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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 octobre 1997

• 0909

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): La séance est ouverte.

Ce matin, nous accueillons Mme Betty Plewes, présidente et directrice générale du Conseil canadien pour la coopération internationale qui est, sans vouloir verser dans une familiarité excessive, une vieille amie de notre comité, en ce sens qu'elle le connaît bien et qu'elle est venue souvent témoigner au cours de la législature précédente. Elle est accompagnée de M. Brian Tomlinson, analyste principal en matière de politiques.

Chers collègues, j'attire votre attention sur le rapport intitulé, Bilan de l'aide 1997, qui a été distribué à la plupart d'entre vous. Je l'ai examiné. Je tiens à féliciter M. Tomlinson en votre nom pour sa participation. Je sais qu'il a écrit une partie de l'introduction et le chapitre concernant le Canada. C'est de l'excellent travail. Ce rapport contient tous les renseignements voulus sous une forme très lisible et très accessible. Vous nous rendez un fier service, ainsi qu'aux organisations d'aide internationale, en produisant un rapport aussi excellent. Félicitations.

• 0910

Je cède sans plus tarder la parole à Mme Plewes. Voulez-vous commencer par votre exposé liminaire?

Mme Betty Plewes (présidente et directrice générale, Conseil canadien pour la coopération internationale): Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui. Sans vouloir verser dans une familiarité excessive, comme vous l'avez si bien dit, je signale que nous avons toujours eu d'excellentes relations avec votre comité. Cela ne veut pas dire que nous n'avons jamais eu de divergences d'opinions, mais nous nous sommes toujours sentis libres d'avoir des discussions franches et instructives avec vous.

Nous sommes venus ici aujourd'hui, à l'occasion du lancement de Bilan de l'aide 1997. C'est la cinquième fois que paraît ce rapport. Il revêt un caractère unique en ce sens qu'il est le fruit de la collaboration d'une coalition d'organisations non gouvernementales originaires tant des pays de l'OCDE que de certains pays du Sud.

Le CCCI, le Conseil canadien pour la coopération internationale, que je représente, est l'organisation qui chapeaute les organisations non gouvernementales actives dans le domaine de la coopération internationale au Canada. Nous avons une centaine de membres. C'est nous qui rédigeons le chapitre de Bilan de l'aide consacré au Canada et nous avons également participé à la rédaction des chapitres d'introduction, qui exposent les tendances qui se dessinent dans les pays de l'OCDE. Brian Tomlinson, qui est à mes côtés aujourd'hui, est l'auteur du chapitre sur le Canada.

La publication de ce rapport annuel sur l'aide dans les pays de l'OCDE a pour objet de faire mieux connaître les pays qui participent à l'aide au développement et de permettre aux citoyens d'examiner nos programmes d'aide de plus près. Son autre but est d'amorcer le dialogue avec les décideurs dans le but d'améliorer les politiques et les pratiques en vigueur dans les pays de l'OCDE.

Aujourd'hui, nous allons mettre l'accent sur certains des messages clés que contient ce rapport. Je crois que vous en avez reçu un exemplaire à l'avance et nous avons également des communiqués et une documentation, en français et en anglais. Nous avons en outre quelques graphiques, que nous avons distribués aujourd'hui.

Ce rapport contient trois principaux messages. Le premier est que, dans l'ensemble, nous n'avons pas réussi à relever le défi mondial le plus critique de notre époque, à savoir l'élimination de l'extrême pauvreté. Le deuxième, c'est que nous voulons insister sur le fait que l'aide donne des résultats, mais qu'elle doit s'inscrire dans le cadre d'une stratégie précise et être ciblée pour être vraiment efficace. Troisièmement, les résultats de l'aide dépendent de sa cohérence par rapport à toute une série de politiques économiques étrangères et internationales, et c'est pourquoi nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de discuter des résultats de notre étude avec les membres du Comité des affaires étrangères.

Le premier message est que nous n'arrivons pas à régler la question capitale de l'élimination de la pauvreté. Pour y arriver, une meilleure coopération en matière de développement international et une meilleure promotion des droits des pauvres sont nécessaires. Dans les pays du Nord, la réalité est toutefois assez différente. Les États et les institutions du Nord ne font pas preuve de volonté politique ni de leadership, même s'ils ont prononcé les mots et pris les engagements qu'il fallait dans de nombreuses tribunes internationales au cours des cinq ou six dernières années.

Les chiffres sur l'aspect quantitatif de l'aide sont éloquents et ils sont loin d'être réjouissants. En 1996, la valeur totale de l'aide des pays de l'OCDE a diminué de 3,8 milliards de dollars et elle se chiffre maintenant à 55,8 milliards de dollars. Cela équivaut, en chiffres absolus, à une diminution de 4,2 p. 100 par rapport à 1995. L'aide ne représente plus que 0,25 p. 100 du produit national brut total de l'OCDE, et a atteint son niveau le plus bas depuis 1950. L'objectif international est de 0,7 p. 100.

• 0915

En ce qui concerne la performance du Canada à ce chapitre, notre pays ne fait plus partie des donateurs les plus généreux et les plus engagés. Sa contribution pour 1996 ne représente que 0,31 p. 100 de son PNB, soit le niveau le plus bas depuis 30 ans. Le Canada qui se situait généralement au cinquième ou sixième rang a reculé au onzième. Il se situe maintenant au milieu de la liste de classement des pays de l'OCDE et loin en dessous de la moyenne des efforts des divers pays, qui est de 0,4 p. 100 du PNB. Ces chiffres de l'OCDE ne tiennent pas encore compte de la réduction de 7 p. 100 pour 1997-1998, ni de celle de 8 p. 100 qui est prévue pour 1998-1999. La tendance est donc résolument à la baisse en ce qui concerne le Canada.

Deuxième message: enrayer cette chute n'est pas une fin en soi. Ce qui importe, c'est la façon dont cet argent est dépensé, autrement dit, la qualité de notre programme d'aide.

J'insiste sur le fait que l'aide peut donner des résultats et qu'elle en donne effectivement. Certains d'entre vous sont allés outre-mer. Vous avez vu des projets d'aide canadiens, vous avez vu les projets de certaines organisations non gouvernementales canadiennes, et vous savez que l'aide peut donner des résultats. Elle doit toutefois être ciblée pour répondre aux besoins humains fondamentaux et elle doit offrir aux personnes qui vivent dans la pauvreté des possibilités réelles d'améliorer leur sort. Elle doit en outre s'inscrire dans le cadre d'une politique extérieure axée sur les mêmes objectifs d'élimination de la pauvreté, dans les pays donateurs comme dans les pays bénéficiaires.

Nous avons réalisé des progrès. Les chiffres publiés par le PNUD et par l'UNICEF indiquent que, depuis 1960, le taux de mortalité infantile a diminué de moitié dans les pays en développement. Le taux de malnutrition a diminué de près d'un tiers. La proportion d'enfants qui ne vont pas à l'école primaire a baissé de plus de moitié. Cela représente une énorme amélioration. Cependant, en cette fin de siècle, nous risquons fort de reperdre une bonne partie du terrain gagné au cours des 40 dernières années. Pour la plupart des pays les plus démunis, les indicateurs sociaux ont accusé un recul au cours des années 1990. Il existe certains cas de maladies infectieuses que nous avions fait disparaître. Le nombre de cas de tuberculose, de choléra et de fièvre jaune augmente.

Les catastrophes écologiques prennent de l'ampleur, comme nous avons pu le constater à propos des incendies qui ont éclaté en Asie du Sud-Est, et les crises humanitaires sont à la hausse. L'inégalité globale sévit tant à l'intérieur d'un même pays qu'entre pays différents. Le revenu moyen par habitant dans les pays du G-7 était 20 fois plus élevé que dans les pays les plus pauvres en 1965 mais en 1995, il était 39 fois plus élevé. L'écart entre les 20 p. 100 de la population représentés par les plus nantis et les 20 p. 100 représentés par les plus pauvres s'est creusé. D'après le PNUD, pour chaque dollar de revenu des 20 p. 100 les plus pauvres de la population, les 20 p. 100 les plus riches ont vu leur part plus de doubler; elle a augmenté de 30 $ en 1960 à 78 $, en 1994. Ce qui est toutefois encore plus inquiétant, c'est que cette part a augmenté de 28 p. 100 en trois ans à peine, de 61 $ à 78 $ et ce, au cours d'une période de croissance sans précédent, d'investissement dans le commerce avec les économies ouvertes et de mondialisation accrue.

Certaines personnes estiment que le marché et l'investissement privé dans le Sud, qui connaît une hausse vertigineuse, remplaceront le besoin d'aide, mais la flambée des flux financiers au cours des années 1990 n'aura pas les mêmes effets bénéfiques pour tous. En 1996, 73 p. 100 des 110 milliards de dollars d'investissement étranger direct ont été absorbés par 12 des 108 pays en développement. L'Afrique subsaharienne n'en a reçu que 4 p. 100 et la majeure partie de cet argent a été investie dans trois pays: l'Afrique du Sud, le Nigeria et l'Égypte. La croissance est souvent concentrée dans quelques régions urbaines. Le marché ne peut pas remplacer à lui seul une coopération pour le développement bien ciblée.

• 0920

Je tiens également à signaler que les pauvres ne constituent pas une minorité spéciale à laquelle certaines ressources finiront par échoir par ricochet. Il reste 1,3 milliards d'individus, soit le quart de la population mondiale, qui vivent avec moins de un dollar par jour. Pas moins de 4,3 milliards de personnes, c'est-à-dire les trois quarts de la population mondiale, gagnent en moyenne moins de deux dollars par jour. En fait, les pauvres représentent la majorité de la population mondiale.

Nous avons largement les moyens de faire disparaître les cas de dénuement extrême au cours des dix prochaines années. Le Programme des Nations unies pour le développement met la communauté internationale au défi de trouver les 40 milliards de dollars d'investissement annuel supplémentaires nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux de la population mondiale en matière de santé, d'éducation, d'hygiène et de logement. Une somme supplémentaire de 40 milliards de dollars permettrait d'éliminer l'extrême pauvreté.

Ce qui manque, c'est le leadership et la volonté politique. L'administrateur du PNUD, James Speth, a fait la déclaration suivante dans le Rapport sur le développement humain de 1997:

    La pauvreté n'est pas supportée en silence par les pauvres. Elle ne peut être tolérée non plus par ceux et celles qui ont le pouvoir d'y remédier. Le défi consiste à mobiliser les divers États, les organisations et les citoyens, un après l'autre, et à les pousser à l'action.

Le troisième message que je tiens à vous transmettre, c'est que l'aide à elle seule ne peut pas être un vecteur de développement. Il est impératif de faire preuve de cohérence, tant au niveau de nos politiques extérieures et intérieures que dans la conduite de nos relations économiques internationales.

En ce qui nous concerne, le problème est de concilier les initiatives constructives en matière de protection des droits de la personne—les préoccupations concernant le travail des enfants ou les activités d'édification de la paix—avec la promotion du commerce et de l'investissement canadiens à laquelle nous accordons une priorité absolue. Comment faire pour que nos ententes commerciales régionales dans les Amériques et les priorités du Canada au sein des institutions financières internationales soient compatibles avec les objectifs de notre politique d'élimination de la pauvreté? L'édition du Bilan de l'aide de cette année contient des exemples de politiques des pays de l'OCDE qui sont en contradiction, notamment en ce qui concerne le commerce des armements, le commerce des produits agricoles et les objectifs écologiques manqués.

Parmi les exemples d'initiatives à caractère économique auxquelles le Canada participe, citons l'initiative multilatérale concernant l'endettement, qui vise à aider les pays les plus pauvres et les plus endettés. Malgré les progrès réalisés dans un premier temps, certains pays du G-7 comme les États-Unis, l'Allemagne et le Japon suspendent, semble-t-il, la mise en oeuvre de cette initiative pour ce qui est des pays à faible revenu qui sont les plus endettés. Dans la meilleure des hypothèses, seulement six des 41 pays fortement endettés bénéficieront de ce programme d'ici l'an 2000.

L'indifférence affichée à l'égard des besoins particuliers des pays en développement, surtout des plus pauvres, au cours de la dernière ronde des négociations du GATT, au sein de l'Organisation mondiale du commerce et dans les propositions concernant l'Accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI, nous préoccupe. Au cours des années 1990, la part du commerce mondial qui revient à ces pays a continué de diminuer. Au chapitre de la cohérence, la performance du Canada est plutôt mitigée. Le traité sur les mines terrestres antipersonnel est un cas où le leadership politique, la collaboration entre les ONG et les pouvoirs publics, ont été un gage d'efficacité pour les centaines de milliers de personnes concernées, c'est un exemple de cohérence des politiques.

La promotion des intérêts du Canada en matière de commerce et d'investissement à l'exclusion de tous les autres intérêts a également engendré des problèmes. La décision prise par le gouvernement au cours de l'automne 1996 d'abroger certaines dispositions de sa Loi sur les évaluations environnementales pour permettre la vente de réacteurs CANDU à la Chine, grâce à un prêt de 1,5 milliard de dollars consenti à ce pays par la Société pour l'expansion des exportations, constitue un exemple particulièrement frappant d'incohérence d'une politique. Tout récemment, la SEE a approuvé l'octroi de prêts pour la construction du barrage des Trois Gorges en Chine, projet qui a été rejeté par la Banque mondiale et par l'ACDI, et qui nécessitera le déplacement de plusieurs millions de personnes.

Enfin, je voudrais parler des diverses options qui existent en matière de changement. Dans notre rapport, Bilan de l'aide, il est question de trois impératifs: la nécessité de cibler notre aide et de mettre en oeuvre certaines politiques et de prendre des engagements envers les plus démunis; la nécessité d'intégrer nos politiques internationales pour éviter qu'elles ne se neutralisent mutuellement; et la nécessité de créer un climat favorable à la réaffectation des ressources dans notre programme d'aide.

• 0925

L'aide donne des résultats. Nos collègues des pays du Sud ont insisté sur l'importance d'une forme d'aide qui permet aux personnes vivant dans la pauvreté de se créer des débouchés, assure la participation à toutes les étapes des projets d'aide, comporte des engagements à long terme et facilite une meilleure coordination chez les donateurs, tout en laissant le soin aux gouvernements bénéficiaires et aux organisations non gouvernementales actives dans les pays concernés d'établir le cadre et les priorités, pour le compte des «consortiums» de donateurs.

Il est nécessaire d'accroître nos capacités et de prendre des engagements plus fermes pour entamer un dialogue sérieux sur la politique entre les divers intervenants. Nous vivons dans un monde où sévissent des problèmes d'envergure mondiale liés à la pauvreté, à l'environnement, à la paix, aux réfugiés et aux droits de la personne.

Ce ne sont pas des problèmes propres aux pays du Sud. Il s'agit de problèmes mondiaux, nécessitant des solutions communes qui soient le fruit de la collaboration des pays du Nord et de ceux du Sud.

Il est indispensable d'améliorer nos mécanismes gouvernementaux pour s'assurer une meilleure connaissance du problème et une meilleure cohérence des politiques. Nous devons tous mieux comprendre les compromis qu'impliquent les choix politiques et leurs conséquences. Nous devons consulter davantage les pays pauvres lorsqu'il s'agit d'élaborer la politique étrangère du Canada, que ce soit par l'intermédiaire de l'ACDI, des organisations non gouvernementales ou des parlementaires. Diverses options ont été proposées à cet égard.

Les programmes de lutte contre la pauvreté doivent être guidés par un bagage de connaissances important et par une meilleure politique, une meilleure recherche et une meilleure capacité d'évaluation. La Direction générale des enjeux mondiaux et de la culture du ministère des Affaires étrangères a un rôle clé à jouer dans la promotion de la cohérence de la politique en matière de développement humain durable.

Enfin, il est nécessaire de créer un climat propice au développement humain durable. Il est impossible d'instaurer une politique extérieure officielle à long terme cohérente lorsque les ressources sont constamment réduites et lorsque l'avenir est incertain. Nous recommandons de renoncer à la réduction de 8 p. 100 prévue pour 1998-1999 et d'établir un calendrier précis pour rebâtir le programme d'aide.

Je vais ajouter quelques mots au sujet des mines antipersonnel. Au cours de l'année écoulée, le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ont fait preuve d'un leadership constant et énergique à propos du traité concernant ces mines. C'est le genre de collaboration énergique au plus haut niveau avec les ONG, les groupes de citoyens et les parlementaires qui est essentielle pour atteindre l'objectif du développement humain et de l'élimination de la pauvreté à l'échelle mondiale.

Je me réjouis de pouvoir discuter de quelques-uns de ces problèmes avec vous.

Le président: Merci, madame Plewes.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Tomlinson, ou êtes-vous prêt pour les questions?

Madame Guay.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Madame Plewes, j'aimerais vous féliciter de votre intervention. J'ai trois questions et je vais vous les poser d'emblée pour qu'on ait vraiment la chance d'y répondre.

Mais avant, j'aimerais dire que, sachant que le Canada s'est toujours démarqué et même vanté de sa participation dans le domaine de l'aide internationale, il est très inquiétant aujourd'hui de le voir se retrouver au 11e rang, avec moins de 0,31 p. 100 de son budget consacré à cette aide. Sachant aussi que le Canada fait des économies énormes dans la caisse d'assurance-chômage et ailleurs, que bientôt il atteindra le déficit zéro et qu'il se prépare à couper 8 p. 100 de plus, il y a sûrement des choses à faire.

J'ai des questions à vous poser, madame Plewes, et je vous les énumère. Sachant maintenant que le gouvernement Chrétien ne consacre que 0,31 p. 100 de son PNB à l'aide au développement, selon vous, quel serait le manque à gagner dans le budget de l'aide au développement pour que les ONG puissent bien faire leur travail?

Deuxièmement, afin de maximiser la valeur de chaque dollar investi dans l'aide au développement, où et comment, selon vous, le gouvernement devrait-il prioriser ses actions en matière d'aide au développement?

En dernier lieu, madame Plewes, tout le monde ici sait que l'ACDI a vu son budget considérablement amputé par les coupures budgétaires des libéraux. Avec le peu d'argent qu'il reste pour l'aide au développement, selon vous, ne serait-il pas plus efficace que, dans l'avenir, l'argent investi dans l'aide aux besoins humains fondamentaux passe directement aux ONG plutôt que de gouvernement à gouvernement comme c'est le cas actuellement?

• 0930

Je vous remercie.

Mme Betty Plewes: Merci, madame. Au point de départ, je dois dire que, même si je représente des ONG, je vois le rôle de l'État comme étant très important. Les ONG n'ont pas la possibilité d'accomplir tout ce qui est nécessaire pour promouvoir la réduction de la pauvreté dans le monde.

[Traduction]

Par ailleurs, il est très important que l'aide de gouvernement à gouvernement soit bien ciblée et qu'elle soit axée sur les pauvres. Je dois dire également qu'il n'existe pas de formule toute faite. Les pauvres des différents pays ont des besoins, des capacités, des aptitudes d'utiliser l'aide qui varient, et cela dépend également dans une très large mesure de la réceptivité du pays bénéficiaire.

Les autorités gouvernementales ont beaucoup de difficulté à collaborer avec le gouvernement de certains pays du Sud où les droits de la personne ne sont pas respectés et où l'aide est détournée, comme nous le savons. Il est clair que dans ces cas-là, il existe d'autres moyens. On peut utiliser des voies multilatérales en passant, dans certains cas, par les Nations unies, l'UNICEF ou le PNUD et, dans d'autres, par des organisations non gouvernementales.

Un des problèmes que pose la mondialisation, c'est que l'accent qui a été mis sur le marché a affaibli le rôle de l'État. Nos collègues du Sud sont toujours convaincus que les gouvernements ont un rôle extrêmement important à jouer dans l'élaboration du cadre du développement. Il est également impératif que notre gouvernement prône, par le biais de ses fondés de pouvoir, l'harmonisation des politiques visant à éliminer la pauvreté dans le cadre des négociations sur des traités comme l'Accord multilatéral sur l'investissement, ou des assemblées de la Banque mondiale ou encore du Fonds monétaire international.

C'est une chose que les ONG ne peuvent pas faire. Il est nécessaire de créer une série d'institutions internationales susceptibles de soutenir et de réglementer le nouveau marché mondialisé. Je suis forcément convaincue de l'utilité du rôle des ONG—nos membres font de l'excellent travail dans le cadre de projets de petite envergure, de l'aide humanitaire, de la défense des droits de la personne, de la supervision de la politique internationale—, mais l'État a un rôle clé à jouer.

J'ajouterais également que le secteur privé a aussi un rôle clé à jouer dans un domaine où la société civile et le gouvernement ne peuvent rien faire pour leur propre part. Le secteur privé doit assumer aussi bien ses responsabilités sociales que ses responsabilités économiques. Bien des discussions, comme celles que nous avons déjà eues avec vous, sur certains sujets comme les mesures de protection de l'environnement, les normes de travail et les programmes sociaux, sont en cours, et le secteur privé prend de plus en plus conscience que tout cela est nécessaire pour faire de bonnes affaires.

Pour en revenir à la première question, qui concerne le montant d'aide qu'il convient d'acheminer par l'intermédiaire des ONG...

[Français]

Je regrette, je n'ai pas exactement saisi la première question.

Mme Monique Guay: Je vous demandais quel montant d'aide internationale vous manque en ce moment pour vraiment pouvoir faire un bon travail.

[Traduction]

Mme Betty Plewes: Nous pensons qu'il faudrait porter ce montant à 0,7 p. 100 du PNB. C'est la norme qui a été convenue en 1968 ou en 1969, par divers pays. À court terme, nous voulons que l'on renonce à la compression de 8 p. 100 et nous voudrions que le gouvernement établisse un plan quinquennal axé sur des objectifs raisonnables, afin de reconstituer le budget de l'aide. Nous sommes disposés à aider le gouvernement à fixer les divers jalons qu'il convient d'établir pour les cinq prochaines années.

Cela ne représente pas une somme d'argent énorme. La réduction prévue pour l'année prochaine représente une somme de 150 millions de dollars. Elle vient toutefois s'ajouter aux compressions qui ont été pratiquées depuis 1991-1992 et cela représentera au total une diminution de 40 p. 100 du budget de l'aide, si la prochaine réduction prévue est appliquée.

• 0935

Il n'est pas possible d'obtenir un programme d'aide efficace en réduisant le budget tout en rajoutant des contraintes. À cette réduction du budget de l'aide viennent s'ajouter de nouvelles responsabilités. On y a ajouté cinq millions de dollars pour aider Radio Canada International. On y a ajouté dix millions pour un fonds pour la paix. On y a ajouté cinq millions de dollars pour la formation des agents de police—par l'intermédiaire de la GRC—à Haïti. En outre, les ministères se déchargent d'un certain nombre d'autres frais sur le budget de l'aide.

Je ne dis pas que ces initiatives soient mauvaises en soi. Elles sont très bonnes, mais en ajoutant toutes ces dépenses au budget de l'aide, on crée les conditions propices à un échec dans ce domaine. On ne peut pas régler les problèmes de tout le monde à la fois. Nous avons besoin d'un programme mieux ciblé et si l'on continue à réduire le budget tout en ajoutant des responsabilités supplémentaires, la population ne saura plus très bien quel est l'objectif du programme d'aide et nous ne serons pas en mesure de réussir.

Le président: Monsieur Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

En tout premier lieu, je félicite la présidente et directrice générale du Conseil canadien pour la coopération internationale pour cet excellent rapport. J'ai deux ou trois commentaires à faire, puis je poserai des questions.

Je ne pense pas qu'il existe un lien étroit entre l'interdiction des mines terrestres antipersonnel et l'aide. Ce sont deux programmes différents. On se dirige bien sûr dans la bonne voie, dans les deux cas, et nous nous en réjouissons, mais il n'existe aucun lien étroit entre les deux.

J'ai un commentaire à faire au sujet d'un problème qui m'intrigue depuis un bon bout de temps; j'ignore d'ailleurs comment nos programmes d'aide vont pouvoir le résoudre. Il s'agit de l'aide accordée aux pays du tiers monde ou aux pays sous-développés par divers organismes, et plus particulièrement des cas où l'argent atterrit dans les poches des dictateurs corrompus qui dirigent certains de ces pays.

Même quand elle arrive à destination, l'aide peut avoir dans certains cas des effets néfastes à long terme. Elle crée un état de dépendance de la part des pays bénéficiaires, alors qu'elle n'est censée constituer qu'une solution à court terme. Si ces pays ont besoin de denrées alimentaires, de médicaments ou d'autres articles, nous les leur fournissons dans le cadre de cette aide, mais c'est une solution expéditive. Cette aide leur fournit les béquilles nécessaires pour se rendre du point A au point B au cours de la période concernée, mais elle ne les aide pas à devenir indépendants et autonomes. C'est un problème.

Deuxièmement, votre rapport ne fait nullement mention d'un étalon de mesure de l'efficacité de l'aide que nous envoyons. Je crois que l'ACDI et le secteur privé envoient de l'aide depuis pas mal de temps et nous n'en avons jamais évalué ni mesuré l'efficacité. Que recommanderiez-vous de faire ou quelles mesures faudrait-il prendre pour mesurer l'efficacité de cette aide sur telle ou telle période?

Je voudrais également connaître le montant annuel approximatif de l'aide accordée par le secteur privé. Quelle somme cela représente-t-il?

Mme Betty Plewes: Toujours à propos des mines terrestres, je signale que les pressions sont venues d'abord de personnes qui travaillaient pour des organisations non gouvernementales et d'autres programmes d'aide de gouvernement à gouvernement, qui ont vu surtout des femmes et des enfants perdre des membres et perdre la vie à cause de ces mines. La nécessité de les aider et de leur prodiguer des soins de longue durée constitue un lourd fardeau pour le système des soins de santé.

Il existe incontestablement un lien entre les deux, parce que le développement est impossible si la paix ne règne pas et si l'on n'a pas l'occasion de vaquer à ses occupations quotidiennes, de planter ses récoltes, de ramasser du bois et d'aller à l'école dans un climat de sécurité. Le nombre de mines terrestres disséminées dans diverses contrées du monde comme au Mozambique, en Angola et en Afghanistan, est considérable et le nombre d'enfants, de femmes et d'hommes qui perdent la vie à cause de ces mines est effarant. En fait, les exécutants qui appliquent les programmes d'aide directement sur le terrain ont dit qu'ils ne pouvaient pas faire grand-chose d'autre dans certaines de ces régions, tant que l'on n'arriverait pas à résoudre ce problème.

• 0940

Mon point de vue est donc différent du vôtre qui est qu'il n'existe aucun rapport entre l'aide et le traité international visant à interdire les mines terrestres.

Pour ce qui est de savoir si l'aide est efficace, si elle est envoyée à des dictateurs et distribuée à des personnes qui ne la méritent pas par un gouvernement corrompu, je crois que c'est vrai en partie. Pendant la guerre froide, nous avons pu constater que cette aide était en fait une arme utilisée par l'Union soviétique, les États-Unis et d'autres pays européens pour essayer de maintenir les citoyens dans un camp ou dans l'autre. C'est bel et bien ce qui s'est passé.

La guerre froide étant terminée, nous avons toutefois désormais l'occasion d'élaborer un programme d'aide axé réellement sur la pauvreté et l'amélioration du niveau de vie des populations. Nous connaissons ces dictateurs. Ce n'est pas un secret. Les ONG préconisent de destiner uniquement l'aide aux gouvernements qui respectent les droits de la personne et qui sont susceptibles d'être en mesure de l'utiliser pour le bien des populations locales.

L'aide n'est effectivement pas la solution à tout et elle constitue une solution à court terme, je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point, mais elle est extrêmement importante pour encourager les bénéficiaires à trouver d'eux-mêmes des solutions. Comme on a pu le constater un peu partout dans le monde, l'aide a notamment aidé les gens à créer de petites entreprises, à établir des établissements de micro-crédit, des centres de santé.

Nous souhaitons évidemment que l'économie de ces pays devienne entièrement fonctionnelle à longue échéance et que ceux-ci soient dotés des filets de sécurité sociale nécessaires, qu'ils puissent produire ce dont ils ont besoin et faire du commerce extérieur.

Nous n'en sommes pas encore là. À brève échéance, à l'échelle internationale, l'aide est un des rares outils que nous ayons à notre disposition pour pouvoir lutter directement contre la pauvreté. Cette aide peut certes créer un état de dépendance, mais nous avons maintenant 35 ans d'expérience dans ce domaine. Nous avons une très bonne idée des moyens qui sont efficaces et de ceux qui ne le sont pas. Comme vous l'avez si bien dit, quand on instaure un programme nettement axé sur l'allégement de la pauvreté, il faut mettre en place les indicateurs correspondants.

Il en existe. Combien d'enfants vont à l'école, par exemple? Quel est le pourcentage de la population qui a accès à de l'eau saine? Combien de personnes souffrent de malnutrition? Combien de personnes n'ont pas un régime alimentaire adéquat? Combien ont un logement décent? Il existe des indicateurs pour tous ces éléments.

Le Comité d'appui au développement des pays membres de l'OCDE a fixé une série d'objectifs pour les 10 ou 15 prochaines années en matière d'éducation et de santé. Il faut les élaborer davantage.

Par conséquent, c'est tout à fait possible. Je reconnais que certains des problèmes que vous avez cités existent bel et bien, mais nous avons suffisamment de connaissances à l'heure actuelle pour savoir comment régler certains d'entre eux.

L'intensification du dialogue et des discussions avec la population dans ces domaines est une autre chose importante. À ce propos, j'estime que les parlementaires ont énormément à apprendre de leurs électeurs. Par exemple, un grand nombre de vos électeurs ont acquis une certaine expérience dans des projets de développement internationaux—ils ont voyagé, eux ou leurs amis—et ils ont des doutes sur l'efficacité de l'aide. Ceux et celles qui ont été en mesure de constater les possibilités qu'offre une aide bien ciblée ont toutefois la responsabilité d'aborder ces questions publiquement, d'une façon plus structurée et plus cohérente.

Je vais demander à Brian de répondre à la question sur l'investissement privé.

M. Brian Tomlinson (analyste principal en matière de politiques, Conseil canadien pour la coopération internationale): Il n'existe pas de chiffres précis concernant la quantité de ressources transférées par le secteur privé au développement international, mais il existe divers moyens de le savoir.

Dans le contexte du programme d'aide, le secteur privé participe effectivement à la mise en oeuvre de bien des projets exécutés par l'ACDI et par des organismes d'aide multilatérale dans les pays en développement. En ce qui concerne le Canada, l'aide bilatérale de pays à pays se chiffre à environ 600 milliards de dollars par an. Une partie de cette aide est dispensée directement par le gouvernement canadien, avec le concours de ses homologues étrangers, mais une proportion de plus en plus forte de l'aide est mise en oeuvre par des organisations non gouvernementales, comme nos membres, et par des entreprises privées canadiennes.

• 0945

Il existe également à l'ACDI un fonds spécial, dénommé Programme de coopération industrielle, relevant de la Direction générale du partenariat, qui dispose de 60 à 65 millions de dollars par an pour faciliter la participation du secteur privé aux programmes de développement.

Je pense que certains progrès ont été réalisés à l'ACDI sur le plan de la politique. Tout récemment, l'ACDI a préparé un document d'orientation sur le rôle du secteur privé dans le développement international.

Une des préoccupations des ONG internationales axées sur le développement est de s'assurer que les ressources transférées par le secteur privé encouragent le développement social et qu'elles ne servent pas uniquement à promouvoir les intérêts légitimes de ce secteur en matière d'expansion de l'investissement et du commerce; j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'intérêts parfaitement légitimes et que ce sont des rôles que le Canada doit jouer à l'échelle internationale. Certains d'entre nous se sont demandé, et continuent de se demander, s'il convient de fournir les ressources nécessaires pour leur faciliter la tâche dans ce domaine, dans le cadre de notre programme d'aide.

Le président: Vous pourriez toutefois nous dire quel est le montant transféré par les organisations que vous représentez. Je crois que c'est un chiffre très intéressant à connaître. On devrait savoir par exemple si OXFAM donne cinq millions de dollars alors que cet organisme donnait généralement deux millions de dollars. Il faudrait que nous sachions ce que cela représente au total.

Personne ne peut-il nous dire quel est le montant global de l'aide transféré par les Canadiens, que ce soit par l'intermédiaire des ONG ou du gouvernement? Ne pouvez-vous pas nous citer un chiffre? Je crois que c'est important pour nous.

M. Brian Tomlinson: Oui. Je parlais du secteur privé seulement.

Le président: Non, il s'agit de l'aide privée. C'était l'objet de la question de M. Grewal.

M. Brian Tomlinson: Pardon. J'avais mal compris.

Le président: Il voulait savoir combien les Canadiens donnent au total.

M. Brian Tomlinson: Il existe certains chiffres. Il est difficile de réunir des statistiques à ce sujet, mais le gouvernement du Canada en fournit chaque année au Comité d'aide au développement de l'OCDE. Ce qui est intéressant, c'est de savoir que le montant a augmenté d'environ 20 p. 100 depuis 1992. Le dernier chiffre fourni, pour l'année 1995, est d'environ 390 millions de dollars canadiens, alors que le montant était d'environ 325 millions de dollars en 1992.

Je me demande si cela englobe tout. Le Centre canadien pour la philanthropie et plusieurs organismes de bienfaisance du Canada ont fait diverses estimations qui sont légèrement supérieures à cela, mais cela indique à mon avis que la générosité des Canadiens se maintient et même qu'elle augmente, au cours d'une période où les budgets ont été réduits dans le secteur gouvernemental.

Le président: Merci beaucoup.

M. Gurmant Grewal: À ce propos, pourrions-nous demander très brièvement...

Le président: Très brièvement; il reste encore beaucoup de noms sur la liste.

M. Gurmant Grewal: ... à la présidente et directrice générale du CCCI de déposer un rapport nous indiquant les lignes directrices qui servent à évaluer l'efficacité de ces comités, et en particulier les résultats des vérifications faites éventuellement après l'octroi de l'aide, ainsi que le taux de réussite par rapport aux objectifs initiaux? Quelles sont les lignes directrices, s'il en existe?

Mme Betty Plewes: L'agence, c'est-à-dire l'ACDI, a tout un système d'évaluation. Nous pourrions peut-être vous communiquer certaines de ces lignes directrices.

Le président: Le vérificateur général viendra également témoigner. Dans le cadre de l'étude du Budget des dépenses, nous examinons le budget de l'ACDI. Comme vous le savez, le vérificateur général examine les programmes d'aide. Si cela vous intéresse, nous pourrions étudier la question plus à fond, parce que je crois que cela représente un aspect important de notre tâche.

Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Merci.

Je crois que l'un des problèmes qui se posent auprès des Canadiens en ce qui concerne l'aide extérieure, c'est que l'on nous a fait une mauvaise réputation il y a un certain nombre d'années à propos d'une série de mégaprojets inutilement coûteux. Cependant, en matière d'aide extérieure, nous faisons plus avec moins d'argent. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas besoin de plus d'argent et que nous ne pouvons pas... Nous avons beaucoup appris. Par conséquent, je crois que les relations publiques représentent un gros problème pour notre service responsable de l'aide extérieure.

Je voudrais savoir si, quand vous parlez d'aide canadienne, vous pensez à la SEE ou à l'ACDI, par exemple? Plusieurs services différents de l'ACDI interviennent dans tous ces projets. Je sais qu'au Japon, on consacre beaucoup d'argent à la construction de ponts et de routes, et je me demande si l'on peut vraiment considérer cela comme de l'aide extérieure.

• 0950

L'autre question concerne la réduction ou la remise de dette à la Banque mondiale. Je voudrais savoir comment cela aide les pauvres. Je ne suis pas contre le principe, mais il me semble que l'on a la fausse impression que l'argent abonde dans les pays du tiers monde et que la corruption y règne. Les pauvres ne paient pas d'impôts et par conséquent je ne sais pas très bien comment cela fonctionne. A-t-on accordé des remises de dette sélectives, en fonction du respect des droits de la personne dans les pays concernés?

Nous allons vous proposer un système de réciprocité. À propos d'aide dans le secteur privé, j'ai pu constater personnellement que les gens d'affaires ne se prennent pas pour des travailleurs sociaux. Quand on envisage d'envoyer de l'aide pour favoriser le développement économique dans ces pays du tiers monde, dans l'intérêt des entreprises canadiennes, il n'est pas question d'y envoyer des travailleurs sociaux pour améliorer le sort des habitants sur le plan des droits de la personne. Il faudra peut-être adopter un système de réciprocité assujettissant l'octroi des fonds destinés au développement économique à des conditions assez strictes. Je ne citerai pas de noms d'entreprises mais j'ai lu que pendant que le Canada appliquait une politique d'embargo en Birmanie, c'est-à-dire une politique d'interdiction des échanges commerciaux, certaines entreprises canadiennes qui reçoivent des subventions et de l'aide au développement extérieur vendaient leurs produits en Birmanie et ailleurs, par l'intermédiaire d'un autre pays.

C'est plutôt un exposé que je viens de faire, mais je voudrais que vous me disiez comment on pourrait éventuellement trouver des solutions à ces problèmes. D'une part, nous souhaitons développer le commerce mais d'autre part, il ne faut pas faire semblant que nous le faisons pour promouvoir les droits de la personne.

M. Brian Tomlinson: Je commencerai par la question de la définition de certains termes que vous avez abordée au début de votre intervention.

Sachez tout d'abord qu'il existe une définition officielle de la notion d'«aide publique au développement», établie par le Comité d'aide au développement de l'OCDE. Les chiffres que nous citons dans notre rapport—et ceux que le gouvernement utilise généralement à propos de son programme d'aide—sont conformes à cette définition, comme toutes les activités des pays de l'OCDE.

Par exemple, dans son enveloppe de l'aide internationale, le Canada englobe l'aide aux pays d'Europe de l'Est et à ceux de l'ex-Union soviétique. Une bonne partie de cette aide ne fait pas partie de l'aide publique au développement en raison du niveau de revenu par habitant dans la plupart de ces pays. Certains cas sont donc exclus par définition.

Le budget de l'aide est composé en gros de ce dont nous parlions il y a quelques minutes: l'aide internationale ou l'argent qu'un pays donne par des voies multilatérales; l'aide de pays à pays et l'argent qui est transféré au secteur bénévole par l'intermédiaire des organisations non gouvernementales. De plus, il est permis d'inclure certains frais théoriques. Par exemple, le Canada fournit des installations aux étudiants des pays du Sud qui viennent faire leurs études au Canada et nous sommes autorisés à évaluer ce coût et à l'ajouter à notre budget de l'aide comme faisant partie de notre programme d'aide.

Dernièrement, le gouvernement du Canada a commencé à y inclure l'argent qu'il s'engage à donner pour les réfugiés au cours de leur première année de séjour au Canada, décision dont nous avons mis en doute le bien-fondé. Par conséquent, les sommes consacrées aux cours de langue et autres programmes analogues, qui se chiffrent à environ 125 ou 150 millions de dollars, sont incluses dans l'aide publique au développement du Canada depuis 1994. Le règlement de l'OCDE le permet, et certains pays le font, d'autres pas. Jusqu'en 1994, le Canada ne le faisait pas. Nous retranchons habituellement ces sommes du montant total du programme d'aide canadien. Cela ne veut pas dire que ces programmes ne sont pas utiles en soi, mais il est important de tenir compte du fait que ces sommes ont été ajoutées au budget lorsqu'on veut comparer les chiffres à ceux qui correspondent aux années antérieures à 1994.

• 0955

En ce qui concerne la réduction des dettes, c'est une ressource très précieuse pour les pays bénéficiaires. Ce sont souvent les pays les plus pauvres d'Afrique qui en bénéficient, et l'économie que cela représente peut être entièrement investie dans des programmes sociaux. Vous vous souvenez peut-être qu'au Sommet sur le développement social qui a eu lieu à Copenhague, il y a deux ou trois ans, l'UNICEF avait fait une proposition, une proposition 20-20. En vertu de cette proposition, les pays en développement bénéficiaires devaient s'engager à investir 20 p. 100 de leurs ressources budgétaires dans des programmes sociaux, dans les soins de santé primaires, dans la santé publique, dans l'éducation publique, dans l'hygiène et dans des projets d'habitation...

Mme Colleen Beaumier: Et comment vérifie-t-on la manière dont cet argent est dépensé? Le fait-on?

M. Brian Tomlinson: Laissez-moi terminer. En contrepartie, les pays développés devaient s'engager à investir, quant à eux, 20 p. 100 des ressources qu'ils consacrent à l'aide dans des programmes analogues.

Certains pays, comme l'Ouganda, sont parmi les plus pauvres d'Afrique. Alors que la plupart de ces pays font des investissements importants dans le secteur social, ils versent des sommes colossales—30, 40, voire 50 p. 100 de leurs ressources gouvernementales, des ressources disponibles—aux organismes multilatéraux et aux banques privées qui sont leurs créanciers. L'allégement de la dette de ces pays libérera les ressources nécessaires pour leur permettre d'investir.

L'initiative multilatérale concernant l'endettement dont nous avons parlé plus tôt est assortie de certaines conditions. En fait, les ONG craignent que l'allégement de la dette soit lié à un trop grand nombre de conditions. Les pays concernés doivent procéder à ce que l'on appelle un ajustement structurel et je suis certain que vous en avez tous entendu parler. Il s'agit essentiellement d'une réorganisation radicale des finances publiques et des tarifs douaniers ainsi que des restrictions en matière d'investissement qu'un pays peut imposer sur les ressources venant de l'extérieur.

Ces restrictions ont notamment diminué le rôle de l'État, en raison des compressions importantes qui ont été faites dans la fonction publique. Des coupures importantes ont été faites dans le domaine de la santé publique et de l'éducation.

Il s'agit par conséquent d'une initiative contradictoire. On s'attend à ce que l'État investisse 20 p. 100 de ses ressources dans ces programmes tout en tenant à lui imposer, pour alléger sa dette, des conditions qui réduiront davantage sa capacité de faire cet investissement.

Il faut que les conditions soient raisonnables. Il faut s'assurer qu'un État ne manque pas ouvertement aux obligations qu'il a envers ses citoyens en matière de droits de la personne. Il faut s'assurer que les citoyens soient autorisés à s'organiser. Dans bien des pays, l'instruction publique est organisée au niveau régional et n'est pas une obligation de l'État fédéral. En Inde, par exemple, il existe un programme d'éducation très original, qui consiste en une série de programmes d'éducation locaux, appliqués par les gouvernements municipaux et régionaux. Le gouvernement fédéral se contente d'établir l'infrastructure et les ressources sont orientées directement à ce niveau.

Par conséquent, il existe de nombreuses façons d'exercer une surveillance directe, notamment en établissant des points de repère, mais aussi du fait même d'un certain engagement, du fait même que ces pays connaissent effectivement un certain développement social.

Le président: C'est utile.

Monsieur Reed, puis madame Debien.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis un peu perdu parce que je n'ai pas eu l'occasion de lire ce rapport. J'ai donc l'impression d'avoir un certain handicap.

Le Conseil canadien pour la coopération internationale ne représente manifestement pas toutes les ONG du Canada. Savez-vous combien d'ONG n'en font pas partie?

Mme Betty Plewes: Nous représentons 100 ONG dont les activités sont axées sur le développement international. Nous représentons pour ainsi dire toutes les plus importantes.

Il existe un certain nombre de petits groupes qui font de l'aide internationale et que nous ne représentons pas; c'est probablement notamment dû au fait qu'ils n'ont pas l'impression de participer à un effort national. Ces groupes sont généralement composés de deux ou trois personnes, qui sont dans certains cas originaires du même pays, et qui veulent récolter de l'argent pour aider leur région, leur village ou leurs compatriotes. Il existe également d'autres petits groupes qui se mettent à offrir un service bien particulier.

M. Julian Reed: Je pense notamment à un groupe relativement important dénommé SHARE, qui est originaire de la circonscription que je représentais au cours de mon mandat précédent. Il est très actif dans les Caraïbes et en Amérique centrale. J'essaie de savoir quelle proportion de cette aide non officielle va...

Mme Betty Plewes: Nous avons essayé de travailler avec Statistique Canada pour qu'il se mette à établir des statistiques à ce sujet, parce que nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour faire un travail d'envergure dans ce domaine. Par ailleurs, encore tout récemment, il existait des conseils provinciaux et SHARE est membre du Conseil ontarien pour la coopération internationale.

Le président: Des représentants de ces groupes se rendent sur place pour fournir certains services pendant six mois. Nous n'arrivons même pas à mettre la main sur des statistiques sur le secteur tertiaire, à plus forte raison sur ce genre de services. Par conséquent, je comprends votre sentiment de frustration.

M. Julian Reed: Je voudrais vous parler de ce que je considère comme un manque de cohérence.

Vous avez parlé du projet de barrage des Trois Gorges, en Chine, et du déménagement de plusieurs millions de personnes. En fait, d'après Probe International et d'après David Suzuki, un million de personnes seront déplacées. Pour mettre les choses en perspective, savez-vous combien de personnes seraient déplacées rien qu'en Chine si le niveau d'eau des océans s'élevait d'un mètre à cause du réchauffement de la planète? La réponse est 95 millions.

Je vous demande également—et vous ne connaissez pas la réponse—combien de personnes sont déplacées chaque jour, parce qu'elles tombent à court de bois de chauffage et doivent se déplacer pour se procurer ce combustible qui se fait de plus en plus rare.

Les projets hydroélectriques de cette envergure ont très mauvaise presse à cause de certaines conditions locales notamment. Je crois qu'il s'est passé la même chose en Ontario lorsque la Voie maritime du Saint-Laurent a été construite et que certaines personnes ont dû être déplacées.

À mon avis, lorsque nous évaluons la situation et que nous sommes préoccupés par l'avenir de notre milieu naturel—lorsqu'on se demande si le réchauffement de la planète a effectivement de l'importance et s'il est bel et bien réel—, il me semble que certains de ces projets auront des retombées bénéfiques à très long terme, qu'ils augmenteront le bien-être de la population de ce pays, notamment des quelque 800 millions de personnes qui vont se coucher tous les soirs le ventre creux.

Mme Betty Plewes: La question que vous posez au sujet des bénéficiaires et des répercussions à long terme de certains de ces projets est tout à fait pertinente. Ce que nous voulons dire, c'est que les populations concernées doivent avoir leur mot à dire dans ce genre de décisions. Celles-ci ne devraient pas être prises en haut lieu, puis imposées à la population lorsqu'elles ont des répercussions aussi importantes.

L'autre fait que nous soulignons, c'est que la Banque mondiale et l'ACDI ont décidé de ne pas participer au projet de barrage des Trois Gorges, mais que malgré cela, par le biais d'une autre série de politiques, les Canadiens ont décidé d'appuyer ce projet. Une certaine cohérence est par conséquent nécessaire.

Il existe d'autres cas analogues. Le rapport cite le cas de la Suisse, qui a vendu des avions qui sont utilisés pour bombarder les camps de réfugiés en Birmanie, alors que certains de ces appareils ont été construits grâce à l'aide financière suisse. Les cas où l'on prend une certaine initiative d'une part, en se fixant tel ou tel objectif, et où l'on s'adonne par ailleurs à toutes sortes d'activités dont les objectifs sont contradictoires, abondent. Il convient de savoir ce qu'il en est. Il convient de tenir des débats publics éclairés sur ces questions, comme nous le faisons, et de faire un choix. La plupart des choix que l'on fait sont des compromis. On ne peut pas dire que telle initiative est bonne et que l'autre est mauvaise. À notre avis, le tout est de savoir ce qui favorise la suppression de la pauvreté et relève globalement le niveau de vie.

Le président: Merci.

[Français]

Je m'excuse, mais comme Mme Guay a déjà eu la parole, peut-être pourrions-nous entendre M. Robinson. Nous vous reviendrons plus tard, Madame Guay.

[Traduction]

Monsieur Robinson.

• 1005

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président. Je tiens, moi aussi, à remercier Mme Plewes et M. Tomlinson, du CCCI, d'être revenus témoigner. J'ai eu l'honneur d'entendre les représentants de cet organisme à plusieurs reprises et j'apprécie beaucoup le plaidoyer très éloquent que vous avez fait en faveur de la nécessité pour le Canada de renforcer sa position en matière d'aide internationale.

À propos du barrage des Trois Gorges, qui représente une catastrophe tant sur le plan écologique que sur le plan humain, je tiens à signaler que ce n'est pas seulement mon opinion personnelle mais que l'actuelle ministre de l'Environnement, Christine Stewart, lorsqu'elle était dans l'opposition, a fait valoir exactement les mêmes arguments, avec beaucoup d'éloquence d'ailleurs, contre toute participation gouvernementale, y compris celle de la SEE, à ce projet. Par conséquent, le fait que notre position est cohérente mérite d'être signalé.

J'ai deux ou trois questions à poser, puis je demanderai son avis au président. Vous avez parlé dans votre rapport de la proportion de l'APD canadienne qui est consacrée à la satisfaction des besoins humains fondamentaux, et il en est également question dans Bilan de l'aide 1997. Au lieu de demander des précisions à ce sujet immédiatement, nous pourrions peut-être vous prier de nous faire parvenir, pour le distribuer entre nous, le travail que vous avez fait qui donne la ventilation précise des fonds consacrés à cette fin.

Je sais que la question fait l'objet de nombreuses discussions dans votre milieu et les chiffres du gouvernement sont parfois passablement différents de ceux des ONG à cet égard. Je vous demanderais donc de nous faire parvenir vos chiffres et vos tableaux indiquant la répartition des fonds. Je crois que cela nous aiderait à voir dans quel sens il faut agir.

Le président: À ce propos, si par hasard vous aviez en outre des chiffres comparatifs concernant les organismes multilatéraux et autres organisations, j'estime que cela serait utile également. C'est une chose qui nous a donné beaucoup de fil à retordre au cours de l'examen de la politique étrangère que nous avons fait il y a deux ans; je crois d'ailleurs que vous étiez venus témoigner à cette occasion.

M. Svend J. Robinson: Par conséquent, si vous pouviez nous fournir ces renseignements, cela nous serait utile.

J'ai deux ou trois questions à vous poser. Que pensez-vous de toute cette question—à laquelle M. Tomlinson a fait allusion dans le chapitre de Bilan de l'aide qu'il a rédigé—du mutisme du Canada à propos des graves atteintes aux droits de la personne, au cours de la visite d'Équipe Canada à laquelle vous avez fait allusion par exemple, et du fait que les droits de la personne et les droits des travailleurs ne soient pas du tout à l'ordre du jour du prochain sommet de l'APEC, que l'on n'y accorde qu'une place mineure à la question de l'environnement et qu'il n'existe pas de tribune de consultation à l'APEC, même s'il existe un conseil commercial très actif?

Je me demande si vous avez certaines recommandations à nous faire et, partant, au gouvernement, quant aux possibilités qu'a le Canada de jouer un rôle plus efficace, plus constructif et plus positif dans la dénonciation des atteintes aux droits de la personne, pour soutenir les groupes qui travaillent sur le terrain dans des pays comme l'Indonésie et la Chine—qui ont effectivement très peu de latitude—qui luttent avec l'énergie du désespoir pour améliorer les conditions qui existent dans ces pays à cet égard. Que devrait faire le Canada outre la promotion du commerce et de l'investissement? L'un n'exclut pas nécessairement l'autre. J'aimerais que les témoins me disent comment le Canada pourrait jouer un rôle plus positif et plus constructif.

Nous voudrions évidemment que le Canada se prononce et agisse de façon plus vigoureuse dans les tribunes multilatérales comme les Nations unies, au lieu de s'abstenir de voter sur les résolutions concernant la Chine, par exemple. Comment le Canada peut-il toutefois jouer un rôle plus efficace quand on organise des missions à l'étranger comme celles d'Équipe Canada?

Ma dernière question concerne le niveau d'aide. Les membres du CCCI savent peut-être que j'ai posé à la Chambre une question à propos de la réduction de 150 millions de dollars prévue pour 1998-1999; la tendance qui se dessine est effectivement très inquiétante. Paul Martin a peut-être déclaré victoire dans la lutte contre le déficit, mais parmi ceux et celles qui ont payé la note, se trouvent certains des citoyens les plus démunis du monde.

Je voudrais que la présidence nous donne son avis. J'espère que notre comité sera en mesure de transmettre un message à ce sujet au gouvernement, et je me demande quand nous pourrions examiner une motion exhortant le gouvernement à reconsidérer la réduction de 150 millions de dollars qui est prévue; je voudrais que le président me le dise.

Je ne sais pas si c'est le moment ou s'il...

• 1010

Le président: Je recommande vivement d'attendre d'avoir entendu ces témoignages ainsi que quelques témoignages supplémentaires. Comme je l'ai dit à la réunion de notre comité directeur, la question de l'aide est extrêmement complexe et elle est difficile à démêler; nous faisons tous notre possible. Je suis certain que tous mes collègues seraient disposés à examiner une résolution mais je crois qu'il est un peu trop tôt pour l'instant.

M. Svend J. Robinson: Bien, mais je tiens à vous avertir que je compte bientôt proposer, à une autre séance, que notre comité exhorte le gouvernement à reconsidérer les compressions prévues. Peut-être que les témoins, les questions qui...

Le président: Il serait peut-être bon d'attendre d'avoir entendu le témoignage du ministre sur le budget des dépenses, parce que ce sera pour nous l'occasion d'examiner ce genre de problème de façon approfondie. Vous pourriez peut-être attendre ce moment-là.

M. Svend J. Robinson: Certainement.

Mme Betty Plewes: En ce qui concerne la possibilité pour le Canada de jouer un rôle plus actif dans la promotion des droits de la personne, comme vous le savez, notre pays a effectivement joué un rôle de chef de file dans un certain nombre de domaines. Nous avons déjà parlé des mines antipersonnel et nous tenons à féliciter le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères pour ce qu'ils ont fait dans ce domaine. Nous sommes également très satisfaits des initiatives qui ont été prises dans certaines tribunes internationales en ce qui concerne les enfants, le travail des enfants et leur exploitation sexuelle.

Le Canada pourrait faire un certain nombre de choses. En ce qui concerne l'APEC, nous espérions beaucoup que le gouvernement serait en mesure de soutenir de diverses façons la participation des organismes civils, par l'intermédiaire des ONG, à l'occasion de l'assemblée qui s'est tenue ici au Canada. Nous pensions qu'étant donné que le gouvernement du Canada avait formé toutes sortes de partenariats avec des organismes civils, ce serait pour nous l'endroit rêvé de démontrer l'importance de ce genre de partenariat. En gros, cela n'a pas été possible, mais nous estimons que le Canada devrait préconiser la participation des sociétés civiles à la plupart des activités de l'APEC. Ce serait déjà une chose.

Pour parler d'un de vos anciens collègues, je signale que lorsque M. Broadbent était au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, il avait amorcé une initiative très importante concernant le commerce et les droits de la personne. Il s'agissait d'une discussion avec les milieux d'affaires pour voir ce qu'ils pouvaient faire au sujet des atteintes aux droits de la personne. C'était un premier pas important, car le gouvernement peut faire preuve de leadership dans ce domaine à mon avis. Nous pouvons adopter des prises de position vigoureuses dans les tribunes internationales, mais un mouvement général en faveur de la promotion des droits de la personne est nécessaire de la part des organismes civils et du secteur privé. Je crois donc que cette initiative pourrait être poursuivie et appuyée.

Nous voudrions que le Canada continue à consulter les organismes de défense des droits de la personne au Canada et à l'étranger au sujet de l'élaboration de stratégies. Comme vous le savez, chaque cas appelle une solution particulière. Le Canada pourrait soutenir les efforts qui sont faits dans ce domaine de diverses façons et il est nécessaire d'élaborer des stratégies à mesure que les événements se produisent.

La position adoptée par le Commonwealth à propos du Nigeria nous a déçus. Le Canada a commencé par adopter une position très ferme, mais il attend toujours de voir ce qui se passera.

Comme vous le savez, le Canada a fait preuve de fermeté en ce qui concerne l'Afrique du Sud et nous avons gagné. Ce ne sont pas des pertes à longue échéance. À la longue, cela devient productif pour nous, à divers égards. C'est bénéfique pour nos intérêts nationaux et par conséquent il s'agit, à mon avis, de faire preuve d'un peu plus de courage et de faire connaître nos opinions.

Nous voudrions que le premier ministre insiste vigoureusement sur le côté humanitaire de la politique extérieure canadienne. Il a joué un rôle très important dans le domaine du commerce et de l'investissement, et cela a été payant. Nous voudrions qu'il mette autant l'accent sur l'aspect humanitaire. En fait, nous avons suggéré à plusieurs reprises que Équipe Canada soit davantage qu'un partenariat entre les chefs d'entreprise et les dirigeants politiques de notre pays. Équipe Canada devrait inclure des représentants des sociétés civiles, car elles ont de nombreux liens avec des groupes écologiques, des organismes de défense des droits de la personne, des groupes de femmes d'Asie et d'Amérique latine. S'il est vrai que certaines personnes ont été invitées à participer aux activités d'Équipe Canada, nous voudrions que celle-ci représente en fait tout l'éventail des relations internationales que nous avons avec les pays du Sud.

Par conséquent, nous estimons que le Canada pourrait renforcer sa performance dans ce domaine par divers moyens.

M. Svend J. Robinson: Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Brison.

• 1015

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci.

Nous reconnaissons que, d'une manière générale, le rôle ou le pouvoir de l'État-nation s'est affaibli pour ce qui est de provoquer des changements, et le pouvoir des ONG et des entreprises s'est accru en conséquence. Ainsi, le Sommet de Rio a été possible en grande partie grâce à l'action des ONG. Il en est de même en ce qui concerne le traité sur les mines antipersonnel.

Autrefois, la politique extérieure et la défense des droits de la personne étaient intimement liées au Canada mais ces liens se sont relâchés depuis 1993. Les Canadiens se préoccupent toujours de la question. En fait, les consommateurs s'y intéressent suffisamment pour exiger des produits fabriqués dans des conditions moralement acceptables. C'est une tendance de plus en plus marquée chez les consommateurs.

Vous avez parfaitement raison d'affirmer que le gouvernement peut jouer un rôle de chef de file par le biais d'un certain engagement de la part des entreprises privées, si nous leur démontrons qu'il est important d'aider les pays en développement, et que cela sert en fin de compte leurs intérêts personnels.

Ma première question est la suivante. Les investissements de la SEE ne sont assujettis à aucun critère en matière de respect des droits de la personne—je n'en ai jamais entendu parler au cours des contacts que j'ai eus avec la SEE. Sinon, nous n'investirions pas dans le projet des Trois Gorges ni dans les réacteurs CANDU. Étant donné que, sous la direction de M. Wolfensohn, la Banque mondiale prend des engagements plus fermes en matière d'aide aux pays en développement, je crois que la SEE devrait se fixer certains critères dans ce domaine. J'apprécierais vos commentaires à ce sujet.

Voici ma deuxième question. On se demande si l'on a eu recours ou non à l'aide pour promouvoir le commerce dans l'intérêt des entreprises canadiennes. Si nous sommes d'accord sur le fait que ce n'est pas un usage légitime de l'aide, il faut toutefois reconnaître que les échanges commerciaux peuvent être extrêmement utiles pour améliorer le sort des citoyens des pays en développement.

Existe-t-il une série de critères ou d'outils qui, d'après vous, représentent les meilleurs investissements possibles, en matière d'infrastructure sociale, et qui servent à permettre à ces pays d'avoir accès à l'économie mondiale et aux possibilités d'échanges qui en découlent? Si l'on veut créer des richesses dans ces pays, ce sera nécessairement par l'intermédiaire des échanges commerciaux.

Le micro-crédit est un excellent exemple d'instrument qui peut servir à améliorer le sort des pays en développement. Il peut en fait servir à améliorer les conditions de vie des habitants des régions pauvres du Canada.

Ce n'est toutefois qu'un instrument parmi tant d'autres. J'aimerais beaucoup voir une liste d'outils et obtenir des renseignements sur les divers types d'outils dans lesquels nous pouvons investir en toute confiance pour qu'ils facilitent l'accès à certains leviers économiques qui ouvrent la porte sur les marchés mondiaux.

Merci.

Mme Betty Plewes: Il semble effectivement que la SEE n'ait aucun critère en matière de droits de la personne mais peut-être que l'un ou l'une d'entre vous en sait plus que moi à ce sujet, la présidente peut-être. Le ministère des Affaires étrangères fait un examen annuel sur le respect des droits de la personne dans tous les ministères fédéraux. Ce serait donc peut-être une occasion d'appliquer de tels critères.

Il est toutefois vrai par ailleurs que dans le secteur privé, il est de plus en plus question de codes de déontologie. Un de nos membres, Développement et paix, a collaboré directement avec Nike and Levi Strauss pour promouvoir des conditions de travail justes. Nous voudrions entre autres choses que les ONG assument la surveillance et l'évaluation de ces codes en toute indépendance. S'ils sont administrés par l'entreprise elle-même, ils ne sont pas aussi publics ni aussi transparents qu'ils pourraient l'être.

Vous avez parlé du libre-choix et du pouvoir qu'ont les consommateurs de faire affaire avec des compagnies qui ont des principes; je crois que cette tendance est de plus en plus marquée et qu'elle s'accentuera encore d'ici quelques années. Cette évolution nous porte à croire que, comme vous l'avez signalé, le commerce peut offrir des options supplémentaires aux pauvres, dans certaines circonstances. Il faut toutefois qu'il s'agisse de pratiques commerciales équitables.

Pour le moment, ce ne sont pas les pays du Sud, mais ceux du Nord qui fixent les règles du jeu dans ce domaine. De nouveaux instruments comme l'Accord multilatéral sur l'investissement vont désavantager beaucoup les pays pauvres. On ne peut pas forcer ceux-ci à ouvrir leur marché avant que leur économie ne soit en mesure d'être concurrentielle à l'échelle internationale.

• 1020

M. Scott Brison: L'AMI ne s'applique qu'aux pays de l'OCDE pour l'instant. Les pays pauvres peuvent y adhérer, mais il ne s'applique pas à eux et par conséquent il n'aurait aucune incidence sur ces pays.

Mme Betty Plewes: Non, mais c'est également évident dans les ententes conclues par l'Organisation mondiale du commerce. Les pays en développement ne sont pas intégrés à l'économie mondiale sur un pied d'égalité.

As-tu quelque chose à ajouter?

M. Brian Tomlinson: D'après les témoignages, même ceux de l'OCDE sur les avantages que les pays africains pourraient retirer de la dernière ronde de négociations du GATT, les pays africains ne bénéficieraient pas de la libéralisation mondiale du commerce due au GATT. En fait, de nombreux pays vont en souffrir, surtout à cause de la libéralisation des échanges dans le secteur agricole.

Il est clair que le commerce extérieur est profitable pour un pays. Cela ne fait aucun doute. Le Canada est un pays commerçant. À notre époque, les échanges se font souvent par l'intermédiaire d'entreprises transnationales. Bien des pays du monde ont pénétré sur le marché mondial pour servir de plates-formes pour les exportations, car les entreprises transnationales y établissent des usines de transformation et produisent des biens manufacturés, ou des pièces de biens manufacturés qui sont intégrés à l'échelle mondiale et sont destinés au marché mondial.

Cela crée incontestablement de l'emploi dans ces pays, surtout pour les femmes—les jeunes femmes généralement—, mais pour de courtes périodes seulement, dans la plupart des cas. Ces travailleuses viennent généralement des régions rurales. Lorsqu'elles ne sont plus capables de continuer ou qu'elles doivent quitter les zones de production de produits d'exportation pour diverses raisons, elles retournent dans leur village, où il n'existe pas beaucoup d'emplois sur lesquels elles puissent se rabattre.

Le commerce dans le secteur agricole est principalement axé sur les denrées d'exportation. Je sais que vous vous êtes réunis il y a environ deux semaines pour discuter du problème de la sécurité d'approvisionnement en denrées alimentaires et de la nécessité d'un certain équilibre économique. Il faut non seulement produire des denrées alimentaires pour l'exportation, mais aussi pour la consommation intérieure. Si l'on axe ses systèmes de production uniquement sur le commerce extérieur, qu'il s'agisse de production de café ou de cacao, par exemple, cela peut affecter la santé et le bien-être des citoyens, et tout particulièrement des populations rurales qui n'ont pas accès à la terre ou dont une partie travaille dans les vastes domaines ruraux.

Il s'agit donc de problèmes complexes, qui ne sont pas du tout faciles à résoudre.

Un tout dernier commentaire. À la conférence du Commonwealth qui est en cours, les pays des Caraïbes sont très inquiets au sujet de la décision que l'OMC a prise au sujet des bananes, décision qui mettra pour ainsi dire un terme à l'importation des bananes des Caraïbes dans les pays de la Communauté européenne. Le Canada et un certain nombre d'autres pays du Commonwealth ont versé une contribution à un fonds pour la formation d'agents de commerce dans les pays des Caraïbes, afin de les aider à diversifier davantage leur économie pour leur permettre de faire face à cette décision.

Cette décision est également un exemple des activités de l'Organisation mondiale du commerce et les règlements qu'elle a instaurés peuvent désavantager certains des pays les plus démunis du monde, ce qui nous préoccupe.

Le président: Monsieur vous avez peut-être une toute petite question à poser. Il reste cinq noms sur la liste.

M. Scott Brison: Il faudrait également tenir compte du fait que l'aide directe peut en fait causer du tort au pays qui est censé en bénéficier, en gonflant son taux de change et en diminuant ses chances de profiter du commerce mondial, si l'on n'établit pas de critères visant à lui permettre d'avoir accès à certains leviers, comme une certaine infrastructure sociale. Par conséquent, il est nécessaire d'établir une série de critères pour pouvoir prendre des décisions judicieuses à propos des hausses recommandées.

Le président: Vous avez fait allusion à la situation des pays des Caraïbes. La décision de l'OMC sur l'accès des bananes aux marchés était-elle dirigée contre les dispositions de la Convention de Lomé?

M. Brian Tomlinson: Exactement.

Le président: Madame Augustine.

• 1025

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le président, je voudrais avant tout souhaiter la bienvenue à Betty et Brian.

Je vous remercie de ce que vous faites et notamment de faire en sorte que mes électeurs et électrices sachent de quoi il retourne au juste, car j'estime qu'il est souvent nécessaire de faire des relations publiques. Certains d'entre eux m'ont fait remarquer que l'on n'hésite pas à dépenser 500 000 $, alors qu'ils sont sans emploi et sans argent. Je crois qu'il faut mettre le grand public au courant.

Je reviens à la question des moyens de promouvoir l'élimination de la pauvreté. On a parlé de micro-crédit. On a parlé de sécurité alimentaire. On a parlé de population viable. La question de la population semble être au coeur de cette discussion.

Nous avons créé une association parlementaire par le biais de laquelle nous examinons le problème de la croissance démographique et du développement. Nous espérons nous concentrer sur toute une série de questions liées aux engagements pris par le Canada dans les tribunes internationales.

Je voudrais si possible que vous preniez deux ou trois minutes pour nous expliquer ce qui encourage l'élimination de la pauvreté et le rôle que joue l'aide dans le cadre des efforts qui sont faits pour améliorer quelque peu le sort des citoyens.

Le président: Excusez-moi. Je voudrais dire rapidement quelques mots à propos de la question de Mme Augustine. J'allais aborder le sujet tôt ou tard; vous pouvez donc attendre que j'aie fini ou nous pourrions... en tout cas, cela a un rapport avec la question de Mme Augustine.

Je me souviens que quand nous avons examiné la politique étrangère, j'ai posé une question sur le flux des échanges à un des témoins—et il s'agissait peut-être de vous. J'ai dit à cette occasion que le rapport du PNUD indique que notre aide se chiffre à 60 milliards de dollars par an. Il indique en outre que le fait que nos marchés soient fermés aux pays en développement leur fait perdre en réalité un montant à peu près égal. J'ai demandé si nous pourrions leur faciliter l'accès aux marchés et laisser tomber l'aide. Ne serait-ce pas préférable pour tout le monde? Quelqu'un a dit oui.

Depuis lors, c'est-à-dire depuis quelques années, nous avons plus que doublé les possibilités d'accès aux marchés occidentaux. Alors que le montant de l'aide se chiffrait à 55 milliards de dollars, nous avons ajouté 300 milliards de dollars d'investissement privé, qui n'existaient pas auparavant, et vous nous demandez encore d'accroître l'aide à 0,7 p. 100 du PNB, même si d'énormes changements se sont produits tant en ce qui concerne le flux de l'aide extérieure que le montant des investissements. Il me semble que Mme Augustine a mis le doigt sur le problème: c'est la croissance démographique.

Si la croissance démographique se poursuit au rythme actuel, nous serons tenus de maintenir l'aide indéfiniment. Pourtant, il n'est pas du tout question de la croissance démographique dans ce rapport, ni de son influence sur le problème de l'aide. Cela m'inquiète profondément. Au cours des cinq dernières années, depuis que le comité existe, des changements extrêmement importants se sont produits sur le plan de l'accès, quant à la façon dont nous faisons affaire dans le monde. Qu'il s'agisse de l'Ouganda ou de toutes sortes d'autres pays, leur accès aux marchés et l'investissement privé se sont améliorés de façon phénoménale. Je sais ce que vous voulez dire en déclarant que cela n'est pas vrai dans tous les cas, mais le changement est phénoménal.

À mon avis, s'il y a une question qui prédomine dans tout ce débat, c'est bien le rôle que joue la croissance démographique dans ce problème. C'est très important, à mon avis du moins. Je ne sais pas si c'est la même chose pour mes collègues.

Mme Betty Plewes: C'est une question importante, mais comme nous avons pu le constater au cours des 25 dernières années, les relations de cause à effet et l'interaction qui existent entre tous ces éléments est un phénomène très complexe. On ne peut pas dire qu'un facteur est l'élément déterminant. Il existe plusieurs facteurs clés.

Qu'est-ce qui est efficace pour réduire la pauvreté?

Je dirais tout d'abord qu'il faut que les gens soient en bonne santé, ce qui implique une possibilité d'approvisionnement en eau saine, l'accès à des produits alimentaires et des conditions de vie décentes. L'éducation est une autre nécessité. Un niveau minimum d'instruction est nécessaire. Nous avons pu constater l'incidence que l'éducation des femmes a sur leur santé et sur le bien-être de leurs enfants. Les documents qui ont été publiés à ce sujet regorgent d'exemples. Comme nous l'avons signalé plus tôt, les gens ont besoin d'avoir des possibilités de créer des entreprises et de se créer un emploi. Dans certaines régions, la micro-entreprise et le micro-crédit y ont précisément largement contribué.

Les citoyens ont besoin d'avoir la possibilité de participer pour mettre le doigt sur leurs problèmes personnels et y trouver des solutions. Par exemple, la création d'organisations de pauvres pour s'adapter à la réforme agraire est nécessaire. Il n'est pas possible de cultiver soi-même des denrées alimentaires si l'on n'a pas accès à la terre. Il faut que les intéressés puissent participer, qu'ils puissent choisir leurs méthodes et résoudre leurs problèmes eux-mêmes.

• 1030

D'autres facteurs entrent également en ligne de compte. M. Mahbub ul Haq, le créateur du Rapport sur le développement humain, était à Ottawa tout récemment, pour parler de l'Inde et du Pakistan. Pourquoi la pauvreté gagne-t-elle du terrain en Inde et au Pakistan? Si vous réfléchissez, vous constaterez que c'est en partie à cause de la proportion énorme du budget qui est consacrée à l'armée. Le commerce international d'armes engouffre une très grande partie des ressources et des vies humaines qui pourraient servir à résoudre les problèmes de pauvreté.

Nous savons que l'on n'arrivera pas à éliminer la pauvreté à brève échéance. Nous savons que cela doit se faire sur une longue période et qu'il faut pouvoir faire des plans à long terme. Nous savons également que l'aide n'est pas toujours consacrée à l'élimination de la pauvreté. Elle a contribué à servir les intérêts commerciaux et politiques des pays du Nord. Une des raisons pour lesquelles elle n'est pas efficace dans la lutte contre la pauvreté, c'est qu'elle n'a pas été envoyée dans le but d'essayer de résoudre ce problème.

Il faut être honnête avec soi-même et reconnaître ce que nous avons fait de notre aide. Il ne faut pas essayer de se leurrer et reconnaître que nos échanges commerciaux favorisent en fait le libre-échange ou—s'ils ne sont pas conformes aux normes de travail locales—qu'ils accentuent les problèmes écologiques et portent atteinte aux droits des femmes.

Je n'irais pas jusqu'à dire que nous avons une solution facile à vous proposer. Ce n'est pas le cas, mais nous estimons qu'il faut commencer par les trois prémisses de notre exposé, à savoir que la pauvreté est en recrudescence et qu'elle constitue toujours un problème majeur. L'aide est efficace lorsqu'elle est axée sur les pauvres et sur les résultats. L'aide doit faire partie d'un train de politiques axées sur l'élimination de la pauvreté mais qui visent également le commerce, l'environnement, la défense, l'agriculture ainsi que la réforme des institutions internationales, comme nous l'avons déjà signalé.

La question de la croissance démographique est difficile; c'est un problème, mais il faut essayer de le résoudre parallèlement à d'autres problèmes, dont celui de la sécurité et celui de l'accès aux soins de santé. Lorsque les populations auront accès aux soins de santé et que les femmes auront la possibilité d'avoir accès à des renseignements sur la procréation et la santé, elles réduiront la taille de leur famille de leur propre initiative. Il existe un lien très étroit entre l'éducation des femmes et la diminution du nombre d'enfants au sein de la famille. Il est vrai que la croissance démographique constitue un problème, mais qu'est-ce qui nous aidera à y mettre un frein? C'est l'élimination de la pauvreté.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Madame Debien, c'est enfin à vous.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Madame Plewes et monsieur Tomlinson, je vous souhaite la bienvenue.

Une courte observation pour commencer. Je suis entièrement d'accord sur le point de vue exprimé par Mme Beaumier tout à l'heure concernant les investissements privés. Je pense que ce n'est pas le propre des investisseurs privés, comme elle le disait, d'être des travailleurs sociaux. Ceci répond en partie, monsieur le président, à votre observation de départ. Cela n'élimine pas pour autant le problème démographique, j'en suis fort consciente.

D'autre part, je rejoins aussi l'intervention de M. Brison qui disait à propos des investissements qu'il devrait à tout le moins y avoir des critères pour déterminer les investissements de la SEE dans les pays où les droits de l'homme sont bafoués.

Je voudrais réitérer ici la position adoptée par le Bloc québécois, depuis quatre ans maintenant qu'il siège au Comité des affaires étrangères. Le gouvernement canadien devrait émettre un code de déontologie obligatoire à l'intention des entreprises canadiennes qui oeuvrent dans les pays où les droits de l'homme sont brimés et où les résultats de leurs investissements sont inexistants sur le plan de la satisfaction des besoins fondamentaux et de l'élimination de la pauvreté.

• 1035

C'était la position du Bloc québécois il y a quatre ans; elle est toujours la même.

La question que j'aimerais vous poser, madame Plewes, est celle-ci. Faisons l'hypothèse, l'heureuse hypothèse, que par grandeur d'âme—et ceci est un euphémisme, bien sûr—, le ministre des Finances déciderait, lors du prochain budget, d'éliminer le 7,3 p. 100 ou le 150 millions de dollars de réduction d'aide publique. Quels seraient les pays vers lesquels l'ACDI devrait orienter son aide si jamais cette coupure était éliminée du budget, bien sûr toujours en tenant compte des besoins humains fondamentaux et de l'élimination de la pauvreté? Quelle serait la priorité à se donner dans l'utilisation de cette somme qui serait mise à la disposition de l'ACDI?

[Traduction]

Mme Betty Plewes: Comme je l'ai déjà dit, le budget de l'aide devrait être ciblé sur l'élimination de la pauvreté. C'est en Afrique que les pays pauvres sont concentrés et que l'on fait moins d'investissements privés. En raison de l'apparition de groupes d'échanges commerciaux, comme l'APEC, l'ALENA, de l'extension de l'ALENA aux pays d'Amérique latine et des possibilités fantastiques d'investissement dans ces régions, l'Afrique a en fait été laissée de côté.

Le Canada s'est toujours intéressé à l'Afrique et a toujours eu un bon programme d'aide en ce qui la concerne; celui-ci s'est toutefois passablement rétréci au cours des dernières années. En fait, l'aide du Canada à l'Afrique a diminué plus rapidement que le budget global de l'aide. Par conséquent, nous souhaiterions que l'on accorde davantage d'attention à l'allégement de la dette de ces pays et aux besoins humains fondamentaux.

Le président: Merci. Madame Folco.

[Français]

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Je voudrais m'excuser de mon arrivée tardive. J'assistais à une autre réunion, ce qui m'a empêchée d'entendre votre présentation. Mais je connais très bien ce que nous nous appelons le CCCI pour avoir participé à plusieurs réunions avec eux à Montréal.

J'en arrive directement à ma question qui concerne les réfugiés là-bas. Depuis plusieurs années déjà, nous sommes témoins d'un nombre grandissant de personnes qui migrent ou émigrent, soit à l'intérieur de leur propre pays, soit vers d'autres pays, à cause de troubles politiques ou de changements climatiques dans leur propre pays.

Je sais qu'une partie de la politique concernant les réfugiés dans les pays occidentaux est évidemment de recevoir un certain nombre de ces réfugiés, mais aussi de faire en sorte que ces réfugiés puissent rentrer chez eux. Il y a tout d'abord le rapatriement des réfugiés dans leur propre village, mais une fois de retour dans leur village, il leur reste tout le travail de reconstruction de leurs relations sociales ainsi que de leurs relations économiques.

Ma question est la suivante. Chez les groupes que vous chapeautez, y a-t-il une politique qui traite spécifiquement de ce problème? Si oui, est-ce que vous avez des chiffres réels ou au moins des pourcentages de montants globaux se rapportant à cette politique, surtout dans les pays africains?

[Traduction]

Mme Betty Plewes: À ce propos, nous estimons également que le problème de la pauvreté est au coeur de nombreux mouvements de réfugiés, qu'il s'agisse de mouvements migratoires intérieurs ou internationaux. La plupart des réfugiés sont en fait des réfugiés économiques; ils émigrent parce qu'ils sont incapables d'avoir un niveau de vie décent. L'autre cause, ce sont évidemment les conflits. La pauvreté est à la source de bien des conflits. De toute évidence, bien d'autres facteurs entrent en ligne de compte dans un conflit et par conséquent, nous sommes convaincus que si l'on veut résoudre les problèmes fondamentaux liés aux mouvements de réfugiés, tant dans leur propre pays que dans le monde entier, il faut résoudre le problème de la pauvreté et donner aux citoyens l'occasion de participer et de prendre leur vie en main.

• 1040

Quant à savoir s'il existe des politiques en la matière, je ne pense pas que nous ayons accès aux chiffres que vous nous demandez.

Mme Raymonde Folco: Existe-t-il une politique...

[Français]

ciblée? Est-ce qu'il y a une politique qui cible particulièrement cette population et l'action de vos organismes auprès de cette population?

Mme Betty Plewes: Il n'y a pas seulement une politique; chaque organisme a son propre programme qui vise les réfugiés dans différents pays d'Afrique. Il y a des gens et des organismes qui travaillent au Rwanda, en Somalie, au Congo ou au Zaïre. Mais nos membres ne partagent pas la même politique.

[Traduction]

M. Brian Tomlinson: Puis-je faire un commentaire? Ce qui s'est passé dernièrement au Guatemala, où depuis deux ans des réfugiés rentrent dans leur pays, constitue un exemple intéressant. Des consultations suivies ont eu lieu entre le ministère des Affaires étrangères, l'ACDI et les ONG actives dans ce pays au cours des six derniers mois, pour voir comment la situation se présente et ce qui permet à ces réfugiés de rentrer dans leur village ou dans leur région dans de bonnes conditions. Cela implique pas mal de problèmes sur le terrain. En ce qui concerne le Guatemala, ces réfugiés étaient partis depuis une dizaine d'années, dans certains cas. Leurs terres avaient été réoccupées par d'autres personnes. La collectivité n'était plus la même que lorsqu'ils l'avaient quittée.

Je crois que les organisations ont fait un certain nombre de découvertes. Dans le cas du Guatemala, il existe un accord. Un processus de paix est en place et il existe des ententes sur le rôle que le gouvernement, l'armée et les autres intervenants devront jouer dans les régions où retournent les réfugiés. C'est très important pour leur sécurité.

L'autre facteur est la participation. Nous en avons parlé dans le contexte du développement en général, mais elle est capitale pour que le retour des réfugiés dans leur région d'origine se déroule bien. Il faut trouver des moyens d'entretenir un dialogue dans ces collectivités, dans ces régions et avec les divers acteurs—qu'il s'agisse d'organismes gouvernementaux ou multilatéraux—pour savoir à quelle situation ces réfugiés sont confrontés et pour connaître les conditions dans lesquelles ils peuvent y refaire leur vie.

Par conséquent, j'ajouterais que les deux éléments suivants sont d'une importance capitale: un consensus social sur le processus, mais aussi des moyens de participation de la collectivité à l'échelon local.

Le président: Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le président, à l'avance je vous autorise à jouer à saute-mouton avec moi puisque cela semble vous amuser ce matin.

Le président: Au mouton noir plutôt qu'au mouton blanc.

Une voix: Un mouton rouge.

M. Daniel Turp: C'est surtout au Québec qu'il y a des moutons noirs. Jacques Godbout a fait un bon film sur le sujet.

J'aimerais dire aux gens du Conseil canadien pour la coopération internationale que le Bloc québécois va continuer, à la Chambre des communes, dans ce comité et ailleurs, à plaider pour cette norme du 0,7 p. 100 et à rappeler au Canada constamment qu'il a accepté cette norme et qu'il y déroge depuis longtemps, trop longtemps. Cette norme existe et devrait être respectée. Si le gouvernement du Canada veut la remettre en question, s'il pense qu'il ne faut pas viser à l'atteindre maintenant, à cause de l'aide privée au développement et d'autres formes d'aide qui existent, eh bien, qu'il le fasse devant la communauté internationale, qu'il ait le courage de remettre cette norme en question devant l'opinion internationale.

S'il n'a pas ce courage, qu'il respecte sa norme et qu'il fasse un plan pour assurer que nous atteignions cet objectif, comme d'autres pays en développement le font, d'autres pays qui sont aux prises avec les mêmes difficultés économiques, avec la même volonté de réduire leur déficit budgétaire et d'assurer l'assainissement des finances publiques.

L'exemple des trois pays scandinaves que vous mentionnez dans le communiqué de presse devrait inspirer le gouvernement du Canada et l'inciter à ne pas prétendre qu'il ne peut pas atteindre cet objectif. Nous serons de tous les combats à la Chambre des communes pour rappeler le Canada à l'ordre sur cette question.

D'ailleurs, je pense qu'il est important de signaler que ce n'est plus 0,31 p. 100 que le Canada attribuera à l'aide internationale.

• 1045

En 1997, c'est 0,28 p. 100; en 1998, ce sera 0,27 p. 100, et cela comprend certaines formes d'aide que vous avez mentionnées et qui ne sont certainement pas de l'aide publique au développement, puisqu'on cherche à gonfler ces chiffres avec de nouvelles formes d'aide.

J'aimerais vous poser une question, madame Plewes ou monsieur Tomlinson. Monsieur Tomlinson, j'apprécie beaucoup vos travaux et votre contribution à cet ouvrage très instructif sur la situation au Canada et ailleurs dans le monde. Votre participation à l'ensemble de ces travaux a certainement été importante.

J'aimerais savoir quelle sera la position du Canada parmi les 21 pays de l'OCDE en 1997 et en 1998 si les tendances se maintiennent. Sera-t-il encore au 11e rang ou en perdra-t-il encore? C'est ma première question.

Voici ma deuxième question. Est-ce que votre conseil et les autres ONG qui se joignaient à lui ont reçu une réponse du ministre Paul Martin? Vous lui avez, en effet, adressé récemment une lettre pour lui demander de ne pas diminuer l'aide ou d'annuler l'engagement de réduire l'aide pour le prochain exercice financier. Avez-vous reçu une réponse? Quelle a été cette réponse? J'aimerais savoir si vous êtes satisfaits, soit de l'absence de réponse, soit de la réponse qui vous a été donnée.

Ma dernière question est d'ordre plus général. Est-ce que le Canada devrait s'inspirer de l'Union européenne dans la révision de la façon dont il présente son programme d'aide? Dans l'ouvrage sur le bilan de l'aide, on voit que l'Union européenne a depuis longtemps lié, dans le Traité de Yaoundé, dans le Traité de Lomé, les questions de l'aide, du commerce et même de l'allégement de la dette, grâce à un programme d'ailleurs consolidé dans un traité révisé de façon régulière.

Est-ce que vous pensez qu'une façon différente et nouvelle de concevoir la contribution du Canada à l'aide publique au développement serait d'envisager une formule similaire à celle de l'Union européenne?

Mme Betty Plewes: Je vais répondre à la deuxième question. La réponse est très simple; c'est non. Nous n'avons pas encore reçu de réponse à notre lettre à M. Martin. Cependant, nous sommes certains qu'il va nous répondre bientôt.

M. Daniel Turp: Quand avez-vous écrit cette lettre?

Mme Betty Plewes: C'était en septembre.

Vous parlez de la lettre que nous avons envoyée conjointement avec l'Institut Nord-Sud et l'Alliance des manufacturiers. En ce qui regarde les première et troisième questions, je vais demander à M. Tomlinson d'y répondre.

[Traduction]

M. Brian Tomlinson: Je répondrai d'abord à votre première question. Si vous examinez brièvement ma liste, six pays seulement avaient un ratio APD-PNB inférieur à 0,7 p. 100 en 1996. Nous tomberions encore plus bas sur la liste si d'autres pays maintenaient leur performance actuelle. Cependant, cette hypothèse ne tient pas debout, parce qu'un certain nombre de pays comprimeront également leurs programmes d'aide au cours de l'année prochaine ou de l'année suivante. Nous ne serons cependant manifestement pas mieux classés. Il est probable que nous reculions d'un ou deux rangs.

Votre troisième question concerne la Convention de Lomé. Un des avantages d'avoir participé à ce projet, pour ma part du moins, c'est que nous avons eu des contacts plus étroits avec nos homologues européens. Je comprends un peu mieux certains des problèmes auxquels ils sont confrontés à l'échelle locale mais aussi à l'échelle nationale. À propos du processus de Lomé, ce qui nous a frappés d'une manière générale, c'est qu'il s'attaque à certains des problèmes de réciprocité que nous avons signalés dans notre exposé. Il existe un processus officiel en vertu duquel les gouvernements du moins et, dans certains cas, les organismes sociaux des pays bénéficiaires, participent à la formulation des priorités du programme d'aide à la collectivité, pour tel ou tel pays et telle ou telle région.

• 1050

J'estime que nous avons des leçons à en tirer. Notre organisme insiste en fait sur la réciprocité dans le cadre d'une réforme de l'approche canadienne en matière de relations avec les pays en développement. Cela peut revêtir différentes formes. Dans le cas du programme d'aide des Pays-Bas, des accords ou des traités de développement ont été conclus avec certains pays, et ils sont réciproques également. Par exemple, les Pays-Bas ont certaines obligations à l'égard du Costa Rica—pays avec lequel ils ont conclu un accord de ce genre—, mais les Costariciens doivent également faire leur part en aidant les Hollandais à régler certains de leurs problèmes de développement durable. Par conséquent, il existe bel et bien une certaine réciprocité et une certaine entraide; c'est un bel exemple d'esprit civique planétaire à l'état pur.

La dernière chose que je voudrais dire ne concerne pas directement le sujet mais j'estime qu'elle a un rapport avec la question du classement. À propos des pays scandinaves et de leur performance en matière d'aide, ce qui m'a frappé, c'est certes la volonté des autorités d'atteindre ces objectifs mais aussi une compréhension profonde, dans ces sociétés en général, de l'importance capitale de la citoyenneté planétaire, faute de trouver un meilleur terme. Ces gens-là comprennent, parce que la sensibilisation aux problèmes mondiaux fait partie de leur système d'éducation, depuis la première année jusqu'au niveau secondaire. Je dirais que cela manque au Canada et ce, pour diverses raisons, qui sont liées en partie au problème des relations fédérales-provinciales en matière d'élaboration des programmes éducatifs et des programmes d'études. C'est plus facile à réaliser dans ces pays-là, où il existe probablement une structure plus centralisée, mais il reste que, dans les pays scandinaves, il existe depuis longtemps chez les citoyens, une volonté globale de comprendre leur rôle et leurs responsabilités dans le monde. C'est le fruit de 30 années d'éducation.

À propos des priorités des programmes d'aide, j'ajouterais qu'il est nécessaire de se réengager à sensibiliser les Canadiens aux réalités auxquelles ils sont confrontés à l'échelle mondiale, et plus particulièrement à la nécessité d'éliminer la pauvreté.

[Français]

M. Daniel Turp: Je voudrais ajouter que je ne suis pas convaincu, moi, que les Canadiens, les Québécois en particulier, n'ont pas cette même préoccupation d'un ordre global plus juste, d'une citoyenneté mondiale. Les sondages ne révèlent-ils pas que les Canadiens, en particulier les Québécois, sont tout à fait disposés à conférer au gouvernement le mandat d'investir dans le développement international? Ce sont les gouvernements qui n'écoutent pas les citoyens en faisant des coupures aussi radicales dans les programmes d'aide.

Une voix: Et les programmes de sensibilisation ont complètement été éliminés l'année dernière.

[Traduction]

Le président: Voulez-vous répondre à la question concernant l'opinion publique au Québec et au Canada?

M. Brian Tomlinson: Je pourrais y répondre pour ce qui est du Canada en général.

Je ne connais pas les résultats des sondages qui ont été faits au Québec, mais je serais étonné qu'ils soient les mêmes que ceux des sondages nationaux. Les derniers confirment que pas moins de 60 à 70 p. 100 de la population canadienne accorde beaucoup d'importance au programme d'aide canadien et qu'une partie de ces citoyens estiment qu'il faudrait l'étoffer.

Il faut par ailleurs être honnête et dire que ce n'est pas un hasard si le programme d'aide est un des programmes qui ont été les plus touchés par les compressions budgétaires fédérales. C'est en partie parce que cet appui n'est pas très vigoureux. Les questions sont souvent énoncées de façon biaisée: on demande aux citoyens s'ils font passer les programmes d'éducation qui touchent leurs enfants et les programmes de santé locaux avant les crédits à l'aide extérieure. La plupart des personnes raisonnables répondent qu'elles veulent des programmes de santé et d'éducation pour leurs enfants.

C'est un faux choix, à mon avis, mais les deux sont possibles. En réalité, les médias et d'autres acteurs ont joué là-dessus et je dirais que l'on ne retrouve pas chez nous le même soutien massif à l'égard du respect de nos obligations internationales que dans les pays scandinaves, où cette mentalité est profondément ancrée, où l'on procède également à des compressions budgétaires à cause du Traité de Maastricht, mais où l'on ne sabre pas autant dans les programmes d'aide qu'on ne l'a fait au Canada.

• 1055

Le président: Merci.

Il reste deux collègues, M. Grewal et M. Reed, qui veulent poser des questions, et nous n'avons plus que cinq minutes. Si l'on pouvait s'arranger pour écourter les questions et les réponses, nous pourrions avoir fini pour 11 h.

M. Gurmant Grewal: Ma question est la suivante: quel degré de collaboration et de coordination existe-t-il entre le CCCI et d'autres agences ou organisations nationales et internationales pour ce qui est de la répartition des ressources, du choix des objectifs et de la répartition de l'aide? Quel est le degré de coordination entre le CCCI et la CEE, l'USAID ou d'autres organisations, par exemple?

Ce que je veux dire, c'est que chaque fois que l'on parle d'aide, que ce soit en comité ou à la Chambre, ou quand on lit des rapports, les Canadiens, nous y compris, ne savent jamais quel est le calendrier politique qui sous-tend la répartition de l'aide. En fait, le calendrier politique des pays participants n'est jamais révélé ou n'est jamais relié au choix des objectifs en matière d'aide.

En fait, si notre objectif est d'envoyer de l'aide aux citoyens des régions qui souffrent d'une pénurie de denrées alimentaires ou de médicaments, nous l'assujettissons systématiquement à l'état de nos relations politiques avec ce pays. Il ne faut pas s'attendre par exemple à ce que les États-Unis envoient de l'aide en Iraq ou en Libye pour aider les citoyens de ces pays qui meurent faute de médicaments ou de nourriture. Dans le même ordre d'idées, les États-Unis et le Canada envoyaient de l'aide aux pays d'Afrique Occidentale, mais il ne leur reste plus aucun intérêt politique dans ces pays, dans ces États pauvres d'Afrique Occidentale; l'aide a par conséquent été réduite et l'Afrique se retrouve en bas de liste pour toujours.

Je voudrais citer rapidement deux exemples. J'ai été personnellement témoin de l'instabilité politique qui règne depuis quelques années dans un pays d'Afrique Occidentale appelé le Liberia, surtout à proximité de la Guinée. Nous avons remarqué que 96 p. 100 des produits alimentaires consommés dans ces pays étaient importés de l'étranger, surtout d'Europe et d'autres pays développés. Quand la guerre civile a éclaté dans ce pays, les entreprises ont cessé d'assurer les navires qui approvisionnent ces pays et les importations de produits alimentaires ont complètement cessé. J'ai vu des indigènes mourir de faim et faute de médicaments. Il n'y avait rien à manger. Ils marchaient dans les rues, arrachaient les feuilles des arbres et des plantes pour les manger et recrachaient la fibre après avoir sucé le jus des feuilles. Ces malheureux avaient de la peine à marcher. Ils s'asseyaient parce qu'ils étaient fatigués, puis se levaient et marchaient un peu pour se rasseoir à nouveau parce qu'ils étaient fatigués—rien à manger, pas d'énergie—et ils finissaient par mourir dans la rue. Tous les pays qui envoient de l'aide réduiront leur aide, puis ils cesseront complètement d'en envoyer, et les gens mourront par conséquent.

Je voudrais savoir quel calendrier politique motive l'aide. Est-ce qu'il influence l'administration interne de votre organisation, votre planification ou est-ce que vous faites votre propre calendrier et vous vous fixez des objectifs sans tenir compte des relations politiques avec les pays où nous envoyons de l'aide?

Mme Betty Plewes: Tout comme les gouvernements, les ONG se préoccupent fatalement du climat politique qui règne dans le pays concerné, mais les ONG sont généralement neutres. Même si elles doivent s'en préoccuper, la plupart des ONG essaient de cibler leur aide sur les pauvres et d'accroître leur autonomie. Par ailleurs, dans certains pays, les ONG éprouvent beaucoup de difficulté à travailler. Il est impossible de travailler au Liberia depuis cinq ou dix ans. Les soulèvements qui se sont produits dans ce pays...

M. Gurmant Grewal: Je ne suis pas d'accord du tout, parce qu'une organisation française participait alors que d'autres agences du monde entier retiraient leur appui à cause de la situation politique, et pas principalement à cause de la guerre civile. Si une organisation peut travailler, les autres peuvent le faire également, mais elles ne l'ont pas fait. La situation était analogue au Burundi; les organisations françaises y étaient actives mais pas celles de certains autres pays.

Mme Betty Plewes: Non. C'est très difficile dans ce genre de situation très grave. Les capacités des diverses organisations de travailler dans ce genre de pays varient. Cette question n'est pas nécessairement liée à la situation politique.

• 1100

Je ne sais pas si tu as quelque chose à ajouter sur la façon dont les ONG décident et coordonnent leurs activités, Brian. Nous sommes reliés à divers réseaux internationaux. Nous travaillons avec InterAction, qui est notre équivalent américain. Nous collaborons étroitement avec un certain nombre de réseaux de pays du Sud. En outre, la plupart de nos membres sont rattachés à de vastes réseaux internationaux.

Prenez OXFAM par exemple. Il existe un réseau international d'OXFAM; c'est la même chose pour Vision mondiale et pour Aide à l'enfance. Il s'agit de réseaux internationaux importants à l'intérieur desquels les membres essaient de coordonner leurs activités. En outre, dans les pays en développement, notamment en Éthiopie, au Zimbabwe ou au Nicaragua, il existe des structures locales à l'intérieur desquelles les ONG étrangères essaient de coordonner leurs activités.

Le président: Vous avez une petite observation à faire, monsieur Reed. Ensuite, nous...

M. Julian Reed: Merci, monsieur le président. Je ne voudrais pas que l'on reste sur l'impression que les entreprises transnationales sont toutes de grosses entreprises. Au Canada, il existe davantage de petites entreprises que de grosses qui sont des entreprises transnationales; il en existe des centaines et leur nombre augmente à toute allure, grâce à la multiplication des échanges internationaux. C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président.

Le président: Merci. J'ajouterais que grâce à cela, la prospérité augmente et la pauvreté diminue, et partant...

M. Julian Reed: Laissez-moi dix minutes de plus.

Le président: Je tiens à attirer l'attention de mes collègues sur le fait que le mercredi 29 octobre, à 15 h 15, aura lieu une séance mixte avec le Comité de la défense et une délégation de 16 membres du Conseil de l'Atlantique Nord.

[Français]

M. Daniel Turp: Il faut que les autres le sachent.

[Traduction]

Le président: Ne vous en faites pas, nous leur enverrons une note de service.

Je recommande que les membres du groupe A y assistent, parce qu'avec nous, les membres du Comité de la défense et les 16 membres du Conseil de l'Atlantique Nord... Nous essayons de caser tout le monde autour de la grande table, dans la salle de lecture, la pièce 237-C de l'édifice du Centre, mais nous prévoyons déjà plus de personnes qu'on ne peut en caser. Par conséquent, je demande aux membres de l'équipe A d'assister à cette séance et...

[Français]

M. Daniel Turp: Sur la convocation, on indique que tous les ambassadeurs vont être témoins. Est-ce que j'ai bien compris que la parole va être donnée à tous les 15 ambassadeurs? C'est écrit: «Témoins: les 15 ambassadeurs». Les noms des 15 ambassadeurs y sont.

Le président: Les noms des 15 y sont, mais on n'indique pas que tous les 15 vont prendre la parole.

M. Daniel Turp: Ils sont invités comme témoins.

Le président: Si c'est moi qui préside, je vous assure que les 15 ne parleront pas tous.

M. Daniel Turp: Je me sens rassuré.

[Traduction]

Le président: Madame Plewes, je tiens à vous remercier encore une fois d'être venue. Je sais que ce ne sera pas la seule fois que vous viendrez. Monsieur Tomlinson, je vous félicite à nouveau pour la qualité du rapport. Il nous est extrêmement utile et c'est très intéressant pour nous de savoir où nous en sommes dans tous ces domaines. Par conséquent, nous vous en remercions et nous nous réjouissons de vous revoir. Nous vous consulterons peut-être après avoir examiné le budget des dépenses de l'ACDI. Comme vous pouvez le constater, nous tenons à établir nos priorités avec soin et vous pouvez nous être d'une aide précieuse à cet égard.

Merci beaucoup d'être venu.

La séance est levée.