Passer au contenu
;

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 058 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 mai 2017

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Bienvenue à cette réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Il s'agit de la première réunion consacrée à notre nouvelle étude sur la traite de personnes en Inde.
    Je tiens à reconnaître Mme Khalid, la députée qui a présenté cette étude à notre sous-comité. Nous sommes heureux de l'entreprendre.
    J'aimerais également souhaiter la bienvenue à M. Duvall, qui remplace aujourd'hui Mme Hardcastle. Nous vous remercions de votre présence.
    Cette étude est axée sur la traite de personnes en Inde à des fins d'exploitation sexuelle commerciale. Nous nous concentrerons sur le flux de la traite, sur les conditions auxquelles font face les victimes de la traite et sur les mesures prises par le Canada et la communauté internationale à cet égard.
    Nos premiers témoins d'aujourd'hui représentent Affaires mondiales Canada. Nous accueillons donc Robert McDougall, directeur exécutif intérimaire de la Division de l'Asie du Sud à Affaires mondiales Canada, et son collègue David Drake, directeur général de la Direction générale du contre-terrorisme, du crime et du renseignement.
    Bienvenue, messieurs. Nous vous remercions d'être avec nous aujourd'hui pour amorcer cette étude.
    M. McDougall, je crois que vous livrerez un exposé. Si vous pouvez le faire en 10 à 12 minutes, ce serait parfait. Ensuite, nous passerons manifestement aux questions des membres du Comité.
    Allez-y.
    Comme vous l'avez indiqué, je m'appelle Robert McDougall. Je suis actuellement responsable de la Division de l'Asie du Sud à Affaires mondiales Canada, et je livrerai un exposé au nom de mon ministère.

[Français]

    Mon collègue David Drake, qui est directeur général du contre-terrorisme, du crime et du renseignement, est également présent. Il pourra répondre à vos questions sur l'engagement multilatéral du Canada et le cadre normatif international concernant la traite des personnes.

[Traduction]

    Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui au sujet de la nouvelle étude du Comité, qui porte sur la traite de personnes en Inde, en accordant une attention particulière à la traite à des fins d'exploitation sexuelle.
    Enjeu d'importance mondiale, la traite de personnes est un crime et une grave violation des droits de la personne qui touche de façon disproportionnée les femmes et les filles. On estime qu'à l'échelle mondiale, le nombre de victimes de la traite de personnes est de 21 millions de personnes, selon l'Organisation internationale du travail, et de 45 millions de personnes, selon l'Indice mondial de l'esclavage. Le nombre réel est difficile à cerner avec précision, car ce crime est souvent mal compris par le grand public, les organismes d'application de la loi, les procureurs et les juges.

[Français]

    À cause de cette incompréhension, les victimes peuvent être perçues comme des criminels et être poursuivies pour avoir commis un crime plutôt que d'obtenir l'aide dont elles ont besoin. L'identification des victimes est également un défi de taille. En effet, la traite des personnes est un crime en grande partie caché. En outre, les victimes ont souvent peur ou sont incapables de dire ce qui leur arrive aux autorités ou à d'autres premiers intervenants.

[Traduction]

    Cette estimation à l'échelle mondiale est renforcée, dans le cas de l'Inde, par les normes sociales conservatrices présentes dans de nombreuses régions du pays en ce qui concerne notamment le traitement des femmes et des filles.
    En 2016, le ministère des Femmes et du Développement de l'enfant de l'Inde a signalé que près de 20 000 femmes et enfants ont été victimes de la traite de personnes en Inde, une augmentation de 25 % par rapport à 2015. Le plus grand nombre de victimes répertoriées provenait de l'État du Bengale occidental, dans l'est du pays. Les spécialistes de l'extérieur estiment que le nombre de femmes et d'enfants victimes de la traite de personnes en Inde se chiffre dans les millions. L'Inde est un pays d'origine et un pays de destination et de transit pour des hommes, des femmes et des enfants soumis à la traite à des fins d'exploitation sexuelle et de travail forcé. Le travail forcé représente le problème de traite le plus important de l'Inde.

[Français]

    La majorité de la traite en Inde se déroule à l'intérieur des frontières du pays. Les membres des groupes les plus défavorisés de la société, comme les dalits de basse caste, les membres des collectivités autochtones, les minorités religieuses ainsi que les femmes et les filles appartenant à des groupes exclus, sont les plus vulnérables.

[Traduction]

    L'Inde est aussi un pays de destination. En effet, on signale que des victimes proviennent de plusieurs pays voisins. Par exemple, des migrants du Bangladesh ont été soumis au travail forcé en Inde à la suite d'offres d'emploi frauduleuses et de servitude pour dettes. Les femmes et les filles népalaises, bangladaises et afghanes sont également victimes de la traite à des fins de travail forcé et d'exploitation sexuelle dans les grandes villes indiennes.
    Enfin, l'Inde est également un pays de transit. Selon des sources ouvertes, à la suite des tremblements de terre qui ont touché le Népal en avril 2015, les femmes népalaises qui transitaient par l'Inde ont de plus en plus été soumises à la traite de personnes à destination du Moyen-Orient et de l'Afrique.
(1310)

[Français]

    Le ministère de l'Intérieur de l'Inde a révisé sa stratégie qui oriente les unités de lutte contre la traite de personnes afin d'assurer un repérage plus efficace des cas de trafic, de mener des enquêtes et de travailler en coordination avec les autres organismes pour diriger les victimes vers des services de réinsertion sociale. Les gouvernements de plusieurs États ont créé ou réactivé leurs propres unités, bien que la majorité des districts demeurent sans ce type d'unités.

[Traduction]

    De plus, ces dernières années, l'Inde a amélioré ses activités de collecte de données sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les cas de traite. Par contre, bien que le gouvernement ait fait enquête sur certains cas de complicité officielle et ait intenté des poursuites à cet égard, des analyses indépendantes laissent croire que la complicité officielle demeure répandue.
    Le gouvernement de l'Inde continue de financer des refuges et des services de réinsertion sociale pour les femmes et les enfants dans l'ensemble du pays et a émis des directives supplémentaires aux États pour trouver et secourir les enfants disparus; certains peuvent être des victimes de la traite.
    Afin de lutter contre la traite de personnes à l'échelle mondiale, le Canada a été l'un des premiers pays à adopter la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, à réprimer et à punir la traite de personnes, en particulier des femmes et des enfants, car il a ratifié la Convention et le Protocole en mai 2002. J'aimerais souligner que l'Inde a ratifié ces deux documents en mai 2011.
    En vertu du Protocole, les États parties sont invités à mettre en oeuvre une approche de type 3P, c'est-à-dire la prévention, les poursuites et la protection. Le Canada a ajouté un quatrième « P » à ses efforts: le partenariat. La traite de personnes est un problème mondial contre lequel il faut lutter au moyen de partenariats axés sur la collaboration dans toutes les régions.

[Français]

    À l'heure actuelle, au moyen du Programme d'aide au renforcement des capacités de lutte contre la criminalité d'Affaires mondiales Canada, le Canada soutient les travaux des organisations internationales qui luttent contre la traite des personnes en exécutant trois projets dans les Caraïbes et en Amérique latine. La somme investie dans ces projets atteint 2,1 millions de dollars.
    La complexité de ce crime exige une intervention multidisciplinaire axée sur la collaboration qui englobe des mesures législatives, de la programmation et de l'élaboration des politiques.

[Traduction]

    Ce crime touche les femmes et les filles de façon disproportionnée. Pour les jeunes filles, la traite à des fins d'exploitation sexuelle peut avoir des conséquences particulièrement graves, notamment en les empêchant de fréquenter l'école, en augmentant les risques de mariage précoce et forcé et de grossesse précoce et en les exposant davantage au VIH et à d'autres infections sexuellement transmissibles.
    La promotion de l'égalité entre les sexes et des droits et du renforcement socioéconomique des femmes et des filles occupe une place centrale dans le programme canadien d'aide internationale. Le Canada s'est engagé à collaborer avec des partenaires mondiaux pour s'assurer que ces principes orientent nos efforts dans la lutte contre la traite de personnes.

[Français]

    Le Canada n'a plus de programme bilatéral d'aide au développement en Inde. Celui-ci a pris fin en 2009 à la demande du gouvernement de l'Inde. Cependant, le Canada fournit une aide au développement au moyen de partenariats entre organisations non gouvernementales indiennes et canadiennes et de programmes multilatéraux.
    Par l'intermédiaire du Secteur des partenariats pour l'innovation dans le développement, le Canada a investi 2,1 millions de dollars en 2015-2016 pour appuyer 15 projets en Inde.

[Traduction]

    Parmi les principaux secteurs de programmation, mentionnons la recherche novatrice sur la sécurité alimentaire, l'amélioration de la santé des enfants, le développement communautaire intégré et l'avancement de la gouvernance et des droits de la personne, en mettant l'accent sur l'égalité entre les sexes.
    Les projets de partenariat en Inde visent plusieurs objectifs.
    Tout d'abord, ils visent à réduire la violence faite aux femmes. Le projet d'Oxfam Canada consistant à établir un environnement favorable pour lutter contre la violence faite aux femmes et aux filles exécute des interventions officielles et non officielles qui visent à lutter contre la violence conjugale et les mariages précoces et forcés, ainsi qu'à renforcer les services de soutien aux survivantes.
    Deuxièmement, ils visent à trouver des solutions novatrices aux problèmes de nutrition et de conservation des aliments.
    Troisièmement, ils visent à mettre à l'essai des solutions novatrices aux problèmes de santé, notamment en mettant au point des outils pour faciliter le diagnostic, en mettant de l'avant des solutions de santé abordables et en faisant la promotion des soins en matière de santé mentale.
    Quatrièmement, ils visent à appuyer la santé communautaire, l'éducation et la croissance économique par des moyens tels que des examens de la vue offerts gratuitement aux enfants.
    Cinquièmement, ils visent à créer des collectivités autosuffisantes qui ont des normes satisfaisantes en matière d'éducation, de santé, d'hygiène, de sécurité alimentaire, de création de revenus, de droits des femmes, de durabilité environnementale et de stabilité politique.
    Le Canada continue de contribuer indirectement à la production de résultats sur le plan du développement en Inde grâce au financement de base qu'il accorde à des organisations multilatérales et mondiales comme la Banque mondiale, les organismes des Nations unies et la Banque asiatique de développement. Au cours de l'exercice financier 2015-2016, Affaires mondiales Canada a versé environ 32 millions de dollars à l'Inde par l'entremise d'un soutien institutionnel à long terme aux organisations internationales.
(1315)

[Français]

    Le Centre de recherches pour le développement international, ou CRDI, a également une présence active en Inde. Il appuie divers projets de recherche qui portent sur la réduction de la violence faite aux femmes et la promotion de l'égalité entre les sexes.
    Les projets ont traité de questions telles que la violence et le harcèlement sexuel au travail, les procédures policières utilisées avec les victimes de viol et de violence sexuelle et les enfants victimes d'abus sexuel.
    D'autres ont porté sur l'interaction entre la croissance économique et les perspectives économiques des femmes, ainsi que sur l'économie domestique non rémunérée et son incidence sur le renforcement socioéconomique des femmes.
    La recherche permet de combler les lacunes dans les connaissances, d'éclairer les discussions et d'évaluer les programmes et les politiques dans le but d'amener des changements en profondeur.

[Traduction]

    En passant, d'après ce que je comprends, les intervenants du CRDI ont indiqué qu'ils seraient heureux de comparaître devant votre comité s'ils recevaient une telle invitation.
    Le Haut-commissariat du Canada à New Delhi appuie également des projets locaux et des initiatives de plaidoyer pour faire avancer le renforcement socioéconomique et politique des femmes, éliminer la violence faite aux femmes et aux filles, et mettre fin aux mariages d'enfants, précoces et forcés.
    Par exemple, en 2015-2016, par l'entremise du Fonds canadien d'initiatives locales, le Haut-commissariat a appuyé un organisme local en versant une aide de 15 000 $ pour renforcer la coordination et la capacité des intervenants de s'attaquer à la traite de personnes dans l'État du Maharashtra. Les projets financés par le fonds canadien qui visent à lutter contre les mariages d'enfants, précoces et forcés ont également sensibilisé les gens aux problèmes liés à la traite de personnes.
    Cela dit, il reste encore beaucoup à faire. La lutte contre la traite de personnes demeurera une priorité pour le Canada à l'échelle mondiale. Dans ce contexte, nous continuerons d'être à l'affût d'occasions de défendre cette cause en Inde, en collaboration avec d'autres gouvernements étrangers et nos partenaires de la société civile dans les deux pays.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'avoir livré cet exposé, monsieur McDougall.
    Nous passons maintenant aux questions. La parole est d'abord à M. Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à ajouter au compte rendu que je remercie Mme Khalid d'avoir présenté cette motion proposant une étude sur la traite de personnes. Selon les chiffres que nous ont communiqués nos représentants ministériels, à savoir de 21 à 45 millions de victimes, il est facile de comprendre pourquoi de nombreuses personnes soutiennent que l'esclavage est plus répandu aujourd'hui que jamais.
    Au bout de la rue où j'habite, à Ancaster, on a effectué l'arrestation la plus massive liée à la traite de personnes à ce jour au Canada. Cette affaire concernait le travail forcé. Les membres d'une organisation criminelle faisaient venir des gens de la Hongrie et, sous la menace, les obligeaient à travailler de 14 à 16 heures par jour et à leur donner tous leurs revenus, mais aussi à faire des choses illégales, comme présenter une demande d'aide sociale, forcer l'ouverture de cases postales, etc. En général, les personnes qui sont prêtes à se livrer à ce type d'acte criminel se livreront aussi aux autres types d'actes criminels.
    Si j'ai mis ma question en contexte, c'est que j'aimerais savoir dans quelle mesure la traite de personnes effectuée en Inde relève du crime organisé plutôt que de malfaiteurs individuels qui profitent d'une culture qui entretient un système de castes partout dans le pays.
    La première réponse que je peux vous donner, c'est que je ne sais pas. Si vous me demandez d'avancer une hypothèse, étant donné que j'ai passé un certain temps en Inde, je dirais qu'il s'agit probablement d'une combinaison des deux.
    Il s'agit d'une société très traditionnelle, car on y trouve toujours des mariages arrangés et d'autres phénomènes sociaux qui touchent de jeunes enfants. Il y a également le travail forcé qui, comme je l'ai dit dans mon exposé, représente un problème encore plus grave. En effet, il semble qu'en Inde, le travail forcé représente un problème plus grave que la traite de personnes aux fins d'exploitation sexuelle. Mais cette pratique entraîne certainement l'obligation de travailler dans des conditions pénibles et d'autres choses.
    Je suis sûr que certaines de ces activités sont menées par des organisations criminelles. D'autres sont menées par les familles. Je ne connais aucune statistique concrète à cet égard, mais pour être honnête, je ne m'occupe pas de cet enjeu dans le cadre de mes tâches quotidiennes.
    David, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
(1320)
    Selon la définition contenue dans le Protocole des Nations unies sur le crime organisé, le crime organisé est une activité criminelle à laquelle participent trois personnes ou plus. Dans ce cas particulier, de nombreux éléments sont liés à ce que nous pourrions appeler un crime organisé à grande échelle, mais c'est difficile de le distinguer des autres. Je crois que je suis d'accord avec M. McDougall lorsqu'il affirme qu'il existe un large éventail de types de traite de personnes, et que cela dépend de chaque région. Dans certains cas, par exemple, on force des enfants à travailler dans des mines. Il y a aussi l'esclavage sexuel. Ces activités diffèrent d'un endroit à l'autre.
    Vous faites valoir un bon point, mais notre incapacité à vous répondre est aussi minée par le fait que, comme M. McDougall l'a dit dans son exposé, il s'agit essentiellement d'une série d'enjeux liés à la criminalité, et les gens ont seulement récemment commencé à parler aux autorités et à s'identifier. Il est difficile de décrire le phénomène avec précision, surtout en Inde, où il est relativement nouveau. Il est très difficile de le mesurer, et je crois que ce sera une partie essentielle de votre travail.
    Il est difficile de le mesurer partout.
    Selon vos recherches préparatoires ou d'autres recherches, quelle est la gravité du problème en Inde comparativement à d'autres pays de la région ou même à l'échelle mondiale? Avez-vous une idée?
    Nous n'avons pas de statistiques indépendantes à cet égard. Une récente évaluation a été publiée par les autorités américaines, mais je ne l'ai pas en main et nous n'avons aucune évaluation canadienne indépendante à cet égard. En général, j'ai l'impression — et c'est seulement une impression — que cela se produit beaucoup en Inde, car ce pays a une population d'un milliard d'habitants, et une petite proportion de cette population représente tout de même un grand nombre de personnes. En ce qui concerne la gravité du problème en général, selon les sources que nous avons consultées, le pays fait face à un problème, mais ce n'est pas le pire dans la région.
    Permettez-moi de revenir sur cette question plus tard.
    Merci.
    Par ailleurs, nous avons récemment mené une étude sur les dommages psychologiques subis par les personnes victimes de viol ou les personnes nées à la suite d'un viol. Manifestement, la traite de personnes est bien pire, car il s'agit d'une situation permanente dans laquelle des gens sont forcés de faire des choses qu'ils ne veulent pas faire et dans la plupart des cas, il s'agit des pires choses.
    Étant donné la nature conservatrice de la culture que vous avez mentionnée, les victimes sont-elles également ostracisées par cette culture après leur victimisation, étant donné qu'elles ont été violées et utilisées de cette façon?
    Je dirais que c'est probablement le cas dans presque tous les pays, autant en Inde qu'ailleurs.
(1325)
    Vous avez mentionné que le système des castes — je ne me souviens plus si cette information provenait des notes des chercheurs ou de vos commentaires — se trouvait surtout au sein de la communauté hindoue. Ce système se répand-il maintenant dans la plus grande partie de la population ou observe-t-on un retrait à mesure que l'Inde devient une force économique croissante et que le pays est en voie de devenir un pays industrialisé?
    L'Inde vit certainement de grands changements. En Inde, la classe moyenne — surtout en milieu urbain — s'agrandit de plus en plus et représente un pourcentage beaucoup plus élevé de l'économie et de la société. Mais il s'agit toujours d'un pays essentiellement rural, et je crois donc que les normes sociales conservatrices sont toujours répandues et importantes — comme je l'ai dit, surtout à l'extérieur des grandes villes, mais même au sein de ces dernières.
    En ce qui concerne les structures religieuses ou le système des castes, comme vous l'avez dit, ce système a ses origines dans la société hindoue, mais il représente également une partie importante de l'ensemble de la société et des structures gouvernementales. Par exemple, dans un grand nombre de programmes du gouvernement, on réserve des places ou des quotas pour certaines castes — on ne les appelle plus des castes — ou pour certaines personnes. En effet, les dalits profitent de places assurées dans les universités et ailleurs. Ce phénomène est donc toujours présent.
    La société est en majorité hindoue, mais il existe toujours, par exemple, une grande communauté musulmane en Inde. Je crois qu'on y trouve 150 millions de musulmans, qui forment une société assez conservatrice — même s'il ne s'agit pas du même type de conservatisme social. Le problème que vous examinez concerne l'ensemble du pays et de la société, et non seulement certains éléments ou certaines castes.
    Monsieur le président, si vous me le permettez, vos gens m'ont demandé d'apporter quelques corrections, et je crois qu'elles doivent être lues pour le compte rendu.
    D'accord.
    Il s'agit seulement de chiffres. Lorsque j'ai parlé du Programme d'aide au renforcement des capacités de lutte contre la criminalité d'Affaires mondiales Canada, je crois que j'ai parlé de 2 millions de dollars. J'aurais dû dire 5,1 millions de dollars. Je peux vous fournir des notes sur l'origine de ces chiffres.
    Lorsque j'ai parlé du Secteur des partenariats pour l’innovation dans le développement, j'ai apparemment mentionné qu'on avait versé 2 millions de dollars dans 15 projets en Inde. Il s'agit en fait de 3,1 millions de dollars.
    Je suis désolé si j'ai fait ces erreurs lorsque j'ai livré mon exposé.
    Merci. Nous corrigerons le compte rendu.
    Nous entendrons maintenant Mme Khalid.
    Merci, monsieur le président. Je tiens également à remercier chaleureusement M. McDougall et M. Drake de leurs témoignages aujourd'hui.
    La traite de personne à des fins d'exploitation sexuelle fait partie de la traite de personnes. C'est un enjeu très important et, à mon avis, il s'agit d'un symptôme des vulnérabilités et des difficultés auxquelles sont confrontées les femmes, surtout en ce qui concerne les défis économiques et sociaux présents dans des régions comme l'Asie du Sud-Est.
    Dans votre témoignage, vous avez mentionné deux différents types de traite de personnes à des fins d'exploitation sexuelle; l'un est interne et l'autre transitoire. Je sais qu'on manque de données à cet égard, mais est-on en mesure d'estimer la proportion qui se produit à l'intérieur de l'Inde et la proportion qui se produit dans les régions avoisinantes?
    Comme je l'ai dit, il semble que l'Inde soit un pays source, de transit, ainsi que de destination dans certains cas. Je répondrai simplement que je n'ai pas les données, mais je vérifierai si nous pouvons les obtenir.
    Merci.
    Je vous remercie de nous informer de la façon dont le Canada contribue à la lutte contre le fléau de la traite de personnes dans le monde. Vous avez dit que nous aidons les femmes victimes de traite de personnes par l'intermédiaire d'institutions et d'organisations; l'ambassade canadienne soutient financièrement des projets locaux. Compte tenu du manque de données — que le gouvernement essaie de corriger, j'en suis certaine —, dans quelle mesure est-ce possible? Dans quelle mesure aidons-nous de façon efficace la population locale, ces mères fortement affligées par la pauvreté qui ont mis au monde des enfants après avoir été victimes de traite de personnes dans un quartier de débauche, etc.? Dans quelle mesure ces personnes reçoivent-elles de l'aide par rapport à celles qui cherchent activement cette aide?
(1330)
    Je peux apporter quelques précisions. L'aide canadienne fournie à l'Inde est relativement limitée. Elle vise en grande partie les grandes questions, et elle est fournie par l'intermédiaire des organisations multilatérales pour aider l'Inde et peut-être ses États, etc., à accroître leurs capacités afin qu'ils puissent régler les problèmes eux-mêmes. Les autorités indiennes et une bonne partie des États sont au fait du problème. Notre objectif, dans la mesure où nous... car il ne s'agit pas d'une principale priorité du Canada. Entre autres, nous n'avons pas de programme d'aide comme tel en Inde depuis 2009, comme on l'a déjà mentionné, de sorte que les choses se font généralement au niveau institutionnel lorsque c'est vraiment nécessaire. Les Indiens ont mis en place un processus très important. Ils sont parties au protocole et à la convention et veulent régler le problème et, bien entendu, ont une presse libre qui est très au fait de cette question.
    Les points qui ont été soulevés au sujet du fonds canadien — qui est, en fait, une petite somme d'argent versée par le Haut-commissariat du Canada — sont très précis. Si je comprends bien ce que vous voulez savoir, soit si nous nous occupons des problèmes sur le terrain, je pense que la réponse correcte est non. Nous essayons de nous concentrer sur les capacités et, à une échelle plus restreinte, sur les différents secteurs où nous sommes en mesure de faire quelque chose. Or, et je suis sûr que votre secrétariat vous le dira, des organisations non gouvernementales, indiennes ou autres, déploient des efforts considérables sur le terrain, mais ce n'est pas vraiment là-dessus que nous orientons nos efforts.
    J'espère que cela précise les choses.
    Merci.
    Vous avez parlé de l'entente bilatérale d'aide au développement en Inde, qui a pris fin en 2009. Pourriez-vous expliquer en quoi consistait cette entente et pourquoi elle a pris fin?
    Je ne suis pas un spécialiste du développement, mais je crois comprendre qu'elle a pris fin à la demande du gouvernement de l'Inde, non pas parce que l'Inde avait quelque chose contre le Canada ou l'aide canadienne, mais simplement parce qu'elle a changé sa politique sur l'acceptation de programmes d'aide bilatérale de tout pays dans le monde. Ce n'est pas que nous avons décidé que l'Inde n'était pas un pays important sur le plan de l'aide au développement; le gouvernement indien a décidé qu'il n'allait accepter l'aide bilatérale au développement d'aucun pays.
    Nous fournissons toujours de l'aide indirectement. Nous le faisons par l'intermédiaire d'organismes multilatéraux, de l'ONU, de la Banque mondiale et d'autres organismes. Nous leur fournissons de l'argent, dont une bonne partie est versée à l'Inde, avec notre consentement. Il y a également les partenariats; il s'agit essentiellement de donner de l'argent à des ONG canadiennes pour établir des partenariats avec des ONG indiennes pour la réalisation de projets. L'aide bilatérale, dans le cadre de laquelle le Canada fournit de l'argent à l'Inde, a pris fin à la demande du gouvernement indien. Il s'agissait d'une décision de politique générale.
    Nous croyons comprendre, et vous en avez parlé dans votre témoignage également, qu'on ne recueille pas l'information et ne comprenons pas le problème comme on le devrait. Y a-t-il une façon dont le Canada peut aider le gouvernement indien? Je sais que des mesures sont prises. Y a-t-il un rôle que le Canada peut jouer pour l'aider sur le plan de la collecte d'information, peut-être par l'intermédiaire du pays ou du financement, et non par des ONG, etc.?
    Peut-être, mais pour vous situer un peu dans le contexte, je vous dirais que le protocole sur la traite de personnes distingue quatre groupes de pays relativement aux mesures qu'ils prennent pour s'attaquer au problème. Les groupes sont classés de un à quatre, selon un ordre décroissant, pour les efforts déployés, et le Canada fait partie du premier groupe, tout comme l'Inde.
    De toute évidence, les Indiens déploient beaucoup d'efforts à cet égard. Le problème statistique découle en grande partie du fait qu'il s'agit essentiellement de crimes commis par des groupes organisés, qu'il s'agisse de crime organisé proprement dit ou non, et qu'il est très difficile de les démasquer. Une chose que les Indiens essaient de faire dans leur plan d'action dans le cadre du protocole, c'est de mieux comprendre.
    À mon avis, et qu'on me corrige si je me trompe, le problème, ce n'est pas le financement. Les Indiens se concentrent là-dessus. Ils ont accès à l'argent, à des fonds provenant d'organisations internationales et d'autres sources. Comme vous le disiez plus tôt, je pense qu'une bonne partie du problème se pose sur le terrain, et c'est là-dessus que les ONG axent beaucoup d'efforts.
    Ce n'est pas une réponse parfaite, mais cela vous donne une petite idée du contexte.
(1335)
    Nous avons parlé un peu de la traite de personnes dans d'autres pays qui sont aussi concernés. Prennent-ils des mesures visant à réduire la traite de personnes à des fins sexuelles ou la traite de personnes en général dans la région?
    Comme nous, les Indiens sont parties à toute une série d'obligations internationales, entre autres pour le passage de clandestins, soit leur passage aux frontières. Les Indiens essaient très activement de prévenir le problème, pour de nombreuses raisons, dont celle de simplement contrôler leurs frontières, qui sont poreuses et très grandes. Ils essaient de régler ces problèmes, mais cela fait partie de la question indéfinissable de savoir si le déplacement de la personne qui traverse la frontière comporte quelque chose d'illégal. Je souligne que selon ce qui a été rapporté à deux ou trois reprises, notamment par les États-Unis, les Indiens réussissent mieux à arrêter les gens aux frontières maintenant. C'est grâce à une meilleure organisation tant à l'échelle fédérale que dans les États.
    Merci, monsieur Drake.
    C'est maintenant au tour du député Duvall. Allez-y, s'il vous plaît. Vous disposez de sept minutes.
    Je vous remercie, messieurs, d'être venus nous fournir de l'information importante aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant.
    À ma connaissance, la traite de personnes revêt essentiellement une dimension internationale. Il est très rare que les réseaux ne s'établissent que dans un seul pays. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé du Bangladesh et du Népal. Pourriez-vous en dire davantage sur la dimension internationale que revêt le commerce du sexe? Plus précisément, où les victimes se retrouvent-elles habituellement?
    Je ne peux vous fournir qu'une analyse partielle à cet égard.
    À ma connaissance, et j'étais haut-commissaire au Bangladesh il y a quelques années, les clandestins qui proviennent du Bangladesh sont en grande partie des travailleurs, et non des travailleurs du sexe, et ils vont principalement en Inde parce que l'économie y est beaucoup plus dynamique. Nous parlons ici de millions de personnes qui entrent illégalement en Inde pour travailler.
    L'exemple le plus frappant au Népal, c'est celui que j'ai donné, c'est-à-dire que lorsque l'économie s'est effondrée après le tremblement de terre de 2015, un grand nombre de personnes ont quitté le Népal — pas nécessairement pour aller en Inde, bien que bon nombre de Népalais travaillent en Inde, mais ils sont passés par l'Inde pour se rendre dans les États du golfe et au Moyen-Orient, encore une fois, pour travailler.
    En ce qui concerne votre indication préliminaire, bien que, comme je l'ai dit, les chiffres ne sont pas solides, selon nos indications, une grande partie des activités liées au passage de travailleurs clandestins — qui sont obligés de travailler dans des conditions pénibles — en Inde sont menées au pays, en fait. On parle de plus d'un milliard de personnes. Le pays est tellement grand qu'il a en fait ses propres marchés de passeurs, qui sont très importants.
    En général, je conviens que la plupart des activités de passage de clandestins revêtent une dimension internationale, mais l'Inde est l'un de ces endroits tellement grands que c'est comme s'ils avaient leur propre climat: elle a son propre réseau de passage de clandestins.
(1340)
    Merci.
    Le gouvernement indien impose-t-il des sanctions sévères ou prend-il des mesures dissuasives pour réduire la traite? Existe-t-il des sanctions sévères?
    Oui.
    Encore une fois, votre personnel de soutien peut faire de plus amples recherches à cet égard, mais les Indiens ont adopté des sanctions très sévères. Ils interviennent dans les différentes parties du processus lié au passage de clandestins.
    Connaissons-nous les facteurs de la demande de ces services sexuels? S'agit-il du tourisme? Je sais que vous avez dit qu'il y avait beaucoup de pauvreté, mais d'où provient la demande? S'agit-il de gens en visite, d'événements spéciaux ou simplement de n'importe quoi?
    Si je peux reprendre les sages paroles que vient de marmonner M. Drake à mon oreille, il ne s'agit pas tant d'un facteur d'attraction que d'un facteur d'incitation. C'est vraiment le fait qu'il y a des gens très pauvres. L'Inde est en bien meilleure posture maintenant qu'il y a 20 ans, même en tant qu'économie et en tant que nation, mais encore aujourd'hui, une énorme partie de sa population vit dans l'extrême pauvreté et a énormément de mal à joindre les deux bouts.
    Dans un sens, c'est davantage influencé par des facteurs d'offre plutôt que par la demande. La demande de main-d'oeuvre bon marché et de services sexuels est toujours présente. Malheureusement, c'est la réalité. C'est présent partout. Cependant, si cela se passe en Inde, c'est en grande partie parce que ce pays compte une énorme proportion de gens très pauvres qui ont peu de solutions devant eux.
    Je vais poser ma dernière question. Pouvez-vous décrire les moyens coercitifs qui sont utilisés pour que les femmes et les enfants restent dans le commerce du sexe? Vous avez peut-être répondu à la question en disant que c'est lié à la pauvreté.
    Je ne minimiserais pas le fait qu'il y a des contraintes, physiques ou autres, qui forcent des gens à faire des choses. Je n'ai pas les détails.
    Si vous le voulez, nous pouvons continuer à examiner la question. Je n'ai jamais étudié en profondeur ce type de détails.
    Si vous permettez d'ajouter quelque chose, encore une fois, cela résulte de la pauvreté — de l'extrême pauvreté. Dans bien des cas, il s'agit de services d'esclavage quelconques. Les parents sont très pauvres, ou dans le cas d'enfants qui ont perdu leurs parents, un membre de la famille les vend, essentiellement, comme esclaves. Ce sont des problèmes courants dans les populations les plus démunies en Inde et, bien entendu, il y a des gens qui sont prêts à profiter de ce type de situation.
    Encore une fois, le facteur principal, c'est la pauvreté, et je crois que les Indiens le disent très clairement. En même temps, il nous faut tenir compte du fait qu'il y a ceux qui favorisent les choses lorsque la situation se présente.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour du député Tabbara.
    Merci, monsieur le président. Je vais céder une partie de mon temps à M. Fragiskatos.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné qu'on avait rapporté qu'environ 20 000 femmes et enfants avaient été victimes de la traite de personnes en 2016, une augmentation de 25 %. Bon nombre de ces femmes et de ces filles viennent du Népal et du Bangladesh.
    Dans quelle mesure la corruption a-t-elle des répercussions sur la mise en application? Dans les notes d'information, on indique que le taux d'acquittement est de 77 %. Encore une fois, de quelle façon le gouvernement indien... et que peut faire le Canada concernant ce taux d'acquittement élevé et comment peut-il aider à mettre fin à la corruption, de sorte que nous puissions déterminer les causes profondes et traduire en justice les responsables?
(1345)
    Je suis sûr que c'est un argument valable. C'est une chose à examiner. Je ne connais pas la réponse. Tout d'abord, je ne sais pas comment cette proportion de 77 % se compare à, par exemple, des taux d'acquittement d'autres pays. L'un des problèmes dans cette question, comme je l'ai dit indirectement dans mon exposé, c'est qu'il est très difficile d'amener des témoins à porter plainte, en fait, à mettre le feu aux poudres. Il y a la coercition exercée sur les travailleurs; il y a des gens qui ont peur des répercussions que cela pourrait avoir sur leur famille. Ce n'est pas seulement lié à l'Inde, mais à tout. Je ne le sais pas; le taux d'acquittement de 77 % semble catastrophique, mais j'ignore comment cela se compare à d'autres pays. Je dois dire que nous n'avons pas examiné cette question de près. La corruption, globalement, ne se limite pas aux questions de la traite de personnes ou de la traite de personnes à des fins sexuelles. C'est un problème constant, non seulement en Inde, mais dans bien des pays.
    Comment pouvons-nous démanteler ces réseaux de traite de personnes du Népal et du Bangladesh?
    Il faut déterminer ce qu'on veut faire. Les travailleurs qui viennent du Bangladesh, par exemple, répondent à un besoin en Inde. Ils y sont parce qu'il y a des emplois. Ils se font exploiter par les gens qui les embauchent et par ceux qui organisent les migrations massives. Nous ne parlons pas de gens qui traversent la frontière; nous parlons d'activités organisées de migration de travailleurs qui sont sous-payés lorsqu'ils arrivent en Inde, mais qui gagnent tout de même plus d'argent que s'ils restaient dans leur pays. Sur le plan moral, la question devient très compliquée.
    M. Marwan Tabbara: Je vous cède la parole.
    Merci de votre présence.
    Selon moi, les options de cette puissance intermédiaire qu'est le Canada sont, je ne dirais pas « limitées », mais assurément définies par ce que nous sommes en mesure de faire. J'aimerais attirer votre attention sur deux domaines particuliers. Comme membre du comité des affaires étrangères, j'ai eu à me rendre au Guatemala et en Colombie, ainsi qu'en Ukraine et à d'autres endroits. M. Levitt siège aussi à ce comité. Nous avons vu l'aide canadienne au développement mise en oeuvre sur le terrain et l'incidence positive que cela peut avoir sur la vie des gens, notamment dans le domaine de l'agriculture et de l'aide juridique. Si je parle de ces domaines, ce n'est pas parce que ce sont les deux seuls sur lesquels nous pourrions concentrer nos efforts. De toute évidence, notre politique de développement englobe beaucoup plus de choses que cela. En revanche, la donne est différente lorsqu'il s'agit du problème de la traite des personnes. Le comité a examiné une pléthore d'articles pour se préparer à faire cette étude. Ces articles se penchaient entre autres sur les problèmes que connaissent les agriculteurs indiens, comme les dettes qu'ils doivent assumer, la sécheresse particulièrement forte qui sévit actuellement dans le sud du pays, qui jette les gens dans la pauvreté. Malheureusement, dans beaucoup de cas, ces problèmes forcent les agriculteurs à céder leurs enfants à la traite des personnes.
    Lorsque vous avez fait votre exposé, vous avez parlé d'un certain nombre de secteurs qui reçoivent notre aide en Inde. L'aide se focalise entre autres sur la sécurité alimentaire et l'agriculture. J'aimerais que vous nous expliquiez en quoi cela a pu aider indirectement la lutte à la traite des personnes. Également — et M. Tabbara a dit un mot à ce sujet —, en ce qui concerne l'aspect punitif de cette question, pouvez-vous nous dire si le Canada offre ou a offert son soutien aux programmes d'aide juridique en Inde? De toute évidence, il y a là-bas des personnes qui s'inquiètent de ce phénomène et qui voudraient le mettre à l'avant-plan, même si l'attitude actuelle de la population face à cette question n'est pas nécessairement celle que l'on souhaiterait. Il y a des défenseurs des droits de la personne qui font avancer ces questions, quelles que soient les circonstances. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de regarder du côté de l'aide juridique.
    Je crois que la réponse générale que je peux donner à votre première question, c'est que cela a tout à voir avec les priorités que l'on se donne. Il y a trop de choses que nous pourrions faire pour prêter main-forte, mais nous devons accepter que nous ne pouvons pas aider sur tous les fronts. Il ne fait aucun doute que la traite des personnes est un problème très grave, et que l'aspect « trafic sexuel » de cette activité est une partie particulièrement poignante et consternante d'un problème de plus grande envergure. Nos priorités en matière d'aide ne sont pas limitées à cet aspect. Elles auraient pu l'être. De façon générale, nous devons choisir ce sur quoi nous voulons nous concentrer. En Inde, nous n'avons pas mis d'accent particulièrement fort sur la traite des personnes. Je dirais que c'est un problème de plus grande envergure, un problème qui n'est pas confiné à l'Inde. Je crois que c'est quelque chose que nous devons envisager dans un cadre plus large. À cet égard, si vous permettez cette parenthèse bien personnelle, je tiens à vous dire que c'est une étude formidable que vous entreprenez aujourd'hui, et que j'ai très hâte d'en connaître les résultats.
    Pour répondre à votre deuxième question, en ce qui concerne l'aide juridique, je ne suis pas au courant de quoi que soit que nous aurions fait à cet égard. Toutefois, je vais faire un suivi à ce sujet et vous faire savoir de quoi il retourne.
(1350)
    Je n'y vois aucun problème. La question vient du fait qu'il convient de reconnaître que le Canada est, comme je l'ai dit, une puissance intermédiaire et que cela limite ce que nous sommes capables de faire. Néanmoins, il importe aussi de reconnaître que la traite des personnes, que ce soit en Inde ou ailleurs, est en fait un symptôme d'un ensemble de problèmes beaucoup plus vaste. Permettez-moi d'insister là-dessus.
    Si le Canada peut continuer à prêter main-forte dans certains secteurs, comme en agriculture, par exemple — j'ai aussi mentionné l'aide juridique, mais il y a d'autres exemples —, il pourra aider indirectement à alléger le problème de la traite des personnes. Je crois que ce serait mieux que de nous focaliser sur un aspect particulier, qui n'est en fait que le symptôme d'un problème. Je ne suis en effet pas convaincu qu'une telle focalisation soit la façon optimale de mettre en oeuvre notre politique en matière d'aide.
    Cela ne fait aucun doute. Pour en revenir à ce que vous disiez, je crois que nous pouvons dire que nous avons certains secteurs de prédilection, des secteurs où nous sommes en mesure d'agir. L'un des secteurs où nous nous investissons beaucoup en Inde et dans d'autres pays, c'est celui des droits des femmes et des enfants, notamment sur des sujets comme la violence sexuelle et d'autres formes de violence, telle que la violence au foyer. Comme vous l'avez laissé entendre, ce sont des secteurs qui pourraient très aisément être reliés à la question de la traite des personnes.
    Comme c'est le cas pour l'agriculture et pour d'autres choses, je crois que c'est le lien qui sous-tend ce lien. Je m'explique. Maintenant, notre programme de développement pose l'exigence pour presque tous nos programmes de rendre compte de l'effet qu'ils ont sur les femmes et les enfants. Cela a tout à voir avec les droits des sexes, et notamment ceux des femmes et des enfants. De façon plus générale, c'est ce qui s'est fait.
    Merci beaucoup.
    Merci. Pour la dernière question, nous allons donner la parole au député Anderson.
    Messieurs, j'ai une question à vous poser. Vous dites que le gouvernement indien a reconnu que la traite touchait des milliers de personnes, 20 000 ou quelque chose du genre. Sans égard pour les évaluations, disons qu'il y en a des millions. Le gouvernement a-t-il une position à ce sujet? Quelle est la position officielle du gouvernement canadien quant au nombre de gens qui sont victimes de la traite des personnes en Inde? En fait, le gouvernement en a-t-il seulement une?
    Non, nous n'en avons pas. Nous ne disposons pas de données de source indépendante. Par conséquent, le fait d'adopter une position n'aurait aucun sens.
    D'accord. Dans ce cas, je crois que la seule chose que nous pouvons retenir de votre exposé d'aujourd'hui, c'est qu'il a été question d'un fonds canadien d'initiatives locales qui appuieraient un projet local visant à améliorer la coordination et la capacité pour s'attaquer à la traite des personnes dans l'État du Maharashtra. Je me demandais si, avant de venir ici, vous avez vérifié où en était ce projet. Le cas échéant, pouvez-vous nous dire s'il a du succès et nous décrire ce qui s'est fait là-bas? Ce projet était axé précisément sur la question de la traite des personnes. Avez-vous de l'information à nous donner à ce sujet? Que s'est-il passé? Quels résultats avez-vous obtenus grâce à cela?
    Non, nous n'avons pas vérifié, mais il nous sera facile de vous fournir ces renseignements, et c'est ce que nous allons faire.
    Vous savez quoi? Il aurait aussi été facile d'avoir cette information ici avec vous, puisque c'est précisément... Nous avons passé un temps considérable à nous préparer à cette étude. Mme Khalid a pris les devants à cet égard. Je crois que nous sommes passablement déçus du contenu qu'on nous a servi aujourd'hui.
    Je vais donc passer à un sujet dont vous savez peut-être quelque chose. Vous avez dit que nous avons dépensé 5,1 millions de dollars sur des programmes de lutte contre la traite des personnes en Amérique latine et dans les Caraïbes.
    Monsieur Drake, êtes-vous au fait de cette initiative? Qu'arrive-t-on à faire avec 5,1 millions de dollars? Quelles sont ces choses que nous pourrions peut-être proposer d'appliquer en Inde?
    Merci beaucoup. À vrai dire, j'avais hâte de vous en parler.
    Cela fait partie de notre Programme d'aide au renforcement des capacités de lutte contre la criminalité. Ce programme fait partie de mes responsabilités au ministère. Ce n'est pas de l'aide étrangère proprement dite, car le programme vise principalement à renforcer les capacités dont disposent les gouvernements locaux pour lutter contre les migrations clandestines. Comme vous le savez, comme c'est le cas pour la traite des personnes, les migrations clandestines suivent un itinéraire particulier qui part de l'Amérique centrale et qui traverse le Mexique et les États-Unis avant d'arriver au Canada. C'est là-dessus que nous travaillons.
    C'est un fonds très modeste, mais il est très efficace. Nous arrivons à faire de l'excellent travail. Je dois toutefois préciser que tout cela est fait en parallèle avec les efforts investis par Sécurité publique et les organismes du Portefeuille pour collaborer avec les administrations locales.
(1355)
    Dans ce cas, pouvez-vous nous donner des détails? Si vous dites que cela fonctionne bien, quelles sont les choses que vous réussissez à faire? Je sais que nous avons donné de l'argent pour soutenir le développement des systèmes judiciaires et pour appuyer la formation de la police dans certains pays d'Amérique du Sud et des Caraïbes, mais de façon plus précise, quelle incidence cette initiative a-t-elle sur la traite des personnes?
    Eh bien, je vais assurément vous faire parvenir plus de détails à ce sujet, mais disons que l'intention est d'appuyer le travail de la police frontalière et des systèmes judiciaires à cet égard. Dans bien des cas, ils ne savent tout simplement pas comment procéder sur le plan judiciaire. Nous concentrons donc nos efforts à faire en sorte que les choses fonctionnent bien d'une frontière à l'autre, car cela concerne de multiples pays. Alors, notre soutien est important. Je vais bien sûr vous transmettre plus de renseignements à ce sujet, des renseignements détaillés.
    Pouvez-vous revenir un peu en arrière et nous parler de la discrimination fondée sur la caste? Je sais qu'ils sont en train de changer les noms à cet égard. Comment cela se traduit-il ici? Je crois comprendre que les deux tiers des femmes victimes de la traite de personnes en Inde sont de la caste Delhi. Pouvez-vous nous parler un peu de cela?
    C'est la caste la plus pauvre du pays. Pour revenir à ce que M. Drake disait tout à l'heure, étant donné que l'un des principaux facteurs responsables de la traite des personnes est la pauvreté, c'est de là que proviennent les victimes.
    Avez-vous remarqué si certaines minorités religieuses sont visées de façon particulière elles aussi? Vous en avez mentionné deux. Il semble que la traite est peut-être une fonction de certaines communautés religieuses. Y a-t-il des communautés religieuses qui sont touchées plus que d'autres?
    Je ne le crois pas, toutes proportions gardées, mais je pourrai vous le confirmer ultérieurement.
    Géographiquement, en Inde?
    Non. Il semble que le facteur le plus déterminant est la pauvreté; c'est une question de situation économique et non de statut social.
    La plupart des victimes sont hindoues parce que la majorité de la population est hindoue. Aussi, elles proviennent surtout des milieux ruraux, car l'Inde est un pays principalement rural. Ce sont les seules tendances que j'ai pu cerner.
    Cela signifie que nous ne retrouverons pas les mêmes modalités que dans d'autres pays où l'on constate des divisions d'ordre ethnique, et où certains groupes sont particulièrement visés. Vous dites qu'au sein de la communauté hindoue, c'est probablement... Cela n'arrive que dans la communauté musulmane. Cela se produit...
    Je dis que je ne le sais pas. Je suis convaincu que vous avez fait des recherches plus approfondies que j'ai pu en faire au cours de la semaine que j'ai eue pour me pencher là-dessus.
    Revenons à M. Drake. Vous avez dit que le gouvernement indien prévoit des peines assez sévères à cet égard.
    Oui, c'est le cas.
    Je sais qu'il y en a. Apparemment, une loi a été présentée en 2016 puis a fait l'objet d'une révision, mais elle n'a pas encore été appliquée. Comment les autorités indiennes font-elles le suivi? Avez-vous une idée de ce qu'elles font pour suivre ces crimes et poursuivre ceux qui les commettent?
    En toute honnêteté, je ne connais pas la chose en détail.
    Je sais qu'il y a de l'excellente information à ce sujet, dont un rapport qui a été produit aux États-Unis. Je crois que les États-Unis mettent l'accent sur cet aspect. J'ai remarqué qu'une bonne partie de vos indicateurs proviennent de ce rapport, comme ce 77 %, etc. Même si je ne peux pas vous en fournir une copie, je peux assurément vous trouver plus de renseignements à ce sujet. Il y a beaucoup d'information en circulation pour répondre à votre question.
    C'est une bonne chose qu'il y en a en circulation parce qu'ici, il n'y en a pas.
    Sur ce — et parce qu'il est 13 h 59 —, je vais mettre un terme à la présente séance.
    Je crois qu'il y a passablement d'informations que nous n'avons pas pu obtenir, soit parce que ce sont des choses qu'on ne connaissait pas ou... Quoi qu'il en soit, il y a un certain nombre de questions qui pourront faire l'objet d'un suivi.
    Encore une fois, nous travaillons avec Affaires mondiales Canada, car nous espérons obtenir de plus amples renseignements « de terrain » et de l'information contextuelle. C'est habituellement notre point de départ. Je pense que tous les membres du Comité aimeraient que l'information demandée soit acheminée à la greffière afin que nous puissions nous en servir pour cette très importante étude que nous a proposée Mme Khalid.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU