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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 19 octobre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1700)  

[Traduction]

     Nous allons commencer. Bienvenue à la 32e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés participent, selon le cas, en présentiel ici même ou à distance au moyen de l’application Zoom.
    Voici quelques consignes à l'intention des témoins et des députés. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro et assurez-vous de le désactiver lorsque vous ne parlez pas.
    En ce qui concerne les services d'interprétation, si vous utilisez Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Si vous participez en personne, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
     Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Avant de passer à nos distingués témoins d'aujourd'hui, nous devons nous occuper de l'élection d'un vice-président.
    Avant d'aborder cette question, j'aimerais souhaiter la bienvenue à deux nouveaux membres du Comité. Il s'agit de députés bien connus à la Chambre: M. Randy Hoback, de Prince Albert, en Saskatchewan, et M. Dave Epp, de Chatham-Kent—Leamington, en Ontario. Ils remplaceront M. Marty Morantz et M. Ziad Aboultaif. Je les remercie de leur collaboration avec les autres membres du Comité, et je pense parler au nom de tous en disant cela.
    Par conséquent, puisque M. Morantz n'est plus membre du Comité, la greffière procédera à l'élection du premier vice-président.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur le président.
    Conformément au paragraphe 106(2) du Règlement, le premier vice-président doit être un député de l'opposition officielle. Je suis maintenant prête à recevoir des motions pour le premier vice-président.
    Monsieur Michael Chong, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je propose que M. Garnett Genuis soit nommé au poste de vice-président du Comité.
    Merci.
    M. Michael Chong propose que M. Garnett Genuis soit élu premier vice-président du Comité.
    Y a‑t‑il d'autres motions?
    Plaît‑il au Comité d'adopter la motion?
    Merci.
    Je déclare la motion adoptée et M. Garnett Genuis dûment élu premier vice-président du Comité.
    Des députés: Bravo!
    Félicitations, monsieur Genuis.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 31 janvier 2022, nous reprenons notre étude sur la situation à la frontière entre la Russie et l'Ukraine et les répercussions sur la paix et la sécurité.
     J'ai maintenant le plaisir d'accueillir deux témoins incroyablement distingués aux fins de notre discussion d'aujourd'hui. Nous recevons tout d'abord Mme Evgenia Kara-Murza, coordonnatrice à la défense des droits au sein de la Free Russia Foundation et, bien sûr, épouse de Vladimir Kara-Murza, un chef de l'opposition russe injustement mis en prison.
    Nous avons également un deuxième invité, qui est bien connu de tous les membres du Comité. Nous sommes très honorés d'accueillir M. Irwin Cotler, notre ancien ministre de la Justice, qui nous a souvent fait profiter de son expertise. Aujourd'hui, il est ici en sa qualité de fondateur et de président international du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne et en tant qu'envoyé spécial de l'Assemblée parlementaire de la Communauté des démocraties dans le dossier de Vladimir Kara-Murza.
    Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi les députés auront l'occasion de vous poser des questions.
    Cela dit, j'aimerais souligner d'emblée que nous commençons un peu en retard et, malheureusement, M. Cotler doit partir à 17 h 25 en raison d'un autre engagement, alors que Mme Kara-Murza ne peut rester avec nous que jusqu'à 17 h 45.
    Sans plus tarder, Mme Kara-Murza, vous avez la parole pour faire une déclaration préliminaire de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, honorables députés, mesdames et messieurs, chers amis.
    Tout d'abord, j'aimerais dire à quel point je vous suis reconnaissante de me permettre de prendre la parole ici pour poursuivre le travail extrêmement important de mon mari au nom des prisonniers politiques dans la Fédération de Russie et au nom de la société civile russe.
     Je voudrais également dire à quel point je suis honorée et touchée d'avoir M. Irwin Cotler, une figure imposante de la lutte pour les droits de la personne dans le monde, comme allié dans ma lutte, dans mon combat, pour la libération de mon mari, Vladimir Kara‑Murza. Merci beaucoup, monsieur Cotler.
    Depuis presque huit mois, nous assistons au massacre sanglant du peuple ukrainien par l'armée russe, envoyée en Ukraine par un dictateur du Kremlin à l'esprit de plus en plus dérangé. Il semble que le monde s'est finalement rendu compte de la véritable identité de M. Poutine ou, du moins, a été contraint de ne plus fermer les yeux là‑dessus. Le monde entier regarde maintenant avec horreur ce qui se passe, en se demandant de quoi d'autre ce fou serait capable.
    Des gens comme mon mari, Vladimir Kara‑Murza, le savent depuis plus de 20 ans, et ils ont essayé à maintes reprises d'avertir le monde du danger qu'il y a à apaiser un dictateur et à chercher des compromis face à un tyran qui n'y voit qu'un aveu de faiblesse de la part de ses adversaires.
    L'horrible vérité, c'est que cette guerre n'était pas inattendue. Elle est le résultat de plus de deux décennies d'impunité dont Vladimir Poutine a bénéficié en opprimant son propre peuple et en menant ses autres campagnes militaires. Pendant des années, il a fait assassiner les opposants à son régime, tant en Russie qu'à l'étranger, et a enfreint de nombreuses lois internationales en menant une guerre en Tchétchénie, en envahissant la Géorgie, en annexant la Crimée et en bombardant la Syrie, sans que cela n'entraîne de graves répercussions pour lui-même ou le régime qu'il a mis en place. Enhardi par cette impunité permanente, Vladimir Poutine a fini par se croire à peu près tout permis et a lancé une véritable guerre d'agression contre notre plus proche voisin, tuant des milliers de personnes et déplaçant des millions d'autres.
    L'agression contre l'Ukraine va de pair avec une répression à grande échelle en Russie.
     Dans son discours de réception du prix Nobel en décembre 1975, Andreï Sakharov avait énuméré les noms de 126 prisonniers d'opinion en Union soviétique. Aujourd'hui, d'après Memorial — l'ONG la plus respectée de Russie dans le domaine de la défense des droits de la personne —, on compte 500 prisonniers politiques dans la Fédération de Russie. Memorial estime qu'il s'agit là d'un chiffre assez modeste, car elle utilise des critères très stricts pour déterminer le statut de prisonnier politique, et des dizaines de cas sont toujours à l'étude.
    Dans son rapport du Mécanisme de Moscou, publié à Vienne le 22 septembre dernier, la rapporteuse de l'OSCE, Mme Nussberger, souligne ceci: « Malgré la très courte durée de la mission, la rapporteuse a pu recueillir beaucoup de renseignements, bien plus que ce dont le rapport fait état. Cela s'explique par l'énorme dimension des problèmes en matière de droits de la personne auxquels est confrontée la société civile russe. »
     Selon OVD-Info, un projet médiatique indépendant sur les droits de la personne et la persécution politique en Russie, depuis le 24 février 2022, 19 335 personnes ont été détenues arbitrairement dans le pays. Plus de 4 000 poursuites administratives et des centaines de poursuites pénales ont été intentées contre des manifestants anti-guerre, dont mon mari.
    Depuis février, les manifestations n'ont pas cessé, et les récits de détention sont de plus en plus horribles.
    La journaliste russe Maria Ponomarenko, qui risque jusqu'à 10 ans de prison pour avoir diffusé un message sur Telegram au sujet du bombardement russe d'un théâtre à Marioupol, a été envoyée dans un hôpital psychiatrique pour une soi-disant « évaluation », au cours de laquelle elle a été soumise à des actes de torture et à des injections de substances inconnues. Nous assistons ainsi à la renaissance de la psychiatrie punitive qui était largement utilisée contre les dissidents soviétiques. Ce cas nous rappelle terriblement ceux de Natalia Gorbanevskaïa et de Vicktor Fainberg, deux des sept personnes qui sont sorties sur la place Rouge pour protester contre l'invasion soviétique de la Tchécoslovaquie en 1968 et qui ont ensuite été transférées dans un hôpital psychiatrique pour y subir un traitement contre la folie. Quiconque contredisait le récit officiel à l'époque était dépeint comme un criminel ou un fou, et c'est toujours le cas aujourd'hui.
    Le poète et militant Artiom Kamardine a été battu et violé avec un haltère par des policiers lors de son arrestation pour avoir récité des poèmes anti-guerre pendant une manifestation à Moscou contre la mobilisation. On a refusé de l'hospitaliser, et il risque maintenant une peine d'emprisonnement pour, comme le dit le rapport officiel de la police, « incitation à la haine [...] avec menace de violence ».

  (1705)  

     Pendant qu'il se faisait violer, sa compagne Alexandra Popova était battue et menacée de viol collectif dans la pièce voisine. Des policiers lui ont arraché les cheveux et aspergé de la colle ultra-forte sur le visage.
    Andreï Pivovarov, Lilia Tchanycheva, Iouri Dmitriev, Alexeï Gorinov, Igor Maltsev, Ilya Yashine, Alexeï Navalny, Alexandra Skotchilenko, Dmitri Talantov, Victoria Petrova, Daria Ivanova — je pourrais continuer à citer des noms pendant des heures.
    L'une des personnes accusées d'avoir diffusé, comme l'affirme le gouvernement, de « fausses informations » sur la guerre de Poutine en Ukraine est mon mari, Vladimir Kara‑Murza. Il a refusé de se laisser intimider, malgré deux attentats contre lui, perpétrés par une équipe d'agents du FSB en guise de représailles à son plaidoyer inlassable en faveur de l'adoption de sanctions ciblées contre les criminels et les meurtriers du régime de Poutine, le même plaidoyer pour lequel Boris Nemtsov a payé le prix ultime lorsqu'il a été assassiné sur le pont Bolchoï Moskvoretski à Moscou, en 2015.
    Depuis son arrestation début avril, Vladimir a été désigné comme un agent étranger par les autorités russes et comme un prisonnier d'opinion par Amnistie internationale. Il y a un peu plus d'une semaine, il s'est vu décerner le prix Václav Havel pour les droits de la personne par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, en partenariat avec la Bibliothèque Václav Havel et la fondation Charta 77, tout en étant accusé de haute trahison par le gouvernement russe. Mon mari, le père de mes trois enfants, risque maintenant jusqu'à 24 ans de prison pour s'être opposé au régime des assassins et pour avoir cru que notre pays méritait un avenir meilleur.
     Comme l'a dit Elie Wiesel dans son discours de réception du prix Nobel de la paix:
Ces victimes ont surtout besoin de savoir qu'elles ne sont pas seules, que nous ne les oublions pas, que lorsque leurs voix seront étouffées, nous leur prêterons la nôtre, car si leur liberté dépend de la nôtre, la qualité de notre liberté dépend de la leur.
     Je suis ici aujourd'hui parce que leurs voix doivent être entendues et parce que la voix de mon mari doit être entendue — la voix de mon conjoint, de mon meilleur ami et du père de mes enfants, un homme qui a risqué sa vie, à maintes reprises, pour faire savoir au monde entier que beaucoup de Russes rejettent ce régime et tout ce qu'il représente.
     Je suis ici aujourd'hui pour demander à la communauté des pays démocratiques du monde de trouver des moyens de souligner le courage de ces Russes et de reconnaître leur combat, car ces personnes nous donnent espoir en l'avenir de la Russie.
    Je vous remercie infiniment.
    Des députés: Bravo!

  (1710)  

    Merci beaucoup, madame Kara-Murza.
    Nous passons maintenant à M. Irwin Cotler.
    Permettez-moi de dire à quel point je suis ravi de pouvoir me joindre à Mme Evgenia Kara-Murza, la conjointe de Vladimir, dans leur odyssée héroïque au nom du peuple russe, au nom du peuple ukrainien, au nom de la lutte pour la démocratie et les droits de la personne et, en somme, au nom de l'humanité qui nous habite tous.
    Vladimir Kara-Murza est le patriote et le dissident russe par excellence, dans la plus pure tradition du père du mouvement dissident russe, Andreï Sakharov. Ce dernier avait dit un jour que le procès d'Anatoly Sharansky, dans ce qui était alors l'Union soviétique, représentait le procès des droits de la personne. Ces mots peuvent maintenant s'appliquer au cas de Vladimir Kara-Murza: les actes de persécution et d'accusation contre Vladimir Kara-Murza représentent vraiment des actes de persécution et d'accusation contre ce que la Russie a de meilleur.
    Vladimir Kara-Murza, tout comme son héros Boris Nemtsov, le chef démocratique de l'opposition russe, tragiquement assassiné en février 2015, a lui-même été la cible de deux tentatives d'assassinat.
    Vladimir Kara-Murza, à l'instar de Václav Havel, a osé dire la vérité à ceux qui sont au pouvoir. Comme l'a mentionné Mme Kara-Murza, il vient de recevoir, et à bon droit, le prix Václav Havel pour les droits de la personne, mais il est poursuivi en justice par Poutine pour avoir cherché et révélé la vérité.
    À titre de journaliste primé, Vladimir Kara-Murza a vu sa liberté d'expression non seulement réduite au silence, mais aussi criminalisée. D'ailleurs, il est un cinéaste exceptionnel. Hier soir encore, nous avons vu un de ses films à propos d'un religieux russe héroïque, le père Edelstein. Le titre du film était Mon devoir de ne pas rester silencieux, de ne pas être complice du mal. C'est, en effet, le devoir et la responsabilité de chacun d'entre nous. Votre comité est en mesure de briser ce silence et de prendre les mesures nécessaires.
    En tant qu'artisan mondial des sanctions Magnitski, Vladimir Kara-Murza incarne aujourd'hui la nécessité d'imposer ces sanctions à toutes les personnes impliquées dans son arrestation, sa détention, sa persécution et les poursuites arbitraires intentées contre lui. En fait, dans chacun de ces cas, il existe un lien indéniable avec le Canada. Vladimir Kara-Murza a un lien direct avec le Canada. Il est venu au Canada en 2011, alors que j'étais membre du sous-comité des droits internationaux de la personne. J'ai déposé la première version de ce qui allait devenir la loi de Magnitski. Vladimir Kara-Murza est venu ici, avec Boris Nemtsov, ainsi que Bill Browder, pour appuyer le projet de loi. Lorsqu'on lui a alors demandé si le projet de loi était anti-russe, il a répondu qu'au contraire, c'était la mesure législative la plus pro-russe que l'on puisse trouver. C'est une mesure législative au nom du peuple russe. Je dirais même que c'est une mesure législative au nom du peuple canadien pour protéger la souveraineté, la sécurité, l'économie et la dignité humaine au Canada.
    Vladimir Kara-Murza a donc incarné ces objectifs et il en a payé le prix. Il est venu témoigner en 2015 devant le Comité des affaires étrangères. Il était un témoin principal dans le cadre de notre étude de la loi de Magnitski. À son retour en Russie, il a été la cible d'une tentative d'assassinat et d'un empoisonnement, et il a failli mourir. En 2017, lorsque le Comité a repris ses travaux après les élections, Vladimir Kara-Murza a comparu de nouveau à titre de témoin principal devant le Comité, ce qui a mené à l'adoption du projet de loi. Il est retourné en Russie, où il a été, une fois de plus, la cible d'une tentative d'assassinat et d'un empoisonnement. Il a failli mourir, mais il s'en est sorti, devenant ainsi un héros de la lutte pour la démocratie et les droits de la personne en Russie et ailleurs dans le monde. Les sanctions mondiales prévues en vertu de la loi de Magnitski ne sont qu'un des résultats de son initiative, qui protège, je le répète, le peuple russe et la démocratie.
    Comme Mme Kara-Murza l'a également rappelé, son époux nous avait mis en garde contre l'indifférence et l'inaction face à la culture de corruption et de criminalité de Poutine.

  (1715)  

    Lorsque Poutine a bombardé et attaqué la Tchétchénie, lorsqu'il a envahi la Géorgie, lorsqu'il a annexé la Crimée, lorsqu'il a bombardé la Syrie et lorsqu'il a lancé une répression massive sur le front intérieur, c'est Vladimir Kara‑Murza qui nous a fait comprendre que le silence, l'indifférence et l'inaction de la communauté internationale avaient non seulement permis cette culture de corruption et de criminalité, mais aussi encouragé cette culture d'impunité.
    Mme Kara‑Murza a transmis ce message, tout comme l'a fait son époux, pendant toutes ces années. Il est donc important que vous fassiez maintenant ce qui s'impose dans le cadre de vos audiences sur l'Ukraine...
     Poutine s'est peut-être dit: « Si la communauté internationale n'a rien fait à l'égard de la Tchétchénie, de la Géorgie, de la Crimée, de la Syrie et de mes actes de répression massive — il n'utiliserait pas ces mots —, pourquoi devrait-elle se soucier de mon invasion en Ukraine, qui, de toute façon, n'est pas un pays indépendant, qui n'est pas un peuple indépendant, qui fait partie de nous, etc.? »
    C'est toute une culture de désinformation, et notre indifférence et notre inaction encouragent l'impunité. Il est de notre responsabilité d'agir.
    Je terminerai en disant ceci. S'il est essentiel que nous fournissions — comme nous l'avons fait et comme nous devons le faire encore plus — un soutien militaire, un soutien économique et une aide humanitaire au peuple ukrainien, en plus d'imposer des sanctions, il est particulièrement important aussi — sachant que le cas de Vladimir Kara‑Murza est le reflet de tout ce que j'ai mentionné — que nous invoquions la loi Magnitski pour imposer des sanctions ciblées contre tous ceux qui sont impliqués, je le répète, dans son arrestation arbitraire, sa détention, sa persécution et sa mise en accusation; que nous soutenions, comme l'a dit Mme Kara‑Murza, la société civile russe; que nous donnions notre appui aux 19 000 personnes arrêtées et détenues arbitrairement, à qui Vladimir Kara‑Murza sert de modèle; et que nous nous inspirions de son récit et de sa cause pour reconnaître le besoin de prendre les initiatives nécessaires.
    Je serai heureux de répondre à vos questions sur la protection contre la détention arbitraire, la protection de la liberté des médias, la protection et la promotion de la démocratie et des droits de la personne, l'imposition des sanctions nécessaires et d'autres sujets connexes.
    Je vous remercie de votre attention. Je serai ravi de répondre à toutes les questions, mais surtout d'écouter le témoignage de Mme Kara‑Murza.
    Merci, monsieur Cotler.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés.
    Encore une fois, je vous rappelle que M. Cotler doit partir dans environ huit minutes, et Mme Kara‑Murza dans environ une demi-heure.
    Monsieur Chong, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Cotler et madame Kara‑Murza, de vos déclarations préliminaires.
    Madame Kara‑Murza, je tiens à vous remercier, et je crois parler au nom de tous les membres du Comité, de votre présence parmi nous, ainsi que de votre courage, de votre dévouement et de votre stoïcisme face à la persécution dont votre mari est la cible. Nous vous sommes très reconnaissants de prendre le temps de venir témoigner devant nous aujourd'hui.
    Vous êtes l'une des rares personnes à comparaître devant notre comité en tant que témoin ayant une connaissance directe de ce qui se passe en Russie aujourd'hui. La plupart des communications avec le monde extérieur ont été coupées. Je sais que nous en avons déjà parlé en privé, mais j'aimerais en discuter officiellement aujourd'hui.
    Le New York Times a rapporté cette semaine que, selon les estimations des services de renseignement occidentaux, la Russie a perdu environ le tiers ou la moitié des 200 000 soldats de la force d'invasion, soit un nombre ahurissant de 67 000 à 100 000 soldats, depuis le début de son invasion de l'Ukraine, le 24 février.
    Ma question est la suivante: que vous disent vos contacts russes à propos de l'incidence de ces pertes sur le régime de Poutine?

  (1720)  

    Merci beaucoup pour votre question.
    Pendant très longtemps, Vladimir Poutine a évité de déclarer la mobilisation, car il savait que ce serait une mesure très impopulaire. Pendant très longtemps, il a cherché à éviter que la majorité de la population russe soit touchée par la guerre et à faire en sorte que cette dernière soit perçue comme quelque chose qui se passait quelque part ailleurs.
    La majorité des soldats avaient été enrôlés dans les régions les plus pauvres de Russie, celles des minorités ethniques où les gens vivent sous le seuil de la pauvreté. Beaucoup de ces gens signaient les contrats parce qu'ils considéraient que c'était le moyen de se sortir de la pauvreté. Cela n'excuse rien, mais cela démontre simplement comment le régime a exploité les minorités ethniques de la Russie et comment il a utilisé ces personnes pour soutenir ses visées guerrières.
    Maintenant, après la déclaration de la mobilisation... Il ne s'agit pas d'une mobilisation partielle. La loi elle-même sur la mobilisation ne contient pas le mot « partielle ». Cela signifie que Vladimir Poutine enrôlera autant de soldats qu'il le faudra pour gagner du temps jusqu'à l'arrivée de l'hiver, pour vous épuiser, pour épuiser l'Occident démocratique mondial, pour épuiser les Ukrainiens et couvrir la ligne de front de cadavres de soldats russes.
    Maintenant que cette mobilisation touche la majorité du territoire russe, je crois que nous allons assister à des changements. En fait, les changements qui se sont déjà produits portent à croire que c'est ce qui va se passer. En l'absence de médias libres, d'élections libres, de liberté d'expression, de liberté de réunion et de toute liberté fondamentale, les gens n'ont plus aucun moyen d'exprimer leur frustration. Très souvent, ils se tournent vers des mouvements partisans.
    Merci de cette réponse.
    J'ai deux questions rapides sur la façon dont nous pouvons soutenir la société civile russe et l'opposition russe en Russie et, plus précisément, sur la façon dont nous pouvons contrer la désinformation diffusée par le régime et donner l'heure juste au peuple russe.
    Ma première question rapide est la suivante: existe‑t‑il des firmes de sondage d'opinion crédibles en Russie?
    À l'heure actuelle, les sondages d'opinion sont très souvent utilisés par le régime pour créer l'apparence d'un soutien écrasant à l'endroit de M. Poutine et de son régime. Les résultats de ces sondages prétendent que la majorité de la population russe soutient Poutine et son régime.
    Cependant, ce que j'ai dit dans mon exposé montre une image différente. Si Vladimir Poutine avait réellement bénéficié de ce soutien écrasant de la population russe, il ne recourrait pas à la répression massive. Il n'emploierait pas la psychiatrie punitive. Il n'utiliserait pas la torture, la violence et la brutalité policière à grande échelle. Il n'aurait pas besoin de le faire. Le nombre de prisonniers politiques, qui augmente chaque jour, montre que la situation en Russie n'est pas celle que le régime souhaite dépeindre.
    Il y a deux semaines à peine, je prononçais une allocution dans le cadre de la conférence de Varsovie sur la dimension humaine de l'OSCE et j'ai mentionné le nombre de prisonniers politiques recensés par Memorial. À ce moment‑là, ils étaient 488. Aujourd'hui, ils sont 500, et ce chiffre continue d'augmenter. Il augmente de jour en jour.
    Je vous déconseille de vous fier aux résultats des sondages d'opinion réalisés dans un État totalitaire par des firmes de sondage que contrôle cet État.
    Je vous remercie de cette réponse. J'ai une deuxième question très rapide.
    Nous ne vivons plus à l'époque des émissions sur ondes courtes que nous utilisions pour transmettre dans le monde entier des informations aux populations des régimes autoritaires. Certaines personnes ont dit que le Canada devrait financer les réseaux privés virtuels, ou RPV, et la technologie sous-jacente pour permettre aux Russes d'accéder à des informations en russe provenant de sources extérieures crédibles.
    Que pensez-vous de cela?
    Je peux vous dire que le nombre de services de RPV installés depuis février est monté en flèche en Russie. Les gens cherchent à avoir accès à des informations indépendantes et objectives.
    L'ensemble de l'espace médiatique en Russie a été nettoyé. Il n'y a plus rien d'indépendant ou d'objectif qui soit facilement accessible à la majorité de la population russe.
    Les personnes qui ont accès à Internet en Russie essaient de trouver des moyens de mettre la main sur ces informations indépendantes. Un nombre incalculable de journalistes russes ont été contraints de quitter le pays, mais ils poursuivent leur très important travail, soit celui de produire du contenu informatif à l'intention de la population russophone. L'installation de services de RPV permet à la population d'accéder à cette information, ce qui est une excellente façon de contrer la propagande.
    Nous devons également tenir compte d'une chose très importante: Vladimir Poutine sait à quel point la propagande est un outil puissant. C'est pourquoi il a commencé son règne en fermant les chaînes de télévision indépendantes les unes après les autres. À partir de 2003, la majorité de la population russe qui compte sur la télévision comme principale source d'information n'avait pas accès à la moindre chaîne de télévision indépendante. C'est comme cela depuis 2003. Cela fait 19 ans que nous entendons exactement les mêmes messages, encore et encore: la Russie est un grand pays entouré d'ennemis; tout le monde veut nous voir à genoux; tout le monde souhaite la disparition de la Russie et le monde entier nous déteste. Cela dure depuis 19 ans.
    Depuis février, les trois derniers grands médias — Radio Echo Moscou, la chaîne de télévision Dozhd, qui ne fonctionnait qu'en ligne, et Novaya Gazeta — ont tous été contraints par le gouvernement de mettre fin à leurs activités. Ils se sont installés à l'extérieur de la Russie afin de poursuivre leur très important travail, alors il faut les soutenir.
    Vladimir Poutine a investi des milliards de dollars dans sa machine de propagande afin de soutenir le niveau d'agressivité et de désinformation au sein de la population et ainsi être en mesure de poursuivre ses visées bellicistes. Il a à cette fin coupé la majorité de la population russe des nouvelles sur ce qui se passe vraiment en Ukraine. Les ressources des médias indépendants qui ont été chassés de Russie et qui opèrent désormais depuis l'extérieur n'ont bien sûr rien de comparable au financement des médias propagandistes. Leur travail a donc grand besoin d'être soutenu concrètement.

  (1725)  

    Cette série de questions devait être de six minutes, mais nous les avons largement dépassées. Nous en sommes à presque 10 minutes, alors nous allons permettre aux autres membres de poser des questions.
    J'invoque le règlement. Puis‑je demander que les autres partis aient le même temps de parole?
    Oui. Il y aurait un...
    Pourrions-nous diviser le temps restant [inaudible] la réalité, parce qu'alors, Mme McPherson n'aura pas le temps.
    Je soumets cela à votre réflexion.
    Eh bien, c'est....
    Nous allons maintenant passer à M. Oliphant.
    Je vous remercie tous les deux d'être ici.
    Bien que je déteste faire des discours et que j'aime poser des questions, je tiens à vous dire que l'un de vos commentaires m'a frappé. S'il y a un message que je veux que vous rameniez avec vous, c'est que nous ne faiblirons pas. Ni le gouvernement du Canada ni, je crois, le Parlement du Canada ne seront épuisés par Poutine et sa guerre. Je veux que vous repreniez cela.
    Ce n'est pas facile, parce que la fatigue s'installe, mais je pense que nous sommes encouragés par deux choses. La première, ce sont les dissidents qui sont en Russie et qui continuent d'être courageux, et qui continuent de parler, de travailler et d'agir. La deuxième, c'est le peuple ukrainien, qui continue à se battre et à agir. Cela nous donne du pouvoir. Veuillez ramener ce message avec vous.
    Pour faire suite aux questions de M. Chong, il y a deux aspects que je souhaite aborder.
    Lorsque nous regardons et essayons de discerner la différence entre les Russes et Poutine, elle est floue, car le président bénéficie parfois d'un soutien massif. D'après vous — et je suis conscient que vous n'avez pas accès à toutes ces informations —, est‑ce le respect de Poutine, est‑ce la peur de Poutine ou est‑ce la fatigue et l'impuissance qui semblent nuire à la capacité de la Russie d'être ce qu'elle devrait être?
    Tout d'abord, je ne crois pas que Vladimir Poutine n'ait jamais bénéficié du soutien écrasant de la majorité de la population russe, car la dernière élection libre — mais non équitable, selon les organismes internationaux — a eu lieu en Russie en 2003. Cela fait 19 ans d'élections volées.
    Vladimir Poutine s'est réélu président à maintes reprises en l'absence de toute alternative. Tous les opposants qui auraient pu fournir cette alternative ont été tués, comme Boris Nemtsov, ou jetés en prison, comme Alexei Navalny. Cela vous donne une idée de la valeur du soutien dont il bénéficie.
    En l'absence, encore une fois, de médias libres, de liberté de parole, de liberté de réunion, de liberté d'expression et de sondages d'opinion indépendants — bref, de toute liberté fondamentale —, je pense qu'il est très difficile d'évaluer l'état d'esprit de la société russe dans son ensemble. Comment pouvons-nous évaluer l'état d'esprit de ce peuple?
    Oui, beaucoup d'entre eux se sont fait laver le cerveau en raison des 19 ans de propagande dont je parlais plus tôt. La majorité de la population russe compte sur la télévision comme principale source d'information. Dans les grandes villes, bien sûr, ils ont accès à Internet. Dans les campagnes, il n'y a pas de toilettes publiques, et encore moins d'Internet. Les gens ignorent ce qu'est un service de RPV.
    Oui, beaucoup d'entre eux ont subi un lavage de cerveau. Beaucoup d'entre eux ont été effrayés et ainsi incités à rester cois, car lorsque des personnes sont violées lors de leur arrestation, c'est bien sûr pour effrayer les autres et les faire taire. On cherche à les intimider en leur montrant ce qui pourrait leur arriver s'ils se risquaient à faire quoi que ce soit de semblable.
    Je veux juste dire que vous et moi voyons toutes les images qui sont diffusées par la propagande russe avec ces gens en forme de Z, ceux qui mettent des enfants en forme de Z dans la neige, dans les rues. C'est un segment très agressif de la population, mais c'est une minorité. Vous voyez cela parce qu'il n'y a pas de médias indépendants et que les seuls médias en Russie sont des médias propagandistes. C'est la seule image que l'on souhaite projeter et que l'on veut que vous preniez comme référence.

  (1730)  

    En tant que démocratie libérale, l'un de nos problèmes, c'est que nous n'avons pas toujours les outils pour combattre cette machine de propagande de quelque manière que ce soit. Une analyse de ce qui se passe est importante pour que nous ayons les bons outils pour le faire.
    Votre mari a été très clair sur l'importance de la présence internationale, de la persistance internationale et sur la nécessité de nommer les choses. Ce sont les thèmes qu'il a abordés.
    Ma prochaine question s'adresse peut-être à M. Cotler.
    Monsieur Cotler, j'avais oublié que j'avais rencontré M. Kara-Murza jusqu'à ce que vous nous parliez de la rencontre de 2011. Que devrait faire le Canada à ce sujet? Nous avons maintenant Sergei Lavrov, qui dit qu'il va réduire la présence de la Russie en Occident parce que nous sommes l'ennemi. Nous devons parler, nous devons être présents et nous devons nommer. Que devons-nous faire, et comment devons-nous procéder?
    On vient de m'avertir que je dois partir, alors je vais répondre très rapidement en proposant quelques mesures que vous pourriez prendre.
    Premièrement, le Canada a ouvert la voie en adoptant la Déclaration contre la détention arbitraire dans les relations d'État à État. M. Kara-Murza est un exemple de cela. Il est citoyen du Royaume-Uni et de la Russie. Les signataires de cette déclaration seront conviés à une réunion qui aura lieu en février. La situation de M. Kara-Murza devrait servir d'étude de cas pour encourager la mobilisation contre la détention arbitraire.
    Deuxièmement, nous sommes également coprésidents de la Coalition pour la liberté des médias. En Russie, la liberté des médias a non seulement été réduite au silence, mais aussi criminalisée, comme l'a dit Mme Kara-Murza. Nous devons utiliser notre présidence et notre leadership au sein de cette coalition pour, encore une fois, brandir la situation de M. Kara-Murza comme exemple.
    Troisièmement, en parlant maintenant en tant qu'envoyé spécial pour la Communauté des Démocraties, je vous informe que le Canada vient d'assumer la présidence du conseil exécutif de cet organisme. Encore une fois, c'est l'occasion, dans le cadre de ce forum qu'est la Communauté des Démocraties, de souligner la lutte que mène M. Kara-Murza pour la démocratie en Russie et en Ukraine, cette lutte qu'il mène en notre nom à tous.
    Quatrièmement, en ce qui concerne les sanctions de Magnitsky, je suis heureux de voir le Canada prendre l'initiative d'imposer des sanctions ciblées, mais nous devons nous efforcer d'internationaliser les sanctions de Magnitsky. Par conséquent, nous devrions prendre l'initiative d'élaborer une stratégie internationale concertée à propos de ces sanctions.
    Enfin, en ce qui concerne l'agression de M. Poutine, je me contenterai de dire ceci: s'il existe des recours juridiques et judiciaires pour les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, etc., il n'en existe pas pour le crime d'agression. Nous devons soutenir la création d'un tribunal indépendant pour le crime d'agression afin que M. Poutine et tous ceux qui sont complices de ce crime d'agression contre le peuple ukrainien puissent être traduits en justice.
    Je vous remercie.

  (1735)  

    Habituellement, vous avez six mesures à proposer, mais aujourd'hui, vous n'en avez que cinq.
    Deux minutes et demie supplémentaires peuvent être accordées au NPD et au Bloc.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Oliphant.
    Nous passons maintenant à M. Lemire.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Privyt. Spassybi.
    Vos témoignages nous disent qu'il faut être rigoureux et ferme devant les mesures russes. Je souhaite que votre message circule partout au monde et qu'il puisse joindre la population en Russie. Votre bravoure vous honore et me touche. Je sens l'amour que vous avez pour votre peuple, et cela nous pousse à vouloir agir.
    Ma première pensée est pour votre mari, avec une certaine inquiétude pour son état. Peut-on savoir comment il va? Quelles sont ses conditions de détention? Avez-vous des contacts avec lui? Peut-on faire quelque chose de plus comme Québécois et comme Canadiens?
    Je vous remercie beaucoup de votre question et de vos bons mots.
    Vladimir est toujours détenu dans un centre de détention à Moscou en attendant son procès. Je n'ai pas parlé à mon mari, et je ne l'ai pas vu depuis le mois d'avril. Mon contact avec lui passe par son avocat. J'ai beaucoup de chance, parce que son avocat est aussi un ami de la famille. Il a été l'avocat de Boris Nemtsov avant son assassinat. Après l'assassinat, il a travaillé à son rapport sur cet assassinat avec Vladimir et Margareta Cederfelt, la présidente de l'Assemblée parlementaire de l’OSCE. Je crois qu'ils sont devenus amis. J'ai une totale confiance en lui. Je suis sûre qu'il fera de son mieux dans le cas de mon mari.
    Bien sûr, la décision au sujet de mon mari a déjà été prise. Comme il a été accusé de haute trahison, il risque maintenant une peine de prison pouvant aller jusqu'à 24 ans dans un régime strict. Je sais que, la seule possibilité pour mon mari de sortir d'une prison russe, c'est l'écroulement de ce régime. C'est mon but de s'assurer que ce jour arrivera le plus tôt possible. C'est le but de mon travail, et de tout ce que je fais maintenant.

[Traduction]

    J'appelle cela planter mon petit clou dans le cercueil du régime.

[Français]

    Vous avez répondu en grande partie à ma seconde question qui cherchait à savoir quelle cause vous portez, votre mari et vous. Conséquemment, comment évaluez-vous la portée de votre voix sur la scène internationale et la réponse des pays comme le Canada, mais également des États‑Unis et des autres grandes puissances?
    Je vous en demande pardon, mais je vais devoir vous répondre en anglais, parce que j'ai peur de ne pas trouver les mots exacts. Je veux que mon message soit bien compris.

[Traduction]

     Je pense que nous comprenons tous que la condition pour que cette région retrouve la paix et pour que l'Europe toute entière soit enfin en paix avec elle-même et avec tout le monde, c'est que le régime russe tombe.
    Il y a, à mon avis, trois facteurs clés qui précipiteraient cette chute, et j'essaie de porter ce message partout où je vais.
    Le premier facteur clé est, bien sûr, la victoire de l'Ukraine et, plus précisément, la victoire de l'Ukraine selon ses propres conditions, ce qui signifie que tous les soldats russes devront quitter le territoire ukrainien jusqu'au dernier, y compris les régions occupées illégalement. L'Ukraine a montré à tout le monde à quel point elle est résiliente, à quel point elle est forte et à quel point elle est étonnante dans son combat, et pas seulement pour elle-même. Les Ukrainiens ne se battent pas seulement pour eux-mêmes: ils se battent pour la démocratie. Ils se battent pour la liberté. C'est la quintessence du combat du bien contre le mal, et je pense qu'ils méritent toute l'aide et le soutien qu'il leur faut. S'ils ont besoin de plus d'armes, ils doivent obtenir plus d'armes. S'ils ont besoin de plus d'aide humanitaire, c'est ce qu'ils devraient recevoir, car ils se battent pour nous tous, et leur combat est admirable.
    Le deuxième facteur clé qui précipiterait la chute du régime est, selon moi, les sanctions. Je parle ici des sanctions économiques qui paralyseraient l'économie russe et rendraient plus coûteuse la poursuite des visées bellicistes du régime, mais aussi des sanctions personnelles ciblées, parce que ces dernières visent des individus particuliers impliqués dans des violations flagrantes des droits de la personne et qu'elles envoient un signal très clair à la société civile russe. Ce message est que la communauté des pays démocratiques du monde est en mesure de faire la différence entre, d'une part, le régime qui opprime son peuple et, d'autre part, la société civile russe qui tente de s'opposer à ce régime et de riposter.
    Le troisième facteur clé, que j'ai déjà mentionné, c'est le soutien à la société civile russe, le soutien à toutes les personnes qui trouvent le courage de sortir et de protester pour dire non à cette guerre, le soutien à toutes les ONG russes, aux journalistes russes et aux militants des droits de la personne qui ont été contraints de quitter le pays pour être en mesure de poursuivre leur travail très important depuis l'extérieur.
    Dans mon travail, je m'appuie très souvent sur les renseignements que ces organismes et ces personnes peuvent me fournir. Je m'appuie sur les informations que Memorial est en mesure de relayer sur les persécutions politiques, sur le nombre de prisonniers politiques et sur les cas individuels. Je m'appuie sur les renseignements fournis par OVD-Info. Tous ces organismes ont leur personnel sur le terrain, et ce personnel travaille pour produire ces informations et nous permettre de transmettre le message.
    Je pense que ce sont les trois facteurs qui précipiteront la chute du régime de Poutine. Cela permettra aux Russes qui s'opposent à lui de faire en sorte que la Russie ne puisse plus jamais se transformer en un régime autoritaire ou totalitaire. Cela signifie que nous serons en mesure de commencer à construire cette Europe unie et libre à laquelle nous aspirons tous.

  (1740)  

[Français]

     Mon temps est écoulé.
    Je vous remercie particulièrement de la délicatesse de votre français et je vous souhaite beaucoup de courage.
    Spassybi.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lemire.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson.
    Merci, madame Kara-Murza.
    Je sais que vous devez partir maintenant, alors je ne vous poserai pas de questions, mais je veux prendre un moment pour vous dire...
    Vous m'avez parlé mardi. Nous avons pu nous asseoir et parler, et je suis profondément émue par ce que vous avez fait et par votre force. Vous avez parlé de votre mari et de son intégrité. Vous avez dit qu'il n'est pas toujours facile de vivre avec un homme aussi intègre, mais je vous regarde et je vois quelqu'un d'incroyablement intègre et fort. Vous avez tort de vous décrire comme étant un petit clou dans le cercueil, car vous êtes une force géante qui fait tant pour le peuple russe.
    Des députés: Bravo!
    Mme Heather McPherson: Je sais que je parle en notre nom à tous lorsque je dis que nous continuerons à évoquer le nom de votre mari à la Chambre des communes. Nous allons continuer à parler de votre mari et de tous ceux qui sont détenus. Nous continuerons à nous battre pour l'Ukraine et nous continuerons à nous battre pour nous assurer que Vladimir Poutine ne soit plus en mesure d'opprimer le peuple russe.
    Merci.
     Je vous remercie de tout cœur de m'avoir offert cette incroyable occasion de m'adresser à vous tous et de m'avoir posé toutes ces questions judicieuses.
    Je pourrais parler pendant des heures, car il y a en moi énormément de messages et de rage parce qu'une personne a fait de mon pays un agresseur. Je poursuivrai mon combat, car jamais je ne lui pardonnerai ce qu'il a fait à ma famille et à mon pays. Je suis extrêmement reconnaissante de l'aide, du soutien et de la solidarité que j'ai reçus ici pendant ma visite.
    Je vous remercie beaucoup.
    Des députés: Bravo!

  (1745)  

     Madame Kara-Murza, permettez-moi de vous remercier de votre témoignage puissant et percutant. Vous ne nous avez pas seulement fourni de l'information sur les poursuites et la persécution dont votre conjoint est la cible: vous avez également rappelé à chacun d'entre nous que nous avons des obligations individuelles et collectives.
    Permettez-moi de dire que chacun d'entre nous admet entièrement que nous devons continuer d'être à vos côtés, comme l'ont d'ailleurs souligné les autres membres. Nous devons continuer de veiller à ce que notre gouvernement travaille avec celui du Royaume-Uni. Je suis certainement impatient d'avoir très bientôt, je l'espère, l'honneur d'accueillir de nouveau votre conjoint au Parlement.
    Je vous remercie beaucoup.
    Des voix: Bravo!
    Je sais qu'il n'est pas permis de prendre des photos au cours d'une séance à moins d'obtenir le consentement unanime, mais peut-être pourriez-vous prendre une photo avec les membres du Comité, si vous en avez le temps.
    Le Comité accorde‑t‑il son consentement unanime?
    Une voix: [Inaudible]
    Le président: Bien sûr. Nous pouvons suspendre la séance. C'est peut-être une meilleure approche.
    Nous suspendrons la séance pour nous réunir à huis clos. Les membres qui participent à la séance par Zoom devront utiliser le deuxième lien qui a été fourni.
    Monsieur le président, j'ai une question que je ne voulais pas soulever en public. Pourrions-nous revenir brièvement en public avant de nous réunir à huis clos?
    Nous pourrons nous en occuper quand nous reviendrons. Vous pouvez proposer une motion à huis clos, n'est‑ce pas?
    M. Garnett Genuis: Oui, mais il s'agit d'une question de fond qui devrait être débattue en public. Pouvons-nous juste...
    Enfin, je voudrais fonctionner par consensus...
    Le président: Non. Je suis désolé.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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