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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 septembre 2022

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 28e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 février, le Comité se réunit pour reprendre son étude des obligations du gouvernement envers les victimes d'actes criminels.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les députés y participent en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour activer leur micro et ensuite le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole.
    Pour ceux sur Zoom qui veulent utiliser l'interprétation, vous avez le choix au bas de votre écran entre le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Les députés qui sont dans la salle doivent lever la main s'ils souhaitent prendre la parole, et ceux qui sont sur Zoom doivent utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi allons faire de notre mieux pour gérer l'ordre des intervenants. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
    Je tiens à remercier M. Cooper, dont le projet de loi a été adopté à la Chambre hier. J'ai hâte d'en prendre connaissance.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins, Sheri Arsenault, Irvin Waller et Jo‑Anne Wemmers.
    Vous disposez chacun de cinq minutes. À titre d'information, je vais brandir un carton lorsqu'il vous restera 30 secondes et un autre lorsque votre temps sera écoulé. Je vous demanderais de respecter le temps alloué. Si vous n'avez pas dit ce que vous vouliez dire, essayez de le faire plus tard en répondant à une question. Il en va de même lorsqu'on vous pose une question.
    Je vais d'abord céder la parole à Sheri Arsenault pendant cinq minutes.
    Je suis la mère d'un enfant qui a été assassiné.
     Brad avait tout juste 18 ans lorsque lui et ses deux amis ont été horriblement tués, sans que ce soit aucunement de leur faute. Trois ans plus tard, et après plus de 30 comparutions, le délinquant a été déclaré coupable de trois homicides et de six autres chefs d'accusation. Il a été condamné à huit ans de prison et en a purgé à peine plus de deux.
    J'ai une expérience très concrète de tous les aspects de notre système de justice, qui a nettement besoin d'être amélioré. Lorsqu'elles doivent traiter avec le système de justice pénale, les victimes sont dans le noir et elles n'ont qu'un seul droit. On leur fournit très peu d'information, et c'est le hasard qui décide si elles se verront assigner un procureur qui les fera même participer, alors que les criminels, eux, ont de nombreux droits, y compris celui de se voir accorder dès le départ jusqu'à cinq systèmes de soutien.
    Je vais me concentrer sur les audiences de la Commission des libérations conditionnelles, car, selon l'expérience qu'en a eue ma famille, elles sont fortement biaisées en faveur des criminels.
    Premièrement, la déclaration de la victime donne aux victimes leur seul droit, celui de préparer une déclaration. Ce n'est pas facile. On vous donne l'impression qu'il s'agit là d'un privilège, alors que dans les faits, aucun poids n'y est accordé. On vous autorise à participer, et vous espérez ainsi avoir une chance de voir le délinquant rester en prison pour purger plus d'un sixième de sa peine. Il est absurde que les victimes doivent se battre bec et ongles pour voir un délinquant purger une petite fraction de sa peine.
    Dès la première semaine, les criminels reçoivent une trousse d'information sur la libération conditionnelle: comment faire une demande pour une libération conditionnelle de jour, à laquelle ils sont admissibles au sixième de leur peine, et trois mois plus tard, à la libération conditionnelle totale. La plupart l'obtiennent.
    Mon expérience de victime qui participe aux audiences de libération conditionnelle a été un exercice futile. Il existe un grave déséquilibre de pouvoir créé par les règles actuelles sur la diffusion de l'information entre la Commission des libérations conditionnelles, les délinquants et les victimes. La déclaration de la victime doit être préparée en suivant des règles strictes et être soumise plusieurs semaines à l'avance sous peine d'être rejetée si elle est remise en retard.
    On peut comprendre que la Commission ait besoin de ces déclarations à l'avance pour les examiner, mais pourquoi sont-elles aussi remises au délinquant? Il est déconcertant de voir qu'un criminel a le droit de lire la déclaration longtemps à l'avance, de l'étudier et de l'analyser, et d'obtenir les conseils de sa famille, des autres détenus, du gestionnaire de son dossier, etc. Il a l'occasion de préparer ses réponses. C'est sans effet.
    Il est incompréhensible, de plus, qu'il n'y ait aucune règle ou limite qui s'applique aux membres de la famille, amis, voisins ou proches d'un délinquant qui veulent préparer une déclaration et qui peuvent la soumettre jusqu'à la date de l'audience. Doivent-elles être enregistrées?
    Ces déclarations n'ont pas le moindre rapport avec le crime ou la réadaptation. Les victimes doivent les écouter et les assimiler sans en avoir pris connaissance au préalable, si ce n'est d'avoir été informées des permissions de sortir pour la fin de semaine et de leur dossier de participation à des programmes secondaires. En raison des critères stricts qui régissent la préparation de la déclaration de la victime, la victime doit s'en tenir à parler de la douleur émotionnelle et des difficultés financières et être brève.
    Pourquoi y a‑t‑il des règles strictes pour les victimes et pas pour les délinquants? Il doit y avoir une meilleure façon de mettre en balance la participation des victimes et d'obtenir des conclusions significatives simplement en élargissant la prise en compte du point de vue des victimes.
    Deuxièment, des règles rigides, très strictes, s'appliquent aux audiences de libération conditionnelle. On nous dit que nous ne sommes que des observateurs, comme si nous n'avions pas un intérêt considérable dans l'affaire. Les membres de la famille du délinquant s'assoient directement derrière lui et font tous face aux membres de la Commission des libérations conditionnelles.
    La famille de la victime est ensuite escortée dans la salle et prend place au moins cinq rangées plus loin, derrière la famille et les amis du délinquant. Il faut tendre l'oreille pendant des heures pour écouter, ce qui est particulièrement pénible pour les personnes âgées. C'est démoralisant, difficile et épuisant. On vous donne ensuite l'occasion de lire votre déclaration en vous adressant au dos de leur tête.
    On me dit que cette règle est en place pour protéger les victimes, mais tout comme de nombreux procureurs m'ont déjà dit « qu'il n'y a pas deux crimes pareils, les conséquences sont les mêmes, mais les circonstances sont différentes », j'aimerais mentionner qu'il n'y a pas deux victimes pareilles. Beaucoup aimeraient voir le délinquant en face, observer ses expressions faciales et son langage corporel et espérer y voir une lueur de remords. Cette règle rigide devrait être changée pour répondre aux besoins des victimes, qui devraient avoir le choix.
     Dans l'état actuel des choses, le processus est beaucoup trop facile pour les criminels, alors que les victimes sont à la merci des règles. De même, lors d'une audience, il ne devrait pas être permis à un criminel de remplir la salle avec des membres de sa famille, des amis et des voisins et d'avoir des dizaines de déclarations d'appui. La présence de ce soutien en nombre pour le délinquant est intimidante pour les victimes et donne une très fausse impression aux membres de la Commission. Cela n'a pas de rapport avec le crime commis. Toute la formule des audiences diminue le statut des victimes par rapport à celui du délinquant.
(1535)
    En plus des problèmes que présente l'audience comme telle, il est très difficile d'obtenir de l'information de Service correctionnel du Canada. Les procureurs semblent beaucoup trop occupés pour s'en soucier, et les membres de la Commission semblent avoir déjà pris leur décision. À titre d'exemple, la décision dans mon cas était littéralement identique à celle de nombre d'autres cas, y compris la décision concernant Marco Muzzo. C'était du copier-coller.
    Comment des décisions aussi graves...
    Madame Arsenault, je suis désolé de vous interrompre, mais vous allez devoir conclure. Nous allons tenter d'obtenir l'information lors de la période de questions.
    Je m'excuse, mais le temps est limité.
    D'accord, il ne me reste que deux phrases.
    Comment des décisions aussi graves pour des crimes aussi graves peuvent-elles être aussi générales? À mon point de vue, il s'agit là d'un signal d'alarme.
    En terminant, je dirais qu'il est grand temps que les victimes qui ont subi des préjudices reçoivent autant de considération, à tout le moins, que les délinquants. J'ai de nombreuses recommandations.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Arsenault. Nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage. Je sais qu'il ne doit pas être facile de revivre certains aspects de ce que vous avez dû traverser.
    Je cède maintenant la parole à M. Irvin Waller, qui se trouve dans la salle, pour sa déclaration de cinq minutes.
    Je vous remercie de l'invitation à venir témoigner devant le Comité au sujet des obligations du gouvernement envers les victimes d'actes criminels.
    C'est une bonne chose de procéder à cette étude après que le gouvernement fédéral a finalement nommé un ombudsman fédéral qualifié et dynamique pour les victimes d'actes criminels, mais cette nomination est loin de suffire pour remplir les obligations du gouvernement à l'égard des victimes de crimes et pour répondre de façon équivalente aux normes qui sont en place depuis un certain temps dans des démocraties comparables à la nôtre. Je les ai énoncées dans mon livre, dont je vais vous laisser un exemplaire. Il s'intitule Rights for Victims of Crime: Rebalancing Justice.
    On y recense une série de droits fondamentaux — ou si on veut, d'obligations à l'égard des victimes de crime — et y explique comment les policiers peuvent être les premiers à leur venir en aide, comment les services peuvent aider les victimes à surmonter leur épreuve, comment les indemnisations peuvent les aider à se rétablir et comment les victimes peuvent être entendues. Comme on vous l'a mentionné, leur voix n'est pas toujours bien entendue dans le système de libération conditionnelle. Le livre contient un budget et un modèle détaillés qui peuvent être très importants dans le cadre des propositions que je vais faire.
    On fait valoir en outre dans le livre que la prévention de la criminalité est tout aussi importante que les droits des victimes. Aujourd'hui, on sait qu'on peut réduire la victimisation relative aux crimes violents et aux crimes contre les biens de 50 % au Canada au cours des prochaines années, et cela serait conforme à l'engagement du Canada pris à l'égard des objectifs de développement durable des Nations unies. Mon livre, Science and Secrets of Ending Violent Crime, traite des stratégies éprouvées qui sont utilisées à cet égard dans d'autres démocraties et même parfois au Canada.
    Chaque année, des millions de Canadiens sont victimes de crimes et subissent des pertes, des traumatismes, et bien plus encore. Il s'agit de pertes tangibles et intangibles qui, cumulativement, sont estimées à des dizaines de milliards de dollars. Malheureusement, nous continuons d'utiliser les mêmes recettes, et ce faisant, d'obtenir les mêmes résultats.
    Nous laissons les crimes violents et contre les biens se produire parce que nous finançons des projets à court terme dans des secteurs pilotes au lieu de procéder à des investissements suffisants et durables dans des mesures de prévention avisées là où elles sont les plus nécessaires. Certaines victimes de crime peuvent recevoir des services et obtenir justice dans certains cas et dans certaines provinces, mais sans que cela soit vraiment uniforme au pays ou suffisant pour répondre aux besoins.
    L'effectif fédéral actuel et la charte des droits sont tout à fait inadéquats pour répondre aux besoins. L'effectif n'est pas suffisant et ne possède pas, bien souvent, les compétences requises. Il ne dispose même pas de financement ou d'un mandat. En somme, nous avons besoin d'un « service de prévention et de justice pour les victimes », et non pas seulement d'un Service correctionnel du Canada, comme je vais le proposer.
    Je recommande que vous envisagiez d'élaborer une loi et de prévoir le financement requis afin que les victimes de crime au Canada puissent bénéficier de politiques efficaces pour prévenir la victimisation et obtenir des services et justice. Cela doit s'appliquer uniformément partout au Canada et être comparable à ce qui existe dans d'autres démocraties.
     Je recommande l'adoption d'une loi sur la justice pour les victimes et la prévention de la criminalité, dans le cadre de laquelle un bureau de justice pour les victimes et de prévention de la criminalité serait créé et dirigé par un sous-ministre qui relèverait du ministre de la Justice ou du ministre de la Sécurité publique. De toute évidence, il devra collaborer avec les provinces, les territoires et les dirigeants autochtones. Le gouvernement fédéral devra financer ce bureau annuellement à hauteur de 10 % de ce qu'il dépense actuellement pour les services de police, les tribunaux et les services correctionnels. La moitié du financement serait consacré à la prévention et l'autre moitié à l'amélioration des services.
    Le bureau serait chargé d'élaborer des normes nationales — dont nous avons besoin —, de former les personnes concernées, de financer la recherche et le développement et de veiller à ce que la collecte de données soit axée sur les résultats. Les bonnes mesures donnent de bons résultats. Il assurera également un partage des coûts, afin que les provinces, les territoires et les dirigeants autochtones puissent élargir leur planification et la mise en œuvre de services efficaces axés sur la prévention, l'indemnisation et d'autres aspects de la justice pour les victimes.
    La loi légaliserait et renforcerait le rôle de l'ombudsman fédéral, qui ferait rapport au Parlement et bénéficierait d'un budget annuel similaire à celui de l'enquêteur correctionnel.
    Je vous recommande de passer à l'action pour améliorer le sort des victimes en accroissant la prévention pour mieux les protéger et en finançant, légiférant et jouant un rôle de leader pour faire respecter leurs droits fondamentaux.
    Je vous remercie.
(1540)
    Je vous remercie.
    Vous avez terminé juste à temps.
    Je cède maintenant la parole à Jo‑Anne Wemmers, de l'Université de Montréal, pendant cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président, et vous remercie aussi de l'invitation. Je suis ravie d'être ici.
    J'aimerais aussi féliciter le gouvernement d'avoir choisi Ben Roebuck comme nouvel ombudsman. C'est une très bonne chose que ce poste soit enfin pourvu, mais il reste encore beaucoup à faire.
    Pour commencer, les victimes de crime...
     Madame Wemmers, puis‑je vous interrompre? Je pense que l'interprète éprouve de la difficulté à vous entendre. Pourriez-vous rapprocher le micro un peu?
    D'accord. Est‑ce que c'est mieux ainsi?
    Je ne sais pas encore. Je vous le confirmerai.
    Si je peux me permettre, monsieur le président, je peux aider Mme  Wemmers.
    Avez-vous sélectionné le microphone dans le coin gauche de votre écran?
    Oui. Est‑ce mieux?
    Si vous continuez à parler, nous pourrons faire la vérification du son en même temps.
    D'accord. Je vais continuer à parler.
    Faites-moi savoir si je dois modifier cela.
(1545)

[Français]

     Monsieur le président, j'en appelle au Règlement.
    Avant de commencer la réunion, serait-il possible de me confirmer que tous les tests de son des témoins ont été effectués et qu'ils ont été satisfaisants?
    On n'a pas fait de test de son avant la réunion d'aujourd'hui, car je n'étais malheureusement pas disponible.

[Traduction]

    Monsieur Fortin, ils ont essayé. Elle n'était pas disponible à ce moment. Les tests ont été faits avec les deux autres témoins, mais pas avec elle malheureusement.
    Le problème est réglé. Tout va bien.

[Français]

    Monsieur le président, vous comprendrez qu'il est important que chaque témoin soit compris dans les deux langues officielles. Malheureusement, la plupart des témoins témoignent en anglais, même s'ils parlent français. Je le déplore, mais c'est la situation telle qu'elle est.
    Vous comprendrez qu'il faut nous assurer que tout le monde comprend bien chaque témoignage. Très respectueusement, je me permets d'insister pour qu'à l'avenir, on fasse des tests de son systématiquement avant chaque réunion.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Nous allons le faire. Je vous remercie, monsieur Fortin.
    Madame Wemmers, veuillez reprendre depuis le début, si vous le voulez bien. Je vous remercie.
     D'accord. Je vous remercie beaucoup.
    J'ai tout d'abord félicité le gouvernement d'avoir nommé Ben Roebuck à titre de nouvel ombudsman. C'est une très bonne chose que ce poste soit pourvu, mais il reste encore beaucoup à faire pour les victimes. Au Canada, les victimes de crime ne peuvent pas encore compter sur leurs droits. Pour remédier à ce problème, il faut commencer par mieux faire respecter concrètement les droits des victimes. Nous devons renforcer les droits des victimes, ce qui veut dire qu'ils doivent être exécutoires. La charte des droits des victimes est un bon début, mais elle ne comporte pas vraiment de recours, et cela doit changer.
    Dans la charte, on parle de réparation et d’ordonnances de dédommagement, en particulier pour les victimes de crime. Si une ordonnance finit par être rendue, je pense qu'il est important que le fardeau qui consiste à obtenir l'argent auprès du délinquant passe alors des épaules de la victime à celles de l'État. L'État est déjà responsable de la collecte des amendes. Les ordonnances de dédommagement ressemblent beaucoup à des amendes. Si on veut vraiment faire quelque chose pour les victimes, les aider, et rendre les ordonnances de dédommagement beaucoup plus possible pour elles, on pourrait facilement régler le problème et leur enlever ce fardeau.
    Il est également important, à mon avis, d'inclure d'autres formes de réparation, comme la justice réparatrice, ainsi que le dialogue et les rencontres victime-délinquant, car elles peuvent aider les victimes également.
    À l'heure actuelle, l'accent est mis sur la responsabilité du délinquant de réparer les torts causés à la victime. Il est important d'être conscient que l'État a aussi des obligations qui sont malheureusement trop souvent oubliées. L'État a l'obligation de favoriser la guérison des victimes et de leur offrir des services — par exemple, faciliter l'accès des victimes aux programmes d'indemnisations. Malheureusement, ce ne sont pas toutes les victimes au Canada qui ont accès à ces programmes. Même lorsqu'ils sont disponibles, ils sont souvent destinés uniquement aux victimes de crimes violents et ne tiennent pas compte des répercussions considérables que des crimes non violents comme la cybervictimisation, la fraude et le vol d'identité ont sur les victimes. Les victimes de terrorisme ne sont pas toujours incluses non plus, et j'inclurais le terrorisme national et international.
    Le soutien pour les victimes et leur guérison sont très importants. Je pense que nous devons nous employer ensemble à la favoriser pour réduire la vulnérabilité et, ce faisant, le risque de victimisation future, ainsi que pour bâtir la résilience dans nos collectivités. Les travaux de recherche sur la victimisation multiple et la polyvictimisation indiquent clairement que certaines personnes ou certains groupes sont plus à risque et deviennent plus vulnérables. Il est très important d'offrir du soutien aux victimes, car cela peut, en fait, réduire le risque de victimisation future en accroissant la résilience.
    Il y a aussi l'enjeu de la protection et de la sécurité des victimes. Les victimes de crime et nous tous avons ce besoin fondamental de nous sentir en sécurité. C'est nécessaire pour que le processus de guérison puisse commencer. Cela devrait être une priorité. Malheureusement, les victimes ne se sentent souvent pas en sécurité. Que pouvons-nous faire pour accroître la sécurité et mieux protéger les victimes de crime? Je signale à titre d'exemple que l'Union européenne envisage de prendre des mesures pour accroître la protection des victimes en instaurant des normes minimales de protection physique des victimes partout sur son territoire.
    De même, en particulier dans un pays comme le Canada, je pense qu'il est important de travailler ensemble pour protéger les droits des victimes. Nous nous devons de renforcer la collaboration et la coordination entre tous les acteurs concernés. Nous le faisons au sein de notre université, de même qu'avec notre projet qui [difficultés techniques] et les étudiants en droit qui collaborent pour aider les victimes. Nous devons promouvoir et faciliter la communication et la collaboration entre les disciplines et les professions pour offrir du soutien aux victimes partout au pays. Nous devons promouvoir l'accès à la justice pour les victimes et mettre en commun les pratiques exemplaires.
    Nous avons déjà des outils en place, comme le Réseau de la justice pour les victimes qui est, malheureusement, sous-financé. Il ne dispose pas du financement nécessaire pour être la ressource qu'il peut être. Il est important de promouvoir la communication et la mise encommun des pratiques exemplaires partout au Canada. Le Réseau de lajustice pour les victimes, un service virtuel, en ligne, électronique, est un outil important qui nous permettrait de renforcer la collaboration pour protéger les droits des victimes partout au Canada. Il accroîtrait la résilience, faciliterait la communication et nous aiderait à élaborer une stratégie nationale pour faire respecter les droits des victimes à partir de la base, en assurant la mise en place d'une approche coordonnée partout au Canada, de sorte que les victimes dans tout le pays auraient accès, à tout le moins, à des normes minimales qui respecteraient les critères de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir des Nations unies.
(1550)
    J'estime important d'admettre que, oui, quand on commet un crime, on nuit à la société, mais on viole aussi les droits de la victime, droits qui devraient jouir à nos yeux de la même importance et de la même reconnaissance que les droits fondamentaux, dont le droit à la dignité, à la vie privée, à la liberté et à la sécurité.
    Merci. Je vais conclure là‑dessus.
    Merci, madame Wemmers.
    Nous allons maintenant entamer notre premier tour de questions. Chaque intervenant dispose de six minutes. Commençons par M. Cooper.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie tous les témoins d'être des nôtres cet après-midi.
    Mes questions s'adressent à Mme Arsenault.
    Madame, je sais qu'il n'est pas facile de comparaître devant un comité parlementaire, surtout à titre de mère qui a perdu son fils à cause d'un crime affreux, soit un cas de conduite avec les facultés affaiblies qui, comme vous l'avez dit, a entraîné le meurtre de trois jeunes hommes, deux de 18 ans et un autre de 21 ans, il me semble.
    Il est difficile de se mettre à votre place. Je sais que nous avons eu des conversations au fil des ans sur les difficultés de composer avec le système de justice et plus particulièrement avec les audiences de libération conditionnelle. Vous vous êtes rendue à Winnipeg pour y assister.
    À la fin de l'étude que nous entreprenons, nous allons rédiger un rapport formulant des recommandations destinées à améliorer l'aide aux victimes. Donc, j'aimerais d'abord vous demander de façon très générale si vous avez des recommandations qui aideraient les victimes à mieux composer avec le système, surtout en ce qui a trait aux audiences de libération conditionnelle, voire à tout autre aspect plus général.
    Merci. J'espère que vous pouvez m'entendre.
    D'emblée, il faut savoir que vous pouvez accéder à des ressources relatives au système de justice, mais que personne ne vous en parle. S'il n'y a pas quelqu'un dans votre entourage qui fouille pour dénicher ces ressources, vous ne saurez même pas que vous devez vous inscrire pour assister aux audiences de libération conditionnelle. En fait, il arrive très souvent que les gens ne connaissent même pas la date de la prochaine comparution, car les procureurs ne communiquent pas nécessairement avec eux.
    Je recommande qu'une entité gouvernementale s'occupe de cela afin de veiller à ce que toutes les victimes, et surtout celles de crimes graves, obtiennent toutes les ressources et l'aide nécessaires pour composer avec cela. Ce n'est pas donné à tout le monde de remplir des formulaires et de la paperasse. Bien souvent, les gens sont absolument anéantis. Il doit y avoir de l'aide concrète. On ne peut pas se fier strictement aux procureurs.
    Merci pour votre réponse.
    Je sais que nous avons déjà discuté du fait que ces audiences peuvent être fort intimidantes pour une victime. Pourriez-vous nous en parler et peut-être nous faire des recommandations sur la façon de rendre ces audiences moins éprouvantes pour les victimes?
(1555)
    Eh bien, d'emblée, vous... Je ne sais pas comment le dire plus gentiment: on vous passe un savon. Vous ne devez pas faire le moindre bruit, sans quoi on vous demandera immédiatement de partir. Cela se passe à une audience de libération conditionnelle. Vous avez presque l'impression que, le criminel, c'est vous. On vous dit d'être silencieux et de lire votre déclaration verbatim, puis de vous asseoir et de garder le silence. Bien franchement, nous avions même peur de tousser.
    Ils sont très intimidants. Après quatre ou cinq heures à vous efforcer d'entendre ce qui se dit, vous êtes épuisé. Voyez-vous, on place les victimes tout au fond de la salle, à de nombreuses rangées de distance des commissaires des libérations conditionnelles, du contrevenant et de leur entourage. C'est tout simplement épuisant. Ensuite, vous ne pouvez que rentrer à la maison, pour recevoir deux ou trois mois plus tard une autre lettre indiquant que le contrevenant souhaite à nouveau obtenir sa libération conditionnelle. Donc, si vous choisissez de le faire, vous devez repasser par tout le processus.
    Peut-on faire quoi que ce soit pour remédier à cela?
    Mme Sheri Arsenault: Non.
    M. Michael Cooper: Vous avez évoqué le fait que la victime ou la famille des victimes est placée derrière le criminel. Pouvez-vous nous dire ce que cela signifierait pour vous de voir le visage de la personne responsable du meurtre de votre fils?
    Eh bien, j'estime que la victime devrait avoir le choix de confronter la personne responsable de son état de victime, car certaines personnes souhaitent confronter le contrevenant.
    Selon moi, le contrevenant devrait être obligé de regarder une mère dans le blanc des yeux. Je ne comprends pas d'où vient toute cette protection. Chaque victime est unique. Chacune devrait donc avoir le choix de s'adresser au contrevenant, de le regarder dans le blanc des yeux et de lui lire sa déclaration, plutôt que de le faire en se plaçant derrière lui.
    Si les victimes avaient l'impression que le contrevenant prend vraiment acte de leur contribution plutôt que de l'entendre de derrière, je crois que l'on favoriserait ainsi grandement leur guérison.
    D'accord. Je crois que mon temps est écoulé, donc je vous remercie beaucoup.
    Merci, monsieur Cooper.
    Passons maintenant à M. Naqvi pendant six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à remercier tous les témoins pour leur déclaration.
    Si vous me le permettez, je vais d'abord m'adresser à M. Waller. Merci encore d'être des nôtres, monsieur. Nous avons eu maintes conversations sur les droits des victimes et, à l'époque où j'assumais d'autres rôles au provincial, vous m'avez apporté une aide précieuse en encadrant notre travail de réforme de la Loi sur les services policiers, ainsi que nos études sur des sujets comme la prévention du crime, la sécurité communautaire et la planification du bien-être.
    Je n'ai pas lu tous vos livres, mais au moins deux d'entre eux, il me semble. Donc, merci de m'avoir remis ces exemplaires. J'y ai appris beaucoup de choses.
    Vous avez entamé votre déclaration liminaire en affirmant que la Charte canadienne des droits des victimes du fédéral est « inadéquate », si je me souviens bien. Pourriez-vous traiter de certaines des lacunes qui figurent selon vous dans le texte législatif actuel?
    Sincèrement, la Charte des droits n'est qu'un écran de fumée. Il n'y a pas de recours, donc vous n'auriez jamais dû employer le mot « droits ». Jo‑Anne Wemmers en a dressé une liste partielle. Il faut passer par sa propre procédure civile de restitution, et on n'obtient aucune information.
    On ne sait pas si la Charte a eu la moindre incidence, ce qui est selon moi l'un des problèmes fondamentaux. On a promis qu'un rapport principal en ferait l'évaluation, mais il n'y a pas vraiment de données. Nous ne savons pas si les gens ont été mieux informés, s'il y a eu davantage d'ordonnances de restitution, si les gens ont profité d'une meilleure protection ou s'ils ont pu participer au processus de quelque façon. En outre, puisque tout cela relève en grande partie des provinces, nous ne savons même pas si elles l'appliquent. C'est super d'avoir un ombudsman, mais nous devons revoir le processus de fond en comble.
    Commençons par ce qui a été mentionné par le témoin précédent, soit l'information. À l'époque où j'étais haut fonctionnaire au sein du gouvernement canadien, dans les années 1970, la police d'Edmonton remettait une carte à toutes les victimes. Au recto, il y avait un numéro de téléphone — nous étions alors en 1979 — et, au verso, la mention de divers services. Le chef de police avait un bureau à sa disposition, donc c'était géré en haut lieu, comme il se doit. Ne pas remettre cette carte vous exposait à des mesures disciplinaires. Elle fournissait des renseignements de base sur des choses comme l'indemnisation et les services.
    Nous sommes maintenant en 2022, et le Canada ne dispose de rien qui établisse le rôle des policiers dans la transmission de renseignements aux victimes. Il n'existe aucune politique nationale sur l'orientation des victimes vers des services d'aide par les policiers, en supposant évidemment que de tels services soient accessibles. Il n'y a pourtant rien de plus fondamental.
    La GRC compte approximativement un tiers de tous les policiers au pays. Modifier la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada de sorte à exiger que tout agent de la GRC qui intervient auprès d'une victime lui fournisse ces renseignements de base est du ressort du fédéral. Nous vivons à l'ère de l'informatique. Vous pouvez remettre des dépliants d'information aux gens. Vous pouvez leur fournir un hyperlien, de même qu'effectuer un suivi. Vous pouvez partager des renseignements.
    En gros, le Canada est dépassé. Nous devons entrer dans une nouvelle ère où les victimes comptent. Nous avons besoin de mesures législatives fédérales qui auront une incidence. En 1984, un jeune Biden figurait parmi les sénateurs qui ont adopté la Victims of Crime Act. C'était essentiellement une façon pour les États-Unis de fournir des fonds aux États afin qu'ils puissent offrir l'indemnisation et des services, des services spécialisés, qu'ils puissent tenir un congrès annuel et que l'on obtienne de meilleures données. Tout cela s'est concrétisé. En 1984, les États américains faisaient cela.
    À une époque, nous avons versé des fonds aux provinces pour les aider à mettre en œuvre l'indemnisation, mais cela a été abandonné. Le fédéral doit faire preuve de leadership pour aider les provinces, dont celle où vous avez été un ministre de premier plan, afin de faire ce qu'il faut pour avoir une incidence.
    Il y a un programme de formation pour les policiers appelé The Police: First In Aid. Ce programme a été conçu par la United States National Organization for Victim Assistance, ou NOVA, en collaboration avec l'Association internationale des chefs de police, ou AICP. J'ai fait partie du conseil d'administration de NOVA et tous les chefs de police au Canada sont membres de l'AICP. Bref, tous les policiers devraient recevoir ce type de formation. Le programme traite à la fois de l'information et de la formation. C'est à l'échelle du service de police. La majorité des victimes ne se tournent pas vers la police. Toutefois, plus l'acte criminel est grave, plus elles sont susceptibles de le faire. Si elles font appel à la police, il est peu probable qu'elles permettent l'arrestation de quelqu'un ou qu'elles se rendent à l'étape de la libération conditionnelle, d'où la nécessité d'agir en amont et de remédier à ces problèmes à partir de là.
    La Loi sur les victimes d'actes criminels contient de belles choses, mais tant que le fédéral n'investira pas les fonds nécessaires pour les concrétiser, qu'il ne travaillera pas avec les provinces et les groupes autochtones, ce ne sera rien d'autre qu'un écran de fumée.
(1600)
    Nous le savions à son adoption. Presque tous les États américains s'appuient sur un amendement constitutionnel. La Californie a recours à Marsy's Law, une façon pour l'État de concrétiser ces belles choses. Nous devons faire de même ici.
    Merci, monsieur Waller.
    Merci, monsieur Naqvi.
    C'est maintenant votre tour pendant six minutes, monsieur Fortin.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais saluer tous les témoins et les remercier d'être ici aujourd'hui.
    Mes questions vont s'adresser à vous, monsieur Waller.
    Vous nous parlez de l'importance d'informer les victimes, et je pense que c'est un enjeu crucial. Vous vous doutez bien que vous n'êtes pas le premier témoin à relever ce problème.
    J'aimerais que vous m'en parliez davantage. Vous parlez de la Californie, mais qu'est-ce que cet État fait exactement?
    J'aimerais aussi savoir s'il serait utile et souhaitable que les victimes d'actes criminels soient automatiquement parties au procès, assignées et représentées, afin qu'elles participent à toutes les étapes d'un procès criminel qui les concerne.
(1605)
    J'aimerais beaucoup vous parler de la situation au Québec, où il y a l'IVAC, le système d'indemnisation le plus généreux au Canada. Il y a aussi les Centres d'aide aux victimes d'actes criminels, les CAVAC, et le Bureau d’aide aux victimes d’actes criminels, le BAVAC, où des fonctionnaires sont payés pour venir en aide aux victimes. Quand j'enseigne à l'Université d'Ottawa, je dis à mes étudiants qu'il vaut mieux qu'ils vivent à Gatineau plutôt qu'à Ottawa, s'ils sont victimes d'un acte criminel.
    Je vais continuer en français, car le Statut de Rome a reçu une influence importante de la France. En France, une partie civile participe au procès et elle reçoit une aide juridique à cette fin. On devrait adopter le même système ici. On pourrait commencer par quelques essais, qui pourraient avoir lieu à Montréal, où on combinerait la Chambre civile et la Chambre criminelle et pénale. Si un tel système était adopté, il y aurait beaucoup plus de dédommagements.
    C'est une fiction au Canada actuellement. Les juges pensent en nombre d'années d'emprisonnement. Ils ne pensent pas au dédommagement que la personne devrait verser si elle en est capable.
    Je crois que nous avons beaucoup à apprendre de cela. Le Canada est membre de la Cour pénale internationale. Les victimes qui comparaissent devant cette cour ont beaucoup plus de droits et de réparation qu'une victime de violence conjugale.
    Cela me touche, quand j'entends parler une victime comme le témoin d'aujourd'hui, et cela devrait toucher tout le monde. Il faut des mesures concrètes dont on peut mesurer les résultats. Il est vraiment temps d'agir.
    Je vous remercie.
    Vous parlez du système qui existe à Rome; c'est intéressant.
    Des témoins à qui j'ai posé la même question m'ont dit qu'il faut tenir compte du fait que ce ne sont pas toutes les victimes qui souhaitent participer au procès, pour toutes sortes de raisons qui leur appartiennent.
    Je ne sais pas comment cela fonctionne à Rome, mais pourrait-on offrir le choix à une victime de participer ou non au procès, et particulièrement aux négociations de plaidoyer qui ont souvent lieu? Je ne pense pas que c'est une mauvaise chose, car il faut tenir compte de bon nombre de facteurs. Un procès n'est pas toujours la meilleure solution.
    Serait-il souhaitable, à tout le moins, que les victimes puissent, si elles le souhaitent, participer à toutes ces étapes, plutôt que d'être spectatrices et de redevenir victimes d'une certaine façon d'une décision sur laquelle elles n'auront eu aucune influence?
     Il est très clair que la majorité des victimes de crimes contre les biens aimeraient recevoir un dédommagement. Il faut trouver une manière de les faire participer au processus et leur offrir de l'aide juridique ou un avocat pour les aider à définir le dédommagement désiré. Cela fonctionne ainsi en France, où la moitié des procès sont résolus au moyen d'un dédommagement.
    La réalité est différente pour les victimes de violence, qui recherchent autre chose. Souvent, le contrevenant n'a pas les moyens de dédommager la victime.
    Or, le fait d'accorder à la victime un rôle légitime dans le procès formel permet d'augmenter la possibilité d'obtenir une justice réparatrice, comme Mme Wemmers l'a mentionné.
    Il est important de souligner que, contrairement à la victime, le contrevenant obtient toujours de l'aide. Ainsi, si les deux parties reçoivent de l'aide et qu'elles ont un bon médiateur, beaucoup de choses peuvent être résolues. Il y a possibilité d'en arriver à un dédommagement et à un sentiment de réparation émotionnelle, entre autres.
(1610)
    Merci.
    Je conviens que le dédommagement est une partie importante; cela dit, au-delà de cette considération, les victimes de violence, de viol ou de voie de fait, ainsi que leurs proches — pensons à Mme Arsenault, qui est la mère d'une personne victime de meurtre —, devraient-elles participer au procès de l'accusé?
    Cette participation n'aurait-elle pas une vertu curative? Serait-ce une manière d'adoucir le problème?

[Traduction]

    Monsieur Fortin, je crois que M. Waller devra répondre à cette question au prochain tour ou plus tard. Je dois poursuivre.
    Les interventions du prochain tour sont de six minutes. Commençons par M. Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je souhaite également remercier les témoins d'être des nôtres aujourd'hui. Il est fort agréable de recevoir de nouveau M. Waller et Mme Wemmers, mais je tiens à remercier tout particulièrement Mme Arsenault. Nous voyons constamment des familles déterminées comme la sienne qui veulent s'assurer que les victimes d'actes criminels sont équitablement traitées et qu'aucune autre famille ne vivra ce qu'elles ont vécu. Je salue le dévouement des personnes comme vous, madame Arsenault.
    Au début de la séance, vous avez entre autres parlé d'information, et je voudrais revenir sur ce point, car je trouve que vous avez très bien énoncé le fait que la majorité des victimes d'un acte criminel n'ont aucune idée de leurs droits ni des possibilités qui s'offrent à elles.
    Pourriez-vous nous dire de quelle façon vous avez personnellement pris connaissance de vos droits? Est‑ce grâce à votre persévérance ou avez-vous obtenu de l'aide?
    Merci beaucoup pour vos commentaires. Je suis très touchée.
    Je vais être franche: j'ai été carrément dévastée pendant plus d'un an. Si je n'avais pas obtenu autant de soutien... N'oubliez pas qu'il y avait trois familles, donc beaucoup de monde. Elles ont cherché, fouillé, et trouvé ce qu'elles devaient faire.
    J'ai aidé beaucoup de victimes. Elles découvrent que le contrevenant est déjà en liberté conditionnelle. Elles n'étaient même pas au courant. Elles n'en avaient aucune idée. Il doit y avoir une sorte d'entité, une entité gouvernementale je dirais, qui veille à ce que les victimes reçoivent bien toute l'information. Il faut laisser la victime décider si elle veut ou non se soumettre à ces processus.
    Sans les membres de ma famille et mes amis, je serais restée dans l'ignorance. C'était le cadet de mes soucis.
    Il est arrivé qu'on nous dise que certaines victimes ne veulent pas de ces services. Toutefois, ce que vous énoncez très clairement, c'est que, sans cette information, elles ne savent pas les choix qui s'offrent à elles.
    Exactement. Sur le coup, vous êtes parfois si dévasté que vous ne savez même pas ce que vous voulez ou ce dont vous avez besoin. Au fil du temps, votre chagrin s'amoindrit un peu et vous commencez à être en colère et souhaitez accéder à ces ressources et jouer un rôle actif.
    D'emblée, ma famille était de ce nombre, car nous voulions participer au processus. Nous n'avions jamais eu affaire au système de justice, et cela a été toute une révélation.
    Je veux maintenant m'adresser à vous, monsieur Waller, car vous avez parlé de la possibilité pour la police de fournir des renseignements aux victimes.
    Je vais en quelque sorte me faire l'avocat du diable, monsieur Waller. Je me demande si les policiers sont les bonnes personnes pour fournir ces renseignements. Selon moi, les bureaux qui appuient les victimes sont probablement plus aptes à les informer que des policiers lambda qui doivent intervenir dans différentes affaires.
    Vingt-cinq pour cent des victimes de violence contactent la police. Environ le tiers des victimes d'infraction contre les biens contactent la police, donc la police a sans conteste un rôle à jouer. Elle est en première ligne. Je n'ai pas dit que la police devait offrir le service, mais qu'elle fournissait de l'information sur les services d'aide aux victimes et les aiguillait vers ceux‑ci. Les victimes ont énormément de difficulté à accéder à ces services quand elles ne contactent pas la police. Elles ont probablement entendu parler des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et des maisons de transition, mais probablement pas d'autres services généraux qui sont accessibles, et elles ne savent pas comment communiquer avec ceux‑ci. Je suis convaincu que c'est un rôle de base que la police peut jouer.
    Si la personne souhaite que le contrevenant fasse l'objet de poursuites — ce qui n'est pas toujours le cas chez les victimes d'infraction contre les biens —, si elle communique avec la police parce qu'elle veut que des poursuites soient intentées plutôt que de s'en tenir à la réclamation aux assurances, il est très important qu'elle obtienne des renseignements et qu'elle puisse compter sur l'appui de quelqu'un dans ses rapports avec la police et le procureur.
    L'un des anciens membres de ce comité a soulevé la question du cautionnement dans la négociation des chefs d'accusation. Les victimes ont besoin de soutien à toutes ces étapes.
    Oui, la libération conditionnelle est très importante, mais la grande majorité des victimes ne se rendent pas à l'étape de la libération conditionnelle.
(1615)
    Si je comprends bien ce que vous dites, vous soutenez que la police a une responsabilité de premier plan, mais qu'un bureau des services aux victimes pourrait peut-être fournir des services d'information plus tard au cours du processus, pour ceux qui vont plus loin.
    Oui. Si vous revenez à mon exemple d'Edmonton, il y a 40 ans, cette unité de services aux victimes relevait du chef, et faisait donc partie du service de police. Elle était donc financée, même si elle comptait beaucoup de bénévoles. La ville d'Ottawa dispose d'une unité au sein de la police et d'une unité externe, et il est très difficile de les faire travailler ensemble.
    Comme je l'ai déjà mentionné, je suis un admirateur du Québec. Il leur a fallu beaucoup de temps, mais ils offrent maintenant des services professionnels aux victimes. Je ne sais pas s'ils assurent une couverture complète de la province, mais ils sont près de le faire. Cela signifie qu'ils rémunèrent ces personnes et qu'elles sont formées. C'est le genre de services que nous devrions voir partout au Canada.
    Merci, monsieur Waller.
     Merci, monsieur Garrison. C'est tout le temps dont vous disposiez pendant la présente série de questions.
    M. Brock est le prochain intervenant que nous entendrons pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, chers témoins. Je vous suis reconnaissant de votre présence et des témoignages que vous apportez aujourd'hui.
    Je vais d'abord poser des questions à Mme Arsenault.
    Madame Arsenault, en tant qu'ancienne participante à la justice, je suis très curieux d'entendre votre point de vue sur la façon dont, par préjugé, vous avez été traitée dans l'affaire de votre fils. En d'autres termes, nous avons entendu des témoignages sur les lacunes qui existent dans la façon dont les victimes sont traitées dans l'ensemble du Canada. Il y a des normes d'excellence et des normes lamentables. Je peux probablement nommer un certain nombre de provinces où les services sont terriblement inadéquats. Je suis curieux de savoir quelle a été votre expérience et si vous avez des suggestions à nous communiquer.
    Eh bien, il est difficile d'être reconnaissante de tout ce que j'ai vécu, mais je suppose que je suis reconnaissante d'avoir eu une équipe de procureurs qui nous a effectivement fait participer au processus — je pense qu'ils l'ont fait surtout parce que nous n'avons pas cessé de les surveiller — même si nous n'avons pas eu de choix, disons, en ce qui concerne les accords de plaidoyer, le freinage ou le retardement du processus, ou quoi que ce soit d'autre.
    Vous n'avez pas votre mot à dire. Vous devez juste faire avec. Toutefois, en tant que défenseure des victimes, j'ai soutenu un grand nombre de personnes avec qui les procureurs ne communiquaient pas. Ils ne savaient même pas ce qui se passait. Ils ne connaissaient même pas la date de la première comparution devant le tribunal.
    D'après mon expérience — si l'on peut dire que quelque chose de bon est arrivé à ma famille —, nous avons eu de très bons procureurs, mais, pour être honnête, c'est vraiment assez rare.
    Je vous remercie d'avoir répondu à ma question et de défendre les intérêts des victimes.
    Souhaitiez-vous ajouter quelque chose?
    Non. J'espère avoir répondu à votre question.
    Vous l'avez fait. Merci.
    Je vais maintenant interroger professeur Waller. Bonjour.
    J'ai écouté très attentivement les réponses que vous avez données à la question posée par mon collègue, M. Naqvi, en ce qui concerne vos commentaires au sujet de la version actuelle de la Charte canadienne des droits des victimes, qui, je pense que nous nous entendons tous pour le dire, est déficiente dans un certain nombre de domaines. En tant qu'ancien participant, je reconnais ces lacunes et j'essaie de les combler par moi-même. Cependant, vous conviendrez que le problème n'est pas seulement lié aux procureurs de la Couronne. Il est lié aux juges, aux agents de police et au fait que les services aux victimes devraient tous fournir un niveau de service uniforme partout au pays.
    Pensez-vous que la version actuelle de la charte des droits des victimes peut améliorer considérablement la prestation des services afin que les victimes, de Victoria à St. John's, puissent s'attendre à une prestation de qualité?
(1620)
    Je ne comprends pas comment l'Union européenne et ses 27 gouvernements différents peuvent s'entendre sur une série de normes minimales à appliquer aux victimes qui couvrent la plupart des éléments dont nous avons parlé, y compris ce qui figure dans la charte des droits et plus encore, alors que nous sommes incapables d'obtenir ce genre d'accord entre nos provinces et territoires.
    Le problème consiste à savoir comment élaborer ces normes et obtenir un accord. C'est la raison pour laquelle le gouvernement fédéral doit avoir, à un niveau qui peut réellement influencer ce qui se passe, un organisme qui sera chargé d'élaborer ces normes. L'Angleterre a institué dans la loi un code de pratique qui mentionne toutes les personnes que vous avez mentionnées et plus encore, et qui indique ce qu'elles devraient faire. La loi prévoit ce code. Ils ont commencé par utiliser un document quelconque de l'exécutif, puis il a été institué dans la loi, et les recours sont là. Les recours ne sont peut-être pas suffisants, mais ce sont des solutions.
    Nous devons vraiment nous réveiller et prendre des mesures à ce sujet. La seule façon de passer à l'action est d'avoir un ministre et un sous-ministre qui sont responsables de prendre les mesures dont nous avons besoin. Les normes sont une chose, la formation en est une autre. Les initiatives qui sont mesurées sont mises en oeuvre. Nous devons donc mesurer les initiatives. Nous avons besoin de recherche et de développement. Nous avons besoin de conclure des accords réciproques entre les différentes provinces, ainsi qu'avec les États américains. Nous devons vraiment rattraper notre retard et travailler sérieusement.
    Je vous remercie de votre réponse, professeur.
    Merci, monsieur Brock.
    Merci, monsieur Waller.
    Nous allons maintenant entendre la prochaine intervenante, Mme Brière, pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'adresserai mes questions à professeure Wemmers en français.

[Français]

     Nous avons entendu M. Waller dire que le système actuel ne laissait pas beaucoup de place aux victimes. Nous avons aussi entendu Mme Arsenault dire qu'elle ne savait plus à quel saint se vouer à la suite du décès de son fils pour trouver de l'aide et des services.
    J'aimerais savoir si vous pensez que la Charte canadienne des droits des victimes devrait décrire plus amplement ces droits. Quels fonctionnaires devraient informer les victimes de leurs droits et à quel moment devraient-ils le faire?
    Je vous remercie de votre question.
    L'administration de la justice relève du champ de compétence des provinces. Elle peut donc varier d'une province à l'autre, selon la façon dont elle a été établie. Par contre, chaque intervenant a un rôle à jouer dans le processus pénal. Cela commence par la police et va jusqu'à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Il est donc très important que chacune reconnaisse qu'elle a un devoir envers les victimes et un travail à faire auprès d'elles. La responsabilité ne revient pas à une seule personne ou à un seul fonctionnaire, mais à ceux qui travaillent à chacune des étapes du processus pénal. Tous ces gens ont une obligation envers les victimes.
    Ensuite, je pense qu'il revient aux provinces de décider la façon dont elles veulent établir concrètement l'administration de la justice, et ce, selon ce qu'on trouve au niveau régional sur le plan des services d'aide aux victimes. Au Québec, par exemple, il y a les CAVAC, soit les Centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Il y a aussi d'autres groupes, dont les CALACS, soit les Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Il y a beaucoup de groupes communautaires. Cela peut varier d'une province à l'autre. Toutefois, l'important est de s'assurer qu'il y a, comme le professeur Waller l'a dit, des normes minimales partout au pays.
(1625)
     Je vois, mais cela répond plus ou moins à ma question.
    Je voudrais savoir s'il faut enchâsser cela dans la Charte canadienne des droits des victimes. Qui devrait informer les victimes, et à quel moment?
    Il existe effectivement des services, notamment au Québec. Ce sont d'ailleurs de bons services. Cependant, si les gens ne connaissent pas ces services, qui va les diriger vers ceux-ci?
    Je pense qu'il faut respecter l'organisation du Canada. Je pense que nous pouvons le faire. Dans le Code criminel — il n'y en a qu'un seul au Canada, car c'est un champ de compétence fédérale —, dans le droit procédural, nous pourrions inclure de l'information sur les rôles de chacun, ainsi que sur la participation et les droits des victimes. Nous pourrions y établir qui est responsable de faire quoi. Par exemple, si une tâche revient à la police ou au procureur. Sous certains aspects, je pense que nous pouvons ajouter des éléments au Code criminel. C'est une recommandation que j'ai faite, avant même l'adoption de l'actuelle Charte canadienne des droits des victimes, afin d'assurer une certaine uniformité d'un bout à l'autre du pays pour que toutes les victimes canadiennes aient les mêmes droits.
    Sur ce plan, je pense qu'il y a quelque chose à faire au moyen du Code criminel.
    Dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé de l'importance de la justice réparatrice. On sait que cette justice peut avoir des effets très positifs sur les victimes ainsi que sur les contrevenants.
    Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur la façon dont les ordonnances de sursis et l'abrogation de certaines peines minimales obligatoires, qui sont prévues dans le projet de loi C‑5, pourraient permettre aux programmes de justice réparatrice de profiter aux victimes dans nos communautés?
    Il est important de garder en tête que la justice réparatrice peut être positive pour les victimes d'actes criminels, mais il faut commencer par reconnaître les besoins de la victime. Trop souvent, dans le système de justice pénale, on utilise la justice réparatrice comme un outil pour raccourcir les procédures, pour accélérer le processus des mesures de rechange, etc. Le plus important est d'établir les besoins de la victime et, à partir de là, on peut voir ce qu'il est possible de faire. C'est là qu'il faut amorcer le processus. Il faut commencer par connaître les besoins des victimes au lieu d'utiliser la justice réparatrice comme un outil à des fins juridiques, dirais-je.
    Vous avez aussi parlé de l'importance de renforcer la communication et la collaboration avec les différents intervenants, les parties prenantes.
    Pouvez-vous nous donner des exemples de la façon de procéder?
    Oui, il y a de nombreux exemples.

[Traduction]

    Malheureusement, madame Wemmers, vous allez devoir donner ces exemples pendant la prochaine série de questions. Notre temps est écoulé.
    Merci, madame Brière.
    M. Fortin est le prochain intervenant que nous entendrons pendant deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie, madame Wemmers.
    Je vous en prie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vais continuer avec vous, si vous le permettez, madame Wemmers.
    Vous avez entendu les questions que j'ai posées au professeur Waller. J'aimerais également avoir votre opinion sur la participation des victimes aux procès.
    On entend beaucoup parler, cela va de soi, de la réparation pécuniaire ou d'une forme de compensation qui pourrait être octroyée aux victimes. Il est également sujet du processus judiciaire. Les victimes nous disent fréquemment qu'elles ne sont pas informées des différentes étapes et qu'elles ne participent pas, et particulièrement — je me répète — sur les fameuses négociations de plaidoyer, où le procureur de la Couronne et l'avocat de la défense vont discuter d'une possible entente sur une sentence appropriée pour l'accusé. Les victimes, qui sont concernées au premier chef par le procès, ne sont pas impliquées dans ces discussions.
    N'aurait-il pas lieu d'inclure au Code criminel, par exemple, des dispositions selon lesquelles la victime serait partie prenante au procès? Ne serait-ce pas souhaitable?
    Il faudrait évidemment revenir sur la façon de le faire, sur la mécanique. Je comprends qu'il y a la question de l'administration de la justice, qui relève des provinces et qui constitue, selon moi, un champ de compétence précieux.
    Tout de même, n'y a-t-il pas une possibilité d'inclure des dispositions pour s'assurer que les victimes ont leur mot à dire, non seulement pour la réparation, mais dans l'ensemble du processus judiciaire concernant l'événement?
    Oui, bien sûr.
    En fait, en 2013, au début de la réflexion sur la Charte canadienne des droits des victimes, j'ai déposé un mémoire où je proposais de donner à la victime un rôle de participante. C'est ce qui se fait aux États‑Unis. Cela se fait souvent à la Cour pénale internationale. La victime ne constitue toutefois pas une partie civile, comme vous en avez parlé précédemment. Elle n'est pas une des parties prenantes, mais tout de même une participante ayant certains droits, comme ceux à l'information, à la représentation légale, et même aux recours, si jamais ses droits ne sont pas respectés. C'est ce qui existe dans plusieurs États aux États‑Unis.
    Pour cela, nous pourrions utiliser des règles existant déjà dans notre Code criminel. Il est possible de faire une demande de mandamus — c'est un terme juridique. Je peux vous envoyer le mémoire que j'ai déposé pour bien illustrer ce qui a été envisagé à l'époque.
(1630)
     Je crois que nous avons déjà votre mémoire, sinon, je serais effectivement heureux de le lire. Je vous remercie.

[Traduction]

     Merci, monsieur Fortin.
    Le prochain intervenant est M. Garrison, qui dispose de deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais me tourner vers professeure Wemmers.
    L'un des aspects que je trouve intéressants dans la plupart des discussions sur les droits des victimes, c'est que très peu d'attention est accordée explicitement au sexe des victimes. Souhaitez-vous formuler des observations à propos du rôle que le sexe joue en ce qui concerne les droits des victimes?
    Vous soulevez une excellente question. La violence fondée sur le sexe et la violence familiale sont des sujets qui sont abordés de plus en plus fréquemment. Le sexe n'est pas le seul facteur; il y a aussi l'appartenance à la communauté LGBTQ2+.
    Je pense que d'énormes progrès ont été réalisés en matière d'intersectionnalité et de compréhension des différentes vulnérabilités et de la façon dont elles peuvent s'additionner, par exemple, si quelqu'un est non seulement une femme, mais aussi une lesbienne noire, et la façon dont cela rend quelqu'un encore plus vulnérable. C'est un phénomène dont nous sommes témoins.
    La question est maintenant de savoir comment nous pouvons adapter notre intervention en matière de justice pénale à cette situation. Voilà le défi, mais le fait que nous le reconnaissions déjà est un premier pas important. Le fait que nous en parlions déjà est un début.
    Oui, nous devons commencer à reconnaître comment le sexe influence certaines des décisions que nous prenons, ainsi que certaines des vulnérabilités des victimes.
    Il ne nous reste presque plus de temps aujourd'hui, mais vous avez parlé de normes minimales à plusieurs reprises pendant votre déclaration préliminaire et les discussions. Croyez-vous que la question des normes minimales pour les services aux victimes a été suffisamment étoffée pour que, par exemple, un groupe comme le comité de la justice puisse très facilement formuler des recommandations à l'intention du gouvernement à propos de ce que devraient être les normes en matière de droits des victimes dans chaque province et dans le système fédéral? Pensez-vous que cette question a été suffisamment étoffée pour que nous puissions le faire?
    Oui, je le pense. Je crois que si nous examinons des organisations comme Victim Support Europe, nous voyons de merveilleux exemples que nous pouvons suivre. Je peux vous dire que le Conseil de l'Europe, lui aussi, travaille actuellement à l'élaboration de nouvelles recommandations pour les victimes et à la mise à jour de celles qui ont été publiées dans les années 1980.
    Comme l'a déclaré le professeur Waller, il est temps pour nous de rattraper notre retard. Il existe de merveilleux exemples dont nous pouvons nous inspirer, et oui, le Canada est tenu de le faire en raison de ses obligations internationales et de la responsabilité qu'il assume au sein des Nations unies.
    Je vais en rester là, monsieur le président.
    Je remercie infiniment les témoins une fois de plus.
    Merci, monsieur Garrison.
    Pendant notre dernière série de questions, nous allons céder la parole à M. Richards pendant cinq minutes.
    Vous avez la parole, monsieur.
    Merci, monsieur le président. Je vais commencer par vous interroger, madame Arsenault.
    Tout d'abord, permettez-moi de dire — je sais que cela a déjà été dit, mais on ne le dira jamais assez — que je vous remercie de votre courage et, franchement, de votre disposition à aller de l'avant et à utiliser ce qui est évidemment une situation tragique, que vous et votre famille avez vécue, pour tenter de faire quelque chose pour aider les autres. Ce que vous faites aujourd'hui — et bien d'autres jours, j'en suis sûr —, c'est une tentative de rendre ce processus un peu plus facile pour d'autres personnes qui, malheureusement, traversent les mêmes circonstances que vous et votre famille.
    Je sais que cela ne changera rien pour vous, mais j'espère que cela aidera un grand nombre d'autres personnes à ne pas connaître le même genre de frustration et de douleur que vous avez dû subir en vous retrouvant dans le soi-disant système de justice de notre pays. Premièrement, je vous remercie de vous être manifestée et d'avoir pris des mesures.
    Deuxièmement, bon nombre des déclarations et quelques-unes des recommandations que vous avez faites sont liées au côté problématique du soi-disant système de justice du Canada. Vous en avez parlé, et je pense que vous avez même affirmé que les criminels semblent jouir de plus de droits que les victimes. Je ne crois pas que ce soit simplement une impression; je pense que les choses sont comme ça. C'est certainement ce que confirment les nombreux exemples que vous nous avez donnés.
    L'une des choses que vous avez mentionnées dans votre déclaration préliminaire est l'article 101, c'est-à-dire les principes qui guident les commissions des libérations conditionnelles. Vous avez mentionné cet article brièvement, et vous avez évoqué la nécessité d'ajouter que la commission des libérations conditionnelles devrait tenir compte de l'incidence que la libération conditionnelle aura sur la victime du délinquant. Il est très logique que cela ait lieu.
    Je voulais savoir pourquoi vous pensez que c'est important. Y a-t-il d'autres mesures dans le même sens qui peuvent être prises pour faire en sorte que les droits du délinquant ne passent pas toujours avant ceux de la victime? Comment pouvons-nous nous assurer que non seulement les droits des victimes sont pris en compte, mais qu'ils deviennent une priorité, car ils devraient être prioritaires?
(1635)
     Oui, il n'y a aucun doute là-dessus. Les délinquants jouissent de nombreux droits. Leurs droits ne peuvent même pas être comparés à ceux d'une victime. D'après ce que je sais, nous n'avons qu'un droit, celui d'écrire une déclaration, et c'est à peu près tout.
    L'article 101 énonce les principes qui doivent guider les commissions des libérations conditionnelles pour qu'elles tiennent compte de l'incidence des libérations conditionnelles sur les victimes du délinquant. Je crois vraiment qu'il serait possible de modifier cet article afin que les commissions examinent leurs décisions d'une manière un peu différente pour déterminer le genre d'effet qu'elles pourraient avoir sur les victimes.
    Lorsqu'elles procèdent à ces libérations incroyablement hâtives, il arrive souvent que les délinquants ne manifestent aucun remords. Il faut examiner cela sérieusement. Les commissions doivent prendre en considération tous les renseignements dont elles disposent, y compris les recommandations des victimes quant aux raisons pour lesquelles les libérations avant terme leur seraient préjudiciables.
    Y a-t-il d'autres recommandations dans la même veine que vous pourriez formuler pour faire en sorte que les victimes, leurs circonstances, leurs droits, leurs sentiments et ce qu'elles vont vivre, à la suite des décisions prises par des organismes comme la Commission des libérations conditionnelles, soient considérés comme plus prioritaires dans notre système de justice? Y a-t-il d'autres recommandations allant dans le même sens auxquelles vous pourriez penser?
    Je recommande que dans leurs déclarations, les victimes soient autorisées à dire exactement ce qu'elles veulent dire. Leurs déclarations ne devraient pas être examinées, piratées, modifiées et caviardées. Vous êtes la victime. Si vous avez besoin de dire quelque chose, vous devriez être autorisé à le faire.
    Je pense que toutes les victimes devraient avoir le choix d'affronter ou non leur agresseur. La commission des libérations conditionnelles devrait vraiment commencer à limiter le nombre de personnes que les délinquants sont autorisés à faire comparaître. Ce processus concerne le crime et la réadaptation; ce n'est pas un concours de popularité.
    Merci, madame Arsenault.
    Soit dit en passant, merci beaucoup.
    Mme Dhillon sera la dernière intervenante et disposera de cinq minutes.
    Je vais céder mon temps de parole à M. Naqvi.
    Je ne m'attendais pas à ce que vous me cédiez votre temps, mais je vous en remercie.
    Permettez-moi de commencer par interroger professeure Wemmers.
    Je crois que cette question a été posée plus tôt, et je pense que Mme Arsenault a déclaré qu'il n'y a pas deux victimes semblables. Elles viennent de milieux différents. Je pense que la question a été posée au sujet des victimes qui sont des femmes et des types de stratégies différentes doivent être déployées dans ces cas-là.
    J'aimerais également poser une question semblable au sujet des victimes qui viennent d'arriver au Canada, qui sont des immigrants et qui ne connaissent peut-être pas assez bien le système. Quels types de stratégies doivent être déployées à cet égard?
    Voilà une excellente question. Elle est également très vaste.
    Il faut bien sûr garder à l'esprit que cela concerne la personne, sa situation, sa victimisation. Tout cela va déterminer exactement quels sont ses besoins. L'incidence du crime est une chose, mais les ressources de la victime détermineront, dans une certaine mesure, ses besoins. En ce qui concerne les nouveaux migrants et peut-être même les réfugiés, nouvellement arrivés au Canada, leur situation de vulnérabilité est souvent plus précaire du point de vue des ressources financières et de l'absence d'un réseau d'appui officieux ou de membres de la famille présents au Canada qui pourraient leur apporter le soutien psychosocial ou émotionnel que d'autres peuvent recevoir.
    Il pourrait également y avoir des complications juridiques. La situation pourrait avoir des répercussions sur leur statut d'immigrant reçu ou de réfugié. Je pense en particulier aux victimes de violence familiale, par exemple, dont l'agresseur est un nouvel immigrant, comme elles, et non un citoyen canadien. Cela peut avoir des répercussions sur le statut de la personne et sur sa capacité de demeurer au Canada, et s'il s'agit d'une famille, la situation aura des conséquences pour toute la famille.
    La situation devient très compliquée, si je peux m'exprimer ainsi, et cela nous oblige à ne pas perdre de vue les besoins de la victime. Quand aidons-nous la victime, et quand ajoutons-nous à sa souffrance, même indirectement? Il nous faut tenir compte de la complexité des besoins des nouveaux immigrants et des réfugiés, et en particulier des personnes ayant un statut précaire au Canada.
(1640)
    Professeur Waller, je vais revenir à vous. Avec tout le respect et l'affection que je vous porte, je peux repousser un peu votre suggestion ou votre recommandation concernant la création de ce que vous avez appelé une loi sur Prévention de la criminalité et Victimes Canada, c'est-à-dire pour créer un nouveau ministère.
    Ma question est la suivante: pensez-vous qu'un renforcement de la bureaucratie soit la solution qui s'impose pour protéger les victimes et leur accorder de meilleurs droits?
    Je pense qu'un financement accru... Je crois que si vous examinez la loi sur les victimes d'actes criminels aux États-Unis, vous verrez qu'elle a assurément changé ce qui se passe là-bas. Il ne s'agit pas d'une énorme bureaucratie; elle fait partie du ministère de la Justice des États-Unis. Je n'ai pas vraiment recommandé la création d'un nouveau ministère; j'ai formulé une recommandation à l'échelon du sous-ministre. Je pense que c'est la seule façon d'établir des normes et des services qui répondent à ces normes d'un bout à l'autre du pays, de diffuser l'information, de commencer à faire en sorte que les lois relatives au dédommagement fonctionnent réellement, d'expérimenter et d'élaborer une façon pour la victime de participer réellement au processus.
    Il n'y a pas eu beaucoup de discussions à ce sujet aujourd'hui, mais je souhaite vivement voir ce que vous avez réellement entrepris en Ontario. Nous devons faire beaucoup plus pour empêcher les gens d'être victimes de crimes en premier lieu. Nous savons comment réduire de moitié ou plus la victimisation liée à la violence dans nos rues. Nous savons ce qu'il faut faire pour éliminer une grande partie de la violence sexuelle. Nous ne connaissons pas toutes les solutions aux problèmes, mais nous disposons de nombreuses solutions, mais leur mise en oeuvre nécessite des fonds. Je propose un financement de l'ordre de 10 %, dont environ la moitié serait attribuée aux victimes et l'autre moitié à la prévention.
    Il ne s'agit pas de créer une énorme bureaucratie. Il s'agit de promouvoir un moyen de faire bouger les choses en collaboration avec les territoires, les provinces et les peuples autochtones.
    Je veux voir des résultats. Je veux que les initiatives soient mesurées pour que nous nous concentrions réellement sur la résolution des problèmes et pour qu'on cesse de nous raconter des histoires. On peut voir cela aux États-Unis. Il y a toutes ces obligations constitutionnelles, mais une fois que vous investissez réellement de l'argent dans ces efforts et que vous le faites sérieusement... Vous pouvez observer l'Angleterre, où un ministre est responsable des victimes, et vous pouvez constater que des mesures sont prises. Vous pouvez aussi le constater en Australie et en Nouvelle-Zélande.
    Merci...
    Malheureusement, monsieur Naqvi, le temps qui nous était imparti est écoulé. Merci, monsieur Naqvi.
    Je tiens à remercier tous les témoins.
    Avant de lever la séance, je tiens à vous informer de l'avancement de la convocation de nos témoins. Nous avons passé la liste en revue, y compris les personnes invitées à comparaître. Il y a encore six invitations pour lesquelles nous n'avons pas reçu de réponse définitive.
    Nous nous réunirons lundi de 11 à 13 heures. Je crois que les témoins confirmés sont Mme Gaudreault de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, Kat Owens du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes et Monique St-Germain du Centre canadien de protection de l'enfance.
    Pendant la deuxième heure, nous avons jusqu'à maintenant les témoins suivants: Mme Brenda Davis, et Mme Mélanie Sarroino de L'Élan, Centre d'aide aux victimes.
    En ce qui concerne la réunion de jeudi, nous n'avons pour l'instant que des témoins qui comparaîtront pendant la première heure. Les témoins confirmés sont Mme Morrell Andrews et Mme Dianne Illessic. Nous n'avons pas de témoins confirmés pour la deuxième heure. Si vous avez proposé des témoins, appelez-les et poussez-les à comparaître afin que nous puissions leur demander de terminer la réunion. Sinon, merci, et pour ceux qui...
    Désolé. La parole est à vous, monsieur Anandasangaree.
(1645)
    Est-il possible d'obtenir un résumé des témoignages d'ici jeudi, afin que nous puissions...?
    Oui. Nous pouvons absolument vous le fournir. Nous tenterons de vous le faire parvenir avant cette date. Nous vous l'enverrons le lundi qui précède la réunion de jeudi.
    Merci. Nous vous verrons lundi. La séance est levée.
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