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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 137 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 février 2019

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Merci à tous d'être ici.
    Nous recevons aujourd'hui deux témoins, qui comparaissent tous les deux par vidéoconférence.
    Nous effectuons aujourd'hui notre étude sur l'état de la liberté de la presse dans le monde, en mettant particulièrement l'accent sur le Myanmar et le Venezuela.
    Nous recevons Emmanuel Colombié.

[Français]

     Depuis juillet 2015, il est directeur du bureau en Amérique latine de Reporters sans frontières. Il habite à Rio de Janeiro. Reporters sans frontières est notamment réputé pour son classement mondial de la liberté de la presse, qu'il produit chaque année.

[Traduction]

    Je ferais remarquer que le Venezuela y figure au 143e rang et le Myanmar, au 137e. C'est une information probablement pertinente aujourd'hui.
    Nous entendrons également Linda Lakhdhir, conseillère juridique à la division de l'Asie pour Human Rights Watch. Elle a écrit un rapport intitulé Dashed Hopes: the Criminalization of Peaceful Expression in Myanmar.
    Nos témoins sont fort bien placés pour répondre aux questions qui concernent particulièrement le Venezuela et le Myanmar, sur lesquels porte notre étude.
    Nous accorderons d'abord 10 minutes à chaque témoin, puis les membres du Comité les interrogeront.

[Français]

    Nous allons commencer par vous, monsieur Colombié. Vous avez dix minutes.
    Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui pour parler d'un sujet évidemment très préoccupant et très important pour Reporters sans frontières notamment, mais pour tous les défenseurs de la liberté de la presse partout dans le monde.
     En quelques mots, Reporters sans frontières est un organisme international dont le siège est à Paris. Il travaille depuis plus de 30 ans à la promotion et à la défense de la liberté de la presse et de la liberté de l'information, avec des représentants et des correspondants sur le terrain, des bureaux régionaux, comme le bureau que je dirige depuis Rio de Janeiro qui est chargé de l'Amérique latine, du Mexique jusqu'à la Patagonie.
    Le travail que je mène depuis ce bureau est un travail de plaidoyer pour la liberté de la presse. Nous dénonçons, dans des communiqués sur des réseaux sociaux, mais également dans des lettres ouvertes, les cas les plus graves d'attaque contre la liberté de la presse. Nous faisons également le travail d'assistance en venant en aide à des médias et à des journalistes dans des situations de vulnérabilité sur tous les continents et dans tous les pays que nous couvrons.
    Le bureau de Rio de Janeiro travaille en priorité sur une liste réduite de pays, parmi lesquels figure le Mexique. Comme vous le savez, le Mexique est un pays où il y a énormément d'assassinats de journalistes. Ils se font tuer parce qu'ils font leur travail, tout simplement. Nous travaillons également sur le Brésil et la Colombie et, depuis maintenant plusieurs mois, sur le Nicaragua et le Venezuela. Le Nicaragua connaît une dérive autoritaire dramatique. Dans le cadre de cette dérive autoritaire, les journalistes indépendants et les journalistes d'opposition, donc ceux qui ne reprennent pas la ligne officielle du président Ortega, sont persécutés, censurés, arrêtés, violentés, insultés, menacés, et ainsi de suite.
    Pour en revenir au sujet du jour, le Venezuela, comme vous le savez, traverse une grave crise économique, qui s'est accentuée depuis 2016, en même temps qu'une grave crise politique, qui a pris un nouveau virage en janvier avec, d'une part, l'élection pour un deuxième mandat du président Maduro et, d'autre part, l'autoproclamation de Juan Guaidó comme président intérimaire du pays, le 23 janvier.
    Dans ce contexte de fortes tensions politiques — et c'est une tendance qu'on observait déjà avant cette nouvelle dérive et cette nouvelle aggravation de la crise —, les journalistes vénézuéliens, qu'ils soient de la presse écrite, de la radio, de la télévision ou sur Internet, sont victimes de la censure d'État orchestrée et mise en place par l'administration du président Maduro. Cette censure existe depuis de longs mois, voire plusieurs années. Elle s'est intensifiée en ce début d'année 2019, mais c'est une réalité que nous observons depuis très longtemps.
    Le gouvernement du président Maduro utilise plusieurs techniques pour censurer les médias indépendants, les médias d'opposition et, en gros, toutes les voix trop critiques de son administration. Cette censure peut prendre différentes formes. Par exemple, il y a au Venezuela la commission de régulation des communications qui s'appelle la CONATEL. Cette commission, que ce soit par des courriers ou par des interventions directes dans les locaux des médias indépendants, va tout simplement priver de fréquences les chaînes de radio et de télévision pour les empêcher d'émettre leurs informations.
    C'est une chose qui a été faite. La CONATEL a abusé, en janvier, toutes les chaînes de télévision d'opposition qui souhaitaient transmettre en direct le discours de Juan Guaidó. Elles ont été censurées par la CONATEL qui leur a coupé les fréquences leur permettant de diffuser leurs programmes. Les chaînes de radio et de télévision peuvent subir ce genre de pratiques.

  (1310)  

    Les journaux écrits quotidiens ou hebdomadaires sont confrontés à un autre type de censure encore plus vicieuse: la pénurie de papier. Au Venezuela, c'est le gouvernement qui contrôle la distribution du papier, la matière première, et qui en a le monopole. Les autorités utilisent ce monopole pour empêcher la presse écrite d'opposition d'avoir accès au papier. Ainsi, de très nombreux journaux ne peuvent plus paraître parce qu'ils ne disposent plus de papier pour l'impression. Il s'agit d'un autre exemple de la censure de l'État. C'est très fréquent. Cela ne date pas de 2019.
    Il y a des arrestations arbitraires de journalistes dans le cadre de manifestations de l'opposition. Il y a des arrestations effectuées par la police antiémeute, le SEBIN, soit le service d'espionnage et de contre-espionnage vénézuélien. Ce service procède à des arrestations arbitraires de journalistes d'opposition, qui ne suivent pas la ligne officielle du gouvernement.
    La police antiémeute se livre à des détentions arbitraires. Elle confisque et détruit du matériel. Elle va directement voir les journalistes d'opposition pour détruire leurs caméras, leurs appareils photo, et ainsi de suite. Je vous parlais là du contexte national. Je pourrais vous dresser une liste plus longue des moyens de censure qui sont à la disposition du président Maduro. Il y en a d'autres, mais revenons aux actualités récentes.
    Le sort réservé aux journalistes de la presse internationale est un aspect encore plus préoccupant de cette censure. Il s'agit des agences, mais aussi des médias internationaux. En 24 heures, nous avons vu pas moins de sept journalistes étrangers qui s'étaient rendus au Venezuela pour couvrir la crise politique être arrêtés arbitrairement. Une fois encore, ce sont les forces de l'ordre vénézuéliennes qui ont sévi alors que ces personnes étaient en train de faire leur travail d'information. Des journalistes chiliens et colombiens, un journaliste espagnol, deux journalistes français et un journaliste brésilien ont été arrêtés, placés en détention arbitrairement et interrogés. Au bout d'un certain nombre d'heures, ils ont pu être libérés grâce notamment au travail de leurs ambassades respectives. La plupart d'entre eux ont été escortés par la police jusqu'à l'aéroport international de Caracas avant d'être purement et simplement expulsés du pays. On leur a demandé de quitter le pays et de cesser leur travail d'information, même s'ils s'étaient tous présentés comme journalistes à leur arrivée au Venezuela.
     C'est évidemment une chose très grave et nous l'avons dénoncée. Nous avons notamment écrit plusieurs fois au secrétaire général des Nations unies pour lui signaler ces pratiques. Elles ne sont pas franchement nouvelles, mais elles s'intensifient depuis le début de l'année 2019, ce qui est très préoccupant. Étant donné que la crise politique au Venezuela est loin d'être résolue, nous, à Reporters sans frontières, mais aussi toutes les organisations qui défendent la liberté de la presse, sommes très inquiets quant à l'avenir de la liberté de l'information au pays. Il est de plus en plus difficile pour les journalistes de décrire la réalité, de parler de ce qui se passe, de la crise économique, de la pénurie d'aliments, de la répression et du contexte très tendu dans lequel s'amorce l'année 2019.
    Il y a le manque d'information à l'échelle internationale et les problèmes de censure, mais je voudrais terminer mon intervention en soulignant que cette situation est dramatique surtout pour le peuple vénézuélien, qui n'a pas accès à des informations indépendantes, contrastées, objectives ou critiques sur ce qui se passe au pays. Le jour de l'investiture de Juan Guaido, les médias vénézuéliens n'ont transmis que le discours du président Maduro. Le peuple vénézuélien n'a pas eu accès aux informations relatant ce qui se passait ce jour-là dans son propre pays puisque les chaînes de radio et de télévision avaient été censurées a priori par le gouvernement.
    Je voulais simplement vous présenter ce panorama et vous dire à quel point nous sommes inquiets de l'avenir de la liberté de la presse au Venezuela.

  (1315)  

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Colombié.

[Traduction]

    Nous entendrons maintenant Linda Lakhdhir, de Human Rights Watch, qui dispose de 10 minutes.
    Les espoirs que le premier gouvernement civil élu démocratiquement au Myanmar depuis des décennies protégerait mieux la liberté d'expression ne se sont pas concrétisés. Nous assistons plutôt, depuis près de trois ans, à un déclin de la liberté de la presse au pays et à une augmentation du nombre de journalistes arrêtés, détenus et emprisonnés arbitrairement en vertu de lois pénales à la formulation vague et générale. Certains sujets semblent particulièrement risqués pour les journalistes, comme les comportements abusifs de l'armée birmane, particulièrement dans les régions ethniques, les allégations de corruption des fonctionnaires ou les critiques formulées à leur endroit, l'armée, ainsi que le mouvement ultranationaliste du Myanmar. Des journalistes qui ont tenté de traiter de ces questions ont été arrêtés.
    Dans l'affaire la plus connue, deux reporters de Reuters, Wa Lone et Kyaw Soe Oo, se sont vu infliger une peine de sept ans d'emprisonnement aux termes de la Loi birmane sur les secrets officiels, selon toute apparence pour les punir d'avoir révélé un massacre perpétré dans un village de Inn Din, dans l'État de Rakhine.
    Ce n'est là qu'un des nombreux cas de journalistes arrêtés au Myanmar ces dernières années. Selon le groupe de la société civile Athan, jusqu'en septembre 2018, au moins 43 journalistes ont été arrêtés au Myanmar depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement dirigé par la Ligue nationale pour la démocratie. Ces arrestations ont eu un effet dissuasif considérable sur les journalistes travaillant dans ce pays.
    Je vous donnerai quelques exemples de l'utilisation des lois pénales contre des journalistes au Myanmar.
    Lawi Weng, de l'Irrawaddy, et deux reporters de Democratic Voice of Burma ont été arrêtés après s'être rendus dans une région contrôlée par un groupe armé ethnique afin de faire un reportage sur une cérémonie de brûlage de drogue tenue par ce groupe. Ils faisaient leur travail en publiant la nouvelle. Mais alors qu'ils retournaient à Rangoon, ils ont été arrêtés et accusés d'avoir violé la Loi sur les associations illégales du Myanmar, une loi à très large portée utilisée pour punir tous ceux dont on pense qu'ils ont des contacts avec un des nombreux groupes ethniques armés du pays. Ils ont été détenus pendant deux mois avant que l'affaire ne soit finalement abandonnée après l'attaque menée dans l'État de Rakhine en 2017.
    Même si l'affaire a été abandonnée, le message envoyé était très clair: les reporters qui voyagent dans les régions en proie à des conflits ou qui ont des contacts avec des groupes armés ethniques et font des reportages à ce sujet risquent d'être arrêtés dans ce pays.
    Les nombreuses lois birmanes faisant de la diffamation une infraction criminelle sont également utilisées contre les journalistes. Cette pratique nuit sérieusement à la liberté de la presse.
    Par exemple, Swe Win, cofondateur du service de nouvelles Myanmar Now, fait l'objet d'un procès depuis 18 mois et est accusé de diffamation criminelle à l'endroit du moine ultranationaliste Wirathu. Après que ce dernier eut publié une déclaration dans laquelle il se réjouissait du meurtre de l'avocat U Ko Ni, Swe Win a demandé à un reporter de voir comment cette déclaration devrait être analysée en vertu du droit pénal et des règles du bouddhisme. Dans son article, ce reporter citait les propos d'un moine affirmant que Wirathu devrait être défroqué pour avoir toléré un meurtre.
    Cet article a été publié par Myanmar Now et sur la page Facebook personnelle de Swe Win, qui a été accusé d'avoir diffamé le moine Wirathu. Au cours des 18 derniers mois, il a dû parcourir 630 kilomètres à l'aller et au retour pour se rendre à Mandalay aux deux semaines pour subir son procès, ce qui a gravement perturbé sa vie personnelle et professionnelle. Il a déclaré que selon lui, cette affaire semait la crainte dans toutes les salles de nouvelles, où on avait peur de traiter des questions relatives aux moines bouddhistes et au mouvement nationaliste au pays.
    Dans au moins deux cas, des journalistes ont été arrêtés pour leurs propos manifestement satiriques. Le Voice Daily a publié une critique satirique d'un film produit par l'armée et diffusé à la télévision nationale, ce qui a entraîné l'arrestation du rédacteur en chef pour diffamation de l'armée.
    Le rédacteur en chef d'un petit journal de la région de Tanintharyi est actuellement poursuivi pour avoir diffamé un administrateur régional dans un article satirique sur une élection locale.
    Toutes ces arrestations et ces détentions ont instauré un climat de peur au Myanmar, particulièrement parmi les journalistes locaux. Un journaliste local m'a indiqué que ces journalistes se sentent bien plus vulnérables que les journalistes du reste du monde, puisqu'ils vivent au pays et ne bénéficient pas de réseaux de soutien comme les autres journalistes. Il a affirmé que la sécurité des journalistes locaux n'était pas garantie dans le cadre de leur travail.
    Des activistes et des citoyens ordinaires ont également été arrêtés pour avoir parlé de questions comme la corruption et les pratiques abusives de l'armée. Des gens ont été arrêtés pour avoir parlé aux médias d'une frappe militaire contre une église de l'État Kachin, réclamé de l'aide pour des citoyens pris au piège pendant un conflit entre le Tatmadaw et l'armée indépendante kachin ou fait des allégations de corruption contre le ministre régional, voire pour avoir dit ce que c'était que d'être un enfant soldat dans l'armée birmane.
    Aung Ko Htway purge actuellement une peine de deux ans de détention pour avoir accordé une entrevue à Radio Free Asia, au cours de laquelle il a parlé de son vécu d'enfant soldat au Myanmar.

  (1320)  

     En raison des poursuites intentées contre ceux qui parlent de ce genre de questions, les journalistes éprouvent bien plus de difficultés à recueillir des histoires et à faire des reportages sur des sujets très importants dans le pays, comme les pratiques abusives de l'armée, la corruption et les enfants soldats, parce que les gens ont peur de parler et les journalistes craignent bien plus de traiter de ces questions.
    Les journalistes qui abordent des sujets délicats s'exposent également à une autre menace...
    Veuillez m'excuser de vous interrompre, mais nous éprouvons un problème technique. Je vais devoir suspendre la séance un instant. Vous perdrez donc la communication un moment, mais rappelez-vous où vous êtes rendue, car nous allons vous revenir.
    Je vous présente mes excuses.

  (1320)  


  (1325)  

    Nous reprenons la séance.
    Pardonnez-nous cet arrêt. Nous allons faire un nouvel essai.
    Madame Lakhdhir, veuillez poursuivre votre témoignage. J'espère que le son sera meilleur cette fois.
    D'accord. Merci.
    Les journalistes et les activistes sont aussi menacés par les ultranationalistes et les militants qui appuient le gouvernement et l'armée quand ils abordent ces sujets. Esther Htusan, journaliste récipiendaire du prix Pulitzer, a quitté le Myanmar pour sa propre sécurité en décembre 2017 après avoir reçu des menaces de mort de la part de partisans du gouvernement qui n'aimaient pas ses articles sur Aung San Suu Kyi.
    Enfin, l'accès restreint à l'information et aux zones de conflit entrave la liberté des médias au Myanmar. De nombreux journalistes m'ont fait savoir que le gouvernement actuel ne réagit pas, ne fournit pas l'information et ne répond pas aux questions. L'accès à l'information pose donc problème. En outre, l'accès aux régions actuellement en conflit dans les États de Rakhine, Kachin et Chin est fortement restreint.
    J'espère que les gouvernements qui se préoccupent de la question, comme le gouvernement du Canada, peuvent exercer des pressions sur le gouvernement du Myanmar pour qu'il prenne des mesures afin d'améliorer la liberté des médias. Le rapport que je veux diffuser, qui a été publié vendredi, énumère un grand nombre de lois qui sont utilisées contre des journalistes et des citoyens ordinaires aux propos pacifiques, des lois qui devraient être modifiées ou abrogées.
    Je m'arrêterai là. Merci.
    Merci beaucoup de ce témoignage.
    Nous entamerons immédiatement les périodes de questions, en accordant d'abord sept minutes à M. Sweet.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins du travail formidable et courageux qu'ils accomplissent en veillant à la liberté et à la sécurité de la presse.
    Un pays libre comme le Canada et d'autres pays semblables peuvent-ils faire quelque chose en intervenant auprès de groupes sans craindre d'influencer les médias eux-mêmes? Notre pays peut-il faire quelque chose qui n'a pas encore été fait pour aider les journalistes, particulièrement dans les régions où leur vie est en danger? Nous avons mentionné deux pays au sujet desquels nous avons réalisé de nombreuses études: le Venezuela et le Myanmar. Quel rôle le gouvernement du Canada pourrait-il jouer afin d'assurer la sécurité des journalistes dans ces pays?
    Je pense que le personnel des ambassades peut leur tendre la main pour signaler qu'il sait qu'ils sont là et les assurer de son appui. À certains endroits, cela leur fournit un peu plus de protection si les gouvernements savent que les ambassades veillent sur les journalistes et savent qui ils sont, car les journalistes locaux, en particulier, peuvent se sentir très vulnérables, très isolés et très seuls. C'est une petite chose que le gouvernement peut faire.
    L'autre témoin aurait-il quelque chose à dire à ce sujet?

[Français]

     De la même façon, je pense que le soutien des ambassades à des journalistes en situation de danger peut être intéressant, voire parfois vital.
     Ce que peuvent faire les gouvernements, et ce que font déjà des gouvernements comme le Canada, c'est rendre visibles les problèmes que nous avons abordés, soit la censure et le manque d'information pour le peuple vénézuélien.
    Il y a un aspect qui n'a pas été mentionné, et c'est le soutien financier. Le Canada peut libérer des fonds pour des initiatives de formation à l'intention des journalistes locaux qui ont de grands besoins en matière de cybersécurité et de protection physique sur le terrain. Ils ont aussi besoin de matériel de protection. Il y a même certains médias persécutés par le gouvernement qui ont besoin de matériel journalistique. Quant à la façon de mettre cela en place, c'est une autre question.
     Il y a beaucoup d'organisations internationales, dont Human Rights Watch et Reporters sans frontières, mais il y en a beaucoup d'autres, qui travaillent à des solutions d'assistance directe pour des médias en situation de vulnérabilité et, parfois, pour des journalistes en situation de danger. C'est vrai qu'il y a des réalités et des besoins financiers derrière tout cela, ainsi que de grands besoins en matière de formation pour des journalistes indépendants qui ne savent pas comment se défendre face à des menaces telles que des violences physiques et verbales, des arrestations et des attaques en ligne. Ce sont des choses qui peuvent aider.
    La chose la plus importante, c'est de continuer de parler et de dénoncer ce qui se passe concrètement dans ces pays, notamment au Venezuela.

  (1330)  

[Traduction]

    Oui, je pense qu'il faut élargir le dialogue. Il existe actuellement au pays un débat sur le financement gouvernemental et les médias. Je ne veux pas m'engager dans cette voie. Nous parlons de la liberté de la presse dans le monde. Je ne veux pas m'éloigner du sujet et aborder une question à propos de laquelle il serait difficile d'en arriver à un consensus. Les organisations comme les vôtres et les gouvernements doivent dialoguer, selon moi.
    J'ai lu récemment une citation classique de Winston Churchill: « Un mensonge parcourt la moitié de la planète avant que la vérité n'ait la chance d'enfiler ses pantalons. » Il a prononcé ces paroles à son époque. Je ne puis imaginer ce qu'il en serait aujourd'hui avec les médias sociaux.
    Nous convenons tous qu'il y a probablement une limite entre la propagande et une histoire racontée sous un certain angle, mais bon nombre d'entre nous ne s'entendraient probablement pas sur l'endroit où se trouve cette limite. Y a-t-il un moyen pour vos organisations de dialoguer avec les gouvernements pour que les décideurs soient mieux informés afin de déterminer où se trouve cette limite?
     [Inaudible] qui sont disposés à débattre de ces questions avec nous. Dans les pays où nous travaillons, nous tentons aussi de collaborer avec les gouvernements à ce sujet.
    Le risque, c'est que dans bien des pays où des gouvernements ont tenté d'instaurer des limites ou à adopter des lois, nous avons constaté que même si elles sont bien intentionnées, ces lois, comme celles relatives aux discours haineux, tendent souvent à être utilisées par la majorité contre la minorité, ce qui va à l'encontre des raisons pour lesquelles elles ont été adoptées.
    Souhaitez-vous ajouter quelque chose?

[Français]

    De la même façon, dans tous les pays où il travaille, Reporters sans frontières essaie de discuter avec les autorités. C'est parfois possible, parfois impossible. Le Venezuela fait partie des pays où nous n'arrivons pas à discuter avec les autorités, tout comme Cuba et le Nicaragua, notamment. Nous essayons, mais nous ne parvenons pas à avoir un dialogue ouvert avec les autorités.
    La ligne entre la propagande et l'information est parfois très fine. Il y a beaucoup de gouvernements et de pays qui s'attaquent à la question des fausses nouvelles. Comment empêcher la propagation de fausses informations qui, comme vous l'avez dit, va toujours plus vite avec les réseaux sociaux? Les fausses informations se propagent beaucoup plus vite que les vraies informations. C'est un vrai problème et c'est dramatique.
    Les initiatives pour lutter contre les fausses nouvelles que nous avons observées ne sont pas satisfaisantes. Nous ne savons pas qui doit être la figure de celui qui va déterminer si une information est vraie ou fausse ou si l'information peut être qualifiée de propagande ou d'intérêt public. C'est un sujet très complexe.
    Heureusement, dans certains pays, nous arrivons à en discuter, à faire des propositions et à avoir des échanges. Dans des pays comme le Venezuela ou des pays ayant à leur tête un gouvernement autoritaire, pour ne pas dire plus, il est impossible de discuter. Nous faisons notre travail. Nous ne faisons pas de politique, mais la moindre des choses que nous pouvons faire est de dénoncer la censure et les violences contre la presse.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant M. Tabbara pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
    Je veux prendre du recul et parler brièvement de l'histoire du Venezuela. Ma question s'adressera donc probablement à M. Colombié.
    Je veux parler de l'état de la liberté de la presse et à la manière dont cette liberté a diminué au fil des ans. Nous pouvons peut-être revenir trois présidents en arrière, en passant par dessus non seulement Maduro, mais aussi Chávez pour en arriver au président Caldera. Ce dernier a fait adopter une constitution en 1967, et on dit que le Venezuela était alors l'État le plus stable des pays d'Amérique latine.
    Pouvez-vous décrire l'état de la liberté de la presse sous Caldera, puis sous Chávez, quand elle a diminué légèrement, et sous le président actuel? Je terminerai ensuite par une dernière question.

  (1335)  

[Français]

     Pour être parfaitement honnête, je dois vous dire que je n'ai pas suffisamment de recul et d'expérience au sein de Reporters sans frontières pour vous présenter une analyse détaillée de ce qu'était la liberté de la presse au Venezuela en 1967. En revanche, je peux vous dire qu'il n'existe pas de liberté de la presse sans démocratie. Or depuis l'arrivée au pouvoir de Hugo Chavez et, par la suite, de Nicolas Maduro, qui s'est faite dans la continuité, il y a eu une dégradation continue et perpétuelle de la liberté de la presse en général. Le cadre législatif est devenu de plus en plus contraignant et les droits des journalistes de moins en moins nombreux. Il y a eu des persécutions judiciaires, mais aussi des arrestations et des condamnations pénales. Nous considérons évidemment qu'un journaliste n'a rien à faire dans un tribunal pénal.
    Sans remonter beaucoup plus loin, je peux vous dire que nous observons une dégradation continue de la liberté de la presse en général et que cette dégradation est directement liée aux crises sociales. Évidemment, qui dit crise sociale dit crise économique. La gravité de la crise économique au Venezuela explique les tensions sociales et politiques. Chaque fois que l'opposition prend de l'importance — c'était le cas à l'époque de Chavez et ce l'est aujourd'hui avec Maduro —, c'est totalement mécanique: la censure, en parallèle, évolue en conséquence.
    C'est pourquoi je vous parlais de nos préoccupations concernant les prochaines semaines. En effet, cette crise politique est loin d'être résolue. En outre, chaque fois qu'il y a des manifestations, que l'opposition monte au créneau, essaie de faire valoir ses droits ou revendique un État plus démocratique et des droits et libertés qu'elle a le droit de revendiquer — et de telles situations se produisent plusieurs fois par an, du moins depuis 2016, soit depuis mon arrivée à Reporters sans frontières — et qu'il y a des tensions sociales et politiques, la répression, les arrestations et la censure augmentent. Cette dernière prend de nouvelles formes au fur et à mesure qu'on évolue dans le temps.
    En ce qui a trait à Internet, il y a maintenant des projets de loi très préoccupants au Venezuela. L'administration Maduro veut créer une loi de façon à pouvoir maintenir son contrôle sur les données privées. Cela touche toutes les questions de respect de la vie privée sur Internet. Un projet de loi qui concerne ces questions et qui est dans les cartons est très préoccupant.

[Traduction]

    Un grand nombre de journalistes, voire de simples citoyens alimentent des blogues et écrivent sur les médias sociaux. Quelles accusations le régime dépose-t-il à leur endroit quand ils traitent des manifestations et des troubles civils? Quand des journalistes parlent des faits qui se produisent sur place, quelles accusations le régime porte-t-il contre eux devant les tribunaux vénézuéliens?

[Français]

    Il y a une foule d'accusations possibles et imaginables. On peut notamment être accusé d'espionnage ou de conspiration.
     Il existe une liste assez détaillée d'autres accusations possibles, et ce, que le journaliste soit local ou étranger. En effet, des journalistes étrangers sont détenus depuis plusieurs mois maintenant au Venezuela, dont un journaliste allemand qui s'appelle Billy Six. Il a été accusé d'espionnage parce qu'il prenait des photos du président Maduro lors d'un discours public. Il n'est pas autorisé à demander l'aide d'avocats et n'a eu le droit d'entrer en contact avec sa famille qu'une seule fois depuis qu'il a été jeté en prison il y a presque deux mois.
    Nous faisons donc face à une panoplie d'accusations qui ne sont absolument pas valables et qui ne visent selon nous qu'à faire taire non seulement les journalistes, mais aussi des blogueurs ou d'autres. Un utilisateur de Twitter est actuellement en prison au Venezuela parce qu'il a dévoilé dans un gazouillis des informations publiques sur le trajet d'un vol intérieur de l'avion du président Maduro: il a été accusé de tenter de déstabiliser le gouvernement en place et de préparer un attentat terroriste.
    Les exemples sont nombreux, et il s'agit pour nous de motifs qui ne sont pas valables pour faire emprisonner des journalistes.

  (1340)  

[Traduction]

     Madame Hardcastle, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Les réponses que vous avez données aux questions précédentes ont suscité un grand nombre de questions porteuses de réflexion sur la définition du journalisme et sur le rapport entre l'indépendance et la liberté de la presse et la propagande. J'emploierai mon temps pour vous demander à tous les deux de traiter de quelques points que je voudrais vous soumettre. Cela concerne le lien entre la santé financière de l'industrie de l'information, l'indépendance des médias, la liberté et l'indépendance de la presse, et la comparaison entre les journalistes de formation et la presse dirigée par l'État qui fait de la propagande, à moins que ce ne soit la presse d'État qui effectue des recherches et que ce soit une partie opposée qui fasse de la propagande.
    Comment pouvons-nous résoudre ces questions, particulièrement aujourd'hui, alors que l'animosité à l'égard des journalistes en général et de la liberté de la presse semble augmenter? C'est un autre sujet à propos duquel vous pourriez vouloir vous prononcer. Qu'est-ce que le Canada peut faire, le cas échéant, pour contribuer à améliorer la situation à cet égard?
    Commençons par vous, Linda, après quoi Emmanuel pourra prendre quelques instants pour répondre à ces questions.
    Je voudrais commencer avec la dernière question, qui porte sur ce que le Canada peut faire. Selon moi, il peut insister sur l'importance de la liberté de la presse dans le monde et exercer des pressions sur les pays où la presse n'est pas libre afin de mieux protéger cette liberté et de mettre fin à la censure de la presse et à l'arrestation de journalistes qui ne font que leur travail.
    Pour ce qui est de la question sur l'animosité à l'égard du journalisme, c'est un problème de taille, notamment au Myanmar. Le gouvernement n'améliore pas la situation, car même s'il a adopté un manifeste où il promet la liberté de la presse, certains de ses membres diabolisent ou dénigrent régulièrement la presse et appuient les poursuites intentées contre des journalistes. Ici encore, le Canada, lorsqu'il s'adresse aux pays où la presse est dénigrée et n'est pas libre, devrait interpeller ces pays et leur dire que ce n'est pas ainsi qu'on traite la presse libre. Cette dernière a un rôle à jouer dans une démocratie, une quasi démocratie ou ce qui est censé être une démocratie et ils devraient l'appuyer.
    En ce qui concerne la santé financière et l'indépendance, un média aux prises avec des difficultés financières sera évidemment bien plus vulnérable aux pressions exercées sur lui par des annonceurs ou des bailleurs de fonds pour qu'ils diffusent les choses d'une certaine manière ou ne diffuse pas certaines informations. De toute évidence, une presse en bonne santé financière est plus libre et plus indépendante.
    Je pense que je m'arrêterai là.

[Français]

     L'indépendance des médias est évidemment très importante lorsqu'il est question de la liberté de la presse. Il est essentiel pour les lecteurs, pour l'auditoire et pour la population en général de savoir qui sont les propriétaires des médias et des informations que l'on consomme, puisqu'il faut considérer le journalisme comme une industrie dont le produit est l'information.
    Il est donc important d'apprendre aux gens dès leur plus jeune âge comment consommer l'information et analyser sa provenance. Une fois que je sais d'où vient une information donnée, je vais peut-être comprendre pourquoi elle est traitée de cette façon. Ensuite, je vais pouvoir aller chercher des informations différentes pour les recouper et me faire ma propre opinion. Je pense que le Canada, les pays démocratiques et tous les États en général doivent renforcer l'éducation aux médias pour que les gens comprennent qu'une information peut résulter d'un conflit d'intérêts ou qu'elle peut être manipulée. Pour revenir aux réseaux sociaux, dont nous avons parlé tout à l'heure, il est important que, dès leur plus jeune âge, les gens s'assurent que l'information qu'ils consomment et qu'ils publient sur ces réseaux est fiable et qu'ils en connaissent la provenance.
     Sur la question de l'indépendance des médias, Reporters sans frontières considère qu'une concentration trop importante des médias est dangereuse pour la liberté de la presse en général. Par conséquent, nous faisons la promotion — dans les limites de nos moyens, évidemment — du pluralisme et de l'indépendance des médias. Il est fondamental dans un pays démocratique que l'on puisse avoir accès à une variété d'opinions, de critiques, d'éditorialistes, d'agences et de journalistes de toutes catégories sociales. Nous consacrons une partie de nos activités à faire la promotion de ce pluralisme que nous jugeons être fondamental.
    Je termine sur la question de ce climat négatif envers les journalistes en vous faisant part du constat suivant. Je crois que les journalistes eux-mêmes et les médias, petits et grands, ont une grande part de responsabilité à ce chapitre et doivent en tirer des leçons. Comme Français, par exemple, j'observe le phénomène des « gilets jaunes » dans mon pays et je constate qu'il y a une énorme méfiance envers les journalistes, qui sont parfois tenus responsables de la situation alors qu'ils ne sont que des « messagers » qui font leur travail d'information. Les journalistes doivent eux aussi tenir compte de cette réalité et prendre leurs responsabilités en travaillant de façon peut-être plus éthique et professionnelle, notamment en revenant à certains principes fondamentaux du journalisme comme la vérification des sources et le croisement des informations. Ce sont des éléments assez de base, mais qui sont parfois oubliés, ce qui peut provoquer ce climat de défiance un peu généralisé dans lequel on est plongé actuellement.
    Je crois donc qu'il y a une responsabilité tant de la part des gouvernements pour faire plus d'éducation et apprendre aux gens à analyser la provenance de l'information qu'ils consomment que de la part des journalistes eux-mêmes pour approfondir leur vérification des faits afin de produire une information de meilleure qualité.

  (1345)  

    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

     Les sept minutes sont écoulées.
    Pour le prochain tour, comme nous manquons de temps, nous ne poserons que trois questions, une chacun, pour trois minutes.
    Vous avez la parole, monsieur Fragiskatos.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie également les témoins.
    À l'avènement d'Internet, tout le monde était rempli d'espoir pour un certain nombre de raisons. Les défenseurs de la démocratie du Canada et de la planète pensaient que cet outil rendrait le monde plus démocratique. Or, le constat est moins sûr. Je me demande si vous pourriez traiter de la question en mettant particulièrement l'accent sur les médias sociaux et la manière dont les journalistes et les défenseurs de la démocratie les utilisent. Ces outils favorisent-ils la démocratie ou y nuisent-ils dans ces deux pays?
    Cette question s'adresse à vous deux pour que nous ayons le point de vue du Myanmar, puis du Venezuela.
    Les médias sociaux jouent un rôle très complexe au Myanmar, où Internet se limite essentiellement à Facebook. C'est pas mal le seul outil en ligne que les gens connaissent et utilisent, et il joue un rôle fort complexe. Les activistes l'utilisent énormément afin de promouvoir la démocratie, parler des manifestations, faire de la sensibilisation et lutter contre les discours haineux. Cependant, s'il a joué un rôle bénéfique à bien des égards, il a également joué un rôle néfaste. Une quantité phénoménale de propos haineux ont été proférés sur Facebook au Myanmar, ce qui aurait contribué à encourager le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité dans l'État de Rakhine.
    Comme vous l'avez souligné, on ne sait que penser du rôle que jouent Facebook et les médias sociaux. On ne saurait dire si ce rôle est, de façon générale, bénéfique ou néfaste au Myanmar.

  (1350)  

[Français]

     Dans le cas du Venezuela, je dirais que le résultat est plutôt positif. Nous n'avons pas le temps de discuter de la question plus large du rôle d'Internet relativement à la liberté de la presse, mais Twitter joue un rôle fondamental dans la crise que traverse actuellement le Venezuela. En effet, c'est l'un des rares outils grâce auxquels les gens peuvent trouver les informations diffusées par les médias d'opposition et indépendants, qui ne sont pas alignés sur le président Maduro. Ces médias ne pouvant pas s'exprimer par leurs canaux habituels, ces derniers étant systématiquement censurés par le régime Maduro, ils passent par Twitter— plus que par Facebook. Pour me renseigner rapidement sur le Venezuela, j'utilise énormément Twitter, qui est une des rares sources d'informations disponibles et joue donc un rôle fondamental.
    Nous avons par contre remarqué que Twitter, Instagram, Facebook et les réseaux sociaux en général commencent à être perçus comme une menace par le gouvernement. La semaine dernière notamment, l'accès à Internet a été coupé étrangement dans plusieurs régions du Venezuela, et l'accès à certaines plateformes comme Twitter ou Instagram a été restreint. Le gouvernement, qui a le monopole ou, du moins, le contrôle des infrastructures permettant l'accès à Internet haute vitesse dans le pays, perçoit les réseaux sociaux comme une menace. Lorsque trop d'informations dangereuses ou [difficultés techniques] sont diffusées sur ces réseaux, le gouvernement va donc les censurer directement en coupant l'accès à Internet ou aux plateformes.
    De façon générale...
    Je suis désolée de vous interrompre, mais cela fait déjà plus de trois minutes. Je vous remercie.
    Nous passons à la prochaine question.

[Traduction]

    Bienvenue parmi nous, monsieur Sorenson. Vous disposez de trois minutes.
    C'est un réel plaisir que d'être ici. Je remercie nos deux invités de leurs témoignages d'aujourd'hui. Je sais qu'ils aideront les membres de notre comité à écrire un rapport et à étudier la question.
    Un certain nombre de personnes ont demandé ce que le Canada peut faire. Je vous remercie de vos réponses, qui nous donnent matière à réflexion.
    Je peux vous dire que certaines choses ont été ajoutées au cours des dernières décennies. Même quand nous négocions un accord de libre-échange, tous les gouvernements doivent s'interroger sérieusement sur la situation des droits de la personne dans les pays avec lesquels ils tentent de conclure cet accord, sur la liberté de religion, et sur la liberté d'expression ou d'association. Ce sont des sujets que nous avons ajoutés à l'équation quand nous tentons de conclure un accord de libre-échange ou de négocier avec d'autres pays.
    Monsieur Emmanuel Colombié, vous avez parlé de la responsabilité des journalistes, affirmant qu'ils doivent prendre certaines mesures, notamment en vérifiant les faits et en adoptant un code de déontologie qu'ils tentent de respecter. Je me demande si vous pourriez nous en dire plus à ce sujet.
    Un de vous a traité de la satire. Au cours des cinq dernières années, avec la prédominance d'Internet et des médias sociaux, il y a énormément de satire. Dans la circonscription que je représente, j'ai reçu des appels. Je ne dirais pas que j'en ai eu des centaines, mais quand on s'adonne à la satire, certains la prennent au sérieux et se fâchent. En pareil cas, un grand nombre de gouvernements tendront à prendre des mesures contre ce genre de chose.
    Je suppose que ma question concerne un peu plus le code de déontologie des journalistes. Les deux côtés ont, de toute évidence, quelque chose à faire, mais faudrait-il donner certaines indications aux journalistes dans notre pays? Devrions-nous au moins les aviser des risques auxquels ils pourraient s'exposer dans les régions en proie aux conflits? Peut-être voudrez-vous traiter de la question.

  (1355)  

    Je vous rappelle que nous ne disposons que de 30 secondes pour la réponse. Soyez donc bref.

[Français]

    En quelques mots, un gouvernement a la responsabilité, non pas de dire aux journalistes quoi faire, mais plutôt de travailler à éduquer les jeunes générations sur ce qu'est un journal satirique, une agence de presse ou un journal de droite ou de gauche. Une fois que les auditoires et les lecteurs auront toutes ces informations à leur disposition, ils pourront faire la part des choses et ne pas s'attaquer à un journal du simple fait qu'il a publié une critique satirique d'une situation donnée. Je pense qu'il faut commencer par ce travail d'éducation pour éviter que les lecteurs ne prennent les informations au premier degré et pour qu'ils comprennent que la presse, ce n’est pas seulement de l'information, mais aussi de la satire, de l'analyse politique et de la critique. Selon moi, ce rôle d'éducation par le gouvernement est fondamental.

[Traduction]

    Merci beaucoup d'avoir été bref.
    Nous accorderons maintenant les trois dernières minutes à Mme Hardcastle.
    Nous savons que les lois diffèrent entre les divers pays au sujet de la liberté de la presse. Quand vient le temps d'aborder et de dénoncer l'oppression de la liberté de la presse dans d'autres pays, pensez-vous que nous ayons un rôle à jouer à l'échelle internationale, sous l'égide des Nations unies? Il pourrait s'agir de favoriser la liberté de la presse et d'éduquer les gens, comme Emmanuel l'a proposé, pour leur expliquer que le journalisme est une profession, pas un simple outil de propagande. La presse est censée être indépendante.
    Je ne suis pas certaine de ce que nous pouvons accomplir à cet égard, mais je sais que même le Myanmar a une loi sur les télécommunications que tout le monde peut utiliser. Au Venezuela, la loi et la constitution permettent de bloquer les adresses IP de l'opposition.
    Pouvez-vous nous indiquer comment nous pourrions favoriser la liberté de la presse au sein de la communauté internationale, peut-être dans le cadre des Nations unies?
    Je suis certaine que mon temps est limité, mais je sais que vous êtes en train de réfléchir, Emmanuel.

[Français]

     Cette question est très vaste pour être traitée en quelques secondes. Plus les Nations unies exerceront de pression — et la voix du Canada est très importante —, plus la cause pourra avancer. L'une des demandes que nous présentons depuis plusieurs années à l'ONU vise la création d'un poste de conseiller spécial sur la protection des journalistes qui se rapporterait au secrétaire général de l'organisme et qui pourrait s'exprimer régulièrement sur les questions touchant la liberté de la presse. Si le Canada était disposé à appuyer cette demande, nous en serions très reconnaissants.

[Traduction]

    Je vous remercie tous les deux de vos témoignages fort instructifs. Je remercie également les membres du Comité de nous avoir aidés à respecter les temps d'intervention, même si nous avons perdu quelques minutes.
    Sur ce, nous allons lever la séance. Merci.
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