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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 avril 1998

• 1533

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Nous sommes heureux d'accueillir l'honorable Lloyd Axworthy qui est accompagné de Mme Lucie Edwards à qui, j'imagine, devrait également se joindre M. Campbell. Merci, monsieur le ministre d'avoir accepté notre invitation pour nous parler très certainement du budget des dépenses et bien sûr répondre aux questions que les membres vous adresseront.

Je vous remercie d'autant plus que vous vous êtes rangé à la requête des membres du Comité qui voulaient vous avoir pour deux heures plutôt que pour notre habituelle période d'une heure et demie.

Par ailleurs, j'ai une demande à vous adresser. Auriez-vous l'amabilité, quand vous avez la bonté de répondre à la Chambre—soit dit en passant, je vous remercie pour vos réponses à propos du rapport sur l'Arctique et du rapport sur l'AMI—de demander à vos gens du ministère de veiller à faire parvenir suffisamment de copies aux greffiers pour que nous puissions tous en avoir une en même temps. Nous sommes toujours obligés de courir à droite et à gauche pour les obtenir. Nous avons besoin de plusieurs copies de vos réponses pour les distribuer non seulement aux députés, mais aussi aux témoins qui comparaissent devant nous. Donc, nous avons besoin de pas mal d'exemplaires.

Merci, monsieur le ministre. Voulez-vous faire une déclaration?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Avant tout, monsieur le président, je vous demanderai de m'excuser pour cela. Je veillerai à ce que, dans l'avenir, tous les membres du Comité reçoivent copie de ces documents.

• 1535

Avec l'indulgence du comité, monsieur le président, je vais profiter de cette occasion pour vous faire part de quelques réflexions sur la nature changeante du rôle du ministère des Affaires étrangères et sur l'incidence de ce changement sur le budget des dépenses.

Nous nous trouvons dans une situation où nous devons réaliser un équilibre entre un ensemble d'activités qui sont nouvelles pour nous et les servitudes classiques de tout ministère des Affaires étrangères. Sur ce dernier point, je pense à la prestation de bons services consulaires, à la protection de nos ressortissants à l'étranger, au maintien de nos relations bilatérales et de nos relations multilatérales, à nos relations avec l'OTAN et au respect de nos engagements au sein de l'ONU, de même qu'à des activités—traditionnelles pour le Canada—qui sont davantage axées sur les grands thèmes de rapprochement entre notre pays et les États-Unis.

Sur un autre plan, qui s'impose de plus en plus à nous, nous devons dégager le cadre d'intervention idoine pour faire face aux remous de ce qu'il convient d'appeler le «nouveau désordre mondial»—et qui aurait dû être le nouvel ordre mondial—et nous devons le faire dans les limites d'un budget «efficace». Cela a occasionné un débat que je juge justifié sur l'ampleur des budgets d'aide internationale et sur les liens appropriés à faire entre développement et politique étrangère, et entre politique étrangère et politique de défense. Il a aussi été question d'équipement et de bien d'autres choses.

Si l'on me demandait de décrire la norme opérationnelle, je dirais qu'elle est une tentative de faire les choses de la façon la plus intelligente possible. Autrement dit, nous nous devons d'examiner de près les structures que nous avons érigées au fil des ans en vue de les réorganiser et de nous en servir ensuite de bases sur lesquelles nous pourrons asseoir notre mode traditionnel d'intervention—soit le recours à des bureaux régionaux—, mais aussi l'articulation de nos activités nouvelles.

Nous avons déjà parlé, à ce même comité, de la façon dont le glissement des affaires internationales—un glissement qu'on pourrait qualifier de tectonique—a soulevé tout un ensemble de nouveaux problèmes. Nous avons dit que les frontières de notre pays ne sont plus aussi sacrées qu'avant, qu'elles sont devenues poreuses et que les reliquats de la Guerre froide sont davantage présents dans l'esprit des gens que dans les événements que nous vivons. À cet égard, je tiens à vous faire remarquer que les notions de guerre et de sécurité—deux dimensions qui sont essentiellement fonction des gouvernements—ont été profondément modifiées.

Tout tend à indiquer que la guerre, d'après la notion classique qu'on en donne—c'est-à-dire un conflit opposant deux États ou un différend de nature transfrontalière—, n'existe quasiment plus, à une ou deux exceptions près. Le professeur Holsti—qui enseigne à l'Université de Colombie-Britannique et qui vient juste de publier un ouvrage très intéressant sur l'état de la guerre—souligne que, depuis les années 70, il n'y a eu qu'une ou deux... autrement dit, depuis cette époque, 90 p. 100 des conflits se produisent à l'intérieur des frontières d'un pays. Ce sont donc des conflits internes, civils, ayant parfois des explications ethniques ou étant dus à l'opposition d'une partie de la population aux autorités en place. Ce qui est encore plus dramatique, c'est que 90 p. 100 des victimes dans ce genre de conflits sont des civils.

Ainsi la notion traditionnelle de guerre où s'opposaient des militaires professionnels ne vaut plus; elle a été remplacée par des conflits beaucoup plus embrouillés, beaucoup plus ambigus, beaucoup plus tortueux et certainement beaucoup plus dangereux aussi. À cause de la nature changeante des conflits et de ce qui en découle, nous avons dû modifier profondément notre politique étrangère et la façon dont elle est organisée.

Dans le même temps, la notion de sécurité des particuliers a été élargie puisqu'on y inclut désormais la menace émergente que pose la mondialisation du trafic de la drogue, du terrorisme, des problèmes environnementaux, des problèmes liés aux droits de la personne et des grandes épidémies.

Nous en sommes venus à la conclusion que la politique étrangère canadienne doit avoir pour fondement la protection de la sécurité de la personne—celle des particuliers et pas de l'État—et que nous devons donc protéger les Canadiens et les Canadiennes à titre individuel. Cela veut dire que nous devons les protéger contre la menace du terrorisme, présente partout dans le monde et qui touche donc les Canadiens. Ils ne sont peut-être pas aussi visés que des ressortissants d'autres pays, mais quand on voit le nombre de Canadiens qui ont été victimes du terrorisme, un peu partout dans le monde—parce qu'ils sont de plus en plus nombreux à voyager—, on peut certainement dire que nous sommes touchés par ce phénomène.

• 1540

Selon les données les plus récentes—mes collaborateurs, mon sous-ministre ou Lucie, pourront toujours me corriger si je me trompe—les Canadiens, qui soient étudiants, touristes ou gens d'affaires, ont effectué 80 millions de voyages à l'étranger l'année dernière. Autrement dit, ils sont nombreux à avoir traversé notre frontière. En d'autres termes, statistiquement chaque Canadien et chaque Canadienne a franchi en moyenne deux ou trois fois la frontière par an, et ce nombre est bien sûr plus élevé si l'on considère seulement le public voyageur. Voilà donc le genre de situations avec lesquelles nous devons composer.

Cela veut dire aussi que la communauté internationale est confrontée à un dilemme: d'une part, elle doit de plus en plus répondre aux problèmes de sécurité et de droit de la personne; d'autre part, chaque pays doit continuer à assurer sa souveraineté, ce qui est le précepte légal traditionnel des États-nations énoncé à l'article 27 de la Charte des Nations Unies. L'ONU elle-même est quotidiennement aux prises avec ce genre de problèmes. Je dis bien: quotidiennement. Comment peut-on intervenir pour faire cesser une guerre civile en Afrique centrale? Comment faire pour mettre un terme à un massacre ou à génocide? Jusqu'où doit-on aller pour mettre un terme à une crise humanitaire profonde, à laquelle nous n'aurons rien eu à voir à bien des égards, tout en respectant le délicat problème de la souveraineté nationale?

C'est pour cela qu'il nous faut redéfinir les instruments de la politique étrangère. C'est pour cela, également, qu'il faut réorganiser et réaffecter nos ressources, ce que je suis en train de faire au ministère. Je vais vous en donner un exemple. L'année dernière, nous avons créé deux divisions à la suite d'une fusion et d'une redistribution des missions; d'ailleurs, le sous-ministre qui m'accompagne pourra vous en parler. La première division est celle de la diplomatie publique. Nous avons rassemblé sous ce nouveau toit les dimensions information, communication et planification politique, reconnaissant en cela le fait que la capacité de communiquer à l'échelle de la planète et d'influencer le comportement des autres États et des autres peuples par le truchement de la communication, est maintenant l'un des pivots de la politique étrangère.

J'aurais aimé vous parler plus en détail de tout cela, mais je ne le peux pas parce que nous sommes en train de retravailler tout ce volet, comme l'atteste d'ailleurs le budget des dépenses qui fait état d'une réaffectation des ressources au profit de la diplomatie publique.

Dans la même veine, nous avons restructuré une division qui se charge désormais des questions mondiales, plus principalement de tout ce qui touche aux drogues, aux droits de la personne et aux activités terroristes. Là encore, nous avons constaté que l'approche organisationnelle classique des bureaux régionaux doit être associée à une certaine forme de souplesse permettant d'effectuer des recoupements entre ces différentes régions, de faire converger notre action, autrement dit d'établir des liens horizontaux et de donner naissance à une nouvelle matrice d'intervention. Ce n'est pas facile à faire, parce nous devons, en quelque sorte, réaliser la fusion entre l'ancien et le nouveau et que nous avons affaire à de tous nouveaux enjeux. J'ai été critiqué par certains intellectuels pour avoir osé parler de «puissance souple»; pourtant, on se rend de plus en plus compte que c'est dans la persuasion que le Canada a un rôle tout spécial à jouer, qu'il va trouver son créneau, parce que nous savons comment recourir aux techniques d'influence pour infléchir le comportement d'autres pays.

Le traité sur les mines antipersonnel en est un bon exemple. Nous avons eu recours à toute la panoplie des moyens d'intervention à notre disposition pour essayer de réaliser un large consensus international sur la nécessité de contrôler les mines terrestres: des délégations parlementaires à Internet, en passant par les missions diplomatiques classiques. Cela nous a en quelque sorte permis—pour employer une expression populaire—de jouer dans la cour des grands, parce que la capacité d'influencer les autres ne dépend plus uniquement de la puissance militaire ou de la puissance économique. Cette façon de voir les choses fait appel à la capacité de négociation, à la capacité de créer des coalitions, d'influencer les comportements, d'aider...

À cause de la nouvelle forme de sécurité dont je parlais—la sécurité individuelle—, il n'y a plus autant à se soucier des conflits qui opposent les États entre eux. Il faut plutôt chercher à créer des coalitions entre les États pour s'attaquer à ce nouveau démon international; ce faisant, il faut mettre en valeur le concept de partenariat qui, bien sûr, inclut de nouveaux intervenants. D'ailleurs, force est de reconnaître à cette occasion—ce que bien de gens ont du mal à admettre—qu'il nous faut maintenant composer avec un nouveau groupe d'intervenants sur la scène internationale. Par exemple, les grandes sociétés ont une profonde influence sur les politiques et les comportements des États dans le monde entier.

La même chose est vraie dans le cas des ONG, même si nous n'y accordons peut-être pas assez foi. C'est vrai également des nouvelles grandes organisations internationales. Par exemple, la Croix rouge internationale a une influence marquée sur l'établissement des nouvelles normes et dans le domaine des interventions en situation de crise. Il y a aussi les campagnes internationales qui jouent un rôle non négligeable, et l'on peut sans doute penser à cet égard à la Conférence des femmes de Beijing, qui a eu lieu il y a quelques années. Les organisations féminines ont fait front commun et ont exploité la puissance de l'Internet pour établir de nouvelles priorités en ce qui concerne les femmes et les enfants dans le monde entier, priorités auxquelles les gouvernements doivent maintenant se plier. La question des mines terrestres est un autre bon exemple du genre.

• 1545

Je vais vous dire où je veux en venir—je ne prendrai pas beaucoup de temps, je vais être bref, je vais vous faire un bref résumé. La combinaison entre les nouveaux enjeux et les nouveaux instruments à notre disposition est l'occasion rêvée d'adopter, à l'échelle de la planète, une nouvelle génération de lois humanitaire. L'histoire nous apprend que vers la fin du 19e siècle—il y a une centaine d'années—, est né un vaste mouvement, surtout en Europe et en Amérique du Nord, à l'occasion duquel on a établi de nouvelles règles sur les relations entre les hommes, règles qui ont surtout eu pour objet de protéger les civils, d'interdire l'emploi des balles dum-dum, d'interdire l'arme chimique, d'établir des lois de la guerre destinées à protéger les prisonniers et ainsi de suite. Nous avons alors assisté à la naissance d'un mouvement qui a donné lieu à un nouveau cadre juridique humanitaire international.

La même chose est en train de se produire. Un nouvel ensemble de normes humanitaires internationales est en train d'émerger. Encore une fois, le problème des mines terrestres nous en fourni un excellent exemple, puisqu'on juge maintenant la protection des civils plus importante que l'utilité militaire de ce genre d'armes.

Nous sommes en train de faire la même chose en ce qui concerne les enfants-soldats, parce que nous voulons interdire leur recrutement et leur mobilisation dans un conflit armé, parce que nous allons établir des règles et des normes auxquelles toutes les nations devront se conformer et pour lesquelles elles devront rendre des comptes.

Voilà pourquoi l'une des grands projets de l'heure—que j'aimerais citer en exemple, monsieur le président—, soit la création du tribunal criminel international, est tellement important en regard de l'adoption de nouvelles lois à caractère humanitaire, parce que c'est le seul instrument qui pourra avoir un effet dissuasif sur certains individus.

Pour l'instant, ceux qui font de la propagande haineuse dans le dessein de provoquer des conflits entre groupes ethniques, peuvent encore échapper à la justice. Nous avons réagi à cette situation de façon ponctuelle, par le truchement du tribunal de La Haye pour la Bosnie et le Rwanda, mais désormais, grâce au tribunal criminel international, nous disposerons d'une instance pour arbitrer les cas d'infractions individuelles aux lois à caractère humanitaire.

Par ailleurs, à l'heure où le Canada insiste de plus en plus auprès d'autres pays pour qu'ils adhèrent à cette nouvelle philosophie d'un droit humanitaire, nous nous rendons compte qu'il est nécessaire de renforcer les institutions multilatérales, seuls organismes aptes à tenir les gens responsables de leurs actes.

Voilà pourquoi l'un de nos principaux soucis est de chercher à mobiliser un certain appui pour la mise sur pied d'un tribunal criminel international. Je pense que nous pouvons apporter une contribution valable sur ce plan.

Je veux donc me servir en partie de l'exemple de la cour internationale de justice pour vous expliquer certaines des modifications que nous avons apportées au budget des dépenses et vous parler de la réorganisation que nous avons entreprise au ministère et que nous allons réaliser progressivement. Nous allons mobiliser nos ressources et nos compétences humaines en fonction de cette nouvelle dimension de la sécurité individuelle, pour exploiter ce que j'estime être une occasion extraordinaire—bien qu'elle s'accompagnera de certaines difficultés au cours de la prochaine décennie, à l'heure où nous entrerons dans le millénaire—de commencer à mettre en place un nouveau cadre de droit humanitaire qui établira les conditions dans lesquelles nous pourrons mieux protéger tous les hommes, toutes les femmes et tous les enfants des dangers auxquels ils sont exposés.

Une façon d'y parvenir, monsieur le président, consiste à préparer les jeunes Canadiens et Canadiennes à ce rôle qu'ils seront appelés à assumer.

Quand j'étais ministre des Ressources humaines, j'avais estimé que 30 à 40 p. 100 environ des Canadiens et des Canadiennes qui étudient actuellement au secondaire gagneront leur vie grâce à des emplois à caractère international, dans des entreprises commerciales, dans le domaine des investissements et dans celui des droits de la personne, de même que dans les ONG et dans l'enseignement.

L'un des projets spéciaux que nous avons lancés à cet égard est un programme d'échange s'adressant aux jeunes. Cette année, 3 500 jeunes Canadiens et Canadiennes, diplômés de nos écoles et collèges, travailleront à l'étranger dans le cadre de différents programmes d'échanges internationaux: de la collaboration apportée à certains pays pour qu'ils se dotent d'une nouvelle constitution, à la mise sur pied de programmes commerciaux en Amérique centrale, en passant par la promotion de la culture canadienne à l'étranger.

Par exemple, lors des rencontres de Santiago il y a deux semaines, le premier ministre a annoncé son intention de créer NetCorps, qui sera composé des meilleurs éléments canadiens ayant étudié dans le domaine des communications, pour aider les pays des Antilles, d'Amérique centrale et d'Amérique latine à se doter des dernières technologies de l'information. Nous avons créé un programme sous l'égide de l'Institut international du développement durable, l'IIDD, portant sur le contrôle de l'environnement et dans le cadre duquel des jeunes diplômés ont établi un réseau Internet avec différentes parties du monde pour bâtir une sorte de système d'alerte rapide en cas de désastre naturel.

• 1550

Je pourrais vous donner une longue liste d'exemples, tout cela pour vous dire que, grâce au nouveau programme d'échanges internationaux ainsi quÂà des programmes déjà existants—que ce soit le programme d'échange travailleurs ou le programme d'échange étudiants et enseignants—, le contingent de jeunes Canadiens qui participeront à ce genre d'expérience internationale va passer, cette année, de 8 000 à 12 000, et nous atteindrons notre objectif de 25 000 participants en l'an 2000. Nous insistons sur ce genre d'action pour préparer les Canadiens et les Canadiennes à remplir le rôle international qui les attend; qui sait, il est possible que certains d'entre eux se retrouveront au ministère des Affaires étrangères.

À l'issu de la première série d'évaluations, on a constaté—et Lucie Edwards pourra peut-être vous en dire un peu plus à ce sujet—qu'entre 60 et 80 p. 100 des participants ont déjà obtenu un premier emploi dans un milieu à vocation internationale, parce qu'ils ont profité du pont que nous avons jeté pour eux entre l'école ou l'université et le monde du travail. Ils se seront prouvés ce qu'ils valent en étant là et en montrant ce qu'ils savent faire.

Voilà donc un de nos domaines d'intervention. Par ailleurs, toujours dans le dessein d'exploiter un avantage naturel du Canada, notre avantage comparatif, nous avons décidé de mettre à profit le savoir des Canadiens autochtones pour élaborer des réseaux internationaux à des fins commerciales et à des fins humanitaires; nous profitant en cela de l'intérêt accru dont les autres pays font preuve à cet égard.

Comme vous le savez, nous venons d'ouvrir un bureau spécial au sein du ministère. Blaine Favel, l'un des chefs de l'Assemblée en Saskatchewan, en est maintenant notre principal conseiller. Il est notamment chargé d'instaurer des liens destinés à favoriser le commerce, l'investissement, le respect des droits de la personne et les échanges politiques avec des groupes autochtones dans d'autres parties du monde. Il est question, pour nous, d'accroître notre présence à l'étranger, mais aussi de mettre à profit la compétence que nos groupes autochtones ont acquise au cours de la dernière décennie ou à peu près; nous voulons aussi apposer l'estampille Canada sur le nouveau genre d'intervenant international que sera le réseau d'Autochtones destiné à permettre à ces gens-là de régler entre eux des problèmes parfois très graves.

C'est dans ces domaines que nous allons être appelés à relever certains des défis dont je parlais relativement aux nouveaux enjeux de sécurité internationale. Je ne vous dirai pas que cet exercice est arrivé à maturité. Nous sommes encore en train d'y travailler. Il s'agit d'un programme en pleine évolution, dont nous essayons de mettre en place tous les éléments. J'espère que nous serons en mesure—disons l'année prochaine—, de nous représenter devant le comité avec un cadre beaucoup mieux établi; pour l'instant, je voulais vous donner une idée des progrès que nous avons réalisés en fonction de la nouvelle orientation du ministère.

Je terminerai en disant une chose aux membres du comité: je trouve que l'ensemble de votre travail, qu'il s'agisse de l'étude sur la dénucléarisation, de celle sur les régions émergentes de la planète ou de ce que vous avez fait à propos du Conseil de l'Arctique, correspond tout à fait à ce que nous devons faire. En outre, nous devons nous épauler mutuellement pour bâtir, ensemble, un cadre plus large et davantage cohérent. Je tiens donc à faire part de toute ma gratitude aux membres du comité pour le travail qu'ils effectuent sur ce plan.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Tout cela paraît très intéressant. Je suis certain que vous aurez trouvé dans notre rapport sur l'Arctique, où nous avons insisté sur les relations entre les peuples autochtones du Nord, le germe d'une idée qui, je l'espère, s'avérera utile à votre ministère sur ce plan. Je crois que nous constatons tous les mêmes choses que celles que vous avez mentionnées.

M. Lloyd Axworthy: Permettez-moi de vous dire, monsieur le président, que le Conseil de l'Arctique est actuellement le seul groupe multilatéral auquel les Autochtones participent en tant que membres à part entière. Quand je parle de la répartition du rôle d'un État-nation, je parle bien sûr des États qui siègent autour de la table, mais aussi des grands groupes autochtones des pays circumpolaires qui, eux aussi participent à la prise de décision. L'automne prochain, lors de la réunion du Conseil de l'Arctique, nous commencerons par parler des problèmes de l'enfance dans le Nord. Ainsi, nous pourrons puiser dans l'expérience des peuples nordiques dans celle des Russes et dans notre propre expérience pour voir comment nous pouvons, tous ensemble, nous attaquer aux questions très fondamentales auxquelles les enfants sont confrontés dans cette période de transition que connaît le Nord.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Merci, monsieur le ministre d'être venu nous rencontrer. Comme je vous le disais plus tôt, je ne pourrai rester jusqu'à la fin de la séance. Pourtant, cela fait longtemps que j'attends cette rencontre.

M. Lloyd Axworthy: Moi aussi, monsieur Mills.

M. Bob Mills: Vous avez accepté de venir nous rencontrer pendant deux heures et voilà que je dois partir plus tôt. Mais comme je vous le disais, je ne m'absente pas pour une partie de plaisir. On vient tout juste d'arrêter, dans ma circonscription, un pédophile récidiviste qui a agressé des enfants à dix reprises, alors que j'avais travaillé avec plusieurs parents pour essayer d'empêcher cela. Je vais devoir face à 300 parents qui ne sont pas très contents.

Pourtant, j'avais préparé suffisamment de questions pour durer au moins deux heures. Je vais vous en remettre la liste et vous demander d'avoir la gentillesse d'y répondre à part.

• 1555

Pour commencer, je dois dire que j'ai eu la chance, cette année encore, de visiter plusieurs de nos missions à l'étranger—au Chili, en Argentine, en Chine, etc.—et je dois dire, que dans l'ensemble, nous y faisons de l'excellent travail. Il y a lieu d'être fier de tous ces Canadiens et de toutes ces Canadiennes de par le monde, qui travaillent pour le bien de leurs compatriotes.

Malheureusement, il y a tout de même certaines questions que je me dois de vous poser. Je vais simplement les résumer puis vous les remettre sous forme imprimée.

Encore une fois, je vous le rappelle, je dois partir plus tôt et j'en suis désolé.

Pour ce qui est du budget destiné aux mines terrestres, je tiens à ce que l'argent soit effectivement consacré aux opérations de déminage et non à quelque fonction bureaucratique créée pour l'occasion. Nous en avons d'ailleurs déjà parlé. Vous connaissez, je crois, mes préoccupations, mais je me dois de les soulever ici. Je suis certain que quelqu'un dans votre ministère pourra répondre à ces questions.

Pour ce qui est de la situation en Indonésie, de l'intervention du MFI et de la possibilité que les choses tournent mal dans la région asiatique, j'aimerais entendre votre opinion quant à la gravité de la situation dans ce coin du globe, ou sur la menace que ce pays fait peser sur la sécurité et la stabilité de l'Asie.

Troisièmement, à propos de l'ex-Yougoslavie, et encore une fois en ce qui concerne le Kosovo et la façon dont il faudra s'y prendre pour stabiliser... Je vais vous remettre cela par écrit, mais j'ai des questions pour tout de suite.

Je suis surtout préoccupé par la question des passeports. Nous savons que des trousses pour l'obtention des certificats de citoyenneté ont été prises à Montréal. Des passeports volés, utilisés par des réseaux de trafiquants de drogue ont été retrouvés dans la région d'Ottawa. Nos imprimeurs, qui reçoivent les passeports par boîtes de 250, nous appellent pour nous dire que des boîtes entières manquent. Les passeports canadiens sont une marchandise très intéressante. Donc, je m'inquiète de la sécurité de ces passeports. Je me demande ce que nous pourrions faire d'autre pour protéger notre passeport canadien.

Enfin, au sujet de toute la question de Cuba—qui est peut-être un peu délicate pour l'instant—je dois dire que j'ai beaucoup aimé votre réponse quant au fait d'amener progressivement M. Castro à adhérer à l'Organisation des États américains et à la façon de nous y prendre pour le convaincre. Personnellement, je trouve qu'il n'est pas allé très loin dans ce sens. Bien sûr, il prétend ne rien avoir contre le fait que nous fassions mumuse dans notre coin, mais il estime qu'il n'a pas à nous imiter. Inutile de dire que cela n'aide pas beaucoup le peuple cubain.

Nous pourrions donc nous lancer dans une grande discussion vous et moi, mais je ne suis malheureusement pas en mesure de le faire aujourd'hui. Vous pouvez vous en réjouir, mais l'année prochaine je vous aurai au tournant, si j'ai encore le bonheur de siéger ici. Quoi qu'il en soit, je présente toutes mes excuses à mes collègues et au ministre de devoir tirer ma révérence. Je suis conscient que cela n'est pas habituel, mais je vous remets tout de même ces questions en espérant que vous me fournirez des réponses.

Merci. Je dois partir.

Le président: Si vous le voulez, laissez-nous donc toutes vos questions pour les réunions qu'il nous reste d'ici à la fin juin.

M. Bob Mills: Merci, monsieur le président, mais vous ne vous débarrasserez pas de moi aussi facilement.

Le président: C'est réconfortant.

M. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, voulez-vous que je réponde tout de suite pour le procès-verbal, que je le fasse par écrit ou encore que j'offre un repas à M. Mills?

Le président: Voici ce que je vais vous suggérer, monsieur le ministre. Certes, M. Mills a dû partir, mais il a soulevé certaines questions qui intéressent tous les membres ici présents. Vous pourriez peut-être consacrer un peu de temps pour répondre à ces questions; par exemple cinq minutes. M. Turp doit partir à 16 h 15 et nous pourrions lui accorder dix minutes si vous terminiez vos réponses à 16 h 5. Donc, si vous vouliez bien consacrer cinq minutes à vos réponses, nous accorderions du même coup à M. Mills le temps auquel il avait droit, puis nous pourrions passer à M. Turp.

M. Lloyd Axworthy: Pour la première question, celle concernant les mines terrestres, nous avons arrêté un ensemble d'objectifs, dont l'un est bien sûr de déminer. L'autre grand objectif est d'assurer la rééducation fonctionnelle des victimes. Troisièmement, nous devrons contribuer à la destruction des stocks de mines pour aider les pays à se plier aux conditions du traité.

• 1600

Le quatrième objectif est d'amener d'autres pays à ratifier le traité. Si je ne m'abuse, nous en sommes actuellement à 12 signataires et plusieurs autres pays se sont dit intéressés. Nous devrons donner un coup de main aux pays les plus pauvres pour la ratification, car ils estiment peut-être ne pas être en mesure de répondre aux conditions énoncées, par exemple en ce qui concerne la destruction des stocks et l'application d'un programme de déminage. Tout cela est lié à la signature du traité.

En outre, nous venons juste de verser des fonds à l'Organisation des Nations Unies pour lui permettre de devenir le principal organisme de coordination pour l'inventaire des mines, qui est un des aspects qui fait le plus gravement défaut. Nous devons en effet savoir exactement où se trouvent ces mines. Cet effort sera coordonné par l'ONU. Certes, cet argent ne sera pas exclusivement consacré aux opérations de déminage, mais il sera en grande partie destiné à financer les opérations sur le terrain.

Comme vous le savez, nous venons juste d'annoncer un programme de 10 millions de dollars en Bosnie, programme destiné à intégrer les activités sur le terrain. Nous nous sommes fixé pour objectif de réduire de moitié la quantité de mines situées dans les secteurs stratégiques au cours des cinq prochaines années. Voilà ce que nous faisons et je pourrais certainement vous en dire plus long à ce propos.

Pour ce qui est de l'Indonésie, il y en a également long à en dire. Nous avons dépêché là-bas une mission spéciale composée du Secrétaire d'État aux finances et du Secrétaire d'État aux affaires asiatiques, accompagnés d'un sous-ministre, qui vient juste de rentrer après quatre semaines. Nous avons implanté un certain nombre de programmes d'assistance directe et ouvert une ligne de crédit spéciale pour permettre aux Indonésiens d'acheter les produits de première nécessité dont ils manquent. Il s'agit d'un crédit de 250 millions de dollars pour l'achat de grain et d'une intervention humanitaire directe sous la forme de produits pharmaceutiques et d'une aide alimentaire.

Nous avons aussi adopté un programme destiné à régler le problème écologique que posent les incendies—c'est en effet un véritable désastre qui se produit là-bas. En vertu de ce programme, nous assurons la formation des équipes de lutte contre l'incendie à qui nous fournirons éventuellement du matériel approprié. Sur ce plan, nous essayons d'agir à l'échelle régionale.

Donc nous avons en quelque sorte réussi—de concert avec d'autres pays et avec le FMI—à stabiliser la situation sur le plan économique... C'est, cependant, plus délicat sur le plan politique. L'agitation estudiantine est encore très importante et personne ne sait exactement ce qu'il va en découler. Jusqu'ici, les manifestations se sont limitées aux abords des universités et la police a respecté ce mouvement. En revanche, s'il devait s'étendre, les choses pourraient s'aggraver.

Sur le plan des droits de la personne, je suis en mesure de vous dire que ce pays est prêt à mettre en vigueur l'accord que nous avons négocié avec lui la semaine dernière. Le gouvernement indonésien devrait le signer la semaine prochaine. L'entente renferme des initiatives particulières qui seront appliquées dans la région du Timor oriental.

Il s'agit donc là d'un engagement constructif de la part du gouvernement indonésien qui a accepté d'entreprendre un dialogue très sérieux sur la question des droits de la personne et qui nous a permis de soutenir le travail de la Commission indonésienne des droits de la personne dans le Timor oriental. Voilà donc quelles ont été les premières étapes dans cette région.

S'agissant des passeports, je suis d'accord avec M. Mills. C'est un bien fondamental que les Canadiens possèdent. Le passeport canadien est très apprécié. À l'automne dernier, nous avons vécu à ce chapitre un incident très triste et, comme vous le savez, le gouvernement israélien, premier ministre en tête, m'a promis que cela ne se reproduirait plus. Tout nous indique que tel est le cas jusqu'ici.

Nous nous sommes par ailleurs rendu compte qu'il existe un groupe de gens très bien outillés, en dehors de gouvernements étrangers, qui utilisent notre passeport. Ce faisant, ces titres sont remis à toute sorte d'organisations interlopes.

Nous venons d'entreprendre un vaste examen de toute cette question, et nous envisageons d'avoir recours à certaines innovations, à des technologies nouvelles, comme l'holographie et autres, pour protéger nos passeports. Je crois d'ailleurs que nous allons soumettre très bientôt une présentation au Conseil du Trésor à cet égard. Si elle est approuvée, je serai en position de vous annoncer quelque chose au moins de juin.

Pour l'instant, je crois pouvoir dire que notre système de sécurité est parfaitement verrouillé. Le fait que la GRC ait arrêté un voleur de cartes de citoyenneté montre que nos gendarmes font ce qu'ils sont censés faire: si quelqu'un vole un document du genre, ils l'arrêtent. C'est aussi simple que cela.

Pour ce qui est de Cuba, M. Mills dit que ce sujet fait beaucoup parler; quant à moi j'estime que l'accord que nous avons signé il y a un an et demi avec les Cubains—accord combinant les dimensions politique, économique et droit de la personne—a permis de réaliser certains progrès. Il n'y a rien de magique, il n'y a pas de grande percée, mais je crois que nous sommes parvenus à formaliser le dialogue avec les Cubains sur la question des droits de la personne.

• 1605

Certains membres de ce comité, je crois, se trouvaient en Chambre quand j'ai fait état d'un des petits résultats de cet accord. Les Cubains qui, ces dernières années, s'étaient opposés avec véhémence à l'initiative canado-norvégienne visant à faire adopter une convention sur la protection des défenseurs des droits de la personne—opposition qui avait bloqué l'approbation de cette proposition par la Commission des droits de l'homme de Genève—ont renoncé à leur opposition. Le principe est maintenant approuvé et je me rendrai à l'Assemblée générale de l'ONU à l'automne pour ratifier la convention.

Nous enregistrons donc quelques progrès dans certains domaines. Nous faisons pression sur les Cubains pour qu'ils signent les différents pactes de l'ONU: le pacte civil-politique et le pacte économique et social. Le premier ministre en a reparlé lors de son voyage, la semaine dernière. Nous espérons que c'est un des domaines dans lequel le gouvernement cubain se montrera disposé à adhérer aux normes internationales.

Revenons en à la question de fond. Dans un discours que j'ai prononcé un il y a un mois, j'ai déclaré qu'il était temps que Cuba intègre la famille de l'OEA; j'ai simplement voulu dire qu'il devait, par là même, se plier aux obligations de l'OEA. Ce genre de chose ne se fait pas à sens unique: il faut donner pour recevoir. J'ai très bien indiqué dans mon discours que nous allions devoir prendre des mesures pour amener Cuba à siéger aux différents comités.

Prenons le cas de l'OPS, par exemple, c'est-à-dire l'Organisation panaméricaine de la santé, eh bien, les Cubains sont très compétents en matière de prestation de soins de santé. L'OPS pourrait être une porte d'entrée pour les amener à participer aux travaux des organisations interaméricaines. En revanche, ils ne pourront vraiment en devenir membres que s'ils se montrent prêts à en appliquer les normes. S'ils n'acceptent pas d'appliquer ces normes, ils devront en assumer les conséquences et ne plus se plaindre d'être laissés de côté.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

M. Lloyd Axworthy: J'ai fait ça en cinq minutes?

Le président: Oui!

Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le ministre, moi aussi, malheureusement, je vais devoir m'éclipser dans quelques minutes. C'est pour des raisons peut-être un peu plus heureuses que celles de M. Mills; c'est mon anniversaire de naissance aujourd'hui et ma jeune fille présente ce soir une pièce de théâtre que je ne voudrais pas manquer. C'est un beau cadeau d'anniversaire. Vous qui vous intéressez beaucoup aux activités sportives de votre garçon, ce joueur de hockey qui, semble-t-il, a du talent, vous comprendrez que je veuille quitter ce comité, bien que j'aie été de ceux qui souhaitaient que vous soyez là pendant plusieurs heures. J'apprécie que vous ayez accepté l'invitation du président à passer beaucoup de temps avec le comité.

D'abord, comme vous et des gens de votre ministère le savent, j'ai déjà eu le plaisir de travailler à votre ministère et d'être à son service. J'ai toujours considéré—et c'est encore le cas—que votre ministère est parmi ceux qui sont les plus professionnels de ce gouvernement et qui ont à leur service d'excellents professionnels. À l'occasion d'un voyage à Washington et à New York récemment, j'ai pu à nouveau être le témoin du professionnalisme qui marque l'activité de votre ministère.

Je ne peux pas m'empêcher, par ailleurs, de constater parfois certains problèmes de coordination entre les propos des divers ministres responsables des questions internationales. Récemment, l'imbroglio entre votre collègue Mme Marleau et vous n'a pas créé la meilleure impression, non seulement ici au Canada et au Québec en particulier, mais à l'étranger.

De plus, la difficulté que vous avez eue à faire en sorte que le Canada vote comme il devait voter sur la question de l'utilisation des enfants comme soldats a fait en sorte que des correctifs doivent nécessairement être apportés. J'espère que ces erreurs ne se reproduiront pas parce qu'elles ne sont pas bonnes pour un ministère qui a une réputation d'excellence comme celui que vous dirigez.

Je voudrais respecter ce que le président de notre comité nous avait indiqué de faire pendant cette réunion, soit de parler plutôt des dépenses. Toutes les questions que vous et M. Mills avez évoquées sont des questions d'intérêt général et elles sont, à mon avis, de bonnes questions. Nous avons d'autres forums pour le faire, y compris la Chambre des communes, mais puisque l'on doit parler de questions essentiellement financières, j'ai trois questions à vous poser.

En premier lieu, je constate que les dépenses du ministère vont augmenter pendant les trois prochaines années financières. Il s'agira d'une augmentation modeste, somme toute, mais tout de même d'une augmentation. J'avais l'impression que les dépenses des ministères ne devaient pas nécessairement augmenter, et je constate que si elles augmentent, c'est parfois, semble-t-il, à cause de la prestation de services aux autres ministères.

• 1610

Je voudrais d'abord savoir pourquoi ces dépenses augmenteront au cours des prochaines années et pourquoi, en particulier, les dépenses de prestation de services aux autres ministères sont parmi celles qui augmentent.

Ma deuxième question porte sur les opérations de maintien de la paix. Les opérations de maintien de la paix des Nations unies sont parmi celles dans lesquelles le Canada investira des sommes plus importantes que jamais. On passera de 38 millions de dollars en 1997-1998 à 53 millions de dollars en 1998-1999. La même somme est prévue pour les deux années financières suivantes. J'aimerais que vous nous expliquiez la raison pour laquelle on prévoit une telle augmentation.

J'aimerais aussi vous signaler quelque chose qui me dérange un peu, et je pense que je ne suis pas le seul. Lorsque nous avons fait un débat hier ou avant-hier à la Chambre sur le renouvellement de la SFOR, nous, les parlementaires, n'avons pas été saisis de données sur le mandat, la mission et surtout les incidences financières du renouvellement. Je dois vous avouer que c'est très décevant pour des personnes qui veulent participer aux débats parlementaires et évaluer la pertinence du renouvellement des forces de ne pas avoir toutes les données qui devraient nous être fournies pour participer de façon pleine et entière à ces débats. À l'avenir, j'aimerais bien que votre ministère informe convenablement les parlementaires avant que les débats aient lieu. Cela sera vrai certainement pour les opérations de maintien de la paix puisque les budgets seront appelés à augmenter au cours des prochaines années.

Ma troisième et dernière question porte sur le budget de l'ACDI. Il y a eu des travaux, des commentaires et des critiques récentes que vous avez lues comme moi, y compris les travaux de MM. Knox xxx et Pratt xxx, sur la relation entre le ministère et l'agence elle-même et la diminution de l'enveloppe d'aide. Monsieur le ministre, j'aimerais savoir ce que vous entendez faire pour que le budget d'aide publique au développement augmente. Comment allez-vous venir prêter main-forte à Mme Marleau, qui souhaite une augmentation du budget d'aide au développement qui, vous le savez, a franchi le seuil des 0,3 p. 100? J'aimerais savoir du ministre, qui est responsable des Affaires étrangères dans leur ensemble, quelle est sa position et quelles sont ses intentions à ce sujet.

M. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, je voudrais d'abord offrir mes félicitations au député à l'occasion de son anniversaire. J'espère qu'il y aura un grand spectacle ce soir.

M. Daniel Turp: Merci.

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Pour en revenir à vos trois questions, je dois vous dire que la première m'a donné un faux espoir pendant un instant, car j'ai cru à une erreur d'impression et j'ai pensé que nos dépenses avaient effectivement augmenté. Mme Edwards m'a brutalement ramené à la réalité en me disant que, d'après le budget des dépenses, nos dépenses de cette année—c'est-à-dire pour la période 1998-1999—vont diminuer et passer de 1,28 milliards de dollars à 1,117 milliards de dollars.

M. Daniel Turp: Mais après elles augmentent.

M. Lloyd Axworthy: Elles recommencent à augmenter un peu, notamment à cause de l'augmentation de l'inflation et de choses du genre.

Vous avez posé une question au sujet du maintien de la paix. La plupart des variations auxquelles nous sommes confrontés sont dues à la fluctuation des taux de change. Dans ce cas, nous payons notre quote-part à l'ONU en dollars américains. Ainsi, l'un des problèmes soulevés par le député, tient aux taux de change qui fluctuent et nous devons disposer d'une certaine réserve tenant justement compte de ces variations.

En outre, notre niveau de service augmente. Je vais vous donner un exemple. Le gouvernement allemand a décidé de déménager la capitale de Bonn à Berlin. Nous devons donc déménager pour maintenir de bonnes relations avec l'Allemagne. Cela veut dire que nous devons construire une nouvelle ambassade, une chancellerie et une résidence. Ce n'est pas nous qui l'avons voulu. Je ne sais pas si vous vous êtes renseignés sur les prix de l'immobilier à Berlin dernièrement, mais sachez qu'ils ne correspondent pas tout à fait à ceux de Winnipeg. Les prix sont très élevés. C'est une partie du problème auquel nous sommes confrontés.

• 1615

Quant aux salaires, je crois que M. Campbell, notre sous-ministre, qui était ambassadeur au Japon l'année dernière, a déclaré que dans certains cas le personnel recruté sur place est plus payé que des sous-ministres. N'était-ce pas la situation d'alors...?

M. Don Campbell (sous-ministre, Affaires étrangères, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Ce l'est encore.

M. Lloyd Axworthy: Ce l'est encore... parce que nous avons affaire à un marché des salaires différent et que c'est ce qu'il faut payer pour recruter les gens sur place. Voilà ce qui explique les augmentations prévues.

Après avoir essayé de vous expliquer les nouveaux rôles et les nouvelles fonctions que nous devons remplir, soyez certain que j'apprécierais beaucoup toute intervention par les députés membres de ce comité qui viserait à appuyer le prochain budget du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, de l'ACDI et des autres, et qui nous permettrait de disposer d'une enveloppe internationale en rapport avec nos activités.

Je vous dirai deux choses à propos de la SFOR, monsieur Turp. Comme vous le savez, le Comité s'est rendu en Bosnie pour évaluer la situation parce que nous vous avions informés que nous allions examiner toute cette question et que la meilleure façon pour vous d'obtenir l'information était encore d'aller prendre le pouls sur place. Je suppose, à partir des recommandations que le Comité a formulées, notamment à propos de l'extension de notre intervention, que les membres savent exactement ce qui se passe là-bas.

Je ne comprends pas pourquoi cette information sur les résolutions de l'OTAN ont été adressées à votre bureau avant l'amorce du débat à ce sujet. Dans ce cas—vous savez comment les choses se passent ici—les leaders parlementaires s'étaient entendus pour que nous fassions l'annonce mardi soir. Ce n'était peut-être pas le meilleur moment de la semaine pour que cette question de la prolongation de notre présence au sein de la SFOR bénéficie de toute l'attention voulue, mais voilà, c'est le créneau qu'on nous avait alloué. Nous en avions parlé au Cabinet quelques jours plus tôt. Comme on nous a accordé le mardi soir, nous nous sommes retrouvés un peu pressés par le temps.

[Français]

M. Daniel Turp: J'essaie de comparer notre situation à ce qui se passe aux États-Unis ou dans d'autres parlements, où les parlementaires sont saisis d'une information beaucoup plus appropriée lorsqu'il s'agit de présenter leur position et leur point de vue. Pour me préparer en vue du débat de mardi soir, je n'avais pas été saisi de ce que voulait le gouvernement ou de ce qu'il souhaitait contribuer à la SFOR. Je suis allé en Bosnie avec M. Graham et d'autres membres du comité et j'étais tout à fait conscient de ce qu'était la force actuelle. Mais je dois vous avouer que nous restons sur notre appétit parce que nous n'avons pas une documentation appropriée relativement aux intentions et aux contributions du Canada. J'imagine que le Cabinet en a lui-même discuté dans un certain détail, mais nous n'avons pas pu en discuter dans un même détail au Parlement parce que nous n'avions pas eu l'information appropriée. Je pense qu'il y a des améliorations évidentes qui doivent être faites si vous voulez que le Parlement, par ses comités ou par la Chambre des communes, joue un rôle plus significatif dans les débats sur le renouvellement ou la création même d'opérations de maintien de la paix.

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Je vais ajouter quelque chose.

Personnellement, je trouve qu'il est beaucoup plus efficace de traiter de ce genre de question en réunion de comité, parce que nous pouvons faire circuler l'information et avoir de véritables échanges. Vous connaissez le problème des débats en Chambre: vous avez 10 ou 15 minutes, puis c'est terminé.

Je serais très heureux de rencontrer le comité directeur ou de demander à nos fonctionnaires de le faire, car la formule de la rencontre en comité serait sans doute plus appropriée que celle du débat en Chambre.

[Français]

M. Daniel Turp: Notre position là-dessus, c'est que l'un n'exclut pas l'autre. Il est vrai qu'en comité, le travail se fait mieux. Cependant, étant donné l'importance de cette question, la Chambre des communes doit aussi être un lieu de débat, surtout lorsqu'on crée des missions, mais sans doute aussi lorsqu'on les renouvelle, parce qu'il y a des incidences financières et internationales importantes.

Ma troisième question portait sur l'ACDI, monsieur le ministre.

• 1620

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Nous fonctionnons selon une enveloppe internationale globale en fonction de laquelle tous les ministères concernés—Commerce international, Affaires étrangères, ACDI, etc.—formulent leurs propositions. En ce qui concerne l'ACDI, je crois savoir que Mme Marleau va comparaître devant vous la semaine prochaine et vous pourrez lui poser des questions à ce sujet.

Nous aimerions bien sûr que notre enveloppe budgétaire soit augmentée. D'ailleurs, ce budget vient de faire l'objet d'une augmentation de 90 millions de dollars, ce qui est un début. Personnellement, je souhaiterais que, dans l'avenir—l'amélioration soutenue de notre position financière aidant—, nous puissions augmenter les crédits accordés au développement international.

Si vous jetez un coup d'oeil au budget des dépenses de l'ACDI, vous constaterez que les fonctions de cet organisme sont modifiées, tout comme les nôtres, situation qui nécessite une plus grande interface avec le ministère. Par exemple, il y a un an, nous avons établi un fonds pour le maintien de la paix, administré conjointement par les Affaires étrangères et l'ACDI, destiné à aider les pays qui sortent d'un conflit. Il est question, par exemple, de les aider à rebâtir leur appareil judiciaire, à favoriser la réconciliation—ce que nous faisons au Guatemala—et, de façon générale, à intervenir rapidement dans ces pays qui ont besoin d'une stabilité immédiate et de ne pas laisser les situations se dégrader.

Ce genre d'interpénétration est de plus en plus nécessaire, car on ne peut plus élaborer de politique en circuit fermé. Il est de plus en plus nécessaire d'établir des liens horizontaux. Ce phénomène complique d'autant la tâche de notre ministère, parce qu'il y a 18 autres ministères fédéraux qui mènent des activités internationales que nous sommes sensés coordonner, bien que nous fonctionnons d'après des structures qui remontent à un tout autre âge.

Ce que nous essayons de faire, par le truchement du fonds de maintien de la paix et par la campagne de lutte contre les mines antipersonnel... Voyez-vous, nous avons établi un secrétariat chargé de travailler sur la question des mines, auquel participera la Défense nationale, le ministère de l'Industrie, l'ACDI et nous-mêmes. Nous avons essayé d'imaginer une structure qui nous permettra de parvenir à une meilleure coordination entre les différents ministères à ce sujet.

[Français]

M. Daniel Turp: Monsieur le ministre, est-ce que vous croyez encore à la norme du 0,7 p. 100 du produit national brut pour l'aide publique au développement?

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Oui, c'est une norme qu'il faut respecter, et nous pouvons la respecter.

[Français]

M. Daniel Turp: Quelle réponse! Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Turp, joyeux anniversaire.

M. Daniel Turp: Merci, monsieur le président.

Le président: Je vous ai accordé cinq minutes supplémentaires à titre de cadeau d'anniversaire.

M. Daniel Turp: Monsieur le président, vous êtes bien gentil. Je l'apprécie.

Le président: C'est la seule petite chose qu'on peut vous donner à ce comité.

M. Daniel Turp: Je l'apprécie.

Le président: Par respect.

M. Daniel Turp: Notre président a un grand coeur. Merci.

Le président: Passez un bon anniversaire.

Monsieur Bachand.

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Bienvenue, monsieur le ministre. Il me fait plaisir de vous rencontrer. Je suis un peu gêné parce que, tout comme mes deux prédécesseurs, je devrai partir sous peu. Mon premier collègue devait nous quitter pour une question d'enfant et c'était négatif, tandis que mon deuxième collègue partait aussi pour une question d'enfant, mais c'était positif. Comme vous le savez, dans mon parti, nous sommes des orphelins et c'est pourquoi je devrai partir. Je m'en excuse. On va vous laisser entre vous autres.

Monsieur le ministre, en écoutant votre présentation, on se rend compte qu'il y a effectivement une nouvelle façon de faire au niveau international et qu'il y a un redécoupage même à l'intérieur. On parle beaucoup d'intrafrontières au niveau des interventions que le Canada doit faire, ce qui exige des énergies nouvelles. Malheureusement, vous ne disposez pas des budgets qui correspondent à cette situation. On constate aussi que les salaires et les avantages sociaux accaparent de plus en plus votre budget et que les sommes qui restent peuvent être investies directement sur le terrain. Malheureusement, elles n'augmentent pas, mais diminuent plutôt. Vous êtes pris avec un casse-tête de plus en plus difficile. Il est clair que vous pouvez compter sur notre appui pour convaincre vos confrères du Cabinet d'augmenter votre budget.

Vous avez aussi dit que d'ici quelques années, 25 000 jeunes Canadiens oeuvreront quelque part sur la scène internationale et auront donc besoin d'un soutien de la part de votre ministère. Est-ce que vos confrères en sont conscients? Quelle charge financière supplémentaire cela représentera-t-il pour votre ministère? Je ne parle pas nécessairement des salaires de vos sous-ministres, mais plutôt du soutien que vous devrez offrir aux Canadiens. Vous serez très rapidement pris dans un problème. Comment pourrez-vous y faire face?

• 1625

J'aimerais également savoir si la proportion des achats, tout particulièrement au niveau de l'ACDI, demeure stable. Est-ce que la proportion de 40 ou 45 p. 100 de l'aide accordée en retour d'achats se maintient? Est-ce qu'elle diminue ou si elle augmente?

Finalement, notre comité a fait beaucoup de travail constructif sur la question du nucléaire. Comme vous le savez sans doute, monsieur le ministre, plusieurs membres de ce comité ont entre autres rencontré des représentants de l'ambassade américaine. Le comité doit, bien sûr, continuer la rédaction de son rapport. On constate qu'il y a de grandes inquiétudes, entre autres au niveau de nos partenaires de l'OTAN. Quelle est votre position actuelle par rapport au nucléaire? J'ai été surpris du nombre de rencontres et d'appels téléphoniques où l'on me faisait part de ces inquiétudes et où on me questionnait. J'ai été surpris du besoin d'information de ces pays qui s'adressaient à un cinquième parti. Ils vont sûrement demander à d'autres quelle est la position canadienne sur le nucléaire.

M. Lloyd Axworthy: D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Bachand. C'est la première fois que nous avons l'occasion d'échanger nos points de vue sur les affaires étrangères.

[Traduction]

Je vais maintenant répondre à vos trois questions. Quand le gouvernement s'est livré à l'examen global de la politique étrangère en 1993-1994, le comité qui avait fait rapport à l'époque avait fortement insisté sur le troisième pilier, qui est devenu la diplomatie publique c'est-à-dire l'ensemble des instruments dont nous disposons, notamment sur les plans de l'information et de la culture pour communiquer les valeurs canadiennes à l'étranger et faire connaître les questions qui préoccupent les Canadiens et les Canadiennes.

Nous avons alors estimé qu'une des meilleures façons d'y parvenir serait d'organiser des échanges entre pays, pour étudiants. La meilleure formule susceptible de permettre aux Canadiens et aux Canadiennes de découvrir ce qui se passe dans le monde est sans doute de leur donner la possibilité de passer quelque temps dans d'autres pays et d'inviter, en retour, des étudiants et des jeunes de ces pays. Voilà qui explique le budget prévu à cet effet.

En 1995, quand le gouvernement a adopté la stratégie d'emploi des jeunes, nous avions réservé environ 300 millions de dollars au Programme Jeunes Stagiaires. Nous avions alors réclamé que ce programme prévoie également l'acquisition d'une expérience internationale. Je vais peut-être vous paraître un peu prétentieux, mais je crois que c'est nous qui avons le mieux réussi dans le cadre de ce programme. La demande dépasse l'offre de très loin. Nous avons demandé aux autres ministères de nous remettre leur surplus éventuel, parce que nous devons traiter avec un grand nombre d'organisations. En effet, la plus grande partie de ce programme est assurée par des organisations tierces. Des ONG, des associations professionnelles, des groupes culturels, des cellules ou des instituts de réflexion ainsi que des groupes de recherche parrainent nos jeunes, les encadrent, les forment, leur apportent les compétences voulues et fournissent les ressources nécessaires pour les envoyer à l'étranger. Nous-mêmes, mobilisons nos ressources humaines dans le cadre de ce programme.

Nous sommes convaincus que cette façon de donner une perspective et une expérience internationale aux jeunes Canadiens et Canadiennes est une merveilleuse façon d'aider d'autres pays. C'est effrayant de voir à quel point les jeunes d'aujourd'hui sont qualifiés. Ils sont tellement bien formés et ils possèdent un tel niveau de compétence, qu'ils peuvent faire des choses fantastiques.

Laissez-moi vous en donner un exemple, celui du projet NetCorps que nous venons de lancer dans les Antilles et en Amérique centrale. Dans ces pays qui sont sur le point de faire directement le bond dans l'ère de l'information, on trouve très peu de gens formés pour cela. Chez nous, nous avons des diplômés qui ont un bagage technologique incroyable, puisqu'ils jouent avec la technologie depuis qu'ils ont deux ans. Pour nous, ils sont de merveilleux ambassadeurs, qui font oeuvre utile à l'étranger. Nous pensons que c'est là un des domaines dans lequel nous pouvons apporter une véritable contribution.

• 1630

L'un des plus graves problèmes auxquels les pays du tiers monde se trouvent confrontés est celui du manque de ressources humaines. Ils n'ont pas les gens qualifiés pour répondre aux nombreuses demandes auxquelles ils font face. Voilà pourquoi l'un des plus solides coups de main que nous puissions leur apporter est d'envoyer nos jeunes dans ces pays.

L'ACDI fait la même chose, comme les gens du Commerce international et ceux de l'Industrie, mais nous estimons que, dans l'ensemble, le volet international... Je crois que cette année nous aurons envoyé 3 500 jeunes et j'espère que ce chiffre augmentera tant que le Programme Jeunes Stagiaires sera maintenu.

Pour ce qui est de votre question à propos des achats, je dois vous dire que je ne possède pas de données à cet égard. Mme Marleau devrait être en meilleure position que moi pour vous répondre.

Pour ce qui est du nucléaire, monsieur le président—et corrigez-moi si j'ai tort—, j'ai adressé une lettre au comité pour lui demander de se pencher sur cette question. Nous avons reçu les rapports de la Commission Cambera, d'Australie... et la décision de la Cour internationale de justice qui, en un sens, affirme qu'il faudrait un jour rendre illégale l'arme nucléaire.

Nous avons pris des engagements très clairs dans le cadre des alliances que nous avons conclues. Voilà pourquoi j'ai pensé qu'il était important que ce comité offre une tribune publique sur ce sujet, tribune à laquelle tous les Canadiens et toutes les Canadiennes pourraient participer. J'attends avec grand intérêt de pouvoir lire votre rapport.

Je sais que cette question cause certaines inquiétudes à l'étranger, mais en ce qui nous concerne, les questions auxquelles il faut répondre sont très claires. Je ne vous parlerai pas, par ailleurs, des ententes que nous avons signées en tant que membre de la communauté internationale, comme les traités de non-prolifération et autres, et l'accord conclu entre les États-Unis et la Russie sur la réduction des stocks d'armes nucléaires...

Il convient, je crois, d'analyser tout cela en fonction de notre orientation et de la place qu'occupe l'arme nucléaire dans les questions plus larges de sécurité internationale. Il faut se demander, en ce qui concerne plus particulièrement le Canada, comment tout cela cadre, surtout en ce qui concerne nos engagements en vertu des traités signés dans le cadre de l'OTAN.

Je veux donc d'abord voir les résultats de vos travaux, après quoi nous devrons en parler avec nos alliés, quand nous serons prêts à le faire.

Je vous signale, au passage, que l'OTAN entamera un examen de sa politique de sécurité ce printemps. À cette occasion, l'alliance se penchera sur sa position stratégique et sur d'autres aspects. J'estime que les travaux de ce comité et tout ce que vous pourrez retirer de vos entretiens et consultations, nous seront très utiles pour cet examen.

Le président: Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): J'ai quelques remarques et observations à faire.

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Vous partez?

M. Bill Blaikie: Non, je n'ai pas à partir, mais si vous tenez à ce que chacun s'en aille après avoir posé sa question...

Des voix: Ah, ah!

M. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, ai-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas?

M. Bill Blaikie: ... alors je suis prêt à partir.

M. Lloyd Axworthy: C'est mon parfum ou quoi?

Le président: Tout ce que je peux vous dire, monsieur le ministre, c'est que vous faites un sacré effet sur le comité.

M. Bill Blaikie: Je viens de me rendre compte, monsieur le président, qu'il y a tout juste dix ans ce mois-ci, le ministre et moi-même faisions partie du même comité spécial sur le processus de paix en Amérique centrale.

M. Lloyd Axworthy: C'est vrai.

M. Bill Blaikie: Nous avons sillonné les pays d'Amérique centrale en quête d'une solution aux problèmes qui affligeaient cette région. Je suis très triste, aujourd'hui, de constater deux choses.

D'abord, l'un de ceux qui nous accompagnaient dans ce voyage, Greg Wirick, vient de décéder il y a deux ou trois jours. Je l'ai appris aujourd'hui et j'aurais aimé qu'on m'en informe plus tôt.

Par ailleurs, il y a l'évêque du Guatemala, que nous n'avons pas rencontré à cette occasion, et qui a été assassiné à la suite de la publication du rapport sur les droits de la personne.

Force est de constater que le problème n'est pas réglé en Amérique centrale, mais vous pourrez peut-être nous dire deux ou trois mots sur la façon dont vous voyez les choses dans cette région du globe, d'un point de vue canadien.

J'ai plusieurs questions à vous adresser et je me propose de vous les poser toutes en bloc.

D'abord, les droits de la personne. Je suis très inquiet, comme bien des Canadiens, de constater l'apparente résistance du Canada d'appuyer une résolution présentée lors des récentes réunions sur les droits de la personne à Genève. Si j'ai bien compris, cette résolution n'a finalement pas été proposée. Le président a simplement soulevé la question du Timor oriental dans son discours de clôture, puisque c'est le genre de compromis qu'on fait habituellement dans ce genre d'événements, quand on ne parvient pas à s'entendre. Le cas échéant, le président dit: «Eh bien, nous en ferons mention dans mon discours de fermeture». J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi le Canada ne s'est pas montré plus agressif à ce sujet.

• 1635

Je suis tout à fait d'accord avec l'approche de la «puissance souple» mais je trouve que nous sommes parfois trop souples. À propos de l'Indonésie et du Timor oriental, les gens en général ont l'impression que... Je ne suis pas sans ignorer tout ce que vous avez fait, mais on sent que les gens ont l'impression que le Canada est trop mou vis-à-vis de l'Indonésie, sur de la question du Timor oriental.

S'agissant des armes nucléaires, je pense que votre position est effectivement très claire. Nous devons repenser à nos engagements relativement à l'utilisation de l'arme nucléaire, engagements qui découlent de notre participation à l'OTAN.

Au sein de l'Alliance, le Canada pourrait jouer un rôle de catalyseur pour amener nos alliés à repenser leur engagement relativement à l'utilisation de l'arme nucléaire, surtout au vu de l'élargissement anticipé de l'OTAN. C'est peut-être une chose à laquelle vous pourriez penser, si le rapport du Comité vous invite à agir en ce sens.

Nous ne sommes plus en situation de Guerre froide. J'espère que l'élargissement de l'OTAN n'engendrera pas une nouvelle guerre froide, ou plus exactement ne provoquera pas le genre de situation que nous redoutions, vous et moi, lors de notre voyage en Union soviétique, en 1990.

L'Ouest doit se garder de provoquer une montée nationaliste en Russie, ou plutôt... j'essaie de trouver le mot qui convient. Personnellement, cela continue de m'inquiéter. Quant à Boris Eltsine, il me semble être un bien frêle roseau pour l'investir de notre confiance relativement à ce qui se passe là-bas.

Je vous cède la parole pour que vous puissiez réagir aux préoccupations que je viens de formuler. Nous n'avons pas eu la possibilité de tenir un débat en Chambre sur l'élargissement de l'OTAN, parce que cette décision a été prise par voie de décret.

Le président: Il n'y a effectivement pas eu de débat parlementaire, mais vous vous rappellerez que le ministre a comparu devant notre comité.

M. Bill Blaikie: Il a comparu devant le Comité, mais...

Le président: Et que nous avons adopté...

M. Bill Blaikie: À l'époque, j'estimais que cette question aurait dû être soumise au Parlement, mais c'est là un autre sujet.

Le président: Pourtant, nous avons adopté une résolution, à ce comité, approuvant l'initiative du gouvernement relativement à l'élargissement de l'OTAN.

M. Lloyd Axworthy: Merci, monsieur le président. Tout d'abord, je dois dire que je suis d'accord avec les remarques de Bill à propos de notre voyage en Amérique centrale. L'assassinat de l'archevêque—du cardinal—a été un choc pour nous tous, notamment parce que nous avions fait sa connaissance là-bas. Je me rappelle effectivement ce voyage.

Je ne savais pas que Greg était mort mais... Par ailleurs, je sais gré au député de ne pas avoir parlé de certaines autres choses qui se sont passées durant ce voyage prolongé en Amérique centrale.

M. Bill Blaikie: Mes lèvres sont scellées.

M. Lloyd Axworthy: Pour en venir à la question de l'Amérique centrale, je crois pouvoir dire que la situation, là-bas, s'est très nettement améliorée. En effet, on retrouve cinq démocraties là où, auparavant, il n'y avait que des dictatures.

Personne ne prétend qu'on trouve là-bas un très haut niveau de démocratie, mais les gens font de véritables efforts. J'ai rencontré à deux reprises les ministres des Affaires étrangères d'Amérique centrale pour étudier la façon dont nous pourrions aider ces pays.

Nous sommes notamment très présents au Guatemala. Grâce à notre fonds pour le maintien de la paix, nous accordons un important financement à la commission sur la réconciliation nationale. En outre, nous finançons des ONG au Guatemala, surtout des ONG autochtones, pour qu'elles puissent également participer aux travaux de la commission.

Nous nous sommes proposés de donner un coup de main aux Guatémaltèques pour la démobilisation des armées des deux camps, afin de les aider dans la transition à la vie civile sans... C'est un des aspects les plus délicats, notamment en ce qui concerne les enfants soldats, parce qu'un des grands problèmes de ces armées a justement été le recrutement d'enfants.

Toujours pour ce qui est de l'Amérique centrale, l'ACDI dispose d'un fonds de 15 millions de dollars pour favoriser l'intégration régionale, autrement dit pour aider les pays de cette région à adopter des programmes communs d'investissement dans l'économie et le commerce.

Par ailleurs, nous jouons maintenant un rôle actif au Comité sur la démocratie de l'OEA, qui est dirigé par un Canadien. Nous investissons de l'argent dans le fonds du comité, argent qui sert à financer les médias, les législatures, et ce genre de choses.

Nous essayons donc d'intervenir et d'apporter notre soutien sur tous les plans, mais pour l'instant, nous nous concentrons essentiellement sur le Guatemala.

Pour ce qui est des résolutions concernant les droits de la personne à Genève, nous avons simplement demandé si cette formule allait nous permettre de parvenir au meilleur résultat. Une résolution de la commission constitue l'instrument ultime.

• 1640

Pour ce qui est de l'Indonésie—pays où nous sommes intervenus directement, parce que nous avons eu des entretiens avec les Indonésiens—nous pensions que la déclaration du président devait énoncer des ententes particulières sur les mesures à adopter pour aller plus loin, plutôt que de se ramener à une simple liste de doléances et d'éloges. À la suite de la déclaration du président, les Indonésiens ont accepté de charger un rapporteur spécial de ce genre de question, ce qui, je pense...

M. Bill Blaikie: Pour aller au Timor oriental?

M. Lloyd Axworthy: Oui. Ce fut un compromis très efficace, parce qu'il n'en avait jamais été question auparavant. Voilà pourquoi le discours du président... Dans son discours, le président a tout de même exprimé ses réserves vis-à-vis de certains problèmes, ce qui ne l'a pas empêché de lancer l'idée d'un rapporteur spécial. Cela a contribué à la négociation, qui nous a permis de parvenir à ce résultat.

Quant à l'avenir de l'OTAN, tant pour ce qui est de son expansion que de l'examen stratégique, je crois pouvoir dire que l'élargissement de l'Alliance a donné lieu à des résultats très intéressants. Par exemple, la création, l'automne dernier, du Conseil OTAN-Russie, qui a permis pour la première fois de réunir des délégués russes et des ministres des pays de l'OTAN pour parler de problèmes communs, a retenu mon attention. C'est là une autre façon de rapprocher les anciens belligérants. En fait, le ministre russe des Affaires étrangères vient rencontrer le Conseil plénier de l'OTAN, après que celui-ci a tenu sa réunion, pour discuter de problèmes communs. Ce qui n'était peut-être pas prévu au début, c'est que cette tribune a favorisé l'instauration de liens sur des questions un peu plus larges que celle de l'OTAN.

Par ailleurs, 34 pays sont maintenant présents en Bosnie sous l'égide de l'OTAN, notamment les Russes et les Ukrainiens. La coopération sur le terrain, c'est-à-dire la coopération opérationnelle fait non seulement appel à une coordination militaire, mais aussi à une coordination politique. Nous travaillons tous ensemble à la résolution des problèmes.

Il y a aussi les Partenaires pour la paix, maintenant appelé le Conseil de l'Atlantique, qui permet de regrouper tous les autres pays autour d'une même table. Là encore, tout le monde passe une journée complète au Conseil de l'OTAN pour discuter des différentes façons de coordonner ses actions.

Au Canada, le ministère de la Défense nationale offre plusieurs programmes de formation technique en matière de maintien de la paix. Des officiers et des sous-officiers de Roumanie, d'Ukraine, de Pologne et de Hongrie viennent maintenant au Centre Pearson pour apprendre un style d'opération militaire différent de celui auquel nous étions habitués pendant la Guerre froide. Cela nous permet, également, de jeter des ponts, ce que je trouve utile et positif.

M. Bill Blaikie: À un moment donné, dans les premiers jours de l'après-Guerre froide, il a été question que la Russie intègre l'OTAN. Envisage-t-on encore cela comme une possibilité?

M. Lloyd Axworthy: Pas dans l'immédiat, mais le lien que nous avons établi au niveau du Conseil Russie-OTAN est une bonne étape dans ce sens. L'Ukraine s'est dite intéressée à se joindre à l'OTAN, mais comme le gouvernement va certainement changer, rien n'est sûr.

M. Bill Blaikie: L'intégration éventuelle de ces pays au sein de l'OTAN permettrait de transformer l'Alliance en une nouvelle structure, incluant tout le monde, chargée d'assurer la sécurité en Europe. Si l'on ne peut plus envisager ce genre de possibilité, c'est-à-dire inclure la Russie ou s'acheminer vers une Alliance encore plus large, nous ne serons pas parvenus à supprimer la dichotomie européenne. Il y aura tous ceux qui sont déjà là ou qui veulent rentrer au sein de l'OTAN et il y aura la Russie. On court toujours le risque que certains pays, comme la Russie, en viennent à penser que l'OTAN pourrait, éventuellement, être un agresseur.

C'est là que réside le danger, selon moi, et c'est ce qui complique d'autant l'autre aspect qui nous intéresse, c'est-à-dire l'élimination des armes nucléaires. Donc, les deux choses sont liées. Je ne possède pas de réponse immédiate à tout cela, et je ne m'attends pas non plus à ce que vous en ayez, mais il me semble que nous ne voulons certainement pas d'une nouvelle OTAN qui nous empêcherait de progresser sur cet autre front.

[Français]

Madame Folco.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): J'aimerais souhaiter la bienvenue un peu tardivement au ministre. J'aurai peut-être d'autres choses à mentionner.

• 1645

La première est que j'ai lu, dans un article du Ottawa Citizen du 16 avril dernier, un discours que M. Allan Gotlieb, l'ancien ambassadeur du Canada aux États-Unis, avait fait. Il avait dit à ce moment-là que le gouvernement canadien n'avait pas vraiment de politique étrangère. Je vous remercie de l'introduction que vous avez faite cet après-midi parce que dans cette introduction, vous nous avez montré très rapidement—et je sais que vous avez fait cela de façon assez superficielle—à quel point les paroles de M. Gotlieb n'étaient pas vraies. C'est la première chose que je voulais dire.

J'ai deux questions à poser. La première porte sur le tableau des dépenses prévues pour 1998-1999 par région et par secteur d'activité. Je constate que dans la promotion du commerce international, comme dans plusieurs autres sujets tels que l'aide aux Canadiens à l'étranger, l'Afrique et le Moyen-Orient reçoivent la somme d'argent la plus petite alors que l'Asie-Pacifique reçoit la plus grande. Je comprends pourquoi il en est ainsi, surtout en ce qui concerne la promotion du commerce international. Cependant, je me demande si vous voulez commenter ce grand écart qui existe. L'Asie-Pacifique est la première région et elle est suivie de l'Europe; les États-Unis reçoivent 26 millions de dollars et tout à fait en bas de la liste, on voit l'Afrique et le Moyen-Orient.

Deuxièmement, je ne sais pas si vous voulez ajouter aux remarques que vous avez faites au député Bachand et aux remarques que vous avez faites dans votre introduction sur la hausse de 6,4 millions de dollars au titre des initiatives d'emploi pour les jeunes. J'ai trouvé très intéressant ce que vous aviez présenté au tout début. Je ne sais pas si vous voulez ajouter encore quelques détails sur ces 6,4 millions de dollars.

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Je n'ai pas lu cet article.

Mme Raymonde Folco: En fait, c'est juste une citation.

M. Lloyd Axworthy: Nous pourrions peut-être envoyer à M. Gotlieb un exemplaire du procès-verbal de ce comité, histoire de le mettre au courant.

Mme Raymonde Folco: C'est une bonne idée.

Le président: J'étais à cette conférence. Je ne crois pas que les gens qui ont pris la parole au sujet de la politique étrangère aient énoncé des idées plus intéressantes que les vôtres, M. le ministre, et je ne prendrais donc pas ces propos très au sérieux.

M. Lloyd Axworthy: Vous savez Bill, le problème c'est qu'il lit sans doute les journaux de Toronto.

Mais peu importe, je n'en dirai pas plus à ce sujet. M. Gotlieb n'est plus au ministère, il a pris sa retraite il y a plusieurs années.

Pour ce qui est de la question des crédits accordés au ministère, je crois qu'il faudrait vraiment poser cette question au ministre Marchi.

D'après nous, cela n'indique absolument pas que nous sommes moins intéressés dans ce dossier. Comme vous le savez, nous venons tout juste d'annoncer un changement radical de politique vis-à-vis du Moyen-Orient. Nous allons ouvrir un bureau de délégué spécial auprès des territoires palestiniens et nous sommes en train d'augmenter sensiblement les ressources matérielles et humaines ainsi que le temps que nous accordons à la question des réfugiés.

Je devrais peut-être passer un peu de temps pour expliquer une chose aux membres du Comité. Lors de mon voyage au Moyen-Orient, en novembre dernier... Le processus de paix au Moyen-Orient est certainement, aujourd'hui, l'événement le plus important sur la scène internationale. Les États-Unis, appuyés par l'Union européenne, y jouent un rôle déterminant.

Nous aussi avons un rôle à y jouer, pas tant pour dresser de grands desseins... En fait, nous pensons que si nous pouvions mener à terme une série de réalisations dans le domaine de la relocalisation des réfugiés, de la réunification des familles et autres, nous pourrions prouver qu'il est possible d'améliorer les choses, que le processus de paix comporte de véritables dividendes pour les résidents des territoires. Ce genre d'intervention nous permettrait d'appuyer le travail destiné à maintenir en place les autorités de la région.

Il s'agit là d'un créneau très spécialisé, mais également déterminant, raison pour laquelle nous voulons lui consacrer davantage de ressources. L'ACDI va donc débloquer plus d'argent à ce titre. Nous sommes en train d'aider l'UNRWA à déménager à Gaza. En ouvrant un bureau là-bas, nous serons sur place pour travailler quotidiennement sur la question des réfugiés.

Je crois que la même chose est vraie en Afrique, quand vous examinez le travail qu'on y effectue. Nous jouons un rôle important dans certains des grands conflits qui ébranlent l'Afrique.

Nous venons juste d'envoyer un groupe de casques bleus en République centre-africaine. Nous avons été très présents dans la région des Grands Lacs, pour aider les diverses tentatives de réconciliation, notamment celle de Nyerere. Nous sommes en train de nous demander très sérieusement le genre de rôle que nous pourrions remplir au Congo.

• 1650

J'estime que nous apportons les mêmes qualités en Afrique... Dans mes remarques liminaires, je disais que nous n'avons pas de passé colonialiste. Nous avons une capacité de négociateur. Nous sommes très confiants. Comme nous sommes un pays bilingue, nous pouvons intervenir avec la même facilité en français et en anglais et nous pouvons envoyer des gens capables de communiquer dans ces deux langues, ce qui est très apprécié. Nous avons beaucoup de points forts que nous pouvons mettre au service de l'Afrique.

Je serai moi-même en Afrique dans un mois environ, où je participerai aux réunions de l'Organisation de l'unité africaine afin d'y parler de la façon dont nous pourrons collaborer avec ces pays au sujet du vaste programme de déminage entrepris en Afrique. À cette occasion, nous reparlerons de certaines initiatives de renforcement de la paix.

Je n'ai pas les données avec moi—je pourrais certainement me les procurer—, mais je crois que la plupart des initiatives de renforcement de la paix auxquelles nous avons participé l'année dernière, concernaient le territoire africain. Est-ce exact, Lucie?

Mme Lucie Edwards (sous-ministre adjointe, Services ministériels, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Oui.

M. Lloyd Axworthy: Nous y accordons une grande attention.

Vous étiez vous-même là-bas, récemment, et vous savez que notre Secrétaire d'État David Kilgour a passé beaucoup de temps en Afrique où il a beaucoup travaillé.

Le dernier dossier dont nous avons assumé la direction est celui du Nigéria où nous essayons de mobiliser toute l'influence internationale possible pour aider les Nigériens à passer à un régime démocratique. Là aussi, nous assurerons un suivi à l'occasion des prochaines réunions du Commonwealth. Je tiens à vous assurer que nous consacrons beaucoup d'argent et beaucoup de ressources diplomatiques au règlement de dossiers essentiels comme ceux du Nigéria, de l'Afrique centrale, des Grands Lacs et des autres régions.

Il est peut-être temps de se demander quel appui supplémentaire nous pourrions accorder au déblocage de certains problèmes en Afrique du Sud, ce que nous jugeons tous comme étant très important. L'Afrique du Sud est un pays phare pour le monde entier et pas seulement pour l'Afrique. Or, il est accablé de graves problèmes dus à la transition, et le temps est peut-être venu de jeter un nouveau regard sur l'Afrique du Sud et de se demander comment le Canada pourrait l'aider plus efficacement.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le ministre, de vous être rendu à notre invitation en compagnie de vos collaborateurs.

J'ai toujours eu envie de poser ma première question, mais je ne me suis jamais vraiment trouvée dans le bon contexte pour le faire. Je vais vous la poser cette fois, dans le contexte de la stratégie des ressources humaines.

À la page 44 de votre document de stratégie, vous dressez la liste des 128 missions et des 29 bureaux satellites que nous avons à l'étranger. Je n'ai pas beaucoup voyagé, mais dans aucun de mes déplacements à l'étranger—j'espère d'ailleurs que vous m'emmènerez visiter quelques endroits avec vous—je n'ai rencontré d'ambassadeur, de haut commissaire, de délégué commercial, d'agent des passeports, de haut fonctionnaire... qui que ce soit qui aurait pu appartenir à ce qu'on appelle une minorité visible. Peut être que ces gens-là ne se trouvent pas dans les endroits que j'ai visités, mais c'est un fait, je n'ai jamais rencontré quelqu'un appartenant à une minorité visible dans une de nos missions à l'étranger.

Comme nous envoyons des jeunes outre-mer, je me demandais s'il est prévu quoi que ce soit dans la stratégie des ressources humaines du ministère pour s'assurer que le visage du Canada urbain, surtout, est représenté dans nos bureaux à l'étranger.

La difficulté tient souvent au fait qu'on ne définit pas le Canadien ou la Canadienne comme étant une personne qui me ressemble. J'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez de cela, et j'aimerais encore plus entendre votre personnel à ce sujet.

Deuxièmement, j'ai beaucoup entendu parlé ces derniers temps de toute la question du crime transnational et du trafic de drogue international. J'aimerais que vous me disiez où nous en sommes à cet égard sur le plan des sommes que nous versons et de l'appui que nous apportons, ainsi que des autres questions qui sont liées à celles-ci.

Ma troisième question va porter sur un de ces petits subterfuges, qui vous attrapent l'oeil au passage. J'ai constaté que vous indiquez une diminution de 7,3 millions de dollars dans les besoins nets de trésorerie du fonds renouvelable du Bureau des passeports. Qu'est ce fonds renouvelable du Bureau des passeports, et pourquoi est-il réduit à l'heure où l'on a des difficultés avec les passeports? J'aimerais comprendre cela un peu mieux.

M. Lloyd Axworthy: Je crois, Jean, que deux de vos questions sont vraiment de nature administrative et je demanderai au sous-ministre et à Mme Edwards d'y répondre.

Pour ce qui est de la drogue, nous sommes en train de travailler sur une stratégie internationale de lutte contre la drogue correspondant à ce que nous faisons au Canada.

• 1655

À Santiago, nous avons notamment décidé d'organiser une série de réunions multilatérales, régionales, auxquelles participeraient tous les ministres des Affaires étrangères afin de revoir, du point de vue politique, nos stratégies de lutte contre la drogue. Vous comprendrez certainement que le pouvoir, l'argent et la puissance des grands cartels de la drogue viennent miner les gouvernements démocratiques, les programmes sociaux et la capacité de survie des petits pays des Antilles, d'Amérique latine et d'Amérique centrale.

Voilà donc l'initiative que nous avons lancée à Santiago. Les autres pays se sont engagés à analyser les répercussions générales du problème de la drogue non seulement du point de vue de la lutte policière—aspect qui est très important—, mais également du point de vue des répercussions de la drogue sur les questions de sécurité humaine, sur les gens eux-mêmes, sur la conduite du pays et ainsi de suite. Nous avons donc pris la tête dans ce dossier.

Par ailleurs, nous avons lancé exactement la même initiative, l'année dernière, à l'occasion des rencontres de l'ANASE—autre tribune multilatérale dont nous faisons partie—pour soulever exactement la même question: les drogues ne sont-elles pas en train de devenir un grand problème de sécurité humaine dans l'Asie du sud-est?

Je vous le rappelle, 60 p. 100 des drogues dures viennent d'Asie et les 40 autres pour cent viennent de notre propre hémisphère; nous avons donc intérêt à faire quelque chose à ce sujet.

Voilà donc les deux grands projets auxquels le Canada vient d'adhérer. En outre, nous apportons une contribution régulière aux organismes de lutte contre la drogue au sein de l'OEA et de l'ONU.

Dans notre hémisphère, nous aimons à penser que nous sommes un solide repaire où tous les autres pays peuvent se rassembler. Jusqu'à présent, ce sont les États-Unis qui menaient la barque et les autres pays devaient simplement... disons qu'ils devaient suivre. Pour notre part, nous estimons être en mesure de conférer un caractère multilatéral à tout cela. Nous pouvons également élargir le débat à propos des effets sur la conduite des affaires publiques.

Cela étant, je laisse le soin à Don et à Lucie de décider qui va répondre aux deux autres questions.

Mme Lucie Edwards: Merci. Il n'y a pas si longtemps, vous auriez pu également vous plaindre de ne pas voir de femmes.

Le ministère s'est résolument engagé à changer les choses en ce qui concerne les minorités visibles. Nous avons déjà un consul général qui est d'origine chinoise. Nous avons deux hauts fonctionnaires, dont l'un ambassadeur, qui sont d'origine autochtone.

En outre, je suis très heureuse de vous dire qu'au niveau du recrutement nous enregistrons une augmentation du nombre de représentants de toutes les communautés ethniques du Canada dans les postes d'attachés commerciaux, d'agents de l'immigration et d'attachés politiques. C'est d'ailleurs génial de voir tous ces nouveaux employés, avec toute la force et la diversité qu'ils nous apportent sur le plan linguistique. L'une de nos plus brillantes recrues de l'année dernière est un Canadien d'origine vietnamienne, ancien transfuge de la mer, qui est arrivé enfant au Canada.

Nous avons pris des engagements spécifiques vis-à-vis de la Commission de la fonction publique relativement au recrutement de membres des minorités visibles. Nous avons obtenu des autorisations spéciales de la Commission de la fonction publique pour recruter activement et accepter tous ceux et toutes celles qui satisfont aux conditions énoncées.

Nous déployons un effort très important pour nous rendre dans les communautés et dire aux gens qu'ils correspondent effectivement au profil que nous recherchons pour nos agents des services extérieurs. Inutile de vous dire que nous sommes très satisfaits de nos réalisations sur ce plan. Je serais d'ailleurs très heureuse de vous présenter nos recrues.

Vous avez posé une très bonne question à propos du fonds renouvelable. Il y a quelques années, nous avons négocié avec le Conseil du Trésor la possibilité d'exploiter le Bureau des passeports comme une entreprise devant être rentable. À plusieurs titres, le Bureau des passeports peut fonctionner comme une société d'État et il est doté d'un certain fonds. Les caisses du Bureau sont régulièrement alimentées et comme l'argent n'a plus à être remis au vérificateur général, nous n'avons plus, d'un autre côté, à recourir systématiquement à des crédits additionnels pour combler les trous de jadis. Le Bureau a son argent sous la forme d'un fonds continuellement renouvelé.

La diminution de ce fonds traduit deux choses. Premièrement, elle correspond à la projection des effectifs qui seront nécessaires dans ce bureau. En ce moment, un nombre relativement élevé de Canadiens disposent d'un passeport, mais nous prévoyons que les choses vont légèrement changer. Personnellement, j'aimerais que plus de Canadiens aient un passeport, mais nous prévoyons que leur nombre va légèrement diminuer, parce qu'il est de plus en plus facile de se rendre aux États-Unis avec une pièce d'identité courante.

Deuxièmement, nous avons négocié avec le Conseil du Trésor une importante injection d'argent qui s'est faite au cours des deux dernières années pour acquérir une nouvelle technologie. Cela nous ramène à ce que vous disait M. Axworthy à propos de la sécurité de nos passeports et de leur acceptation par l'étranger. Une bulle s'est donc formée dans les budgets que nous avons reçus, mais cette situation va être corrigée parce que nous n'aurons pas besoin d'autant d'argent dans l'avenir.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Perron.

M. Gilles-A. Perron (Saint-Eustache—Sainte-Thérèse, BQ): Bonjour, monsieur le ministre.

Les membres du personnel des ambassades à l'étranger sont apparemment sous-payés ou ont des avantages sociaux moindres. Naturellement, on les perd et on est obligé de recommencer tous les cinq ou six mois le procédé de formation de nouveau personnel.

• 1700

Quelle est votre position à ce sujet et que faites-vous pour remédier à la situation?

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Voilà une question très pertinente parce que, comme vous vous le rappellerez, lors du dépôt du dernier budget des dépenses, j'ai dit que nous étions aux prises avec une certaine hémorragie, surtout aux niveaux FS-1 et FS-2. Je me dois ici de féliciter le sous-ministre et Mme Edwards d'être parvenus à négocier un nouvel accord de perfectionnement des agents du service extérieur, car il va nous permettre d'offrir une meilleure formation, mais aussi de meilleures échelles salariales.

Mme Edwards pourra vous en parler plus en détail. Il s'agit là d'une importante mesure qui va permettre de juguler l'hémorragie. Les échelles salariales étaient complètement décalées par rapport au secteur privé qui nous enlevait beaucoup de gens, quand nous n'étions tout simplement pas aptes à permettre à nos employés de faire vivre leurs familles.

Cet accord permettra aux nouveaux agents du service extérieur de suivre une préparation échelonnée sur cinq ans. Au bout de cinq ans, leurs échelles salariales seront poussées vers le haut grâce à des primes, jusqu'à un niveau approprié. Je pense que cela va faire une grande différence.

Voulez-vous un peu mieux décrire ce programme ou pensez-vous que cela suffira?

Mme Lucie Edwards: Je pense que vous avez à peu près tout dit, monsieur le ministre. Pour l'instant, il faut environ 10 ans à une recrue pour être promue à l'échelon supérieur au ministère; eh bien, grâce à un programme de formation intensif et très rigoureux, nous allons ramener cette période à cinq ans. Cela veut dire que les gens pourront progresser plus rapidement dans les échelons, accéder à de plus grandes responsabilités et toucher plus vite des augmentations. En outre, nous sommes parvenus à obtenir, par le truchement de la négociation collective et avec l'accord du Conseil du Trésor, le principe d'une progression plus rapide durant les premières années d'emploi.

Cela ne réglera pas forcément le problème posé par le secteur privé qui continuera d'être très attrayant pour ces gens-là, parce que les salaires y sont trois fois supérieurs, bien que les jeunes recrues adorent le ministère. L'expérience qu'ils y vivent est emballante et j'espère qu'elle le demeurera assez longtemps pour eux, et pour qu'ils ne viennent pas nous dire qu'on ne peut pas toujours vivre d'amour et d'eau fraîche et qu'après un certain temps il leur faut penser aux intérêts de leurs familles. En outre, nous serons ainsi un peu plus compétitifs par rapport aux autres postes de la fonction publiques, parce que nous traînions de l'arrière à cause de la lenteur des promotions dans les autres groupes professionnels de la fonction publique.

M. Don Campbell: Je voulais simplement ajouter que nous sommes également en train de revitaliser notre Institut de formation des services extérieurs qui dispense la formation à tous les groupes professionnels du ministère.

Le président: Personnellement, j'apprécie beaucoup cette réponse. Il est très décourageant, dans nos déplacements, de constater ce dont parlait M. Perron à propos des jeunes employés des services extérieurs.

Il ne fait aucun doute que nous perdons les gens à un rythme effréné, parce qu'ils sont attirés non seulement par le secteur privé, mais aussi par les autres ministères. Je crois savoir que le ministère de la Justice paie beaucoup plus les avocats travaillant en son sein que ceux qui travaillent aux affaires internationales. C'est insensé.

Monsieur le ministre, nous serions très heureux de vous donner un coup de main en intervenant auprès du Conseil du Trésor pour dire que tout cela est ridicule. C'est illogique.

J'ai entendu parler du cas d'un jeune homme à qui la GRC a proposé un salaire trois fois supérieurs à ce qu'il gagnait au ministère pour rester dans le pays où il se trouvait déjà, après avoir appris la langue aux frais du MAECI. C'est insensé. Qui plus est, c'est très mauvais pour le moral du personnel et très mauvais aussi pour l'avenir de nos services extérieurs si nous voulons réaliser ce que vous venez de nous exposer.

Si vous pensez que ce comité parlementaire peut vous aider d'une façon ou d'une autre à améliorer le moral et les conditions d'emploi de vos gens, nous serons très heureux de vous appuyer. La plupart des membres ici présents respectent beaucoup ce que fait le ministère et ce que font nos gens dans les missions. C'est ce que vous avez entendu des représentants de tous les partis, de tout le monde ici. Personne n'a jamais critiqué ni les efforts ni la qualité des agents de nos services extérieurs; tout le monde désire obtenir pour eux ce qu'il y a de mieux.

[Français]

M. Gilles Perron: L'exode des cerveaux n'a pas lieu seulement sur le marché international; il existe un peu partout.

Je prends l'exemple de xxxPlace du Canada à Trafalgar Square, à Londres: fermé, ouvert, fermé, ouvert. En tout cas, c'est rouvert. Quelles sont les politiques à long terme de votre ministère concernant l'immobilisation?

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Je n'ai pas eu l'interprétation. Pouvez-vous répéter?

M. Gilles-A. Perron: Ça va être difficile, mais je vais essayer de le dire dans votre langue. La Maison du Canada, à Trafalgar Square, à Londres, était fermée et on vient de la rouvrir. Avez-vous signé un bail à long terme?

• 1705

M. Lloyd Axworthy: Je remercie M. Perron d'avoir posé cette question, parce qu'elle me donne ainsi de nouveau l'occasion de parler de ce que nous essayons de faire.

Nous avons sans doute les meilleurs emplacements dans presque toute l'Europe, quant à l'exposition, à la présence et au reste. Les raisons pour lesquelles nous avons fermé la Maison du Canada à Londres, raisons qui sont maintenant passées à l'histoire... Cela faisait deux jours à peine que j'avais été nommé ministre que Royce Frith, notre haut commissaire à Londres il y a quelques années, m'a téléphoné et m'a lancé: «J'en ai une bonne pour vous!»

Il m'a proposé de rouvrir la Maison du Canada, notamment parce que les structures de coûts avaient changé à Londres. Par ailleurs, à l'occasion d'échanges au ministère, nous en sommes venus à conclure que dans le nouvel univers de la diplomatie publique dont je parlais, nos ambassades et nos hauts commissariats doivent être beaucoup plus que de simples lieux de travail: ils doivent également être des vitrines du Canada. Nous pouvons y utiliser toutes les nouvelles technologies du multimédia, les CD-Rom et tout le reste, et fournir un lieu d'exposition pour les Canadiens et les Canadiennes où projeter leurs films ou montrer leurs autres réalisations.

Nous avons rénové le Centre culturel canadien à Paris ainsi que la Maison du Canada et j'espère que tous les membres du Comité auront à un moment donné ou à un autre la chance de les visiter. Nous ferons l'ouverture dans deux semaines d'un lieu absolument incroyable. Ce qui a été fait là-bas est tout simplement merveilleux. Nous allons disposer d'un édifice entièrement renouvelé. L'endroit présente une des meilleures échappés de vue de tout Londres, et c'est un lieu où les Canadiens et les Canadiennes pourront montrer le nouveau visage du Canada aux Britanniques et aux autres Européens.

Nous allons déménager une partie de nos bureaux—tous ceux auquel le public a accès, dans la Maison du Canada de Grosvenor Square. Nous devons honorer le bail que nous avons signé avec la reine, dont il nous reste 99 ans à tirer. Nous sommes bien placés.

Par ailleurs, nous allons reprendre le même concept dans notre nouvelle ambassade de Berlin, concept qui consiste à incorporer un lieu public. Vous avez très justement parlé de

[Français]

xxxPlace du Canada, pour démontrer la nouvelle face du Canada à tout le monde.

[Traduction]

Nous sommes très heureux de tout cela qui s'inscrit dans le cadre de la nouvelle politique d'activités de diffusion externes du ministère.

Le président: Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup.

Vais-je poser la dernière question avant que tout le monde s'en aille?

Le président: Non, moi aussi je veux poser des questions.

M. Sarkis Assadourian: Monsieur le ministre, je voulais vous poser une question au sujet d'un sondage dont j'ai lu les résultats dans un journal il y a environ deux semaines. Le sondage en question portait sur l'aide étrangère, sur l'OTAN, sur la façon dont l'aide étrangère est utilisée par les pays auxquels nous l'accordons et sur la façon dont les Canadiens perçoivent cette utilisation.

Je suis certain que vous avez déjà eu des discussions à propos de ce sondage qui a sans doute été réalisé par votre ministère. Je n'en suis pas sûr, mais je suis certain que vous avez dû étudier ce sondage au sein de votre cabinet. Dites-nous comment vous avez réagi? Que pensez-vous de tout cela? Pensez-vous que le travail effectué par le ministère des Affaires étrangères est reflété dans les données du sondage ou qu'il y a des faiblesses ou encore des défauts de communication? Pouvons-nous effectivement transmettre aux Canadiens le genre de travail qui se fait au sein du ministère des Affaires étrangères afin qu'il l'apprécie davantage?

M. Lloyd Axworthy: Nous n'avons pas demandé ce sondage, il a été réalisé en privé. Je l'ai, moi aussi, découvert dans les journaux. J'espère que le Ottawa Citizen voudra bien nous en fournir un exemplaire.

L'une des choses qui m'a agréablement surpris, c'est que 64 p. 100 des répondants se sont déclarés plus fiers aujourd'hui qu'il y a dix ans du rôle joué par le Canada à l'étranger, ce qui est, je crois, indicatif du fait que les Canadiens approuvent l'initiative de promotion du premier ministre. Nous essayons ainsi d'établir véritablement que nous avons un rôle à jouer sur une multitude de plans, et pas uniquement aux côtés des Américains ou des Européens.

Les autres questions du sondage font ressortir un soutien important en faveur de l'amélioration de l'aide, à condition que celle-ci soit consentie efficacement. C'est du moins la lecture que j'en ai faite. Il ne suffit pas d'inonder le problème à coup de billets de banque, il faut intervenir pour obtenir des résultats concrets. Je crois que nous devons appliquer un critère; nous devons nous poser la question suivante: notre intervention va-t-elle vraiment changer quelque chose?

Voilà pourquoi, une fois encore, et vous voudrez bien m'excuser d'insister sur cet aspect, les Canadiens et les Canadiennes estiment qu'il est essentiel que nous intervenions dans les nouveaux domaines de la sécurité humaine—comme les drogues, le terrorisme, la défense des droits de la personne et autres—et je pense que cela explique l'appui très fort qu'il nous apporte sur ce plan.

• 1710

M. Sarkis Assadourian: Votre ministère a-t-il un programme de communication pour faire connaître tous ces programmes aux Canadiens en général, ou dans les écoles ou les universités?

M. Lloyd Axworthy: Oui, mais je crois qu'il y a place pour l'amélioration.

Par exemple, le ministère a son site Internet qui donne lieu à toute sorte de retombées. Le nombre de visiteurs hebdomadaires nous montre que beaucoup de Canadiens et de Canadiennes l'utilisent.

Malheureusement, à cause de mesures de restriction, nous avons dû supprimer un grand nombre de publications et d'autres choses que nous faisons au ministère. J'aimerais remettre tout ça sur Internet, si je pouvais trouver un peu d'argent. Quand j'étais au collège et que j'étudiais dans ce domaine, je m'étais abonné à un bimensuel qui me tenait au courant de tout ce qui se passait.

Aujourd'hui, la technologie et les nouveaux systèmes d'information aidant, nous pourrions très certainement améliorer nos communications, par exemple en permettant aux écoles d'avoir un accès direct à notre site. Par exemple, nous sommes en train de nous demander, dans le cadre du programme des mines terrestres, comment nous pourrions recruter des jeunes qui sont vraiment enthousiasmés par cela. Nous aimerions être électroniquement présents dans les écoles pour aller chercher, chez les jeunes, le soutien dont nous avons besoin pour nos initiatives de déminage à l'étranger.

Nous pouvons faire beaucoup pour améliorer tout cela. Le sous-ministre, comme je le disais, vient de mettre sur pied une nouvelle structure sur la diplomatie publique, chapeautée par un sous-ministre adjoint. Je pense que cette structure va devenir le point central d'un programme beaucoup plus poussé de diffusion externe.

M. Sarkis Assadourian: Une brève remarque. Les gens ont l'impression que, quand on donne de l'argent ailleurs, c'est sans lendemain. Cependant, il suffirait de les informer que l'aide versée est assortie de certaines conditions pour que les Canadiens et les Canadiennes se montrent beaucoup plus favorables envers les programmes que vous administrez.

M. Lloyd Axworthy: Oui, c'est ce que je pense.

M. Sarkis Assadourian: Merci.

[Français]

M. Gilles Perron: Vu que je suis le seul de l'opposition, puis-je avoir le privilège de poser une question d'intérêt personnel?

Le président: Oui, mais à condition que vous me laissiez suffisamment de temps pour poser quelques questions.

M. Gilles Perron: Deux secondes, merci.

Monsieur le ministre, lors du dernier budget fédéral, votre gouvernement annonçait une dépense de 100 millions de dollars sur cinq ans pour l'enlèvement des mines antipersonnel. Je pense que je n'ai pas à m'opposer à cette dépense.

J'aimerais vous demander de quelle façon votre ministère et les autres ministères prévoient dépenser cela et j'aimerais que vous nous fassiez une mise au point sur votre beau projet, dois-je dire, d'enlèvement de mines antipersonnel.

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Notre objectif prioritaire est de faire ratifier le traité. Pour cela, 40 pays doivent se joindre à nous. Par la suite, le texte deviendra une sorte de loi internationale assortie de toute une série d'obligations véritables.

Nous travaillons très activement sur plusieurs fronts. Nos ambassadeurs et hauts commissaires à l'étranger travaillent également sur ce dossier. Les ministres, le premier ministre et moi-même soulevons cette question à chacune de nos rencontres.

Il y a deux ou trois semaines, j'étais en Hongrie pour participer à une importante conférence sur le déminage. Je suis pas mal certain que nous parviendrons à ce nombre de 40 pays durant l'été ou l'automne. Tout ce processus prend du temps—comme pourront en témoigner certains des députés ici présents qui, je crois, ont assisté aux réunions de l'UIP en Afrique—, parce qu'il faut suivre tout le cheminement législatif. Il ne suffit pas que le gouvernement veuille adhérer à ce genre d'accord, celui-ci doit être ratifié. Pour cela, nous remettons des trousses d'information aux assemblées législatives des pays concernés et nous leur apportons notre appui.

Soit dit en passant, nos députés et sénateurs peuvent jouer un rôle très important sur ce plan en insistant auprès de leurs homologues étrangers pour qu'ils ratifient l'accord. Ils pourraient également nous permettre de mettre sur pied un système de repérage et de surveillance international. En effet, l'un des principaux problèmes du déminage est de savoir où se trouvent les mines. L'arrangement que nous avons conclu avec l'ONU et en vertu duquel nous versons l'argent à cet organisme, était plutôt adapté aux besoins du moment.

Troisièmement, il faut aider les pays à ratifier le traité et à se plier aux obligations qui l'accompagnent. Prenons un pays comme la Moldovie, par exemple, qui a signé le traité. Ce qui s'est passé là-bas a été horrible. On y a dénombré près de 500 000 mines antipersonnel. Nous allons aider ces gens-là à détruire les stocks, pour que plus personne ne puisse les utiliser.

Enfin, il convient d'axer tous nos efforts, les efforts internationaux, ceux du Canada et les efforts de chaque pays, sur le déminage et l'aide aux victimes. Le problème des mines antipersonnel a laissé des centaines de milliers d'handicapés, de personnes blessées dans leur corps et dans leur âme, un peu partout dans le monde. Comme notre mission consiste, entre autres, à les aider, nous avons lancé un grand projet en Bosnie, il y a un mois.

• 1715

Si vous m'accordez un instant, monsieur le président, je vais vous dire ce que j'ai trouvé de très intéressant en Bosnie. Avant, chacun menait son petit projet dans son coin, chacun faisait du bon travail, mais rien n'était intégré. Les militaires agissaient de leur côté, l'ONU du sien et le gouvernement bosniaque faisait également quelque chose, de même que les ONG.

Grâce au budget de 10 millions de dollars, nous sommes parvenus à intégrer tous ces projets, à inviter les gens à travailler ensemble, à ne plus avoir de projets isolés et à rentabiliser notre investissement. Ainsi, les militaires pouvaient passer d'abord avec leurs machines, pour faire un premier nettoyage et parvenir à enlever 80 p. 100 des mines, après quoi pouvaient intervenir les spécialistes civils du déminage, pour arriver à un nettoyage de 99 p. 100 et permettre de nouveau une occupation des lieux par l'homme. Ce n'était pas ainsi que cela se faisait avant. Chacun agissait dans son coin. Nous espérons assurer un plus haut degré de coordination et d'intégration dans ces domaines et le budget de 100 millions de dollars est le véhicule qui va nous permettre d'y arriver.

Jusqu'ici... le premier ministre a approuvé la mise sur pied d'un petit conseil de gestion—composé de quatre ministres dont je suis le président—et d'un secrétariat, qui seront chargés d'intégrer les activités des divers militaires canadiens.

Étant donné que quatre mois à peine se sont écoulés depuis la signature du traité, je crois pouvoir dire que nous avons bien progressé, mais c'est l'année prochaine que nous verrons effectivement ce que donne cette formule, quand la convention sera ratifiée et que nous commencerons à lancer les projets.

Le président: Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser quelques questions.

Je commencerai par une observation à propos du traité sur les mines terrestres; plus exactement, je veux illustrer à quel point celui-ci a su capter l'imagination des législateurs et des gouvernements dans le monde entier. J'ai rencontré mon homologue français, le président du Comité des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, M. Lang, qui m'a appris qu'un groupe de députés avait présenté une loi de ratification, battant ainsi le gouvernement français de vitesse. Ce groupe de députés n'a pas attendu que le gouvernement présente son propre projet de loi... il a agi de son côté. Il a littéralement battu le gouvernement sur la ligne d'arrivée.

La même chose se produit certainement en bien d'autres endroits dans le monde. C'est extraordinaire de voir l'enthousiasme que ce traité a suscité dans le monde entier. C'est parfait!

J'aurai trois ou quatre questions à vous poser, certaines de nature technique et d'autres plutôt générales.

Premièrement, pensez-vous que nous serons appelés à intervenir durant la présente législature dans le processus de ratification et de mise en oeuvre du traité sur le droit de la mer?

Deuxièmement, je vais reprendre le thème abordé par Mme Folco à propos de la Palestine et d'Israël. Récemment, nous avons accueilli au comité le président du Conseil palestinien accompagné de plusieurs de ses collègues. Ils nous ont dit ne rien savoir de ce que nous avions conclu parallèlement à l'Accord de libre-échange canado-israélien, au sujet de l'élargissement de cet accord aux territoires palestiniens. J'aimerais savoir si le gouvernement du Canada fait quelque chose pour assurer un suivi à cette entente parallèle? D'ailleurs, si je me rappelle bien, le comité m'a demandé de vous écrire ou d'écrire à M. Marchi pour savoir quelles mesures ont été prises afin de veiller à ce que l'accord de libre-échange profite aussi aux secteurs palestiniens.

Ma troisième question, elle aussi, est de nature technique. Lors de notre récent passage aux États-Unis, un membre du Comité des affaires étrangères du Congrès m'a fait remarquer que nous avions retiré du Inter-American Institute for Agricultural Cooperation—que je crois être une importante institution—notre contribution de 3,4 millions de dollars. Je me demande si vous pourriez nous dire quelque chose à ce sujet. Nos interlocuteurs ont jugé cela regrettable.

Ma quatrième question est plus générale. On nous a dit qu'ici, à Ottawa, on compte davantage de gens qui travaillent sur les questions d'affaires étrangères que vous n'avez d'employés au ministère, c'est-à-dire une fois qu'on a ajouté le personnel du ministère de la Justice, celui du ministère de l'Agriculture et celui du ministère des Pêches. En fait, toute la fonction publique semble se préoccuper d'affaires étrangères d'une façon ou d'une autre, ce qui est tout à fait normal dans le monde fortement intégré qui est le nôtre.

• 1720

Je me demande dans quelle mesure, vous qui êtes le haut responsable des affaires étrangères au gouvernement, vous pouvez assurer une certaine coordination et une certaine cohérence dans tout cela. Quand nous effectuions notre examen de la politique étrangère, nous avons appris qu'il n'était pas rare que les ministres des Finances se retrouvent dans une réunion et déclarent quelque chose, pendant que les ministres des Affaires étrangères participant à une autre réunion déclarent autre chose. Le Canada n'est pas différent des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou de la France, ni de bien d'autres pays à cet égard.

Je me demandais dans quelle mesure vous êtes capables de coordonner les activités des divers ministères fédéraux pour assurer une certaine cohésion à la politique étrangère, dans tout ce que nous faisons.

Je m'arrête ici.

M. Lloyd Axworthy: Dieu merci.

Je vais commencer par une question, Bill, au sujet du Droit de la mer. Nous voulions, avant tout, que soit ratifié le traité sur les stocks chevauchants. Les provinces de pêche avaient adopté une position ferme: tant que la convention sur les stocks chevauchant répartissant les responsabilités relativement à... et tant que le système d'inspection mis en place au lendemain de la guerre du turbot... Je pense que tout cela est maintenant devant la Chambre. Le ministre des Pêches est en train de piloter ce projet de loi en Chambre et j'espère que le traité sur le Droit de la mer suivra.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Cela a été débattu aujourd'hui.

M. Lloyd Axworthy: Quant à l'accord commercial, il est vrai que nous avons consenti aux Palestiniens les mêmes avantages que ceux prévus pour Israël. Cependant, rien n'a encore été signé, ce n'est qu'une offre.

Pour ce qui est du groupe agricole interaméricain, je crois savoir que le premier ministre a eu des entretiens à ce sujet à Santiago et que nous allons sûrement soutenir ce groupe.

Quant à votre dernière question, c'est là un défi que je qualifierais d'intéressant. Vous avez raison: 18 ministères ont des bureaux ou des responsables chargés des affaires internationales. Dans la plupart des cas, c'est tout à fait normal. Le ministère de l'Agriculture veut vendre des produits agricoles à l'étranger et nous abritons la plupart de ses bureaux dans nos ambassades. Par ailleurs, il est normal que le ministère de l'Immigration, la GRC et d'autres soient représentés à l'étranger. Dans la plupart des cas, il ne s'agit que d'une présence organisationnelle, technique, coordonnée par les ambassadeurs ou les hauts commissaires, à leur niveau.

Sur un plan politique, le ministère continue de jouer un rôle de premier plan dans la plupart des dossiers. En général, le premier ministre demande à mes collègues, quand il leur confie un mandat, de consulter le ministre des Affaires étrangères dès qu'ils entreprennent un projet pouvant relever de la politique étrangère.

En général, tout se passe bien. Ce n'est pas parfait, et je ne voudrais certainement pas que nous nous imposions comme étant un groupe de tzars des affaires internationales, parce que nous en avons déjà suffisamment comme cela sur les bras. Nous avons déjà un rôle de coordination à remplir.

Le plus souvent, nous devons assumer ce rôle de façon ponctuelle. Je vais vous donner un exemple. À l'amorce de la crise asiatique, nous avons commencé à nous réunir régulièrement, M. Martin, M. Marchi et moi-même, pour en parler entre nous. Bien sûr, quand la crise sera passée—ce qu'on peut espérer—nous n'aurons plus à nous réunir aussi souvent, mais nous devrons tout de même veiller à coordonner nos actions dans de telles situations.

Je préfère que les choses se passent ainsi, plutôt que de nous en remettre à une structure formelle, parce que les choses évoluent très rapidement. Bien sûr, nous pouvons toujours rater une ou deux occasions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Comme vous le voyez, nous vous sommes reconnaissants de nous avoir accordé un peu plus de temps et, en fin de compte, nous n'en avons pas abusé. Sachez que nous avons beaucoup apprécié votre geste.

Nous demanderons à M. Marchi pourquoi le budget du ministère de l'Agriculture est supérieur au sien pour la vente de produits à l'étranger. Si je me rappelle bien, il est considérablement supérieur.

M. Lloyd Axworthy: Je suis sûr qu'il saura vous donner une bonne réponse.

Le président: Je n'en doute pas. Nous avons hâte de le rencontrer.

Merci beaucoup de vous être déplacé, monsieur le ministre.

M. Lloyd Axworthy: Merci beaucoup.

Le président: La séance est levée, nous nous retrouverons le 7 mai.