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INDU Rapport du Comité

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Loi sur Investissement Canada : réagir à la pandémie de COVID‑19 et faciliter la relance au Canada

Introduction

Le 1er juin 2020, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (le Comité) a adopté la motion suivante :

Que, comme la motion de la Chambre adoptée la semaine dernière donne aux comités le pouvoir de faire des études au-delà de leurs responsabilités habituelles, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie mène une étude sur la Loi sur Investissement Canada; que cette étude vise à déterminer la mesure dans laquelle les entreprises des industries canadiennes stratégiques ont été dépréciées en raison de la crise de la COVID‑19; la mesure dans laquelle des prises de contrôle étrangères peuvent se produire; si les seuils d’évaluation de la Loi sur Investissement Canada sont appropriés pour faire un examen des avantages nets compte tenu de la potentielle dépréciation extrême des entreprises des industries canadiennes stratégiques; si le Canada devrait imposer un moratoire temporaire sur les acquisitions par des entreprises d’État de pays totalitaires; que cette étude comprenne au moins quatre réunions; que cette étude soit terminée d’ici le 21 juin 2020; que le Comité présente ses conclusions; et que le gouvernement présente une réponse exhaustive.

Le Comité a tenu trois réunions, entendu 20 témoins et reçu deux mémoires.

Un contexte en évolution

Le Parlement a promulgué la Loi sur Investissement Canada originale (LIC ou la Loi) en 1985 pour remplacer la Loi sur l’examen de l’investissement étranger (LEIE) de 1974. La LEIE donnait suite aux préoccupations que suscitait la tendance à la hausse des acquisitions par des étrangers (principalement des intérêts américains) d’entreprises dans des secteurs clés de l’économie canadienne. Pour que les investissements étrangers soient autorisés aux termes de la LEIE, les investisseurs devaient convaincre le gouverneur en conseil que les investissements proposés présentaient des avantages considérables pour le Canada. Les opinions concernant les investissements étrangers ont évolué au fil des années qui ont suivi. C’est la raison pour laquelle le Parlement a maintenu, mais assoupli, les exigences de la LEIE dans la nouvelle LIC[1].

Le Parlement a procédé à une refonte en profondeur de la LIC en 2009. D’un côté, le Parlement a relevé les seuils devant déclencher un examen « de l’avantage net » d’un investissement aux termes de la Loi et a éliminé la plupart des exigences visant des secteurs précis, à l’exception notable des entreprises culturelles. De l’autre côté, le Parlement a adopté des dispositions donnant au gouvernement fédéral de vastes pouvoirs lui permettant d’évaluer et de bloquer éventuellement les investissements étrangers pouvant porter atteinte à la sécurité nationale[2]. Malgré les modifications subséquentes, notamment des augmentations des seuils déclenchant un examen de l’avantage net, la LIC est essentiellement inchangée aujourd’hui. Ses dispositions reflètent la conviction que, même si les investissements étrangers sont généralement profitables pour l’économie canadienne, certains peuvent porter atteinte à la sécurité nationale du pays :

Étant donné les avantages que retire le Canada d’une augmentation du capital et de l’essor de la technologie et compte tenu de l’importance de préserver la sécurité nationale, la présente loi vise à instituer un mécanisme d’examen des investissements importants effectués au Canada par des non-Canadiens de manière à encourager les investissements au Canada et à contribuer à la croissance de l’économie et à la création d’emplois, de même qu’un mécanisme d’examen des investissements effectués au Canada par des non-Canadiens et susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale[3].

Selon des données de Statistique Canada, même si la plus grande part des investissements étrangers directs (IÉD) au Canada provient des États‑Unis depuis 20 ans (figure 1), la proportion des IÉD américains a diminué au cours de la même période (figure 2). Après les États‑Unis, les 12 principales sources d’IÉD sont, en ordre décroissant, les Pays‑Bas, le Royaume-Uni, le Luxembourg, la Suisse, le Japon, la Chine, Hong Kong, l’Allemagne, le Brésil, la France, les Bermudes et l’Australie.

Figure 1 — Valeur comptable totale des investissements étrangers directs au Canada, par pays d’origine, 2000‑2019 (en millions de dollars)

La figure 1 illustre la valeur comptable totale des investissements étrangers directs au Canada, par pays d’origine, de 2000 à 2019 (en millions de dollars). En 2000, en ordre décroissant, les investissements étrangers directs (IÉD) provenaient des États Unis (193,7 milliards de dollars), de la France (37 milliards de dollars), du Royaume Uni (24 milliards de dollars), des Pays Bas (15,3 milliards de dollars), du Japon (8 milliards de dollars), de l’Allemagne (7,3 milliards de dollars), de la Suisse (5,8 milliards de dollars), de Hong Kong (3,4 milliards de dollars), du Luxembourg (3 milliards de dollars), des Bermudes (2 milliards de dollars), de l’Australie (1,7 milliard de dollars), du Brésil (0,6 milliard de dollars) et de la Chine (0,2 milliard de dollars). Les IÉD en provenance d’autres pays se chiffraient à environ 17 milliards de dollars. En 2019, toujours en ordre décroissant, les IÉD provenaient des États Unis (455 milliards de dollars), des Pays Bas (123,9 milliards de dollars), du Royaume Uni (62,3 milliards de dollars), du Luxembourg (56 milliards de dollars), de la Suisse (51,7 milliards de dollars), du Japon (33,6 milliards de dollars), de la Chine (21,2 milliards de dollars), de Hong Kong (20,9 milliards de dollars), du Brésil (18,1 milliards de dollars), de l’Allemagne (15,3 milliards de dollars), de la France (14,8 milliards de dollars), des Bermudes (13,2 milliards de dollars) et de l’Australie (11,2 milliards de dollars). Les IÉD provenant d’autres pays se sont élevés à environ 76,3 milliards de dollars. Depuis 2000, le pays d’où tire son origine la plus grande partie des IÉD entrants sont les États Unis. De plus, les IÉD de certains pays ont diminué ou augmenté considérablement par rapport à d’autres. Par exemple, entre 2000 et 2019, les IÉD français ont reculé de la 2e à la 11e place, tandis que les IÉD luxembourgeois sont remontés de la 9e à la 4e place, et les IÉD chinois sont passés de la 13e à la 7e place.

Note :     Aucune donnée pour la Chine en 2006 et pour Hong Kong de 2006 à 2011 inclusivement.

Source : Figure préparée par les analystes de la Bibliothèque du Parlement à partir de données provenant de Statistique Canada, Tableau 36-10-0008-01 – Bilan des investissements internationaux, investissements directs canadiens à l’étranger et investissements directs étrangers au Canada, par pays, annuel (x 1 000 000), consulté le 1er septembre 2020.

Figure 2 — Valeur comptable totale des investissements étrangers directs au Canada, par pays d’origine, 2000‑2019 (en pourcentage)

La figure 2 illustre la valeur comptable totale des investissements étrangers directs au Canada, par pays d’origine, de 2000 à 2019 (en pourcentage). En 2000, en ordre décroissant, les investissements étrangers directs (IÉD) provenaient des États Unis (60,68 %), de la France (11,59 %), du Royaume Uni (7,51 %), des Pays Bas (4,81 %), du Japon (2,52 %), de l’Allemagne (2,31 %), de la Suisse (1,83 %), de Hong Kong (1,06 %), du Luxembourg (0,94 %), des Bermudes (0,65 %), de l’Australie (0,54 %), du Brésil (0,19 %) et de la Chine (0,06 %). La part des IÉD en provenance d’autres pays s’élevait à 5,32 %. En 2019, toujours en ordre décroissant, les IÉD venaient des États Unis (46,73 %), des Pays Bas (12,72 %), du Royaume Uni (6,4 %), du Luxembourg (5,75 %), de la Suisse (5,31 %), du Japon (3,45 %), de la Chine (2,18 %), de Hong Kong (2,15 %), du Brésil (1,86 %), de l’Allemagne (1,58 %), de la France (1,52 %), des Bermudes (1,36 %) et de l’Australie (1,15 %). La part des IÉD provenant d’autres pays s’élevait à 7,84 %. En 2000, la majorité des IÉD entrants venaient des États-Unis. Cependant, en 2019, même si la part des IÉD entrants en provenance des États Unis demeurait la plus importante, la majorité des IÉD provenait de pays autres que les États Unis. Bien qu’elle soit restée modeste par rapport à la part des IÉD entrants venant des États Unis, la part des IÉD entrants en provenance de certains autres pays a changé considérablement entre 2000 et 2019. Par exemple, les IÉD français ont reculé de 11,59 à 1,52 %, les IÉD luxembourgeois sont passés de 0,94 à 5,75 % et les IÉD chinois ont augmenté de 0,06 à 2,18 %.

Note :     Aucune donnée pour la Chine en 2006 et pour Hong Kong de 2006 à 2011 inclusivement.

Source : Figure préparée par les analystes de la Bibliothèque du Parlement à partir de données provenant de Statistique Canada, Tableau 36-10-0008-01 – Bilan des investissements internationaux, investissements directs canadiens à l’étranger et investissements directs étrangers au Canada, par pays, annuel (x 1 000 000), consulté le 1er septembre 2020.

Tim Hahlweg, directeur adjoint du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), a confirmé que « [b]ien qu’ils soient essentiels à la prospérité canadienne, les investissements de pays étrangers ont le potentiel, dans certains cas, de nuire à nos intérêts de sécurité nationale[4] ». La nature et l’origine de ces menaces varient, mais ces dernières existent depuis des années, et les investissements étrangers provenant de la République populaire de Chine (Chine) et de la Russie tendent à accaparer une bonne partie de l’attention du SCRS. M. Hahlweg a aussi mentionné l’acquisition d’entreprises canadiennes possédant de vastes quantités de données personnelles sur des Canadiens et les Canadiennes — par exemple des dossiers financiers et médicaux — ou de la propriété intellectuelle ou des technologies de nature sensible, ou d’entreprises qui exploitent des infrastructures critiques dans les domaines des télécommunications, du transport ou de l’énergie. Ces acquisitions sont plus susceptibles de soulever des problèmes de sécurité nationale. C’est particulièrement vrai lorsque l’investisseur entretient des liens étroits avec un gouvernement étranger (p. ex., parce qu’il est une entreprise d’État ou est contrôlé par une telle entreprise) et qu’il effectue des acquisitions qui servent les objectifs stratégiques de ce gouvernement[5].

Nombre de témoignages que le Comité a entendus au sujet des investissements étrangers pouvant représenter un risque pour la sécurité nationale visaient la Chine. Selon Charles Burton, chercheur principal à l’Institut Macdonald-Laurier, il n’est pas inhabituel pour les investissements chinois effectués au Canada et ailleurs de servir avant tout des objectifs stratégiques. M. Burton a déclaré que les entreprises chinoises travaillent de concert avec les autorités militaires et les services de renseignement de leur pays pour obtenir de l’information sur des sociétés étrangères et acquérir leur technologie. Selon lui, toutes les entreprises chinoises répondent à la définition d’entreprises d’État aux termes de la Loi (voir ci‑dessous). Il a précisé que des représentants du gouvernement siègent souvent aux conseils d’administration de ces entreprises. Il a aussi affirmé que les entreprises chinoises tentent souvent de se faire discrètes quand elles veulent acquérir des biens de nature sensible, par exemple en faisant appel à des intermédiaires indépendants. Selon M. Burton, les investissements étrangers sont, aux yeux du gouvernement chinois, un outil économique permettant d’exercer des pressions sur des entreprises étrangères et leurs gouvernements afin de faire avancer ses intérêts politiques et stratégiques[6].

Christopher Balding, professeur agrégé à la Fulbright University, Vietnam, a aussi insisté sur les liens étroits qui existent entre les entreprises chinoises et leur gouvernement. M. Balding a expliqué que le gouvernement chinois remet chaque année aux entreprises chinoises une liste d’actifs étrangers qu’elles doivent acquérir. À son avis, le succès commercial limité de ces acquisitions (p. ex. le faible rendement des capitaux propres et de l’actif) confirme que les objectifs sont stratégiques. Comme M. Burton, M. Balding a affirmé que les entreprises chinoises peuvent recourir à des intermédiaires pour éviter d’attirer l’attention des gouvernements étrangers[7].

Par contre, Gordon Houlden, directeur de du China Institute, à l’Université de l’Alberta, a fait valoir que les investissements étrangers provenant d’entreprises d’État chinoises ne présentent pas tous le même niveau de risque pour la sécurité nationale du Canada. Selon lui, même si de nombreuses entreprises chinoises sont en fait des entreprises d’État et ne sont pas indépendantes du gouvernement chinois, il peut être difficile de déterminer si une entreprise donnée doit être traitée comme une entreprise d’État. De plus, il a expliqué que les investissements dans des secteurs ou des activités de nature sensible comportent plus de risques pour la sécurité nationale. En s’appuyant sur des données compilées par le China Institute, M. Houlden a fait observer que les investissements chinois ont commencé à se multiplier en 2003‑2004, année où ils ont atteint de 2 à 3 milliards de dollars, et ont culminé en 2013 à 23 milliards de dollars, avant de revenir dans une fourchette de 2 à 4 milliards de dollars en 2018‑2019. Statistique Canada et le China Institute recensent les investissements chinois au Canada différemment depuis 20 ans (voir les figures 3 et 4). Malgré le risque associé à certains investissements chinois, M. Houlden a maintenu que le Canada peut et devrait continuer de profiter de ces investissements, à la condition de protéger sa sécurité nationale et de maintenir sa capacité d’innovation[8].

Figure 3 — Valeur comptable totale des investissements étrangers directs au Canada provenant de la République populaire de Chine (RPC) et de Hong Kong, 2000‑2019 (en millions de dollars)

La figure 3 montre la valeur comptable totale des investissements étrangers directs au Canada provenant de la République populaire de Chine (RPC) et de Hong Kong, de 2000 à 2019 (en millions de dollars). La figure n’indique toutefois pas de données correspondant à 2006 pour la Chine et à 2006 à 2011 pour Hong Kong. En 2000, la valeur comptable totale des investissements étrangers directs (IÉD) provenant de la Chine s’est chiffrée à 192 millions de dollars, et celle des IÉD de Hong Kong, à 3,4 milliards de dollars. Au cours des années suivantes, la valeur comptable totale des IÉD chinois a dépassé celle des IÉD de Hong Kong, qui a atteint 21,2 et 20,9 milliards de dollars respectivement en 2019. La figure montre une augmentation significative des IÉD chinois, qui sont passés de 928 millions de dollars en 2005 à 4,2 milliards de dollars en 2007, de 5,7 milliards de dollars en 2008 à 12,2 milliards de dollars en 2009, et de 15,9 milliards de dollars en 2017 à 20 milliards de dollars en 2018. La figure montre également une importante augmentation des IÉD provenant de Hong Kong, qui sont passés de 14,5 milliards de dollars en 2016 à 20,1 milliards de dollars en 2007. Pris ensemble, les IÉD de la Chine et de Hong Kong ont totalisé 42,1 milliards de dollars 2019.

Note :     Statistique Canada ne divulgue pas de données sur les investissements provenant de la RPC en 2006, ni sur ceux provenant de Hong Kong entre 2006 et 2011.

Source : Figure préparée par les analystes de la Bibliothèque du Parlement à partir de données provenant de Statistique Canada, Tableau 36-10-0008-01 – Bilan des investissements internationaux, investissements directs canadiens à l’étranger et investissements directs étrangers au Canada, par pays, annuel (x 1 000 000), consulté le 1er septembre 2020.

Figure 4 — Valeur totale des investissements d’entreprises chinoises dans des entreprises et des actifs canadiens, 2000‑2019 (en millions de dollars américains)

La figure 4 montre la valeur cumulative des investissements d’entreprises chinoises dans des entreprises et des actifs canadiens, de 2000 à 2019, en millions de dollars américains. En 2000, les entreprises chinoises ont investi 184 millions de dollars américains dans des entreprises et des actifs canadiens. En 2019, la valeur cumulative des investissements d’entreprises chinoises dans des entreprises et des actifs canadiens s’est élevée à 82 milliards de dollars américains. Les investissements chinois ont augmenté considérablement, passant de 319 millions de dollars américains en 2004 à 4,8 milliards de dollars américains en 2005; de 11,5 milliards de dollars américains en 2009 à 21,8 milliards de dollars américains en 2010; et de 35,5 milliards de dollars américains en 2012 à 55,9 milliards de dollars américains en 2013.

Source : Figure préparée par les analystes de la Bibliothèque du Parlement à partir de données provenant du China Institute, China−Canada Investment Tracker, consulté le 4 septembre 2020.

Certains témoins ont fait état de plusieurs biens ou secteurs critiques pour la sécurité nationale et vulnérables à des acquisitions ou prises de contrôle par des intérêts étrangers, notamment : les ressources naturelles, les chaînes d’approvisionnement en produits alimentaires et médicaux, les infrastructures (télécommunications et transports), les médias et la culture, le secteur de la santé, le secteur hôtelier (compte tenu de la nécessité de protéger les renseignements personnels), de même que certaines technologies émergentes, comme l’intelligence artificielle (IA), le traitement de l’information quantique et les semiconducteurs[9]. D’autres témoins estiment également que la propriété intellectuelle et d’autres biens incorporels sont particulièrement vulnérables étant donné la facilité et la rapidité avec lesquelles un investisseur étranger peut les transférer ailleurs[10].

Certains témoins ont maintenu que la plupart des investissements étrangers sont profitables au Canada. Ainsi, Brian Kingston, vice‑président du Conseil canadien des affaires, a insisté sur le fait que les investissements étrangers demeurent vitaux pour la compétitivité et la prospérité à long terme du Canada : ils « ne produisent pas seulement des emplois. Ils permettent et promeuvent l’adoption de technologies et de nouvelles techniques de gestion, et ils créent des occasions d’accéder aux marchés[11]. » Mitch Davies, sous‑ministre adjoint principal au ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique (ISDE), a exprimé une opinion semblable[12], mais d’autres témoins n’étaient pas du même avis[13].

M. Hahlweg a expliqué que la pandémie de COVID‑19 a entraîné une augmentation des risques que posent les investissements étrangers pour la sécurité nationale. Des acteurs étrangers peuvent profiter de la vulnérabilité économique accrue des entreprises canadiennes pour procéder à des acquisitions opportunistes[14]. Plus précisément, M. Burton a déclaré que la Chine allait sans doute profiter de cette vulnérabilité économique pour acquérir des entreprises canadiennes possédant des actifs de nature sensible[15]. Daniel Schwanen, vice‑président de l’Institut C.D. Howe, a pour sa part fait valoir que la politique de sécurité nationale du Canada devrait tenir compte des vulnérabilités potentielles que la pandémie a révélées[16].

Le 18 avril 2020, le gouvernement fédéral a publié un Énoncé de politique sur l’examen des investissements étrangers et la COVID‑19 (Énoncé de politique) qui demeurera en vigueur « jusqu’à ce que l’économie se remette des effets de la pandémie de la COVID‑19 ». Le gouvernement fédéral continue d’examiner chaque investissement individuellement, mais il a déclaré dans l’Énoncé de politique qu’il « examinera avec une attention particulière […] les investissements étrangers directs de toute valeur, avec ou sans contrôle, dans des entreprises canadiennes qui sont liées à la santé publique ou qui participent à l’approvisionnement en biens et en services essentiels aux Canadiens ou au gouvernement ». Le gouvernement fédéral a aussi annoncé qu’il examinerait avec encore plus d’attention les investissements étrangers provenant d’entreprises d’État :

Certains investissements au Canada par des entreprises d’État pourraient être motivés par des motifs non commerciaux qui pourraient nuire aux intérêts économiques ou de sécurité nationale du Canada, un risque qui est amplifié dans le contexte actuel. Pour cette raison, le gouvernement soumettra à un examen approfondi aux termes de la LIC tous les investissements étrangers réalisés par des investisseurs publics, quelle que soit leur valeur, ou par des investisseurs privés considérés comme étant étroitement liés à des gouvernements étrangers ou soumis à leurs directives. Cela peut impliquer que le ministre demande un complément d’information ou une prolongation du délai prévu pour l’examen, comme l’autorise la LIC, afin de s’assurer que le gouvernement est en mesure de bien évaluer ces investissements.

Lorsqu’on leur a demandé ce qu’ils entendaient par « examen approfondi », les représentants du gouvernement fédéral ont répondu qu’il pourrait s’agir d’un examen approfondi des répercussions potentielles d’un investissement sur le système de santé et les chaînes d’approvisionnement, y compris sur le secteur biopharmaceutique et l’approvisionnement en équipement de protection individuelle, et que le gouvernement pourrait prendre plus de temps pour examiner ces investissements[17].

Processus d’avis d’investissement

Le processus d’avis d’investissement permet au gouvernement fédéral de surveiller les investissements étrangers effectués au Canada qui n’atteignent pas les seuils déclencheurs d’un examen de l’avantage net (voir ci‑dessous). Conformément à la LIC, les investisseurs étrangers qui prennent le contrôle d’une entreprise canadienne ou qui constituent une nouvelle entreprise doivent informer le gouvernement fédéral « avant que l’investissement ne soit effectué ou dans les trente jours qui suivent[18] ». La figure 5 montre le nombre d’avis remis au gouvernement fédéral entre 2014 et 2019. La figure 6 montre la valeur d’entreprise totale et la valeur totale des actifs pour les investissements étrangers faisant l’objet d’un avis remis au gouvernement fédéral entre 2014 et 2019.

L’avis d’investissement doit renfermer l’information prescrite sur l’investisseur, l’investissement et l’entreprise canadienne acquise ou constituée. Le gouvernement veut savoir, par exemple, si un État étranger a une participation directe ou indirecte au capital de l’investisseur et « le cas échéant, le nom de l’État de même que la nature et l’étendue du droit détenu sur l’investisseur », les sources du financement de l’investissement ainsi qu’une brève « description des activités commerciales qui sont ou seront exercées par l’entreprise canadienne », y compris une « description des produits qui sont ou seront fabriqués, vendus ou exportés » par l’entreprise canadienne et « des services qui sont ou seront fournis[19] ».

Figure 5 — Nombre d’avis signifiés entre 2014-15 et 2018-19

La figure 5 indique le nombre d’avis signifiés entre 2014 et 2019. De 2014 2015 à 2018 2019, le nombre d’avis a augmenté, passant de 704 à 953. De ce nombre, le gouvernement fédéral en a reçu 180 en 2014 2015 pour la création d’entreprises, comparativement à 255 en 2018 2019. C’est en 2018 2019 que le gouvernement fédéral a reçu le plus d’avis, et en 2015 2016 qu’il en a reçu le moins. Au cours de cette dernière année, le gouvernement fédéral a reçu 659 avis, dont 137 pour la création d’entreprises.

Source : Figure préparée par les analystes de la Bibliothèque du Parlement à partir de données provenant du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, Loi sur Investissement Canada : rapport annuel 2018−2019, 2019 (ISDE, Rapport annuel).

Figure 6 — Valeur des investissements déclarés entre 2014‑2015 et 2018‑2019 (en milliards de dollars)

La figure 6 indique la valeur des investissements déclarés chaque année entre 2014 et 2019, en milliards de dollars. On voit que la valeur des actifs et la valeur d’entreprise des investissements déclarés ont augmenté de façon constante de 2014 2015 à 2018 2019, même si la figure ne montre pas de données sur la valeur d’entreprise des investissements déclarés en 2014 2015. Cette année là, la valeur des investissements déclarés s’est chiffrée à 20,6 milliards de dollars. En 2018 2019, la valeur des actifs et la valeur d’entreprise des investissements déclarés se sont élevées à 41,2 et à 63,2 milliards de dollars respectivement.

Source : Figure préparée par les analystes de la Bibliothèque du Parlement à partir de données provenant d’ISDE, Rapport annuel.

Certains témoins ont proposé de modifier les obligations en matière d’avis pour les investissements étrangers visant des secteurs ou des actifs de nature sensible. La LIC exige que les investisseurs étrangers informent le gouvernement fédéral de tout investissement avant d’effectuer cet investissement ou au plus tard 30 jours après. Les obligations en matière d’avis après qu’un investissement a été effectué permettraient à un investisseur étranger d’acquérir légalement une entité canadienne et de transférer ses biens de nature sensible avant même que le gouvernement fédéral ne soit informé de la transaction. Le gouvernement fédéral pourrait quand même examiner l’investissement, mais le décret de dessaisissement pourrait être rendu trop tard pour protéger la sécurité nationale du Canada. Le Parlement pourrait modifier la LIC pour exiger que l’avis concernant les investissements visant des secteurs ou des actifs de nature sensible soit remis 30 jours avant que l’investissement soit effectué, à l’instar de ce qu’ont fait les États‑Unis. Comme les États‑Unis, le Canada pourrait exempter les investissements étrangers provenant de certains de ses partenaires commerciaux de ces nouvelles exigences en matière d’avis[20].

Examen de l’avantage net

Processus d’examen

Le processus d’examen de l’avantage net donne au gouvernement fédéral le pouvoir de vérifier que l’acquisition d’une entreprise canadienne d’importance se traduira vraisemblablement par un avantage net pour le Canada[21]. Les investissements étrangers ne subissent pas tous un examen de l’avantage net : aux termes de la LIC, les investissements y sont assujettis uniquement lorsque la valeur des actifs ou la valeur d’entreprise de la société acquise atteint ou excède un certain seuil[22]. Comme on peut le voir au tableau 1, la Loi classe les acquisitions par des intérêts étrangers dans différentes catégories, et chacune de ces catégories à son propre seuil. La plupart des seuils sont indexés annuellement.

Tableau 1 — Seuils déclencheurs d’un examen aux termes de la Loi sur Investissement Canada en 2021

Catégories d’investissements

Description

Seuil

Investissements par des investisseurs OMC (Organisation mondiale du commerce) du secteur privé

Investissements en vue d’acquérir directement le contrôle d’une entreprise canadienne :

Valeur d’entreprise de 1,043 milliard de dollars

Investissements aux termes de l’accord commercial conclu avec le secteur privé

Investissements visant à acquérir directement le contrôle d’une entreprise canadienne :

Valeur d’entreprise de 1,565 milliard de dollars

Investissements par des investisseurs OMC qui sont des entreprises d’État

Investissements visant à acquérir le contrôle direct d’une entreprise canadienne :

  • par des investisseurs OMC qui sont des entreprises d’État;
  • par des investisseurs non‑OMC qui sont des entreprises d’État quand l’entreprise canadienne visée par l’investissement est contrôlée par un investisseur OMC immédiatement avant que l’investissement soit effectué.

Valeur des actifs de 415 millions de dollars

Investissements par des investisseurs non‑OMC et investissements dans des entreprises culturelles (investissements directs)

Investissements visant à acquérir le contrôle d’une entreprise canadienne :

  • par des investisseurs non‑OMC quand l’entreprise canadienne visée par l’investissement n’est pas contrôlée par un investisseur OMC immédiatement avant que l’investissement soit effectué;
  • par des investisseurs non canadiens quand l’entreprise canadienne visée par l’investissement est une entreprise culturelle.

Valeur des actifs de 5 millions de dollars

Investissements par des investisseurs non‑OMC et investissements dans des entreprises culturelles (investissements indirects)

Investissements visant à acquérir le contrôle d’une entreprise canadienne :

  • par des investisseurs non‑OMC quand l’entreprise canadienne visée par l’investissement n’est pas contrôlée par un investisseur OMC immédiatement avant que l’investissement soit effectué;
  • par des investisseurs non canadiens quand l’entreprise canadienne visée par l’investissement est une entreprise culturelle.

Valeur des actifs de 50 millions de dollars

Note :     Le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a établi quatre catégories pour les investissements étrangers visés par la Loi sur Investissement Canada, mais le tableau présente cinq catégories afin de faciliter la distinction entre les investissements directs et indirects faits par des investisseurs non‑OMC et les investissements dans les entreprises culturelles, lesquels ont des seuils déclencheurs différents aux termes de la LIC.

Source : Tableau préparé par les analystes de la Bibliothèque du Parlement à partir de données provenant du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, Seuils.

La LIC impose un examen plus rigoureux des investissements faits par des entreprises d’État qu’à ceux effectués par d’autres investisseurs étrangers. En règle générale, une entreprise d’État est soit un gouvernement étranger, soit une entité ou un particulier vulnérable à l’influence d’un gouvernement étranger. Plus précisément, l’article 3 de la LIC définit une entreprise d’État comme suit :

  • a) le gouvernement d’un État étranger ou celui d’un de ses États ou d’une de ses administrations locales, ou tout organisme d’un tel gouvernement;
  • b) une [entité] contrôlée ou influencée, directement ou indirectement, par un gouvernement ou un organisme visés à l’alinéa a);
  • c) un individu qui agit sous l’autorité d’un gouvernement ou d’un organisme visé à l’alinéa a) ou sous leur influence, directe ou indirecte.

Selon M. Davies, la définition légale d’une entreprise d’État dans la LIC englobe « l’influence directe et indirecte, l’influence des individus » et permet « au ministre de prendre une décision après avoir tenu compte de tous les faits[23] ». Comme le montre le tableau 1 (ci‑dessus), le seuil déclencheur d’un examen de l’avantage net qui s’applique aux investissements faits par une entreprise d’État d’un pays membre de l’Organisation mondiale du commerce (valeur des actifs de 415 millions de dollars) est nettement inférieur par rapport à celui qui s’applique aux investissements d’investisseurs autres que des entreprises d’État provenant du même pays (valeur d’entreprise de 1,043 milliard de dollars)[24].

La Loi exige que les demandes d’examen de l’avantage net — ainsi que les avis d’investissements étrangers — renferment des renseignements pouvant révéler l’influence d’un État étranger sur les objectifs et les activités de l’entité qui contrôle l’investisseur étranger. Par exemple, le Règlement sur Investissement Canada (RIC) exige que le demandeur révèle si un État étranger a un droit de vote ou un droit de propriété dans l’entité qui contrôle l’investisseur étranger, s’il a le pouvoir de nommer les membres du conseil d’administration et de la haute direction de cette entité, ou s’il dispose, en vertu de la loi, de pouvoirs lui permettant d’orienter la prise de décisions stratégiques ou opérationnelles par ces personnes[25].

Comme l’a rappelé l’Association du Barreau canadien (ABC), les seuils déclencheurs d’un examen de l’avantage net ont considérablement augmenté de 2015 à 2020, comme on le planifiait depuis au moins 2013. Par exemple, le seuil applicable aux « investissements aux termes de l’accord commercial conclu avec le secteur privé » est passé d’une valeur comptable de 369 millions de dollars à une valeur d’entreprise de 1,613 milliard de dollars. Selon l’ABC, le gouvernement était convaincu de pouvoir relever les seuils étant donné qu’il pouvait compter sur le processus d’examen relatif à la sécurité nationale de la LIC en cas d’investissements problématiques. L’ABC a également fait remarquer que depuis 2009, et en raison du relèvement des seuils, la proportion des investissements étrangers déclarés qui font l’objet d’un examen de l’avantage net est passée de 10 % à 1 %[26].

Le processus d’examen de l’avantage net est officiellement enclenché lorsque l’investisseur étranger dépose une demande auprès de la Division de l’examen des investissements (la Division) d’ISDE. Le RIC fixe la forme et le contenu de la demande, mais le directeur des investissements de la Division (le directeur) peut exiger qu’un investisseur étranger fournisse des renseignements supplémentaires. L’investisseur étranger peut aussi soumettre des engagements écrits pour garantir que l’acquisition se traduira vraisemblablement par un avantage net pour le Canada[27]. Une fois qu’ils sont acceptés par le gouvernement fédéral, ces engagements deviennent exécutoires[28]. Mis à part quelques exceptions, la LIC interdit à un investisseur étranger d’acquérir une entreprise canadienne lorsque l’investissement atteint ou excède le seuil applicable à moins que le ministre de l’Innovation (le ministre) ait examiné l’investissement et soit déclaré « d’avis ou [soit] réputé être d’avis que [l’investissement] sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada[29] ».

La figure 7 montre le nombre de demandes d’examen de l’avantage net et leur valeur depuis 2014‑2015. En 2019, ISDE a déclaré que le gouvernement fédéral avait reçu et approuvé neuf demandes à l’issue du processus d’examen de l’avantage net en 2018‑2019.

Figure 7 — Nombre de demandes d’examen de l’avantage net approuvées et leur valeur (en milliard de dollars), de 2014-2015 à 2018-2019

La figure 7 montre le nombre de demandes d’examen de l’avantage net approuvées et leur valeur (en milliards de dollars), de 2014 2015 à 2018 2019. Le gouvernement fédéral a approuvé 15 demandes d’examen de l’avantage net en 2014 2015 et 2015 2016; 22 en 2016 2017; et 9 en 2017 2018 et 2018 2019. La figure fait une distinction entre la valeur des actifs et la valeur d’entreprise des demandes chaque année, même si, certaines années, ne sont présentées que les données relatives à la valeur des actifs ou à la valeur d’entreprise. Les demandes approuvées ont totalisé 22 milliards de dollars en valeur des actifs en 2014 2015; 18 milliards de dollars en valeur des actifs et 14 milliards de dollars en valeur d’entreprise en 2015 2016; 30 milliards de dollars en valeur d’entreprise en 2016 2017; 35 milliards de dollars en valeur d’entreprise en 2017 2018; et 1 milliard de dollars en valeur des actifs et 21 milliards de dollars en valeur d’entreprise en 2018 2019.

Note :     ISDE n’a pas révélé la valeur précise des actifs d’une demande déposée en 2018‑2019 afin de préserver la confidentialité commerciale.

Source : Figure préparée par les analystes de la Bibliothèque du Parlement à partir de données publiées dans ISDE, Rapport annuel.

À compter de la date à laquelle le directeur juge la demande complète, le ministre a 45 jours pour procéder à l’examen de l’avantage net. Cependant, la LIC autorise le gouvernement fédéral à prolonger l’examen, généralement par tranches d’au plus 30 jours[30]. La Loi ne définit pas ce qu’on entend par « avantage net » ni ne précise ce qu’est un investissement étranger qui « sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada », mais son article 20 énumère les facteurs dont le ministre doit tenir compte, le cas échéant :

  • a) l’effet de l’investissement sur le niveau et la nature de l’activité économique au Canada, notamment sur l’emploi, la transformation des ressources, l’utilisation de pièces et d’éléments produits et de services rendus au Canada et sur les exportations canadiennes;
  • b) l’étendue et l’importance de la participation de Canadiens dans l’entreprise canadienne ou la nouvelle entreprise canadienne en question et dans le secteur industriel canadien dont cette entreprise ou cette nouvelle entreprise fait ou ferait partie;
  • c) l’effet de l’investissement sur la productivité, le rendement industriel, le progrès technologique, la création de produits nouveaux et la diversité des produits au Canada;
  • d) l’effet de l’investissement sur la concurrence dans un ou plusieurs secteurs industriels au Canada;
  • e) la compatibilité de l’investissement avec les politiques nationales en matière industrielle, économique et culturelle, compte tenu des objectifs de politique industrielle, économique et culturelle qu’ont énoncés le gouvernement ou la législature d’une province sur laquelle l’investissement aura vraisemblablement des répercussions appréciables;
  • f) la contribution de l’investissement à la compétitivité canadienne sur les marchés mondiaux.

Selon les lignes directrices publiées par le gouvernement fédéral, le fait qu’un investisseur soit une entreprise d’État ou contrôlée par une telle entreprise peut également guider l’examen de l’avantage net, notamment pour s’assurer que l’entreprise acquéreuse a une orientation commerciale et respecte les normes de gouvernance des sociétés :

Le gouvernement du Canada a pour politique de s’assurer que la gouvernance et l’orientation commerciale des [sociétés d’État] sont prises en considération au moment de déterminer si leurs acquisitions de contrôle au Canada, pouvant faire l’objet d’un examen, procurent un avantage net pour le Canada. Ce faisant, il sera attendu que, dans leurs plans et engagements, les investisseurs abordent la question des caractéristiques inhérentes aux [sociétés d’État], spécifiquement qu’elles sont susceptibles d’être sujettes à l’influence d’États. Les investisseurs devront également démontrer un engagement fort envers des activités transparentes et de nature commerciale.
[…]
De plus, le ministre déterminera si une société canadienne devant être acquise par un non‑Canadien qui est une [société d’État], fonctionnera vraisemblablement sur une base commerciale[31].

Selon Omar Wakil, partenaire au cabinet Torys LLP, les engagements pris par les entreprises d’État sont permanents et le gouvernement fédéral les surveille de près[32]. M. Houlden a affirmé que certains investisseurs étrangers ne peuvent être classés ni dans la catégorie des entreprises d’État ni dans celle des entreprises non influencées par un État. Même si ces investisseurs ne cherchent pas à cacher leur identité, il n’en demeure pas moins qu’une entreprise d’État pourrait sans motif justifiable éviter un examen aux termes de la LIC[33].

Si le ministre n’informe pas le demandeur qu’il est convaincu que l’acquisition par un investisseur étranger constituera vraisemblablement un avantage net pour le Canada à l’issue d’un examen normal ou prolongé, le ministre est réputé en être convaincu. Après que le ministre autorise un investissement à l’issue d’un examen de l’avantage net, le Directeur peut exiger que l’investisseur étranger soumette périodiquement des renseignements pour s’assurer que l’investissement a été effectué conformément à l’information et aux engagements pris par l’investisseur[34].

Si le ministre informe le demandeur qu’il n’est pas convaincu que l’acquisition par un investisseur étranger constitue un avantage net pour le Canada, le demandeur peut fournir des observations et d’autres engagements, après quoi le ministre prend une décision définitive. Si le ministre n’est toujours pas convaincu, l’investisseur étranger n’est pas autorisé à aller de l’avant avec l’acquisition ou, si l’acquisition a déjà eu lieu, l’investisseur doit se dessaisir du contrôle des entreprises canadiennes en question. La LIC oblige le ministre à expliquer pourquoi un investissement est rejeté, mais le ministre n’est pas tenu de motiver les autorisations données[35].

Pistes de changement proposées

Réduire les seuils

Le Parlement pourrait assujettir davantage d’investissements étrangers à un examen de l’avantage net en réduisant les seuils déclencheurs et ainsi prévenir d’éventuels comportements opportunistes en matière d’investissement qui cibleraient des entreprises canadiennes dont la valeur a chuté à cause de la pandémie. Willie Gagnon, directeur du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires, a fait remarquer que les seuils sont encore trop élevés pour être déclenchés par l’acquisition de certaines entreprises canadiennes importantes par des intérêts étrangers. Il a donné l’exemple de Bombardier[36]. M. Burton a aussi déclaré que la Chine exploite les seuils élevés en achetant des entreprises canadiennes au moyen de transactions multiples effectuées par différentes entreprises. Chacune de ces transactions n’atteint pas le seuil déclencheur et évite ainsi un examen de l’avantage net[37]. Un témoin ayant soumis un mémoire au Comité contredit ce témoignage[38].

Plusieurs témoins ont toutefois averti le Comité que les obligations du Canada aux termes d’accords de commerce international pourraient limiter la possibilité pour le Parlement de modifier et de réduire ces seuils, même lorsqu’il lui faut réagir à une urgence sanitaire[39]. En effet, l’ABC a cité les engagements pris dans l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, l’Accord économique et commercial global, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste et l’Accord général sur le commerce des services pour illustrer comment ces accords commerciaux pourraient forcer le Canada à maintenir les seuils actuels[40]. Étant donné l’existence de ces accords, la diminution unilatérale des seuils pourrait amener d’autres pays à intenter des recours légaux ou à faire de même de leur côté[41].

D’autres témoins ont fait valoir qu’il n’était ni nécessaire ni pratique de réduire les seuils déclencheurs d’un examen de l’avantage net en réaction à la pandémie de COVID‑19. M. Kingston a déclaré que la remontée des marchés boursiers avait en grande partie éliminé la menace que représentaient les investisseurs opportunistes[42]. M. Schwanen a ajouté que les entreprises canadiennes ont évité une chute brutale de leur valeur grâce au soutien qu’elles ont reçu des gouvernements canadiens. La portée mondiale des perturbations économiques provoquées par la pandémie a également réduit la possibilité de comportements opportunistes en matière d’investissement étant donné que les investisseurs potentiels sont aussi mal en point que les entreprises canadiennes[43].

Les témoins généralement favorables aux investissements étrangers ont ajouté que ces investissements seraient essentiels à la reprise économique du Canada. Ils ont exhorté le gouvernement fédéral à les faciliter plutôt qu’à leur nuire[44]. La LIC applique quand même des seuils déclencheurs d’un examen beaucoup plus bas aux investissements étrangers provenant d’entreprises d’État par rapport à ceux d’autres entreprises, ce qui limiterait les comportements opportunistes en matière d’investissement pendant la pandémie[45]. M. Schwanen a poursuivi en disant que si on préservait la juste valeur des entreprises canadiennes et qu’on assurait une reprise économique solide, notamment grâce à des mesures d’aide, on protégerait plus rapidement et efficacement les entreprises contre les investisseurs opportunistes que si on modifiait les seuils[46].

Repenser le traitement des biens incorporels sous le régime de la Loi

Jim Balsillie, président du Conseil canadien des innovateurs, a fortement critiqué le traitement des biens incorporels sous le régime de la LIC. Selon M. Balsillie, la Loi ne reflète pas adéquatement les considérations qui devraient guider la politique sur les investissements étrangers dans le contexte d’une économie fondée sur l’innovation. L’argument de M. Balsillie repose sur la prémisse selon laquelle un pays profite d’un investissement étranger uniquement si la valeur de la transaction reflète avec exactitude la pleine valeur de l’entité ou des actifs acquis[47].

M. Balsillie est d’avis que, compte tenu de l’insistance mise sur les seuils, le processus d’examen de l’avantage net reflète un paradigme selon lequel les biens corporels sont le moteur de la croissance économique grâce à une capacité de production accrue. Dans une économie de production, la valeur d’un investissement étranger reflétera probablement la pleine valeur des biens corporels détenus par l’entité acquise. Par conséquent, la valeur de l’investissement étranger est généralement un bon indicateur pour déterminer si l’investissement, mesuré à l’aune de ses retombées économiques, est assez important pour susciter l’attention du gouvernement, ce qui justifierait une intervention gouvernementale fondée sur des seuils[48].

Or dans une économie moderne fondée sur l’innovation, la croissance économique est stimulée par des biens incorporels, comme la propriété intellectuelle, les données et l’expertise. Selon M. Balsillie, la valeur des biens incorporels repose en grande partie sur leurs retombées positives : la capacité des biens informationnels et non rivaux de bénéficier et de générer de la valeur pour des tierces parties. En effet, les biens incorporels génèrent de la valeur non seulement pour ceux qui les possèdent et les exploitent directement, mais aussi pour les autres qui peuvent y avoir accès et les utiliser pour créer de nouveaux produits et services. Contrairement aux investissements étrangers ciblant des entreprises qui détiennent principalement des biens corporels, le montant d’une transaction pour acquérir une entreprise possédant surtout des biens incorporels tend à ne pas prendre en compte la valeur des biens externes. Par conséquent, ces investissements étrangers atteignent rarement le seuil pertinent qui déclencherait un examen de l’avantage net, même s’ils méritent l’attention du gouvernement[49].

M. Balsillie a fait valoir qu’en raison de la valeur insuffisante que la LIC accorde aux biens incorporels — et contrairement à l’opinion répandue —, les investissements étrangers qui visent des biens incorporels entraînent souvent une perte nette pour le Canada, car les investisseurs emportent la technologie et les connaissances à l’étranger. Il estime que ces pertes sont particulièrement regrettables lorsqu’il s’agit d’actifs qui ont été constitués avec l’aide des fonds publics, comme dans le domaine de l’intelligence artificielle. Ainsi, les Canadiens investissent dans la création de biens incorporels et y participent, mais notre cadre législatif favorise le transfert de la propriété de ces biens et de leurs avantages à des intérêts étrangers. M. Balsillie a déclaré également que le gouvernement fédéral n’est pas assez conscient des précieux biens incorporels que détiennent des entreprises canadiennes, ce qui ne fait qu’aggraver la situation. Il a critiqué les responsables de l’élaboration des politiques et les décideurs qui se concentrent trop sur des aspects qui ne sont pas pertinents pour une économie de l’innovation[50].

M. Balsillie a suggéré d’adapter la LIC à une économie moderne axée sur l’innovation. Comme point de départ, il propose que le gouvernement fédéral dresse une liste des biens incorporels stratégiques du point de vue économique et des acteurs qui les détiennent. Il a cité les entreprises canadiennes qui possèdent de la propriété intellectuelle dans les domaines de l’intelligence artificielle, de l’informatique quantique, des énergies renouvelables, de l’agriculture propre, des technologies biomédicales et autres biotechnologies, des nouvelles technologies financières et de la technologie spatiale comme exemples d’acteurs et d’actifs qui devraient être sur la liste. Une nouvelle LIC exigerait que les acteurs dont le nom apparaissent sur cette liste avertissent le gouvernement de toute transaction ou entente proposée qui mènerait au transfert de leurs biens à des non‑Canadiens, non seulement les acquisitions en vue de contrôler une entité, mais également les investissements indirects, les ententes de licence et les partenariats de recherche. Il a même laissé entendre que l’embauche d’un Canadien possédant une expertise spéciale dans un domaine de nature sensible devrait faire l’objet d’un avis[51].

La Loi devrait aussi exiger que le gouvernement fédéral effectue un examen de l’avantage net de la transaction, peu importe sa valeur. M. Balsillie a proposé de s’inspirer de ce qui se fait aux États‑Unis qui, selon lui, sont en train de réviser leur propre politique sur les investissements étrangers afin de s’orienter dans ce sens. Il a rejeté le contre-argument voulant que les réformes qu’il propose puissent décourager les investissements étrangers dont le Canada a tant besoin, car dans le cadre législatif actuel, les investissements visant des entreprises qui possèdent des biens incorporels font perdre de la valeur au Canada et ne présentent donc aucun avantage net pour le pays[52].

Certains témoins n’étaient pas d’accord avec M. Balsillie. Ils ont fait valoir que le processus d’examen de l’avantage net et le processus d’examen relatif à la sécurité nationale évaluent tous les deux les biens incorporels détenus par une entreprise canadienne visée par un investissement, que la valeur de ces biens est prise en considération au moment de déterminer la valeur générale de la transaction et que l’examen relatif à la sécurité nationale s’applique aussi aux investissements qui pourraient viser des biens incorporels de nature sensible, peu importe leur valeur[53].

Toutefois, d’après ce qu’a compris le Comité, M. Balsillie n’affirme pas que la LIC et son administration ne tiennent pas compte des biens incorporels, mais plutôt que le processus d’examen de l’avantage net ne donne pas aux biens incorporels une pondération suffisante ou adéquate pour déterminer quand et comment le gouvernement fédéral doit procéder à un examen de l’avantage net. MM. Schwanen et Leblond ont fourni une réponse plus solide en déclarant que, même si le gouvernement fédéral peut et devrait s’assurer que les investissements publics consentis pour créer des biens incorporels procurent des avantages aux Canadiens, il dispose d’autres moyens de le faire que celui de limiter les investissements étrangers[54].

Autres considérations

Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales chez Équiterre, a proposé que le ministre tienne compte des facteurs environnementaux lorsqu’il détermine si un investissement représente un avantage net pour le Canada. Il a plus précisément recommandé que le Parlement révise l’alinéa 20e) de la LIC pour y inclure la « compatibilité environnementale[55] » en ajoutant : « Quand des investissements entraînent des coûts environnementaux, on ne peut pas dire qu’il y a un avantage net pour le Canada[56]. » Selon M. Houlden, les acquéreurs étrangers devraient montrer qu’ils ont les moyens, l’expérience et le savoir‑faire nécessaires pour prendre le contrôle des biens et des activités d’entreprises canadiennes qui possèdent des actifs de nature sensible ou qui mènent leurs activités dans « un endroit délicat sur le plan de l’environnement[57] ».

M. Gagnon a affirmé que, plutôt que de modifier la Loi, les gouvernements canadiens pourraient réviser les lois régissant les sociétés pour éviter que des entreprises canadiennes ne tombent aux mains d’intérêts étrangers. Dans ce scénario, les législateurs fédéraux et provinciaux pourraient notamment imposer à leur conseil d’administration des devoirs fiduciaires envers toutes les parties intéressées plutôt que seulement envers les actionnaires. En conséquence, un conseil d’administration saisi d’une question touchant l’avenir de sa société, comme un investissement étranger, aurait à tenir compte d’une plus vaste gamme d’intérêts dans sa décision. Les gouvernements canadiens pourraient aussi restreindre le pouvoir des investisseurs étrangers d’acheter des actions avec droit de vote ou d’agir sur les activités d’une société immédiatement après en avoir fait l’acquisition, par exemple en échelonnant le renouvellement des mandats des administrateurs. Ainsi, grâce à ces mesures, M. Gagnon envisage un cadre national dans lequel chaque ordre de gouvernement contribuerait à la limitation de l’acquisition d’entreprises canadiennes par des intérêts étrangers au‑delà des dispositions de la LIC[58].

Examen relatif à la sécurité nationale

Processus d’examen

Le processus d’examen visant à assurer la sécurité nationale est un autre volet essentiel de la législation canadienne qui régit les investissements étrangers. Il confère au gouvernement fédéral les pouvoirs nécessaires pour qu’aucun investissement étranger ne porte atteinte à la sécurité du pays. Le processus diffère de l’examen de l’avantage net à au moins trois égards importants. Tout d’abord, il ne comporte pas de seuils : tout investissement étranger peut y être soumis, quel que soit le montant[59]. Ensuite, bien que le ministre joue toujours un rôle de premier plan dans le processus, un éventail plus large d’intervenants gouvernementaux participent à la prise de décisions. Enfin, le Parlement a donné au gouvernement fédéral un pouvoir discrétionnaire plus étendu pour vérifier les répercussions d’un investissement étranger sur la sécurité nationale que pour déterminer s’il représente un avantage net pour le pays.

Tout investissement destiné à constituer une nouvelle entreprise canadienne ou à acquérir le contrôle d’une entreprise canadienne existante peut être soumis à l’examen relatif à la sécurité nationale[60]. Le paragraphe 28(1) de la LIC définit les modes d’acquisition du contrôle d’une entreprise canadienne. En des termes généraux, les dispositions de la Loi relatives à la sécurité nationale s’appliquent à la prise de contrôle d’une entreprise canadienne dans son ensemble, y compris « l’acquisition de la totalité ou de la quasi-totalité des actifs d’exploitation de l’entreprise canadienne[61] ». Elles s’appliquent aussi aux investissements destinés à « l’acquisition, en tout ou en partie, ou la constitution d’une unité exploitée en tout ou en partie au Canada qui, selon le cas, possède un établissement au Canada, emploie au Canada au moins un individu travaillant à son compte ou contre rémunération dans le cadre de son exploitation [ou] dispose d’actifs au Canada pour son exploitation[62] ».

Dans les faits, tous les investissements étrangers déclarés au gouvernement fédéral au moyen d’un avis d’investissement ou de l’examen de l’avantage net font l’objet d’un examen préliminaire relatif à la sécurité nationale[63]. Lorsque l’investissement soulève une préoccupation, le ministre envoie un avis officiel à l’investisseur étranger l’informant que le gouverneur en conseil pourrait ordonner la tenue d’un examen pour déterminer si l’investissement porte atteinte à la sécurité nationale. Le ministre a 45 jours pour envoyer cet avis à compter de la date à laquelle le gouvernement fédéral prend connaissance de l’investissement de l’une des façons susmentionnées ou de toute autre manière. Si l’investisseur n’a pas encore effectué l’investissement au moment où il reçoit l’avis, il doit attendre la fin de l’examen pour l’effectuer[64]. Si un examen de l’avantage net de l’investissement étranger est en cours lorsque le ministre déclenche le processus d’examen relatif à la sécurité nationale, l’examen de l’avantage net est suspendu jusqu’à la fin de l’examen relatif à la sécurité nationale[65].

Lorsque, sur la recommandation du ministre, le gouverneur en conseil ordonne la tenue d’un examen pour déterminer si un investissement étranger porte atteinte à la sécurité nationale — ce qu’il peut faire dans les 45 jours suivant l’envoi de l’avis à l’investisseur étranger — le ministre en informe l’investisseur. Le ministre a ensuite 45 jours pour effectuer l’examen relatif à la sécurité nationale et doit donner à l’investisseur étranger la possibilité de présenter des observations pendant le processus. La Loi autorise le ministre à prolonger l’examen de 45 jours ou jusqu’à une date ultérieure qu’il convient avec l’investisseur étranger[66].

Suivant la Loi, l’examen mène à l’une de deux issues. Si le ministre détermine que l’investissement étranger ne porte pas atteinte à la sécurité nationale, il doit envoyer un avis à l’investisseur pour l’en informer. Dans le cas contraire, ou s’il n’est pas en mesure de prendre une décision sur le fondement des renseignements disponibles, le ministre doit renvoyer la question au gouverneur en conseil et lui présente un compte rendu de ses conclusions et de ses recommandations[67].

Lorsque le ministre renvoie la question au gouverneur en conseil, ce dernier a 20 jours pour examiner le compte rendu et soit autoriser l’investisseur à aller de l’avant, avec ou sans conditions, soit lui interdire d’effectuer l’investissement ou exiger qu’il s’en dessaisisse si l’investissement a déjà eu lieu. Le ministre informe alors l’investisseur étranger de la décision du gouverneur en conseil[68].

Selon la Loi, le ministre doit consulter officiellement le ministre de la Sécurité publique à deux moments importants de l’examen relatif à la sécurité nationale : d’abord avant de recommander au gouverneur en conseil d’ordonner la tenue de l’examen, puis avant de renvoyer la question au gouverneur en conseil ou d’aviser l’investisseur étranger qu’il a conclu que l’investissement ne portera pas atteinte à la sécurité nationale. La Loi ne précise pas la teneur de la consultation à effectuer et n’interdit pas au ministre de consulter le ministre de la Sécurité publique à d’autres moments[69].

Selon des représentants du gouvernement qui ont témoigné devant le Comité, le processus d’examen est beaucoup plus axé sur la collaboration que ne le prévoit la Loi. Dès qu’un investissement soulève une préoccupation relative à la sécurité nationale, Sécurité publique Canada coordonne un examen faisant appel à 18 ministères et organismes fédéraux, notamment le SCRS, le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), le ministère de la Défense nationale, la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Affaires mondiales Canada, Ressources naturelles Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et le ministère des Finances. Dominic Rochon, sous-ministre adjoint principal à Sécurité publique Canada, a déclaré qu’une « telle approche pangouvernementale permet de tirer parti d’une expertise pertinente lors de l’évaluation des risques pour la sécurité nationale que présente chaque transaction[70] ». Pour sa part, M. Hahlweg a ajouté que le SCRS consacre son énergie et son attention plus particulièrement aux « acquisitions effectuées par des sociétés fictives, des sociétés d’État ou des sociétés directement liées à des gouvernements étrangers ou des services de renseignement[71] ».

La LIC ne comporte pas de définition de « sécurité nationale ». MM. Rochon et Davies, ont tous deux indiqué que cette absence de définition procure un avantage au gouvernement fédéral en lui permettant de s’adapter à la complexité et à l’évolution constante des menaces potentielles. Le gouvernement a en effet une grande latitude pour déterminer quels investissements étrangers doivent faire l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale, les éléments à considérer et la méthode à employer, ainsi que les mesures à prendre. La méthode du cas par cas demeure le procédé privilégié dans ce contexte[72].

Contrairement au processus d’examen de l’avantage net, la LIC ne fournit pas au ministre ou au gouverneur en conseil une liste de facteurs à prendre en considération pour déterminer si un investissement étranger porte atteinte à la sécurité nationale. M. Rochon a tout de même énuméré des facteurs généralement pris en compte par le gouvernement fédéral :

Plusieurs facteurs sont pris en considération lors de l’examen, dont les effets potentiels de l’investissement sur les capacités et les intérêts en matière de défense du Canada; les effets potentiels de l’investissement sur le transfert de technologies de nature délicate ou de savoir‑faire à l’extérieur du Canada; la participation à la recherche, à la fabrication ou à la vente de biens ou de technologies qui revêtent une importance pour la défense nationale au Canada; l’incidence possible de l’investissement sur la sécurité des infrastructures essentielles du Canada; la mesure dans laquelle l’investissement risque de permettre la surveillance ou l’espionnage par des intervenants étrangers; la mesure dans laquelle l’investissement pourrait compromettre des activités actuelles ou à venir de représentants du renseignement ou des forces de l’ordre; la mesure dans laquelle l’investissement pourrait influer sur les intérêts internationaux du Canada, y compris les relations internationales; et la mesure dans laquelle l’investissement pourrait mettre en jeu ou faciliter les activités d’acteurs illicites tels que des terroristes, des organisations terroristes ou le crime organisé[73].

Depuis que les dispositions de la LIC sur la sécurité nationale sont entrées en vigueur en 2009, le ministre a délivré 28 avis pour signaler qu’un investissement est sujet à un examen relatif à la sécurité nationale, et le gouverneur en conseil a ordonné la tenue de 22 examens[74]. D’après Joshua Krane, partenaire chez Blake, Cassels and Graydon SRL, le fait qu’à peine une poignée des quelque mille investissements étrangers signalés au Canada chaque année font l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale prouve que le processus permet au gouvernement fédéral de cerner avec précision les investissements qui nécessitent un tel examen[75]. Le tableau 2 montre les résultats des investissements pour lesquels un décret d’examen a été délivré depuis 2012‑2013, ainsi que leur pays d’origine et le secteur d’activité concerné.

Tableau 2 — Investissements visés par des décrets d’examen du gouverneur en conseil relatifs à la sécurité nationale, de 2012–2013 à 2018–2019

Années

Origine

Secteur

Résultat à la suite du décret

2018–2019

Chine

Systèmes urbains de transport en commun

Désinvestissement

2018–2019

Chine

Fabrication de machines pour le commerce et les industries de service

Retrait

2018–2019

Singapour

Fabrication d’articles de quincaillerie

Retrait

2018–2019

Suisse

Fabrication de moteurs, de turbines et de matériel de transmission de puissance

Désinvestissement

2018–2019

Chine

Activités liées à l’intermédiation financière

Aucune mesure requise en vertu de la LIC

2018–2019

Chine

Entreprises de magasinage électronique et de vente par correspondance

Aucune mesure requise en vertu de la LIC

2018–2019

Suisse

Fabrication d’autres machines d’usage général

Aucune mesure requise en vertu de la LIC

2017–2018

Chine

Fabrication de produits pharmaceutiques et de médicaments

Retrait

2017–2018

Chine

Autres travaux de génie civil

Bloqué

2016–2017

Chine

Industries manufacturières – Industrie de l’équipement de télécommunication

Conditions imposées

2016–2017

Chine

Autres services de télécommunications

Désinvestissement

2016–2017

Chine

Construction de navires et d’embarcations

Désinvestissement

2016–2017

Chine

Fabrication d’autres types de matériel et de composants électriques

Conditions imposées

2016–2017

Chypre

Transport ferroviaire

Désinvestissement

2014–2015

Chine

Industries manufacturières – Industrie de l’équipement de télécommunication

Désinvestissement

2014–2015

Chine

Industries manufacturières – Autres industries de matériel électronique et de communication

Conditions imposées

2014–2015

Chine

Industrie des services aux entreprises – Services d’informatique et services connexes

Conditions imposées

2014–2015

Russie

Industrie des mines (y compris broyage), carrières et puits de pétrole – Industries du pétrole brut et du gaz naturel

Bloqué

2014–2015

Royaume-Uni

Industrie des services aux entreprises – Services d’informatique et services connexes

Désinvestissement

2013–2014

Égypte

Industries manufacturières – Industrie de l’équipement de télécommunication

Désinvestissement

2012–2013

Chine

Industrie des services aux entreprises – Services d’informatique et services connexes

Bloqué

2012–2013

Russie

Industries des communications et autres services publics – Industrie de la transmission des télécommunications

Retrait

Note :     La première colonne donne le pays d’origine de l’intervenant qui dirige les activités de l’investisseur, et les secteurs d’activité indiqués dans la deuxième colonne proviennent du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord et de la Classification type des industries.

Source : Tableau reproduit de ISDE, Rapport annuel.

Dans leurs témoignages, les représentants du gouvernement ont mis l’accent sur l’importance de communiquer avec le public et de le sensibiliser pour bien appliquer la LIC. Ils ont décrit les activités menées auprès d’entités canadiennes, surtout de petites et moyennes entreprises, pour les aider à évaluer leur vulnérabilité et à se prémunir contre les activités d’espionnage menées par des États et les acquisitions par des investisseurs étrangers pouvant porter atteinte à la sécurité nationale. Ils ont invité également les entreprises à contacter le gouvernement fédéral lorsqu’elles croient être la cible d’agents étrangers[76]. De façon plus générale, M. Davies a décrit la Loi comme étant un instrument de réserve utilisé lorsque les parties ne tiennent pas compte des intérêts du Canada en matière de sécurité nationale (ni de l’avantage net pour le Canada) et a indiqué que la sensibilisation du public aux exigences de la Loi faciliterait probablement les investissements étrangers[77].

Pistes de changement proposées

Imposer un moratoire

Pour dissiper les préoccupations entourant la sécurité nationale suscitées par les investissements chinois, M. Burton a proposé l’imposition d’un moratoire sur les investissements provenant des pays au régime autoritaire jusqu’à ce que le Parlement ait pu déceler et combler les failles éventuelles de la LIC. Un autre témoin a fait remarquer que le levier économique préexistant dont dispose la Chine au Canada — d’importantes entreprises canadiennes qui font énormément de relations d’affaires avec des réseaux communistes chinois et par la même occasion influencent les décideurs, particulièrement au Cabinet du premier ministre — nuit à notre capacité d’examiner comme il se doit si certains investissements chinois chez nous seraient à l’avantage net du Canada. Cette situation donne notamment lieu à ce que le professeur Paris a qualifié de levier économique. En définitive, il croit que le Canada devrait appliquer le principe de la réciprocité. Par exemple, la Chine interdit aux entreprises étrangères d’acquérir des ressources naturelles du pays pour des raisons de sécurité nationale, et le Canada devrait faire de même en ce qui concerne les investissements chinois. M. Burton s’est aussi dit favorable à ce que le Canada impose des limites aux investissements chinois pour sanctionner la Chine lorsqu’elle enfreint des règles internationales[78].

Plusieurs témoins se sont exprimés contre l’imposition d’un moratoire temporaire sur les investissements étrangers pour protéger la sécurité nationale, même en ces temps de pandémie, craignant que le Canada ne passe pour un pays où il serait difficile d’investir. Pour attirer des investissements étrangers, il faut au contraire un cadre de réglementation stable et transparent qui donne confiance aux investisseurs potentiels. Ils ont aussi averti que d’autres pays pourraient riposter en limitant les investissements canadiens sur leur territoire. Pour ces raisons, Patrick Leblond, professeur agrégé à l’Université d’Ottawa, a ajouté qu’il faudrait modifier la Loi uniquement pour l’adapter aux changements structurels dans l’économie canadienne et mondiale, et non pour réagir à des événements ponctuels[79].

D’autres témoins ont parlé des problèmes concrets que provoquerait l’imposition d’un moratoire. Ils ont affirmé qu’une approche généralisatrice ne ferait que restreindre la capacité du gouvernement fédéral à évaluer les investissements au cas par cas et qu’elle pourrait bloquer des investissements légitimes qui ne portent pas atteinte à la sécurité nationale. Ces témoins estiment aussi que ce serait difficile de définir avec précision la notion d’État autoritaire et d’identifier ces États sans susciter la controverse. De plus, ils croient qu’un moratoire pourrait compliquer l’acquisition d’équipements de protection individuelle, de vaccins et d’autres matériel essentiel, et pourrait aussi limiter les possibilités de financement offertes aux entreprises canadiennes qui tentent de se relancer après un ralentissement économique. Un moratoire risque donc d’être contre‑productif comparativement à l’examen au cas par cas actuel, même en période de pandémie[80].

Certains témoins ont cependant fait remarquer que de nombreux pays — et en particulier la Chine — ne se soumettent pas aux mêmes règles auxquelles se plient les pays du G7, comme le Canada, en matière de marché libre, d’ouverture et de transparence. Plus précisément, M. Christopher Balding, professeur adjoint à la Fulbright University, Vietnam, a déclaré ce qui suit :

Étant donné les risques évidents liés aux investissements de la Chine, je crois qu’il est dans l’intérêt du Canada de réfléchir sérieusement aux risques liés à un pays qui a démontré un comportement d’investissement visiblement menaçant et prédateur[81].

Selon M. Balding, le gouvernement chinois fait des largesses pour aider des entreprises d’État ou des entreprises liées à l’État à se développer à l’étranger, essaie différentes méthodes pour éviter le contrôle de ses activités d’investissement, utilise diverses mesures pour dissimuler ses activités, et tient des registres détaillés sur la propriété intellectuelle détenue par les entreprises, avec une série de renseignements connexes qui lui permettent de déterminer la valeur de ces actifs.

Inversement, certains juristes qui ont témoigné devant le Comité considèrent que dans sa forme actuelle, la LIC protège suffisamment le Canada contre des investisseurs étrangers opportunistes qui pourraient nuire à la sécurité nationale. Ils ont mis en relief la grande marge de manœuvre du gouvernement fédéral pour étudier l’incidence des investissements sur la sécurité nationale, quel que soit leur montant, de même que le temps et les vastes pouvoirs dont il dispose pour effectuer des examens approfondis au cas par cas. Selon ces juristes, l’Énoncé de politique démontre les pouvoirs étendus accordés au gouvernement fédéral et comment l’application de la Loi peut être adaptée aux circonstances actuelles[82].

Examiner plus d’investissements étrangers sous le régime de la LIC

Des témoins ont parlé de la possibilité d’examiner plus d’investissements étrangers, notamment en étendant la portée de la LIC pour que davantage de transactions déclenchent un examen. De nombreux témoins ont indiqué que la plupart des investissements étrangers sont déjà soumis aux dispositions de la Loi liées à la sécurité nationale, y compris les investissements permettant d’acquérir partiellement ou indirectement le contrôle d’une entreprise et les investissements minoritaires qui ne font pas l’objet d’un avis[83]. M. Wakil a toutefois précisé que les transactions dans le cadre desquelles il n’y a aucune acquisition de titres de participation dans une entreprise ou une entité canadienne (par exemple l’acquisition d’un seul élément d’actif ou d’un nombre limité d’éléments d’actifs) ne sont pas visées par la Loi, même si elles portent atteinte à la sécurité nationale[84] :

Prenons par exemple les situations où l’on fait l’acquisition d’une entreprise ayant des droits de propriété intellectuelle de nature délicate. Lorsqu’une entreprise conclut une entente avec une entité étrangère pour y transférer la propriété intellectuelle, le dossier ne fait pas l’objet d’un examen. L’effet est le même — l’acheteur étranger, l’entité étrangère, exerce un contrôle sur la propriété intellectuelle ou y a accès —, mais une sorte d’accord commercial fait l’objet d’un examen, tandis que l’autre sorte de transaction commerciale, l’accord commercial, n’y est pas assujettie[85].

Cependant, la question demeure : la LIC est-elle préférable aux autres lois fédérales régissant des secteurs d’activité précis, comme les télécommunications ou les transports, ou aux lois régissant le commerce ou l’exportation de biens de nature sensible ou de « marchandises contrôlées »[86]? Le Parlement pourrait également élargir la portée de la Loi en conférant au gouvernement fédéral la compétence d’examiner les transactions qui ne comportent pas une prise de contrôle, comme l’acquisition d’intérêts minoritaires significatifs[87].

Michelle Travis, directrice de recherche pour UNITE HERE Canada, s’est demandée si le gouvernement fédéral pouvait ordonner le dessaisissement d’une acquisition approuvée conformément à la LIC d’une entreprise canadienne par un investisseur étranger, après que cet investisseur a lui-même été repris par une autre entité étrangère. Pour illustrer ses propos, Mme Travis a parlé de l’acquisition (directe ou indirecte) par Anbang, une entreprise basée à Beijing, d’hôtels et d’établissements de soins de longue durée canadiens. Peu de temps après ces acquisitions, Anbang a été saisie par les autorités gouvernementales chinoises. Mme Travis avait des doutes sur le processus d’examen ayant mené à l’approbation de ces transactions, sur la gestion des entreprises canadiennes visées par ces acquisitions, et sur la question de savoir si les Canadiens pouvaient faire confiance aux propriétaires finaux de ces entreprises quant à la protection des renseignements personnels qu’ils détiennent[88].

Lorsqu’interrogé sur la question, M. Davies a déclaré que la prise de contrôle, par une entité étrangère, d’une autre entité étrangère qui contrôle une entreprise canadienne, pouvait donner lieu à examen relatif à la sécurité nationale en vertu de la LIC : « si le contrôle d’une entreprise canadienne passe à un acquéreur étranger, il est tout à fait possible que nous examinions la transaction aux termes de la Loi[89] ». Cet examen pourrait pousser le gouvernement fédéral à ordonner le dessaisissement de l’entreprise canadienne. M. Davies a ajouté que l’examen dépendrait des circonstances de l’affaire et de la question de savoir si le gouvernement peut exercer sa compétence en vertu de la LIC[90].

Axer le processus d’examen sur les secteurs stratégiques

Une autre manière de soumettre davantage d’investissements étrangers à un examen officiel serait d’exiger qu’un examen relatif à la sécurité nationale soit effectué pour tous les investissements dans certaines industries (comme les mines ou les télécommunications) ou certains secteurs d’activité (par exemple l’IA ou le stockage d’énergie). Plusieurs témoins ont indiqué que le cadre législatif actuel donne déjà au gouvernement fédéral la possibilité de le faire, mais bon nombre d’entre eux ont précisé qu’il devrait publier des politiques ou des lignes directrices pour expliciter la pratique auprès des investisseurs éventuels[91].

M. Leblond a dit que si le gouvernement décidait de s’engager dans cette voie, il devrait laisser les experts déterminer dans quels secteurs les investissements étrangers seraient systématiquement soumis à un examen. Il éviterait ainsi que le processus se transforme en un exercice purement politique dans lequel des représentants de diverses régions ou secteurs d’activité invoqueraient d’éventuels risques pour la sécurité nationale afin de protéger leurs propres intérêts économiques. D’autres pourraient dire au contraire (peut-être à tort) qu’investir dans un bien ou un secteur ne compromettrait nullement la sécurité nationale, dans le but d’attirer ou de faciliter les investissements étrangers[92].

Application de la LIC

Plusieurs témoins ont mis l’accent sur le fait que le cadre législatif de la LIC ne sera utile que si le gouvernement fédéral consacre suffisamment de ressources à la surveillance et à l’examen des investissements étrangers. M. Houlden a reconnu que la Loi confère au gouvernement fédéral les pouvoirs nécessaires pour examiner efficacement les investissements étrangers, mais il se demande si le gouvernement a tout le personnel qualifié dont il a besoin pour y arriver, surtout compte tenu de la difficulté à trouver des personnes qui possèdent les compétences nécessaires pour examiner les investissements chinois[93]. D’autres témoins ont affirmé que la Division pourrait effectuer plus rapidement les examens, et donc faciliter les investissements étrangers, si elle obtenait les ressources et le personnel nécessaires, y compris un directeur permanent[94]. Des représentants du gouvernement ont souligné que le gouvernement fédéral a accru le financement de la Division et que les périodes d’examen supplémentaires des investissements étrangers ont été récemment allongées et cela suffit à répondre aux besoins[95].

Des témoins ont exprimé des doutes sur la force exécutoire et la durée des engagements acceptés en vertu de la LIC. Ils ont insisté sur la difficulté de s’assurer qu’un acquéreur étranger ne remplacera pas les administrateurs et ne transfèrera pas les biens de l’entreprise canadienne dont il prend le contrôle, comme les investisseurs chinois ont tendance à faire, aux dires de M. Balding[96]. L’efficacité des engagements dépend donc de la capacité et de la volonté du gouvernement fédéral à les surveiller et à en assurer le respect[97]. Mme Travis a affirmé que le gouvernement fédéral devrait avoir le pouvoir de réexaminer les engagements et de les modifier après que les investissements ont été approuvés[98].

Même s’il peut être ardu de déterminer l’origine exacte d’un investissement étranger, des témoins ont avancé que les mesures prévues par la LIC permettent au gouvernement fédéral de bien identifier les investisseurs étrangers et ceux qui contrôlent leurs activités — à commencer par le processus d’avis d’investissement[99]. M. Krane a ajouté que la Loi impose des amendes sévères aux investisseurs qui ne se conforment pas à ses exigences en matière de divulgation, et que rien ne donne à penser que des investisseurs étrangers tentent de les contourner[100]. Malgré cela, Mme Travis a soutenu que les processus d’examen prévus par la Loi ont mené à des acquisitions par des investisseurs étrangers dont les véritables propriétaires demeurent obscurs[101].

Bon nombre de témoins ont proposé d’accroître la transparence dans l’application de la LIC, mais pour des raisons différentes. ISDE publie des informations sur l’application de la Loi dans des rapports annuels et dans des politiques et lignes directrices officielles. Cependant, certains témoins aimeraient qu’il y ait plus de transparence pour accroître l’efficacité des processus d’examen dans l’intérêt des investisseurs étrangers. D’autres voudraient améliorer la reddition de comptes sur l’application de la Loi dans l’intérêt du public[102].

Des praticiens du droit ont proposé que le gouvernement fédéral divulgue plus d’informations sur le processus d’examen en général, par exemple en précisant les secteurs d’activité dans lesquels les investissements étrangers sont le plus susceptibles de soulever des inquiétudes concernant la sécurité nationale. Ils ont aussi proposé une meilleure orientation de chaque cas, par exemple par la communication d’informations exhaustives aux investisseurs étrangers sur les problèmes pour la sécurité nationale que soulèvent leurs investissements. La divulgation de telles informations rendrait le processus d’examen plus efficace et plus rapide, et permettrait aux investisseurs étrangers de proposer davantage d’engagements pertinents[103].

Les témoins qui souhaitent une plus grande transparence pour améliorer la reddition de comptes ont proposé que le gouvernement publie davantage d’informations sur les résultats de l’examen de certains investissements. Ils ont fait valoir que si le grand public était mieux renseigné sur le processus décisionnel prévu par la LIC — y compris la nature des engagements proposés, demandés et convenus —, la Loi serait appliquée avec plus de rigueur et d’efficacité[104].

En règle générale, les informations que le gouvernement fédéral reçoit à propos d’une personne dans le cadre de l’exécution de la LIC sont jugées confidentielles — y compris les renseignements sur les investisseurs étrangers et les entreprises canadiennes qu’ils tentent d’acquérir ou de créer. La Loi précise que « […] nul ne peut sciemment [communiquer ces renseignements], permettre qu’ils le soient ou permettre à qui que ce soit d’en prendre connaissance ou d’y avoir accès[105] », mais elle prévoit aussi de nombreuses exceptions à cette règle générale[106].

Les appels à une plus grande transparence ont été assortis de mises en garde. M. Balding a indiqué que la Chine se sert « de la transparence contre des gouvernements comme celui du Canada et [a pris] des mesures pour s’assurer que ses investissements échapperont à l’examen ou à la détection réglementaire », et pour s’approprier des biens de nature sensible avant que les autorités ne puissent réagir[107]. M. Wakil a déconseillé la divulgation d’informations sur des examens passés, puisque « les investisseurs sont très rassurés du fait que leurs renseignements commerciaux névralgiques seront traités en toute confidentialité dans le cadre d’un examen[108] » effectué en vertu de la LIC.

Même s’il croit qu’une évaluation empirique de l’avantage net réel des investissements approuvés serait utile pour l’application de la Loi, M. Wakil a mentionné des obstacles d’ordre pratique qui pourraient compliquer une telle évaluation :

Nous aurions le problème que j’ai commencé à vous signaler précédemment, soit celui du scénario « en l’absence de », dans la mesure où… et c’est là le problème avec l’évaluation des investissements en ce moment. Par exemple, le gouvernement essaie de prédire l’avenir. Comment seront vraisemblablement la prochaine année, puis les deux, trois ou quatre années suivantes pour l’entreprise canadienne, et de quelle façon cela s’harmonise-t-il aux plans de l’investisseur, et est-ce que c’est avantageux ou pas? Est-ce qu’il y a un avantage à procéder avec la transaction compte tenu du résultat futur vraisemblable de l’entreprise canadienne? C’est une évaluation très délicate et compliquée à faire.
Nous avons un problème semblable concernant l’examen ex post d’un investissement qui a été fait. Qu’est-ce qui se serait produit si l’investissement n’avait pas été fait? Avons-nous accès à l’information? Théoriquement, je crois qu’il serait bon de faire un retour en arrière pour voir s’il est, oui ou non, possible de bâtir un test servant à évaluer le succès des mesures législatives, mais je vois bien qu’il y aurait de nombreuses difficultés sur le plan pratique[109].

Malgré ces défis, M. Wakil a affirmé qu’il était « ouvert à la proposition de réaliser un examen a posteriori des investissements pour mesurer l’efficacité de la [LIC] », pourvu que le gouvernement fédéral préserve la confidentialité des informations des investisseurs étrangers[110].

En dernier lieu, Mme Travis, qui a exprimé des doutes sur l’efficacité des examens effectués en vertu de la LIC, a déclaré que tous les investissements étrangers devraient faire l’objet d’une attention accrue, même après la pandémie, notamment avec un examen plus serré et un contrôle plus rigoureux de l’exécution des engagements adoptés[111]. En revanche, M. Kingston, qui est d’avis que les investissements étrangers devraient être examinés de plus près pendant la pandémie, a affirmé que cette mesure ne devrait durer que jusqu’à ce que la situation revienne à la normale, pour que le Canada continue d’attirer et de faciliter les investissements étrangers[112]. Lorsqu’il a résumé sa position, M. Schwanen a soutenu qu’une saine application de la Loi empêcherait que « le fait d’être un investisseur étranger — par exemple à cause de ceux qui sont à la tête de ces investisseurs — » ne constitue une menace pour la souveraineté du Canada et la capacité d’un gouvernement canadien « d’appliquer sa propre réglementation et ses lois du travail, entre autres, sur son territoire ». Il faudrait donc que le gouvernement fédéral approuve un investissement étranger lorsque toutes les informations disponibles montrent que l’investisseur se conformera aux lois canadiennes une fois l’investissement réalisé[113].

Observations et recommandations du Comité

Le Comité a entrepris d’examiner la LIC en tenant compte aussi bien du contexte national qu’international. Au niveau national, en avril 2020, le Service canadien du renseignement de sécurité a publié un rapport dans lequel il souligne le danger pour la sécurité nationale que continuent de représenter les prises de contrôle par des intérêts étrangers. Plus précisément, le SCRS a averti que, par « sa richesse économique, ses milieux scientifiques et d’affaires ouverts ainsi que sa main-d’œuvre et ses infrastructures modernes[114] », le Canada constitue une cible de choix pour les investisseurs étrangers.

Selon le SCRS, même si beaucoup d’investisseurs étrangers n’ont pas d’intentions hostiles, ceux d’entreprises d’État ou de sociétés ayant des liens étroits avec des gouvernements ou des services de renseignement doivent faire l’objet d’une grande attention :

L’acquisition de sociétés canadiennes par certaines entités étrangères pourrait comporter des risques en raison de la vulnérabilité des infrastructures essentielles, mais aussi parce que ces entités pourraient dominer des secteurs stratégiques, se livrer à des activités d’espionnage et d’ingérence étrangère et transférer illégalement des technologies et du savoir-faire[115].

Le rapport a ajouté : « Les dommages causés à la prospérité collective des Canadiens sont difficiles à évaluer, mais ils sont bien réels[116]. »

Au niveau international, les membres du Comité sont tout à fait conscients des limites ou des restrictions imposées récemment par plusieurs pays sur les investissements provenant d’entreprises étatiques étrangères. Ainsi, le Japon a resserré ses mécanismes d’examen relatif à la sécurité nationale à l’égard des investissements venant de l’étranger, même avant la pandémie de COVID‑19. Étant donné les craintes suscitées par la possibilité que des pays, en particulier la Chine, fassent main basse sur des technologies d’importance critique pour la sécurité nationale et la défense, le gouvernement a modifié sa Loi sur les opérations de change et le commerce extérieur en mai 2019, et a ajouté les technologies de l’information et des communications au nombre des secteurs d’activité protégés.

En outre, le gouvernement de l’Australie a annoncé, en mars dernier, des changements temporaires à son cadre d’examen des investissements étrangers. Le nouveau cadre soumet tous les investissements étrangers proposés, peu importe leur montant, à une présélection du Foreign Investment Review Board (Comité d’examen des investissements étrangers). La nouvelle politique s’applique à tous les secteurs et à tous les types d’investisseurs étrangers. L’Inde a également modifié sa politique sur les investissements étrangers directs en avril pour empêcher les prises de contrôle opportunistes d’entreprises nationales par des pays avec qui elle partage une frontière terrestre. Par conséquent, outre ceux du Pakistan et du Bangladesh, l’Inde examine aussi les investissements provenant de tous les pays limitrophes, y compris la Chine.

Enfin, l’Union européenne a adopté un cadre de filtrage des investissements étrangers pour atténuer la menace que ceux‑ci représentent pour ses infrastructures et ses technologies essentielles, notamment les semiconducteurs, la robotique et l’intelligence artificielle.

Le Comité a entendu de nombreux témoins présenter des opinions diverses et des arguments persuasifs au sujet de la nécessité d’imposer un moratoire sur les investissements étrangers provenant d’entreprises d’État. Il a aussi entendu des témoignages soulignant l’importance des investissements étrangers pour l’économie canadienne et la nécessité de continuer à offrir des conditions attrayantes pour d’éventuels investisseurs. Selon le Comité, le Canada doit trouver un juste équilibre entre le maintien d’une politique ouverte aux investissements étrangers et l’assurance que ces investissements servent les intérêts du pays et ne minent pas la sécurité nationale pendant la pandémie de COVID-19, qui pourrait avoir fragilisé de nombreuses entreprises. Le Comité croit qu’une diminution des seuils d’examen dans certains cas permettrait au Canada d’atteindre ces objectifs.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada dépose un projet de loi modifiant la Loi sur Investissement Canada afin de ramener à zéro le seuil d’évaluation actuel pour la prise de contrôle potentielle par des entreprises contrôlées ou détenues par un État étranger, de façon à ce que chaque transaction fasse l’objet d’un examen, tant en ce qui a trait au critère de l’avantage net qu’à celui de la sécurité nationale.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada dépose un projet de loi pour modifier la Loi sur Investissement Canada afin de revoir les seuils chaque année.

Le Comité a entendu des témoignages, principalement de la part de M. Balsillie, selon lesquels le processus d’examen de l’avantage net ne convient pas à une économie moderne fondée sur l’innovation. Il serait très utile de déterminer si le processus d’examen de l’avantage net sert toujours les intérêts économiques des Canadiens. En effet, la place croissante que les biens incorporels occupent dans l’économie canadienne est exactement le type de changement économique structurel qui, selon M. Leblond, justifierait une réforme de la LIC.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada examine les dispositions de la Loi sur Investissement Canada et leur application pour déterminer des moyens d’améliorer le traitement des biens incorporels dans le cadre de l’examen de l’avantage net des investissements dans le contexte de l’économie du savoir, et qu’il présente ses conclusions au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes dans un délai d’un an.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada protège les secteurs stratégiques, notamment, mais pas exclusivement : la santé, l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire, l’industrie manufacturière, les ressources naturelles et les biens incorporels dans les domaines de l’innovation, de la propriété intellectuelle, des données et de l’expertise.

Recommandation 5

Que le ou la ministre de l’Innovation, des sciences et de l’industrie doive justifier sa décision de conclure si une transaction est à l’avantage net du Canada, que le ou la ministre doive conséquemment expliquer ensuite les éléments sur lesquels il ou elle s’est basé(e) pour prendre sa décision et que le ou la ministre doive rendre publique les conditions qu’il ou elle a imposées à un acquéreur lors d’une transaction par un investisseur étranger.

Plus précisément, le Comité considère qu’il est juste que le gouvernement fédéral s’assure que les biens incorporels créés grâce à des subventions fédérales soient seulement transférés à des intérêts étrangers lorsque ce transfert comporte un avantage démontrable pour le Canada. Bien entendu, les circonstances qui accompagnent le développement de ce type d’actifs varient, par exemple en fonction de la proportion du financement fédéral et des avantages qu’ils représentent pour les Canadiens. Cela dit, le principe devrait orienter la politique d’innovation du gouvernement, notamment dans, mais sans s’y limiter, l’examen de l’avantage net, et devrait compter au nombre des conditions d’octroi des subventions fédérales destinées à la recherche et au développement.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada encourage les entités canadiennes à conserver la propriété des biens incorporels développés grâce à des fonds fédéraux, y compris la propriété intellectuelle, en leur demandant, lorsque c’est approprié de le faire, de rembourser les montants qui leur ont été versés dans le cadre de programmes fédéraux ou de subventions, en tout ou en partie.

La question n’est pas de savoir si un investissement étranger peut être préjudiciable à la sécurité nationale — pratiquement tous les témoins ont affirmé que c’était le cas —, mais plutôt de savoir si la LIC est rédigée et exécutée d’une façon qui protège efficacement le Canada dans un contexte en constante évolution. D’un côté, le Comité ne peut faire abstraction du fait que certains des experts en sécurité nationale dont il a recueilli les témoignages ont reconnu mal connaître les dispositions de la Loi à l’étude. De l’autre, il doit tenir compte du fait que plusieurs juristes qui ont défendu la Loi ont tout de même signalé qu’elle comportait potentiellement des lacunes. Puisque le gouvernement fédéral applique la LIC depuis maintenant plus de 10 ans, il est vraisemblable qu’il puisse trouver des améliorations à y apporter.

Depuis 2009 et jusqu’à l’année 2018−2019, 15 des 22 examens relatifs à la sécurité nationale réalisés à la demande du gouverneur en conseil ont porté sur des investissements proposés par des investisseurs dont les activités étaient dirigées par des intervenants chinois. En conséquence de ces examens, neuf des 15 investissements proposés ont été bloqués, désinvestis ou retirés, quatre ont été approuvés sous certaines conditions et deux ont été approuvés sans condition (voir le tableau 2). Au deuxième rang, les investissements russes et suisses ont chacun donné lieu à seulement deux examens relatifs à la sécurité nationale. Il est donc raisonnable d’affirmer que, jusqu’à présent, le processus d’examen relatif à la sécurité nationale prévu par la LIC a surtout été utilisé pour des investissements chinois, qui ne représentent pourtant qu’une fraction des investissements étrangers directs entrants.

Le gouvernement fédéral devrait pouvoir empêcher qu’un bien (corporel ou incorporel) passe aux mains d’intérêts étrangers afin de préserver la sécurité nationale. Dans la mesure où la sécurité nationale est en jeu, comme l’a souligné M. Wakil, il n’y a aucune différence entre acquérir une entreprise ou une autre entité canadienne qui possède un bien de nature sensible et à acquérir ce bien. Or, même si la LIC confère au gouvernement fédéral le pouvoir de bloquer l’acquisition par des intérêts étrangers d’une entité canadienne possédant un bien de nature sensible, elle ne semble pas lui permettre de bloquer le transfert de ce bien.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada révise son cadre législatif et prenne les dispositions nécessaires :

  • pour bloquer toute transaction visant le transfert d’un bien de nature sensible à une entité étrangère lorsque ce transfert porterait atteinte à la sécurité nationale;
  • pour que toute entreprise ou entité canadienne qui possède un bien de nature sensible soit tenue d’envoyer un avis au gouvernement fédéral 30 jours avant de transférer ce bien à une entité étrangère.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada dépose immédiatement un projet de loi modifiant la Loi sur Investissement Canada afin que l’on puisse examiner et éventuellement empêcher la prise de contrôle ultérieure par une entreprise d’État d’une société ou d’actifs canadiens dont l’acquisition par une société privée étrangère avait été approuvée conformément à la LIC.

Le Comité reconnaît que des fonctionnaires compétents et dévoués s’efforcent de bien appliquer la LIC. Il sait aussi que plusieurs témoins ont demandé si le gouvernement fédéral affecte suffisamment de ressources à la Division de l’examen des investissements d’ISDE, et notamment si la Division dispose du personnel qualifié nécessaire pour faire un examen efficace et rigoureux des investissements étrangers.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada dépose sans tarder un projet de loi modifiant la Loi sur Investissement Canada afin que le ministre soit tenu de consulter le Service canadien du renseignement de sécurité, la Gendarmerie royale du Canada et le Centre de la sécurité des télécommunications au cours de l’examen relatif à la sécurité nationale.


[1]              Voir plus généralement Olivier Borgers, Emily Rix et Lorne Salzman, Foreign Investment Screening under Canada’s Investment Canada Act, Association du Barreau canadien, 2010.

[2]              Ibid.

[3]              Loi sur Investissement Canada, L.R.C. 1985, ch. 28 (1er suppl.), art. 2 (LIC).

[4]              Chambre des communes, Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie [INDU], Témoignages, 43e législature, 1re session, 18 juin 2020, 1505 (Tim Hahlweg, Service canadien du renseignement de sécurité).

[5]              Ibid., 1505, 1535, 1545.

[6]              INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1110, 1120, 1145, 1205-1210, 1235 (Charles Burton, à titre personnel).

[7]              INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1125, 1130, 1140, 1205, 1245 (Christophe Balding, à titre personnel). Voir aussi ibid., 1120.

[8]              INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1630, 1705, 1755 (Gordon Houlden, à titre personnel).

[9]              INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1145, 1150 (Daniel Schwanen, Institut C.D. Howe); INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1250, 1300 (Burton); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1545 (Hahlweg); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1720, 1755 (Michelle Travis, UNITE HERE Canada).

[10]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1630 (Houlden). Voir aussi INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1105 (Jim Balsillie, Conseil canadien des innovateurs); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1140 (Balding).

[11]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1635 (Brian Kingston, Conseil canadien des affaires). Voir aussi INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1125 (Schwanen).

[12]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1510 (Mitch Davies, ministère de l’Industrie).

[13]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1155 (Willie Gagnon, Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1755 (Travis).

[14]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1505 (Hahlweg). Voir aussi INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1750 (Kingston).

[15]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1220 (Burton).

[16]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1125 (Schwanen).

[17]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1540 (Dominic Rochon, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1600 (Davies).

[18]            LIC, art. 12. Voir aussi LIC, par. 17(1).

[19]            Règlement sur Investissement Canada, DORS/85-611, Annexe I [RIC]. Voir aussi ABC, Mémoire.

[20]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1255 (Omar Wakil, à titre personnel); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1115, 1255 (Joshua A. Krane, à titre personnel); ABC, Mémoire; Facey et Krane, Mémoire. Voir aussi INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1140 (Balding).

[21]            LIC, par. 28(1) (pour la signification d’« acquisition du contrôle »).

[22]            Selon les exigences de la LIC et de ses règlements, la valeur d’un investissement repose sur la « valeur d’entreprise » ou la « valeur des actifs », selon la nature de l’investissement. La « valeur d’entreprise » tient compte de la valeur sur le marché, des dettes et de la trésorerie, tandis que la « valeur des actifs » repose sur les états financiers de l’entreprise (voir Innovation, des Sciences et du Développement économique, Loi sur Investissement Canada : Rapport annuel 2018−2019, 2019 [ISDE, Rapport annuel]).

[23]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1555 (Davies).

[24]            Voir aussi INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1125 (Schwanen).

[25]            RIC, art. 5 et al. 6a), annexes I et II.

[26]            ABC, Mémoire.

[27]            LIC, art. 17-19; RIC, art. 6, annexes II-III.

[28]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1530 (Davies).

[29]            LIC, par. 16(1).

[30]            Ibid., art. 21 et 22.

[31]            Voir aussi INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1110 (Wakil).

[32]            Ibid.

[33]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1730 (Houlden).

[34]            LIC, par. 21(1), 21(9) et 22(2).

[35]            Ibid., art. 23-24(1), art. 25.

[36]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1155 (Gagnon).

[37]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1145 (Burton).

[38]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1240 (Krane); Facey et Krane, Mémoire.

[39]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1555 (Davies); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1645 (Michael Kilby, Association du Barreau canadien); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1650 (Peter Glossop, à titre personnel).

[40]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1110 (Wakil).

[41]            Ibid.

[42]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1635 (Kingston).

[43]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1125-1130 (Schwanen).

[44]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1115 (Krane); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1110 (Wakil); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1510 (Davies); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1650 (Glossop); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1635 (Kingston).

[45]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1530 (Davies).

[46]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1150 (Schwanen).

[47]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1105, 1140 (Balsillie).

[48]            Ibid.

[49]            Ibid. Voir aussi INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1755 (Houlden).

[50]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1105, 1210-1215 (Balsillie).

[51]            Ibid., 1105, 1150, 1205-1215, 1230, 1245.

[52]            Ibid. Voir aussi INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1705 (Houlden). Mais voir INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1255 (Krane).

[53]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1240 (Krane), 1255; INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1250-1255 (Wakil); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1535 (Davies).

[54]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1250 (Patrick Leblond, à titre personnel); INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1255 (Schwanen). Voir aussi INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1635-1640 (Kingston).

[55]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1645 (Marc-André Viau, Équiterre).

[56]            Ibid., 1720.

[57]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1740 (Houlden).

[58]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1130-1135, 1155, 1230, 1255 (Gagnon).

[59]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1245 (Leblond); INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1125 (Schwanen); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1530 (Davies).

[60]            LIC, al. 25.1a) et b).

[61]            Ibid., al. 28(1)c). Voir aussi ibid., art. 3, (les actifs incluent « [t]ous biens corporels ou incorporels, indépendamment de leur valeur »).

[62]            Ibid., al. 25.1c).

[63]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1515 (Rochon); ABC, Mémoire.

[64]            LIC, art. 25.2; Règlement sur les investissements susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale (examen) (RISN), DORS/2009-271, art. 2.

[65]            LIC, par. 21(3)-(8).

[66]            Ibid., par. 25.3(1)-(5) et 25.3(7); RISN, art. 4.

[67]            LIC, par. 25.3(6); RISN, art. 5 et 5.1.

[68]            LIC, par. 25.4(1); RISN, art. 6.

[69]            LIC, par. 25.3(1) et 25.3(6).

[70]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1515 (Rochon). Voir aussi INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1535, 1600 (Hahlweg).

[71]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1520 (Hahlweg).

[72]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1510, 1525 (Davies); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1515, 1600 (Rochon).

[73]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1515 (Rochon). Voir aussi INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1710 (Debbie Salzberger, Association du Barreau canadien [ABC]); ISDE, Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements.

[74]            ISDE, Rapport annuel.

[75]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1145 (Krane).

[76]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1550 (Davies); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1550 (Hahlweg); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1555 (Rochon).

[77]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1605 (Davies). Voir cependant aussi INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1225 (Balsillie).

[78]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1115, 1145, 1215, 1235, 1245, 1250 (Burton). Voir aussi INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1255 (Gagnon).

[79]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1115 (Leblond); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1115 (Krane); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1650 (Glossop); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1635 (Kingston); Facey et Krane, Mémoire.

[80]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1150 (Schwanen); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1115, 1235 (Krane); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1650 (Glossop); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1110 (Wakil); ABC, Mémoire; Facey et Krane, Mémoire.

[81]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1120 (Balding).

[82]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1110 (Wakil); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1640 (Salzberger); Mémoire présenté à INDU, 17 juin 2020 (ABC, Mémoire); Brian A. Facey et Joshua A. Krane, Mémoire présenté à INDU présenté à INDU, 30 juin 2020 (Facey et Krane, Mémoire).

[83]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1610 (Davies); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1515 (Rochon); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1710-1715 (Salzberger).

[84]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1200, 1225 (Wakil).

[85]            Ibid., 1225. Comparer avec INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1240 (Krane).

[86]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1125 (Schwanen); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1800 (Kilby).

[87]            INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1115 (Wakil).

[88]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1655, 1725 (Travis).

[89]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1610 (Davies).

[90]            Ibid.

[91]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1150 (Leblond).

[92]            Ibid., 1115-1120, 1150; INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1145-1150 (Schwanen). Voir aussi ABC, Mémoire.

[93]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1730, 1740 (Houlden).

[94]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1130 (Schwanen); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1115-1120 (Krane); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1115 (Wakil); Facey et Krane, Mémoire.

[95]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1530, 1555 (Davies). Voir aussi INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1555 (Rochon).

[96]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1300 (Burton); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1130 (Balding).

[97]            INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1240-1245 (Leblond); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1730 (Houlden).

[98]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1750 (Travis).

[99]            INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1530 (Davies); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1715 (Glossop). Voir aussi INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1545 (Hahlweg).

[100]          INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1240 (Krane).

[101]          INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1655, 1720 (Travis).

[102]          INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1510, 1530 (Davies).

[103]          INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1130, 1220-1225 (Schwanen); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1120, 1135 (Krane); INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1115, 1135 (Wakil); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1800 (Salzberger); Facey et Krane, Mémoire. Voir aussi INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1300 (Gagnon); INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1120 (Leblond). Voir aussi INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1225 (Wakil).

[104]          INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1145 (Burton); INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1155, 1300 (Gagnon); INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1750 (Travis).

[105]          LIC, par. 36(1). Voir aussi la Loi sur l’accès à l’information (LAI), L.R.C. 1985, ch. A-1, par. 24(1) et annexe II.

[106]          Par exemple, ces exemptions permettent au gouvernement fédéral de communiquer ou de divulguer des renseignements contenus dans les avis envoyés en vertu de la LIC et dans les engagements écrits pris à l’égard d’un investissement réputé être à l’avantage net du Canada. De plus, la Loi n’interdit pas au gouvernement fédéral de communiquer ou de divulguer des renseignements contenus dans les motifs fournis par le ministre pour justifier la décision selon laquelle un investissement étranger pourrait apporter ou non un avantage net au Canada. En revanche, le ministre doit s’abstenir de divulguer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques si cela risque de porter préjudice à la personne qui les a fournis. La LIC autorise le gouvernement fédéral à divulguer les renseignements de la décision prise par le gouverneur en conseil concernant l’incidence d’un investissement étranger sur la sécurité nationale. Toutefois, outre la nature de la décision — blocage de l’investissement, autorisation de l’investissement avec ou sans conditions ou dessaisissement — le ministre ne doit pas communiquer de renseignements sur la décision si cela risque de porter préjudice à la personne qui les a fournis [voir ibid., art. 36; et voir en contrepartie la LAI, al. 20(1)b)].

[107]          INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1140 (Balding).

[108]          INDU, Témoignages, 15 juin 2020, 1215 (Wakil).

[109]          Ibid., 1250.

[110]          Ibid., 1215.

[111]          INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1655, 1720 (Travis).

[112]          INDU, Témoignages, 18 juin 2020, 1635 (Kingston).

[113]          INDU, Témoignages, 8 juin 2020, 1205 (Schwanen).

[114]          Service canadien du renseignement de sécurité, Rapport public du SCRS 2019, 2020, p. 17.

[115]          Ibid.

[116]          Ibid.