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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 1er octobre 1998

• 1005

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Ce matin, nous examinons la motion de M. Mills.

Monsieur Mills, si vous voulez bien nous lire votre motion, nous pourrons ensuite en débattre.

Toutefois, auparavant, je pourrais peut-être faire les présentations. Le comité accueille M. Manning, pour la première fois je crois.

Monsieur, soyez le bienvenu parmi nous.

De plus, je crois savoir que M. Mills aurait aimé que les audiences du comité soient télévisées. Cependant, comme vous le savez, il faut obtenir la permission de la Chambre au préalable si nous siégeons ailleurs que dans la salle 253. Nous ne pouvons donc pas le faire. Je demande aux cameramen de la télévision de bien vouloir se retirer, maintenant que le comité a commencé à siéger. Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Voici la motion:

    Qu'en vertu de l'article 18 de la Loi constitutionnelle, de l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada et du paragraphe 108(2) du Règlement, ce comité fasse enquête sur les événements entourant la suppression d'une manifestation légale à la conférence de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique à Vancouver en 1997 et présente un rapport à la Chambre des communes. Les personnes suivantes devront être appelées à témoigner devant le comité:

    Le très honorable Jean Chrétien;

    l'honorable Lloyd Axworthy;

    M. Jean Pelletier (chef de Cabinet); et

    M. Jean Carle (ancien directeur des opérations du CPM).

Monsieur le président, y aura-t-il un vote à ce sujet à la fin?

Le président: Je le suppose. Il appartient aux membres du comité d'en décider, mais je proposerais que nous suivions l'ordre habituel. Les trois premiers à prendre la parole disposeront de dix minutes, après quoi nous passerons à des débats de cinq minutes.

J'aimerais attirer l'attention du comité sur un point, cependant. M. Robinson doit nous quitter à 11 heures, et je sais que cette question l'intéresse beaucoup. Si vous êtes tous d'accord, nous ferons en sorte qu'il puisse prendre la parole avant son départ.

Des voix: D'accord.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Oui, monsieur White?

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le président, j'étais en train de compter les personnes présentes.

Le président: Craignez-vous qu'il n'y ait pas quorum?

M. Randy White: Je crains qu'il n'y ait pas suffisamment de membres du parti ministériel, s'il faut voter.

Le président: Vous n'avez pas l'habitude de vous intéresser aussi consciencieusement au bien-être du gouvernement.

Des voix: Oh, oh!

M. Randy White: Je m'apprêtais à demander le vote.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): D'ailleurs, on a la parité, monsieur le président. Vous pourriez être dans une situation difficile.

Le président: On a un comité complet.

[Traduction]

Monsieur Mills.

M. Bob Mills: Merci, monsieur le président.

Voici une belle occasion pour tous les partis d'opposition qui sont d'accord avec cette motion. Je sais, après avoir parlé à certains libéraux, qu'ils sont d'accord. J'aimerais vous expliquer pourquoi il faudrait que tous les députés présents approuvent la motion aujourd'hui.

Voici une occasion pour les représentants élus de la Chambre d'agir dans l'intérêt des Canadiens et Canadiennes, c'est-à-dire de faire toute la lumière sur cette affaire. Notre objectif consiste à débattre calmement de la question et à savoir ce qui s'est produit. De la sorte, les Canadiens et Canadiennes sauront à quoi s'en tenir.

J'étais là. J'ai vu les forces de sécurité. J'étais présent. J'ai assisté à la conférence de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique et au sommet parallèle. J'étais présent lorsque le ministre des Affaires étrangères a prononcé son discours. En tant que Canadien, j'étais fier d'accueillir 18 dirigeants, ministres des Affaires étrangères et autres représentants de ces pays. Il serait juste de dire que ce sentiment est partagé par la plupart des Canadiens qui suivaient l'événement à la télévision.

C'est pourquoi il importe tant que nous fassions la lumière sur ces événements. Il importe au plus haut point que nous sachions ce qui s'est produit et que nous donnions à nos représentants élus l'occasion de nous donner leur version des faits.

La réputation du Canada est en jeu, et cette réputation nous tient à coeur, à nous les Canadiens. Après avoir beaucoup voyagé—et M. Manning et moi avons certes beaucoup voyagé cet été—, je me rends compte à quel point le Canada occupe une place importante dans le monde et des valeurs qu'il représente. Si nous ne voulons pas perdre cette réputation, il faut que le Canada ait un comportement exemplaire.

Vous vous demandez peut-être pourquoi le comité devrait entendre cette motion. J'ai plusieurs raisons, que j'aimerais vous exposer.

• 1010

Tout d'abord, c'était le ministère des Affaires étrangères qui contrôlait tout l'événement. Si vous avez lu le document au sujet du sommet de l'APEC et de sa raison d'être, vous savez que ce sont les Affaires étrangères qui ont organisé le thème, qui ont pris les arrangements, qui ont tout pris en charge là-bas, le Cabinet du premier ministre y allant de sa contribution lorsqu'il y avait lieu, naturellement, puisqu'il s'agissait de dirigeants mondiaux.

Les objectifs de cette réunion de l'APEC étaient certes conformes à ce qui avait été énoncé, soit de favoriser le commerce et l'investissement régionaux, la coopération et le développement économiques au sein de l'APEC et le renforcement des liens entre les pays membres. J'ose dire qu'en raison de certains des incidents, nous n'avons peut-être pas réalisé nos propres objectifs tels qu'énoncés dans ce document.

Il existe aussi une autre raison pour laquelle il faudrait que le comité traite de cette question. Je vous cite le passage d'un article paru dans le Toronto Star, le 25 septembre. Soit dit en passant, il faudrait que nous félicitions tous notre président de l'article très favorable paru à son sujet.

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Bob Mills: Non, ce n'est pas cela du tout. Je crois que nous sommes d'accord là-dessus, monsieur le président.

L'auteur de l'article écrit:

    Il fait des enquêtes, supplée en quelque sorte aux travaux de la Chambre des communes. Le comité de M. Graham qui est chargé de la politique étrangère porte ces questions à la connaissance du grand public.

L'auteur ajoute que le comité cherchera à incarner ce que souhaite le peuple canadien et que ce que veut le peuple canadien, c'est «de participer». De fait, il cite Mitchell Sharp, qui aurait dit au sujet du comité: «Un vent de fraîcheur dans le domaine de la politique étrangère!» Donc, le tzar du Parti libéral reconnaît lui-même que le présent comité fait mieux que tout comité antérieur des affaires étrangères et qu'une grande partie de cette amélioration est attribuable à notre président.

Manifestement, voici notre chance de représenter les Canadiens et de placer cette question au premier plan. C'est la deuxième raison pour laquelle j'aimerais que le comité se charge de cette question.

Troisième raison, voici une occasion pour le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères de faire entendre leur version des faits devant un groupe de collègues élus, de pairs—notre groupe tel que le décrit si bien l'article.

J'aimerais vous citer un passage très éloquent. Écoutez bien ce que dit l'auteur:

    Selon moi, dans une démocratie parlementaire, un des droits fondamentaux est le droit d'être entendu, le droit de pouvoir faire connaître ses préoccupations. Il n'y a pas de meilleur endroit pour ce faire qu'un comité formé de représentants élus du peuple qui ont des comptes à rendre à la population. C'est là la différence entre nous et qui que ce soit d'autre; on peut nous demander des comptes. À mon avis, cela donnera une certaine confiance aux gens ordinaires qui présenteront une demande d'indemnisation, car ils auront le sentiment d'être entendus par un tribunal de députés élus qui, s'ils prennent une mauvaise décision, pourraient certes avoir des comptes à rendre lors des prochaines élections.

Ce passage est tiré d'une allocution prononcée par M. Lloyd Axworthy à la Chambre des communes, le 5 mai 1992. Le passage est fort éloquent. Il faudrait que nous ayons tous la possibilité de comparaître devant le comité. Existe-t-il meilleur endroit pour donner son opinion au sujet d'une situation particulière que devant un groupe de représentants élus?

Le document numéro trois est donc l'allocution du ministre des Affaires étrangères dans laquelle il affirme que notre comité est celui qui devrait, en tant que représentant du peuple canadien, entendre ses doléances.

Quatrième raison, les députés réunis autour de cette table ont une solide expérience des affaires étrangères. Certains travaillent dans ce domaine depuis de nombreuses années. Si notre groupe n'a pas l'expertise et les connaissances voulues pour comprendre les rapports qu'entretiennent entre eux les autres pays et s'il ne comprend pas bien les résultats escomptés de cette conférence... Il n'existe vraiment pas, selon moi, de groupe plus qualifié pour étudier cette question. Nous comprenons comment ces 18 pays raisonnent, de quelle façon ils entretiennent des rapports entre eux et ainsi de suite. C'est pourquoi nul autre comité de la présente législature ne pourrait traiter du sujet à l'étude mieux que nous.

Enfin, on a très souvent entendu dire que la Commission des plaintes du public contre la GRC sera en fait capable d'examiner toute la situation. Nous avons étudié avec soin cette commission et, comme tant d'autres, nous ne sommes pas convaincus qu'elle a le pouvoir d'enquêter sur autre chose que les agissements de la GRC. Ainsi, elle n'est pas habilitée à enquêter sur le ministère des Affaires étrangères ni sur le rôle qu'auraient pu jouer des membres de la classe politique dans ce dossier.

• 1015

Bien sûr, si nous souhaitons citer des personnes qui ont commenté la question, nous pouvons citer Mme Copps qui, dans un discours prononcé à la Chambre, a décrit la Commission comme suit:

    Je prie instamment le gouvernement d'apporter des changements qui permettront à la Commission des plaintes du public de mener une enquête débordant du cadre de la GRC.

Elle affirmait à ce moment-là que la Commission ne pouvait examiner que les agissements de la GRC et, naturellement, c'est la raison pour laquelle le Parti libéral s'est opposé à cette commission particulière parce que son mandat ne lui permettait pas d'aller au-delà des agissements de la GRC dans son enquête.

Les membres de notre comité peuvent être élus et ils ont des comptes à rendre, comme l'a dit M. Axworthy. Il a déclaré devant le comité: «Je reviendrai volontiers discuter avec vous, n'importe quand». Voici une question dont il faut discuter. C'est une affaire qui pourrait ternir notre image. En comparaissant devant notre comité, ces personnes auraient la possibilité de discuter avec nous dans le calme. Discutons-en et allons au fond des choses, pour le bien du peuple canadien.

Le président: Monsieur, je vous remercie énormément.

[Français]

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: D'entrée de jeu, je vous dirai que le Bloc québécois compte appuyer cette motion du Parti réformiste parce qu'il croit que toute la lumière devrait être faite sur cet incident qui a d'ailleurs déjà été évoqué devant ce comité, comme vous l'avez reconnu vous-même lors de la première séance du comité cette année. Notre collègue Svend Robinson et nous-mêmes avions, dès le lendemain de cet incident, voulu que le comité soit saisi de cette question et puisse entendre les principaux responsables de cet événement fâcheux qui continue de faire les manchettes.

Je vous dirai qu'étant allé en Indonésie il y a quelques semaines à peine et ayant participé à une mission du Conseil canadien de coopération internationale, à laquelle était associée d'ailleurs la députée Augustine, j'ai été très surpris du paradoxe devant lequel nous nous retrouvons à la suite des événements de l'APEC. Nous avons rencontré à Jogjakarta les étudiants qui ont entraîné la chute, la démission et le remplacement du président Suharto par un autre président qu'ils veulent aussi, nous ont-ils confié, voir quitter la présidence de leur pays parce que, selon eux, l'Indonésie n'est pas plus démocratique aujourd'hui qu'elle ne l'était sous la gouverne du président Suharto.

Quelques mois auparavant, des étudiants canadiens de Colombie-Britannique avaient été brimés dans leur droit d'exprimer librement leur dissidence à l'égard d'un régime comme celui du président Suharto et de manifester pacifiquement sur le campus de leur université. Des autorités canadiennes fédérales, la Gendarmerie royale du Canada, avaient piétiné ces droits, cela, selon des sources, à la demande de personnes très haut placées dans l'administration canadienne, qu'il s'agisse du ministre des Affaires étrangères, du premier ministre ou des membres de son cabinet.

Ce paradoxe nous entraîne vers une question que ce comité devrait étudier et qu'il pourrait étudier à la lumière de témoignages que nous pourrions entendre de la part du premier ministre et du ministre des Affaires étrangères, notamment sur toute cette question des rapports entre les droits de la personne, l'aide au développement et la politique canadienne, et la façon dont le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères pensent cette politique. C'est d'ailleurs une question que nous, du Bloc québécois, voulions faire étudier par le comité, mais que la majorité du comité ne semble pas vouloir étudier.

• 1020

Mais ce ne serait pas là l'objet principal de la comparution du premier ministre, du ministre des Affaires étrangères et des deux fonctionnaires du cabinet du premier ministre. Cette comparution devrait se faire devant une autorité qui a une crédibilité à laquelle nous souscrivons et à laquelle nous voulons participer. Le Comité des affaires étrangères a prouvé dans le passé, notamment l'année dernière, qu'il pouvait être un comité sérieux, studieux et non partisan. Dans une affaire comme celle-ci, même si la présomption serait à la partisanerie, je crois que les partis politiques, y compris ceux d'opposition, s'assureraient d'avoir un comportement digne, celui auquel on s'attend d'eux à l'occasion d'une enquête qu'il voudrait faire et qui revêtirait une très grande importance pour la vie parlementaire.

Comme le prévoit l'alinéa 108(1)a) du Règlement, ce comité a le droit de convoquer des témoins et de demander la production de documents. Devant l'état actuel de l'enquête qui se prépare et qui commencera ses travaux lundi, on peut croire que ce comité pourrait entendre les intervenants qu'il conviendrait d'entendre, notamment le ministre des Affaires étrangères qui, à notre connaissance, ne sera pas entendu par le comité des plaintes de la GRC ou des membres de son personnel. Alors, il est important que le ministre des Affaires étrangères puisse rendre compte devant ce comité qu'il dit respecter et nous dire quel a été son rôle particulier, ainsi que celui de son ministère, dans ces incidents.

Une des raisons qui nous amènent à appuyer cette demande du Parti réformiste est valable, mais il y en a certainement une autre. C'est celle qui voudrait que ce comité ne soit sans doute pas aussi partisan que ne peut le paraître à prime abord un comité. Comme on l'a souligné hier à la Chambre, certains membres de ce comité ont été nommés par le gouvernement lui-même et certains ont financé le parti au pouvoir, et ils pourraient, pour cette raison, avoir une certaine réserve dans la façon de traiter les témoins les plus importants dans cette affaire.

Je dirai en dernier lieu que personne, ni la population canadienne ni la population québécoise, ne pourrait nous accuser, nous les députés autour de cette table et en particulier les députés de l'opposition, d'avoir une réserve et ne pas vouloir faire toute la lumière sur ces incidents.

Pour cette raison, monsieur le président, le Bloc québécois appuiera la motion présentée par M. Mills.

Le président: Merci, monsieur Turp. Je cède maintenant la parole à un porte-parole du parti gouvernemental, après quoi j'inviterai M. Robinson, M. Bachand et à nouveau un député du parti gouvernemental à intervenir. Madame Cohen.

[Traduction]

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Merci, monsieur le président. Je ne fais que passer, car je ne suis pas membre du comité.

Le président: Pour notre plus grande perte, madame Cohen.

Mme Shaughnessy Cohen: Merci.

Une voix: En fait, nous comptons plusieurs visiteurs ici, aujourd'hui.

Mme Shaughnessy Cohen: Il ne m'appartient pas de faire la leçon au Comité des affaires étrangères. J'aimerais simplement dire ceci. Il ne fait pas de doute que le comité a le pouvoir de faire ce qui est demandé ici en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement, qui permet à un comité de la Chambre d'entreprendre l'étude de toute question qui relève de son mandat. Incontestablement, la présente question relève du mandat du comité.

Cela étant dit, par contre, ce n'est pas parce que nous représentons le Parlement du Canada et que nous avons le pouvoir d'agir qu'il faille forcément le faire. Il importe d'agir avec une certaine discrétion et de respecter les autres institutions qui ont été établies pour gouverner, y compris la Commission des plaintes du public contre la GRC. Je ne suis pas d'accord avec M. Mills qui semble croire que l'autorité de la Commission est limitée dans le cas à l'étude.

Loin de vouloir en mettre plein la vue ou de me mettre moi-même en valeur, je tiens cependant à préciser que j'ai moi-même une longue expérience de la prise de mesures disciplinaires à l'égard de la police et des plaintes contre les policiers. La Commission serait obligée, selon moi—et je crois que d'autres en verront la logique—, d'examiner non seulement ce qu'a fait la GRC, mais également ce qui l'a motivée à le faire. Ainsi, la gendarmerie a peut-être abusé de son pouvoir parce qu'elle a subi d'autres influences, ce qui fait partie de l'accusation qu'examine la Commission.

• 1025

La Commission devra donc examiner les voies hiérarchiques de commandement. Elle va devoir s'informer du nom des personnes à l'extérieur de la GRC avec lesquelles celle-ci a communiqué pour l'exécution de cette tâche. Elle va devoir examiner le comportement des agents individuels et décider pourquoi ils se sont comportés ainsi.

Donc, en tant que personne de l'extérieur ayant une certaine expérience des questions policières, je dirais que la Commission a déjà un très vaste mandat et qu'elle manquerait à son devoir si elle... M. Mills hoche la tête de droite à gauche, mais je puis affirmer avec une certaine certitude qu'elle manquerait à son devoir si elle n'examinait pas certaines de ces questions.

Ce processus, qui représente une autre institution dans ce dossier, a été créé par voie législative, et il importe que nous le respections et que nous lui permettions de suivre son cours.

Bien que le Parlement en ait le pouvoir, il pourrait, soit par inadvertance ou intentionnellement, faire dérailler les travaux de la Commission d'enquête, commettant ainsi un grave abus de son pouvoir et de son autorité. Ce n'est pas parce qu'on en a le pouvoir qu'il faut l'exercer.

Donc, en raison de cet argument, je proposerais que la motion soit rejetée à ce stade-ci. Cela étant dit, par contre, si cet argument est mis de côté, il faudrait au moins y revenir plus tard, s'il y a lieu, quand la Commission aura achevé ses travaux et qu'elle aura présenté son rapport.

Je vous remercie.

Le président: Madame Cohen, je vous remercie. Puisque vous êtes là, nous pourrions peut-être en profiter pour rafraîchir la mémoire des membres du comité à ce sujet avant de céder la parole à M. Robinson. Il a soulevé la question à la réunion du comité directeur. Certains des membres du comité souhaitent peut-être vous interroger à ce sujet ou en discuter avec vous.

Vous vous rappellerez que, lorsqu'il a soulevé le point la première fois, nous avons décidé—je crois que c'était à une réunion du comité directeur—qu'il ne nous appartenait pas d'étudier cette question sous l'angle des activités policières. C'est dans ce cadre qu'avait eu lieu la discussion.

Je suis ensuite allé vous voir, et vous avez convenu avec moi qu'une fois que la Commission aurait achevé son étude et s'il y avait des dimensions politiques à la question, vous seriez disposée à les étudier au sein de votre comité, puisque c'est celui dont relève le Solliciteur général et, par conséquent, la GRC. Par conséquent, nous avions jugé à ce moment-là que votre comité était plus propice à l'examen des questions policières.

Je tenais simplement à le rappeler aux membres du comité. Vous conviendrez avec moi que c'est la décision qui avait été prise au printemps dernier, si ma mémoire est bonne.

Mme Shaughnessy Cohen: C'est vrai, bien que je précise que je n'ai actuellement pas le droit de parler au nom de ce comité, parce qu'il n'a pas encore été formé.

Le second point que je tenais à faire valoir, c'est que je ne peux pas vraiment me faire le porte-parole du comité, parce que nous essayons de fonctionner par consensus. Cependant, j'ai déjà déposé un avis de motion. Je suppose donc que notre comité directeur en discutera lors d'une réunion.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

M. Bob Mills: Monsieur le président, la situation a beaucoup évolué aussi depuis le printemps. Beaucoup plus de personnes sont engagées dans cette affaire, et il circule beaucoup plus de renseignements; des documents ont été rendus publics. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis avril.

Le président: Je n'ai pas dit cela pour faire croire que rien n'était changé. Je tenais simplement à m'assurer que tous comprennent comment nous en sommes arrivés au point où nous en sommes.

Je cède maintenant la parole à M. Robinson, suivi de M. Bachand.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Avant de commenter la motion, par simple souci de clarté, je rappelle à la présidence qu'en fait, c'était pendant le mois qui a suivi la conférence de l'APEC, en décembre pour être exact, que j'ai pour la première fois soulevé la question. Je suis revenu à la charge auprès de la présidence du comité en février, puis en juin, au moyen de lettres.

Même si la majorité des membres du comité—c'était, en fait, la majorité libérale—estimait qu'il était préférable d'attendre de connaître la réponse du Comité de la justice, je n'ai jamais accepté cette suggestion, parce que, manifestement, certaines des questions dont nous sommes saisis ici concernent non seulement le rôle de la GRC et du solliciteur général, aussi sérieux soient-ils, mais également le rôle du Cabinet du Premier ministre et du ministre des Affaires étrangères.

Je tiens donc à préciser très clairement que, bien que le comité ait décidé de demander au Comité de la justice d'envisager la possibilité de tenir des audiences, je continue de croire que notre comité est l'instance la mieux placée pour régler cette question. Je suis heureux de constater que le Parti réformiste partage cet avis.

• 1030

Monsieur le président, l'argument qu'invoque Mme Cohen est non seulement intenable d'un point de vue juridique, mais également ridicule d'un point de vue politique. Le fait, pour le comité, d'examiner le rôle joué par le Premier ministre, les hauts fonctionnaires de son cabinet et le ministre des Affaires étrangères lors de la conférence de l'APEC ne réduit en rien—et j'insiste là-dessus—le rôle de la Commission des plaintes du public contre la GRC.

Mme Cohen a laissé entendre que nos travaux risquaient de «faire dérailler»—je crois que c'est le mot qu'elle a utilisé—ceux de la Commission d'enquête. Pour ceux qui ne se souviennent pas, la Commission Macdonald a tenu de longues audiences sur toute une gamme de questions entourant la GRC, son rôle et sa responsabilité politique. Personne n'a laissé entendre que cela empêcherait le Parlement—le comité a examiné la question à fond pendant que la Commission Macdonald tenait ses propres audiences—et la Chambre elle-même de procéder à un examen détaillé du dossier.

Franchement, il est tout à fait ridicule de dire que la tenue d'audiences sur la responsabilité politique de la GRC risque de porter atteinte au rôle ou à la crédibilité de la Commission. Cet argument est absolument intenable.

Concernant la Commission elle-même, monsieur le président, cet organisme, à bien des égards, est foncièrement injuste. D'une part, vous avez une batterie d'avocats qui défendent la GRC—et je ne mets pas cela en question, étant donné la gravité des allégations—et, d'autre part, vous avez un groupe d'étudiants auquel on a refusé toute assistance juridique, bien qu'un juge de la Cour fédérale ait dit qu'ils devraient avoir accès à une telle assistance si l'on veut que le processus soit équitable, et bien que la Commission elle-même ait demandé une aide financière pour les étudiants. Qui a refusé? Le solliciteur général, Andy Scott: «Oubliez cela, ils n'auront pas d'aide.» Et c'est cette même instance qui va faire toute la lumière sur cette affaire? Les dés sont pipés au départ.

Ensuite, si la Commission compte examiner certains aspects du rôle politique de la GRC—et il se peut qu'elle le fasse; l'avocat de la Commission est un homme pour qui j'ai beaucoup de respect, Chris Considine, un avocat très respecté en Colombie-Britannique—il se peut qu'elle jette un coup d'oeil sur certains de ces aspects, mais il y en a beaucoup qu'elle ne pourra pas du tout examiner.

Prenons l'exemple des affiches. Certains membres du comité se souviennent peut-être des affiches. D'après une note de service rédigée par l'ambassadeur du Canada en Indonésie, Gary Smith, le ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, s'est excusé de la présence de ces affiches auprès du ministre des Affaires étrangères de l'Indonésie. Il a dit que cette façon d'agir était contraire à nos habitudes, que ce geste était scandaleux, excessif.

Mme Cohen croit-elle vraiment que la Commission des plaintes du public contre la GRC va demander à Lloyd Axworthy de comparaître devant elle afin qu'il explique pourquoi il a présenté des excuses au ministre des Affaires étrangères de l'Indonésie? Elle ne le fera pas, bien entendu. Cela ne fait pas partie de son mandat. Ce n'est pas son rôle, mais le nôtre. C'est à nous de le faire, en tant que Comité des affaires étrangères. Le Comité de la justice ne se penchera pas là-dessus. Ce n'est pas son rôle. La Commission des plaintes du public ne se penchera pas non plus là-dessus. C'est à nous de le faire, et c'est pour cette raison que j'appuie la motion qui a été présentée au comité.

En ce qui concerne le rôle du Premier ministre, j'étais présent à l'audience préliminaire de la Commission, à Vancouver, la semaine dernière, quand l'avocat du Premier ministre a dit que le document que le recteur de l'Université de la Colombie-Britannique avait fait parvenir à Eddie Goldenberg ne présentait aucun intérêt —et j'insiste là-dessus—pour la Commission. Eh bien, si le document ne présente aucun intérêt, on voit déjà clairement quelle attitude compte adopter le gouvernement fédéral à l'égard de la responsabilité du premier ministre. C'est très clair.

Je fais partie de ce comité depuis de nombreuses années, et c'est une des questions les plus fondamentales que nous ayons été appelés à examiner. J'exhorte les membres du comité à ne pas se cacher derrière la Commission des plaintes du public, parce que s'ils le font—si la majorité libérale se cache derrière la Commission, ou peut-être derrière une audience du Comité de la justice—ils vont priver les Canadiens de leur droit de connaître la vérité par l'entremise de leurs représentants élus. Et ça, c'est très, très grave.

Monsieur le président, j'aimerais ajouter brièvement que le Premier ministre, les députés et ministres libéraux ont fait beaucoup de fausses déclarations au sujet de ce qui s'est vraiment passé à la conférence. Ils ont dit, par exemple, «Eh bien, tout c'est bien déroulé, puisque le Sommet parallèle a eu lieu.»

• 1035

Le Sommet parallèle a eu lieu et le Premier ministre a dit, «Nous avons fait venir des gens pour qu'ils participent au Sommet parallèle.» C'est faux, totalement faux. Hier soir, le président du comité a déclaré, au réseau anglais de la SAC, que le gouvernement avait payé les frais de voyage de José Ramos-Horta pour qu'il puisse assister au sommet. Faux. Le gouvernement n'a pas versé un seul sou pour faire venir José Ramos-Horta au Canada. Pas un sou—ni pour lui, ni pour n'importe quel autre délégué.

Le Comité des affaires étrangères est celui qui doit poser la question suivante: pourquoi avons-nous cherché à éviter tout embarras à Suharto, à assurer son confort, plutôt que de nous occuper de sécurité? C'est ce comité-ci, et pas un autre, et certainement pas la Commission des plaintes du public, qui va être en mesure de poser des questions et de chercher à savoir pourquoi nous avons laissé les gardes du corps armés de Suharto entrer au pays. Quand avons-nous modifié notre politique sur le port d'armes? Pourquoi l'avons-nous fait? La Commission des plaintes du public contre la GRC ne se penchera pas là-dessus. C'est une question qui relève du domaine des affaires étrangères.

Cette affaire est très, très sérieuse.

[Français]

C'est une question qui porte sur le rôle du premier ministre et celui du ministre des Affaires extérieures, et ce n'est pas une question qu'on devrait confier à la Commission des plaintes du public contre la GRC. C'est maintenant à la majorité libérale de décider si, oui ou non, on veut la vérité ou si on veut plutôt nier la vérité aux Canadiens, Canadiennes, Québécois et Québécoises.

[Traduction]

Voilà ce qu'il faut décider, monsieur le président.

Si les membres du comité décident de rejeter la motion, ce que nous disons—ou plutôt, ce qu'ils disent, parce que je présume que tous les membres de ce côté-ci de la Chambre vont dire, «nous voulons connaître la vérité, nous voulons qu'on nous rende des comptes»—ce qu'ils disent, c'est qu'ils vont protéger le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères, le solliciteur général. Ce faisant, ils vont tourner notre comité en dérision, nous empêcher de connaître la vérité, de savoir pourquoi nous étions prêts à courber l'échine devant Suharto et ses gardes du corps pour lui éviter tout embarras.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.):

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Svend Robinson: Madame Augustine, vous avez l'occasion de vous prononcer sur la question. Nous allons voir si vous voulez connaître la vérité.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Robinson.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Je vais essayer de ne pas répéter les arguments qu'on a déjà soulevés de ce côté-ci. Il va sans dire que nous appuyons la proposition.

Il faut bien se rappeler que la manifestation qui s'est déroulée lors du sommet de l'APEC, à Vancouver, n'était pas une manifestation pour la victoire de la coupe Stanley, monsieur le président. Il n'y a pas eu de vitres brisées, d'autobus renversés ou de voitures de police endommagées. Ce fut une manifestation pacifique où on a exercé les droits les plus élémentaires de ce pays, et il faut bien le comprendre. Aussitôt que les événements ont mal tourné, il y a eu un discrédit complet de la part du premier ministre, qui aujourd'hui fait le niais par rapport à ce qu'il savait ou ne savait pas du poivre de Cayenne. C'est là que se trouve le problème et il faudrait que les gens le sachent.

D'abord et avant tout, monsieur le président, c'est une question de crédibilité au niveau de toutes nos relations internationales, et c'est pourquoi ce comité doit absolument aller au fond des choses. Je peux être assuré jusqu'à un certain point que la Commission des plaintes du public contre la GRC se penchera sur l'aspect policier. Je pourrais vous donner un exemple, bien que peut-être boiteux, celui des fameuses vignettes VIP à Montréal. Qui a payé la note finalement? Ce ne sont pas ceux qui ont ou n'ont pas émis des contraventions, mais plutôt les cadres. Je ne vous dis pas que je suis d'accord ou pas sur cette décision, mais cela prouve une chose—vous pouvez bien rire—: il faut aller à la tête de tout le processus décisionnel qui a conduit certains à bafouer des droits parmi les plus élémentaires.

Comment voulez-vous que notre ministre hippy, qui manifestait au cours des années 1960, puisse jouir d'une certaine crédibilité lorsqu'il condamne les pays qui utilisent une force excessive contre des manifestants? Est-ce que notre politique étrangère ne devrait pas être crédible ici, d'abord et avant tout, avant qu'elle ne puisse l'être à l'extérieur du pays?

• 1040

Je suis convaincu d'une chose, monsieur le président: le rapport de ce comité ne pourrait qu'aider la Commission des plaintes du public contre la GRC à aller au fond des choses.

Le premier ministre a dit qu'il était à la Chambre à tous les jours pour répondre aux questions. Nous ne lui demandons que de nous accorder un petit peu de temps et de venir nous rencontrer. On lui servira un bon café et on pourra lui poser des questions pendant une heure ou deux. Pourquoi ne viendrait-il pas accompagné de ses amis, le ministre des Affaires étrangères, M. Pelletier et le solliciteur général, son fou du roi qui le protège tout le temps en nous donnant les mêmes maudites réponses à la Chambre des communes? Il pourraient au moins venir et écouter les questions qu'on a à poser.

On se cache derrière une commission, monsieur le président, et on va entacher la crédibilité de cette commission-là. Si le Parti libéral, le parti gouvernemental, est si fier de cette commission, il ne doit pas s'opposer à ce que nous regardions l'aspect politique, l'aspect des élus, dans cette affaire. La commission risque de ne pas pouvoir aller aussi loin qu'elle le voudrait, et c'est dangereux. Si on reprend l'argument du côté gouvernemental, on convient de laisser la commission faire son travail, mais de notre côté, faisons le nôtre.

Je suis convaincu que les partis d'opposition ralentiraient un peu leur questionnement en Chambre sur la fameuse commission si on pouvait faire notre travail correctement. Nous éprouvons un problème de crédibilité face au premier ministre, à son ministre des Affaires étrangères, à son chef de cabinet et au solliciteur général quant à la politique étrangère du Canada. On veut bien se péter les bretelles pour les mines antipersonnel, mais on perdra notre crédibilité si on brime le droit de manifester, de parler et de ne pas être d'accord. Ça c'est grave, monsieur le président.

Monsieur le président, j'aimerais vous encourager à nous appuyer. On vous reconnaît une très grande crédibilité et j'espère que cette crédibilité dont vous jouissez au sein du comité et des populations québécoise et canadienne continuera d'exister grâce à votre geste d'appui à l'endroit de cette résolution qui, je le rappelle, est loin d'être partisane. Dans le passé, plusieurs gouvernements, de toutes les couleurs, ont eu des choses à se reprocher, mais nous souhaitons qu'avec votre aide et celle de nos confrères et consoeurs de l'autre côté de cette table, nous pourrons faire en sorte que le le Canada ou la Chambre des communes soit crédible lorsqu'il ou elle critiquera un geste semblable à l'extérieur du pays.

Merci beaucoup, monsieur le président. Je compte sur votre appui et celui de nos confrères et consoeurs du côté gouvernemental.

Le président: Merci, monsieur Bachand.

[Traduction]

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le président, le greffier peut-il nous fournir une copie du mandat de la Commission, ce qu'elle est autorisée à faire?

Le président: Le comité ou la Commission?

M. Sarkis Assadourian: La Commission qui va se pencher sur cette question.

Une voix: Nous ne voulons pas le savoir, Sarkis.

Le président: Mme Cohen a peut-être quelque chose à dire à ce sujet.

M. André Bachand: Vous devriez pouvoir répondre à cette question, si on a dit à la Chambre que la Commission va s'occuper de tout.

M. Sarkis Assadourian: Où est donc le problème, si elle va s'occuper de tout?

Une voix: Bravo!

Le président: C'est...

M. André Bachand: Mais vous connaissez le mandat de la Commission si vous posez la question. Cela prouve une chose, monsieur le président: la plupart de nos collègues à l'extérieur de la Chambre ne connaissent pas le mandat de la Commission. Nous avons donc du travail à faire.

Une voix: Pourquoi ne pas l'avoir vérifié plus tôt?

Le président: Nous ne pourrons l'examiner au cours de cette réunion, puisque nous ne l'aurons pas à temps.

M. Sarkis Assadourian: Ils auraient dû le fournir avant.

Le président: Nous pourrions peut-être en discuter en aparté.

MM. Reid et Manning souhaitent prendre la parole, tout comme M. Speller.

Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

La question est très simple, et je vais être très bref. Le gouvernement précédent a créé une instance pour examiner les gestes de la GRC. Il s'agit de la Commission des plaintes du public. Ou nous l'utilisons, ou nous la supprimons. Si nous voulons saisir le comité d'une motion comme celle-ci, alors nous devrions, en même temps, déposer une autre motion proposant le démantèlement de la Commission.

• 1045

La Commission des plaintes du public est un organisme indépendant qui établie elle-même ses priorités. Elle peut convoquer qui elle veut et examiner toutes les questions qui, à son avis, se rapportent à cette affaire. Et elle a entamé ses travaux.

Le fait est que nous devrions laisser la Commission terminer son travail, et non pas instituer une enquête qui ne fera que double emploi et qui n'aboutira à rien. Comme l'a indiqué ma collègue, nous pourrions faire dérailler les travaux de la Commission.

M. Bob Mills: En 1988, vous avez dit qu'elle ne servirait à rien. Quand on a présenté le projet, vous avez voté contre.

M. Julian Reed: Elle existe, elle est en place, et elle effectue son travail.

M. Bob Mills: Mais vous étiez contre.

M. Julian Reed: Nous devons laisser le processus suivre son cours. C'est aussi simple que cela.

M. Bob Mills: Vous étiez contre.

M. Julian Reed: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Reed.

Monsieur Manning.

M. Preston Manning (chef de l'opposition officielle): Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion de me joindre à vous ce matin.

Je tiens essentiellement à mettre l'accent sur la gravité de la question soulevée par M. Mills, et à encourager le comité à appuyer sa motion.

La conférence de l'APEC qui s'est déroulée à Vancouver, en 1997, constituait un événement majeur sur le plan de la politique étrangère. Ce comité, plus que tout autre, a le droit d'être informé sur tous les aspects de la conférence.

Comme le savent les membres du comité, nous avons maintenant la preuve que les plus hautes instances du gouvernement ont décidé de compromettre les libertés d'expression et d'association des étudiants garanties par la Constitution à des fins de politique étrangère, c'est-à-dire pour éviter tout embarras aux dirigeants de l'APEC, en particulier au président Suharto, d'Indonésie.

Cette preuve figure, en partie, dans cette note qu'a rédigée Robert Vanderloo, le 12 septembre 1997, et où il dit en substance que le Cabinet du premier ministre a exprimé des inquiétudes au sujet du périmètre de sécurité autour de l'Université de la Colombie-Britannique. Ce n'était pas tellement l'aspect sécurité qui le préoccupait. Il voulait plutôt éviter tout embarras aux dirigeants de l'APEC.

La note précise, comme l'a en fait laissé entendre M. Donolo, qu'il faut trouver un juste milieu entre ces deux considérations. Il faut empêcher les étudiants de manifester—et je ne m'attendais jamais à voir cela dans une note rédigée par un fonctionnaire du gouvernement du Canada—et éviter que les mesures prises par le gouvernement pour supprimer la liberté d'expression ne fassent les manchettes.

Le fait de suggérer ou même de laisser entendre que l'on a compromis les droits constitutionnels des Canadiens à des fins de politique étrangère devrait préoccuper au plus haut point les membres du comité.

J'ai énormément de respect pour vos droits constitutionnels, monsieur McWhinney. Je suis conscient de l'importance que vous avez accordée à ces droits au fil des ans. Vous conviendrez avec moi que si l'on décide de compromettre les droits constitutionnels au nom de la politique étrangère, les membres du comité devraient se pencher sur la question.

La chose la plus importante que pourrait faire ce comité pour éclaircir la situation serait de fournir une tribune—une tribune où les membres du parti ministériel seraient en majorité—où le ministre des Affaires étrangères, le Premier ministre et les hauts fonctionnaires de leurs cabinets respectifs seraient invités à expliquer en détail leur rôle dans cette affaire, les compromis qui ont été faits et les raisons pour lesquelles ils ont agit de la sorte.

Comme le savent les membres du comité, la Commission des plaintes du public contre la GRC a uniquement le pouvoir d'examiner le rôle joué par la GRC dans cette affaire. Personne, même pas Mme Cohen, ne peut laisser entendre que la Commission a le pouvoir de déterminer si des droits constitutionnels ont été compromis à des fins de politique étrangère. Cela dépasse nettement le mandat de la Commission ou des membres qui la composent.

En effet, il est question ici de quelque chose de totalement différent. Il est question ici des décisions qui ont été prises par les plus hautes instances du gouvernement en vue de compromettre des droits constitutionnels à des fins de politique étrangère. Cela exige des explications de la part du Premier ministre et du ministre des Affaires étrangères.

• 1050

Ainsi, monsieur le président, j'exhorte le comité à assumer ses responsabilités. On ne peut reprocher au public son scepticisme grandissant quand, chaque fois qu'un haut fonctionnaire a des ennuis, la machine se met en branle, non pas pour rechercher la vérité, mais pour la balayer sous le tapis ou jeter le blâme sur un fonctionnaire subalterne. Nous devons montrer aux Canadiens, à nos collègues au sein du Parlement, que les comités parlementaires sont prêts à intervenir et à faire la lumière sur une question quand il n'existe aucun autre recours.

Pour ces raisons, j'exhorte les membres du comité à appuyer cette motion et à accomplir leur devoir.

Le président: Merci beaucoup.

Avant de donner la parole à M. Speller, j'aimerais faire une précision, car je sais que devez partir, monsieur Robinson, à 11 heures. Je ne veux pas que nous nous lancions dans un débat sur ce qui a été dit, hier soir, à la télé, parce que cela n'a rien à avoir avec la question à l'étude. Toutefois, d'après ce que vous laissez entendre, j'ai dit qu'on avait assumé les frais de voyage de M. Horta pour qu'il puisse assister au sommet. Je ne suis pas au courant de ces détails.

Je tiens cependant à dire au comité que le gouvernement fédéral a fourni 200 000 $ pour couvrir les frais d'organisation du sommet parallèle, à Vancouver. Ce que j'essayais de dire au sujet de M. Horta, et ce que nous essayons tous de dire, c'est que le gouvernement n'était pas contre l'idée d'avoir un sommet parallèle. En fait, il y a contribué financièrement, et il était très heureux de pouvoir y inviter quelqu'un comme M. Horta. C'est de cela dont nous parlions.

Je tiens donc à m'excuser si je me suis mal exprimé. Toutefois, 200 000 $ pour un sommet parallèle, c'est beaucoup d'argent.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, à ce sujet—et je vais être très bref—le fait est que les organisateurs du Sommet parallèle ont émis, la semaine dernière, un communiqué dans lequel ils dénoncent vigoureusement les déclarations du Premier ministre concernant le financement. Le fait est que le gouvernement fédéral et le ministre des Affaires étrangères ont dit clairement que cet argent ne pouvait servir à couvrir les frais de voyage des délégués des pays de l'APEC, y compris M. Horta, qui assistaient au Sommet parallèle.

Le président: Eh bien, il n'y aurait pas eu de sommet... D'accord. Je ne voulais pas, en soulevant cette question, qu'on s'écarte du sujet.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): J'invoque le Règlement. Puisque cette question relève du domaine public, le comité peut-il demander que le ministre des Affaires étrangères soumette un relevé des dépenses qui ont été engagées? Cela nous serait utile. De toute façon, le comité a le droit d'exiger de tels renseignements.

Le président: Nous pouvons certainement le faire. Merci de cette suggestion, monsieur McWhinney.

Je m'excuse. Nous allons maintenant donner la parole à M. Turp, puis ensuite à M. Speller.

[Français]

M. Daniel Turp: Monsieur le président, j'aimerais faire un court commentaire, peut-être surtout un appel à vous-même et à votre collègue, le député de Vancouver Quadra. Plusieurs d'entre nous autour de cette table ont dit vous respecter et ont affirmé la confiance qu'ils ont eue et qu'ils continuent d'avoir en vous. Vous avez ici une responsabilité importante parce que vous pourriez faire la différence entre une enquête qui s'ajoutera à une autre, mais qui a tout un autre objet et qui pourrait éclairer la population canadienne et québécoise sur ce qui est arrivé à Vancouver.

Je pense qu'on peut aussi solliciter le député de Vancouver Quadra, la circonscription où se sont déroulés ces événements, et faire appel à sa conscience parce que sa décision fera aussi une différence dans le vote qui s'annonce serré, bien entendu. Un vote positif permettra qu'un éclairage nouveau, et à mon avis essentiel, soit donné à ces événements et que les personnes qui ont dit et fait des choses rendent compte de leurs actes devant l'opinion publique canadienne et québécoise. Je fais appel à vous, monsieur le président, et à M. McWhinney en particulier, pour rendre possible cette enquête qui est souhaitable.

M. Ted McWhinney: J'ai demandé que mon nom figure sur la liste des intervenants.

[Traduction]

Le président: Monsieur Speller.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib): Merci, monsieur le président. Mon commentaire sera très bref. J'aimerais également entendre ce que M. McWhinney a à dire.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Manning et aux autres membres du Parti réformiste, ainsi qu'aux représentants des médias. Il est rare que nous ayons l'occasion d'accueillir le chef du Parti réformiste, ou un si grand nombre de personnes. Cela n'a rien de politique, j'en suis sûr.

• 1055

J'aimerais parler des fausses déclarations qui ont été faites. On entend des pseudo-vérités, des allégations. En tant que député du sud-ouest de l'Ontario, et je dois dire que j'ai moi aussi, dans ma jeunesse, tout comme le ministre des Affaires étrangères, participé à des manifestations, j'ai été, franchement, aussi bouleversé que tous les honorables députés quand j'ai vu les scènes à la télévision... J'ai trouvé cela très bouleversant, et je veux savoir pourquoi une telle chose s'est produite dans un pays comme le nôtre.

Au cours des dernières semaines à la Chambre, j'ai entendu des allégations. J'ai entendu des gens dire qu'elles étaient fausses. Aujourd'hui, j'ai entendu de nouvelles allégations. J'aimerais qu'on fasse la lumière sur tout cela. Je ne crois pas que les députés de ce côté-ci de la Chambre contesteraient le fait que le comité a un rôle très important à jouer dans cette affaire. Je suis tout à fait d'accord avec le chef de l'opposition et les membres des autres partis qui affirment que nous avons un rôle à jouer, que nous devrions avoir un rôle à jouer dans ce dossier.

Or, il s'agit de savoir quand nous allons remplir ce rôle. La politique n'a rien à voir avec cette question importante qui va au coeur même des principes si chers aux Canadiens. Je ne vois pas pourquoi nous ne pouvons pas attendre que la Commission des plaintes du public, qui a pour mandat de rechercher la vérité, ait terminé son travail. Nous n'avons pas, en tant que comité, les ressources dont dispose la Commission pour convoquer toutes ces personnes et faire la lumière sur cette histoire. Ce que demandent les députés d'en face, c'est de faire le même travail que la Commission.

Je suis d'accord avec ceux qui disent que la Commission des plaintes du public a l'occasion de faire la lumière sur la question. Si elle n'y parvient pas, et si nous constatons par après qu'elle n'a pas été en mesure de recueillir tous les faits et toutes les données, oui, nous pouvons revenir et dire que nous voulons savoir, que nous avons le droit de savoir, en tant que députés. Toutefois, nous n'avons pas le droit d'intervenir dans les travaux d'une commission publique comme celle-là. Nous ne devrions jamais avoir le droit de le faire. Nous n'avons pas le droit de le faire en tant que députés.

On doit laisser la Commission des plaintes du public contre la GRC faire son travail. Si elle ne le fait pas à la satisfaction des membres, il est certain qu'il nous faudrait alors pouvoir convoquer ces personnes pour connaître la vérité.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Speller.

Je vais maintenant donner la parole à M. White, puis à M. Robinson et à M. McWhinney, et je pense que nous serons ensuite peut-être prêts à clore la discussion.

M. Randy White: Merci, monsieur le président.

À plusieurs occasions ce matin j'ai entendu dire que la question du moment de l'étude présentait peut-être un problème, et je me prépare dans quelques minutes à proposer un amendement à la motion à ce sujet.

J'ai plusieurs remarques à faire, dont l'une en réponse à Mme Cohen qui a dit que nous ne sommes pas obligés d'exercer le pouvoir que nous avons. Je vous dirais que, si l'exercice de ce pouvoir est fondé, le comité est justifié d'agir; c'est assurément légitime.

D'après ce que je comprends, la Commission de la GRC fait rapport à la GRC. Nous tous ici présents savons par expérience que nous ne serons pas mis au courant dans les détails des résultats, des recommandations et des conclusions de l'enquête, n'est-ce pas? Très tôt après que les décisions auront été prises, nous aurons donc des problèmes d'accès à l'information, de dérogation à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et le reste. Shaughnessy, même si vous faites non de la tête, je pense que ce serait le cas.

Mme Shaughnessy Cohen: C'est une enquête publique, que voulez-vous de plus?

M. Randy White: Monsieur le président, j'ai une dernière remarque à ajouter. L'incident est survenu à Vancouver et, comme Ted, je représente une circonscription dans la grande région de Vancouver. Les gens là-bas ont le sentiment que le gouvernement s'est rendu à Vancouver pour tenir des réunions, prendre des photos et asperger les jeunes qui exerçaient leurs droits et libertés démocratiquement. On se pose beaucoup des questions dans la région des basses terres du Fraser et aussi dans tout le pays, mais je sais que dans ma circonscription on se demande ce que les politiciens vont faire à ce sujet.

• 1100

Le travail d'un comité convient beaucoup plus en ce moment. Je veux donc proposer un amendement à la motion—que je n'ai pas rédigé, mais on pourra le faire—pour ajouter que le comité prenne les mesures énoncées dans la motion originale immédiatement après la tenue de l'enquête.

Le président: Vous voulez dire après la publication du rapport?

M. Randy White: Oui, une fois le rapport déposé. Je me demande si cet amendement serait acceptable pour les députés d'en face. Je crois que c'est le problème. L'amendement assurerait la présence du premier ministre. S'il ne participe pas à l'enquête à Vancouver, l'amendement garantirait sa participation à notre examen, ainsi que celle du ministre des Affaires étrangères et des autres.

Le président: Pendant qu'on se prépare à la mise aux voix, monsieur White, peut-on dire que vous proposez que la motion originale soit amendée de la façon suivante:

    Qu'en vertu de l'article 18 de la Loi constitutionnelle, de l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada et de l'article 108(2) du Règlement, ce comité fasse enquête sur les événements entourant la suppression d'une manifestation légale à la Conférence de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique à Vancouver en 1997 et présente un rapport à la Chambre des communes, et que cette étude ait lieu après que la Commission des plaintes du public contre la GRC aura présenté son rapport. Les personnes suivantes devront être appelées à témoigner devant le comité...

Est-ce que ça vous convient?

M. Randy White: Après les mots «ce comité», j'insérerais les mots «immédiatement après la conclusion des travaux de la Commission d'enquête». Ça réglerait le problème du moment de l'examen.

[Français]

M. Daniel Turp: Ce sont des consultations.

Le président: Monsieur Turp, bien qu'on n'ait pas traduit l'amendement en français, êtes-vous disposé à l'appuyer?

M. Daniel Turp: Janice pourrait le traduire en français très rapidement, j'en suis certain. C'est très court.

Le président: Est-ce acceptable, monsieur Bachand?

[Traduction]

M. Robinson veut intervenir et nous discuterons ensuite de l'amendement en suivant l'ordre habituel.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, très brièvement, je comprends l'objectif de l'amendement évidemment—je peux juger comme tout le monde ici—, mais je crains qu'il insinue que les audiences de la Commission des plaintes du public entrent en conflit avec le travail que notre comité devrait effectuer dès maintenant. Comme je le dis depuis un certain temps, il y a longtemps qu'on aurait dû commencer à faire la lumière sur cet incident. Donc, je comprends l'objectif visé, mais je ne suis pas sûr que cet amendement va permettre d'assurer aux Canadiens que nous allons faire la lumière tout de suite sur toute cette affaire.

J'ajouterais que l'avocat de la Commission m'a bien dit que les audiences pourraient durer des mois. L'enquête ne durera pas seulement quelques semaines, mais de longs mois. Honnêtement, les Canadiens ont le droit d'avoir des réponses à de nombreuses questions de responsabilité politique bien avant que ce comité présente son rapport au gouvernement.

Le président: John, je vous inscris sur la liste des intervenants, mais j'ai dit que, après M. White, je donnerais la parole à M. Robinson et ensuite à M. McWhinney pour commenter la motion principale.

Je crois que vous voulez aussi parler de la motion principale.

M. Svend Robinson: Oui, monsieur le président. J'aimerais clarifier une chose au sujet de la motion principale.

Indépendamment du fait que la motion principale soulève toute une série de questions—et je n'ai pas l'intention de me répéter—le comité a-t-il l'intention de tenir compte du fait qu'un autre sommet de l'APEC se tiendra en Malaisie le mois prochain? En présumant qu'il aura lieu, parce nous ne le savons pas.

Abstraction faite de la motion, j'aimerais bien que nous puissions convoquer le ministre des Affaires étrangères et peut-être le premier ministre, mais à tout le moins le ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy, pour savoir quelle est la position que le Canada va adopter au prochain sommet de l'APEC.

• 1105

Le premier ministre a dit que la question des droits de la personne ne figure pas au programme des travaux de l'APEC. Compte tenu de ce qui se passe en Malaisie maintenant, de la suppression brutale des droits de nombreux Malaysiens qui protestent de façon pacifique et compte tenu du fait que le vice-premier ministre, M. Anwar, a été battu...

Je veux simplement avertir le comité que, peu importe ce que l'on décidera à propos de la motion—que j'approuve entièrement—, je demanderai au comité l'autorisation de tenir des audiences dans les plus brefs délais sur le prochain sommet de l'APEC qui aura lieu en Malaisie et de convoquer le ministre des Affaires étrangères et peut-être le premier ministre pour venir nous parler du rôle du Canada à ce sommet.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Robinson.

Je donne maintenant la parole à M. McWhinney.

M. Ted McWhinney: Merci, monsieur le président.

Je remercie le comité de me donner la parole aujourd'hui. Suivant les règles constitutionnelles, un ancien secrétaire parlementaire ne devrait peut-être pas siéger au comité, du moins pour un moment. Premièrement, le comité pourrait avoir trop de réserve, même si les membres du comité sont des amis qui n'ont pas l'habitude d'avoir trop de déférence; et deuxièmement, ça peut causer des problèmes d'accès à des documents confidentiels qui suppose un certain laps de temps, même si, à ce que je sache, il n'y a pas de documents confidentiels au sujet de cet incident.

Le président: On va trop vous manquer, Ted.

M. Ted McWhinney: Mes bons amis vont me manquer, franchement.

Mais pour revenir à la question, c'est un sujet qui m'intéresse tout particulièrement. Comme Daniel l'a mentionné et comme Svend me l'a dit en privé, l'Université de la Colombie-Britannique se trouve dans ma circonscription. Ensuite, il y a de nombreuses années, j'ai été président rapporteur d'une commission internationale qui a recommandé trois des cinq traités dont fait partie le traité visé dans cette affaire, le traité de 1977 sur les personnes qui jouissent du privilège diplomatique. J'ai suivi la chose de très près et j'ai été continuellement en contact avec les étudiants, l'association des anciens et l'administration de l'université à ce sujet.

Le 1er décembre 1997, j'ai écrit au solliciteur général pour lui proposer de confier ce dossier à la Commission des plaintes du public contre la GRC parce que c'était, pour moi à l'époque, la seule instance compétente en la matière. J'ai aussi proposé—ce qui a un certain rapport avec l'amendement de Randy White—qu'après les audiences de la Commission on envisage de faire enquête pour examiner le rapport et ses répercussions, mais j'y reviendrai dans un moment.

La Commission des plaintes du public contre la GRC serait plus efficace si les personnes invitées à comparaître devant elle avaient accès à une aide juridique et j'ai recommandé, comme d'autres l'on fait, qu'une aide juridique soit mise à la disposition des témoins assignés à comparaître, c'est-à-dire les étudiants. Je l'ai répété et je présume qu'on peut peut-être encore l'offrir.

M. Svend Robinson: Le gouvernement a refusé.

M. Ted McWhinney: Je pense qu'il y a un autre problème et que la Commission a son mot à dire là-dessus.

M. Svend Robinson: Le solliciteur général a refusé.

M. Ted McWhinney: Quoi qu'il en soit, je vais en venir en ce qui me semble être la meilleure tribune pour régler ces problèmes. On sait que des causes civiles ont été portées devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Il pourrait aussi y en avoir qui soient portées devant la Cour fédérale du Canada.

D'après les personnes que j'ai consultées et pour diverses raisons attribuables à d'autres services au sein du ministère provincial, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique accuse des retards dans l'audition des causes, si bien que les causes en question ne pourraient pas être entendues avant le mois de juin de l'an 2000. Avec le consentement des parties, elles pourraient l'être avant, et ce serait peut-être le bon endroit où les faire entendre.

Franchement, ces affaires mettent en cause les obligations internationales des pays et leurs obligations à l'égard de leur constitution et leur Charte des droits. La Cour d'appel de la province serait sûrement l'instance toute désignée pour entendre une affaire de cette nature, avec bien sûr la possibilité d'en appeler devant la Cour suprême du Canada.

• 1110

On ne sait pas toujours que la plupart des dispositions de la Charte des droits de 1982 proviennent de la common law britannique et que la jurisprudence en common law émane de causes très semblables à l'incident de la conférence de l'APEC.

Je pense que les tribunaux sont probablement le meilleur endroit pour régler ces grandes questions de politique. Ce sont eux qui, en bout de ligne, déterminent les limites juridiques des privilèges, y compris ceux de la Couronne, en ce qui concerne la comparution des témoins et la production des documents.

J'ai aussi proposé que le gouvernement songe à rétablir un programme qui a existé au ministère de la Justice pendant un certain nombre d'années. Vous vous rappelez de l'affaire des contraventions unilingues au Manitoba. J'ai proposé que le gouvernement envisage de payer les honoraires des avocats engagés dans cette affaire. Ça pourrait permettre d'accélérer l'audition de la cause.

Certaines choses se précisent en rétrospective. Franchement, j'ai été très surpris d'apprendre que le sommet allait se dérouler à l'Université de la Colombie-Britannique. Il est vrai que l'université a connu un grand succès quand elle a accueilli le sommet Eltsine-Clinton en 1992. D'ailleurs, les touristes japonais et autres aiment bien se faire photographier assis dans les fauteuils que les deux chefs d'État ont occupés à cette occasion et qu'on a conservés. Mais c'est bien différent de recevoir deux dirigeants populaires et 19 chefs d'État, et il est clair qu'il y a eu des problèmes d'organisation et d'autre nature, mis à part les divergences sur les grandes questions politiques.

Il faudra conclure—et je suis sûr que l'Université de la Colombie-Britannique sera d'accord—que ce n'est peut-être pas l'endroit tout désigné pour tenir des réunions politiques, des activités sociales ou des séances de photo, surtout quand les obligations conventionnelles sur la protection des souverains étrangers entrent en conflit avec le droit de manifester, notamment contre les dictateurs d'autres États. L'université s'est clairement placée en situation de conflit d'intérêts.

Soit dit en passant, je dirais que, pour répondre à l'autre question soulevée par M. Robinson, à savoir que le comité et chacun de ses membres ont tout à fait le droit de faire savoir au ministre des Affaires étrangères que, à la lumière du climat actuel qui prévaut en Malaisie, il serait malavisé d'y tenir la prochaine réunion de l'APEC. C'est certainement comme ça que je vois les choses.

Je suis préoccupé. Depuis deux jours le ministre des Finances nous fait part de ses observations à la Chambre des communes. Je suis préoccupé moi-même quand je pense qu'on pourrait y convoquer une réunion lorsqu'il est tellement évident qu'il y a maintenant— comment est-ce qu'on pourrait l'appeler?—un genre de procès qui s'y déroule en même temps. Il convient de transmettre cet avis au comité, mais dans un autre contexte.

Quant au comité, au tout début je croyais—comme je l'ai souligné dans ma lettre du 1er décembre 1997 au solliciteur général—qu'une enquête supplémentaire devait suivre celle de la Commission des plaintes du public contre la GRC. Il ne faut pas faire une telle enquête avant celle de la Commission ou bien en même temps. Et j'envisagerais la possibilité de joindre ceci—n'empêche qu'il faut toujours déterminer la nature du litige—au litige devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique et possiblement devant la Cour fédérale du Canada.

Le comité est compétent pour examiner certains éléments de ce dossier, pourvu qu'il se limite à la question plus étroite des conflits créés par les obligations draconiennes de ce traité, obligations qui ont vu le jour pour répondre à la crainte du terrorisme des années 60 et 70, au moment où ce traité ainsi que d'autres traités connexes ont été élaborés. En l'occurrence, il nous faut une motion plus précise, une motion qui inclut peut-être celle de M. White, que le comité directeur du comité pourrait examiner.

J'aimerais certainement revenir à la question de l'équilibre entre la Charte, nos obligations constitutionnelles ainsi que nos obligations internationales.

Monsieur le président, vous êtes vous-mêmes un avocat international très distingué. M. Daniel Turp l'est aussi. Nous avons des compétences en matière de droit international qui sont plutôt surprenantes.

• 1115

Je crois que vous avez dit, Daniel, qu'il n'existe aucun parlement au monde ayant de telles compétences.

Le comité peut très bien examiner ces éléments en particulier et, si le besoin s'en fait sentir, de les examiner en même temps que d'autres questions d'autres comités. Mais il vaut mieux le faire une fois que l'enquête est terminée.

Je ne crois pas qu'il soit impossible d'éviter des retards interminables, surtout si on fournit une aide financière. Il me semble qu'on pourrait, par consentement mutuel, accélérer le processus. Si la Cour suprême du Canada peut trancher la question de la sécession du Québec en six mois, eh bien, les cours peuvent certainement régler un tel cas dans un délai de six mois. La même chose s'applique à la Commission des plaintes du public contre la GRC. Alors je demanderai au gouvernement de fournir le financement nécessaire aux procédures judiciaires en instance.

Soit dit en passant, M. Robinson, un jeune avocat brillant, représente les étudiants. J'ai déjà travaillé avec lui dans le passé. Il est surtout connu comme un conseiller des gouvernements conservateurs. Il se trouve qu'il a été le professeur—le professeur vénéré, quoiqu'il soit encore très jeune—de Shaughnessy Cohen.

Mme Shaughnessy Cohen: Il n'est pas très jeune.

M. Ted McWhinney: En effet, il ne l'est pas.

Le président: Eh bien, cela ajoute une toute nouvelle dimension.

Je vais maintenant donner la parole à M. Abbott, mais j'aimerais dire aux membres que je vais passer à la question qui porte sur l'amendement et ensuite à la motion principale.

Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Merci.

J'aimerais apporter quelques précisions très rapidement, pour permettre aux libéraux de bien comprendre sur quoi ils vont voter, parce qu'une intervention d'un membre du comité—et je ne me rappelle plus qui c'était—démontre clairement qu'ils ne comprennent pas le mandat de la Commission des plaintes du public contre la GRC.

En vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, la Commission des plaintes du public est saisie de cette question et doit en faire rapport au commissaire. Ce rapport ne sera pas nécessairement divulgué en public. De plus, les témoignages recueillis par la Commission des plaintes du public seraient faits en vertu de la Loi sur la preuve au Canada. La Loi sur la preuve au Canada stipule que les ministres de la Couronne peut choisir de ne pas répondre aux questions et de ne pas fournir de documents.

Selon la définition de la Commission des plaintes du public, son mandat est tellement limité—parce qu'elle n'a jamais été conçue pour faire ce que le gouvernement prétend qu'elle fait à l'heure actuelle—qu'elle ne pourra jamais répondre aux questions. Le comité est le seul qui pourrait traiter de ces questions.

Et j'aimerais dire une chose de plus. Lors de plusieurs débats publics télévisés auxquels j'ai participé avec M. McWhinney, ce dernier a dit, je crois que c'était samedi passé vers midi, que ça serait une bonne idée de saisir le comité de cette question. Il a dit cela lorsqu'il participait à l'émission de CBC Newsworld. J'aimerais alors beaucoup savoir comment M. McWhinney va voter aujourd'hui.

Le président: Merci.

Vous invoquez le Règlement?

M. Svend Robinson: Oui, monsieur le président. Je voudrais simplement préciser quelque chose. Pour ce qui est de mon intervention précédente, j'ai rédigé un avis de motion que j'aimerais présenter au comité. Je comprends qu'il faut donner un préavis de 48 heures, mais je vais simplement lire rapidement l'avis de motion pour en informer les membres:

    Que le comité tienne des audiences sur le rôle du Canada lors du prochain sommet de l'APEC en Malaisie et que le ministre des Affaires étrangères et le premier ministre soient invités à comparaître devant le comité.

Je tiens également, surtout à la lumière de ce qu'a dit M. McWhinney, vous donner avis de la motion suivante:

    Que le comité exhorte le solliciteur général à fournir une aide juridique aux plaignants qui comparaissent à l'heure actuelle devant la Commission des plaintes du public contre la GRC.

Le président: Voici deux avis de motion. Nous les avons reçus. Nous allons débattre de ces avis dès que possible. Mais il faut comprendre que, d'après ma connaissance des procédures devant la Chambre à l'heure actuelle, des listes des membres du comité seront déposées soit aujourd'hui ou demain. Mais peut-être que M. White pourra nous donner de meilleurs conseils à ce sujet.

Est-ce que les listes seront déposées demain?

M. Randy White: Aujourd'hui.

Le président: Ce qui veut dire que les comités seront probablement reconstitués au cours de la semaine prochaine.

• 1120

Oui, monsieur?

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): J'aimerais demander à mes collègues d'en face s'ils sont satisfaits de cette traduction. Pour moi, c'est quelque chose de nouveau. C'est la première fois que je vois un amendement établi de cette façon, dans les deux langues officielles, simplement écrit à la main. Je voudrais m'assurer que mes collègues en sont satisfaits avant de mettre l'amendement ou la motion aux voix.

Le président: D'accord. Je vais demander à M. Turp de s'en occuper et il va vous donner une réponse plus tard. Je m'excuse; M. Cannis a demandé la parole, et je n'ai pas vu son nom sur la liste.

Monsieur Cannis, je vous donne la parole en premier, et ensuite nous allons passer au débat de l'amendement et de la motion principale.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vais parler brièvement, parce que j'ai écouté très attentivement les arguments présentés par M. Mills, M. Manning et par tout le monde, et j'ai réservé mes observations jusqu'à la toute fin dans le but de tirer quelques conclusions. Ayant entendu les arguments des deux côtés, je dois vous dire que je ne peux pas accepter une telle chose, même maintenant, même à la lumière de l'amendement, qui mine tout le processus.

Il me semble très évident que nous sommes en train de miner tout le processus; nous jugeons d'avance tout ce processus. M. Mills avait tout à fait raison lorsqu'il a souligné très clairement que le ministre Axworthy avait dit ces choses-là en 1992, mais je vous signale qu'il les a dites à la Chambre des communes. Et lorsqu'il s'agit de questions douteuses, existe-t-il un meilleur endroit pour permettre au public d'entendre de telles choses qu'en direct à la télévision, dans le pays?

On a posé et on pose toujours des questions de façon régulière, et le gouvernement répond constamment à ces questions. Je sais qu'on a déjà posé cette question en 1986, lors de la création de cette commission.

J'aimerais conclure en disant que je suis très content que le chef de l'opposition, M. Manning, soit présent aujourd'hui. Comme il n'arrive pas souvent que le chef de l'opposition vienne nous présenter ses arguments, j'en suis très heureux. Il a parlé de la crédibilité de la Chambre des communes, et c'est en effet une question de crédibilité. Si nous votons en faveur de cette motion, nous envoyons le mauvais signal, c'est-à-dire que nous ne faisons pas confiance aux commissions que nous avons créées, ni aujourd'hui ni demain.

Une voix: C'est bien dit, John.

M. John Cannis: Merci.

Le président: Merci, monsieur Cannis.

Nous passons maintenant au vote.

M. Bob Mills: Monsieur le président, serait-il possible de voter par appel nominal?

Le président: M. Grose a formulé une objection concernant la façon dont nous procédons. Ma position a toujours été que le comité doit faciliter le travail de ses membres, et si un amendement est déposé en cours de séance, nous ne pouvons pas insister pour qu'il soit tapé dans les deux langues officielles, sinon le comité ne pourrait jamais fonctionner de façon efficace. Nous serions obligés d'ajourner nos travaux à toutes les 15 minutes.

Nous avons un amendement, la greffière l'a traduit. M. Turp a indiqué que

[Français]

on devrait lire «de la GRC» au lieu de «du GRC».

M. Daniel Turp: Afin de rassurer notre collègue libéral, je confirme que j'ai participé à la traduction et que ce libellé nous convient. Notre comité a l'habitude et la tradition de travailler comme cela, de façon informelle.

[Traduction]

Le président: Les membres sont saisis de l'amendement et de la motion principale, tous deux dans les deux langues officielles. Je mets l'amendement aux voix en premier lieu.

M. Svend Robinson: Un vote par appel nominal, monsieur le président.

Le président: Un vote par appel nominal, bien sûr.

(L'amendement est rejeté par 14 voix contre 3) [Voir Procès-verbaux]

Le président: Je passe maintenant à la motion principale. Nous procédons de la même façon.

• 1125

    (La motion est rejetée par 9 voix contre 8) [Voir Procès-verbaux]

Le président: Je tiens à remercier les membres de leur collaboration qui nous a permis de délibérer sur cette question complexe d'une façon disciplinée.

Je rappelle aux membres que nous n'aurons pas d'autres séances avant la reconstitution du comité. À ce moment-là, nous aborderons la question de notre rapport sur le désarmement nucléaire, qui sera la première sur laquelle nous nous pencherons, sous réserve des motions de M. Robinson bien sûr.

Je vous remercie. La séance est levée.