ouvert, abordable et exempt de surveillance. Je suis accompagnée aujourd’hui de ma collègue Marie Aspiazu.
    Je tiens à préciser que le Canada a un régime de droit d’auteur solide et équilibré. Mais les récentes renégociations de l’ALENA ont porté un dur coup à cet équilibre et à la position du Canada ce chef de file en matière de droit d’auteur. Nous espérons que ce processus d’examen nous permettra de modifier la Loi sur le droit d’auteur afin d’améliorer l’accès au contenu et de rétablir l’équilibre dans ce système.
    En permettant à un accord commercial international d’établir une partie importante du programme du Canada en matière de droit d’auteur, le gouvernement a non seulement accepté des modifications troublantes, y compris la prolongation de 20 ans de la durée des droits d’auteur, mais il a aussi nui activement à la présente consultation en cours.
    Pendant la dernière année, plusieurs redevances extrêmement problématiques, ou taxes, ont été mises de l’avant pour aider à rémunérer les créateurs canadiens. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre les propositions suivantes qui feraient augmenter les coûts de la connectivité numérique:
    Il y a d’abord la taxe iPod. Cette idée recyclée taxerait tous les téléphones intelligents vendus au Canada afin de compenser les allégations de reproduction de musique. Cette idée ne tient pas compte de la diminution de la reproduction de musique à des fins privées suite à l’augmentation des services par abonnement et du fait que les gens utilisent les téléphones intelligents pour toutes sortes de raisons qui vont bien au-delà de la consommation de musique, et encore moins de la consommation illégale de musique.
    Vient ensuite la taxe Netflix. Cette proposition annulerait l’ordonnance d’exemption du CRTC relative aux médias numériques et obligerait les fournisseurs de services par contournement à se conformer aux mêmes règlements sur le contenu canadien que les radiodiffuseurs. Fondamentalement, c'est mal comprendre la nature d’Internet, en plus de cibler en fait tous les services par contournement, quelle que soit leur taille, pas seulement Netflix.
    Il y a aussi la taxe Internet, qui oblige les fournisseurs de services Internet à contribuer au financement du contenu canadien comme le font les radiodiffuseurs canadiens. Malheureusement, nous savons que ces prix seront répercutés sur les clients. Les Canadiens paient déjà les prix Internet parmi les plus élevés au monde pour des services de qualité inférieure. Cette idée a été rejetée par près de 40 000 internautes de la communauté d’OpenMedia.
    Il y a maintenant une taxe sur le droit d’auteur. Récemment, nous avons entendu une proposition voulant que toute utilisation d’Internet de plus de 15 gigaoctets par mois, par ménage, soit taxée. Cette idée se fonde sur l’allégation erronée selon laquelle toute utilisation d’Internet de plus de 15 gigaoctets doit être attribuable à la diffusion en continu de contenu, et que la diffusion en continu de contenu, même si les utilisateurs la paient légalement, signifie que les utilisateurs devraient payer davantage pour rémunérer les créateurs.
    Les créateurs devraient être adéquatement rémunérés, mais ce ne sont pas là les solutions pour y arriver.
    Comme l’a dit Bill, membre de la communauté d’OpenMedia: « Je suis propriétaire d’une petite entreprise et j’utilise beaucoup la bande passante pour les réunions en ligne et d’autres activités connexes. Une taxe Internet tuerait mon entreprise, ce qui mettrait six personnes au chômage. »
    Nous ne pouvons pas nous permettre d’accroître davantage le fossé numérique et le prix d’Internet au Canada. Une connexion Internet rapide et abordable est essentielle.
    Parlons séparément de la taxe de vente. L’imposition d’une taxe de vente fédérale aux fournisseurs de contenu en ligne est souvent confondue avec les propositions ci-dessus, mais elle est tout à fait distincte. Si le gouvernement fédéral décidait d’appliquer la TVH aux services en ligne internationaux, ces taxes devraient, à juste titre, être perçues et remises au gouvernement, puis affectées au budget général comme bon lui semble, y compris pour le financement des arts, de la culture et des créateurs.
(1650)
    La proposition de blocage du site Web FairPlay de Bell Canada est l’une des suggestions les plus dangereuses que nous ayons entendues jusqu’à présent. Cela aurait inévitablement pour effet de censurer le contenu légitime et la liberté d’expression en ligne et de violer les protections de la neutralité d'Internet, tout cela sans surveillance judiciaire. Il s'agirait d'un dangereux précédent pour d’autres propositions de censure à l’avenir.
    Les experts ont souligné les aspects techniques coûteux et problématiques de la mise en oeuvre de ces interventions de censure. De plus, près de 100 000 partisans d’OpenMedia se sont prononcés contre la proposition de blocage du site Web FairPlay de Bell Canada lorsqu’elle a été déposée à la fois pendant l’ALENA et devant le CRTC.
    Voici ce qu’a dit Ryan, un membre de notre communauté:
Le fait de permettre arbitrairement le blocage de sites Web et le retrait de sites Web entraînera une réduction importante des droits civils et des libertés politiques, car les entreprises et les organisations peuvent décider de supprimer des sites Web qu’elles n’aiment pas, même si des conditions ont été violées […] Nous avons un système judiciaire solide, où l’accusé est réputé innocent jusqu’à preuve du contraire. Laissons les tribunaux s’en occuper, puisqu’elles sont assujetties en vertu de la loi à un examen public et à une enquête.
    Parmi d’autres propositions dangereuses qui se retrouvent au Canada à la lumière de la proposition de directive sur le droit d’auteur de l’Union européenne, mentionnons la taxe sur les liens et les algorithmes de filtrage de contenu obligatoire. La taxe sur les liens porterait sur les extraits de texte qui accompagnent habituellement les liens, souvent utilisés comme aperçus pour aider les utilisateurs d’Internet à trouver un contenu en ligne. Le fait d’exiger des agrégateurs qu’ils paient pour le contenu simplement pour pouvoir en faire la promotion nuit aux créateurs de contenu en réduisant la possibilité de découvrir leur contenu, mais cela fortifie également les plus grands agrégateurs de contenu, comme Facebook et Google, en faisant augmenter encore les coûts pour les nouveaux venus. Cette proposition a déjà été mise en oeuvre et s’est révélée un échec en Allemagne et en Espagne.
    Les exigences de filtrage du contenu transformeraient les plateformes en ligne en police du droit d’auteur. Forcer les plateformes en ligne à mettre en place des mécanismes pour identifier et bloquer les documents que l’on croit enfreindre le droit d’auteur avant leur publication, comme le système Content ID de plusieurs millions de dollars de YouTube, ne sera pas bon marché. Comme on le sait, il y aura encore des faux positifs et il y aura inévitablement un retrait du contenu légitime.
    Nous avons présenté un certain nombre de propositions préoccupantes, mais nous croyons que des modifications simples peuvent être apportées au système pour aider à rétablir l’équilibre. À tout le moins, le gouvernement devrait maintenir la liste actuelle de l’utilisation équitable, y compris l’éducation, la parodie et la satire. De plus, l’ajout explicite de l’utilisation transformatrice serait grandement bénéfique. Idéalement, le Canada adoptera des dispositions plus larges sur l’utilisation équitable, semblables à celles que l'on retrouve aux États-Unis. Nous exhortons également le gouvernement à éliminer les droits d’auteur de la Couronne.
    Comme OpenMedia l’a déjà dit, le système canadien d'avis sur avis est un régime équitable pour traiter les allégations de violation du droit d’auteur. Cependant, le gouvernement devrait fournir des lignes directrices relatives au contenu des avis qui empêchent les menaces ou les demandes de règlement.
    OpenMedia défend les droits d’auteur depuis six ans. Les efforts de longue date de notre communauté comprennent cinq années de campagne contre le Partenariat transpacifique secret et son dangereux chapitre sur la PI; « Our Digital Future: A Crowdsourced Agenda for Free Expression », une vision positive du partage et de la créativité en ligne, provenant de plus de 40 000 personnes; plus de 50 000 personnes exhortent la ministre des Affaires étrangères du Canada à défendre les droits numériques des citoyens dans l’ALENA; et plus de 2 500 mémoires dans le cadre de la consultation menée par votre comité par l’entremise de l’outil en ligne d’OpenMedia à l'adresse letstalkcopyright.ca.
    Avant de venir ici aujourd’hui, nous avons demandé aux membres de notre communauté ce que nous devrions vous dire. Nous espérons que leurs voix sont bien représentées.
    En conclusion, nous demandons à votre comité de répondre aux besoins des gens que ces règles touchent le plus, c’est-à-dire les gens ordinaires qui dépendent d’un régime équilibré de droits d’auteur pour leurs activités quotidiennes.
    Merci. Nous avons hâte de répondre à vos questions.
(1655)
    Excellent.
    Je tiens à vous remercier tous de vos exposés.
    Pour que nous soyons tous sur la même longueur d’onde, nous pouvons prolonger la séance jusqu’à 18 heures. Je sais que certains de nos invités devront peut-être partir, et c’est très bien.
    Avant de passer aux questions, M. Lloyd veut lire un avis de motion.
    Oui. J’ai une brève motion: Que le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie, conformément à l’article 108(2) du Règlement, entreprenne une étude d’au moins six réunions pour enquêter sur l’incidence de la tarification du carbone sur la compétitivité mondiale des industries canadiennes et formuler des recommandations à cet égard.
    Ce n’est qu’un avis. Il n’y a pas de débat à ce sujet pour l’instant.
    Merci.
    Merci. C’est exact. Il n’y a pas de débat pour l’instant.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Monsieur Sheehan, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de cette discussion très importante.
    Ma question s’adresse à Lorne, du Réseau anti-contrefaçon canadien.
    Dans votre témoignage, vous avez donné pas mal d’exemples qui semblaient davantage liés aux marques de commerce ou aux brevets. Avez-vous des exemples précis de droits d’auteur que vous pourriez nous donner?
    Je crois que chaque exemple que j’ai donné comporte un aspect lié au droit d’auteur.
    Pouvez-vous nous donner plus de précisions?
    Le fait est que les biens matériels comportent divers types de propriété intellectuelle. Les médicaments, par exemple, peuvent traverser nos frontières ou être vendus dans nos magasins sous forme de comprimés sans aucun emballage. Si vous prenez seulement le médicament, il est probablement protégé par les droits sur les brevets. Il y a des brevets sur ce médicament. Il faudrait probablement savoir quelque chose au sujet du médicament lui-même pour déterminer s’il porte atteinte au brevet.
    L’emballage peut comporter des logos, des noms et des dessins. Très souvent, lorsque les douaniers voient un produit entrer au pays, ils savent par l’emballage, avant d’arriver au produit, s’il y a un problème et s’il s’agit d’un produit potentiellement contrefait ou piraté. Ce que nous avons vu avec des choses comme l’emballage pharmaceutique et l’emballage de jouets, l’emballage de shampoings, l’emballage des choses que j’ai mentionnées, c’est que le contrefacteur, le pirate, peut copier l’oeuvre réelle, l’oeuvre protégée par le droit d’auteur, à l’extérieur de l’emballage et retirer le nom de marque de commerce, sans se rendre compte qu’il est protégé par le droit d’auteur également. C'est un exemple. Même une chose aussi simple que les pièces automobiles peut comporter des logos et des dessins qui sont protégés par le droit d’auteur.
    J’espère que cela répond à votre question.
    Cela aide beaucoup. Il est beaucoup plus approfondi, et vous êtes certainement allé dans un domaine... En lisant sur le sujet, j’ai vu que la GRC avait déclaré que la contrefaçon avait augmenté au Canada, passant de 7,7 millions de dollars en 2005 à 38,1 millions de dollars en 2012.
    Quel pourcentage de ces articles portent atteinte au droit d’auteur? Avez-vous ce chiffre ou un chiffre approximatif? Y a-t-il certains secteurs des industries culturelles qui sont frappés plus durement que d’autres — plus les industries culturelles?
    Personne ne connaît le chiffre. Quiconque donne un nombre fait des suppositions. Nous savons que des études récentes ont été faites à l’échelle mondiale — l’OCDE en a fait une, et je suis sûr qu’on vous l’a montrée. Ce sont les chiffres les plus exacts que nous allons obtenir. Personne ne sait ce qu’il en est au Canada, mais je vais revenir à un exemple qui, à mon avis, est extrêmement révélateur.
    Vous avez lu les chiffres de la GRC, qui n’a pas vraiment eu de cas de piratage ou de contrefaçon de biens de consommation depuis plus de trois ans et demi, mais quand elle a fait son étude, le commandant dans la région de Toronto voulait savoir combien de produits contrefaits ou piratés arrivaient par l’aéroport de Toronto. À ce moment-là, pour toute l’année, la valeur la plus élevée de produits contrefaits entrés au Canada était de l’ordre de 30 millions de dollars. Il voulait donc savoir ce qui se passerait si nous répondions à tous les appels que nous recevions de l’ASFC pendant six mois, quelle quantité de produits il y aurait.
    En six mois, il y a eu plus de 70 millions de dollars de contrefaçon à Toronto seulement, et cela concernait tout ce à quoi on pouvait penser. Lorsque je dis tout, je parle de produits que nous n’avions même pas vus être contrefaits et qui étaient saisis par la GRC. C’était le projet O-Scorpion, je crois, en 2012-2013. Depuis, il n’y a eu presque aucune saisie à la frontière par la GRC ou par les douaniers.
    Je pense que c’est assez révélateur. Si vous le cherchez, vous allez le trouver, et nous trouvons la même chose sur le marché. Nous...
    Excusez-moi, je ne sais pas si vous vouliez d’autres exemples.
(1700)
    Ce n'est pas nécessaire. Merci beaucoup.
    Ma question s’adresse à la Consumer Technology Association. Tout d’abord, je suis heureux de vous revoir. Nous nous sommes rencontrés dans le cadre de notre étude sur les services à large bande et nous sommes allés à Washington pour y rencontrer certains de vos membres.
    Selon vous, la Loi sur le droit d’auteur limite-t-elle le développement et l’utilisation des technologies actuelles ou émergentes et, le cas échéant, qui en a profité? Pourriez-vous donner au Comité une idée de la façon dont les technologies nouvelles et émergentes pourraient offrir à la fois des possibilités ou nuire à l’application du droit d’auteur?
     Ce qui me tient éveillé la nuit, c’est que nous aurons une réglementation bien intentionnée, mais trop large, qui empêchera les innovations nouvelles et socialement bénéfiques d’arriver sur le marché.
    Ce que nous avons tendance à constater dans la technologie, c’est que les nouvelles technologies arrivent sur le marché et qu’elles sont utilisées par les consommateurs d’une façon qui n’était pas prévue au départ. Dans mon témoignage, j’ai parlé de la controverse entourant Sony Betamax, où Sony a introduit le Betamax, un appareil qui permettait aux gens d’enregistrer des émissions de télévision. L’industrie du cinéma a intenté des poursuites et s’est retrouvée devant la Cour suprême des États-Unis, qui a déclaré que c’était un produit légal, par un vote. C’est ensuite devenu un produit très populaire.
    L’ironie, c’est que ce qui inquiétait l’industrie cinématographique, c’était le bouton d’enregistrement, mais ce que les consommateurs trouvaient utile dans le Betamax, c’était le bouton de lecture. Cela a donné naissance à une toute nouvelle industrie dans les médias préenregistrés, comme les disques compacts et les DVD, qui ont fini par représenter la majorité des revenus de l’industrie cinématographique quelques années plus tard.
    Si l’industrie cinématographique avait réussi à bloquer cette technologie, elle aurait aussi bloqué l’une de ses plus grandes sources de revenus. On le voit beaucoup dans le domaine de la technologie, où les choses se passent de façon inattendue.
    La tendance générale est que les nouvelles technologies ouvrent de nouvelles plateformes de distribution, permettent l’accès à de nouveaux groupes de consommateurs et permettent de nouvelles façons de monétiser, comme on le voit maintenant sur Internet avec la croissance de la musique en continu.
    Nous vous conseillons toujours d’être très discrets en ce qui concerne la réglementation des nouvelles technologies parce que vous ne savez pas exactement quelles possibilités en matière de création ou de débouchés économiques vous pourriez fermer par inadvertance.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Lloyd.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci à tous nos témoins aujourd’hui.
    Ma première série de questions s’adresse à vous, monsieur Lipkus.
    Il y a beaucoup de choses dont nous avons discuté dans le cadre de nos travaux. Nous avons parlé à des auteurs et à des créateurs de musique. Ce sont vraiment des choses intangibles, comme dans la sphère numérique. Beaucoup des choses dont vous avez parlé dans votre témoignage sont des choses physiques qui pourraient franchir la frontière.
    Vous avez parlé d’outils efficaces. Votre organisation a-t-elle des outils efficaces que vous recommanderiez pour traiter exclusivement de cette sphère numérique? Quels seraient ces outils efficaces?
    L’une des choses que nous avons recommandées, comme vous le savez, c’est la procédure simplifiée dans le cas des biens matériels, mais je ne suis pas certain d’avoir une bonne réponse à vous donner au sujet de quelque chose qui ne porterait que sur les biens incorporels.
    D’accord.
    L’aspect incorporel dont nous parlons, même dans un bien matériel, est l’aspect incorporel du travail lui-même. Le travail lui-même se retrouve dans le bien matériel...
    Oui.
    ... nous sommes donc toujours là pour ce qui est de la création. C’est simplement qu’il est apposé sur quelque chose qui est vendu comme un bien matériel.
    Je vous en suis reconnaissant. Merci.
    Ma prochaine question s’adresse à vous, madame Merkley.
    J’étudiais en Colombie-Britannique lors du dévoilement de Creative Commons. C'est le gouvernement libéral de la Colombie-Britannique qui l’a fait. Comme étudiant, cela semblait être une excellente ressource.
    Pourriez-vous m’expliquer comment les auteurs et les créateurs sont rémunérés en vertu d’une licence Creative Commons? Comment cela fonctionne-t-il?
(1705)
    Il n’y a pas de différence dans la façon dont ils sont rémunérés. Parlons-nous des manuels scolaires?
    Oui, précisément.
    Quelqu’un doit payer pour qu’un manuel soit créé. Souvent, les manuels scolaires sont créés soit par des subventions institutionnelles, soit par les universités elles-mêmes.
    Il y a aussi une branche d’études appelée « pédagogie ouverte », où l'on travaille avec les étudiants pour créer eux-mêmes le manuel.
    Quand on parle des 9 millions de dollars, on entend les éditeurs dire: « Eh bien, nous venons de perdre 9 millions de dollars », mais le taux d’inflation des manuels a dépassé le coût de la responsabilité réalisable de n'importe quel étudiant. Nous sommes devant des coûts de manuels qui dépassent 1 000 $ par manuel, et c’est un manuel pour un cours pendant un trimestre. Ces coûts sont tout simplement déraisonnables.
    La question est de savoir comment les auteurs sont rémunérés dans Creative Commons. Ne sont-ils pas rémunérés?
    Ils peuvent être rémunérés par Creative Commons. Creative Commons ne signifie pas que le livre ne peut pas être facturé. Un livre peut encore être facturé. C’est simplement que la création est gratuite.
    Cory Doctorow fait de l’argent avec ses livres. C’est exactement le même modèle que pour un manuel. Il crée un livre, puis le livre est vendu. Il vend des exemplaires de livres électroniques et met gratuitement un PDF à la disposition de tous. Il peut ainsi gagner plus d’argent parce que son produit est plus largement disponible et que les gens sont plus susceptibles d’acheter le livre parce qu’un PDF est moins lisible sur un Kindle, sur un lecteur électronique. C’est la même chose pour les manuels scolaires.
     Je vous en suis reconnaissant. Certains auteurs sont en mesure d’avoir un vaste auditoire, d’en tirer parti et de donner des choses gratuitement. Un certain nombre d’auteurs ont comparu devant notre comité. Il n’y a pas eu tout à fait unanimité, mais il est renversant que ces auteurs demandent une meilleure protection du droit d’auteur, une prolongation de la durée, parce que nous avons constaté statistiquement que leurs revenus comme auteurs diminuent.
    Nous entendons des gens dire que ces livres sont la matière première utilisée pour la créativité future, mais eux sont les créateurs et ils viennent ici et nous demandent de protéger leurs œuvres parce qu’ils ne peuvent pas en vivre. S’ils arrêtent de créer ces œuvres, nous perdrons une industrie à valeur ajoutée vraiment importante.
    Qu’avez-vous à dire à ce sujet?
     Dans le cas de Wikipédia et des créations de contenu ouvert, je pense que nous assistons à la création d’une industrie supplémentaire qui permet de créer du travail et pour que les gens... J’encouragerais ces auteurs à examiner différentes sources de revenus. Nous sommes dans une nouvelle ère numérique. Les anciens modèles ne fonctionnent tout simplement plus comme avant. Il est temps d’adopter des modèles d’affaires nouveaux et différents.
    S’il s’agit d’un manuel médical, cependant, soutenez-vous que Wikipédia est un substitut viable?
    Wikipédia est rédigé par des experts et est accessible. Il y a de nombreux exemples de manuels qui sont rédigés par des gens et des membres de la communauté médicale autorisés en vertu d’une licence Creative Commons.
    L’un des grands défis de Wikipédia, c’est qu’il est actuellement rédigé à un niveau trop avancé, et non à un niveau d’encyclopédie.
    Merci. Je vous en suis reconnaissant.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 10 secondes.
    Alors, merci.
    Votre tour reviendra.
    Monsieur Masse, vous avez cinq minutes.
    Nous aurions eu droit à 10 excellentes secondes.
     Monsieur Lipkus, j’avais un projet de loi qui améliorait la détention, la saisie et la destruction de la carpe envahissante par l’ASFC. Dans le passé, lorsque des carpes arrivaient au Canada, on devait faire des tests pour s’assurer qu’elles étaient mortes. Elles ont des caractéristiques dites zombies. Emballées dans la glace, elles pouvaient survivre jusqu’à 24 heures.
    Bref, les conservateurs ont volé mon projet de loi et l’ont mis en œuvre, ce qui était formidable parce que, selon le règlement, la carpe doit être éviscérée afin que nous n’ayons pas à demander aux gens de vérifier si elle est en vie.
    Votre suggestion dit-elle la même chose? Est-ce que cela peut passer par la réglementation? Pouvez-vous nous parler un peu de la détention, de la saisie et de la destruction? Je pourrais envisager la détention et la saisie, mais la destruction ou le renvoi pourrait probablement se faire par voie réglementaire. La destruction pourrait exiger une loi.
    Renvoyer ne fait qu’ajouter au problème.
    Ce n’est pas le cas pour notre pays. J’ai vu des choses arriver dans les hôpitaux. Je faisais partie d’un groupe parlementaire sur la contrefaçon et le piratage. Empêcher un produit d'entrer dans notre pays est un progrès. Le renvoyer d’où il vient, c’est leur problème maintenant. Par conséquent, je ne suis pas d’accord, car arrêter est une chose, mais être responsable de le détruire en est une autre. C’est là-dessus que je me concentre. Pourquoi ne pas simplement le renvoyer? Il s’agit probablement d’un changement réglementaire plutôt que d’une destruction, ce qui est probablement une modification législative.
(1710)
    Indépendamment de ce qui se passe statistiquement, je peux vous dire que des produits qui étaient destinés au Canada et qui ont été renvoyés sont revenus au Canada. Cela arrive.
    Statistiquement parlant, je ne peux pas vous dire à quelle fréquence, mais les faussaires sont très agressifs, et ils trouveront le moyen de le faire revenir. Oui, parfois, ils vont l’apporter dans un autre pays, mais s’ils veulent le ramener ici parce qu’ils ont un client ici qui le veut, ils vont le ramener par un autre port.
    Dans le cadre d'un accord commercial avec le port d’où il vient, on pourrait tout simplement le renvoyer. Nous pourrions l'aviser que nous ne l'acceptons pas parce que nous soupçonnons qu’il est contrefait, dangereux, etc. Nous pouvons le renvoyer dans les pays qui l’ont exporté. La plupart des pays ont des accords commerciaux ou qualité pour agir de l’OMC avec nous, alors nous faisons toutes ces choses.
    Je veux insister sur ce point parce qu’un changement réglementaire signifie que nous n’avons pas besoin d’une modification législative, ce qui n’est probablement pas le cas en ce moment avec l'échéancier que nous avons, alors que le changement réglementaire pourrait se faire en quelques semaines.
    De toute évidence, tout changement réglementaire qui a pour résultat d'empêcher l’importation de produits contrefaits ou piratés au Canada est le bienvenu. Même si cela crée un autre problème, ce que je viens de mentionner, c’est encore mieux que ce que nous avons.
     Je n’essaie pas de décourager cela. Je n’essaie pas d’argumenter. C’est simplement une question de savoir ce que nous pouvons faire ici.
     J’aimerais poser une question aux recherchistes.
    Pouvons-nous savoir si ce qui est proposé ici est un changement réglementaire ou une modification législative en ce qui concerne la détention, la saisie ou la destruction d’articles contrefaits qui entrent au Canada?
    Puis-je faire un commentaire au sujet de la destruction?
    Bien sûr.
    Je ne sais pas s’il s’agit d’un changement réglementaire ou non, mais dans la loi actuelle, un préavis de 10 jours est donné à l’importateur et au titulaire des droits. « Ces produits sont en route vers le pays. Vous, monsieur Titulaire des droits, avez 10 jours pour intenter une poursuite, sinon nous allons dédouaner les marchandises d’une façon ou d’une autre. » L’importateur reçoit un préavis de 10 jours pour dire que ces marchandises pourraient être contrefaites.
     Dans les cas que nous constatons actuellement, l’importateur ne répond pas ou dit: « Je n’ai pas commandé ces marchandises. »
     Si une partie du processus était une situation d’abandon, ce qui se fait avec d’autres marchandises au Canada dans des situations semblables — après 10 jours, l’importateur ne réagit pas ou répond en disant qu’il n’a pas commandé ces marchandises —, alors pourquoi ne pouvons-nous pas les détruire immédiatement?
    Pourquoi le gouvernement paie-t-il pour continuer d’entreposer ces produits? Ils pourraient être détruits immédiatement.
     Voilà pourquoi je veux un avis juridique.
    Je pense que ce que vous demandez, c’est un processus beaucoup plus compliqué pour une solution plus simple à moyen et à court terme.
     Je ne suis pas en désaccord sur le plan de la responsabilité. Cependant, à mon avis, il y a des choses faciles dans votre situation que vous préconisez, et des avantages pour la santé publique également, surtout avec l’augmentation du nombre de médicaments et d'autres produits qui sont maintenant contrefaits.
    Quoi qu’il en soit, je vais passer rapidement à OpenMedia.
    En ce qui concerne votre déclaration au sujet de la possibilité de nuire aux consultations sur la prolongation de l’accord commercial, vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus à ce sujet. Au cours de nos audiences, l'une des choses qui ont considérablement changé, c'est l'accord commercial de principe. Nous pouvons débattre de la question de savoir s’il sera adopté ou non, mais en même temps, nous avons convenu que cela contient le contexte, et...
    Je pense que votre comité a été mandaté d’entreprendre un examen de la Loi sur le droit d’auteur. Ce que nous avons vu, c’est un accord commercial international qui est principalement axé sur les biens matériels et la façon dont ils traversent les frontières, et qui fournit certaines des réponses aux questions que pose le Comité.
     Si cet accord commercial est adopté et ratifié, l’une de nos préoccupations, c’est que le Comité a demandé aux gens ce qu’ils pensent de ces questions et, au bout du compte, certaines de ces réponses ont été jugées non pertinentes par cet accord commercial.
    C’est une préoccupation que nous avons au sujet du processus démocratique, de la façon dont ces accords commerciaux sont négociés. Quant aux consultations et aux négociations entourant l’ALENA, les résultats de ces consultations n’ont jamais été rendus publics. Encore une fois, nous tenons cette consultation ici, et nous ne savons toujours pas ce qu’ont dit les consultations sur l’ALENA. Cet accord a ensuite été conclu.
    Au bout du compte, toutes ces ententes, toutes ces négociations, toutes ces consultations sont censées être dans l’intérêt des Canadiens, et nous ne sommes pas certains de savoir où vont leurs voix ni comment elles sont entendues.
    C’est ce qui nous préoccupe dans le fait que cela se fasse parallèlement à la présente consultation.
(1715)
    Merci.
    Il me reste moins de 10 secondes.
    Il vous restait probablement moins de 10 secondes il y a deux minutes.
    De toute façon, elles n’auraient probablement pas été 10 bonnes secondes.
    Merci.
    Vous avez dépassé votre temps de deux minutes, mais ce n’est pas grave; nous aimons vous donner votre temps.
    Monsieur Graham, vous avez cinq minutes.
    J’allais vous demander, monsieur Lipkus, pourquoi vous voudriez que vos étiquettes de jouets soient protégées pendant 70 ans.
    Cependant, avant d’en arriver là, je vais laisser M. Lametti poser une brève question.
     Monsieur Lipkus, l’un des principes fondamentaux de la Loi sur le droit d’auteur est que le droit d’auteur sur le livre ne signifie pas la propriété du livre. C’est un objet matériel par rapport au droit d’auteur.
    La plupart des exemples que vous avez donnés concernaient un brevet ou une marque de commerce — je pense que vous êtes tout à fait d’accord avec cela —, le droit d’auteur intervenant à la fin. Maintenant, s’il y a une violation du droit d’auteur sur l’étiquette, pourquoi cela vous donnerait-il le droit de saisir ou même de détruire l’objet matériel?
    C’est une excellente question.
     En fait, ce qui se passe actuellement, c’est qu’ils saisissent l’emballage, parce qu’il est illégal d’utiliser l’emballage pour faire de la publicité. Si le produit est authentique, par exemple, il ne montre pas...
    Mais ensuite, on revient à la marque de commerce et au brevet pour l’authenticité.
    Non, non. Si ce colis...
     Le droit d’auteur ne s’applique qu’à la conception de l’étiquette.
    Exactement.
    Il ne s’applique pas à l’authenticité de ce qui se trouve à l’intérieur.
    Exactement. Vous avez totalement raison, et le produit lui-même peut passer. Personne ne prend position sur le produit.
    Malheureusement, lorsque l’emballage est contrefait, très souvent le produit l'est également, mais...
    Vous semblez préconiser la capacité de saisir ou de détruire le produit en fonction du droit d’auteur. Si c’est le cas, vous nous induisez en erreur.
    Non. Si j’ai dit cela, c’est seulement parce que le produit est contrefait. Nous avons vu des jouets, par exemple...
    Nous avons vu des jouets visés par des brevets ou des marques de commerce.
    C’est exact.
    D’accord. Merci.
    Merci.
    J’ai des questions pour tout le monde, mais je vais commencer par les plus intéressantes.
    Vous avez toutes les deux parlé de remplacer les droits d’auteur de la Couronne ou de les éliminer complètement, ce qui est, je crois, un sujet très mal connu pour la plupart des gens.
    Pouvez-vous expliquer brièvement comment vous comprenez les droits d’auteur de la Couronne? Devraient-ils être du domaine public ou devrait-il y avoir, par exemple, une licence Creative Commons pour les documents de la Couronne?
    Qui veut commencer?
    Je pense que c’est probablement généralisé. Je vais laisser Kelsey consulter mes notes.
     Pour ce qui est de la mise en œuvre, je ne suis pas l'experte en la matière pour vous dire à quoi ressemble cette solution. Je pense que ce que nous préconisons, c’est plus de contenu dans le domaine public. S’il s’agit de documents publics créés par la fonction publique et le gouvernement canadien, nous nous attendons à ce qu’ils soient rendus publics sous une forme ou une autre.
    Je vais laisser Kelsey vous parler de l’aspect Creative Commons.
     Merci, Laura. Je me fais l’écho de ces commentaires.
    Les œuvres qui sont payées par le public appartiennent déjà au public et devraient être facilement accessibles. On devrait pouvoir s'en servir pour construire, innover et créer. Nous savons que des gouvernements comme celui de l’Australie conservent le droit d’auteur, mais publient ouvertement des œuvres en vertu d’une licence Creative Commons CC By, ce qui signifie que le gouvernement continuerait d’obtenir l’indication de la source pour ce qui est fait, et permet une réutilisation générale avec un minimum de restrictions.
    Nous savons que la Commission européenne a recommandé des licences ouvertes, le CC By et le CC0. Le CC0 est une licence qui s’appliquera immédiatement au domaine public. Il s’agit de la publication de données ouvertes recueillies par les secteurs et organismes publics en Europe.
    Kelsey, vous avez dit tout à l’heure que le droit de lire devrait être le droit d'exploiter. C’est une excellente remarque. Je n’ai jamais entendu cela auparavant.
    Devrions-nous faire la différence entre une personne qui lit quelque chose et une machine qui lit quelque chose?
    C’est une excellente question.
    Je pense qu’il y a amplement de possibilités pour ces... Il y a des différences entre une machine qui lit un document et un humain qui lit un document. La vitesse, l’accès et la facilité avec lesquels une machine peut lire sont très différents de ceux d’un humain.
    Madame Aspiazu, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet également? Vous semblez vouloir intervenir.
    Je conviens que la façon dont l’information est traitée par un dispositif d’intelligence artificielle est différente de la façon dont un être humain le fait. Je crois que le fait de permettre cette exception pour l’exploitation de textes et de données serait extrêmement bénéfique pour l’industrie canadienne de l’intelligence artificielle, ce que le gouvernement avait en tête lorsqu’il a présenté le budget de cette année.
(1720)
    Vous avez mentionné FairPlay. Je suppose que cela revient à la question suivante: les entreprises devraient-elles pouvoir être intégrées verticalement au marché des médias?
    Excusez-moi, pouvez-vous répéter votre question?
    Devrait-on permettre aux entreprises d’être verticalement...
    Non. Parlez-vous de l’intégration verticale?
    L’intégration verticale du marché des médias menace-t-elle...
    Je pense que ce que nous avons vu avec FairPlay est une indication claire de la différence entre ceux qui sont intégrés verticalement et ceux qui ne le sont pas.
    Si vous regardez les entreprises de l’industrie des médias qui ont appuyé FairPlay, il est clair qu’elles ont des intérêts en matière de contenu, et non pas ceux des FSI. Les fournisseurs de services Internet indépendants qui se concentrent strictement sur la prestation de services de télécommunication n’ont pas adopté la même position, parce que c’est un énorme fardeau pour les FSI, et ce n’est pas le genre d’activité qu’ils exercent. C’est là que nous voyons vraiment la difficulté du marché profondément intégré verticalement de nos conglomérats des télécommunications et des médias.
    Je vous en suis reconnaissant.
    Dan va m’interrompre. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Carrie, bienvenue à notre comité. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je siégeais à votre comité il y a environ 10 ans, et il y a 10 ans, nous parlions du droit d’auteur. Brian était ici. Brian, je pensais que nous avions compris. Que s’est-il passé? Lorsque je suis parti...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Colin Carrie: C’est l’étude la plus longue jamais réalisée.
    Nous avons une trifecta, parce que vous y avez tous travaillé.
    Vous savez quoi, cependant? Nous vivons une période passionnante. Nous avons le nouvel AEUMC.
    Monsieur Petricone, je me demandais si vous pouviez nous parler de ce nouvel accord qui sera envoyé au comité du commerce international, dont je fais partie. J’aimerais vraiment savoir ce que vous pensez du nouvel AEUMC.
    De notre point de vue, c’est une bonne affaire. Il contient des éléments importants pour l’industrie de l’innovation. Par exemple, il y a des limites à la responsabilité pour les plateformes Internet qui hébergent du contenu de tiers, sans lesquels Internet... C’est un élément fondamental de la capacité des entreprises Internet américaines d’exister et de prospérer. Autrement, du point de vue juridique et du point de vue de la responsabilité, cela ne fonctionnerait tout simplement pas. C’est dans l’accord, et c’est bien.
    De plus, il y a des limites... Il n’y a pas de règles de localisation des données. C’est bien. Il y a une limitation des droits de douane pour les produits achetés par voie numérique, et c’est bon pour toutes nos industries.
    En ce qui concerne le Canada, nous n’aurions pas été en faveur de la prolongation de la durée du droit d’auteur. Nous croyons que l’accent devrait être mis sur l’incitation aux nouvelles œuvres et que le domaine public est un domaine extrêmement fertile et dynamique pour l’innovation. C’est un élément de base pour les nouvelles innovations et il faut le protéger et l’étendre.
    De plus, nous aurions été heureux de voir une mention précise de l’utilisation équitable dans l’accord, parce que nous croyons que l’utilisation équitable est importante. Dans l’ensemble, nous croyons que c’est un bon accord pour l’industrie créative et un bon accord pour le secteur de l’innovation.
    Merci beaucoup.
    Madame Tribe, pourriez-vous commenter, s’il vous plaît?
    Désolée, j’ai manqué la dernière partie.
     Je me demandais si vous pouviez nous dire ce que vous pensez du nouvel AEUMC.
    Certains des éléments du chapitre sur la propriété intellectuelle, mais aussi de celui sur le commerce numérique, nous paraissent problématiques. Mais notre vrai problème à l’égard de l'AEUMC — comme j'y ai fait allusion plus tôt —, c’est que rien n'indique que les Canadiens aient été consultés avant de conclure l'accord. Ils y sont ou très favorables ou très opposés, en fonction des questions qui leur tiennent à coeur.
    Pour une organisation soucieuse de l’avenir de notre économie numérique et d’Internet au Canada, il est très inquiétant de voir que, dans les négociations, on met des questions très complexes et techniques, comme le commerce numérique et la propriété intellectuelle, sur le même plan que le commerce des vaches, du lait et des poulets. Sans mettre le moins du monde en cause les mérites et l'importance de ce dernier, il reste qu'il soulève des questions très différentes de celles que pose le commerce numérique.
    On craint que le commerce numérique ne fasse les frais de l'opération, si on le met dans le même panier que le reste pour négocier un accord commercial plus vaste où l'on fait des concessions partout. On a l’impression que le chapitre sur la propriété intellectuelle est l’une de ces concessions.
    Merci beaucoup.
    J’ai une question à poser aux témoins qui se trouvent devant moi, parce que dans vos exposés et dans notre histoire, vous prônez un renforcement des droits des utilisateurs. Je me souviens qu’il y a 10 ans, il y avait un équilibre entre les utilisateurs et les créateurs. Je me souviens que les créateurs éprouvaient des difficultés à l’époque. Les statistiques existent. Je crois qu’en 2010, le revenu des écrivains et des auteurs était d’environ 29 700 $ et, en 2015, il est descendu à 28 000 $. Il semble qu’ils éprouvent des difficultés.
    Si vous prônez un renforcement des droits des utilisateurs, est-ce vraiment le moment de le faire alors que les revenus d’emploi des créateurs diminuent et qu’ils sont en difficulté ?
(1725)
    Je suis membre de la bibliothèque. Je suis bibliothécaire de formation. Je suis une grande utilisatrice de la Bibliothèque publique de Toronto. Je suis une lectrice active. J’ai beaucoup d’empathie pour ceux qui essaient de gagner leur vie en vendant des livres.
    Ce qui les empêche de gagner beaucoup d’argent, ce n'est pas, selon moi, que l'on conteste leurs droits d'auteur. Cela nous semble découler du modèle d’édition d’Amazon dont on voit l'impact qu'il a sur eux. Le fait qu'un auteur est en mesure de gagner de l’argent tient à une foule de facteurs. [Inaudible] ce n’est pas seulement parce qu’il n’y a pas suffisamment de droits d’utilisation. On doit être en mesure d’offrir un public plus vaste afin que les utilisateurs puissent utiliser et participer, surtout dans le domaine des manuels scolaires où les coûts pour les étudiants sont extraordinairement élevés et les coûts des manuels scolaires n’augmentent pas au même rythme que pour un auteur de romans. Il est important de faire la distinction entre les deux.
    Je suis d’accord avec Kelsey et me fais l'écho de ses propos.
    Je pense que, pour l'essentiel, le problème ne tient pas au droit d’auteur. Il tient à la dynamique du pouvoir entre les créateurs, l’industrie de l’édition et à la répartition des revenus. Certaines des grandes entreprises qui contrôlent ces enjeux s’en tirent très bien. Leurs revenus se portent très bien.
    Cela revient en grande partie au pouvoir qu’ont les créateurs de tirer parti, dans leurs contrats et leurs négociations, d’une position plus forte pour s’assurer qu’ils ont des moyens, des voies et des débouchés pour s’assurer qu’ils peuvent être rémunérés, qu'il s'agisse de publier par Creative Commons ou de façon indépendante et par des voies différentes. Et ils devraient être rémunérés pour leur travail.
    Je suis d’accord et je ne pense pas que ce soit une question de violation du droit d’auteur ou que les règles sur le droit d’auteur ne sont pas assez rigoureuses pour garantir qu'un auteur est rémunéré. Je pense que c’est le marché qui est ainsi fait et qu'il comporte des obstacles structurels les empêchant d’être rémunérés convenablement.
     Merci beaucoup.
    Monsieur Longfield, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins. C’est une discussion très technique qu'on a, en très peu de temps.
     Monsieur Petricone, encore une fois, merci de nous avoir rencontrés lorsqu'on était à Washington.
    Je me demande si vous avez assisté aux mêmes discussions au sujet du partage des revenus entre les créateurs et les fournisseurs de technologie aux États-Unis. Est-ce que les créateurs aux États-Unis ont subi le même genre de baisse de revenus que celle observée au Canada?
    Cela dépend de la façon dont on veut le mesurer. L’un des aspects de ces nouvelles technologies, c’est qu’elles ont modifié le flux de revenus, de sorte que non seulement il pourrait y avoir plus ou moins de revenus, mais qu'ils vont aussi à des groupes différents.
    Cependant, il y a de bonnes nouvelles. Selon la RIAA, la Recording Industry Association of America, au premier semestre, les revenus de l’industrie de la musique aux États-Unis ont augmenté de 10 % pour atteindre 4,6 milliards de dollars. En ce qui nous concerne plus particulièrement, 75 % de ces revenus proviennent de la musique diffusée en continu.
    De toute évidence, l’industrie de la musique a connu une période de perturbation en raison de la nouvelle technologie. Ce n’est pas rare. Maintenant, elle répond aux besoins des consommateurs, parce que les consommateurs veulent de la musique diffusée en continu. Ils veulent pouvoir écouter leur musique n’importe où sur divers appareils. Maintenant, les maisons de disques le permettent et les revenus augmentent. Donc, au terme de cette période de transition, le tableau semble assez brillant.
    Est-ce quelque chose que les entreprises de technologie font volontairement ou avez-vous modifié la loi et la réglementation aux États-Unis en ce qui concerne la gestion de la diffusion en continu?
    On vient d’adopter une loi aux États-Unis, la loi de modernisation de la musique, qui uniformise essentiellement la façon dont on paye la musique numérique et intègre la musique antérieure à 1972 dans notre système, parce qu’avant, chaque État avait sa politique, ce qui ne facilitait pas la gestion d'une entreprise au niveau national.
    Dans ce qui est devenu emblématique de tout le débat, l’adoption de la loi de modernisation de la musique a été non seulement bipartite au Congrès, mais a aussi inclus tous les intervenants des maisons de disques, les éditeurs, les artistes, les plateformes de diffusion en continu... Au début, lorsque la nouvelle technologie est sortie, l'accueil a été plutôt conflictuel et divisé, mais je pense qu’on se rend de plus en plus compte qu'on fait tous partie du même écosystème et que si l’écosystème est sain, on en bénéficie tous.
(1730)
    On a essayé de faire venir des témoins des services américains de diffusion en continu. Je crois qu'on est encore divisé au Canada. Les créateurs reçoivent des fractions de fractions de sous par diffusion. Il leur faudrait des millions et des millions de diffusions pour compenser la perte de revenus.
    Il y a eu un moment décisif à un moment donné dans la discussion aux États-Unis. Il y a combien de temps?
    Je pense que cela s’est fait graduellement, à mesure que les consommateurs ont adopté la musique diffusée en continu.
    D’accord. Merci. C’est certainement quelque chose qu'on doit inclure dans notre étude.
    Je me tourne vers OpenMedia.
    On a entendu beaucoup de témoignages contradictoires, et c’est pourquoi on fait ces comités. On ne veut pas que tout le monde soit d’accord. Je me demande où vous en êtes en ce qui concerne la protection des revenus des créateurs lorsque vous examinez, par exemple, le droit de revente, le droit réversible — prévoyant que le droit d’auteur retourne à l’artiste après un certain temps —, ou l’octroi de droits de rémunération aux journalistes, par exemple, dans le cas des personnes qui utilisent des photos... les revenus allaient au photographe auteur de l'original.
    Comment est-ce que cela s'articule avec l’ouverture que vous nous décrivez aujourd’hui?
    Je ne connais pas les détails de toutes les propositions que vous avez faites, mais, en général, comme je l’ai dit plus tôt, on estime que les créateurs devraient être rémunérés. Si des journalistes obtiennent et rediffusent des images protégées par le droit d’auteur, ils devraient s’assurer qu’elles sont utilisées de façon juste et appropriée.
    Il y a, je pense, un certain nombre de défis à relever pour s’assurer que les créateurs sont rémunérés. On cherche les moyens d'y parvenir, en particulier, en s'assurant que les gens peuvent avoir accès au contenu qui les intéresse, soit en ayant la possibilité d’obtenir une licence légale par l’entremise de services de diffusion en continu, soit par l’entremise de sources de nouvelles payantes leur permettant d'accéder au contenu qui les intéresse.
    S’il y a une proposition précise que vous aimeriez que j’approfondisse un peu plus pour voir comment elle cadre avec l’ouverture...
     Le président regarde vers le bas, alors il regarde l’horloge en ce moment. Mon temps de parole est écoulé.
    Merci de me le rappeler.
    Des voix: Ha, ha!
    Je pourrais approfondir pas mal de choses, mais, malheureusement, je n’ai pas le temps.
    Merci de votre témoignage.
    Je vous ignorais pour que vous puissiez continuer.
    Monsieur Lloyd, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Madame Tribe, vous avez beaucoup parlé de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada, ou ALENA 2.0, et de ses répercussions sur cette étude sur le droit d’auteur, parce que c’est un environnement très fluide. Je me demandais si vous aviez des commentaires à formuler au sujet de l’étude et des recommandations que l'on devrait formuler dans le contexte du nouvel ALENA pour promouvoir les droits des utilisateurs dans le contexte de l’accord.
    Absolument. Je pense que la première chose à faire, c’est d’élargir la définition de l’utilisation équitable, afin d’établir un meilleur équilibre. Ce qui nous préoccupe au sujet de ce qui a été convenu dans le cadre de l'ALENA, c’est que l'on passe à un régime de droit d’auteur plus sévère, sans offrir quoi que ce soit aux utilisateurs en échange. Ce que l'on veut vraiment, c’est élargir l’utilisation équitable, et peut-être adopter le modèle américain d’utilisation équitable pour l’élargir franchement.
    Marie, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose sur les points qu'il a soulevés.
    La seule chose que j’ajouterais, c’est que l'on tient absolument à conserver notre système d'avis plutôt que d'adopter le système de notification et de retrait des États-Unis, qui est beaucoup plus restrictif.
    Cependant, comme je l’ai mentionné dans ma partie du témoignage, on peut bien sûr modifier notre système d'avis, surtout en ce qui concerne le libellé des notifications et les droits de règlement, ainsi que certains aspects plus techniques et la façon dont les FSI sont appelés à traiter ces notifications, ce qui peut être très lourd.
    Vous avez parlé de régime sévère. Pouvez-vous nous citer des cas où le régime a la « main lourde »?
    La prolongation de la durée des droits d’auteur est un bon exemple, je pense. On entend beaucoup d’arguments et on envisage de multiples façons de rémunérer les créateurs. Le fait d’étendre la durée du droit d’auteur de 50 à 70 ans après la mort de l'artiste ne rémunère pas cet artiste.
    On parle de créateurs qui cherchent à être payés maintenant et cela présente beaucoup de difficultés; mais prolonger le droit de l'auteur en le portant de 50 à 70 ans après sa mort cause du tort à la population. Cela nuit aux gens qui ne peuvent plus avoir accès à cette information dans le domaine public pendant encore 20 ans. Une fois cet accord adopté, aucun nouveau contenu n’entrerait dans le domaine public pendant une période de 20 ans, sans rien qui justifie réellement en quoi cela aiderait les gens au Canada.
    Kelsey, voulez-vous ajouter quelque chose?
(1735)
    Mais n’est-ce pas là le consensus qui existe dans le monde, 70 ans après la mort de l’auteur?
    On constate une nette évolution dans ce sens. Je suis...
    On constate que la norme tend de plus en plus à passer de 50 à 70 sous la pression des États-Unis.
    Où est fixée la norme de 50?
    La Convention internationale de Berne, qui est...
    Tous les pays européens ont 70 ans, les États-Unis ont 70 ans, alors de quels pays parlons-nous?
    La Convention de Berne.
    La Convention de Berne fixe la norme à 50 ans et on constate qu’elle tend de plus en plus à passer à 70, sous la pression des États-Unis surtout.
    À ce stade, c’est vraiment la Russie, les États-Unis et maintenant le Canada. Mais je tiens à intervenir sur autre chose...
    Une chose que j’ai trouvée intéressante, c’est la façon dont on donne en exemple l’Europe qui est si ouverte sur ces choses, mais on voit aussi l’Europe comme le précurseur des filtres de contenu et des choses de ce genre. Pouvez-vous commenter? Il semble que deux courants de pensée émanent de l’Europe. L'un montre une Europe très ouverte à l’idée d’utiliser les technologies pour sévir contre la violation du droit d’auteur, mais à côté de cela, selon votre témoignage, l’Europe est en quelque sorte plus ouverte. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Je pense qu’essayer de résumer l’Europe à un seul point de vue, c’est comme essayer de reconduire tous les témoignages présentés devant ce comité à une seule perspective. Il y a beaucoup d’approches différentes et ce qui nous préoccupe, je pense, en Europe, c’est qu’il y a beaucoup de pression de la part des particuliers.
    Des gens de notre collectivité et de nombreux groupes de créateurs nous disent que la directive sur le droit d’auteur proposée par l’entremise de la taxe sur les liens et des machines de censure mises de l'avant dans les articles 11 et 13 a la main lourde. Il y a une différence, je pense, entre les propositions de politique qui sont présentées et ce que les gens veulent et demandent, et c’est là, je dirais, que se situe la division.
    Je pense que cette tension existe bel et bien. Il y a beaucoup de pression de la part des groupes d’éditeurs pour qu’ils adoptent ces règlements plus stricts, mais en même temps, il y a beaucoup de résistance, parce que non seulement ces propositions vont empiéter considérablement sur l’ouverture d’Internet en Europe, mais elles auront aussi des implications internationales plus importantes.
    C’est intéressant, parce que l'on parlait des éditeurs. Tout le monde pense que c’est une industrie monolithique, mais j’ai rencontré un éditeur d'Edmonton qui m’a dit: « La seule raison pour laquelle je suis rentable cette année, c’est que je ne me suis pas versé de salaire. » On voit beaucoup d’éditeurs, surtout des éditeurs canadiens, qui éprouvent des difficultés.
    En quoi l’augmentation des droits d’utilisation aide-t-elle les éditeurs canadiens à soutenir la concurrence dans un monde où les éditeurs américains et européens ont plus de droits et sont plus concurrentiels que nos éditeurs?
     Je pense qu’il faut s’assurer que ces éditeurs sont en mesure de rejoindre les auditoires qui peuvent payer pour ce contenu et le font effectivement. Alors que les propositions que l'on a vues, sur le filtrage du contenu et le blocage de sites Web, font exactement le contraire. Elles rendent encore plus difficile d'apporter les contenus aux utilisateurs.
    En plus de faire la promotion de ce contenu et de s’assurer qu’il est disponible, il nous faut le distribuer. On doit veiller à ce que le plus grand nombre de personnes possible y aient accès, sous des formes abordables, lorsque c’est facile. On l’a vu dans tant de dossiers différents, mais je pense vraiment, fondamentalement, que la tension entre Franc-Jeu, par exemple, et les solutions de rechange, c’est qu'on ne forcera pas les gens à en revenir à la télévision par câble payante. Il faut rendre le contenu disponible comme les gens le veulent, dans les formats qu’ils veulent.
    Comment peut-on aider les entreprises et les éditeurs canadiens à faire en sorte que leur contenu soit créé et produit de la façon dont les gens veulent le toucher, et comment peut-on s'assurer que l'on aide ces industries à atteindre ces publics? Si ces auditoires sont là — on l’a vu; on l’a vu avec les services d’abonnement — les gens payeront et ils le font, dès que c’est facile. Comment peut-on aider les éditeurs canadiens à le faire?
    Merci beaucoup.
    Madame Caesar-Chavannes, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup à chacun des témoins. J’ai beaucoup apprécié certains de vos témoignages aujourd’hui. Je vais reprendre là où vous vous êtes arrêtés sur la dernière question.
     Dans le cadre de cet examen du droit d’auteur, je suis déchirée entre les témoignages que j’ai entendus au sujet de la nécessité d’apporter des modifications et la question de savoir si c’est le bon endroit pour aider les gens à accroître leurs sources de revenus ou leur capacité d’accéder à différents marchés pour leurs produits.
    Ma question s’adresse à chacun d’entre vous, à qui veut y répondre.
    Faut-il accroître la concurrence ou l’accès en modifiant la Loi sur le droit d’auteur ou faut-il que nos artistes et nos créateurs changent leur modèle d’affaires pour avoir accès à différents marchés et créer cette augmentation des revenus qui n’existe pas actuellement? On a vu le déclin.
    Pas tous en même temps, les gars. Quand vous êtes prêts.
    Des voix: Ha, ha!
(1740)
    Il semblait que Michael voulait prendre la parole.
    Michael, voulez-vous intervenir?
    J’aimerais ajouter une chose. Je pense que c’est peut-être les deux. Il est certain que les créateurs changeront leur modèle d’affaires afin de tirer parti des nouvelles technologies et de la capacité de monétiser et d’atteindre un vaste public. C’est une bonne chose.
    Si je devais émettre une réserve... Notre comité a certainement pour objectif de promouvoir la concurrence entre les plateformes Internet. C’est une bonne chose. Tout l’écosystème des entreprises en démarrage est très dynamique et offre plus de possibilités aux artistes et aux créateurs.
    Mais avec les articles 11 et 13 du règlement, l’Europe s'engage dans une voie qui, malgré ses meilleures intentions, pourrait bien conduire au résultat opposé en concentrant le pouvoir des grandes entreprises. Tout simplement parce que certains des régimes qui sont imposés, comme les régimes de filtrage, sont très coûteux et gourmands en ressources. À titre d’exemple, le système Content ID de YouTube aura coûté 60 millions de dollars.
    Sans doute les grandes entreprises sont-elles en mesure de faire face à ces obligations, mais ce n'est pas le cas de la jeune entrepreneuse qui crée sa boîte dans sa chambre. C’est le genre de résultat qu'il nous faut avoir présent à l'esprit et dont on doit se garder.
    Je suis d’accord avec les propos de mon collègue.
    J'estime moi aussi que les changements observés dans les modèles d’affaires suscitent des défis dans tous... On a parlé plus tôt de Betamax. Il y a aux États-Unis une entreprise qui s’appelle OpenStax, une société d’édition à but lucratif qui publie ses manuels grâce à une licence ouverte, mais qui fait beaucoup d’argent et crée des emplois. Il y a aussi l’exemple dont j’ai parlé dans mon témoignage, Lumen Learning, qui est aussi une entité à but lucratif. Elle conserve néanmoins certains aspects du contenu éducatif ouvert, dont bénéficient effectivement les élèves les plus marginalisés, et elle va donc au-devant du public. J'insiste, encore une fois, sur le fait qu’il est important de séparer les créateurs de romans de ceux qui fabriquent des manuels scolaires.
    J’aimerais revenir sur mon argument de tout à l'heure concernant les créateurs qui revendiquent leurs droits. L’artiste Billy Joel, que beaucoup d’entre nous connaissent et aiment, a dit qu’il ne créera plus de nouvelle musique en raison de la portée excessive du droit d’auteur aux États-Unis et des ententes qu’il a conclues avec les maisons de disques. On se trouve actuellement dans une situation complexe où l'on a besoin à la fois de nouveaux modèles d’affaires pour ces créateurs et d’une certaine réglementation pour nous aider à sortir de cette passe.
     Ma question suivante porte sur l’examen quinquennal. À la vitesse à laquelle évolue l’ère numérique, à mon avis — et je m’en tiendrai à moi et à mon opinion —, un examen tous les cinq ans, c'est peut-être trop peu. Que répondez-vous à cela, compte tenu des défis auxquels l’industrie fait face actuellement? On procède à un examen quinquennal. Chacun ici apporte sa contribution et d’ici à ce que la loi soit adoptée, les choses pourraient changer, alors un examen quinquennal est-il pertinent?
    Je dirais qu’OpenMedia n’a pas de position officielle à ce sujet, mais mon avis...
    Je lance simplement la question.
    ... sur votre avis, c'est que cela fait maintenant cinq ans, presque six ans, puisqu’une année de plus s'est écoulée depuis la période de cinq ans et l'on débat de nuances assez légères dans la Loi sur le droit d’auteur elle-même. Dans l’ensemble, cela a tenu cinq ans, et je pense que cela reflète en grande partie la réflexion qui a mené à la création de quelque chose qui durerait, et je pense que le défi que je lance au Comité est de reconnaître que cela doit durer. Ce n’est pas quelque chose qui peut exister uniquement dans l’écosystème que nous avons actuellement. On ne peut pas prédire l’avenir, alors comment peut-on faire en sorte que ces mesures législatives soient aussi fiables que possible pour faire preuve de souplesse à l’égard des nouvelles technologies et des nouveaux défis qui se présentent? C’est un grand défi, et vous avez une tâche énorme devant vous.
    Oui, nous le savons.
    Monsieur Masse, vous avez les deux dernières minutes de la journée.
    Merci, monsieur le président.
    Je terminerai sur ce que disait M. Lipkus. Il semble que l'on ne puisse pas modifier du tout la réglementation. Pas de raccourci donc, pas de fruit facile à cueillir. C'est du moins ce que m'ont dit les attachés de recherche jusqu’ici.
    Très rapidement, si on ne dépose pas le projet de loi, parce qu’il s’agit d’un examen, quelles mesures simples pourrait-on prendre dans l'immédiat? Il pourrait y avoir des élections avant qu’un projet de loi soit déposé. Il faudrait que l'on obtienne la réponse du ministre, à la suite de l’examen, et il faudrait que cela passe par le Sénat et ainsi de suite. Très rapidement, que pourrait-on faire à court terme?
(1745)
    Mettre immédiatement à la disposition du public les articles produits par le gouvernement canadien dès leur publication, soit au moyen d’une licence Creative Commons, soit en les mettant dans le domaine public.
    De mon côté, je dirais qu’il faut rejeter la proposition de Franc-Jeu Canada de blocage de sites Web, du moins dans le cadre de cet examen. Merci.
    Monsieur Lipkus.
    Je ne suis pas sûr, à part ce dont nous avons parlé, que l’on puisse faire quelque chose sans une loi.
    D’accord.
    Y a-t-il des conseils de Washington?
    Oui. Habiliter les innovateurs et les jeunes entreprises, car c’est de là que vient le dynamisme et éviter le blocage de sites Web.
    D’accord. Merci beaucoup de votre patience.
    C’est tout, monsieur le président.
    Cela suffira-t-il?
    Oui.
     Je tiens à remercier tout le monde d’être venu aujourd’hui.
     Comme vous le savez, on a beaucoup de pain sur la planche. Il y a des histoires contradictoires d’un côté comme de l’autre et notre tâche, ainsi que celle de nos excellents analystes qui nous aideront à nous orienter, quitte à ce qu'on les blâme plus tard...
    Des députés: Oh, oh!
    Le président: Oui, on a certainement reçu beaucoup de bons renseignements et on a hâte de les recouper.
    Merci beaucoup à tous d’être venus.
    Merci, Michael, de Washington.
    La séance est levée.
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