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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 26 février 1998

• 0912

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La séance est ouverte. Je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue au Conseil canadien des Églises.

Je crois comprendre, madame Somerville, que vous allez nous présenter les participants. L'archevêque Peers parlera en votre nom et répondra ensuite aux questions. Normalement nous demandons aux témoins de s'en tenir à 10 ou 15 minutes pour leur déclaration liminaire, ce qui permet de cette façon d'entendre plus de déclarations, puisque nous devons passer à un autre groupe dès 10h10.

Les membres se souviendront qu'à 11 heures, nous aurons une séance d'information sur l'Irak, qui devrait nous amener jusqu'à midi. Nous avons également un certain nombre de questions administratives à traiter, et plus précisément les résolutions adoptées par le comité directeur l'autre jour.

Oui, madame Folco.

[Français]

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Excusez-moi, monsieur le président. Il me semble que vous n'avez pas mentionné le fait qu'il y aura un vote à la Chambre à 10 heures ce matin.

Le président: Je ne l'ai pas mentionné parce que je ne le savais pas. À partir du moment où la cloche sonnera, combien de temps nous restera-t-il? Quinze ou 30 minutes?

Mme Raymonde Folco: Quinze minutes, je crois.

Le président: Quinze minutes, d'accord.

[Traduction]

Le président: Monsieur Robinson.

[Français]

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Le vote sur la motion de M. Assadourian aura-t-il lieu à 10 h 50?

[Traduction]

Le président: M. Assadourian voudrait déposer une motion qui concerne la motion qu'il a précédemment présentée en comité. Nous allons devoir l'examiner à 10 h 50.

M. Svend Robinson: Très bien. Merci.

Le président: Souhaitez-vous être présent quand on va en discuter?

[Français]

M. Svend Robinson: Quand on va revenir du vote.

[Traduction]

Le président: Je pensais que vous aimeriez être présent.

Madame Somerville.

Mme Janet Somerville (secrétaire générale, Conseil canadien des Églises): Mesdames et messieurs, bonjour. Je voudrais tout d'abord vous remercier de l'occasion qui nous est donnée ce matin d'aborder un sujet qui nous tient à coeur. Nous avons depuis longtemps un voeu ardent qui suscite, de la part des 19 Églises que nous sept représentons ce matin, une réaction des plus fortes, et c'est le désir ardent d'insister, de notre vivant, au démantèlement et à la destruction de la dernière arme nucléaire et au rejet, par la famille humaine de l'option nucléaire comme quelque chose d'impensable que certains êtres humains ne doivent tout simplement jamais infliger au reste de l'humanité. Donc, merci infiniment de nous avoir donné cette occasion de vous parler d'une question si importante.

• 0915

Pour nous qui nous présentons devant vous ce matin à titre de représentants et de porte-parole des Églises, cette question revient à une question d'obéissance au Dieu de vie, et au Dieu qui nous ordonne de choisir la vie. Ceux d'entre nous qui suivent la tradition catholique sauront que la première lecture pour ce deuxième jour de carême est le commandement que l'on retrouve dans le Deutéronome, à savoir «Choisis donc ta vie, pour que toi et ta postérité vous viviez...».

Et pour vous, l'abolition des armes nucléaires sera un travail difficile et complexe qui demande une grande diplomatie. Nous sommes justement là ce matin pour vous encourager dans cette voie.

Notre délégation comprend M. Gérald Baril, secrétaire général associé de la Conférence canadienne des évêques catholiques. Je regrette de ne pas avoir pu recommuniquer avec Janice Hilchie à temps pour qu'on prépare un carton avec le nom de M. Baril...

M. Gérald Baril (secrétaire général associé, Conférence canadienne des évêques catholiques; Conseil canadien des Églises): Mais on m'en a donné un. Merci.

Mme Janet Somerville: Bravo!

Des voix: Oh, oh.

M. Gérald Baril: Bravo.

Le président: Nous sommes plus efficaces pour faire des cartons de ce genre que pour faire des collectes de fonds.

Des voix: Oh, oh.

Mme Janet Somerville: Je vous présente maintenant M. Ernie Regehr, directeur de la Politique et des Affaires publiques pour «Project Ploughshares», un institut fondé il y a 26 ans pour étudier le règlement des conflits, le désarmement et toutes les questions connexes, et qui travaille avec le Conseil canadien des Églises depuis plus de 25 ans. Il a contribué à lancer le processus d'étude et de concertation parmi les Églises qui sont membres du Conseil canadien des Églises, d'où la délégation de ce matin.

Nous sommes également accompagnés ce matin de l'évêque Telmor Sartison de l'Église évangélique luthérienne du Canada, qui est venu de Winnipeg pour faire partie de notre délégation; l'archevêque Michael Peers, Primat de l'Église anglicane du Canada; du très révérend Bruce McLeod—que je n'ai d'ailleurs pas besoin de vous présenter—l'ancien modérateur de l'Église unie du Canada; et de M. Joe Gunn, qui est codirecteur du Bureau des affaires sociales auprès de la Conférence canadienne des évêques catholiques.

Mais nous ne sommes pas seuls ce matin. Nous sept, nous parlons pour les dirigeants de 19 confessions chrétiennes distinctes au Canada, dont les noms figurent sur la lettre que nous avons adressée au premier ministre, et qui est également à la base de notre exposé de ce matin.

Le Conseil canadien des Églises n'a que 19 membres; donc, il s'agit là d'un taux de participation tout à fait étonnant. Les Églises membres du Conseil canadien ne signent pas automatiquement les lettres que nous écrivons, pas plus qu'elles n'appuient les positions que nous adoptons sur différentes questions; tout dépend du résultat de nos délibérations, et chaque Église est toujours libre de faire son choix. Mais sur cette question-là, il existe une unanimité très ferme et très profonde, et je suis ravie de pouvoir attirer votre attention sur cette lettre.

Nous avons demandé à l'archevêque Peers d'être le premier intervenant.

Le très révérend Michael G. Peers (Primat, Église anglicane du Canada; Conseil canadien des Églises): Merci infiniment de cette invitation.

Nous aimerions insister très brièvement sur un certain nombre de points qui sont abordés dans la lettre qu'on vient de mentionner; moi-même et M. Baril allons justement citer ces extraits-là de la lettre, puisqu'il s'agit des points les plus importants qui ont d'ailleurs incité les dirigeants qui représentent leurs Églises respectives à la signer.

• 0920

Nos communautés chrétiennes se sont réjouies avec tous les Canadiens et Canadiennes, de ce grand moment où, en décembre dernier, à Ottawa, le ministre des Affaires étrangères a signé, au nom du Canada, le Traité interdisant les mines antipersonnel. Moi qui passe pas mal de temps avec des dirigeants d'Églises du monde entier suis bien placé pour vous dire qu'on se sentait alors privilégié d'être Canadien et de pouvoir assister à de telles conférences. Il s'agissait en effet d'un événement marquant.

Les communautés chrétiennes du Canada, répondant à l'appel de Dieu qui nous invite à être des agents d'amour et de réconciliation dans un monde toujours souffrant, ont participé à ce mouvement. En tant que dirigeants des Églises, nous estimons que cette invitation de Dieu nous incite à lancer un appel pressant à nos communautés chrétiennes, à tous les Canadiens et Canadiennes, ainsi qu'au Parlement du Canada, pour que tous s'engagent à nouveau à relever ce que nous croyons être l'un des plus sérieux défi spirituel de notre temps: se débarrasser des plans et des moyens d'anéantissement nucléaire.

La volonté, voire l'intention de lancer une attaque nucléaire dans certaines situations témoigne de façon éloquente de notre faillite spirituelle et morale. Nous estimons que la prétention des États détenteurs d'armes nucléaires et de leurs alliés, y compris le Canada, selon laquelle ces armes sont indispensables à leur sécurité, est une insulte inouïe à l'humanité.

Les armes nucléaires n'assurent pas et ne peuvent assurer la sécurité. Elles sont sources d'insécurité et de danger. En effet, elles promettent d'anéantir ce qui est le plus précieux: la vie elle-même et l'écosystème planétaire duquel toute vie dépend. Les armes nucléaires n'ont aucun fondement moral, n'ont pas d'utilité militaire, et selon le récent jugement de la Cour internationale de justice, leur légalité est sérieusement mise en doute.

L'élimination des armes nucléaires est l'unique façon de prévenir l'holocauste spirituel, humain et écologique que constituerait une attaque nucléaire. Il est de notre devoir commun de poursuivre cet objectif: c'est une priorité absolue.

[Français]

M. Gérald Baril: Les Églises canadiennes travaillent depuis longtemps en faveur de l'élimination des armes nucléaires.

En 1982, elles ont écrit au premier ministre Trudeau et elles l'ont rencontré. À cette occasion, elles ont affirmé «que les armes nucléaires ne peuvent, sous quelque forme que ce soit et quel qu'en soit leur nombre, être considérées comme étant un élément légitime des forces armées nationales.» En 1988, les Églises ont fait parvenir le même message au premier ministre Brian Mulroney, soutenant que «les armes nucléaires n'ont pas leur place dans la politique de défense nationale.»

Depuis, nous nous sommes réjouis des importants progrès réalisés pour mettre un terme à la course aux armements nucléaires et réduire la taille des arsenaux nucléaires des superpuissances. Mais ces progrès, aussi encourageants soient-ils, demeurent insuffisants. La fin de la guerre froide offre une occasion sans précédent de mettre en branle le processus menant à l'élimination complète des armes nucléaires. Le récent jugement de la Cour internationale de justice a confirmé qu'il y avait là une obligation juridique.

Nous sommes particulièrement troublés par le refus des États détenteurs d'armes nucléaires d'entamer des négociations visant l'abolition de telles armes et de fixer des échéanciers et des objectifs clairs. Nous sommes très déçus qu'à ce jour le Canada souscrive à ce refus. En fait, les États détenteurs d'armes nucléaires continuent de prendre des mesures pour maintenir, améliorer ou moderniser leurs arsenaux nucléaires et ce, pour un avenir indéterminé.

[Traduction]

L'archevêque Michael Peers: Nous croyons sincèrement que le Canada peut grandement contribuer à l'élimination du nucléaire même si force nous est de constater que le Canada continue d'appuyer et de rechercher la protection illusoire des armes nucléaires de différentes façons. Cette position compromet le rôle de promoteur du désarmement nucléaire du Canada à l'Assemblée générale des Nations Unies, à la Conférence sur le désarmement, et dans d'autres forums.

• 0925

Le temps est venu pour le Canada de se prononcer fermement contre la possession d'armes nucléaires par quelque État que ce soit. L'élimination des armes nucléaires doit devenir l'objectif premier de la politique canadienne en ce domaine. Le Canada doit aussi ajouter sa voix et demander qu'on entame immédiatement des négociations menant à la signature d'une convention sur les armes nucléaires.

[Français]

À cette fin, nous considérons que le Canada devrait prendre immédiatement les initiatives suivantes:

- faire pression sur tous les États détenteurs d'armes nucléaires pour qu'à titre de mesures intérimaires et comme signe de leur bonne foi, ils mettent fin à l'état d'alerte dans lequel se trouvent toutes leurs forces nucléaires et s'engagent à ne pas faire usage de leur droit de première frappe;

- renoncer à ce que les armes nucléaires jouent quelque rôle que ce soit dans la politique de défense canadienne et inviter les autres pays à faire de même, y compris la Russie et les alliés du Canada au sein de l'OTAN;

- réévaluer la légalité de toutes les activités du Canada liées aux armes nucléaires à la lumière du verdict de la Cour internationale de justice du 8 juillet 1996 et, après un tel exercice, s'acheminer rapidement vers l'arrêt toute activité dont la légalité paraîtrait désormais ambiguë;

- endosser publiquement les conclusions du rapport de la Commission de Canberra publié le 14 août 1996, et tout particulièrement ses recommandations voulant que les États détenteurs d'armes nucléaires «s'engagent sans équivoque à l'élimination des armes nucléaires et s'entendent pour entamer immédiatement les démarches et les négociations menant à cette fin», et que les États non dotés d'armes nucléaires appuient cet engagement et coopèrent à sa mise en application;

- et, pour mettre un terme à tout cela, faire pression sur tous les États pour qu'ils négocient d'ici l'an 2000 une entente sur l'élimination des armes nucléaires selon un strict échéancier.

[Traduction]

L'objectif de la paix et le respect de la création, qui sont à l'origine de nos préoccupations, nous amènent à faire des propositions et des recommandations précises sur la façon de concrétiser ces principes au Canada et sur la scène internationale où nous sommes appelés à les défendre.

Voilà donc les principaux éléments du message que les représentants des Églises ont convenu de transmettre au premier ministre. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant inviter les membres du comité à poser des questions ou à faire des observations.

Monsieur Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue aux représentants du Conseil canadien des Églises. Votre présence ajoute au travail du comité, axé sur les aspects politiques et sociaux des armes nucléaires, une dimension supplémentaire.

J'aimerais demander aux représentants du Conseil canadien des Églises de m'expliquer le rôle de la communauté chrétienne dans d'autres pays qui veulent poursuivre cet objectif en faisant pression sur d'autres États et gouvernements qui disposent d'armes nucléaires. Pourriez-vous me parler notamment du rôle du Vatican dans ce domaine?

Mme Janet Somerville: Joe, voulez-vous commencer par parler du rôle du Vatican, puisque M. Grewal a demandé des précisions à ce sujet?

M. Joe Gunn (directeur, Bureau des affaires sociales, Conférence canadienne des évêques catholiques, Conseil canadien des Églises): Le Vatican a mis sur pied un comité consultatif qui est chargé d'examiner les questions liées au désarmement, et dont l'un des membres est M. Doug Roche, un Canadien qui a non seulement été député à la Chambre des communes mais ambassadeur canadien au désarmement. Ce comité essaie de favoriser le travail du Vatican en faveur du désarmement, et ce, à cause du rôle important qu'il peut jouer dans divers forums internationaux. De plus, des déclarations à ce sujet ont été faites à plusieurs reprises par le Saint Père, de même que la Commission Justice et Paix, qui suit de très près l'évolution du dossier. Donc, la Conférence canadienne des évêques catholiques estime qu'elle est bien placée pour faire un exposé comme celui-ci, puisque les principes que nous énonçons cadrent parfaitement avec les positions adoptées par le Vatican, positions que nous l'avons d'ailleurs encouragé à adopter.

• 0930

Son Excellence l'évêque Telmar Sartison (Église évangélique luthérienne au Canada; Conseil canadien des Églises): Je désire simplement vous faire remarquer que la Fédération luthérienne mondiale, qui a 55 millions de membres dans 122 pays différents, a contribué à faire avancer le dossier des mines terrestres et appuie les visées que nous énonçons dans ce forum.

Le président: D'autres intervenants voudraient-ils nous parler du travail qui se fait dans d'autres pays par le biais d'Églises affiliées? Allez-y, Monseigneur.

L'archevêque Michael Peers: Je crois aussi savoir que le Conseil oecuménique des Églises, qui regroupe surtout des Chrétiens anglicans, protestants et orthodoxes, défend cette même position depuis longtemps, notamment par le biais des personnes qui le représentent auprès des Nations Unies.

M. Gurmant Grewal: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): J'aimerais d'abord vous remercier tous de vous être déplacés à Ottawa pour venir nous faire cette présentation. C'est tout de même intéressant, comme vous l'avez souligné, qu'il y ait un tel consensus au sein des Églises du Canada, que votre conseil représente sur cette question, un consensus qui, je le comprends, ne date pas de 1998. Il précède de loin cette date où l'on reprend les travaux visant à élaborer une position du gouvernement canadien sur cette question.

J'ai beaucoup aimé la lettre que vous avez relue et qui présente l'essentiel des positions et fait quelques recommandations tout à fait intéressantes, des recommandations qui nous sont souvent faites par d'autres organisations. Je pense que notre comité devrait beaucoup s'inspirer de son contenu au cours de ses prochaines délibérations.

Ce qui me frappe d'ailleurs, c'est que vous avez trouvé une expression tout à fait pertinente pour décrire l'arme nucléaire et ce qu'elle pourrait faire à l'humanité. Vous parlez d'holocauste spirituel, humain et écologique. C'est une image absolument extraordinaire pour décrire ce que pourrait vouloir dire l'emploi de ces armes nucléaires.

Ma première question concerne le fondement théologique de cette affirmation. Vous représentez plusieurs Églises. Sur quel texte biblique vous appuyez-vous pour dire qu'il faut proscrire des armes comme les armes nucléaires? Je ne sais pas si les catholiques, les anglicans et d'autres dénominations peuvent s'entendre sur le texte, mais j'aimerais bien le savoir.

Vous dites aussi, et je pense qu'il est utile de le souligner, que la politique du Canada est ambiguë. J'aimerais que vous nous disiez devant les représentants au parti au pouvoir pourquoi, d'après vous, cette politique est ambiguë et que vous ajoutiez peut-être un commentaire.

Voici une troisième question. Nous allons bientôt aller aux États-Unis, à Washington et à New York. Nous allons parler de ces questions aux Américains. J'aimerais savoir quelle est la position des Églises américaines. Quels rapports entretenez-vous avec les Églises américaines sur cette question?

[Traduction]

Le très révérend Bruce McLeod (Conseil canadien des Églises): Monsieur le président, je pourrai peut-être tenter de répondre en m'appuyant sur des textes bibliques.

Nous ne nous présentons pas devant vous à titre d'experts politiques ni de spécialistes de la politique étrangère. Nous sommes issus de nos communautés, des communautés qui lisent les textes difficiles de la Bible chaque semaine, difficiles malgré le fait que nous habitons un pays riche au milieu d'un monde pauvre et affamé. Et ces textes bibliques sous-tendent les principes énoncés dans cette lettre, en commençant par la déclaration de Dieu selon laquelle le monde est bon. On nous a offert un monde bon, un monde béni par la présence de Dieu, et par sa volonté, pour que nous vivions ensemble sur cette terre et que nous en fassions notre foyer.

• 0935

Tout cela est tiré des tout premiers versets de la Genèse. Nous comprenons en lisant la Bible—et il nous est parfois difficile de lire ces textes—que Dieu aime le monde, pas tellement l'Église, sauf dans la mesure où l'Église accepte de communiquer au monde l'amour de Dieu. Nous ne pouvons prier en privé, car quand nous levons les mains et touchons autre chose, par réflexe, nos bras s'étendent et englobent le monde qu'aime Dieu. Toute la tradition prophétique de la Bible nous enseigne, et ce dans les livres de l'Exode et de Moïse, que pour connaître Dieu il faut tout d'abord pouvoir entendre les cris des opprimés et des personnes sans recours pour leur venir en aide. Et ce sont les prophètes qui nous disent régulièrement que ce qu'ils souhaitent, ce ne sont pas des prières dans les églises ou au Parlement, mais que la société s'imprègne de justice et de droiture; et ils veulent que les pauvres, les faibles, les enfants et les veuves, toutes ces personnes vulnérables, qui nous permettent de sentir la présence de Dieu...

Comme nous l'enseigne Jésus, il ne s'agit pas d'aider les pauvres, les faibles, et les enfants qui vivent sous la menace de la bombe, pour faire plaisir à Dieu. Ce sont justement les problèmes des faibles, des pauvres et des sans-abri, comme nous l'enseigne Jésus, qui nous permettent de sentir la présence de Dieu. Voilà ce qu'on trouve dans Mathieu 25, aux versets 31 à 46. C'est là que nous rencontrons Dieu. Et donc, aujourd'hui, en examinant le monde, qui vit toujours sous la menace de la bombe et de la guerre nucléaires—il y a eu des progrès, bien entendu, mais il y a encore des enfants qui... Rappelez-vous la situation d'il y a 10 ans, où les enfants faisaient des cauchemars la nuit, se demandant si on avait lâché la bombe.

Après cette réunion, d'ailleurs je vais rencontrer les élèves d'une classe de 5e à l'école Carson Grove, où 62 cultures ou pays différents sont représentés. Ils veulent savoir ce que fait le Canada. Allons-nous continuer à menacer de déclencher ce genre d'holocauste nucléaire? Il faut que je leur explique la situation.

Les textes de la Bible disent que Dieu veut qu'on soit en mesure de fournir ces explications et il veut qu'on sache que ne rien faire face à cette menace nucléaire, c'est condamner les enfants de Dieu à vivre dans la terreur pendant des générations à venir.

Mme Janet Somerville: Pour répondre à votre question concernant notre éventuelle concertation avec les Églises américaines sur la question, nous entretenons des rapports suivis avec le National Council of the Churches of Christ aux États-Unis, qui a souvent pris des initiatives visant à détourner la politique étrangère américaine de sa dépendance vis-à-vis de la menace nucléaire. Mais dans le cadre de ce processus-ci, qui a commencé en décembre avec une journée de réflexion dirigée par Ernie Regehr, nous n'avons pas consulté les Églises américaines. Le discours prononcé aujourd'hui est le fruit d'une collaboration entre 19 Églises canadiennes sans l'apport de nos partenaires américains.

[Français]

M. Daniel Turp: J'aimerais aussi entendre quelque chose sur l'ambiguïté de la politique canadienne.

[Traduction]

L'évêque Telmor Sartison: Je voudrais apporter une autre précision en réponse à votre question précédente. Notre Église soeur aux États-Unis, qui représente quelque 5,5 millions de membres... J'étais d'ailleurs présent quand ses 65 évêques ont signé un document destiné au président Bush concernant la guerre du Golfe. J'étais également présent lorsqu'ils ont critiqué l'approche de leur gouvernement relativement au dossier des mines terrestres, et je sais que dans la poursuite de l'objectif du désarmement nucléaire, ils exercent des pressions sur leur gouvernement en ce sens. Donc, je suis bien placé pour vous parler des activités de ce groupe-là.

Sur la question de l'ambiguïté, je pense que cette ambiguïté est d'origine politique. En tant que Canadiens, nous sommes réticents à nous avancer suffisamment pour exercer l'autorité si vivement souhaitée dans bon nombre de régions du monde, et si je suis là devant vous aujourd'hui, c'est en partie pour encourager ce gouvernement et ce pays à profiter de l'occasion qui nous est donnée, en tant que Canadiens, de faire preuve de leadership dans ce domaine.

• 0940

En juillet de cette année, j'ai assisté à l'assemblée de la Fédération luthérienne mondiale, qui regroupe toutes ces personnes. Nous nous sommes réunis à Hong Kong le lendemain du transfert des pouvoirs. Notre assemblée a duré 14 jours. Nous en avons une tous les sept ans. Et si nous avons choisi Hong Kong, c'est surtout à cause de la situation politique à l'époque.

Notre petite Église au Canada a 200 000 membres. Bien sûr, la Fédération luthérienne mondiale regroupe quelque 55 millions de membres dans le monde entier, mais le Canada est extrêmement influent au sein de cette assemblée, de même que pour moi, le Canada est extrêmement influent dans les tribunes politiques du monde entier. S'il existe cette ambiguïté, c'est parce qu'en tant que pays, nous ne sommes pas prêts à devancer les acteurs principaux en adoptant une telle position. Mais nombreux sont ceux qui recherchent un pays comme le Canada, un pays qui a la capacité d'exercer son autorité et de venir en aide à nous tous.

M. Ernie Regehr (directeur des Politiques et des Affaires publiques, Institute of Peace and Conflict Studies; Conseil canadien des Églises): Monsieur le président, me permettrez-vous une très petite observation concernant l'ambiguïté de la politique canadienne? À mon avis, cette ambiguïté existe depuis fort longtemps. Vous vous souviendrez des débats de la fin des années 50 et du début des années 60 concernant le rôle nucléaire du Canada. Elle est étroitement associée à nos rapports avec les États-Unis, bien entendu. Pendant la guerre froide, les États-Unis avaient absolument besoin du territoire canadien et de notre solidarité pour poursuivre leurs objectifs en matière de sécurité nationale, telle qu'ils l'entendaient à l'époque et dont l'un des volets était évidemment l'éventuel recours aux armes nucléaires. Le Canada comprend depuis toujours que son bien-être et sa propre sécurité sur ce continent sont étroitement liés à ceux des États-Unis.

Or, la situation politique actuelle offre l'occasion—occasion qui ne s'est pas présentée depuis fort longtemps—d'éliminer une partie de cette ambiguïté. Le Canada comprend à présent que sa propre sécurité est directement liée au sort non pas d'une seule superpuissance, mais d'un ordre international qui assure la justice et la stabilité et qui répond aux besoins fondamentaux des peuples du monde. Dans ce contexte, la sécurité et la viabilité économiques du Canada sont assurées.

Nous avons à présent l'occasion de détacher notre propre sécurité de sa dépendance directe vis-à-vis des États-Unis, et de faire preuve de leadership au profit d'une communauté internationale qui souhaite renouveler le danger des armes nucléaires, de cette épée de Damoclès qui pèse encore sur nous. Mais nous arriverons à forger des alliances dans des régions du monde dont l'approche était difficile par le passé, notamment pendant la guerre froide.

Le président: Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président. Moi, aussi, je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins et les remercier non seulement pour leur leadership collectif, en tant que porte-parole du Conseil canadien des Églises, mais aussi pour leur vision individuelle et le leadership dont ont fait preuve au fil des années les personnes assises autour de cette table. Je suis sans doute le seul membre du comité qui était là au début des années 80. J'ai encore le vif souvenir de l'éloquence et de la passion des dirigeants du Conseil de l'époque, et je tiens à vous remercier d'avoir poursuivi cette tradition aujourd'hui.

J'écoutais le dernier échange au sujet de l'ambiguïté de la politique canadienne. Mais pour moi, il n'y a rien de particulièrement ambigu; c'est plutôt le terme «hypocrite» qui me vient à l'esprit quand j'y songe. Vous êtes sans doute un peu plus charitable que moi de ce côté-là, mais quand je regarde votre mémoire et je vous entends dire que le gouvernement canadien condamne toute dépendance, de la part des pays non alignés, à l'endroit des armes nucléaires mais continue de considérer ces mêmes armes comme un élément utile et même nécessaire de sa propre stratégie de défense et de celles de ses alliés. Donc, pour moi, cette politique n'a rien d'ambigu.

Je voudrais d'ailleurs préciser que ce genre d'échange avec les membres du Conseil me semble très positif. Je suis de la Colombie-Britannique, et certains d'entre vous savent peut-être que cette semaine, le premier ministre de la province, Glen Clark, a participé à une expérience tout à fait remarquable: un dialogue avec quelque 40 dirigeants religieux. Si je ne m'abuse, c'est l'archevêque David Crawley qui a ouvert la conférence. À mon avis, nous devrions organiser davantage d'échanges de ce genre.

Bien sûr, cela facilite toujours les choses quand on est d'accord. De même, pour votre comité, le fait que Dieu soit avec vous doit également vous faciliter les choses; d'ailleurs je suis en mesure de constater l'impact tout à fait impressionnant d'un document signé par 19 dirigeants.

Avant de vous poser mes questions, je voudrais préciser que je parle aujourd'hui pour mes collègues, soit Alexa McDonough qui est chef de mon parti, Dick Proctor, porte-parole du NPD sur la défense, et chacun des membres de notre caucus, quand je vous affirme aujourd'hui sans ambages que nous soutenons entièrement les objectifs qui sont énoncés dans cette lettre. Nous aurions été fiers de signer nous-mêmes une lettre semblable et nous continuons de poursuivre ces mêmes objectifs.

• 0945

Je voudrais donc vous poser quelques questions. La première concerne l'OTAN.

L'OTAN semble devenir de plus en plus archaïque et compter de moins en moins. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cette institution, notamment par rapport à ses politiques et la doctrine de la première frappe qu'elle continue de suivre malgré les nombreux faits qui militent contre? Cette institution cherche maintenant à étendre son influence vers l'Est, ce qui a pour résultat d'épuiser les rares ressources des pays d'Europe de l'Est qui cherchent désespérément à reconstituer leurs économies, et aussi de déstabiliser leurs relations avec la Russie. Si l'OTAN n'est pas disposée à réexaminer ses politiques sur le recours aux armes nucléaires, comment verriez-vous la participation du Canada à cette organisation?

Mme Janet Somerville: Le Conseil des Églises n'a pas pu faire une analyse suffisamment approfondie pour pouvoir solliciter l'aval de 19 Églises sur une question aussi précise. Mais Ernie et Joe aimeraient peut-être vous répondre.

M. Ernie Regehr: Je pense que l'ambiguïté, ou plutôt l'hypocrisie de l'OTAN découle du fait qu'elle regroupe des pays qui sont très préoccupés par le problème de l'accès aux armes nucléaires aux États non actuellement dotés de ce type d'armes. Mais l'élargissement de l'OTAN et sa volonté de maintenir les armes nucléaires et de se déclarer en faveur de la doctrine de la première frappe sur un territoire en pleine expansion correspond en réalité à un élargissement du bouclier de la protection atomique, qui est un terme un peu pervers pour désigner les armes nucléaires. Or, elle procède à cet élargissement au moment même où elle exprime de graves préoccupations concernant la possibilité que d'autres essaient de se protéger en créant leur propre bouclier atomique.

Voilà donc l'un des grands dangers que pose l'OTAN. Elle défend la légitimité morale des armes nucléaires de même que leur utilité politique et militaire, et les autres pays du monde ne sont pas insensibles à ces arguments. Ils comprennent très bien la situation et aspirent même, ce qui ne devrait pas nous étonner, à profiter des mêmes avantages qu'ils associent tous aux armes nucléaires.

Pour moi, il est tout à fait impossible que l'OTAN continue d'élargir son territoire et d'insister sur son droit de recourir aux armes nucléaires. Cela crée une tension qui ne tardera pas à mener à un dysfonctionnement total. Et ce que je crains, c'est que lorsque cela sera arrivé, on aura ouvert la porte à la prolifération, de sorte que nous n'aurons plus les moyens techniques, ni la légitimité morale de contrôler la multiplication des armes nucléaires.

M. Svend Robinson: Dans votre annexe, vous citez, parmi différents exemples de coopération nucléaire, le fait que le Canada accepte la visite de sous-marins à armement nucléaire. Je suppose donc que nous allons bientôt avoir des nouvelles des responsables de la Nanoose Conversion. Encore une fois, à titre de député représentant la Colombie-Britannique, je désire attirer votre attention sur le fait que ces sous-marins nucléaires vont à Nanoose.

Je suppose que vous appuieriez l'objectif que se sont fixé les responsables de la Nanoose Conversion Campaign, c'est-à-dire de mettre un terme à la participation canadienne à ce traité. Serait-ce une conclusion raisonnable, madame Somerville?

Mme Janet Somerville: Vu ce que nous avons dit, je pense que c'est effectivement une conclusion tout à fait légitime.

M. Svend Robinson: Et enfin, je me demande dans quelle mesure vous, au sein du Conseil, avez cherché à ouvrir un dialogue avec les membres d'autres confessions sur toutes ces questions, qui sont en réalité des questions d'intérêt mondial. Avez-vous cherché, par exemple, à vous concerter avec le Conseil juif canadien, les communautés musulmanes et d'autres, afin d'élargir le plus possible la coalition des confessions canadiennes se prononçant sur une question qui implique la survie même de notre planète?

Mme Janet Somerville: Il se trouve que j'ai une lettre, dont je pourrais peut-être donner une copie à M. Graham avant sa réunion de 11 heures, qui porte sur la situation en Iraq et qui est signée non seulement par les dirigeants chrétiens ici présents mais par d'autres dirigeants représentant les musulmans, les zoroastriens, les bouddhistes, les Sikhs et les membres d'autres confessions.

• 0950

La démarche à laquelle nous participons aujourd'hui découle d'un projet précis de la Commission Justice et Paix, dont la clé angulaire était la préparation, par chaque Église membre, d'une déclaration officielle de notre position sur la question, à savoir que l'élimination des armes nucléaires doit être la pierre d'assise de la politique étrangère canadienne dans ce domaine. Comme il s'agissait d'une procédure assez formelle et spécifique, aucune action directe auprès d'autres confessions n'a été prévue, cette fois-ci, bien que nous l'ayons souvent fait par le passé pour de nombreux dossiers, y compris l'Iraq, et nous comptons bien le faire à l'avenir.

M. Svend Robinson: Mais vous avez toujours la possibilité de le faire dans le cadre de cette démarche.

Mme Janet Somerville: Oui, c'est tout à fait exact. Si le comité souhaite lancer une invitation à une délégation interconfessionnelle, je me ferais un plaisir de vous aider à l'organiser. D'ailleurs, ce ne serait pas difficile. Il existe un consensus très solide sur la question parmi les porte-parole d'une multiplicité de confessions.

M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Avant de donner la parole à Mme Beaumier, je vous invite à nous remettre une copie de votre lettre, et je m'engage à la faire distribuer à tous les membres du comité. Merci infiniment de l'avoir apportée avec vous.

J'aimerais également préciser, monsieur Regehr, que l'un des témoins que nous avons reçus mardi, si je ne m'abuse, a soulevé exactement le même point que vous, à savoir qu'il est très difficile de maintenir l'intégrité du TNP, étant donné que les États dotés d'armes nucléaires eux-mêmes ne se conforment pas aux exigences ni morales ni juridiques de l'accord. C'est d'ailleurs une question sur laquelle le comité voudra certainement se pencher dans le contexte de son étude. Merci.

Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Merci.

J'aimerais commencer par dire au Très révérend Bruce McLeod que j'ai trouvé ses propos très révélateurs. Je comprends à présent que je ne peux m'attribuer tout le mérite de ma conscience sociale. Je suppose que c'est de là qu'elle vient.

Je constate aussi, cependant, que nous parlons beaucoup de l'hypocrisie des uns et des autres; nous nous permettons de prendre cette attitude moralisatrice, et de dire... que tout le monde est hypocrite, sauf nous, bien entendu.

D'abord, je suis convaincue pour ma part que la politique canadienne sur le désarmement nucléaire va changer car, sinon, nous ne serions pas en train de tenir ces audiences. Par contre, à quoi bon faire des reproches aux groupes qui nous ont précédés, qui ont fait ce qui leur semblait approprié à l'époque? Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si les chrétiens américains sont différents des chrétiens canadiens. Est-ce que le désarmement nucléaire leur tient plus à coeur?

J'aimerais bien connaître la position de l'Église sur l'Iraq. J'ai participé à une manifestation contre la guerre et on formait vraiment une bande hétéroclite. Mais je n'y ai pas vu de représentants des Églises.

Pensez-vous que nous, chrétiens canadiens, serions en train de mener cette lutte si c'était nous la puissance mondiale dotée de cet arsenal et que nous faisions confiance à notre jugement et à nos principes pour éviter tout mauvais usage de ces armes? C'est facile pour nous de... à la réunion à laquelle j'ai assisté, on entendait le slogan «À bas les États-Unis» mais est-ce que les gens réfléchissent de temps à autre à la situation impossible dans laquelle nous nous retrouverions si jamais cela se produisait?

Serions-nous en train de nous battre aussi fort si nous étions en réalité la plus grande puissance du monde? Bien sûr, nous savons que de nos jours, nous ne pourrions jamais être les agresseurs ou les grands coupables en cas d'intervention nucléaire. En ce qui me concerne, c'est une question assez importante.

Mme Janet Somerville: Oui, c'est une question très importante.

Peut-être pourrais-je demander à Joe ou Gérald de parler de ce qui a été une grande préoccupation pour les évêques catholiques américains, à savoir la lettre pastorale antinucléaire à laquelle ils ont travaillé pendant des années; il est bien possible que votre Église soit une église internationale.

M. Joe Gunn: Peut-être pourrais-je soulever un certain nombre de points à cet égard.

Il est vrai qu'aux États-Unis, l'un des grands obstacles à l'élaboration d'une position éthique ou morale sur la question est la présence dans ce pays d'une industrie très puissante. Auparavant on la désignait par le nom «complexe militaire industriel». Il y a toutes sortes de localités où bon nombre de travailleurs dépendent dans une large mesure de l'activité des industries militaires. Il s'agit donc dans ce contexte d'insister sur la nécessité de conversion ou, comme l'expliquent les responsables des Églises, le fait de changer son épée en socle de charrue.

• 0955

Ce sont des questions complexes comme le savent déjà nos députés canadiens, qui vont devoir se renseigner sur la présence de ces mêmes industries dans nos propres localités. C'est un problème qui n'est pas facile à régler.

Je trouve particulièrement intéressant que certains évêques avec qui je travaille et dans les localités desquelles se déroulent ces opérations militaires, ont pris la même position sur la question, quand il le fallait, pour que l'enseignement de l'Église soit bel et bien axé sur la paix. Ils prennent des risques en faisant cela, parce que je vous assure que les gens leur disent exactement ce qu'ils en pensent.

Aux États-Unis, c'est peut-être un problème encore plus généralisé, un problème qui reste entier. Mais il est bon que les dirigeants des Églises, qui sont peut-être moins susceptibles que d'autres groupes de se laisser influencer par les sondages, aient tendance à prendre position, à expliquer quelles devraient être les différentes étapes, et à encourager les gens à réfléchir et à changer d'avis.

Ce sont des questions complexes, mais on y donne suite. Aux États-Unis, par exemple, les évêques catholiques ont monté toute une campagne pour essayer de faire accepter l'idée que le gouvernement signe le traité d'Ottawa, bien qu'il ne l'ait pas fait. Certaines personnes ont exprimé leur opposition, mais les églises ont néanmoins pris fermement position sur la question.

Donc, on ne gagne pas toujours, mais il faut toujours adopter la position qui vous semble la plus juste.

J'espère que j'ai clarifié quelque peu la situation.

Mme Colleen Beaumier: Je voulais savoir si les chrétiens américains sont différents des chrétiens canadiens. Nous avons parlé de l'industrie nucléaire et de l'industrie de la guerre aux États-Unis. Je suppose que la réponse, c'est: «Tout dépend du coût», n'est-ce pas?

Est-ce que nous au Canada nous serions aussi prêts à dénoncer cette politique nucléaire si ce secteur industriel était aussi important au Canada?

M. Joe Gunn: Oui, mais ce n'est pas le cas. Le travail qu'a accompli le Canada dans le domaine du désarmement a démontré que les puissances moyennes peuvent jouer un rôle extrêmement utile en rencontrant les responsables d'autres pays. Même si la première superpuissance du monde n'est pas prête à signer pour le moment, notre contribution est tout de même bien importante.

C'est pour cela que je trouve intéressant que ce groupe-ci se présente devant vous maintenant. En ce qui nous concerne, nous avons une occasion intéressante à saisir. Notre gouvernement a prouvé qu'il est en mesure de rallier la population canadienne autour d'un objectif, et d'influencer les représentants d'autres Églises et d'autres pays. Nous estimons que l'examen de l'OTAN et les audiences du comité sont une belle occasion à saisir. C'est justement pour cela que nous sommes là.

Le président: Monseigneur Sartison.

L'évêque Telmor Sartison: Je voudrais dire tout d'abord que si nous étions une superpuissance dotée d'armes nucléaires, j'espère que nous protesterions tout aussi vivement.

Deuxièmement, toujours dans ce même ordre d'idée, je rencontre des gens qui viennent du même milieu spécialisé que moi, tous les mois de janvier dans le cadre d'une conférence qui dure cinq jours. Eh bien, ces 65 responsables religieux, qui sont des évêques, sont tout aussi patriotes que n'importe qui d'autre. Le dimanche nous devons d'ailleurs nous interrompre pour regarder la finale du Super Bowl. En même temps, ils critiquent vigoureusement la politique de leur gouvernement, comme je vous le disais tout à l'heure. Ils n'ont pas peur de le faire. Ils estiment que c'est leur devoir.

Je voulais faire deux autres observations concernant les textes dont il était question tout à l'heure. Je pense que ce qui compte par-dessus tout c'est Jésus lui-même. Si on pense à Jésus et à ce qu'on sait de lui, on peut se demander quelle serait sa position sur la question? Eh bien, ce n'est pas très difficile à imaginer.

Deuxièmement, je voulais vous dire que l'un des livres les plus choquants que j'ai lu récemment—et il m'a fallu longtemps pour me décider à le lire—est une oeuvre de Nevil Shute intitulé On the Beach. Je ne sais pas si vous l'avez lu. Si vous voulez lire quelque chose à ce sujet de vraiment apocalyptique, ce livre convient bien; il fait un peu peur.

Une voix: J'ai vu le film.

L'évêque Telmor Sartison: Le livre est pire.

Le président: Nous allons passer à quelqu'un d'autre maintenant. J'ai trois autres personnes sur ma liste, et nous n'avons presque plus de temps.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je me joins à mes collègues pour vous souhaiter la bienvenue au comité. Je suis particulièrement contente de vous voir, parce que je me demande souvent quelle est la position des dirigeants religieux sur diverses politiques et questions de justice sociale. Je suis donc très heureuse que vous soyez venus témoigner.

• 1000

Je pourrais vous entretenir longuement de ma propre position sur la question, mais je préfère vous demander de répondre à un certain nombre de questions qui nous ont été posées par des personnes qui sont dans l'autre camp, si je puis dire. Mais je voudrais préciser d'abord que lorsque notre ambassadeur au désarmement est venu nous parler de la Commission de Canberra, il a dit que c'était tout à fait faisable, que c'était utile et que c'était un bon document. Les porte-parole de divers groupes qui appuient la non-prolifération nous ont dit que le Canada joue effectivement un rôle de direction au sein de certains groupes, et que nous faisons notre possible dans ce domaine.

En même temps, la question qui reste à approfondir—de même que les conséquences pour nous de l'éventuelle réponse à cette question—concerne l'absence de la guerre et le fait de savoir si on peut attribuer l'absence d'une guerre, c'est-à-dire une grande guerre entre l'Est et l'Ouest, à l'existence de ces mêmes armes. D'ailleurs, j'ai retenu une phrase d'une citation intéressante: «Mieux vaut un monde doté d'armes nucléaires mais sans grande guerre qu'un monde engagé dans une grande guerre mais sans armes nucléaires».

J'aimerais que vous nous présentiez votre point de vue sur la question, parce qu'en tant que comité, nous devront réfléchir longuement aux arguments que nous ferons valoir aux partisans des deux camps. Alors je vous invite à réagir. Ce n'est pas nécessairement mon opinion, mais c'est une considération importante dont il faut tenir compte en formulant notre réponse.

Merci.

M. Ernie Regehr: Monsieur le président, je veux bien essayer d'y répondre.

Pas de grandes guerres, vous dites? Eh bien, le monde a, au contraire, connu d'innombrables grandes guerres pendant toute la période de la guerre froide. Depuis 15 ans, notre Centre étudie le phénomène et la fréquence des guerres. Si vous examinez les faits, vous verrez que le nombre de guerres ne cesse d'augmenter depuis un moment. Nous avons atteint un record au début des années 90, mais depuis, le nombre continue à grimper. Il s'agit d'ailleurs de grandes guerres qui entraînent la mort de plusieurs millions de personnes à chaque fois.

Les armes nucléaires n'ont aucune force de dissuasion. D'ailleurs, on peut se demander si elles ont permis d'éviter une guerre entre les États-Unis et l'Union soviétique, bien entendu. Elles n'ont certainement pas prévenu la guerre entre l'Allemagne et la France, au cours de cette même période. C'est à d'autres facteurs qu'on peut attribuer le fait qu'il n'y a pas eu de guerre entre ces deux ennemis traditionnels. Il est possible, voire nécessaire de créer le genre de conditions et de relations entre les États qui les mettent dans l'impossibilité de concevoir qu'un problème politique ne puisse pas se régler autrement que par la guerre, classique ou non. Si des États puissants font la guerre et décident de recourir aux armes classiques actuellement disponibles, ils vont certainement finir par se détruire, sans que cela leur rapporte quoi que ce soit.

La question est donc de savoir si le fait d'affecter 1 billion de dollars par année au maintien de ce genre d'attente militaire entre les États—et ce, pour prévenir la guerre—correspond à une bonne utilisation des ressources. Pour vraiment prévenir la guerre, il faut édifier des sociétés qui répondent aux besoins de leurs citoyens et respectent les droits de ces derniers et ceux de leurs voisins. Se servir des ressources disponibles pour atteindre ces objectifs, voilà qui permettra de prévenir la guerre entre les pays industrialisés.

Il est tout à fait impensable que les grands pays industrialisés décident de régler leurs différends par des moyens militaires. Ce qu'il faut faire, c'est utiliser les ressources qui servent inutilement à maintenir cet état de préparation militaire pour constituer des régimes sociaux, économiques et politiques à la fois sûrs et stables dans les régions du monde où la guerre se poursuit encore depuis des années, et où les armes nucléaires n'ont aucune force de dissuasion et ne contribuent aucunement à étouffer la poursuite de la guerre.

• 1005

Le président: Nous allons devoir clore cette discussion, car nous recevons également les représentants de la Nanoose Conversion Campaign, qui sont venus de Vancouver, et si je ne fais pas vite, il ne leur restera plus que 35 minutes. Je m'excuse d'avance auprès des représentants du Conseil canadien des Églises, surtout que votre position sur la question nous intéresse au plus haut point.

D'ailleurs, moi-même et tous les membres du comité appuyons votre position morale en ce qui concerne la nécessité d'éliminer la menace d'une guerre nucléaire. Ce qui est moins évident pour nous, c'est de savoir comment y arriver. C'est peut-être là qu'intervient l'ambiguïté—ou l'hypocrisie, si vous préférez. Je sais que des chrétiens tout aussi sincères que vous sont venus dire devant ce comité que la politique nucléaire canadienne, telle qu'elle existe actuellement, constitue le moyen le plus efficace de réaliser un monde sans armes nucléaires, ce qui est notre but à nous tous. Donc, dans le contexte de ces discussions, des gens raisonnables, et même des gens relativement religieux peuvent avoir des opinions divergentes.

J'espère que nous aurons l'occasion... Si vous avez des observations à nous faire qui pourraient être utiles—par exemple, sur la question épineuse de la politique de la première frappe de l'OTAN... On nous a fait valoir des arguments convaincants au sujet de son ambiguïté morale. Peut-on dire que c'est une bonne chose parce qu'elle prévient la guerre? D'autres diront qu'on fait fausse route avec une telle stratégie. Si vous croyez pouvoir nous aider à mieux comprendre l'une quelconque de ces questions et que vous aimeriez nous faire parvenir vos réflexions à ce sujet, je vous assure que les attachés de recherche seraient ravis de les recevoir.

Nous vous remercions tous, madame Somerville et tous les membres du Conseil canadien des Églises, de votre présence aujourd'hui. Nous vous remercions de votre contribution et de vos conseils; je regrette seulement que nous ne puissions pas passer plus de temps avec vous.

Mme Janet Somerville: Merci, monsieur le président.

Le président: J'invite maintenant M. Norman Abbey, représentant la Nanoose Conversion Campaign, de venir s'asseoir à la table.

• 1008




• 1011

Le président: Chers collègues, êtes-vous prêts à reprendre?

J'invite M. Norman Abbey, de la Nanoose Conversion Campaign, à faire sa déclaration liminaire. Comme d'habitude, je vais vous demander de vous en tenir à dix minutes. Ainsi les membres auront plus de temps pour vous poser des questions.

M. Norman Abbey (directeur, Nanoose Conversion Campaign): Je voudrais tout d'abord vous remercier, monsieur le président et les membres du comité, d'avoir organisé ces audiences et de l'occasion qui nous est donnée ce matin de nous prononcer sur la question.

La séance d'aujourd'hui est en réalité la première fois que nous avons l'occasion de parler directement avec les représentants du gouvernement, bien que les membres de la Nanoose Conversion Campaign se préoccupent depuis 14 ans de divers problèmes associés aux sous-marins et aux navires nucléaires et à capacité nucléaire, qui arrivent à Nanoose et circulent dans le détroit de Georgie en Colombie-Britannique depuis une trentaine d'années. Notre campagne a été lancée en 1984, et la rencontre d'aujourd'hui représente nos premiers contacts avec vous. Je vous suis très reconnaissant de nous avoir donné cette possibilité, et j'espère que cette séance marquera l'ouverture d'un véritable dialogue avec le gouvernement qui reflète les préoccupations du gouvernement de la Colombie-Britannique et de nombreux citoyens.

Je voudrais vous parler du CEEMFC, c'est-à-dire du Centre d'expérimentation et d'essais maritimes des Forces canadiennes de Nanoose Bay. Il s'agit d'un centre d'essai de torpilles dotées d'instruments acoustiques. La guerre anti-sous-marine repose essentiellement sur l'acoustique.

Les fonds du détroit de Georgie sont donc équipés de microphones pour suivre le parcours des torpilles, etc. C'est surtout la marine américaine qui s'en sert. Dans 85 p. 100 des cas, c'est la marine américaine qui utilise les installations de Nanoose Bay, mais d'autres pays, entre autres le Chili, s'en sont également servi.

L'une des choses qui nous inquiètent le plus, c'est qu'à plusieurs égards, l'utilisation du Centre de Nanoose Bay par la marine américaine engage le Canada à appliquer la politique américaine en matière d'armes nucléaires. Ce centre est étroitement associé à l'installation de Bangor dans l'État de Washington, située un peu au sud de nous, où se trouvent huit sous-marins Trident dotés de missiles balistiques intercontinentaux.

En règle générale, ils ne viennent pas à Nanoose, mais cela s'est tout de même produit une fois. Un sous-marin Trident y était en 1995. Cela voulait dire qu'environ 200 armes nucléaires se trouvaient dans le détroit de Georgie. Chacun des 24 missiles balistiques intercontinentaux des sous-marins Trident est doté, si je ne m'abuse, de huit ogives.

Normalement, il n'y a que les sous-marins d'attaque. Nous avons d'ailleurs réalisé des progrès en 1992, quand le président Bush a fait enlever les ogives nucléaires des sous-marins d'attaque.

Donc, normalement, il ne devrait pas y avoir d'armes nucléaires dans le détroit de Georgie. Nous n'en avons pas la certitude, mais nous présumons que c'est le cas.

Mais elles ne sont pas bien loin; après les avoir enlevées des sous-marins, elles ont été entreposées à terre. Donc, à moins d'une urgence ou à moins qu'il arrive un sous-marin Trident dans le détroit de Georgie comme en 1995, on peut partir du principe que normalement, ces sous-marins ne sont pas dotés d'armes nucléaires.

• 1015

Si nous nous disons préoccupés par la possibilité que l'existence du Centre de Nanoose engage le Canada à appliquer la politique nucléaire américaine, c'est parce que le Centre de Nanoose est essentiellement une installation satellite du Keyport Underwater Warfare Testing Centre situé dans l'État de Washington, qui lui-même fait partie de l'installation de sous-marins nucléaires Trident à Bangor. C'est donc un système intégré situé à proximité, et tous les éléments de ce dernier forment un tout.

Nous avons essayé à plusieurs reprises de lancer la discussion. L'une de nos premières actions était d'organiser une grande conférence à Nanaimo. Il y avait environ 500 participants, dont le major général Leonard Johnson des Forces canadiennes; la Soeur Rosalie Bertell, un scientifique qui a étudié les effets des rayonnements sur la santé; et de nombreuses autres personnes de toutes les régions du pays. Il en est découlé des recommandations, entre autres.

Au fil des ans, nous avons publié des bulletins d'information et des communiqués de presse, et nous avons essayé différentes façons d'amorcer un débat public sur tous les aspects de la situation à Nanoose. En plus de la politique nucléaire, il y a également les questions économiques et environnementales, qui sont sérieuses. Nous sommes très frustrés de n'avoir pu ouvrir ce dialogue. J'espère que les audiences de ce comité en constitueront le premier volet.

Quant à l'engagement du Canada à appliquer la politique américaine de la première frappe en matière d'armement nucléaire, je n'ai pas l'intention de m'attarder sur cette question, à moins que vous me posiez des questions à ce sujet; par contre, nous sommes très préoccupés par les dangers que présentent des réacteurs nucléaires sans enceinte de confinement comme ceux qui existent à Pickering, par exemple. Il n'est pas possible de prévoir une grosse enceinte de confinement sur un sous-marin.

Des études ont été menées, suivies de recommandations, mais on n'en a pas vraiment tenu compte. Il y a la question des exemptions économiques et environnementales, et d'autres éléments connexes.

Je vais passer tout de suite à notre principale recommandation: l'annulation de l'Accord canado-américain de Nanoose, notamment parce qu'il engage le Canada à appliquer la politique américaine en matière d'armes nucléaires, mais aussi pour toutes sortes d'autres raisons connexes. Nous préconisons également l'élimination progressive de tous les réacteurs nucléaires, à la fois militaires et civils, en raison du lien inséparable entre le cycle du combustible nucléaire des réacteurs et les armes nucléaires. Dès le départ, dans le cadre du projet de Manhattan, le Canada a fourni de l'uranium pour mettre au point la bombe lâchée sur Hiroshima. Une partie de cet uranium a été convertie en plutonium à Hanford pour construire la bombe qui a été lâchée sur Nagasaki, et c'est là que tout a commencé.

La plus récente proposition consiste à importer du plutonium pour le brûler dans des réacteurs CANDU au Canada. Ce genre de décision et celle que nous sommes actuellement en train de prendre ont des conséquences pour nous tous, et pour des générations futures pour des centaines de milliers d'années à venir. Si on décide de retenir la proposition d'importer du plutonium au Canada, le plutonium et ses sous-produits vont être emmagasinés au Canada à tout jamais; or, avant qu'une telle décision puisse être prise, une discussion en profondeur s'impose. Voilà justement l'un des moyens par lesquels les armes et les réacteurs sont étroitement liés.

La Hanford Nuclear Reservation, située au sud de Vancouver, en est un autre. En Colombie-Britannique, nous sommes tous sous le vent, par rapport à cette installation. Et elle a des fuites, cela commence à pénétrer dans la nappe phréatique, alors que c'est quelque chose qu'il faut absolument protéger pendant encore... disons à tout jamais.

Donc, dans l'immédiat, notre autre recommandation serait de ne pas commencer à importer au Canada du plutonium à oxyde mixte. Il convient à tout le moins de reporter à plus tard cette décision en attendant d'amorcer un débat public sur les éventuelles conséquences et tous les éléments d'une telle décision. D'ailleurs, les deux ou trois derniers premiers ministres de la Colombie-Britannique ont demandé que tous les aspects du CEEMFC fassent l'objet d'un débat public en profondeur.

Je ne vais pas vous parler de la décision de la Cour internationale de justice. Il est évident que cette notion de menace d'utilisation est quelque chose... le Centre de Nanoose constitue notre lien pratique et concret avec la doctrine de la première frappe.

• 1020

Je suppose que vous avez eu l'occasion de lire mon mémoire. Je voudrais vous citer les propos du Dr Michael Wallace, dont j'aurais souhaité la participation à cette discussion, et si elle se poursuit, il pourra peut-être y prendre part à l'avenir... Comme il donnait ses cours aujourd'hui, il n'a malheureusement pas pu venir. Il a dit ceci: «Si le gouvernement canadien est vraiment sérieux au sujet de l'incorporation du jugement de 1996 dans la politique et veut s'éloigner d'une guerre nucléaire accidentelle»—qui est d'ailleurs favorisée par les opérations du CEEMFC—il doit annuler le bail du CEEMFC.»

Vous n'êtes certainement pas sans savoir que le premier ministre de la Colombie-Britannique a intenté une action en justice au sujet des terres aquatiques de Nanoose, qui font actuellement l'objet d'une bataille pour savoir à qui elles appartiennent.

Un professeur de droit norvégien, Stale Eskeland, a préparé une analyse de la décision de la Cour internationale de justice peu de temps après qu'elle a été rendue. Il emploie des termes encore plus énergiques. Il parle de l'obligation du gouvernement et des ministres d'éviter toute responsabilité criminelle. Une fois qu'une cour a rendu une nouvelle décision, ceux-ci ont l'obligation de s'assurer que leurs politiques s'y conforment. Il ne fait aucune doute que ni nos opérations à Nanoose ni le CEEMFC ne s'y conforment.

Voilà donc nos principales recommandations. Comme le premier ministre de la Colombie-Britannique, nous souhaitons que le bail du CEEMFC soit annulé. Nous demandons également que toute la question fasse l'objet d'un débat public en profondeur.

Par ailleurs, il y a la question des 18 millions de dollars par année qui servent à financer ces opérations, sans parler des problèmes environnementaux qui en découlent. La sécurité du public est l'une des questions les plus importantes dans ce contexte.

Le président: Oui, vous les traitez en détail dans le document que vous nous avez fourni.

M. Norman Abbey: Et la question de la prolifération et du cycle complet, depuis l'extraction de l'uranium à son éventuel enfouissement à l'installation de Hanford ou ailleurs, y est également liée.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Abbey.

Monsieur Grewal.

M. Gurmant Grewal: Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue à notre témoin et le remercier de son excellent rapport, bien que ce soit le premier qu'il présente au gouvernement. Mais avant de poser ma question, je voudrais lui demander un éclaircissement.

Est-ce que le Centre de Nanoose est seulement un centre d'essais? Est-ce qu'il remplit d'autres fonctions, par exemple, la conversion de matériel nucléaire?

M. Norman Abbey: Notre objectif est de réaliser la conversion du Centre à d'autres utilisations. D'ailleurs, le deuxième mot de notre nom est «Conversion». À cet égard, le premier ministre Clark a offert de travailler en collaboration avec le gouvernement fédéral. Nous aimerions réaliser sa conversion...

M. Gurmant Grewal: Non. Ma question porte plutôt sur l'objectif de l'Accord de Nanoose. Vise-t-il simplement à prévoir les installations d'essais ou prévoit-il également des fonctions de conversion, d'entreposage ou autres?

M. Norman Abbey: Non, uniquement pour des essais. Il s'agit d'un centre d'essais à instrument acoustique. En règle générale, c'est là qu'ils font des essais de torpilles. Ils arrivent avec des sous-marins et ils font différentes choses, mais c'est vraiment une installation d'essais.

M. Gurmant Grewal: Est-ce qu'on y a déjà fait des essais? Si je comprends bien, cette installation est simplement louée par le gouvernement américain.

M. Norman Abbey: Il ne s'agit pas d'un bail mais plutôt d'un échange de notes entre le Canada et les États-Unis. Son vrai nom est l'Accord canado-américain de Nanoose. C'est un accord visant à assurer la coopération et l'utilisation partagées de ce centre d'essais.

M. Gurmant Grewal: Est-ce que des essais y ont déjà été réalisés?

M. Norman Abbey: Ah, oui. Tous les jours, du lundi au vendredi entre 9 heures et 5 heures. On n'y trouve pas toujours des sous-marins nucléaires, mais quand ils y sont, nous nous trouvons sous le vent par rapport à ce qui est en réalité un réacteur nucléaire flottant. Ces sous-marins peuvent ou non être dotés d'armes nucléaires. En temps normal, cela ne devrait pas être le cas. Mais on y a fréquemment amené des armes nucléaires.

M. Gurmant Grewal: Est-ce que des études auraient été menées pour déterminer l'incidence de ces essais sur l'environnement ou les pêches, ou encore un éventuel lien de causalité avec les fuites que vous avez mentionnées?

M. Norman Abbey: Le Dr Jackson Davis a mené une étude en 1987. Jackson Davis est professeur de biologie en Californie. Il a mené une étude à Esquimalt, où les sous-marins font une escale en cours de route. Son ouvrage s'intitule, Nuclear Accidents on Military Vessels in Canadian Ports: A Site-Specific Analysis for Esquimalt/Victoria. C'était l'une des premières études de la question. Elle est d'ailleurs très détaillée, et j'en ai une copie. Je me ferai un plaisir de la transmettre au comité.

M. Gurmant Grewal: Oui, nous vous en saurions gré de bien vouloir nous la communiquer.

• 1025

M. Norman Abbey: Le ministère de la Défense nationale a également mené une étude environnementale. Malheureusement, il a décidé de ne pas aborder la question nucléaire dans cette étude.

M. Gurmant Grewal: Très bien.

Ma dernière question concerne le conflit sur le saumon du Pacifique. Le premier ministre de la Colombie-Britannique, Glen Clark, a déclaré qu'il ne renouvellera pas l'accord conclu avec les États-Unis sur le Centre de Nanoose Bay parce que les conditions de l'accord... Si je ne m'abuse, le gouvernement de la Colombie-Britannique était en position de force puisqu'il pouvait annuler l'accord avant le gouvernement fédéral. Si je comprends bien, il existe deux accords: un premier accord entre le Canada et les États-Unis, et un deuxième, entre la Colombie-Britannique et les États-Unis, ou entre les États-Unis et la Colombie-Britannique mais en passant par le gouvernement canadien.

Ma question est donc la suivante: Si le problème de la pêche du saumon du Pacifique ou d'autres pommes de discorde surgissent à l'avenir, y a-t-il moyen d'y rattacher la situation à Nanoose Bay? Y a-t-il un lien, d'après vous?

M. Norman Abbey: Entre le Centre de Nanoose et le saumon?

M. Gurmant Grewal: Entre la pêche du saumon et le commerce international ou nos échanges avec les États-Unis.

M. Norman Abbey: Non. Le deuxième accord dont vous parlez est l'Accord canado-américain de Nanoose. Il ne s'agit ni d'un permis, ni d'un traité, mais d'un accord. C'est un échange de notes entre les deux parties visant à assurer la coopération et l'utilisation partagée des installations.

Dans l'autre cas, vous parlez plutôt du permis d'utilisation des terres aquatiques. C'est un permis qui a été accordé au ministère de la Défense nationale en vue de l'autoriser à utiliser les fonds du détroit de Georgie. Il se trouve que la province de la Colombie-Britannique est propriétaire de la boue qui se trouve sur les fonds du détroit de Georgie.

M. Gurmant Grewal: Donc, c'est le gouvernement de la Colombie-Britannique qui est le propriétaire, et non le gouvernement canadien.

M. Norman Abbey: C'est exact, et tout cela a été décidé par la Cour suprême en 1984. C'est l'une des rares causes où il a été clairement démontré que la Colombie-Britannique en est la propriétaire, point final.

Une voix: La cause du détroit de Georgie.

M. Norman Abbey: Alors voilà ce qu'a fait Glen Clark. Il a annulé ce permis. Voilà sur quoi portait l'action en justice—le conflit de compétence.

Mais pour vous répondre, il n'y a pas vraiment de liens entre le saumon et les sous-marins nucléaires, et nous ne voudrions certainement pas sacrifier notre accord sur le saumon avec les États-Unis. Nous tenons à avoir les deux. Nous voulons être débarrassés de ces réacteurs nucléaires flottants et nous voulons aussi avoir un traité sur le saumon avec les États-Unis.

Le premier ministre Clark a tout de même indiqué qu'il est conscient du fait que toutes sortes d'autres problèmes y sont rattachés. Il n'y a pas que la question du conflit sur le saumon, bien qu'il ait été soulevé dans ce contexte.

M. Gurmant Grewal: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Debien.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bonjour, monsieur Abbey, et bienvenue à notre comité. M. Grewal a posé à peu près toutes les questions que j'aurais aimé poser concernant cette fameuse question de l'utilisation des fonds marins.

Avez-vous bien dit que le Centre d'expérimentation et d'essais maritimes des Forces canadiennes à Nanoose avait conclu avec les Américain des ententes qui permettent à ces derniers d'envoyer des sous-marins dans le détroit de Georgie?

Ma première question en est une d'information. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire à quel rythme de croisière—je m'excuse de l'expression—ces sous-marins viennent dans les eaux canadiennes? Est-ce que vous avez des statistiques ou des chiffres relatifs à la venue de ces sous-marins dans le détroit de Georgie?

Je m'arrête là pour le moment.

[Traduction]

M. Norman Abbey: Pour répondre à votre première question, votre hypothèse est tout à fait juste. L'accord leur permet bien d'y aller. En fait, cela a été autorisé par décret, mais je ne me rappelle pas de la date. Ainsi les sous-marins nucléaires de la marine américaine et britannique entre autres, n'ont pas besoin d'obtenir une autorisation préalable pour venir. Ils viennent, c'est tout.

Concernant votre deuxième question sur le rythme de croisière, je ne peux malheureusement pas vous répondre. Mais je me ferai un plaisir de me renseigner.

Les sous-marins doivent se déplacer en surface, sauf quand ils sont dans la zone d'essais. Ce sont les seules occasions où ils peuvent se déplacer en immersion. Je suppose qu'ils doivent faire 20 noeuds à la surface. Mais je ne sais pas au juste, et donc...

[Français]

Mme Maud Debien: Non, non, ma question ne portait pas sur la vitesse, mais plutôt sur la fréquence. J'ai peut-être fait un jeu de mots lorsque j'ai parlé de rythme de croisière, et je m'en excuse. Savez-vous à quelle fréquence viennent les sous-marins dans les eaux canadiennes, dans le détroit de Georgie? Avez-vous des données sur le nombre de visites?

• 1030

[Traduction]

M. Norman Abbey: Oui. Ils viennent dans les eaux canadiennes depuis environ 30 ans. Au cours de toute cette période, 160 sous-marins nucléaires sont venus à Nanoose.

En plus des sous-marins, il y a d'autres bateaux. Nous avons eu des porte-avions à propulsion nucléaire, comme le Nimitz, et des bâtiments de surface également. Mais je n'ai pas de chiffres avec moi qui portent là-dessus. Nous avions l'habitude de compter ce que nous appelions les «journées des navires nucléaires». Si un navire à propulsion nucléaire ou doté d'armes nucléaires restait à Nanoose pendant trois jours, on comptait ça comme trois journées de navire nucléaire. Quand nous avons calculé la moyenne, du moins jusqu'à l'année dernière, nous avons déterminé qu'il y avait un navire nucléaire à Nanoose un jour sur neuf.

Je ne sais pas dans quelle mesure ce chiffre est vraiment utile, mais ce que nous trouvons préoccupant, c'est que nous ne pourrons jamais savoir quand nous serons à proximité d'un réacteur nucléaire qui circule dans notre région; c'est d'ailleurs peut-être le cas en ce moment. Nous ne le savons qu'après coup.

Il ne fait aucun doute que les accidents nucléaires qui se sont produits dans diverses régions du monde ont été catastrophiques. Par exemple, le plan d'intervention du MDN en cas d'accident nucléaire à Nanoose indique qu'au pire, la contamination radioactive, en cas d'accident nucléaire, s'étendrait sur un rayon de moins de 500 mètres. Mais voilà déjà 10 ans que l'accident de Tchernobyl s'est produit, et par conséquent, c'est presque criminel de prétendre qu'au pire, les effets d'un accident nucléaire ne s'étendraient pas au-delà d'un rayon de 500 mètres.

Mais je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

[Français]

Mme Maud Debien: Si je comprends bien, tous les neuf jours, il y a un sous-marin nucléaire dans le détroit de Georgie. C'est bien ce que vous me dites?

[Traduction]

M. Norman Abbey: Oui, ou un navire à propulsion nucléaire—pas nécessairement un sous-marin.

[Français]

Mme Maud Debien: Ou un navire à propulsion nucléaire. Merci.

[Traduction]

M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président. Je serai très bref.

En tant que défenseur de longue date de la campagne en faveur de la fermeture de Nanoose, et d'auteur d'une motion inscrite au Feuilleton qui exhorte le gouvernement à annoncer l'annulation de l'accord—j'ai déposé cette motion au cours de la dernière législature, celle qui l'a précédée et celle qui est actuellement en cours—je voudrais remercier M. Abbey et la Nanoose Conversion Campaign pour le leadership dont ils ont fait preuve dans ce dossier extrêmement important.

Cependant, monsieur le président, je voudrais demander à notre attaché de recherche, par votre entremise, s'il pourrait nous préparer un bref résumé du contexte et de l'état actuel de l'action en justice, de même qu'une copie des plaidoiries, si ces dernières ont déjà été déposées. Je pense que les membres du comité trouveraient utile d'avoir cette information et de savoir exactement où en sont les choses.

Le président: Pas de problème. Nous le ferons.

M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président.

Le président: Pensez-vous que ces plaidoiries ou que cette action en justice pourraient avoir une incidence sur notre étude? Ou s'agit-il simplement de fournir un complément d'information générale aux membres du comité?

M. Svend Robinson: Oui, bien sûr, notamment par rapport à nos éventuelles recommandations sur cette question précise.

Le président: Sur cette question... ah, bon. Merci beaucoup.

Je n'ai pas pu donner la parole ni à M. Assadourian, ni à M. Reed.

Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Je n'ai qu'une petite question rapide à vous poser. Vous avez parlé des 30 dernières années. Quand cette action en justice a-t-elle été intentée?

M. Norman Abbey: Plusieurs actions touchant les questions environnementales ont été intentées en vue d'obtenir des autorités concernées qu'elles tiennent des audiences publiques en bonne et due forme. Je crois que vous faites allusion à celle qui concerne la Colombie-Britannique et Ottawa.

M. John Cannis: C'est exact.

M. Norman Abbey: Je crois qu'elle a été intentée par Ottawa en août ou septembre 1997.

M. John Cannis: Pour quelle raison?

M. Norman Abbey: Je crois que le gouvernement fédéral s'inquiétait de la décision du premier ministre Clark de retirer au ministère de la Défense nationale l'autorisation d'utiliser les fonds marins qui appartiennent à la Colombie-Britannique. La zone d'essais est dotée de microphones qui se trouvent au fond. Cela ne servirait à rien d'avoir cette zone d'essais si l'utilisation des fonds était interdite.

M. John Cannis: Mais si ces essais se déroulent depuis 30 ans, pourquoi n'a-t-on pas cru bon d'intenter des poursuites il y a 30 ans?

M. Norman Abbey: Il s'agit de la première fois que le gouvernement de la Colombie-Britannique... il y a d'autres moyens de pression qui font davantage appel à la coopération ou qui sont plus productifs que des poursuites. Mais divers ministres de l'Environnement et les partis de l'opposition à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique ont essayé à plusieurs reprises d'amorcer un débat public et de faire examiner tous les tenants et aboutissants de la question.

• 1035

Je trouve un peu triste qu'on en soit réduit à aller devant la justice pour régler ce genre de problème. À Nanoose, nous avons l'occasion de faire concorder notre politique avec, d'une part, la décision de la Cour internationale de justice et, d'autre part, l'opinion publique en Colombie-Britannique et au Canada, telle qu'elle a été exprimée par de nombreux Canadiens, dirigeants religieux, syndicats et universitaires.

C'est une occasion très positive, et cela ne devrait peut-être pas être nécessaire, mais il reste que le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait plusieurs tentatives tout à fait honnêtes et légitimes pour amorcer ce débat, et faire examiner et régler ce problème autrement que devant un tribunal. En fait, c'est le gouvernement fédéral qui a intenté ces poursuites. Je ne sais pas au juste pourquoi. Mais dans ce contexte, d'autres moyens me semblent plus opportuns.

Le président: Merci. Monsieur Assadourian, vous avez la parole.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Je voudrais rapidement soulever un point. Je crois que c'est le premier ministre Clark qui a pris l'initiative de ces poursuites en raison du conflit sur la pêche au saumon.

M. Svend Robinson: J'invoque le Règlement, monsieur le président. C'est le gouvernement fédéral qui a intenté ces poursuites. M. Clark a simplement annoncé l'annulation...

M. Sarkis Assadourian: Non. J'essaie simplement d'établir, pour être sûr d'avoir bien compris la situation, que tout cela découle de préoccupations concernant la pêche et non le Centre d'essais. Ce dernier élément est venu se greffer au conflit original, n'est-ce pas?

M. Norman Abbey: Oui. Notre campagne n'aurait jamais fait une telle recommandation. Écoutez, comme tout le monde, y compris les gouvernements fédéral et provinciaux, nous souhaitons conclure un traité sur le saumon. C'est ce que nous souhaitons tous. Et en Colombie-Britannique, nous souhaitons aussi que cette question fasse l'objet d'un débat public exhaustif. Nous voulons qu'on annule cet accord qui vise le Centre d'essais, qui ne dispose d'ailleurs d'aucun plan de sécurité à l'heure actuelle.

M. Sarkis Assadourian: Mais en réalité, si le conflit sur la pêche n'avait pas surgi, le débat actuel sur la question n'aurait jamais été amorcé.

M. Norman Abbey: Si; ce débat se poursuit depuis 15 ans.

M. Sarkis Assadourian: Mais le conflit sur la pêche a permis de susciter l'intérêt du public pour la question. C'est essentiellement ça que vous nous dites.

M. Norman Abbey: Disons qu'il a permis de médiatiser ce problème. Voilà. Le débat se poursuit depuis un moment, mais pas au niveau du gouvernement. Les audiences du comité représentent la première fois qu'on entame un débat sur la question dans cette tribune, et j'avoue que j'en suis ravi.

Le président: Monsieur Abbey, êtes-vous en train de nous dire que la position adoptée par M. Clark concernant la fermeture de l'installation de Nanoose aux bâtiments et sous-marins américains n'était pas directement liée au conflit entre les États-Unis et le Canada sur la pêche au saumon? Écoutez, d'après ce que j'ai pu comprendre...

M. Norman Abbey: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le président: Très bien. Mais vous dites que cela remonte plus loin que le conflit sur la pêche. C'est-à-dire que ce problème est sur le tapis depuis longtemps, mais ce conflit a eu pour résultat d'attiser les passions des uns et des autres autour de cette question.

M. Norman Abbey: En effet.

Le président: Bon. Maintenant on a compris. Votre position est claire.

Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur McWhinney? Il reste deux minutes.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): J'ai l'impression qu'il serait peut-être préférable d'adresser cette question à Svend Robinson, mais le protocole exige que je la pose à M. Abbey.

Dans la Gazette de ce matin, on trouve une allusion tout à fait fascinante—de la part de votre collègue, Libby Davies—à une délégation qui aurait été envoyée à Bangor, dans l'État de Washington, pour inspecter les installations américaines réservées aux sous-marins nucléaires, où on établit un parallèle entre ce genre d'inspections et celles des installations de Baghdad d'ailleurs qui sont dirigées par des experts américains, entre autres. Êtes-vous en mesure de nous renseigner à ce sujet? Votre organisation participe-t-elle à cette délégation?

M. Norman Abbey: En fait, je viens tout juste—hier, pour être précis—de l'apprendre moi-même. C'est très intéressant, en effet. Il existe un bon nombre d'armes de destruction massive dans l'État de Washington.

Je vais essayer d'être bref. Encore une fois, je ne peux pas vous faire le genre d'exposé savant que vous aurait fait le Dr Wallace de l'Université de la Colombie-Britannique. Il y a de nombreux experts qui pourraient en parler longuement avec vous. Par contre, ce que je peux vous dire, c'est que le Centre de Nanoose Bay, le Keyport Undersea Warfare Testing Centre et l'installation de Bangor forment un tout sur le plan géographique. Keyport coordonne les visites des sous-marins nucléaires à Nanoose. Les allées et venues des navires sont telles qu'on pourrait croire qu'il n'existe pas de frontière du tout entre les deux installations. Elles font partie d'une même unité opérationnelle qui est tout à fait intégrée.

Voilà la question centrale pour les membres du comité. Si on met de côté tous les autres aspects de la question, il reste que l'opération du CEEMFC permet d'accroître la capacité furtive de la marine nucléaire américaine, de même que leur capacité de première frappe nucléaire, quel que soit le type d'arme nucléaire. Voilà donc un élément important du problème. Les sous-marins Trident qui se trouvent à l'installation de Bangor font partie intégrante des installations de Nanoose et de Keyport, même s'ils ne viennent pas ici et même si une partie de leurs armes est emmagasinée à terre ou ailleurs.

• 1040

M. Ted McWhinney: Il s'agit donc d'une simple visite de politesse. Savez-vous si les autorités américaines sont d'accord?

En fait, c'est une belle occasion de faire des photos ou des films pour les médias, n'est-ce pas, Svend?

M. Svend Robinson: C'est une inspection spontanée.

M. Ted McWhinney: Vous ne pensez pas que ça ressemble un petit peu à l'épisode des sombreros mexicains au Sénat?

M. Svend Robinson: Il s'agit en l'occurrence d'une question beaucoup plus importante et lourde de conséquences.

M. Ted McWhinney: Pensez-vous qu'elle va susciter autant d'intérêt de la part du public?

Pour ce qui est de l'action en justice, vous nous avez dit essentiellement que votre organisation a envisagé ce genre de poursuites bien avant M. Clark.

Il est vrai qu'en ce qui concerne la pêche—j'y occupais le poste de secrétaire parlementaire à l'époque—cette question a effectivement été soulevée dans le contexte d'éventuelles représailles, sauf qu'une province ne peut pas user de rétorsion contre les États-Unis en cas de non-respect du Traité sur le saumon du Pacifique, et c'est là que M. Clark a décidé d'intervenir. Mais votre organisation était d'avis que la province avait une justification légale suffisante et par conséquent, elle prend des mesures indépendamment de cette action.

M. Norman Abbey: Absolument. Nous n'aurions jamais recommandé que le premier ministre Clark établisse un parallèle avec le traité sur le saumon. Mais il l'a fait, et à certains égards, c'était une bonne idée parce que cela a provoqué une discussion qui se faisait attendre depuis longtemps. Malheureusement, cette discussion a surtout porté sur le conflit concernant la pêche au saumon, ce qui n'était qu'une diversion, en fin de compte.

Mais les autres problèmes demeurent. Ils n'ont jamais disparu et ne vont pas disparaître.

Pour ce qui est des actions en justice, quand un tribunal supérieur rend une décision, il en découle très souvent toute une série d'actions destinées visant à établir les limites ou la portée de la décision.

Si la Cour suprême décide qu'il est acceptable de commettre un crime quand on est en état d'ébriété, parce qu'on n'est pas responsable de ses actes, tout de suite, les avocats et les tribunaux inférieurs livrent bataille pour déterminer quelles en sont les conséquences pratiques. J'espère que cela ne va pas se produire dans le cas de la décision de la Cour internationale de justice. J'espère que les groupes communautaires ne se verront pas dans l'obligation d'aller devant un tribunal pour déclarer que les opérations de Nanoose sont illégales, par exemple.

À mon avis et de l'avis de la Nanoose Conversion Campaign, les opérations de Nanoose sont sans aucun doute contraires à l'esprit et à l'intention de la décision de la Cour internationale de justice. Mais de là à être forcé à se présenter devant un tribunal pour essayer de le convaincre que ces opérations sont contraires à la loi...

M. Ted McWhinney: Il me semble que la philosophie judiciaire du juge est un peu différente. Les juges de la Cour internationale de justice s'attendent à ce qu'on conteste cette décision à maintes reprises devant des instances inférieures, mais ils y voient une fonction très éducative. Pour vous, c'est très coûteux. Je suis d'ailleurs étonné de voir que vous êtes en mesure de supporter les frais juridiques associés à ce genre d'action. Mais là, je ne vous demande pas de précisions.

Le président: Ne commencez surtout pas à parler de frais juridiques.

M. Norman Abbey: Malheureusement, je n'ai pas les connaissances requises pour vraiment répondre à la question, mais j'espère qu'on va l'annuler. Voilà notre recommandation. En ce qui nous concerne, c'est l'occasion... mais personne n'aime être obligé d'intenter des poursuites.

M. Ted McWhinney: Merci beaucoup, et merci, Svend.

Le président: Merci, monsieur Abbey.

Je voudrais rapidement vous demander un éclaircissement: Ai-je raison de penser que vous avez dit tout à l'heure que votre organisation estime qu'il faut procéder à l'élimination progressive des programmes intérieurs d'énergie nucléaire, puisqu'ils font partie intégrante du processus qui débouche sur les armes nucléaires?

M. Norman Abbey: Oui, en commençant par l'extraction de l'uranium, et surtout à court terme.

Je ne sais pas quand le comité compte déposer son rapport final, mais à mon avis ce sera un rapport très important parce qu'il s'agit de la première fois qu'on examine en profondeur toutes ces politiques. Il y a un certain nombre de choses qui sont prévues dans l'immédiat. Entre autres, la proposition concernant le plutonium à oxyde mixte va bientôt être sur le tapis, peut-être même avant que vous ne déposiez votre rapport.

Le président: Oui, nous avons beaucoup entendu parler de la proposition concernant le plutonium à oxyde mixte.

C'est toujours le problème de l'interconnectivité des enjeux qui surgit dans le contexte des discussions en comité, mais je tiens à vous remercier, monsieur Abbey, d'être venu de Vancouver pour témoigner devant nous.

M. Norman Abbey: Merci.

Le président: Voilà qui termine...

[Français]

M. Daniel Turp: Est-ce qu'on peut avoir le texte de l'entente?

Le président: L'entente? Oui, oui. On devrait pouvoir l'obtenir facilement.

M. Daniel Turp: Le traité dont on demande l'abrogation.

Le président: Je vais demander à M. McWhinney si on peut en avoir une copie. Il s'agit bien de l'entente entre les États-Unis et le Canada?

M. Daniel Turp: Oui.

[Traduction]

Le président: Cette entente prend la forme d'une lettre.

M. Ted McWhinney: C'est surtout le ministère des Pêches qui s'en occupe. Nous allons nous renseigner.

Le président: Nous allons voir s'il est possible d'en obtenir une copie. Il a dû y avoir un échange de lettres.

M. Ted McWhinney: L'un des ministres doit l'avoir.

[Français]

M. Daniel Turp: J'aimerais voir l'entente dont on demande l'abrogation.

[Traduction]

Le président: Oui, absolument. Nous allons en faire la demande.

• 1045

[Français]

M. Daniel Turp: J'imagine que c'est un document public. Il n'y a pas de diplomatie secrète.

Le président: On en demandera une copie au gouvernement. Ça ne devrait pas poser de problème.

[Traduction]

Les comités directeurs.

[Français]

M. Daniel Turp: J'aurais une autre requête générale. Est-ce que nous avons des sondages sur l'opinion des Canadiens en général sur la question du désarmement nucléaire? J'aimerais savoir si les recherchistes seraient en mesure de faire une étude sur l'état de l'opinion publique, si cela existe, et si des sondages ont été faits au ministère des Affaires étrangères afin que nous puissions savoir ce que pense l'opinion publique de la position canadienne sur la question du désarmement nucléaire. J'aimerais avoir des documents.

Le président: Très bonne idée. Merci beaucoup.

[Traduction]

Nous allons procéder immédiatement à l'examen d'un certain nombre de questions administratives. Vous avez sous les yeux le Rapport du Sous-comité du programme et de la procédure qui vous a été distribué.

Madame Hilchie, faut-il qu'on adopte chacun de ces paragraphes séparément?

Nous avons convenu de rencontrer la délégation de la République fédérative slovaque. C'est prévu pour le jeudi 12 mars. Je suppose que cela ne pose pas de problèmes. On me dit que ce sera une réunion conjointe avec le Sénat. Ainsi nous sommes sûrs d'avoir plus de participants.

Ensuite, nous avons convenu de rencontrer les Amis de la Birmanie et les parlementaires birmans en exil le 27 avril. Ce sera certainement une réunion intéressante. Je présume que tous les membres du comité sont d'accord.

Afin d'officialiser notre voyage à Washington et à New York dans le cadre de l'étude sur le désarmement nucléaire, nous avons dû présenter une demande en bonne et due forme aux leaders à la Chambre. Je présume que vous êtes tous d'accord pour faire ce voyage à New York, le 29 mars et le 1er avril.

Les membres de l'opposition nous ont déjà indiqué quels députés vont participer, et je crois maintenant avoir la liste des députés libéraux également; donc, nous savons quels députés vont participer à ce voyage. Si vous voulez obtenir le projet de programme des attachés de recherche, faire des commentaires à ce sujet ou ajouter des noms, n'hésitez pas.

Comme vous le savez, à la demande de M. Mills, du Parti réformiste et d'autres membres du comité, nous n'allons pas aborder uniquement la question nucléaire pendant cette visite. Nous allons également discuter de questions commerciales avec nos collègues américains. Nous nous attendons à ce qu'il y ait une bonne discussion à ce sujet.

M. Ted McWhinney: Serait-il possible de demander à rencontrer le sénateur Abraham, par exemple? Même si ce n'est pas possible, je sais que sa réaction au projet de loi C-110 a été très positive.

Le président: Oui, nous allons certainement aborder la question du projet de loi C-110.

M. Ted McWhinney: Si c'était possible, ce serait une bonne idée, étant donné sa réponse très positive. Je lui ai écrit, comme vous l'avez suggéré, et il dit qu'il est très encouragé. Donc, je pense que ce serait gentil de l'inviter, même s'il ne peut pas venir.

Le président: Je sais que Mme Folco suit de très près ce dossier du point de vue de ses conséquences pour le Québec—c'est-à-dire le projet de loi C-110, et la question de l'immigration aux États-Unis. Vous vous souviendrez qu'il y a quelques mois, j'ai rencontré un membre du Congrès de New York qui est venu à Ottawa. Il a été très utile. Donc, nous avons un certain nombre d'alliés au Congrès. Vous aurez peut-être aussi remarqué que l'Association des gouverneurs s'est réunie récemment et a mis sur pied un comité qui va examiner la question. Ses membres sont donc tout aussi inquiets.

M. Ted McWhinney: Bon nombre d'entre nous avons écrit des lettres, conformément à votre demande. J'ai écrit à tous les sénateurs des États voisins, et leur réaction a été positive, mais celle d'Abraham était très positive. Je pense qu'il y aurait lieu de le récompenser d'une façon ou d'une autre, ne serait-ce que par un petit geste.

Le président: Très bien. Nous devrions peut-être essayer de rencontrer également la sénatrice de l'État de Washington, parce qu'elle, aussi, avait l'air de soutenir notre cause.

Il a également été convenu d'adopter une nouvelle règle de procédure, à savoir qu'un avis de 48 heures soit donné aux membres du comité avant de les saisir de toute nouvelle question. L'idée, c'est de permettre aux membres d'être informés à l'avance des questions qui vont être traitées, afin qu'ils sachent exactement à quoi s'attendre. C'est d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Le point suivant est un peu plus problématique. D'ailleurs, je l'avais complètement oublié.

Chers collègues, vous remarquerez que le point suivant dit ceci: il est convenu que le Comité du programme et de la procédure dépose à la Chambre, en tant que quatrième rapport, nos recommandations concernant les anciens combattants canadiens qui ont été prisonniers de guerre à Hong Kong. Je regrette que M. Mills ne soit pas là. Je sais que cette question l'intéresse personnellement, et tous les autres membres du comité, d'ailleurs.

• 1050

J'ai eu l'occasion hier soir d'en parler avec le ministre, et il m'a demandé si nous accepterions d'attendre de déposer notre rapport qu'il trouve le temps de répondre à notre lettre. Il s'excuse de ce long retard, mais il y a, semble-t-il, des problèmes internes qui doivent être réglés d'abord. Il m'a assuré, cependant, que la lettre sera transmise au comité au cours de la semaine qui suit les vacances. Ensuite, j'imagine que nous pourrons déposer nos recommandations sous forme de rapport; mais par politesse, je pense que nous devrions au moins attendre d'avoir la réponse du ministre avant de les déposer, surtout qu'il nous le demande expressément.

Cela vous va? Merci beaucoup. J'apprécie votre collaboration.

Vous remarquerez que le point suivant concerne la question des droits de la personne et le lien avec le commerce international. Cette question a d'ailleurs été soulevée à maintes reprises en comité. Elle a maintenant été renvoyée devant un sous-comité qui sera présidé par Mme Beaumier, et je crois qu'elle a l'intention de lancer cette étude très bientôt. J'espère que les membres voudront participer à cette étude, car elle sera certainement très importante.

Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp: Lorsque nous avons débattu de cette question au comité directeur, M. Speller a laissé entendre que mon collègue, Benoît Sauvageau, appuyait l'idée que l'étude se fasse au Sous-comité des droits de la personne. On m'a toutefois dit que M. Sauvageau préférerait que cette question soit étudiée par le comité dans son ensemble.

Puisque c'est la position que M. Sauvageau a exprimée et que je ne la connaissais pas au moment où nous avons débattu de cette question, j'aimerais revenir sur la question de cette étude par le comité permanent dans sa totalité, puisque c'est la position que nous avions exprimée par l'intermédiaire de M. Sauvageau lorsqu'il en avait été question à l'autre sous-comité.

D'ailleurs, j'aimerais savoir personnellement quelle est votre position. Pensez-vous qu'il serait utile, puisqu'il sera question de commerce et d'investissement, que cette question-là soit étudiée par le comité dans son ensemble?

Le président: Ma position était que puisqu'on a tellement de travail à faire, surtout que l'autre sous-comité envisage d'examiner la question du commerce relativement à l'Organisation mondiale du commerce, on devait séparer les deux questions et les confier à deux sous-comités différents. J'ai personnellement l'intention de participer activement à l'étude de la question du rapport entre le commerce et les droits de la personne. Je crois que la façon la plus efficace d'aborder ce travail serait de débattre de cette question en sous-comité et de laisser le comité entier faire son travail sur toutes les questions opportunes et immédiates qui se présentent à nous.

Il nous faudra jusqu'à la fin de la session pour terminer cette affaire du désarmement nucléaire. Si on veut entamer l'autre étude, il faut qu'on le fasse immédiatement. J'ai hésité avant de prendre cette position, mais je suis en faveur de cette façon de procéder.

[Traduction]

Mais monsieur Turp, je voudrais tout de même en parler avec M. Speller. Je pense que vous arriviez dans la salle quand il disait que lors de la discussion au comité directeur, vous aviez dit que M. Sauvageau appuyait l'idée que l'étude du commerce et des droits de la personne se fasse au Sous-comité des droits de la personne, alors que la question générale du commerce—et notamment le lien entre la nouvelle Organisation mondiale du commerce et certaines questions agricoles et autres—relève de votre sous-comité.

Monsieur Speller, M. Turp dit que ce n'est pas sûr que telle soit vraiment la position de M. Sauvageau.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Qu'est-ce qu'il veut, M. Sauvageau?

[Français]

M. Daniel Turp: Il souhaitait que la question soit étudiée par le grand comité. En tout cas, c'est ce qu'on me dit. Je ne lui ai pas parlé directement, mais son adjointe m'a dit que ce qu'il favorisait, tout comme ce que nous favorisions, c'était que l'étude se fasse en grand comité. Il est vrai que le comité est très occupé par la question du désarmement nucléaire, mais plus j'y pense, plus je trouve inopportun que la question dans son ensemble soit étudiée par un sous-comité.

• 1055

La dimension commerciale est tellement importante que si les personnes qui s'occupent du commerce international ne peuvent pas participer de façon constante à ces travaux-là, cette dimension sera négligée dans les travaux du sous-comité même si, de temps en temps, le président, moi ou d'autres y assistons. La logique veut que ce soit le comité plénier qui étudie une question aussi importante. Ni un comité qui s'intéresse au commerce de façon prioritaire ni un comité qui s'intéresse à la question de l'aide de façon prioritaire ne pourront faire un travail d'ensemble. La question devrait être confiée au comité dans son ensemble.

[Traduction]

Le président: Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Si c'est le cas, je me demande pourquoi M. Sauvageau m'a pressenti, à titre de président du Sous-comité du commerce—concernant la possibilité que le Sous-comité du commerce se charge de cette étude. Par la suite, nous en avons discuté et nous avons décidé qu'il serait sans doute plus approprié de confier cette étude au Sous-comité des droits de la personne, quitte à permettre aux membres des deux sous-comités—celui du commerce et celui des droits de la personne—de participer à cette étude s'ils le désirent. Mais il n'a jamais été question que cette étude se fasse en comité plénier. Vous-même avez participé aux discussions, d'ailleurs.

Le président: Madame Beaumier, voulez-vous dire quelque chose?

Mme Colleen Beaumier: Écoutez, s'il y a une chose sur laquelle mes collègues d'en face et moi-même sommes d'accord, c'est que la question des droits de la personne est extrêmement importante. Par le passé, l'axe des discussions dans la plupart des comités a surtout été le commerce. Je ne prétends pas qu'on ne devrait pas tenir compte dans ce rapport des conséquences pour le commerce international, mais bon nombre d'entre nous estiment que la question des droits de la personne a en quelque sorte été reléguée au deuxième plan parce que les enjeux commerciaux sont plus prioritaires et ont besoin d'être réglés rapidement.

Pour ce qui est des questions que nous sommes appelés à examiner au Comité des affaires étrangères, il est vrai que nous devons nous pencher non seulement sur les questions qui surgissent de façon ponctuelle, et aussi sur l'AMI et même certaines dispositions de l'Accord de l'OMC. Nous allons devoir trouver un autre jour pour éviter des conflits avec d'autres réunions, et nous comptons aussi inviter les membres du Comité des affaires étrangères et même des sénateurs à participer au débat.

[Français]

Le président: Madame Debien, y voyez-vous une objection?

Mme Maud Debien: J'aimerais proposer un compromis.

Le président: Vous n'y voyez pas d'objection; ce n'est qu'une question de confusion.

M. Daniel Turp: Non, non, un compromis!

Mme Maud Debien: Une proposition de compromis.

Le président: Ah, vous avez un compromis. Je croyais que vous aviez dit que vous n'aviez rien compris. Excusez-moi.

M. Daniel Turp: Elle a tout compris, et c'est pourquoi elle propose un compromis.

Le président: Très bien.

Mme Maud Debien: Nous avions déjà discuté de cette question au grand comité, mais nous avions finalement écarté cette proposition pour je ne sais plus quelle raison. Je la propose toutefois à nouveau puisqu'elle me semble être le meilleur compromis.

Je propose donc que les deux sous-comités, celui des droits de la personne et celui des différends commerciaux, du commerce international et des investissements, se réunissent et forment un comité conjoint.

Le président: Ça, c'est nous.

Mme Maud Debien: Les membres des deux sous-comités.

Le président: Ça, c'est nous. C'est nous.

Mme Maud Debien: Ces sous-comités comptent un nombre limité de membres du grand comité. Au sous-comité des droits de la personne, nous ne sommes pas très nombreux. Mme Beaumier peut le confirmer.

Le président: C'est un sujet auquel j'avais moi-même réfléchi.

Mme Maud Debien: On en avait effectivement parlé.

Le président: Après en avoir discuté, nous avions convenu avec la greffière que cela s'avérerait un peu trop compliqué. Compte tenu des observations de tout le monde ici, je vais retirer ces deux points de notre ordre du jour et les soumettre à l'étude du Sous-comité du programme et de la procédure. Nous en discuterons à nouveau et essaierons de trouver une façon de faire. D'accord?

M. Daniel Turp: D'accord. Il faut trouver la meilleure solution parce que ce sujet intéresse tout le monde.

Le président: Tout le monde doit être satisfait du travail qu'on se propose d'entreprendre. C'est un travail très, très, très important. Il faut absolument que tout le monde soit satisfait.

M. Daniel Turp: D'accord.

Le président: Donc, je retire ces deux points.

• 1100

[Traduction]

J'ai un dernier point à soulever, qui concerne un avis de motion que vous avez sans doute reçu de la part de M. Assadourian. M. Assadourian a transmis un avis de motion au comité il y a quelque temps—le 10 février, si je ne m'abuse. Il envisageait au départ de proposer ce matin une motion concernant l'éventuelle vente de réacteurs nucléaires CANDU à la Turquie. Je crois comprendre maintenant que plutôt que de proposer son texte original, qui a été distribué aux membres, il voudrait proposer un autre texte sur le même sujet.

Je donne donc la parole à M. Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup, monsieur le président.

Comme vous le savez, la motion que j'ai déposée le 10 février a suscité pas mal de discussion. Même à la réunion d'aujourd'hui, nous avons discuté de la question des droits de la personne. Et je dois préciser que cette motion jouit d'un appui assez généralisé. Je suis content que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international entend se pencher sur la question et en discuter avec les membres du comité. Il compte également inviter des gens venant de différents milieux à témoigner devant le comité et à nous faire bénéficier de leur expertise sur le sujet.

J'ai su au début de la semaine qu'on aurait contesté devant les tribunaux la vente proposée de réacteurs CANDU à la Chine. Cela va évidemment influer sur les ventes de réacteurs CANDU à tout autre pays, pour des raisons environnementales. Voilà un autre aspect de la question qu'il faut examiner.

Pour toutes ces raisons, je voudrais proposer une nouvelle motion aux membres du comité. J'espère que vous collaborerez tous avec moi pour faire la lumière sur l'articulation des droits de la personne et du commerce international dans le contexte des travaux du comité. Je proposerais que nous fixions un délai pour le dépôt devant le comité plénier du rapport du sous-comité.

La motion se lit ainsi:

    Attendu que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a décidé de renvoyer au Sous-comité des droits de la personne, pour un examen complet et un compte rendu, la question de la mise en rapport des droits humains et du commerce;

    Et attendu que j'ai proposé au Comité une résolution concernant la vente de réacteurs Candu à la Turquie;

    Et attendu que la question des droits humains est étroitement liée à la sécurité et à la stabilité politique de l'ensemble de la région, notamment en ce qui a trait au mauvais traitement traditionnel des minorités et aux relations entre voisins dans la région—Turquie, Irak, Arménie, Chypre, Syrie et Grèce;

    Et attendu que toutes ces questions intéressent directement les Canadiens ainsi que nos amis et alliés de l'Union européenne et de l'OTAN et qu'elles devraient être traitées d'une façon cohérente dans notre politique étrangère;

    Il est résolu que la motion dont j'ai donné avis le 10 février soit déposée afin que la question soulevée à cet égard puisse être discutée dans le cadre des travaux du Sous-comité et devienne l'objet de recommandations dans le rapport qui sera préparé par le sous-comité.

Le président: Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Je dois tout d'abord exprimer mon regret et ma déception devant la décision de M. Assadourian de retirer ce que je considérais comme une bonne motion, bien réfléchie, une motion qui aurait clairement orienté le gouvernement concernant la vente proposée de réacteurs nucléaires CANDU. La motion qu'il propose à la place annule complètement les effets de la motion précédente.

M. Bob Speller: C'est faux.

M. Svend Robinson: Pas du tout, parce que le comité aurait pu se prononcer aujourd'hui sur la motion originale, surtout que cet élément va maintenant être incorporé dans les travaux du sous-comité. Je tiens à dire que je suis contre cette nouvelle proposition, alors que j'aurais été tout à fait disposé à voter en faveur de la motion originale.

Ceci dit, monsieur le président, je voudrais proposer un amendement à la motion déposée par M. Assadourian. Voilà mon amendement.

Je propose d'ajouter au troisième paragraphe, après le mot «minorités», c'est-à-dire à la troisième ligne, après le bout de phrase que voici: «notamment en ce qui a trait au mauvais traitement traditionnel des minorités», ce qui suit:

    y compris le génocide du peuple arménien et l'occupation illégale du nord de Chypre par les Turcs, et la persécution brutale de la minorité kurde, y compris de l'élu Leyla Zana»

J'ai mis ça par écrit, monsieur le président.

Le président: Est-ce que tous les membres du comité ont compris le projet d'amendement? Monsieur Turp.

• 1105

[Français]

M. Daniel Turp: Monsieur le président, nous sommes disposés à appuyer ce projet d'amendement présenté par notre collègue du Nouveau parti démocratique.

Nous déplorons que M. Assadourian ait dû ou ait voulu retirer sa motion originale. Nous l'aurions appuyé avec d'autant plus d'intérêt qu'il voulait que nous prenions acte, comme c'est trop rarement le cas, du fait du génocide du peuple arménien. Dans ces circonstances, nous aussi souhaiterions que ce débat ait eu lieu aujourd'hui, comme le souhaitait M. Assadourian. Mais la politique étrangère du Canada ne semble pas disposée à reconnaître le fait du génocide arménien. J'aimerais bien que le Parlement et son Comité des affaires étrangères décident un jour de procéder à une telle reconnaissance.

[Traduction]

Le président: Mme Folco, et ensuite M. Reed.

Mais M. Assadourian, je voudrais attirer votre attention sur une question de procédure. Puisque le comité n'a pas entériné la décision du comité directeur concernant le renvoi de cette question devant le Comité des droits de la personne, je proposerais qu'on reporte à plus tard toute cette discussion, au moins en attendant que le comité décide si cette étude va se faire en sous-comité ou en comité plénier. Il ne fait aucun doute que la question que vous soulevez y est liée. C'est sûr. Voilà donc ce que je propose: que nous reportions à plus tard la discussion à ce sujet.

J'ai aussi une autre raison de vous faire cette recommandation: il est maintenant 11 h 5, et nous avons une réunion conjointe avec les membres du Comité de la défense nationale sur l'Irak. Nous disposons par conséquent de très peu de temps. Nous faisons attendre les membres du Comité de la défense—qui sont déjà là—et nous allons devoir faire attendre aussi les fonctionnaires du ministère qui viennent nous présenter une séance d'information sur l'Irak.

Très rapidement, monsieur Assadourian.

Monsieur Reed, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Sarkis Assadourian: J'aimerais préciser très rapidement, monsieur le président, que je n'ai pas apprécié les propos des membres de l'opposition, mais c'est de bonne guerre. Quoi qu'il en soit, cette résolution n'empêche aucunement l'examen de ces questions en sous-comité. Je ne nie pas que ce sont justement ces questions-là qui préoccupent le plus les gens, y compris les membres de l'opposition, bien entendu.

Le dépôt de cette motion nous donnera l'occasion d'inviter des Canadiens à témoigner et à exprimer leurs vues sur la question devant le comité ou le sous-comité, afin qu'on puisse en tenir compte en rédigeant la motion. Il ne s'agit pas uniquement d'entendre les opinions des membres de l'opposition ou les miennes ou celles des autres; on veut que tous les Canadiens puissent se prononcer sur une question qui revêt une importance critique. Il ne s'agit pas non plus d'édulcorer la résolution, mais plutôt d'ouvrir grandes les portes afin que les gens puissent venir exprimer leur point de vue, comme ils l'ont très bien fait jusqu'à présent.

Le président: Monsieur Reed, soyez bref.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Je voudrais simplement dire que j'appuie M. Assadourian. Il n'y a rien dans cette résolution qui empêcherait une discussion sur quelque question que ce soit.

Le président: Très bien. Nous allons d'abord voter sur l'amendement.

Une voix: Et qu'en est-il de ma suggestion, monsieur le président?

M. Svend Robinson: Je demande un vote par appel nominal, monsieur le président.

M. Ted McWhinney: C'est une procédure un peu étrange... La motion de M. Assadourian demandait essentiellement le renvoi devant un sous-comité. Il s'agit donc d'une motion de procédure. Peut-elle vraiment être modifiée?

Le président: L'autre problème, c'est que cet amendement n'est plus recevable puisqu'il fait allusion à un sous-comité qui n'existe pas pour le moment. C'est d'ailleurs pour cela que je vous propose de reporter à plus tard toute la discussion. Je voudrais donc réserver votre projet d'amendement et reporter à un autre moment toute cette discussion, en attendant que le comité prenne une décision. Ça va?

[Français]

M. Daniel Turp: Monsieur le président, il faut que le comité plénier discute de cette résolution avant que que le sous-comité qui étudiera cette question soit créé. On est d'accord là-dessus?

Le président: Quelle résolution?

M. Daniel Turp: La motion proposée par M. Assadourian.

Le président: Celle-ci?

M. Daniel Turp: Elle va revenir devant le comité plénier pour qu'on en discute, n'est-ce pas?

Le président: C'est-à-dire la motion qui est présentement devant nous, et non pas celle du 10 février.

M. Daniel Turp: D'accord.

Le président: Celle en date d'aujourd'hui, le 26 février.

M. Daniel Turp: Nous aurons donc une autre occasion d'étudier l'amendement proposé par M. Robinson.

Le président: Oui, mais au moment où on aura décidé du sort de notre renvoi, que ce soit au comité plénier ou au sous-comité. Dès qu'on en aura décidé, on reviendra immédiatement à cette discussion pour déterminer le sort de la motion de M. Assadourian.

M. Daniel Turp: D'accord.

[Traduction]

Le président: Très bien.

Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Je voudrais simplement vous demander un éclaircissement. Autrement dit, une fois qu'il aura été décidé comment le comité compte procéder pour ce qui est d'examiner l'articulation des droits de la personne et du commerce, cette motion ainsi que mon amendement reviendront devant le comité.

Le président: C'est exact. Et votre amendement aussi. C'est bien ça. Si nous décidons de confier l'étude au comité plénier, M. Assadourian aura l'occasion de modifier sa motion pour dire que c'est le comité plénier qui s'en charge. Ça va? Sur le plan procédural, je pense que c'est ça qu'il convient de faire. Je vous remercie tous de votre aide et de votre collaboration.

• 1110

La séance est maintenant levée jusqu'au mardi qui suit les vacances, quand le comité se réunira de nouveau.

Chers collègues, nous allons reprendre immédiatement à huis clos pour la séance d'information—il s'agit sans doute de la dernière séance d'information de ce genre—concernant la situation dans le Golfe. S'il n'y a pas de changement radical, c'est-à-dire que si c'est le statu quo, je présume que nous n'aurons plus besoin de ces séances hebdomadaires. Je pense que les membres veulent surtout connaître les résultats de la visite de M. Annan et tout autre détail que les responsables du ministère sont en mesure de fournir.

Merci beaucoup.

La séance est levée.