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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 novembre 1997

• 0916

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest— Mississauga, Lib.)): Bonjour. Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Conformément aux articles 110 et 111 du Règlement, nous sommes ici pour examiner la nomination par décret de Maureen O'Neil à la présidence du CRDI.

Nous pouvons commencer, Maureen, si vous voulez bien nous présenter vos remarques. Merci.

Mme Maureen O'Neil (présidente, Centre de recherches pour le développement international): Merci beaucoup, madame la présidente.

C'est pour moi un grand honneur de venir vous rencontrer ce matin. Je prendrai d'abord quelques minutes pour vous parler du processus par lequel j'ai été embauchée pour devenir présidente du CRDI.

Je devrais toutefois commencer par vous présenter les excuses du président de notre conseil d'administration, Gordon Smith, que vous aviez invité à venir témoigner avec moi, car il est en route pour la Chine, où il s'occupe d'activités du CRDI dont j'aurai l'occasion de vous parler un peu plus tard.

Tout d'abord, je veux vous dire quelques mots au sujet de la façon dont se fait le choix du président ou de la présidente du CRDI. Contrairement à ce qui est prévu pour la plupart des sociétés d'État, la Loi sur le CRDI précise que c'est au conseil d'administration de faire la recherche et de proposer le nom d'un candidat ou d'une candidate à la présidence; le nom est ensuite communiqué au ministre, qui le communique au premier ministre et au conseil des ministres. Il s'agit donc d'un processus selon lequel un comité des candidatures du conseil d'administration formule une recommandation.

Ce processus se distingue de ce qui se fait à d'autres organismes, à bien d'autres organismes, où c'est plutôt l'inverse, où le ministre et le premier ministre proposent un candidat dont le nom est ensuite soumis au conseil d'administration. Chez nous—et notre organisme est peut-être un des seuls à procéder de cette façon—c'est l'inverse qui se produit.

Pendant toute ma carrière, je me suis mêlée de politique intérieure en qualité de fonctionnaire au palier fédéral ainsi que dans les provinces du Manitoba et de l'Ontario. Le temps que j'ai été à la tête de l'organisme fédéral Condition féminine Canada, j'ai siégé pendant sept ans environ à une commission de l'ONU sur la situation de la femme et j'ai dirigé une délégation de fonctionnaires qui ont assisté à deux conférences internationales.

C'est également au moment où j'étais secrétaire générale de la Commission canadienne des droits de la personne que la Commission a commencé, à partir du milieu et jusqu'à la fin des années 80, à apporter sa contribution aux droits de la personne à l'échelle internationale.

En 1989, je suis rentrée de Toronto à Ottawa pour devenir présidente de l'Institut Nord-Sud, organisation non gouvernementale de recherche stratégique dirigée par un conseil d'administration indépendant—je dois toutefois reconnaître que cet organisme n'existerait pas si ce n'était des fonds que lui accorde le gouvernement canadien. Il aurait bien du mal à nager seul dans les eaux peu conviviales à la recherche de fonds pour la recherche sur des questions d'intérêt public. En ce sens, il ne diffère pas des autres organismes de recherche dans le domaine.

• 0920

J'ai quitté l'Institut Nord-Sud pour aller passer un an à l'Institut sur la gouvernance, autre organisme de recherche non gouvernemental, puis, l'an dernier, j'ai passé environ sept mois comme présidente par intérim du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, qui est maintenant présidé par Warren Allmand.

J'étais à l'époque présidente du conseil d'administration de cet organisme. Quand l'ancien président, Ed Broadbent, avait décidé de s'accorder, le chanceux, un an de réflexion à Oxford College à Oxford, nous avions une disposition dans notre loi habilitante qui autorisait les administrateurs à choisir parmi eux quelqu'un qui pourrait occuper la présidence à plein temps pendant un court laps de temps. C'est ce que j'ai fait. Puis, je me suis présentée à la présidence du CRDI et j'ai été choisie par le conseil et nommée par le gouvernement. Voilà donc comment je me suis retrouvée là où je suis.

J'ai pensé qu'il serait utile, madame la présidente, de prendre un moment pour vous parler un peu du CRDI, de ce que nous faisons, des activités dont nous aimons penser qu'elles nous distinguent des autres organismes, de ce que nous avons accompli et de ce que nous espérons accomplir.

Je crois que le premier jour de mon arrivée au CRDI, j'ai participé aux cérémonies organisées à l'occasion du centenaire de Lester B. Pearson qui avaient lieu dans l'immeuble qui porte son nom. Bien des gens m'ont alors rappelé ce qui fait que le CRDI est une institution dont le Canada devrait continuer à être fier. Les valeurs, les besoins et les grands principes qui avaient conduit à la création du CRDI il y a 25 ans sont tout aussi actuels aujourd'hui qu'ils l'étaient à l'époque.

Notre loi habilitante est extrêmement bien rédigée. Je vous dis cela en sachant que certains d'entre vous ont peut-être participé à la rédaction de mesures législatives à un moment donné et que votre mandat actuel vous amène à vous prononcer sur des mesures législatives. Notre loi habilitante est donc bien rédigée. Elle est une création, un produit, de la fin des années 60, une époque d'enthousiasme débordant pour la capacité du Canada à changer le monde pour le mieux. Cela se trouve très bien reflété dans notre loi habilitante.

Nous avons pour mission:

    De lancer, d'encourager, d'appuyer et de mener des recherches sur les problèmes des régions du monde en voie de développement et sur la mise en oeuvre des connaissances scientifiques, techniques et autres en vue du progrès économique et social de ces régions...

[Français]

La philosophie du CRDI est la suivante: dans la plupart des cas, l'aide au développement ne peut réussir que si les scientifiques, les techniciens et les autres penseurs des pays qui en bénéficient jouent un rôle crucial dans la détermination des besoins et dans la conception des solutions, et c'est en partie pour cela que le conseil des gouverneurs du CRDI est formé de personnes qui viennent de partout dans le monde. Autrement dit, la recherche et développement ne peut s'importer si on veut pouvoir l'appliquer. C'est pourquoi le CRDI représente un atout recherche et développement des plus précieux pour les pays en développement.

Le CRDI représente également un atout recherche et développement pour le Canada parce qu'il y a son siège. Quand le Centre met sur pied un réseau scientifique international, il veille à ce que les chercheurs canadiens des secteurs tant public que privé y contribuent. Il a, par exemple, lancé une initiative ambitieuse qui vise à intégrer les technologies de l'information les plus pertinentes au développement communautaire en Afrique. En effet, en ce moment même, cette semaine, il y a quelqu'un de l'Association canadienne de la technologie de l'information, l'ACTI, qui fait de la prospection en Afrique du Sud pour les entreprises canadiennes dans le cadre de ce projet.

[Traduction]

Le Canada a bien des amis dans le monde à cause du CRDI. Il y a quelques années, nous avons fait une étude qui suivait les récipiendaires de l'aide du CRDI sur de nombreuses années. L'étude a permis de constater à quel point on continue à apprécier cette forme d'aide du Canada. Au nombre de ces récipiendaires, on trouve maintenant des ministres de premier plan du Chili et de l'Afrique du Sud, des chefs d'État du Brésil et de la Turquie et des établissements clés de R-D, que ce soit au Bénin, en Inde ou en Égypte.

• 0925

Nous avons trouvé intéressant de constater que ces anciens chefs de projet qui ont été interviewés disaient qu'ils appréciaient le CRDI tout autant pour les contacts, le soutien moral et les conseils qu'il leur avait apportés que pour les fonds qu'il leur avait donnés—quoique je sois plutôt d'avis que, s'il n'y avait pas eu d'argent, il n'y aurait pas nécessairement eu de contact ni de soutien moral. Nous ne nous laisserons pas aller jusqu'à dire que nous n'avons pas besoin de budget, qu'il nous suffirait d'avoir des émissaires du CRDI qui feraient le tour du monde.

Il a été possible de résoudre bien des problèmes, bien qu'il soit très risqué d'essayer d'établir un lien direct entre l'aide accordée à un petit projet de recherche et un problème qui a été réglé, voire à essayer d'en attribuer le mérite au CRDI au Canada.

Le ministre des Affaires étrangères de l'Uruguay est venu récemment au Canada, et j'ai eu l'honneur de pouvoir m'entretenir avec lui. Un des moments les plus gratifiants de sa visite s'est produit quand un de ses collègues est venu me voir et m'a rappelé un projet appelé EcoPlata qui est piloté par notre bureau régional à Montevideo et par lequel nous tentons d'établir une zone de gestion côtière multipartite sur le très important cours d'eau appelé Rio de la Plata.

Cet homme m'a dit que le CRDI avait réuni tous les intervenants autour de la table, depuis les pêcheurs jusqu'aux représentants de la marine, et qu'il s'agissait là de quelque chose qui était sans précédent dans son pays. Il était d'avis que le seul moyen d'en arriver à des solutions était justement de réunir toutes ces personnes qui, finalement, sont propriétaires en quelque sorte du cours d'eau ou sont touchées par un des problèmes relatifs au Rio de la Plata.

Par ailleurs, si Gordon Smith n'est pas ici ce matin, c'est qu'il doit participer à la première réunion officielle du Conseil d'administration du Réseau international du bambou et du rotin. Il s'agit de la réunion d'ouverture de la première organisation internationale en Chine. Le secteur du bambou et celui du rotin jouent un rôle crucial en Asie et en Amérique latine, et nous espérons que les recherches que ce réseau soutient depuis plus de 15 ans permettront d'en arriver à une production qui compromettra moins les systèmes écologiques délicats et qui récompensera davantage les femmes vivant dans la pauvreté.

Le réseau aura dorénavant son siège en Chine, sous la direction d'un conseil scientifique indépendant. J'insiste bien là- dessus, car nous devons tous tenir compte des aspects éthiques du travail qui se fait en Chine. Le fait d'installer le réseau là-bas, sous l'égide d'un conseil scientifique indépendant, est une déclaration très importante de la façon dont les recherches devraient être effectuées. Les résultats des recherches menées dans le cadre de ce projet seront publics et mis à la disposition de tous. Le conseil est international et ne relève pas du gouvernement chinois. Ce sont là les conditions que nous avions fixées, car elles sont un élément essentiel de notre démarche relative au développement.

Nous travaillons souvent avec d'autres organismes de financement et de façon permanente avec des institutions de recherche du Sud. De plus, nous complétons souvent le travail de l'ACDI. Du côté des réussites techniques, on constate en rétrospective qu'il y a eu de nombreuses améliorations dans le rendement des récoltes, dans la transformation des aliments et dans l'accès à l'eau, et que la santé des populations s'est améliorée.

Les avantages de changements stratégiques sont beaucoup plus difficiles à identifier, mais j'aimerais en signaler un ou deux. L'aide que nous avons accordée au Consortium international pour la recherche économique en Afrique subsaharienne, par exemple, permet maintenant qu'une recherche de première qualité sur la politique économique soit faite en Afrique même, ce qui donne lieu à son tour à un dialogue entre pairs avec le FMI et la Banque mondiale et a entraîné l'instauration de politiques améliorées et plus soutenues dans nombre de pays.

De plus, toujours en Afrique, le CRDI a appuyé le mouvement d'inspiration autochtone vers l'intégration régionale par le truchement du COMESA, le marché commun de l'Afrique orientale et australe. Ce mouvement a permis notamment d'effectuer des progrès du côté de l'intégration monétaire et du côté du commerce intrarégional.

Dans des efforts connexes, nous avons répondu à une demande de conseils indépendants du ministère du Commerce et de l'Industrie de l'Afrique du Sud en établissant un Secrétariat de la politique industrielle et commerciale, financé par GTZ de l'Allemagne. Cet organe vise lui aussi l'intégration régionale.

• 0930

Je m'en voudrais de ne pas vous mentionner la vision qui a permis l'établissement d'une composante en systèmes et en sciences de l'information au CRDI, depuis le début.

Maintenant, vers quoi nous dirigeons-nous? Le CRDI a toujours soutenu l'innovation et le progrès social et économique, au Canada et à l'étranger. Toutefois, nous avons dû nous aussi faire preuve de frugalité, de plus de frugalité que celle à laquelle on aurait pu s'attendre sans que notre institution n'en souffre dans son efficacité. Nous avons fait comme les autres organismes financés par le fédéral: nous avons tenté de perdre du poids sans perdre d'énergie, et nous avons fait de notre mieux pour y parvenir.

Nous avons protégé nos programmes de base tout en perdant sur cinq ans environ 30 p. 100 de notre budget. Nous sommes passés au travers de compressions de notre personnel et de nos cadres à hauteur de 40 p. 100 et de 50 p. 100 respectivement. Tout en espérant que ces compressions soient terminées, je dois signaler que nous nous retrouvons aujourd'hui avec une institution remarquablement en bonne santé. Le CRDI sait maintenant exactement ce qu'est le développement à une époque où d'aucuns se demandent s'il est possible de le savoir.

Le Canada s'est fait remarquer dans le monde par les divers aspects de sa qualité de vie plutôt que par sa richesse, grâce auxquels il a gagné le respect des autres. Mais notre prospérité économique dépendra également d'une économie mondiale saine et des contacts fructueux que nous pourrons avoir avec les vastes marchés de ce que l'on appelle les pays en développement. L'altruisme et l'intérêt personnel mènent à la même chose: en aidant les autres à s'aider eux-mêmes, on assiste également à la création de nouveaux marchés, à de nouvelles occasions de commerce et on se voit offrir de nouveaux véhicules pour les investissements canadiens. L'avenir des autres est en fait le nôtre, et nous ne pouvons prospérer qu'ensemble.

Merci beaucoup, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci, madame O'Neil.

Votre compétence et votre réputation vous ont précédée, mais j'imagine qu'on voudra vous interroger au sujet du CRDI.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Bienvenue, madame O'Neil.

J'ai quelques questions à poser au sujet du CRDI. J'ai bien suivi ce qui s'y est fait jusqu'à maintenant pour en avoir parlé à votre prédécesseur plus d'une fois, mais j'aimerais que vous me fassiez une mise à jour.

Le colza canola m'intéresse, parce que je suis également agriculteur. Je fais pousser un nouveau type de colza canola, soit une graine transgénique provenant d'Argentine. Cette année, elle a produit 40 p. 10 de plus que ce que j'ai jamais récolté. C'est plutôt fantastique, en comparaison des autres types de colza canola que j'ai déjà semés. La graine coûte trois fois plus cher que celle du colza canola ordinaire, et il faut avoir l'esprit aventureux pour l'utiliser. Êtes-vous au courant de cette technologie et est- ce que le CRDI aide les pays du tiers monde à mettre la main sur des produits semblables? J'imagine que cela les intéresserait beaucoup d'augmenter leur production de 40 p. 100.

Voulez-vous connaître toutes mes questions en même temps ou voulez-vous les entendre une à la fois?

Mme Maureen O'Neil: Je vous parlerai du canola, mais donnez- moi vos autres questions que je prendrai en note.

M. Bob Mills: D'accord. J'aimerais que vous me parliez un petit peu de votre financement. Je sais que vos sources de fonds privées ont augmenté considérablement depuis 1990. J'aimerais savoir comment vous faites et ce que vous pensez pouvoir aller chercher à l'extérieur du gouvernement.

Je vous ai écoutée avec intérêt parler de groupes comportant un grand nombre d'intervenants. J'aimerais en savoir un peu plus là-dessus.

Ensuite, je me demandais si vous aviez pris part d'une quelconque façon au grand projet qu'a la Chine de déplacer 1,5 million de gens en raison de la construction du nouveau barrage. Y avez-vous pris part?

Enfin, la Banque mondiale, l'UNICEF et les Nations Unies se sont toutes mises à la restructuration. Je sais que vous êtes très proche de l'ACDI. Ma question ne vous semblera peut-être pas très juste, mais je vous la pose quand même. Pensez-vous qu'il soit nécessaire pour l'ACDI de se restructurer et de redéfinir son rôle dans l'environnement mondial?

Répondez en deux minutes...

Des voix: Oh, oh!

M. Bob Mills: Ce ne sont que des détails.

Mme Maureen O'Neil: Merci, monsieur Mills.

• 0935

D'abord, au sujet du colza canola, je savais que mon exposé était trop long, et c'est pourquoi je n'ai pas mentionné le colza canola. Je me rattrape maintenant.

Le colza canola est en train de devenir la grande culture marchande du Canada. Vous avez dit que votre graine venait de l'Argentine. Grâce aux projets du CRDI en Chine et en Égypte, là où on met au point de nouveaux hybrides, certains agriculteurs canadiens utilisent déjà des graines nouvelles. En fait, l'Université du Manitoba et l'Institut de recherche sur les cultures de la Chine ont déjà utilisé des variétés chinoises pour mettre au point des souches de colza canola canadiennes qui soient résistantes à la maladie. Votre graine à vous provient d'Argentine et l'Institut de recherche sur les cultures du Manitoba fait pour sa part du travail pour améliorer les souches; vous voyez que ce va-et-vient entre les scientifiques illustre l'importance du partage des progrès effectués dans l'amélioration des cultures.

Nous passons par le réseau de recherche agricole international auquel les Nations Unies, ainsi que d'autres intéressés, adhèrent. En fait, c'est le CRDI qui, au début de la révolution verte, a contribué à sa création. Comme vous l'avez dit vous-même, le partage de l'information scientifique avec d'autres pays a eu des conséquences très heureuses pour les agriculteurs canadiens.

M. Bob Mills: J'ai pourtant parlé à quelques ambassadeurs africains qui semblaient tout ignorer de ces progrès en agriculture. Est-ce que vous leur transmettez ces informations?

Mme Maureen O'Neil: J'espère que oui, puisque nous fonctionnons par le truchement d'organisations de recherche agricole internationales. Il se peut également que ces ambassadeurs ne sachent pas vraiment ce qui se passe en matière de recherche agricole dans leurs propres pays. Nous avons organisé une séance d'information, il y a de cela quelques mois, à l'intention des ambassadeurs des pays d'Afrique, et nous leur avons expliqué notre travail de même que d'autres projets. Nous essayons d'être bien conscients de tout cela, mais il se peut qu'il y ait un problème dans leur propre réseau.

Pour ce qui est du financement, je dois dire que mon prédécesseur avait déjà donné le ton de façon très énergique, mais nous continuons à chercher des ressources qui pourraient combler la différence entre ce que nous offrait naguère le Parlement sur le plan des crédits et ce qu'il nous donne aujourd'hui, et combler la différence entre ce que nous recevons et ce qui nous semblerait approprié pour nos programmes de recherche.

Comme vous pouvez le voir dans le tableau de la page 67 du compte rendu financier qui se trouve dans le rapport annuel, que l'on vous a distribué, nous avions reçu en 1996-1997 des crédits parlementaires d'environ 96 millions de dollars. Soit dit en passant, ces crédits baisseront l'année prochaine pour atteindre quelque 81 millions. À ces crédits parlementaires s'ajoutaient des projets de recherche sous contrat d'environ 25 millions de dollars. Nous nous attendons à ce que ce montant passe l'année prochaine à quelque 40 millions. Entre-temps, nos crédits auront baissé à 81 millions, de sorte que l'un dans l'autre, nous n'aurons pas beaucoup bougé.

D'où viennent les autres sommes? Des autres fondations et du travail que nous faisons avec l'ACDI, son équivalent suédois et la Banque de développement. Cela a aussi fait l'objet de beaucoup de débats au CRDI et semé une certaine confusion chez nos partenaires. Après tout, nous faisons partie des donateurs.

Il faut éviter soigneusement que nos chercheurs ne soient perçus par les pays en développement comme des demandeurs plutôt que des donateurs. Il faut faire très attention. La règle, c'est que nous allons continuer à demander une augmentation de nos fonds tant et aussi longtemps qu'ils serviront les grands objectifs de l'organisation, qui sont d'augmenter le financement destiné aux chercheurs et aux établissements de recherche dans les pays en développement. Comme les chiffres le montrent, il y a augmentation des fonds qui ne viennent pas des crédits parlementaires.

J'aimerais bien croire qu'il y a beaucoup de fonds du secteur privé de type caritatif destinés à la recherche, mais rien ne montre que c'est le cas au Canada. Les entreprises font de la recherche pour mettre au point leurs propres produits.

• 0940

Nous faisons participer le secteur de l'information à notre travail en Afrique, mais la recherche exige des fonds publics. On peut les compléter, mais l'on ne peut pas s'attendre à ce qu'un secteur qui éprouve des difficultés au Canada fasse beaucoup de recherche à court terme à l'étranger. Ce n'est sans doute pas réaliste. J'aimerais que ce soit différent, mais ce n'est pas le cas.

Je parle du grand nombre d'intervenants pour le travail d'EcoPlata. Il y a d'autres exemples en Amérique latine, notamment dans l'exploitation minière. Vous savez, le Canada est très présent dans ce secteur en Amérique latine. Ce que nous faisons dans le domaine de la gestion locale des ressources naturelles vise à rassembler les gens de petits villages miniers, l'entreprise elle-même, les fonctionnaires qui réglementent l'exploitation minière ainsi que les scientifiques qui se préoccupent des conséquences pour l'environnement.

Dans certains de ces projets, nous avons pu profiter de la participation très positive et très intéressante de compagnies minières canadiennes. Ce n'est que de cette façon que l'on trouvera des solutions qui tiennent compte des besoins de tous les intéressés, et le Canada a fait beaucoup de travail en ce sens. Dans ce cas précis, le professeur Stephen Owen de l'Université de Victoria, qui s'est occupé de questions environnementales en Colombie-Britannique, joue un rôle très important.

Pour ce qui est de la Chine, nous n'avons rien eu à voir avec le déplacement de 1,5 million de personnes à cause de la construction du barrage. Je vais vérifier, mais à ma connaissance nous n'avons rien eu à voir avec cela.

Pour ce qui est de la dernière question, la plus difficile à propos de la restructuration de l'ACDI, je trouve depuis quelque temps déjà que nous attendons d'elle qu'elle plaise à tout le monde et à son père. Vous n'avez qu'à lire les rapports produits par les comités parlementaires: on ne veut jamais renoncer à quoi que ce soit. On veut que notre programme de développement réponde aux voeux des universités, des ONG et des entreprises canadiennes. Nous voulons tous participer au développement. C'est ce qui vient compliquer la gestion de l'agence.

Nous aurions tous intérêt, je crois, à prendre connaissance du Livre blanc britannique sur l'aide au développement qui sera rendu public cette semaine. Ce sera très audacieux. Si vous avez déjà regardé la série Yes, Minister, le ministre devait toujours être sur ses gardes lorsque les gens parlaient d'audace et de courage. Mais ils vont faire des choses pas mal audacieuses. D'après les journaux, l'Independent de dimanche, ils vont dissocier l'aide et le commerce—souvenez-vous que cela leur a causé de grosses difficultés dans le cas du barrage de Pergau il y a quelques années en Malaysia. Ils vont publier 100 000 exemplaires du résumé du document, qui sera distribué dans les supermarchés partout au Royaume-Uni. La campagne de publicité ne se fera pas au hasard. Puis leur ministre et le chancelier de l'Échiquier, qui participera à l'opération—ce serait comme Paul Martin ici défendaient ses idées—vont essayer de faire comprendre comment ils veulent transformer leur programme de développement.

Je pense qu'il faudrait en prendre connaissance et voir comment ils procèdent.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Turp.

• 0945

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): C'est très amusant, madame O'Neil, de comparer les versions française et anglaise du texte en vertu duquel nous examinons votre nomination. En français, cet article 111, paragraphe (2), dit que nous devons examiner vos titres, vos qualités, votre compétence, alors qu'en anglais, les qualifications and competence semblent suffisants. Alors, vos titres, c'est seulement en français qu'on doit les examiner.

Cependant, je constate que vous avez un doctorat honorifique en droit de l'Université Wilfrid-Laurier. Je ne sais pas si cela fait de vous une juriste, mais en tant que sociologue, vous avez un parcours qui, sans doute, vous confère les qualités et la compétence pour exercer les fonctions de présidente du CRDI. Je pense qu'il faut prendre acte de ce beau parcours.

Je pense que votre présence ici nous permet d'aller au fond des choses, comme vous l'avez fait, et de savoir ce que la nouvelle présidente veut faire de ce centre et quelle direction elle entend lui donner.

J'aurais trois questions et une interrogation au sujet d'une des fonctions que vous occupez maintenant et qui pourrait me sembler incompatible avec votre fonction de présidente du CRDI.

Ma première question porte sur le financement du Centre. Je constate que, comme celui d'autres agences, le financement du Centre a été réduit de façon importante. Comme vous le dites dans votre rapport, votre budget a subi une baisse de 24 p. 100 depuis 1991 et subira une diminution importante pour l'année financière prochaine, soit 8 millions de dollars en moins pour le Centre et 4,3 p. 100 de la portion de l'aide publique au développement qui vous est affectée.

J'aimerais savoir si vous considérez que cette diminution du subside gouvernemental est appropriée et quelles sont vos vues sur l'aide publique au développement en général et sur ce que devrait être la contribution du Canada à l'aide publique au développement. Est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 fixé par les Nations unies, qu'il est loin d'atteindre puisqu'il est peut-être à moins de 0,3 p. 100 dans le moment?

Ma deuxième question porte sur votre contribution au financement de la recherche en Afrique et en Afrique francophone. J'aimerais savoir si, pour vous, l'Afrique est une priorité et si, en particulier, l'Afrique francophone devrait obtenir des crédits additionnels de votre Centre.

Ma troisième question est peut-être la plus importante et j'aimerais que vous y réfléchissiez avec nous. Elle porte sur la liberté d'action de votre Centre, sur votre autonomie vis-à-vis du gouvernement puisqu'on dit, dans vos rapports, que vous êtes autonomes, que vous pouvez agir de façon autonome et que vous avez, dans le passé, entretenu des relations avec des États avec lesquels le Canada n'entretenait pas de relations privilégiées.

J'aimerais savoir si c'est encore le cas, s'il y a des pays avec lesquels vous transigez qui ne sont pas des pays avec lesquels le Canada entretient des relations privilégiées aujourd'hui, et ce que vous entendez faire pour assurer cette autonomie, cette liberté d'action.

Quant à mon autre interrogation, j'aimerais savoir ce qu'en pensent les autres membres du comité. Si j'ai bien compris votre curriculum vitae, vous seriez encore membre du Conseil consultatif du ministre des Affaires étrangères.

Mme Maureen O'Neil: Non, plus maintenant.

M. Daniel Turp: Vous ne l'êtes plus. Cela répond à ma question. En effet, cela m'aurait semblé légèrement incompatible avec la liberté d'action et l'autonomie de votre Centre par rapport au gouvernement et au ministère de Affaires étrangères.

Voilà mes trois questions. J'apprécierais recevoir des éclaircissements de votre part.

Mme Maureen O'Neil: Merci, monsieur Turp.

Premièrement, à propos du financement du Centre, il y a eu une diminution très importante. À cause de cela, M. Bezanson, mon prédécesseur, a procédé à une grande restructuration. Il n'était plus question d'essayer de conserver le même type de fonctionnement avec l'argent qu'on avait. En même temps, comme l'a signalé M. Mills, on a commencé à envisager d'une tout autre façon la collaboration avec les divers donateurs, que ce soit les fondations, les organismes bilatéraux ou l'ACDI, parce qu'on savait que beaucoup de programmes n'auraient pu être financés si on n'avait pas fait cela.

Est-ce qu'on a assez d'argent pour faire ce qu'on veut? Je crois qu'on n'a jamais assez d'argent pour faire ce qu'on veut. Mais est-ce qu'on peut faire des choses utiles? Oui, j'en suis convaincue.

• 0950

Sur la question de l'APD, je crois que la décision de réduire son budget, prise par le Canada, a pu être très bonne pour réduire le déficit, mais cela a été vraiment une décision à courte vue. À mon avis, c'est bien qu'on parle encore de 0,7 p. 100, mais je crois que ce n'est pas du tout sérieux parce qu'on est allé rapidement dans l'autre direction. On n'a pas pris le bon chemin pour y arriver.

Je crois qu'il est très, très difficile de trouver un bon argument en faveur de l'APD dans un pays où les pensions de retraite et les autres services sociaux sont attaqués. Tous les sondages, pas seulement ceux faits par le gouvernement, mais aussi ceux des journaux, révélaient que les Canadiens ne voulaient pas donner de montant d'argent à l'APD s'il fallait couper dans les autres services.

Je crois que tous ceux qui travaillent dans le domaine du développement se demandent toujours ce qu'on peut faire pour en tirer des avantages pour les Canadiens afin qu'ils continuent à subventionner, à aider, à changer les politiques de commerce international ou les politiques d'investissement de façon à favoriser les pays en voie de développement.

Je dois reconnaître qu'on a échoué parce qu'on n'a pas vraiment convaincu les Canadiens, comme les pays scandinaves l'ont réussi incroyablement, d'accorder leur appui à l'APD. Nous n'y sommes pas arrivés ici. Je crois que si le gouvernement a coupé, c'est que c'était possible de le faire. Il n'y a pas eu beaucoup de contestation dans la population concernant les coupures effectuées dans l'APD. Il faut le signaler. Tous ceux qui s'y intéressent doivent se sentir un peu responsables de ces coupures.

Moi, je ne les approuve pas, mais il faut quand même réfléchir à cette réalité. Je voudrais bien connaître les opinions des membres du comité sur cette question. On n'arrivera jamais à avoir un programme d'APD ou même beaucoup d'ouverture dans les questions de commerce international et d'investissement si, au sein de la population, il n'y a pas une bonne compréhension du sujet. Le gouvernement ne réagit pas si la population a un point de vue tout à fait différent.

Je n'ai pas à l'esprit les chiffres concernant les programmes qui touchent l'Afrique francophone. Je vous soulignerai toutefois que presque 40 p. 100 du budget du Centre est actuellement orienté vers l'Afrique. Nous avons un bureau régional à Dakar, très bien établi, qui est dirigé par Sibry Tapsoba, du Burkina Faso, et qui est excellent. Nous avons un très bon programme en place en Afrique francophone. On cherche toujours à augmenter les ressources qu'on a maintenant, à travers l'ACCT ou les autres agences.

On trouve qu'il est primordial de garder des programmes de poids en Afrique. C'est la raison pour laquelle on a décidé, même si on a moins de ressources maintenant, de restructurer les bureaux en Afrique au lieu de les abolir. Nous avons donc des gens sur le terrain à Dakar, à Nairobi et à Johannesburg, qui vont rester là.

Sur la question de la liberté d'action, je dois souligner que, même quand j'étais la présidente de l'Institut Nord-Sud—qui recevait presque tous ses fonds du gouvernement—, il n'est jamais arrivé dans l'histoire de l'Institut Nord-Sud ou dans celle du CRDI que le gouvernement essaie de faire dévier les recommandations de politique ou de s'ingérer dans l'action. Il en est ainsi au CRDI.

• 0955

Notre conseil d'administration est composé pour moitié de gens nommés sur le plan international et pour moitié plus un, de Canadiens. Je crois que nous sommes autonomes.

Une autre question est aussi intéressante. Comment doit-on travailler en collaboration avec les initiatives du gouvernement? Par exemple, il y a la question que j'ai soulevée juste avant le début de la réunion: comment une agence de recherche peut-elle favoriser une ouverture d'esprit chez les gouvernants, aider au respect des droits de la personne même si cela n'est pas la mandat précis du Centre? On peut dire que c'est possible, que cela est une des valeurs canadiennes qui font partie de la politique étrangère du Canada.

Je m'intéresse beaucoup à cette question personnellement. Mais cela ne nous a pas été demandé par le gouvernement. Les Canadiens exigent que l'argent dépensé à l'étranger serve à faire respecter les droits de la personne. Mais je crois que ce n'est pas la question que vous avez posée.

Je crois que dans l'histoire du CRDI, il n'y a vraiment pas moyen qu'un ministre... Le gouvernement établit le budget du CRDI et cela a une grande influence sur nous, mais je crois qu'il n'est jamais arrivé qu'il s'ingère dans la gestion du Centre. Notre liberté d'action est assurée par notre conseil d'administration et aussi par notre façon de travailler. Cela ne veut pas dire qu'on ne cherche pas, si l'occasion s'en présente, à travailler en complémentarité avec l'ACDI. Quand c'est possible, on le fait.

Par exemple, en Afrique du Sud, quand ce n'était pas possible pour le gouvernement du Canada de financer directement l'ANC, alors, par le biais de l'assistance de l'ACDI, et après beaucoup de discussions, le CRDI a décidé de commencer à travailler sur les questions des politiques avec l'ANC. Je crois que maintenant, c'est devenu quelque chose de très important, parce qu'on a essayé, avec l'ANC, de travailler à créer les bases de plusieurs politiques, soit en urbanisme, soit en économie, soit en environnement.

M. Daniel Turp: Est-ce qu'il y a maintenant des cas analogues à celui de l'ANC?

Mme Maureen O'Neil: Non, mais on se demande si... Actuellement, la situation en Birmanie nous préoccupe beaucoup. On voit la Birmanie et on se demande s'il est possible de travailler avec les Birmans qui se trouvent hors de Birmanie pour susciter un changement d'ici cinq ou dix ans. Est-ce possible en travaillant avec les intellectuels, les professeurs birmans qui sont à l'extérieur de leur pays? Mais il faut aussi commencer à se préparer à une transition au gouvernement. On se demande si cela est possible. Je ne sais pas si cela l'est.

M. Daniel Turp: Vous intéressez-vous au Timor-Oriental?

Mme Maureen O'Neil: Nous n'avons pas encore étudié la question du Timor-Oriental. On n'a rien fait sur la question. Je crois que c'est la même sorte de question.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Il y a plusieurs personnes qui veulent poser des questions. Je reviendrai à vous plus tard.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Maureen, je suis très heureuse de vous voir ici au comité. Je vous ai observée et j'ai travaillé de loin aux dossiers qui vous occupent. J'ai souvent admiré votre compétence et votre dévouement à régler les problèmes de votre organisation.

Je voudrais vous poser quelques questions d'ordre pratique. Ce qui m'inquiète, ce sont les compressions de l'aide au développement. Je suis heureuse que la question ait été soulevée, mais je ne vais pas vous demander de nous en parler. Il y a chez les députés un grand désir de faire mieux lorsque l'occasion se présente. Mais quels sont les problèmes que vous rencontrez au jour le jour?

• 1000

Puisque vous avez un conseil d'administration international, j'aimerais vous poser des questions d'ordre pratique. Quand vous réunissez-vous? Comment rassemblez-vous aux réunions les gens qui viennent des quatre coins du monde? Comment les secrétariats communiquent-ils avec le conseil international et avec le siège ici à Ottawa? J'aimerais que vous nous en parliez. Pourriez-vous pour terminer nous donner un exemple concret de partenariat ou de coopération avec l'ACDI, un projet précis, qui nous montrerait clairement comment vous travaillez avec l'ACDI?

Mme Maureen O'Neil: Merci.

Pour ce qui est des problèmes quotidiens, le plus difficile c'est de veiller à ce que l'organisation qui a perdu tant de ses collaborateurs en cinq ans retrouve sa joie de vivre et la stabilité qui lui permette de faire son travail.

Un des problèmes est celui dont j'ai parlé tout à l'heure et que nous venons de régler. Il y a eu tout un va-et-vient à propos des bureaux régionaux. Avons-nous les moyens de les garder? Notre conseil a pris la décision et nous lui avons conseillé de conserver les bureaux régionaux. Notre crédibilité repose sur notre aptitude à être à l'écoute des régions. Voilà donc un problème que nous avons résolu.

L'autre problème c'est de veiller à ce qu'un programme qui a fait un virage à 180 degrés, qui est passé de la formule unidisciplinaire à la formule multidisciplinaire—ce qui est facile à dire mais difficile à mettre en oeuvre—puisse faire le travail qu'on attend de lui.

Voilà donc les problèmes habituels de gestion que nous connaissons après une réduction importante des effectifs et une réorientation du programme.

Si le président du conseil était ici, il vous dirait qu'il tient beaucoup à améliorer le fonctionnement du conseil. Comme la loi l'exige, le conseil se réunit deux fois par année et le Bureau de direction quatre fois par année. Nous voulons augmenter le nombre de réunions du conseil à quatre fois par année. Le rôle du Bureau de direction sera de fixer le programme de travail du conseil.

Comme il s'agit d'un conseil international, il est essentiel au fonctionnement du centre comme organisation canadienne internationale. Les décisions du conseil sont essentielles à notre travail et augmenter le nombre de rencontre du conseil en entier est une façon d'obtenir l'avis de tous les membres à intervalles plus réguliers. On procédera ainsi à partir de janvier.

Pour ceux qui ont pu prendre connaissance de la documentation, les secrétariats ont été créés pour desservir les secteurs hautement prioritaires de collaboration entre donateurs. De fait, ils ont été créés pour servir de fonds commun dans lequel l'UNICEF, l'ACDI, son équivalent suédois et d'autres puisent pour investir dans certaines initiatives.

L'une des initiatives les plus importantes est celle sur les micro-nutriments. Au Canada, on a oublié que des vitamines et de l'iode sont ajoutés à nos aliments depuis des années. Dans les pays en développement c'est déterminant, et sans doute l'un des aspects les plus importants de la nutrition. Ce secrétariat montre bien la complémentarité de notre travail avec celui de l'ACDI. L'agence s'intéresse en effet tout autant aux déficiences en micro-nutriments et reconnaît que la formule multilatérale est plus efficace que la formule bilatérale. Elle a investi dans le secrétariat qui s'occupe des micro-nutriments et qui favorise une plus grande consommation des micro-nutriments dans les pays en développement.

• 1005

Le secrétariat a un comité consultatif qui est son organe de direction. Pour nous, clarifier et préciser les liens entre le comité consultatif du secrétariat et la responsabilité du conseil est une question d'actualité. Nous sommes en train de terminer un rapport sur le fonctionnement de ces secrétariats parce que le CRDI ne peut pas... c'est une idée peut-être nouvelle, mais nous ne pouvons pas risque de nous retrouver dans une situation où nous serions les premiers responsables des secrétariats. Oui, nous veillons à ce qu'ils soient bien gérés sur le plan financier, mais leurs décisions ne seront pas passées en revue par le conseil. C'est une question qui est tout à fait d'actualité aujourd'hui.

Peut-être y a-t-il aussi trop de secrétariats. Quand on a restructuré le CRDI, le but était de pouvoir accomplir ce que nous voulions faire. Cela a obligé la direction à prendre beaucoup de décisions importantes à titre expérimental. Dans les prochaines années il faudra faire le point, voir ceux qui marchent et renoncer à ceux qui ne marchent pas. Nous ne nous en cacherons pas. Des formules intéressantes ont été tentées, certaines sont efficaces, d'autres pas.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Avez-vous une question supplémentaire, madame Augustine?

Mme Jean Augustine: Je demandais un exemple concret de complémentarité avec l'ACDI.

Mme Maureen O'Neil: J'ai parlé du secrétariat des micro-nutriments.

Mme Jean Augustine: C'est donc...

Mme Maureen O'Neil: C'est un exemple. Un autre, c'est le secrétariat de la santé, en Tanzanie, où on examine la façon d'améliorer le fonctionnement des systèmes de santé lorsqu'ils sont gérés au niveau du district plutôt qu'à l'échelle nationale. L'ACDI a participé—avec d'autres donateurs—à l'évaluation de la politique de l'OMS sur les interventions en soins de santé primaires. Nous travaillons en collaboration avec l'ACDI d'abord parce que cela augmente les ressources allouées et ensuite parce que l'ACDI s'y intéresse parce que les enseignements tirés de ces recherches sur la prestation de soins de santé au niveau du district sont applicables à beaucoup d'autres endroits.

En Afrique du Sud, aussi, il y a eu beaucoup de complémentarité.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Je me joins à mes collègues pour vous souhaiter la bienvenue au comité. Votre curriculum vitae est très impressionnant. Je vous félicite de vos réalisations. Vous avez de grands espoirs dans vos nouvelles fonctions, et je vous souhaite bonne chance.

Mes questions sont simples. Vous en avez déjà abordé quelques-unes, mais mon point de vue est différent.

Quelles sont les trois principales priorités de votre poste? Quels sont vos objectifs?

Deuxièmement, que comptez-vous faire pour améliorer l'efficacité, la transparence, et mieux justifier vos décisions?

Enfin, pouvez-vous en dire davantage sur les liens entre le CRDI et l'ACDI? Selon vous, y a-t-il double emploi ou chevauchement?

Mme Maureen O'Neil: Merci beaucoup, monsieur Grewal, et bienvenue à vous aussi à cette nouvelle législature.

M. Gurmant Grewal: Merci.

Mme Maureen O'Neil: Tout d'abord, juste avant ma nomination, le conseil des gouverneurs du CRDI a approuvé un programme de trois ans. Au centre, nos plans sont échelonnés sur trois ans. Ma première tâche était donc de veiller à ce que ce programme triennal soit mis en oeuvre le plus efficacement possible.

Deuxièmement—et évidemment le programme ne sera pas mis en oeuvre efficacement si l'on ne réalise pas la première chose—ma priorité est de régler les problèmes de gestion hérités de cette restructuration massive. On n'élimine pas 40 p. 100 de son effectif sans devoir examiner de près les liens à l'intérieur du CRDI et la structure de gestion qui existe. Il faut s'assurer que chacun connaît bien sa tâche, travaille de façon productive et avec satisfaction pour veiller à ce que ce cadre de programmation soit mis en oeuvre.

• 1010

Ma troisième priorité est de faire connaître aux Canadiens et à d'autres, à commencer par les parlementaires, le travail que fait le CRDI et, j'espère, communiquer à d'autres la passion que nous avons pour l'aide que nous accordons aux penseurs et aux chercheurs dans les pays en développement car ce sont eux qui vont aider ceux qui luttent pour changer la société.

Telles sont mes trois priorités.

Comment allons-nous améliorer l'efficacité? Il y a quelques années, mon prédécesseur a invité le vérificateur général à nous aider à améliorer notre comptabilité. Nous y travaillons toujours. Nous prenons la chose très au sérieux. Nous ne pouvons pas faire connaître à l'autre ce que nous faisons si nous ne sommes pas absolument sûrs de faire les choses le mieux possible. Nous avons invité le vérificateur général précisément pour être le plus efficaces possible. Nous allons d'ailleurs nous servir d'un instrument que nous avons conçu avec les chercheurs des pays en développement pour évaluer les institutions des pays en développement et nous allons en faire l'essai chez nous pour voir si nous acceptons nos propres conclusions.

Le CRDI est une organisation pleine de gens qui passent leur temps à fouiller les problèmes des autres. Il n'est pas difficile de trouver chez nous des gens qui s'interrogent. C'est notre pain quotidien.

En ce qui concerne le CRDI et l'ACDI, il faut toujours savoir ce que l'on fait par rapport à d'autres organisations. Récemment, il y a eu avec les Affaires étrangères et l'ACDI une séance d'informations sur l'Afrique où nous leur avons présenté le programme uniquement pour qu'ils sachent ce que nous faisons. Nous entreprenons maintenant une autre étude pour examiner la nature de l'appui de l'ACDI à la recherche dans les pays en développement et aussi le nôtre. En 1970, peut-être était-il vrai que l'ACDI ne soutenait pas la recherche. Ce n'est plus le cas en 1997. Quand j'étais présidente de l'Institut Nord-Sud, je présidais des comités à l'ACDI qui accordaient des subventions aux universités.

Il faut savoir ce que fait l'autre. C'est tout à fait normal. Si l'ACDI accorde de l'aide aux universités canadiennes pour qu'elles nouent des liens avec les institutions des pays en développement, il faut savoir de quelles institutions il s'agit de manière à pouvoir maximiser l'effort et qu'il n'y ait pas dédoublement.

Le danger n'est pas tant le dédoublement que les lacunes. J'ai déjà présidé un comité qui s'occupait du Programme universitaire pour la coopération et le développement, qui disposait d'un conseil externe qui conseillait l'ACDI et qui jugeait les propositions qu'on lui soumettait. Le problème n'était pas tant le double emploi et le chevauchement mais plutôt les immenses lacunes: par exemple, très peu d'universités proposaient de travailler avec des institutions africaines. On tenait beaucoup à travailler avec des institutions en Asie et en Amérique latine. Il est plus facile de travailler là. Elles ont plus de moyens. Ce qui ressortira donc de l'analyse de l'ACDI sur l'origine des fonds destinés à la recherche c'est que l'Afrique a encore besoin de beaucoup d'attention; il faut que les universités canadiennes reçoivent plus d'aide pour s'intéresser à l'Afrique.

• 1015

Hier, nous avons rencontré Bonnie Campbell de l'UQAM qui nous a parlé de son activité fascinante avec les autres universités francophones canadiennes. L'Université de Moncton y participe aussi, ainsi que l'Université d'Ottawa. Elles apportent de l'aide aux candidats au doctorat d'Afrique qui veulent trouver les moyens d'améliorer leurs recherches. Ce programme a obtenu l'aide du CRDI et de la Fondation Rockefeller et je sais que l'ACDI aide aussi les universités du Québec et du reste du pays à se mettre en rapport.

La contribution du CRDI à ce projet a permis aux Africains de participer à son évaluation. Des neuf programmes financés par la Fondation Rockefeller, celui auquel a participé le CRDI, en compagnie de l'UQAM à Montréal, est le seul qui a fait participer les Africains à son évaluation. Ça n'a été le cas pour aucun autre. Le CRDI tente donc toujours d'amener les chercheurs du pays en développement à la table lorsqu'on discute des programmes qui les touchent directement.

M. Gurmant Grewal: Y a-t-il un mécanisme permettant d'éviter le double emploi ou le chevauchement...

Mme Maureen O'Neil: Oh, oui. Nous y veillons constamment. Nous venons d'entreprendre une étude avec l'ACDI pour déterminer la nature de l'appui à la recherche que l'ACDI accorde pour répondre à votre question.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je voudrais moi aussi vous souhaiter la bienvenue. J'apprends des choses ce matin et je vous remercie d'être venue.

J'ai deux questions. La première est assez simple et l'autre est un peu plus compliquée et en fait un point de vue à moi. Je vais commencer par la plus simple.

Mon collègue Bob Mills a soulevé la question de la production du canola. Ma question s'applique à toutes les autres cultures. Les progrès agricoles actuels sont attribuables à la biotechnologie plutôt qu'à la simple hybridation ou amélioration des plantes. La biotechnologie dans le monde ne fait pas que des adeptes. Est-ce un obstacle ou le reste du monde va-t-il finir par s'y habituer? C'est ma première question.

Pour la seconde... je préciserai d'abord que c'est un point de vue personnel que j'exprime. Se servir d'un pourcentage de PIB c'est selon moi une façon bien approximative et inefficace de mesurer l'efficacité de l'aide étrangère parce qu'on peut jeter autant d'argent qu'on voudra par les fenêtres ou au contraire le dépenser le plus judicieusement possible en espérant obtenir un effet multiplicateur. Autrement dit, dépenser de façon plus avisée.

Il y a aujourd'hui au Canada des organismes d'aide privés qui ne vivent pas aux crochets de l'État et qui réussissent à obtenir cet effet multiplicateur. L'organisation qui me vient à l'esprit est celle dont le siège est situé dans la circonscription de mon collègue, monsieur le président, et il s'agit de SHARE. L'organisation travaille dans les Antilles et en Amérique centrale depuis plusieurs années et a réussi à stopper, dans une certaine mesure, le processus d'urbanisation qui a cours dans un grand nombre de parties du monde.

• 1020

Les projets de SHARE sont bien connus et je suis certain qu'une organisation comme la vôtre peut en prendre connaissance. Vous donnez-vous la peine de profiter du travail réalisé par ces organisations? SHARE est présente à Belize, au Venezuela, au Guatemala, en Colombie et même à Grenade. Le partage fait partie de son vocabulaire, «share», parce que ses représentants vont dans les régions agricoles et parfois d'élevage, fournissent des semences et c'est ensuite aux villageois de se servir de la technologie, du savoir-faire et du bétail produits pour en faire profiter d'autres localités. Chaque dollar a donc un effet multiplicateur. J'ignore si on en a fait le calcul jusqu'à ce jour, mais moi je trouve que c'est une façon plus avisée de dépenser. C'est prouvé.

Ma question est donc la suivante. Votre organisation profite- t-elle de ces efforts pour essayer d'en mesurer l'importance?

Mme Maureen O'Neil: Merci.

Vous avez d'abord demandé dans quelle mesure nous appuyons la biotechnologie dans les pays en développement. Je ne peux pas vous donner une liste de projets, mais je peux vous dire qu'il y a effectivement eu du travail en biotechnologie. Cela effraie les gens lorsqu'ils voient un clone de brebis. Le CRDI ne fait pas ce genre de choses. Mais nous aidons en effet les scientifiques de pays en développement qui font de la biotechnologie parce qu'il est très important qu'ils puissent se livrer à cette activité.

Quant à l'utilité douteuse de fixer un pourcentage du PIB pour l'APD, j'imagine que ce n'est sans doute pas une mesure d'efficacité. Cela ne permet que de mesurer le volume de l'aide. Si c'est important, ce n'est pas parce que c'est le résultat d'un quelconque calcul scientifique, car je ne crois pas que ce soit le cas, mais bien parce que c'est un engagement sur ce que l'on était prêt à investir dans le développement.

Le rapport du Comité de l'aide au développement de l'OCDE, qui n'a pas encore été publié, je crois, examine le programme d'aide du Canada et a quantité de bonnes choses à dire à propos de la formule canadienne, mais on verra que trop peu de choses passent par ce programme. Même si je pense comme vous que ce n'est pas une mesure de son efficacité, un certain volume... Il faut faire davantage, non pas pour améliorer l'efficacité du programme—il peut être très petit et très efficace—mais seulement parce que la somme n'est pas suffisante.

L'autre point—personne ne l'a soulevé ce matin—c'est l'importance des investissements internationaux qui ne profitent qu'à un petit nombre de pays. La prestation ou la réception de l'aide à l'étranger se sont effectuées sous une multitude de formes. Certains pays, parce qu'ils étaient plus ouverts, mieux gouvernés, en ont fait un meilleur usage que d'autres. Nous entrons dans une période où, malheureusement, un certain nombre de pays s'ouvrent à la démocratie au moment où les pays donateurs—et c'est le cas partout, à quelques exceptions près, comme les Pays-Bas et la Norvège—ont réduit leur aide au développement. Au moment donc où les gouvernements des pays en développement deviennent ouverts, transparents et comptables devant leur population, nous réduisons le volume de l'aide. C'est un problème. Je pense comme vous que l'on peut dépenser plus utilement, mais le volume de l'aide compte encore.

• 1025

Pour ce qui est des organismes d'aide privés, le CRDI collabore avec les ONG en compagnie des chercheurs des pays en développement. Je vais leur demander s'ils connaissent le travail de SHARE parce que cela semble être très intéressant. J'ignore si nous avons déjà travaillé avec SHARE, mais je sais que nous travaillons avec des ONG dans les pays en développement et aussi ici au Canada.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bonjour, madame O'Neil.

Mme Maureen O'Neil: Bonjour, madame.

Mme Maud Debien: Je vous souhaite la bienvenue au comité et je suis personnellement très contente de vous revoir. Je vous souhaite également le meilleur des succès dans le cadre de votre mandat.

J'aimerais renchérir un peu sur une question qui est revenue autour de la table à quelques reprises concernant l'Afrique. À la page 7 de votre rapport annuel 1996-1997, il est mentionné que la répartition de la recherche des différents programmes de recherche dans le Sud accorde un soutien important à l'Afrique.

Or, si je regarde les chiffres qui sont mentionnés par la suite, on nous dit que c'est 24,3 p. 100 pour l'Afrique, que l'Amérique Latine et l'Asie totalisent à elles seules 38 p. 100 et que les activités mondiales et institutionnelles ont 37,4 p. 100. J'aimerais savoir si vous avez l'intention de continuer à soutenir les pays émergents au même rythme. Ce sont ces régions qui obtiennent la plus grande part des programmes de recherche alors qu'on sait que l'Afrique est actuellement le continent qui en aurait possiblement le plus besoin.

J'aimerais savoir ce que vous entendez par les activités mondiales et institutionnelles. Je n'ai pas eu le temps, malheureusement, de prendre connaissance de tout votre rapport, mais je vous demanderais de me dire brièvement en quoi consistent ces activités.

Ma deuxième question a trait aux programmes concernant les technologies de l'information, programmes sur lesquels vous semblez beaucoup insister. Je pense entre autres au programme Acacia. Vous avez parlé d'un projet de technologie de l'information en Afrique du Sud, et je crois comprendre que l'Afrique du Sud est le pays de l'Afrique qui est quand même le plus développé et dont on pourrait même dire qu'il est un pays émergent.

Par contre, en ce qui concerne les autres pays de l'Afrique qui ne sont pas des pays émergents, mais les pays les plus pauvres de la planète, on parle d'investir aussi dans le domaine des technologies de l'information.

Or, vous savez comme moi qu'en Afrique, la majeure partie de la population ne sait ni lire ni écrire et que les besoins de base fondamentaux ne sont pas satisfaits. En Afrique, il n'y a pas de télévision, il n'y a pas de téléphone, mais il y a par contre énormément de radios. Je pense que presque toutes les familles possèdent un appareil radio et que c'est le principal moyen d'information et de communication qui existe là-bas.

Alors, sachant que le Canada et les entreprises canadiennes ont énormément de services et de produits en technologie de l'information à vendre, je me demande s'il est intéressant pour le CRDI—et pour le gouvernement canadien dans ses différents programmes d'aide—de mettre l'accent sur le développement des technologies de l'information et de communication dans des pays où les gens ne savent ni lire ni écrire et où les besoins fondamentaux ne sont absolument pas satisfaits.

Je m'interroge donc sur la pertinence de promouvoir de tels projets en Afrique. On parle même, à la page 40, de l'Internet en Afrique. Est-ce que je rêve? Je vous avoue que je me pose beaucoup de questions et j'aimerais que vous fassiez quelques commentaires à ce sujet.

Mme Maureen O'Neil: Merci beaucoup.

Tout d'abord, je dois souligner qu'en effet, pour l'année prochaine, les chiffres pour l'Afrique ont beaucoup augmenté. L'augmentation va de 24 p. 100, en effet, jusqu'à environ 38 p. 100, si on regarde le budget pour l'année prochaine.

• 1030

En ce qui concerne les activités dites globales, the corporate activities, certains projets touchent en effet tous les continents en même temps. Cela regroupe les chercheurs de partout, pas seulement d'un seul continent. Pour ce qui est des activités institutionnelles, ce sont les programmes reliés aux universités canadiennes, aux ONG canadiennes et à l'éducation publique et autres choses du même genre.

Pour la deuxième question concernant la technologie et surtout le programme Acacia, j'ai mentionné l'Afrique du Sud parce que nous allons aller en Afrique du Sud cette semaine précisément, mais c'est un programme qui concerne toute l'Afrique. Je dois dire que les mêmes questions ont été posées par le conseil d'administration l'année passée, quand ce projet a été présenté. Pourquoi la technologie de l'informatique en Afrique?

Comme je l'ai souligné ce matin, je n'y étais pas quand le projet a été présenté. Le CRDI a toujours soutenu l'utilisation de l'informatique dans tous ses projets depuis les années 1970, pour la simple raison que, pour les chercheurs, il a toujours été très important d'avoir des liens avec la communauté scientifique mondiale. Également, la façon dont leurs bibliothèques fonctionnent a toujours été un grand appui pour la recherche.

Le programme Acacia est un programme qui existe dans toutes les régions de l'Afrique, mais qui a commencé en Afrique du Sud, au Sénégal et en Ouganda. On travaille dans le domaine politique, avec les gouvernements pour les nouvelles technologies et également avec les groupes de base qui peuvent être soit les écoles, soit des centres qu'on appelle centres de télécommunication mais qui sont en fait un peu comme un magasin où se trouveraient un téléphone et un ordinateur qui peuvent être utilisés par toute la communauté.

Il y a maintenant beaucoup d'expériences avec ce qu'on appelle les télécentres et avec les écoles qui peuvent utiliser l'Internet pour avoir de l'information. Les gens peuvent aussi venir, comme autrefois au Canada, dans un magasin ou un endroit où il y a un seul téléphone pour toute une petite communauté. Au Sénégal, par exemple, on travaille avec les télécentres pour voir comment ces équipements sont utilisés par les gens, quels sont les niveaux de financement qui sont importants et comment les écoles peuvent utiliser l'accès à l'Internet pour avoir beaucoup plus de matériel scolaire.

Il y a aussi d'autres projets qui sont absolument fascinants. Par exemple, les femmes qui veulent vendre leurs produits dans les marchés des autres petits villages ont créé un petit marché de commodités avec leur téléphone cellulaire pour communiquer le prix, par exemple, des pastèques ici et là, afin d'éviter un long voyage si ce n'est pas nécessaire. On fait donc de la recherche pour connaître toutes les façons dont on utilise les moyens de télécommunication.

Vous avez aussi mentionné la radio. Je ne sais pas si maintenant, avec le programme Acacia, on fait de la recherche sur la radio, mais dans le passé, c'était très important en Afrique. Maintenant, les choses bougent assez vite dans ce domaine. Par exemple, au Sénégal, où on travaille en étroite collaboration avec le gouvernement, les universitaires et les écoles, il y a un grand désir d'avoir accès à l'Internet aussi bien de la part des chercheurs que des écoles. On est impliqués dans beaucoup d'expériences, comme le Québec l'a déjà été, particulièrement dans l'enseignement à distance.

• 1035

Cette semaine, quelqu'un de l'ACTI, l'Association canadienne de la technologie de l'information, va en Afrique pour voir si des compagnies canadiennes s'intéressent à des projets de niveau communautaire. C'est une expérience intéressante, mais on ne sait pas s'il y a des compagnies qui s'y intéressent.

Dans les autres pays, en Ouganda par exemple, ils sont fort intéressés par ces nouvelles technologies. Le premier ministre de l'Ouganda est venu à Toronto, à la conférence qui a été organisée par la Banque mondiale et l'ACDI pour discuter des façons dont les nouvelles technologies peuvent être utilisées pour contribuer au développement. C'est le premier ministre lui-même qui a demandé que son pays fasse partie de projets comme le projet Acacia.

C'est la même chose au Mozambique. Cela a peut-être l'air farfelu quand on pense à ce pays où il y a tant de problèmes. J'avais à côté de moi le vice-recteur de l'Université de Maputo et le ministre responsable qui voulaient que le Mozambique soit branché. Je sais que cela a l'air un peu bizarre, mais les besoins existent dans ce pays.

Mme Maud Debien: Ce n'est pas bizarre du tout. Les technologies de l'information, ce sont des instruments de pouvoir d'abord.

Mme Maureen O'Neil: Oui, bien sûr, mais ça dépend dans quelles mains ils sont.

Mme Maud Debien: C'est certain. Dans les pays où les chefs ont déjà des pouvoirs dictatoriaux, c'est un outil de pouvoir supplémentaire que vous leur donnez avec ces technologies. Je parlais de la radio tantôt. Tous les citoyens de l'Afrique ont un appareil radio.

Mme Maureen O'Neil: Oui, bien sûr.

Mme Maud Debien: Pour ces citoyens-là, c'est à ce niveau-là qu'on doit effectuer des changements pour améliorer l'alphabétisation, la scolarisation, etc.

Mme Maureen O'Neil: Oui, c'est vrai.

Mme Maud Debien: Il faut que les populations à la base puissent aussi prendre leur part de droits et éventuellement renverser les gouvernements dictatoriaux qui sont en Afrique.

Mme Maureen O'Neil: Oui.

Mme Maud Debien: Actuellement, vous donnez des outils de pouvoir extraordinaires aux dictateurs déjà en place et c'est cela que je trouve épouvantable. Je n'ai rien contre l'utilisation des technologies de l'information en soi, car c'est un outil extraordinaire, mais je voudrais vous faire remarquer que les utilisateurs potentiels en Afrique sont les régimes dictatoriaux et que ce sont des instruments de pouvoir que vous donnez aux pouvoirs en place, alors qu'on sait très bien que c'est par l'éducation et par l'information des populations à la base qu'on va pouvoir améliorer les choses et démocratiser ces pays-là.

Je trouve qu'il y a une contradiction épouvantable entre ce que vous faites et les besoins réels d'une population qu'on doit éduquer, sensibiliser et informer afin de démocratiser ces pays et de les rendre fiables et démocratiques. Je trouve qu'il y a là un problème réel.

Mme Maureen O'Neil: Je voudrais donner une petite réponse.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Une réponse brève.

[Français]

Mme Maureen O'Neil: Je voudrais dire que les groupes de la base avec lesquels on travaille ne sont pas contrôlés par les gouvernements. Ce sont les groupes des ONG, les écoles, et ce ne sont pas des groupes contrôlés par les gouvernements. En Afrique du Sud, même si c'est un pays émergent, ils ont de grandes difficultés parce que 90 p. 100 de la population vit dans les conditions du Tiers-Monde. Cependant, ils essaient de brancher tout le monde au téléphone, à l'électricité, et je peux vous dire que c'est un défi énorme.

Je crois que vos inquiétudes sont très importantes, parce qu'on ne veut pas, par notre travail, mettre plus de pouvoirs entre les mains des dictateurs. Peut-être serait-il intéressant d'avoir une présentation sur ce projet particulier à une autre date, en raison des critiques que vous avez formulées.

• 1040

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur McWhinney, une question brève, une réponse brève.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Je félicite le centre de sa franchise dans la façon dont il pose ces questions. Vous dites: pourquoi donner cet argent à des chercheurs d'autres pays alors que les établissements canadiens ont besoin de fonds de recherches et peuvent faire le travail aussi bien, voire mieux? Je me souviens lorsque le premier ministre Trudeau a décidé de fonder ce centre. Il n'y avait aucun contact systématique entre les universités et les centres de recherches professionnels du Canada avec les établissements de l'étranger.

Je crois que le phénomène de notre époque, c'est que maintenant, les relations bilatérales directes existent. En fait, dans le cadre de l'APEC, les universités ont déjà participé aux tournées du premier ministre en Asie au sein d'Équipe Canada et certaines d'entre elles ont mis sur pied des programmes bilatéraux extraordinairement intéressants. Bien sûr, elles ont des chercheurs et des administrateurs de recherche en grand nombre, ce que vous n'avez pas.

Ayant lancé un mouvement et ayant réussi dans ce domaine, envisagez-vous d'être assujettis à une sorte de loi de temporarisation qui ferait en sorte que vous seriez ultimement intégrés aux universités dans la démarche entreprise par le gouvernement?

C'est une question quelque peu théorique, mais vous l'avez soulevée de façon très réfléchie et très honnête, à ce qu'il m'a semblé, et c'est une question tout à fait fondamentale, parce que tous rivalisent pour obtenir de l'argent: la Fondation pour l'innovation, les universités, les bourses du millénaire, probablement les universités, etc.

Mme Maureen O'Neil: C'est une très bonne question. Je signale toutefois que des chercheurs canadiens participent à nos travaux; ils ne sont pas en majorité, parce que notre rôle est d'offrir un soutien aux institutions des pays en développement.

Il y a certaines régions du monde, en tout cas certains pays, qui ont aujourd'hui beaucoup moins besoin du soutien du CRDI que ce n'était le cas en 1970. Dans ces pays, dans ces régions du monde, il ne devrait pas être nécessaire de dépendre du CRDI et les universités canadiennes devraient être en mesure d'établir des relations bilatérales avec ces établissements. Mais dans d'autres pays, dans des pays pauvres où les établissements de recherche sont très faibles et ont encore besoin d'une aide extérieure, le CRDI joue un rôle très important.

Dans les pays qui ne sont pas dans un cas ni dans l'autre, mais qui sont en train de se démocratiser et qui s'efforcent de stabiliser et de renforcer leurs établissements de recherche nationaux, la tâche du CRDI devrait être de contribuer à transformer leurs centres qui sont axés sur le client en des établissements fondés sur l'évaluation par les pairs et une plus grande ouverture, une plus grande transparence. Par conséquent, notre tâche n'est pas nécessairement d'appuyer des établissements, mais plutôt d'appuyer la façon de mettre en place des centres de recherche efficaces.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Je pense que nous avons eu une réunion extrêmement intéressante et que nous voudrions tous avoir davantage de temps. J'ai également une liste de questions à poser, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons tous des engagements.

Je vous remercie beaucoup pour votre présentation et pour vos réponses franches à nos questions. J'espère que nous aurons l'occasion de nous entretenir de nouveau avec vous.

La séance est levée.