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PACP Rapport du Comité

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« RAPPORT 6 — LES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES DES PREMIÈRES NATIONS — AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU NORD CANADA », RAPPORTS DE L’AUTOMNE 2016 DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA

INTRODUCTION

Selon le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) :

Les Premières Nations ont depuis longtemps des griefs relatifs au non-respect des traités historiques et à la mauvaise gestion de leurs terres et de leur argent. Le gouvernement du Canada a tenté à maintes reprises de résoudre ces questions[1]
Le terme « revendications particulières » renvoie généralement à des revendications des Premières Nations à l’endroit du gouvernement fédéral. Ces revendications touchent l’administration des terres et autres biens des Premières Nations, et le respect des traités conclus avec les Premières Nations, bien que ces traités ne puissent pas faire l’objet d’une nouvelle négociation[2].

Selon les données d’Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC), « en 2007, plus de 800 revendications particulières étaient en attente de règlement au Canada »; avant cette année-là, « il fallait en moyenne 13 ans pour régler une revendication particulière, et les Premières Nations avaient présenté des revendications deux fois plus rapidement que le Ministère n’y avait répondu. Les Premières Nations étaient frustrées par ces délais de règlement et par l’incapacité du gouvernement à respecter les engagements qu’il avait pris par le passé[3] ».

En 2007, le Ministère a publié un document intitulé La Justice, enfin : Plan d’action relatif aux revendications particulières. En 2008, le Parlement a adopté la Loi sur le Tribunal des revendications particulières qui prévoyait entre autres la création du Tribunal des revendications particulières. La Loi a été rédigée en collaboration avec l’Assemblée des Premières Nations (APN). Le Plan d’action, qui est entré en vigueur en 2008, visait :

  • à résorber l’accumulation de revendications et à accélérer le traitement des revendications,
  • à régler les revendications particulières en utilisant de préférence la négociation,
  • à indemniser les Premières Nations pour les préjudices subis dans le passé relativement aux obligations légales du Canada qui n’avaient pas été exécutées[4].

En échange, les « Premières Nations devaient accepter de ne jamais réactiver une revendication réglée. Comme il est mentionné dans le Plan d’action, le caractère irrévocable du règlement procure une certitude pour les Premières Nations, le gouvernement, les entreprises et les collectivités[5] ».

Le Plan d’action a aussi lancé une réforme en profondeur du processus de règlement des revendications particulières, dans le cadre de laquelle le gouvernement a pris un engagement à l’égard des quatre volets suivants[6] :

  • Impartialité et équité,
  • Transparence accrue,
  • Accélération du traitement,
  • Recours amélioré à la médiation[7].

En vertu du Plan d’action, AANC et le ministère de la Justice Canada ont tous deux les rôles et les responsabilités suivants[8] :

  • Affaires autochtones et du Nord Canada est responsable d’évaluer les revendications particulières et d’organiser les négociations requises, au nom du gouvernement du Canada, ainsi que de s’assurer que le Plan d’action est mis en œuvre de manière rentable. Cette obligation comprend la surveillance des activités et des résultats et la préparation de rapports connexes.
  • Le ministère de la Justice Canada doit aider Affaires autochtones et du Nord Canada à déterminer si une revendication particulière présentée touche une obligation légale non exécutée du Canada, donner des avis juridiques à Affaires autochtones et du Nord Canada durant les négociations et représenter le Canada devant le Tribunal des revendications particulières et les autres tribunaux[9].

Enfin, le Plan d’action prévoyait un budget pour le processus de règlement des revendications particulières, comprenant un financement sous forme de contributions et de prêts, afin de permettre aux Premières Nations de participer au processus[10]. Selon le BVG :

 [L]es dépenses fédérales pour le fonctionnement, l’entretien et les salaires s’élevaient à environ 16,6 millions de dollars en moyenne par année pour les exercices allant de 2013-2014 à 2015-2016. Au cours de cette période, le financement pour appuyer la participation des Premières Nations au processus des revendications particulières a été réduit, passant d’environ 14 millions de dollars en 2013-2014 à 9 millions de dollars par année en moyenne pour les deux exercices subséquents[11].

Au cours de l’automne 2016, le BVG a publié un audit de rendement pour déterminer si le Ministère avait géré adéquatement le règlement des revendications particulières des Premières Nations[12]. Le 15 février 2017, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) a tenu une audience à propos de cet audit[13], à laquelle ont comparu, pour le BVG, Michael Ferguson, vérificateur général du Canada et Jerome Berthelette, responsable de l’audit. Joe Wild, sous‑ministre adjoint principal, et Stephen Gagnon, directeur général de la Direction générale des revendications particulières, ont comparu pour le compte d’AANC[14].

Il convient de noter que le Comité a été très contrarié de l’absence de la sous‑ministre et l’a clairement indiqué  aux représentants du Ministère qui étaient présents. En guise de réponse, la sous-ministre a envoyé une lettre au Comité pour expliquer son absence et précisé qu’elle comparaîtrait devant le Comité en d’autres occasions. Malgré cette lettre, le Comité tient à souligner qu’il s’attend en tout temps à ce que les administrateurs responsables comparaissent devant lui lorsque leur ministère ou organisme est l’objet d’une audience.

Le processus de règlement des revendications particulières

La figure 1 montre les différentes étapes du processus de règlement des revendications particulières.

Figure 1 – Le processus de règlement des revendications particulières

Figure 1 – Le processus de règlement des revendications particulières

Source : Bureau du vérificateur général du Canada, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, pièce 6.4.

CONSTATATIONS ET RECOMMANDATIONS

Les résultats du processus de règlement des revendications particulières et des objectifs du Plan d’action La Justice, enfin 

Le BVG a constaté que si le Plan d’action La Justice, enfin vise « à ce que, chaque année, le nombre de revendications réglées soit supérieur au nombre de revendications reçues », le Ministère n’a pas réussi, toutefois, à atteindre cet objectif pour six des huit années écoulées depuis l’entrée en vigueur du Plan d’action[15]. En outre, « parmi les revendications admises pour la négociation, le nombre de revendications ayant fait l’objet d’une fermeture de dossier ou qui avaient été renvoyées devant le Tribunal des revendications particulières ou d’autres tribunaux pour cause de litige avait été plus élevé que le nombre de revendications qui avaient été réglées par la négociation[16] ».

Le BVG définit une revendication « ayant fait l’objet d’une fermeture de dossier » comme étant une revendication « dont le dossier a été fermé pendant les négociations parce que la Première Nation a décidé de retirer sa revendication ou a refusé une offre de règlement ou n’y a pas répondu. Lorsque le dossier est fermé, les négociations cessent, l’obligation légale non exécutée du gouvernement demeure et la revendication n’est pas réglée[17] ».

Toujours selon le BVG, « le Ministère avait eu recours aux services de médiation pour dénouer les impasses dans les négociations à seulement une occasion depuis que ces services avaient été établis en 2012[18] ».

Enfin, le BVG a relevé des exemples de délais de traitement très longs. Par exemple, l’une des revendications examinées « avait été soumise initialement en 1987, et le délai de traitement pour en arriver à un règlement avait été d’un peu plus de 26 ans. Toutefois, la base de données du Ministère indiquait un délai de traitement d’un peu moins de 5 ans »; de plus « 219 revendications avaient été en cours de négociation active pour une période médiane de cinq ans[19] ».

En conséquence, le BVG a recommandé qu’« en collaboration avec les Premières Nations, Affaires autochtones et du Nord Canada devrait revoir ses moyens et méthodes afin de comprendre pourquoi la majorité des revendications ne sont pas réglées par la négociation et d’améliorer le règlement des revendications conformément aux buts du Plan d’action La Justice, enfin[20] ». Le Ministère a accepté cette recommandation et a indiqué qu’AANC « travaille actuellement avec l’Assemblée des Premières Nations à l’établissement d’un processus dans le cadre duquel le Canada collaborera avec les Premières Nations pour déterminer des mesures équitables et concrètes qui permettront d’améliorer le processus de règlement des revendications particulières[21] ». Dans son plan d’action détaillé, AANC a indiqué que le « nombre de revendications particulières réglées par la négociation » sera augmenté d’ici mars 2018[22].

Dans cette optique, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que, d’ici au 30 avril 2018, Affaires autochtones et du Nord Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport dans lequel il décrit dans quelle mesure il a augmenté le nombre de revendications réglées par la négociation, conformément aux objectifs de La Justice, enfin.

Les obstacles au processus de règlement des revendications particulières

Le BVG a constaté que trois obstacles importants nuisaient au règlement de certaines revendications particulières :

  • « certaines pratiques d’Affaires autochtones et du Nord Canada n’encourageaient pas la négociation »;
  • « le financement accordé aux Premières Nations était arbitraire et irrégulier »;
  • « le partage de l’information entre le Ministère et les Premières Nations était limité[23] ».

Selon le BVG, cette constatation est importante, car les obstacles relevés :

[…] ont nui à la concrétisation de l’engagement du gouvernement et des Premières Nations qui consiste à régler de manière juste et définitive les revendications particulières. Lorsque les Premières Nations ne peuvent pas régler leurs revendications, elles les retirent ou les soumettent au Tribunal des revendications particulières ou à d’autres tribunaux. Ces alternatives ont entraîné des délais plus longs qui pourraient donner lieu à des coûts plus élevés pour le gouvernement, de l’incertitude pour l’ensemble de la population canadienne, et un accroissement de la tension entre le gouvernement et les Premières Nations[24].

Pour le BVG, ces obstacles « portent à croire que le Ministère devrait améliorer la manière dont il gère le processus afin d’être mieux en mesure de concrétiser les résultats visés par le Plan d’action[25] »; en conséquence, il a formulé les trois recommandations suivantes :

  • « En collaboration avec les Premières Nations, Affaires autochtones et du Nord Canada devrait faire en sorte que ses pratiques de négociation visant à accélérer le règlement des revendications de faible valeur (jusqu’à 3 millions de dollars) soit acceptables aux deux parties[26].» Le Ministère a accepté cette recommandation et indiqué que, d’ici l’automne 2017, « [a]vec l’accord du Groupe de travail technique mixte composé de représentants de l’Assemblée des Premières Nations et du Canada, [il créera] un sous-comité chargé d’examiner des options et de faire des recommandations au sujet d’un processus d’évaluation et de négociation pour les revendications de faible valeur[27]. »
  • « Affaires autochtones et du Nord Canada devrait travailler avec les Premières Nations à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une stratégie visant à utiliser davantage la médiation[28] .» Le Ministère a accepté cette recommandation et indiqué que, d’ici l’automne 2017, les recommandations du « Groupe de travail technique mixte composé de représentants de l’Assemblée des Premières Nations et du gouvernement du Canada [recevra] les recommandations de son sous-comité sur le recours à des services de médiation[29]. »
  • « Affaires autochtones et du Nord Canada devrait mettre à jour son site Web pour montrer l’ensemble des pratiques de négociation utilisées pour chacun des types de revendications particulières[30]. » Le Ministère a accepté cette recommandation et indiqué que les révisions apportées au site Web seront confirmées d’ici l’été 2017 et que d’ici décembre 2017, « le site Web d’AANC [contiendra] de l’information à jour et exacte au sujet des pratiques entourant la négociation de revendications territoriales[31]. »

Interrogé à propos de certains de ces points, par exemple les revendications de faible valeur, Stephen Gagnon, directeur général de la Direction générale des revendications particulières à AANC, a répondu ce qui suit :

En 2014, le Tribunal des revendications particulières s’est prononcé sur notre façon de régler les revendications de faible valeur. Le juge nous a dit qu’en effet, cela ne constituait pas une négociation, alors nous avons modifié notre pratique en conséquence[32].

M. Wild, à propos des raisons pour lesquelles AANC n’avait pas eu recours à la médiation plus tôt, a fait la remarque suivante :

[J]e ne suis pas convaincu que le gouvernement était prêt à s’engager dans la voie de la médiation en raison de sa culture. Je crois que c’est un écueil. L’apprentissage est long, car les fonctionnaires ne se sentent pas nécessairement prêts à recourir à cet outil pour traiter des revendications qui doivent donner lieu à des indemnisations[33].

De plus, en ce qui concerne la mise à jour en temps voulu du contenu du site Web d’AANC relativement au processus de règlement des revendications particulières, M. Gagnon a déclaré ce qui suit :

Encore là, nous essayons de travailler en collaboration. On nous a accusés par le passé d’agir unilatéralement. Nous pouvions afficher certaines informations sans que les Premières Nations aient l’impression d’avoir eu voix au chapitre, ce qui minait d’autant la crédibilité de notre travail. C’est la façon dont je vois les choses. Nous souhaiterions progresser aussi rapidement que possible et c’est l’échéancier que nous essayons de respecter[34].

Étant donné l’importance de régler ces questions pour améliorer le processus de règlement des revendications particulières, le Comité recommande :

Recommandation 2

Que, d’ici au 30 avril 2018, Affaires autochtones et du Nord Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport dans lequel il décrit les progrès réalisés quant aux pratiques de négociation des revendications de faible valeur; à l’élaboration et à la mise en œuvre  d’une stratégie visant un recours plus fréquent à la médiation; et à la mise à jour de son site Web conformément à l’ensemble des pratiques de négociation utilisées pour tous les types de revendications particulières.

Pour ce qui est du rôle du Ministère concernant le financement des Premières Nations afin qu’elles participent davantage au processus de règlement des revendications particulières et au partage de l’information, le BVG a fait les trois recommandations suivantes :

  • « En collaboration avec les Premières Nations, Affaires autochtones et du Nord Canada devrait élaborer une méthode claire et cohérente pour l’allocation du financement aux Premières Nations afin d’appuyer adéquatement la recherche et la préparation des revendications[35]. » Le Ministère a accepté cette recommandation et indiqué que, d’ici l’automne 2017, « [l]e Groupe de travail technique mixte composé de représentants de l’Assemblée des Premières Nations et du gouvernement du Canada [recevra] les recommandations de son sous-comité sur le financement de la recherche et de la préparation des revendications[36]. »
  • « En collaboration avec les Premières Nations, Affaires autochtones et du Nord Canada devrait élaborer une méthode fondée sur des données probantes pour le financement par emprunt afin d’appuyer adéquatement la participation des Premières Nations au processus de négociation[37]. » Le Ministère a accepté cette recommandation et indiqué que, d’ici l’automne 2017, avec l’accord du Groupe de travail technique mixte composé de représentants de l’Assemblée des Premières Nations et du gouvernement fédéral, il « élargir[a] le mandat du sous‑comité sur le financement de la recherche pour inclure la formulation de recommandations sur le financement (prêt) des négociations[38]. »
  • « Affaires autochtones et du Nord Canada devrait travailler avec les Premières Nations pour s’assurer que son processus visant à régler les revendications comprend une étape à laquelle les Premières Nations sont mises au courant des faits sur lesquels le ministère de la Justice Canada s’appuiera pour évaluer si les revendications des Premières Nations comportent une obligation légale non exécutée pour le gouvernement du Canada[39]. » Le Ministère a accepté cette recommandation et indiqué que, d’ici l’été 2017, en consultation avec le ministère de la Justice, il « définira les protocoles d’échange d’information[40] ». D’ici l’automne 2017, dans la mesure du possible, AANC « [fera] connaître aux Premières Nations le point de vue du Canada au sujet de leurs revendications avant que celles-ci ne soient soumises à l’examen du ministère de la Justice » et « travailler[a] avec les demandeurs des Premières Nations pour définir les faits et les enjeux convenus[41]. »

Interrogé sur ces points, notamment au sujet du financement des Premières Nations afin de faciliter leur participation au processus, M. Gagnon a expliqué qu’un groupe de travail technique mixte, coprésidé par AANC et l’APN, supervise actuellement les travaux concertés réalisés, en vue de régler des questions prioritaires telles que le financement pour soutenir la recherche et la préparation des revendications particulières[42].

Par ailleurs, au sujet des motifs pour lesquels le Tribunal avait renversé 12 des 14 décisions du Ministère qui avait jugé que les revendications visées ne comportaient pas d’obligation légale non exécutée, M. Wild a répondu ce qui suit :

Cela montre que la façon dont « l’obligation légale » est évaluée et interprétée est trop étroite et conservatrice. C’est la leçon que nous pouvons tirer des décisions du tribunal.
Le meilleur exemple que je puisse vous donner serait la revendication de la Bande Beardy’s et Okemasis nos 96 et 97 c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada. Notre démarche consistait à dire que si, dans une revendication, il semblait y avoir un avantage individuel, comme le paiement des annuités, plutôt qu’un avantage collectif pour la Première Nation, nous n’avions pas le pouvoir ni le mandat de la régler.
Dans le cas de la bande Beardy’s, le tribunal a déclaré que le droit à des annuités prévu par un traité était un droit collectif. Nous les avions plutôt considérés comme étant des paiements individuels. Par conséquent, il a fallu retourner en arrière, puis passer en revue tous les cas dans lesquels il était question de paiement d’annuités et rouvrir les dossiers qui étaient fermés[43].

Pour répondre à ces préoccupations, le Comité recommande donc :

Recommandation 3

Que, d’ici au 30 avril 2018, Affaires autochtones et du Nord Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport dans lequel il décrit les progrès réalisés quant à l’élaboration d’une méthode de financement des Premières Nations claire et cohérente en vue d’appuyer adéquatement la recherche et la préparation des revendications; à l’élaboration d’une méthode fondée sur des données probantes pour le financement par emprunt afin d’appuyer adéquatement la participation des Premières Nations au processus de négociation; et à l’assurance que les Premières Nations sont mises au courant des faits sur lesquels le ministère de la Justice Canada s’appuiera pour évaluer si les revendications des Premières Nations comportent une obligation légale non exécutée pour le gouvernement du Canada.

L’utilisation de l’information disponible et des commentaires reçus pour améliorer la mise en œuvre du processus de règlement des revendications particulières

Le BVG a constaté que le Ministère était en mesure de tenir compte des répercussions des décisions du Tribunal des revendications particulières, mais qu’il était incapable de fournir des éléments probants « indiquant qu’il avait un processus officiel pour cerner les améliorations et faire les modifications requises[44] ». En outre, le BVG n’a relevé « aucun élément probant démontrant que le Ministère avait amélioré son processus des revendications particulières en se fondant sur la rétroaction officielle reçue des parties internes et externes relativement au processus ou sur l’information qu’il avait concernant les préoccupations des Premières Nations à l’égard de ce processus[45] ».

Par ailleurs, « une évaluation, menée en 2011, recommandait au Ministère de communiquer aux intervenants l’information sur le processus s’appliquant aux revendications d’une valeur supérieure à 150 millions de dollars »; or, le BVG a constaté que « le Ministère avait accepté cette recommandation, mais qu’il ne l’avait pas mise en œuvre[46] ».

Par conséquent, le BVG a recommandé qu’« en collaboration avec les Premières Nations, Affaires autochtones et du Nord Canada devrait au point des pratiques pour recueillir de l’information et des commentaires sur le processus des revendications particulières[47] ». Selon le BVG, ces pratiques « devraient être conçues pour améliorer le processus des revendications particulières et ses résultats[48] ».

Le Ministère a accepté cette recommandation et déclaré qu’il travaillait avec l’Assemblée des Premières Nations pour trouver des moyens d’améliorer le processus de règlement des revendications particulières, « y compris l’établissement d’une terminologie claire et une compréhension commune de l’information qui est communiquée[49] ». Dans son plan d’action, AANC indiquait que le « Groupe de travail technique mixte composé de représentants de l’Assemblée des Premières Nations et du gouvernement fédéral [recevra] les recommandations de son sous-comité sur les rapports publics » d’ici l’automne 2017[50].

En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 4

Que, d’ici au 30 avril 2018, Affaires autochtones et du Nord Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport dans lequel il décrit les progrès réalisés quant à l’élaboration de pratiques visant à recueillir de l’information et des commentaires concernant le processus de règlement des revendications particulières, à en assurer une vérification et à y donner suite.

Les rapports du Ministère sur le processus de règlement des revendications particulières

Le BVG a constaté que, dans l’ensemble, « les rapports publics d’Affaires autochtones et du Nord Canada étaient incomplets et qu’ils ne présentaient pas l’information nécessaire pour comprendre les résultats réels du processus des revendications particulières. Plus particulièrement, le Ministère n’avait pas rendu compte publiquement de certains résultats négatifs du processus[51]. »

Le BVG accorde de l’importance à ce point, car « le gouvernement tente depuis plusieurs dizaines d’années de mettre en place un processus efficace pour régler les revendications particulières et s’acquitter des obligations légales non exécutées de la Couronne à l’égard des Premières Nations. Des rapports incomplets pourraient donner lieu à des conclusions erronées à propos du succès du programme[52] » de la part des parlementaires et de la population canadienne en général[53].

Par exemple, le BVG a attiré l’attention du Comité sur l’affirmation du Ministère selon laquelle, au 31 juillet 2016, 136 revendications avaient été réglées en vertu du Plan d’action[54]. Or, le BVG est d’avis que « seules 47 de ces 136 revendications ont été réglées par l’entremise des réformes apportées au processus du Plan d’action. Les 89 autres revendications étaient déjà en cours de négociation, étaient sur le point d’être résolues ou étaient déjà réglées (dans le cas de 28 de ces revendications) avant que la Loi sur le Tribunal des revendications particulières et les réformes apportées au processus du Plan d’action n’entrent en vigueur. Selon le Ministère, en juillet 2016, 2,3 milliards de dollars avaient été versés aux Premières Nations au titre du règlement de revendications particulières. De ce montant, 98 % avaient servi à régler les 89 revendications mentionnées ci-dessus[55]. »

Afin de régler ces points, le BVG avait recommandé ce qui suit :

  • « Affaires autochtones et du Nord Canada devrait présenter des rapports clairs et complets sur le processus des revendications particulières afin de permettre au gouvernement et aux Canadiens d’évaluer les résultats réels[56]. » Le Ministère a accepté cette recommandation et indiqué qu’il travaillait avec l’Assemblée des Premières Nations pour « déterminer des mesures équitables et concrètes qui permettront d’améliorer le processus de règlement des revendications particulières, y compris l’établissement d’une terminologie claire et une compréhension commune de l’information qui est communiquée. Affaires autochtones et du Nord Canada améliore constamment ses exigences en matière de rapports afin de les harmoniser avec celles du Bureau du Conseil privé, du Secrétariat du Conseil du Trésor et du ministère des Finances Canada[57]. »
  • « Affaires autochtones et du Nord Canada devrait maintenir à jour sur son site Web l’information sur le processus des revendications particulières[58]. » Le Ministère a accepté cette recommandation et indiqué qu’il « veillera à ce que l’information diffusée sur son site Web soit mise à jour conformément à l’Initiative de renouvellement du Web dirigée par Services partagés Canada et dans le respect des lignes directrices du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada[59]. »

Interrogé sur ces questions, M. Wild a répondu ce qui suit :

Nous devons collaborer à certains égards avec l’Assemblée des Premières Nations de telle sorte que l’information que nous rendons disponible soit une représentation fidèle de leurs besoins et de leurs intérêts. Les détails techniques concernant le site Web doivent être réglés avec Services partagés Canada sans que d’autres parties n’aient à intervenir[60]

Pour sa part, M. Gagnon a expliqué que :

Nous collaborons avec l’Assemblée des Premières Nations et d’autres groupes pour nous assurer d’avoir la même compréhension de ce qui est publié et de ce que cela signifie. Les Premières Nations trouvaient qu’on donnait l’impression d’avoir réalisé plus de progrès que ce n’était le cas en réalité. Nous essayons de nous entendre là-dessus[61]

À la lumière de ce témoignage, le Comité recommande :

Recommandation 5

Que, d’ici au 30 avril 2018, Affaires autochtones et du Nord Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport donnant toute l’information nécessaire sur le processus de règlement des revendications particulières pour permettre au gouvernement et aux Canadiens d’évaluer les résultats concrets et confirmer que le Ministère tient à jour sur son site Web l’information relative au processus de règlement des revendications particulières.

CONCLUSION

En conclusion, le Comité convient avec le BVG qu’AANC a mal géré le règlement des revendications particulières des Premières Nations, de la manière définie pour les besoins du présent audit de rendement. En effet, cette étude a permis de constater que les compressions budgétaires et l’absence de communication de l’information entre le Ministère et les Premières Nations « ont créé des obstacles à l’accès des Premières Nations au processus de règlement des revendications particulières[62] ». Par ailleurs, le BVG a constaté qu’AANC « n’a pas accru l’utilisation des services de médiation et […] n’a pas utilisé l’information disponible ni la rétroaction reçue pour améliorer le rendement du programme[63] ».

Enfin, le BVG a constaté que « l’information sélective présentée par [AANC] sur le processus des revendications particulières brossait un tableau incomplet des résultats réels. Il était donc difficile pour les parlementaires et les Canadiens d’évaluer correctement le succès global du programme[64]. »

Dans le présent rapport, le Comité formule cinq recommandations qui le muniront des renseignements nécessaires pour évaluer si AANC a bien corrigé le tir. Pour pouvoir faire profiter les Premières Nations – dont les doléances concernant le non-respect de traités historiques et la mauvaise gestion de leurs terres et de leur argent ne datent pas d’hier –, de La Justice, enfin, le gouvernement fédéral doit veiller à ce que le processus de règlement des revendications particulières donne des résultats concrets.

RÉSUMÉ DES MESURES RECOMMANDÉES ET DES ÉCHÉANCES QUI LEUR SONT ASSOCIÉES

Tableau 1 – Résumé des mesures recommandées et des échéances qui leur sont associées

Recommandation

Mesure recommandée

Échéance

Recommandation 1 (p. 6)

Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC) doit présenter au Comité un rapport dans lequel il décrit dans quelle mesure il a augmenté le nombre de revendications réglées par la négociation, conformément aux objectifs du Plan d’action La Justice, enfin.

30 avril 2018

Recommandation 2 (p. 8)

AANC doit fournir au Comité un rapport dans lequel il décrit les progrès réalisés quant aux pratiques de négociation pour les revendications de faible valeur; à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une stratégie visant un recours plus fréquent à la médiation; et  à la mise à jour de son site Web conformément à l’ensemble des pratiques de négociation utilisées pour tous les types de revendications particulières.

30 avril 2018

Recommandation 3 (p. 10)

AANC doit fournir au Comité un rapport dans lequel il décrit les progrès réalisés quant à l’élaboration d’une méthode de financement des Premières Nations claire et cohérente en vue d’appuyer adéquatement la recherche et la préparation des revendications; à l’élaboration d’une méthode fondée sur des données probantes pour le financement par emprunt afin d’appuyer adéquatement la participation des Premières Nations au processus de négociation; et à l’assurance que les Premières Nations sont mises au courant des faits sur lesquels le ministère de la Justice Canada s’appuiera pour évaluer si les revendications des Premières Nations comportent une obligation légale non exécutée pour le gouvernement du Canada.

30 avril 2018

Recommandation 4 (p. 12)

AANC doit fournir au Comité un rapport dans lequel il décrit les progrès réalisés quant à l’élaboration de pratiques visant à recueillir de l’information et des commentaires concernant le processus de règlement des revendications particulières, à en assurer une vérification et à leur donner suite.

30 avril 2018

Recommandation 5 (p. 14)

AANC doit fournir au Comité un rapport donnant toute l’information nécessaire sur le processus de règlement des revendications particulières pour permettre au gouvernement et aux Canadiens d’évaluer les résultats concrets et confirmer que le Ministère tient à jour sur son site Web l’information relative au processus de règlement des revendications particulières.

30 avril 2018


[1]              Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.1.

[2]              Ibid., paragr. 6.4.

[3]              Ibid., paragr. 6.6.

[4]              Ibid., paragr. 6.7.

[5]              Ibid., paragr. 6.8.

[6]              Ibid., paragr. 6.9.

[7]              Ibid., pièce 6.2.

[8]              Ibid., paragr. 6.10.

[9]              Ibid.

[10]           Ibid., paragr. 6.11.

[11]           Ibid.

[12]           Ibid., paragr. 6.12.

[13]           Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 février 2017, Réunion 45.

[14]           Ibid.

[15]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.21.

[16]           Ibid.

[17]           Ibid.

[18]           Ibid.

[19]           Ibid., paragr. 6.31.

[20]           Ibid., paragr. 6.32.

[21]           Ibid.

[22]           Affaires autochtones et du Nord Canada, Plan d’action détaillé, p. 6.

[23]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.33.

[24]           Ibid., paragr. 6.35.

[25]           Ibid., paragr. 6.36.

[26]           Ibid., paragr. 6.45.

[27]           Affaires autochtones et du Nord Canada, Plan d’action détaillé, p. 6.

[28]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.46.

[29]           Affaires autochtones et du Nord Canada, Plan d’action détaillé, p. 7.

[30]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.47.

[31]           Affaires autochtones et du Nord Canada, Plan d’action détaillé, p. 7.

[32]           Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 février 2017, Réunion 45, 1650.

[33]           Ibid., 1710.

[34]           Ibid., 1730.

[35]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.52.

[36]           Affaires autochtones et du Nord Canada, Plan d’action détaillé, p. 8.

[37]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.53.

[38]           Affaires autochtones et du Nord Canada, Plan d’action détaillé, p. 8.

[39]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.55.

[40]           Affaires autochtones et du Nord Canada, Plan d’action détaillé, p. 9.

[41]           Ibid.

[42]           Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 février 2017, Réunion 45, 1645.

[43]           Ibid., 1655.

[44]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.56.

[45]           Ibid.

[46]           Ibid., paragr. 6.63.

[47]           Ibid., paragr. 6.66.

[48]           Ibid.

[49]           Affaires autochtones et du Nord Canada, Plan d’action détaillé, p. 10.

[50]           Ibid.

[51]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.67.

[52]           Ibid., paragr. 6.68.

[53]           Ibid., paragr. 6.73.

[54]           Ibid., paragr. 6.74.

[55]           Ibid.

[56]           Ibid., paragr. 6.79.

[57]           Affaires autochtones et du Nord Canada, Plan d’action détaillé, p. 11.

[58]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.80.

[59]           Affaires autochtones et du Nord Canada, Plan d’action détaillé, p. 11.

[60]           Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 février 2017, Réunion 45, 1720.

[61]           Ibid., 1700.

[62]           BVG, « Rapport 6 — Les revendications particulières des Premières Nations — Affaires autochtones et du Nord Canada », Rapports de l’Automne 2016 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.81.

[63]           Ibid., paragr. 6.82.

[64]           Ibid., paragr. 6.83.