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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 28 octobre 1998

• 1535

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La séance est ouverte.

Chers collègues, vous vous souviendrez que cette réunion a été convoquée à la demande de certains d'entre vous qui souhaitent que l'on vienne nous exposer la situation actuelle au Kosovo. Je tiens à remercier M. Heinbecker, sous-ministre adjoint, et Patricia Fortier, Charles Court, Jim Wright et Guy Archambault d'être venus discuter de la question avec nous.

Si je ne m'abuse, monsieur Heinbecker, vous avez une déclaration liminaire à faire avant que nous ne vous posions quelques questions. Nous avons jusqu'à 5 heures, soit à peu près 1 h 30, mais si nous finissons plus tôt, je suis certain que cela ne dérangera personnel.

M. Paul Heinbecker (sous-ministre adjoint, Politique mondiale et sécurité, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup, mesdames et messieurs.

[Français]

Depuis le début, les raisons fondamentales de l'engagement du Canada dans cette question ont été reliées à nos préoccupations d'ordre humanitaire. Le Canada a appuyé les efforts du Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, de l'UNICEF et de la Croix-Rouge pour alléger les souffrances des personnes déplacées. Simultanément, le Canada a poussé le Conseil de sécurité de l'ONU et l'OTAN à agir de façon déterminée.

La pression internationale et, en particulier, la menace crédible d'une intervention musclée de l'OTAN ont permis d'obtenir des accords importants de la part des Yougoslaves lors du séjour de M. Holbrooke à Belgrade le 12 octobre. Ces accords incluent le développement d'un processus politique devant mener à une autonomie significative du Kosovo au sein de la République fédérale de la Yougoslavie et un mécanisme de vérification robuste, incluant une forte présence de l'OSCE sur le terrain et la présence d'avions de l'OTAN au-dessus du territoire du Kosovo.

Bien que ce fut un processus ardu, le Conseil de sécurité des Nations unies a aussi joué un rôle important en adoptant les résolutions 1160, 1199 et 1203.

La résolution 1203, adoptée le 24 octobre, donne son aval aux accords de Belgrade et permet à la communauté internationale de prendre des mesures pour protéger la mission de vérification. Elle offre donc des bases suffisantes pour une participation canadienne à la mission de vérification de l'OSCE.

[Traduction]

À cause de la menace de l'OTAN, l'ex-République de Yougoslavie s'est montrée un peu plus respectueuse de ses engagements ces dernières semaines qu'elle ne l'avait jamais été. Les autorités ont été ainsi poussées à respecter le cessez-le-feu; elles ont retiré la majorité des effectifs militaires et policiers qui ne sont pas habituellement basés au Kosovo. Elles ont aussi consenti à dialoguer avec les Kosovars et fait des concessions unilatérales, notamment concernant un statut autonome pour le Kosovo, une force de police basée dans les cantons, la création d'une assemblée et des élections supervisées par l'OSCE avant neuf mois.

L'ex-Yougoslavie a encore beaucoup à faire pour assurer le retour des personnes déplacées et pour coopérer pleinement avec le Tribunal criminel international dans l'ex-Yougoslavie. Notre priorité dans les mois qui viennent sera de nous assurer que les mesures que prendra l'ex-Yougoslavie seront irréversibles et vérifiables. Nous sommes tous conscients de la nécessité de ne pas nous contenter d'une accalmie temporaire qui serait suivie d'une nouvelle offensive serbe dès que les autres pays dirigeront leur attention ailleurs.

Les Kosovars albanais seront aussi chargés d'aider à assurer le succès de l'entente de paix. Nous espérons que les prochaines élections nous ramèneront un gouvernement crédible et démocratique qui sera capable d'unir les Kosovars et d'entreprendre des négociations en toute bonne foi.

• 1540

Hier, le Conseil de l'Atlantique Nord a accepté de prolonger pour une période indéfinie les ordres d'activation d'opérations militaires aériennes de l'OTAN. Cette mesure a été prise pour maintenir la pression sur les parties afin qu'elles respectent et continuent de respecter scrupuleusement les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et les accords signés entre l'ex-République de Yougoslavie, l'OTAN et l'OSCE.

La portée de ces ordres d'activation ayant été prolongée, l'OTAN maintiendra son dispositif militaire dans la région afin de montrer qu'elle est prête à intervenir pour faire respecter les résolutions. L'OTAN entreprendra des exercices aériens en dehors de l'espace aérien yougoslave afin de faire la démonstration de sa force et de sa détermination.

L'OTAN entreprend sa mission de vérification aérienne au-dessus du Kosovo avec un appareil américain U-2 et des véhicules aériens télépilotés. D'autres avions américains et britanniques participeront aussi à la mission de vérification et il est possible que d'autres partenaires de l'OTAN et même la Russie participent. Les six CF—18 canadiens basés en Italie resteront à la disposition de l'OTAN bien qu'ils ne participeront probablement pas à la mission de vérification.

L'OTAN a également entrepris la planification d'une force d'extraction qui pourrait évacuer la mission de vérification de l'OSCE en cas d'urgence. Bien que la planification soit en cours, il semble probable que certains éléments avancés d'une force de l'OTAN seront déployés dans la république de Macédoine de l'ex- Fédération yougoslave.

Le 25 octobre, le Conseil permanent de l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, a convenu de mettre sur pied la mission de vérification du Kosovo qui est depuis en état de planification. Quant à la participation canadienne, la planification a été engagée entre le ministère des Affaires étrangères, la Défense nationale, la GRC et l'ACDI. Nous travaillons en étroite collaboration avec CANADEM afin de trouver des vérificateurs civils qualifiés pour cette mission de l'OSCE.

Le Canada va participer jusqu'à concurrence de 3 millions de dollars au financement de ces vérificateurs civils. Certains de ceux que nous fournirons seront civils, d'autres militaires, et certains pourraient être de la police. La Défense a offert d'envoyer cinq membres de l'armée canadienne à Vienne faire partie de la cellule de planification de la mission et est prête à en offrir cinq autres pour travailler au quartier général des opérations à Kosovo. Le ministère est aussi prêt à envoyer jusqu'à 15 observateurs militaires.

Nous avons actuellement trois personnes affectées à la mission d'observateurs diplomates au Kosovo, MODK. Un agent des affaires étrangères et un officier de l'armée canadienne sont déjà au Kosovo et un deuxième officier y part aujourd'hui. Dans les prochains jours, la MODK sera intégrée à la mission de l'OSCE. L'attaché militaire canadien à Belgrade et son adjoint participent également activement à cette mission.

L'équipe d'évaluation de l'OSCE qui s'est récemment rendue au Kosovo a indiqué la semaine dernière aux représentants canadiens que l'OSCE est relativement optimiste quant à la sécurité au Kosovo. Le personnel de l'OSCE a eu toute liberté de mouvement et une bonne coopération de la part des responsables locaux dans toutes les régions du Kosovo.

Les risques prévus tels que le banditisme et les mines antipersonnel sont les mêmes que dans presque toutes les autres opérations de maintien de la paix, notamment celles où l'OSCE et l'ONU ont envoyé des effectifs non armés.

Cette mission de vérification au Kosovo repose sur le principe que l'ex-République de Yougoslavie et les Kosovars accepteront la présence de la mission.

Bien que la violence ait été considérable au Kosovo, une bonne partie de l'infrastructure de cette région et de son économie générale reste intacte et pourra faciliter la mission. Le principal pilier de sécurité de cette mission reposera sur le gouvernement yougoslave. Cette responsabilité a été répétée dans les diverses résolutions de l'ONU et les accords entre Belgrade, l'OTAN et l'OSCE, si bien que l'OTAN tiendra Belgrade responsable de cette sécurité.

Du point de vue humanitaire, le Canada a jusqu'ici engagé 3,18 millions de dollars dans les efforts de secours humanitaire internationaux en fournissant certaines premières nécessités telles que de la nourriture, de l'eau, des abris et des fournitures médicales. Nous travaillons avec UNICEF, le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés, le Programme alimentaire mondial, la Croix- Rouge et CARE Canada.

• 1545

Monsieur le président, si vous voulez bien, nous nous arrêterons-là. Mes collègues et moi-même serons tout à fait heureux de répondre aux questions du comité du mieux que nous le pourrons.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Heinbecker.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): J'ai plusieurs questions à poser.

La première porte sur le sujet à propos duquel j'ai interrogé aujourd'hui le ministre. Il est évident que nous ne pouvons nous empêcher de repenser au début des années 90 alors que nous étions en Bosnie. Nous avions des vérificateurs et des observateurs et 55 Canadiens ont en fait été capturés. Nous nous souvenons tous évidemment des images télévisées de Patrick Rechner.

Comment pouvons-nous être assurés que cela ne va pas se reproduire et comment ferons-nous sortir ces gens-là si la situation en fait... Combien de temps faut-il pour les faire sortir? On ne peut pas simplement décréter que l'on va «évacuer quelqu'un» quand l'intéressé a une mitraillette braquée sur lui. Voilà pour ma première question.

L'autre porte sur l'infrastructure. Toujours à propos de la Bosnie, l'infrastructure n'existe pratiquement pas, qu'il s'agisse d'électricité, de chauffage, de lignes ferroviaires, de routes, d'hôpitaux, d'écoles, etc. L'infrastructure était tellement endommagée et il y avait tellement de choses à faire que c'était désastreux. Qu'en est-il au Kosovo? Est-ce pire ou la même chose? Est-il aisé de se déplacer entre les villages?

Ensuite, du point de vue des Serbes, le gros problème est que s'ils s'en vont, les Kosovars vont simplement revenir et le résultat est nul. Rien n'a changé. On se retrouve devant les mêmes problèmes. Je me demande comment ces vérificateurs... Quel sera leur mandat si l'on veut changer cette situation—autrement dit, si l'on veut stabiliser la situation? Comment peuvent-ils faire cela face à cette haine et à cette hostilité de toujours entre les deux côtés?

Ça suffit probablement, pour l'instant.

M. Paul Heinbecker: Merci beaucoup. Je vais tenter de répondre à votre question, mais je ferai également appel à mes collègues pour apporter un supplément d'information.

En ce qui concerne la sécurité, personne ne peut garantir, absolument, la sécurité de ceux qui se rendent au Kosovo, pas plus que nous pouvions le faire en Bosnie ou ailleurs. C'est évident. Cela dit, deux ou trois facteurs nous portent, ainsi que d'autres, à...

Je me dois de préciser qu'en fait presque tous les alliés et plusieurs autres ont annoncé qu'ils enverront aussi du personnel. Les Hollandais vont en envoyer. Les Allemands ont annoncé aujourd'hui, au cours de leur première réunion du cabinet je pense, qu'ils enverraient 100 ou 200 vérificateurs. Les Britanniques enverront du personnel. Les Américains ont déjà des gens sur place, sur le terrain, ce qui est très important puisqu'au début des années 90, en Bosnie, il n'y avait pas, si j'ai bonne mémoire, d'Américains sur le terrain.

Le président: Monsieur Heinbecker, avez-vous dit que les Américains enverraient des observateurs?

M. Paul Heinbecker: Oui. Ils sont déjà sur place.

Le président: Merci.

M. Paul Heinbecker: En outre, l'OTAN est en mesure de faire des survols afin de surveiller ce qui se passe et de déceler les mouvements d'équipement lourd, etc, ce qui est plutôt efficace. Évidemment, il est possible d'utiliser des autobus et des taxis pour transporter du personnel, mais il n'est pas aussi facile de déplacer des chars d'assaut et de l'équipement lourd sans se faire remarquer. Il y a donc cet aspect.

Jusqu'à un certain point, il y a possibilité de détection rapide. Si les choses tournent mal, nous le verrons et nous pourrons, je l'espère, réagir.

L'OTAN planifie la mise sur pied de cette force d'extraction. Évidemment, c'est délicat, mais néanmoins, c'est en cours au quartier général de l'OTAN. Faudra-t-il y avoir recours? Nous espérons que non, car nous reconnaissons les difficultés inhérentes que cela comporterait.

• 1550

Nous nous sommes renseignés, d'une façon générale, auprès du personnel de la mission de reconnaissance de l'OSCE et de certaines autres personnes sur le terrain ainsi que de notre propre personnel, et tous croient que les risques sont réels, mais que compte tenu de la situation, ils sont acceptables.

Quant à l'infrastructure, je m'en remets à ceux qui s'y connaissent mieux que moi.

M. Jim Wright (directeur général, Division de l'Europe centrale, est et sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): En ce qui concerne l'infrastructure, je tiens à souligner que le problème n'a pas la même envergure qu'au cours de la guerre en Bosnie. Il s'agit en effet d'un conflit qui dure depuis beaucoup moins longtemps que celui qui avait fait rage en Bosnie.

En Bosnie, vous avez parfaitement raison, tous les éléments de l'infrastructure avaient subi des dégâts considérables et donc il nous fallait reconstruire une société. Dans le cas du Kosovo, on a surtout brûlé et pillé les maisons au lieu d'endommager l'infrastructure comme dans les grandes villes en Bosnie où on s'était attaqué aux centrales hydroélectriques et aux hôpitaux. Les dégâts frappent en grande partie les villages à la campagne et non pas les grands centres urbains. Les efforts de secours entrepris visent essentiellement à tenter de loger adéquatement ceux qui ont perdu leur domicile.

L'autre différence avec la Bosnie, c'est qu'au Kosovo, la majorité des personnes déplacées veulent retourner chez elles. Dans le cas de la Bosnie, après une guerre prolongée accompagnée de purification ethnique, la population craignait énormément de rentrer chez elle. On espère cette fois-ci que grâce aux équipes de vérification de l'OSCE sur le terrain et aux équipes de vérification de l'OTAN dans les airs, le respect des directives par les responsables serbes, la coopération des Albanais du Kosovo et le cessez-le-feu qui se maintient, les personnes déplacées qui veulent rentrer chez elles auront suffisamment confiance pour le faire. En ce sens donc la situation est très différente de celle qui avait prévalu en Bosnie.

De nombreuses habitations ont été endommagées, incontestablement. Il faudra un effort considérable de la part des organismes d'aide internationale tels que le HCNUR et la Croix- Rouge internationale.

M. Bob Mills: La difficulté voyez-vous, c'est qu'il y a trois ou quatre ans, certains ici ont discuté de cette même question, de la même façon, et ont reçu les mêmes promesses et évidemment, ensuite il y a eu prises d'otages et tout s'est effondré. Je me souviens d'avoir été assis dans cette salle et d'avoir parlé d'exfiltration, d'avoir demandé comment nous ferions pour sortir nos gens—il s'agissait de soldats armés—de Bosnie, comment les en faire sortir. J'ai donc beaucoup de mal à comprendre comment nous pouvons espérer faire sortir des vérificateurs non armés, civils même. Cela me préoccupe beaucoup.

M. Paul Heinbecker: Je ne peux vous faire aucune promesse à ce sujet, mais je peux dire que nous nous attendons à être prévenus, ce qui nous donnera le temps de réagir. Nous n'allons pas laisser les gens là sans protection. Si nous voyons que la situation s'aggrave, nous allons manifestement réagir.

Par exemple, ce n'est pas la meilleure comparaison, mais dans le cas de notre ambassade à Belgrade, lorsque nous avons vu la tournure des événements, nous avons progressivement réduit le nombre d'employés jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un ou deux. Évidemment, il reste à savoir si nous pouvons le faire aussi facilement lorsque les gens sont éparpillés. Toutefois, nous sommes persuadés que la situation ne se dégradera pas du jour au lendemain pour devenir celle que vous craignez.

Évidemment, il faut que nous soyons vigilants. En outre, nous ne serons pas les seuls à être dans cette situation. À toutes fins utiles, nous le serons tous.

M. Jim Wright: La Russie.

M. Paul Heinbecker: Les Russes et peut-être les Grecs.

Le président: Il est prévu dans l'entente que le gouvernement de l'ex-Yougoslavie doit garantir la sécurité des vérificateurs, ce qui est très différent, je présume, de ce qui s'est passé en Bosnie où c'était lui l'ennemi. On peut supposer que tous sont du même côté que ces gens, sauf... Je suppose qu'on pourrait tenter d'obtenir la signature de l'ALK, mais ça c'est peut-être un peu plus compliqué.

• 1555

M. Paul Heinbecker: Les Yougoslaves ont intérêt à ce que cela fonctionne. Vous pouvez vous demander pourquoi ils ont finalement accepté de se plier à nos demandes. C'est qu'ils font face à une menace très grave. Cette menace ne disparaît pas.

En outre, je ne peux me rappeler précisément de tous les détails, mais en Bosnie, il y avait toujours une certaine confusion entre les forces aériennes de l'OTAN ou les forces aériennes des États-Unis et les forces des Nations Unies au sol. Je ne pense pas que ce soit tout à fait la même chose cette fois-ci.

M. Bob Mills: Monsieur le président, j'aimerais réagir brièvement. Je crains que ces types—et je veux parler de Milosevic et des autres—voient la difficulté qu'on a à s'entendre sur une résolution au sein de l'OTAN et au sein des Nations Unies. Je sais que lorsque la question devait être discutée à l'OSCE, on n'a pu le faire faute d'une résolution des Nations Unies. Évidemment, nous avons maintenant cette résolution, mais cela n'a pas été facile.

Si je suis un de ces types et que je constate cette indécision, je vais attendre—et Milosevic est un as de l'attente, tout comme certains autres. Je vais profiter de ces dissensions internes et les alliés vont se fatiguer de maintenir une surveillance militaire et aérienne. Je peux attendre, parce que ma haine est encore plus profonde qu'elle ne l'était hier.

Lorsque je constate ce manque de volonté... Je le répète, nous avons des Canadiens sur le terrain. Si cette incertitude existe, je m'inquiète de la rapidité de nos décisions.

M. Paul Heinbecker: Dans tous les cas, ces dernières semaines, nous avons en fait pris les décisions assez rapidement. Ce n'était pas du jour au lendemain, mais il n'a pas fallu très longtemps. Lorsque nous avons décidé qu'il fallait agir, il y a eu des débats parlementaires, les réunions de ministres et tout le reste dans la plupart des pays de l'OTAN et nous avons été en mesure de prendre une décision dans la semaine.

Comme je l'ai dit, il est peu probable que nous commencions à zéro. Déjà, nous avons l'équipement aérien et d'autres équipements sur place. Nous avons une entente avec les Yougoslaves et nous avons la capacité militaire. Nous n'avons pas besoin d'accumuler les moyens pour agir. Cela ne répond pas parfaitement à votre question, mais la situation est meilleure que ce qu'elle a été ailleurs.

[Français]

Le président: Monsieur Turp.

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): D'abord, j'aimerais remercier les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères d'avoir accepté de venir ici très rapidement, en particulier M. Wright, le représentant personnel qui était à l'extérieur du pays hier. J'apprécie beaucoup que vous ayez pris le temps de venir dès cet après-midi nous parler de cette question.

Au sujet de votre dernière remarque, je pense que le Canada et les autres pays de l'OTAN n'ont pas réagi assez rapidement. Je me rappellerai toujours les préoccupations qu'avait le ministre Axworthy cet été dans une entrevue qu'il accordait au Devoir. Il disait que c'était inacceptable et que la communauté internationale n'avait pas bougé assez rapidement. Entre le mois d'août et le mois d'octobre, il s'est passé quatre mois. J'ai trouvé ça un peu long, surtout qu'on connaissait le problème kosovar depuis longtemps. J'ai des réserves quant à l'idée que l'on ait fait les choses rapidement ou suffisamment rapidement. Ça aurait pu être fait plus rapidement s'il y avait eu cette volonté de créer la menace. Tout le monde parle de la menace aujourd'hui et tout le monde est heureux qu'il y ait eu cette menace, parce que cela a conduit à l'accord avec Milosevic.

J'ai quelques questions très précises. Que veut dire, dans l'état actuel des choses, «substantive compliance»? C'est ce que nous avons entendu hier. Qu'est-ce que ça veut dire très précisément, très techniquement? Combien de troupes sont parties? Combien en reste-t-il? Est-ce qu'il est vrai qu'on est revenu à la situation antérieure à février 1998, je crois? C'était ma première question.

• 1600

Ma deuxième porte sur une préoccupation que j'ai, comme M. Mills, quant à la sécurité des participants canadiens à la mission. L'extraction force dont vous parlez est-elle celle qu'on semble pouvoir créer en vertu du paragraphe 9 de la résolution du Conseil de sécurité?

[Traduction]

«L'OSCE examine des ententes à mettre en place en collaboration avec d'autres organisations».

[Français]

Est-ce que c'est ça, précisément? Est-ce que «other organizations», c'est l'OTAN et une force d'extraction? Si oui, quel accord y a-t-il avec la Yougoslavie pour permettre une évacuation par l'OTAN? Est-ce qu'il y a quelque chose de technique, parce que c'est très technique, un opération d'évacuation? Est-ce que le gouvernement yougoslave accepte l'idée que les avions et le personnel l'OTAN débarquent sur le territoire du Kosovo pour procéder à une évacuation? C'est ma deuxième question.

Ma troisième porte sur l'autre partie dont on parle très peu, soit la négociation politique sur l'autonomie. Il me semble que les choses pressent parce qu'il y a une échéance du 2 novembre pour qu'il y ait

[Traduction]

«un cadre pour un règlement politique».

[Français]

Je ne sais pas si M. Wright pourrait nous indiquer où en sont les discussions. Est-ce que cette échéance est réaliste ou est-ce qu'elle sera repoussée?

Ma dernière question, monsieur le président, porte sur l'état des enquêtes, s'il y en a, du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie au Kosovo. Est-ce qu'il y a vraiment eu quelque chose de fait en termes d'enquête et est-ce que des accusations seront portées à moyen ou à long terme dans le cas du Kosovo?

[Traduction]

M. Paul Heinbecker: Je ne me suis peut-être pas suffisamment expliqué. Je serais le dernier en fait à dire que la communauté internationale a réagi suffisamment rapidement. Ce n'est pas ce que je voulais laisser entendre. Ce que je voulais dire, c'est qu'une fois la décision prise, les choses se sont déroulées assez rapidement.

Actuellement, il y a un degré considérable de consensus au sein des membres de l'OTAN quant à la nécessité d'agir et quant au besoin de maintenir la capacité militaire. Il est vrai que le Conseil de l'OTAN devrait autoriser à nouveau toute opération aérienne. Ce n'est pas un chèque en blanc qui a été donné. Mais l'organisation est probablement en mesure de réagir plus rapidement dans ces circonstances.

Aurions-nous souhaité que l'OTAN réagisse plus vite? Tout à fait. Nous avons exhorté les Nations Unies et les membres du Conseil de sécurité à assumer leurs responsabilités et à intervenir. C'était difficile pour nous lorsqu'ils n'ont pu le faire, car il a fallu avoir ce débat sur le plan juridique.

Nous estimons toutefois que la nouvelle résolution des Nations Unies est un pas en avant, comparé aux résolutions antérieures. Elle va un peu plus loin. Elle n'est pas aussi claire que nous l'aurions souhaité, et les Russes et les Chinois se sont abstenus—il aurait été préférable qu'ils l'approuvent—mais néanmoins, cela sous-entend que des mesures seront peut-être nécessaires. C'est formulé en termes passifs, si j'ai bonne mémoire.

Quant à la conformité sur le fond, je pense que je vais m'en remettre aux autres. Charles, pouvez-vous nous aider?

M. Charles Court (directeur adjoint pour l'OTAN, Division des relations de sécurité et défense pour l'Amérique du Nord et la région euro-atlantique, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Certainement.

Le président: Nous voulons une réponse d'avocat.

M. Paul Heinbecker: Non, ce ne sera pas le cas.

M. Charles Court: Non, j'espère que ma réponse sera claire et succincte. On ne sait jamais une fois que je commence.

Des voix: Oh, oh!

M. Charles Court: En février, l'Alliance avait estimé que la garnison normale du Kosovo-Metohija comprenait environ 11 000 soldats yougoslaves. Les Yougoslaves ont une très grande force armée. Nous estimions, d'une façon très générale, que vers le 21 octobre, ce nombre avait en fait diminué de 10 000 soldats, dont environ un tiers étaient sur le terrain. L'observation signifiait que ces soldats seraient soit déployés le long de la frontière pour des activités normales de sécurité ou seraient cantonnés dans leurs garnisons.

• 1605

Lorsque le commandant suprême des forces alliées en Europe et le président du comité militaire se sont rendus à Belgrade, la fin de semaine dernière, ils possédaient des données très précises sur les unités sur le terrain qui devaient se retirer et les unités qui n'avaient pas à se retirer. Les exceptions étaient trois unités qualifiées de compagnie—environ 200—qui étaient demeurées pour maintenir la sécurité le long de la voie principale de communication, ce qui a été jugé acceptable.

Les unités qui étaient déjà au Kosovo avant le conflit y sont encore dans leur cantonnement. Celles qui sont arrivées par la suite n'y sont plus. D'ailleurs, la plus grande partie d'entre elles étaient parties avant la fin de semaine dernière.

L'autre problème venait des forces policières du ministère des Affaires internes qui étaient aussi lourdement armées. Ce sont elles qui posaient le plus grave problème sur le plan de l'exécution. Vers le 20 ou 21 octobre, il y avait encore au Kosovo plus de 4 000 membres de ces forces qui avaient été déployées avant le conflit. Il y en avait toujours eu beaucoup. Pour le ministère des Affaires internes, l'exécution de l'ordre voulait dire qu'on devait retirer les forces qui n'étaient pas normalement au Kosovo, retirer les armes lourdes et démonter les points d'observation renforcés qui avaient été établis dans les villes et le long des routes et qui nuisaient au libre mouvement des gens.

Lundi dernier, on a vu plus de 4 000 de ces membres des forces policières partir. C'est un chiffre estimatif parce qu'ils ne sont pas passés par un poste de contrôle pour qu'on puisse les compter. Les armes lourdes ont aussi été recantonnées sauf pour quelques très rares exceptions mineures dont on semble depuis s'être occupé. Ils s'occupaient aussi de démanteler les postes d'observation qui avaient été renforcés par des sacs de sable et autrement. Ils étaient en train de les démanteler et s'étaient effectivement retirés de la campagne.

L'objectif consistait à retirer cette présence menaçante qui empêchait les gens de rentrer chez eux. C'est presque chose faite. Il y a encore probablement quelques personnes là où elles ne devraient pas être, mais l'objectif est à peu près atteint.

Quand l'équipe de l'OTAN était à Belgrade la fin de semaine dernière, elle voulait s'assurer que sept ou huit choses avaient été faites. Le nécessaire a maintenant été fait et vérifié par les observateurs diplomatiques du Kosovo qui étaient déjà là, et a été confirmé depuis par des missions de reconnaissance et autrement.

M. Daniel Turp: Y a-t-il d'autres unités spéciales au Kosovo comme celles-là, des forces policières spéciales ou quel que soit leur nom?

M. Charles Court: Oui. Je pense qu'il y en avait encore environ 200 lundi. Ce sont des groupes qui ne respectent pas encore totalement les ordres, mais ils l'ont fait dans une très grande mesure. Il est inévitable qu'on trouve dans la région quelques personnes qui ne devraient pas y être, mais...

M. Daniel Turp: Quand vous dites que les ordres sont seulement respectés en très grande partie, voulez-vous dire parce qu'il reste encore 200 représentants des forces policières spéciales dans le secteur? Est-ce ce que vous voulez dire?

M. Charles Court: Je pense que c'est effectivement ce que cela signifie.

M. Jim Wright: Je pourrais peut-être répondre à certaines des autres questions de M. Turp.

Tout d'abord, relativement aux discussions entre Belgrade et Pristina, vous avez tout à fait raison: c'est une partie fondamentale des mesures que M. Holbrooke négociait avec M. Milosevic.

La date limite du 2 novembre que vous avez mentionnée avait trait à l'engagement pris par le président Milosevic au sujet de l'établissement d'une structure quelconque pour essayer d'en arriver à un règlement politique du problème de l'autonomie du Kosovo. Nous n'y sommes pas encore. La date limite du 2 novembre approche rapidement. Les Américains dirigent les négociations au nom de la communauté internationale. M. Christopher Hill est l'ambassadeur des États-Unis à Skopje, en Macédoine.

Nous appuyons ces démarches diplomatiques depuis le tout début. L'une des raisons pour laquelle M. Axworthy m'avait envoyé à Belgrade était de parler non pas seulement aux autorités yougoslaves, mais aussi aux dirigeants kosovars, et c'est ce que nous avons fait. J'ai parlé avec M. Rugova.

• 1610

Il faudra que les deux parties s'entendent sur l'autonomie future du Kosovo, mais les négociations constituent un aspect fondamental du processus de règlement. Le cessez-le-feu est très important, tout comme la possibilité pour les organismes d'aide internationaux de fonctionner, la présence de vérificateurs sur place et la vérification aérienne de l'OTAN. Ce sont tous des éléments importants du processus, mais sans règlement politique, la crise dont M. Mills et M. Turp ont parlé ne fera que continuer.

M. Milosevic a fait d'importantes concessions unilatérales dans le cadre de ses négociations avec M. Holbrooke. Il a accepté notamment de redonner son autonomie au Kosovo, même s'il reste à négocier la nature exacte de cet État autonome, il a accepté de déléguer d'importants pouvoirs au niveau communautaire, y compris pour créer des corps policiers de communes, ce qui est très important pour la collectivité Kosovar, il a permis aux Kosovars de former une nouvelle assemblée provinciale après des élections qui seront supervisées par l'OSCE dans les neuf mois à venir, et il a accordé une amnistie pour les activités liées au conflit, sauf pour les crimes contre l'humanité et contre le droit international. C'est l'ensemble de mesures que l'ambassadeur Hill est en train de négocier au nom de la communauté internationale avec les autorités de Pristina et de Belgrade.

L'un des problèmes pour la communauté internationale, c'est que les Kosovars n'ont pas toujours une voix unie, comme j'ai pu le confirmer dans mes entretiens avec M. Rugova à Belgrade. C'est un problème que nous essayons tous de surmonter. Nous espérons que, grâce à la présence internationale au Kosovo, les hostilités prendront fin et créeront les conditions politiques voulues et donneront aux Kosovars suffisamment confiance pour que ce processus politique puisse avoir lieu.

M. Turp a aussi parlé du Tribunal criminel international. Il ne peut pas avoir de paix sans justice. Louise Arbour, procureure en chef du Tribunal criminel international, a déclaré qu'elle irait au Kosovo avec une délégation au cours des deux semaines à venir et qu'elle a l'intention de remplir le mandat juridique que lui a confié l'organisation des Nations Unies et de faire enquête sur la possibilité de crimes contre l'humanité au Kosovo.

Cela avait causé des problèmes dans le passé. C'est l'un des points à respecter selon la résolution 1199 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Canada a fait savoir au président Milosevic, comme d'autres le lui ont dit à maintes reprises, qu'il n'avait pas le choix et qu'il devait respecter cet élément de la résolution. Nous pensons bien qu'il le fera, mais il y a eu des divergences de vues à ce sujet dans le passé.

Les Serbes prétendent que la Cour criminelle internationale a un préjugé contre les Serbes. Nous avons toujours affirmé aux autorités yougoslaves que la seule chose que veut le Tribunal criminel international, c'est de faire ressortir la vérité et qu'il est dans leur intérêt de permettre au procureur en chef et à ses enquêteurs de faire le travail dont la communauté internationale les a chargés et d'enlever ce fardeau aux deux parties en cause dans le conflit. Nous surveillons donc ce qui se passe et nous appuyons Louise Arbour et son tribunal le plus possible.

Le président: Monsieur Reed, ensuite M. Robinson, M. Bachand et Mme Beaumier.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, je tiens à vous féliciter chaleureusement du travail que vous avez tous accompli pour mener à bien cette tâche herculéenne dont vous vous occupez encore. Vu de l'extérieur, à titre de citoyen, il semble maintenant qu'une certaine tendance se dégage de ces événements. L'expérience nous a permis de voir ce qui se passait et d'accélérer un peu le processus et de le rendre un peu plus efficace que dans le passé. Certains éléments commencent à fonctionner.

• 1615

Par ailleurs, les simples citoyens ont eu l'impression que les Nations Unies, surtout, semblaient tourner en rond dans ce dossier. Même si nous avons réussi à convaincre Milosevic plus rapidement que dans le cas de la situation en Bosnie, on ne semble toujours pas avoir une idée très précise de la façon de procéder aux Nations Unies.

Je me pose donc une question. Vu que la situation risque de se produire ailleurs dans le monde plus tard, y a-t-il moyen d'accélérer la prise de mesures et le processus de résolution? Nous avons assisté à une horrible tragédie humaine et nous avons vu des gens obligés de vivre dans la brousse alors que l'hiver arrive. C'est très difficile à supporter pour le reste du monde parce que nous commençons à assumer une certaine part de responsabilité pour ces situations. Ce n'était pas le cas il y a 100 ans. Nous ne savions même pas que ces choses se passaient.

Selon vous, y aurait-il moyen à l'avenir de rationaliser ces processus et peut-être de planifier d'avance?

M. Paul Heinbecker: Il y a bien des choses que je pourrais dire en réponse à cette question. Tout cela est lié au fait que le Conseil de sécurité a cinq membres permanents qui ont le droit de veto. Lorsqu'ils veulent agir rapidement, comme ils l'ont fait dans le cas de la crise au Zaïre, si vous vous rappelez bien... Il devait y avoir une force multinationale. On a donc préparé une résolution aux termes du chapitre 7 et les Nations Unies ont autorisé le déploiement d'une force constituée d'un maximum de 15 000 militaires contre la volonté des pays hôtes, le Rwanda et le Zaïre. Cela s'est fait très rapidement.

Lorsque l'un des cinq membres permanents du Conseil et de la sécurité n'est pas d'accord avec les autres ou ne reflète pas le consensus international, la situation se complique énormément. C'est un fait. Les Russes avaient une opinion tout à fait particulière de ce conflit qui n'était pas partagée par les autres pays d'Europe et c'est ce qui a fait que les Nations Unies ont semblé tourner en rond. À la fin du compte, personne au Conseil de sécurité ne tenait à faire face à la situation. C'est peut-être une autre interprétation de ce qui s'est passé.

Tout ce que je peux vous dire, quand la Canada fera partie du Conseil de sécurité, nous ferons de notre mieux pour que cela fonctionne mieux.

M. Daniel Turp: Abolissez le droit de veto.

M. Heinbecker: Nous commencerons par abolir le droit de veto.

Des voix: Oh, oh!

M. Heinbecker: Je trouve cela curieux à notre époque, où la démocratie est le régime de gouvernement de choix dans un nombre croissant de pays et que l'on parle de plus en plus de responsabilité, de voir que les cinq membres permanents deviennent de plus en plus isolés. Ils se réunissent à huis clos. Ils se réunissent sans que les autres membres du Conseil de sécurité soient là. C'est devenu un problème et c'est l'une des choses que nous allons essayer d'arranger. Je ne voudrais pas promettre quoi que ce soit, mais nous allons essayer de faire quelque chose.

M. Julian Reed: Vous méritez tous des félicitations pour le rôle que vous jouez, et les Canadiens qui sont sur place et qui iront au Kosovo comme observateurs en méritent aussi. Nous vous souhaitons beaucoup de succès. Je pense que tous les membres du comité sont prêts à faire de leur mieux pour essayer de résoudre ce problème omniprésent. Merci.

Une voix: Vous pourriez être vérificateur.

Une voix: Oui, et nous faire rapport par la suite.

M. Julian Reed: Volontiers, si vous vous occupez de la sécurité.

Des voix: Oh, oh!

Une voix: J'irai. Je piloterai un CF-18.

Le président: Je vous prête mon marteau de président.

Je veux que nos invités sachent que lorsque les membres du comité ne sont pas d'accord, c'est pour une question de principe et ce n'est jamais parce qu'ils cherchent à tergiverser, alors que nous savons tous que le Conseil de sécurité ne fait que tergiverser.

Des voix: Oh, oh!

• 1620

Monsieur Robinson.

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président. Je tiens aussi à remercier les témoins d'être venus, surtout avec si peu de préavis. Les autres membres du comité ont déjà posé certaines des questions qui m'intéressaient, mais il y a encore des choses dont je voudrais parler.

Sur bien des aspects, l'une des questions clés dans ce conflit est la situation des Kosovars d'origine albanaise, surtout depuis 1989. Si l'on ne fait rien pour trouver une solution sérieuse à leurs préoccupations au sujet de cette situation, le problème ne fera que persister.

J'en reviens donc à ce que disait M. Turp parce que je n'ai pas très bien compris quelles mesures concrètes ont été prises pour s'occuper de ces questions. Nous pourrons peut-être avoir des vérificateurs sur place et j'en suis heureux, mais quelles mesures concrètes l'OSCE surtout prend-elle pour établir des échéanciers précis pour l'amélioration des conditions pour les Kosovars d'origine albanaise?

En outre, nous avons entendu la plupart des pays de l'OSCE se prononcer contre l'indépendance du Kosovo. Nous savons que la très grande majorité des Kosovars, y compris Rugova et d'autres, sont en faveur de l'indépendance, si les sondages sont le moindrement fiables. Croyez-vous que nous sommes en mesure de réagir par rapport à ce que j'estime être les préoccupations très légitimes des Albanais, quant à leur statut au Kosovo?

M. Paul Heinbecker: Je vais commencer à répondre, puis demander à mes collègues de compléter ma réponse.

Dans l'accord à négocier, l'autonomie de 1989... Eh bien, je ne suis pas certain. Ce ne serait pas exactement la situation de 1989, mais l'autonomie serait restaurée au sein de la Fédération serbe yougoslave.

Deuxièmement, il y aurait des services policiers communautaires, canton par canton. Comme il y neuf Kosovars pour un Serbe, il y aura une très forte représentation des Kosovars dans le domaine de la sécurité et des services policiers.

Troisièmement, une assemblée sera créée et on y votera, je crois sous l'égide de l'OSCE. Est-ce exact?

Un témoin: Oui.

M. Paul Heinbecker: Bien. Tout cela est donc prévu, à la condition que la situation évolue comme nous le souhaitons.

M. Svend Robinson: Mais il s'agit là d'un accord entre l'OSCE et Milosevic.

M. Paul Heinbecker: Non.

M. Jim Wright: Non, monsieur Robinson, il s'agit d'un accord négocié actuellement par les Américains, suite à la mission Holbrooke. Le seul élément laissé sans conclusion par la mission Holbrooke était l'accord politique entre Belgrade et Pristina quant à l'autonomie du Kosovo. Ces négociations sont actuellement en cours; il y aura donc un accord entre Belgrade et Pristina, même s'il recevra l'aide et la bénédiction de la communauté internationale.

Ces discussions sont en cours. M. Heinbecker en a décrit quelques éléments. Nous avons déjà un peu parlé des autres éléments de l'accord.

Que je sache, il y a deux échéances. D'abord, l'engagement pris par le président Milosevic de mettre en oeuvre le cadre de cet accord politique d'ici le 2 novembre.

Une voix: Un cadre pour la négociation de...

M. Jim Wright: Oui, un cadre pour la négociation de l'accord politique, d'ici le 2 novembre.

• 1625

Évidemment, cet engagement a été pris il y a un certain temps. L'un des problèmes de l'ambassadeur Hill, c'est d'obtenir la pleine collaboration des Kosovars albanais et de s'assurer qu'ils parlent d'une seule voix. L'un des problèmes de M. Rugova, qui a toujours représenté une influence modérée au sein du Kosovo, c'est que sa position n'a jamais reçu le soutien du président Milosevic.

Pendant des années, avant ce conflit, nous avons exhorté Belgrade à collaborer sérieusement avec M. Rugova... Le président Milosevic a donné son accord à une entente sur l'éducation en 1996, si je ne m'abuse, mais Belgrade n'a rien fait pour mettre en oeuvre cette entente, qui offrait une certaine autonomie à la communauté albanaise du Kosovo, pour ce qui est de l'éducation. À cause de cette position de Belgrade, il y a eu une intensification de l'extrémisme, un isolement de M. Rugova et des divergences parmi les Kosovars.

M. Svend Robinson: Nous avons peu de temps; puis-je vous interrompre?

Le président: Puis-je vous interrompre, pour clarifier une chose? Lorsque vous dites Belgrade et Pristina, que voulez-vous dire par Pristina? Est-ce M. Rugova?

M. Svend Robinson: C'est justement ce que je voulais savoir.

Le président: Bien.

M. Svend Robinson: Voici le problème. Il n'y aura pas de cadre de négociation avant le 2 novembre. J'aimerais qu'il y en ait un, mais j'en doute. Si l'échéance passe et que Milosevic continue son petit jeu auquel il est passé maître, soit de gagner du temps et d'obtenir ce qu'il veut, la frustration au Kosovo sera de plus en manifeste.

Vous aurez là-bas une équipe de vérification. L'ALK dira: «on essaie de nous berner. On ne prend pas au sérieux nos préoccupations fondamentales relativement à 90 p. 100 de la population de ce territoire, d'ethnie albanaise.» Ils ne vont pas simplement rester là à dire: «Bon, tant pis. Il faudra attendre la négociation de cet accord cadre.» J'ai peur de ce qui se produira alors.

M. Jim Wright: Vous avez certainement raison d'être sceptique quant aux intentions du président Milosevic. Nous avons trop vu de promesses non tenues jusqu'ici. Dans ce cas-ci, notre confiance est plus grande parce que la menace qui plane au-dessus du président Milosevic n'a jamais été aussi grave.

Les engagements unilatéraux qu'il a pris envers M. Holbrooke, l'ambassadeur Hill et la communauté internationale au sujet des concessions envers les Kosovars sont sincères. Il faut toutefois qu'ils se traduisent par un accord réel entre le gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie, le président Milosevic et la communauté kosovar.

Reste à savoir qui représente actuellement la communauté kosovar. M. Rugova est certainement l'un des meneurs. Il y a aussi d'autres éléments. Il est difficile de savoir exactement qui parle au nom de l'Armée de libération du Kosovo, l'ALK. Mais la communauté internationale déploie tous les efforts nécessaires pour s'assurer que ne sera pas anéantie la dynamique créée par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, par les ordres d'activation de l'OTAN et par l'entente négociée par M. Holbrooke. On agit avez zèle pour arriver à une entente sur l'autonomie future du Kosovo, parce que chacun comprend qu'à moins de régler rapidement cette question, tous les autres efforts consacrés à bâtir la confiance l'auront été en vain.

M. Svend Robinson: J'ai encore deux courtes questions.

Dans la même veine, si ces négociations échouaient, si Milosevic n'était pas prêt à revenir à la situation d'avant 1989, le Canada a-t-il une position au sujet du droit du peuple du Kosovo à l'autodétermination, actuellement?

M. Daniel Turp: J'écoute attentivement.

Des voix: Oh, oh!

M. Svend Robinson: C'est ma première question. La deuxième porte sur le respect des besoins humanitaires dont parlait M. Reed. Nous savons que l'hiver s'en vient. La situation sur le terrain est catastrophique. Beaucoup de foyers ont été détruits. Dans bien des cas, les gens reviennent à un village en ruines.

Vous avez parlé de 3,1 millions de dollars. Le Canada est-il prêt à réexaminer continuellement cette contribution et à l'augmenter, au besoin? Il me semble que pour des raisons humanitaires et étant donné ce qui s'est passé jusqu'ici, la communauté internationale devra offrir davantage de soutien à ces gens, pour qu'ils puissent passer à travers cette période très difficile.

• 1630

Voilà mes deux questions.

M. Paul Heinbecker: Je vais essayer d'y répondre, même si le risque est considérable.

Des voix: Oh, oh!

M. Paul Heinbecker: Tout d'abord, au sujet de la dernière question, je crois pouvoir dire qu'il incombe au gouvernement de décider. C'est une question de politiques qui devra être suivie de près. Il faut établir s'il s'agit d'une priorité, étant donné qu'il y a de nombreuses questions d'importance.

Au sujet de la question plus large, il est évident que nous voulons que le problème des Serbes et des Kosovars soit réglé de manière à satisfaire les deux groupes. Nous pensons que c'est encore possible. À l'école de la diplomatie, on m'a appris à ne jamais répondre à une question hypothétique quant à l'échec éventuel de négociations. Je tiens toutefois à faire l'observation suivante: on ne saurait comparer la situation des minorités de l'ex-Yougoslavie et celles du Canada.

[Français]

Le président: Monsieur Bachand.

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Merci beaucoup d'être ici. J'aimerais vous féliciter pour le travail que vous faites, mais aussi vous faire part de ma déception.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bachand, Mme Beaumier dit qu'elle doit partir. Permettez-vous qu'elle intervienne avant vous?

Allez-vous partir de toute façon?

M. André Bachand: Où veut-elle aller? Je peux peut-être l'accompagner.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Est-ce que je vous retire de la liste?

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): En fait, si vous n'avez pas d'objection, je veux simplement quelques clarifications.

Qui s'occupe de veiller à l'ordre au Kosovo, actuellement? Avons-nous envoyé des soldats? Des civils? Combien de soldats iront là-bas? Combien de civils? À mes yeux, cela ressemble beaucoup à une mission d'observation d'élections. La différence, c'est que lorsqu'il y a des pratiques électorales injustes, le monde peut ensuite décider de ne pas reconnaître le gouvernement prétendument élu, à cause de toutes les pratiques contraires à la démocratie.

Que faisons-nous? C'est très bien d'avoir ces petits postes dotés d'observateurs. Est-ce que vous nous dites que nous allons y envoyer des Canadiens, mais pas seulement des Canadiens, aussi des Américains et quiconque veut y être pour observer ces atrocités? S'il y a un rapport, que faisons-nous ensuite? Tout cela est bel et bon, mais cela ressemble beaucoup à une mission d'observation d'élections. Je me demande comment vous pouvez croire que ce sera efficace.

M. Paul Heinbecker: Au départ, l'intervention de l'OTAN visait justement à éviter cela. C'est pourquoi nous en sommes venus au point de décider que nous étions prêts à mener des opérations aériennes contre des installations yougoslaves. Cette menace demeure. Oui, il y aura des équipes d'observateurs. Ils seront tous en civil. Elles seront composées de militaires, de spécialistes des droits de la personne et de policiers. Leur travail sera d'observer, mais aussi, par leur simple présence, elles auront un effet dissuasif sur les pratiques auxquelles vous avez fait allusion.

S'il devient évident que les militaires yougoslaves procèdent à ce genre d'atrocités, comme nous avons déjà vu la police yougoslave le faire, et s'il n'y a pas de volonté d'y mettre un terme, l'OTAN devra agir. C'est pourquoi l'ordre d'activation demeure; il s'agit de l'ordre pour l'OTAN d'être prêt à attaquer et à mener des frappes aériennes contre l'ex-Yougoslavie. Les ordres sont toujours en vigueur.

De plus, si vous considérez les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, on voit qu'en cas d'urgence, l'ONU affirme que des mesures peuvent être prises pour veiller à la sécurité et à la liberté de mouvement des vérificateurs.

• 1635

La situation n'est pas parfaite. Ce n'est pas le meilleur accord qui soit. Je suis convaincu que si nous étions en mesure d'insister, certains aspects en seraient changés, mais c'est la situation actuelle. Pour des raisons humanitaires, nous devons faire de notre mieux pour que ça marche.

Mme Colleen Beaumier: Est-ce qu'on aidera les gens à se réinstaller chez eux?

M. Paul Heinbecker: Certainement. L'un des éléments clés, qui a déjà été mis en oeuvre, c'est que des organisations humanitaires internationales comme le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la Croix-Rouge, CARE et d'autres aient un accès et puissent aider les gens. C'est en partie pour cette raison qu'ils reviennent chez eux.

Le nombre de sans abri est actuellement évalué à 10 000 personnes. Il n'y a pas si longtemps, c'était 50 000 personnes. La situation s'est donc améliorée.

Le président: Merci.

Mme Colleen Beaumier: Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bachand, de nous avoir permis cela.

M. André Bachand: Merci, monsieur le président.

Je vais répéter. Je vous remercie beaucoup d'être ici. C'est très apprécié. Je voudrais souligner le travail incroyable que vous faites. Cependant, j'avais hâte d'entendre parler d'éléments de solution et d'entendre le ministre et le gouvernement du Canada se prononcer sur ce qui se passait au Kosovo. Ça a pris beaucoup de temps. Je sais que vous étiez au travail, mais il fallu beaucoup de temps avant de connaître la position du gouvernement canadien par rapport au Kosovo. Beaucoup de temps et beaucoup de vies.

Voici ma première question. À quel moment le Canada est-il entré activement dans la crise au Kosovo?

Deuxièmement, selon vos renseignements, y a-t-il encore des gens qui meurent sur le terrain? Si oui, est-ce encore l'Armée de libération qui est impliquée? Est-ce que ce sont des Serbes, des Albanais? Quelle est la situation au niveau des pertes de vies présentement au Kosovo? À quel moment le Canada prévoit-il envoyer ses participants à la mission de vérification? Est-ce que l'ONU ou l'organisation européenne va se prononcer? Vous avez répondu plus tôt à cette question, monsieur Wright. Vous sembliez dire que c'était une discussion à Belgrade, en fin de compte, avec la République fédérale et le Kosovo, mais qu'il était clair que tout le monde s'entendait sur l'autonomie. Est-ce l'autonomie de 1974? Est-ce une souveraineté nette? Si le Canada a l'intention de proposer un type d'autonomie, entend-il proposer l'autonomie de 1974, l'autonomie avec les modifications qu'il y a eu avant 1989? Est-ce qu'on parle de ce qui se passe depuis la fin de la guerre en Bosnie au niveau du Montenegro, par exemple? Il serait intéressant d'avoir votre opinion là-dessus.

M. Daniel Turp: Il faudrait un avis de la Cour suprême.

M. André Bachand: Oui, sûrement. Elle dirait sûrement que le peuple a le droit de se séparer.

Plusieurs questions ont été soulevées, mais j'aimerais qu'on réponde aux premières. Je sais que ce n'est pas facile. J'aimerais peut-être avoir un commentaire sur les premières questions que je vous ai posées, au sujet du rôle du Canada. Je suis convaincu que le Canada, avec son siège au Conseil de sécurité de l'ONU, aura sûrement une voix beaucoup plus forte et peut-être plus crédible au niveau international. Ce n'est pas évident de se faire entendre lorsqu'on est dans l'arrière-ban. J'espère que le Canada, avec son mandat au Conseil de sécurité, lorsqu'il y aura des conflits régionaux... On parle de conflits régionaux, mais ça n'existe pas, des conflits régionaux. Un conflit régional, c'est peut-être ce qui se passe dans ma circonscription entre Mme Tremblay et Mme Laframboise, mais au niveau mondial, les conflits régionaux deviennent toujours rapidement des conflits mondiaux.

[Traduction]

M. Paul Heinbecker: Encore une fois, je vais commencer puis Jim terminera.

Quand le Canada s'en est-il vraiment mêlé? Dans une mesure plus ou moins grande, depuis que nous oeuvrons dans les Balkans et en Bosnie. Nous savons depuis très longtemps que la question du Kosovo risquait d'exploser, que ce pourrait être catastrophique, et nous avons, comme d'autres, formulé des mises en garde à ce sujet.

• 1640

J'ai moi-même participé à des réunions du G-8. On en a certainement parlé au dernier sommet du G-8, plus tôt cette année. Nous avons pris des sanctions contre le gouvernement yougoslave. Je pense qu'elles ont été mises en oeuvre au début de juin dernier, à peu près, et en passant, nous avons été ainsi les premiers à prendre de telles mesures.

[Français]

M. André Bachand: Oui, mais vous parlez des sanctions contre les Serbes; vous parlez de juin de cette année. Les sanctions ont été reportées à plusieurs reprises, en avril et en mai, pas nécessairement au niveau du Canada, mais au niveau mondial. Par exemple, les sanctions sur l'investissement ont été reportées à quatre ou cinq reprises, je crois. On disait que Milosevic était le plus grand spin doctor pour gagner du temps, et je pense que c'est le cas. Pendant au moins un mois ou un mois et demi, il y a eu un report des sanctions sur l'investissement. Au niveau militaire, c'est la deuxième fois qu'il y a des délais, et il va sûrement y en avoir une troisième et une quatrième fois.

Je sais que c'est difficile. Je n'ai pas fait de cours de diplomatie internationale, mais je sais que c'est vraiment difficile. Juste au niveau des sanctions sur l'investissement, cela a été reporté à plusieurs reprises. Je m'excuse de vous avoir coupé la parole, mais c'est un exemple de situation où, normalement, la communauté devrait agir extrêmement rapidement. On ne parle pas d'avions, de bombes ou de soldats, et on a reporté cela pendant des semaines, voire des mois. C'est cela qui est dérangeant dans la question. On ne parle pas de bombes, mais d'argent.

M. Jim Wright: Je comprends tout à fait votre frustration, mais on peut dire que le commerce entre le Canada et la Yougoslavie n'est pas très important, surtout depuis la guerre en Bosnie. On peut cependant dire que la politique du Canada vis-à-vis de la Yougoslavie est très, très constante depuis trois ou quatre ans.

M. Axworthy a fait sa première visite au mois de mars ou avril 1996, en même temps qu'il a fait une visite en Bosnie. À ce moment-là, il a rencontré M. Milosevic et il a dit: «On a un problème ici, au Kosovo; on a un problème de droits de la personne en Yougoslavie. Si vous poursuivez de telles politiques, vous aurez un très grave problème non seulement avec le Canada, mais aussi avec la communauté internationale.» M. Axworthy a bien dit que nos relations avec la Yougoslavie n'augmenteraient pas avant que la situation au Kosovo s'améliore.

Au mois de mars de cette année, M. Axworthy a annoncé plusieurs sanctions contre la Yougoslavie.

[Traduction]

La Société pour l'expansion des importations a suspendu toute considération de crédits d'exportation vers l'ex-Yougoslavie jusqu'à nouvel ordre, a suspendu les discussions avec Yugoslav Airlines au sujet de droits d'atterrissage pour ses vols nolisés au Canada et a réservé toutes discussions d'autres accords bilatéraux, jusqu'à nouvel ordre. Le Canada a ainsi agi des mois avant le reste de la communauté internationale.

Deuxièmement, en juin dernier, à une réunion du G-8 à Londres à laquelle participaient les Russes et à laquelle M. Heinbecker et moi-même assistions, M. Axworthy a annoncé une autre interdiction des investissements en République serbe et un gel des actifs des gouvernements de la République fédérale de Yougoslavie et de Serbie au Canada.

Il n'y a pas d'actifs importants de ces gouvernements ici, et je ne prétendrais pas que ces mesures prises par le gouvernement canadien ont eu un effet de blocus économique contre la Yougoslavie; mais nous avons bien montré que le Canada avait une position au sujet du gouvernement du Kosovo et de la Yougoslavie et pas seulement depuis la crise des trois ou quatre derniers mois, mais depuis des années. Le principe le plus important est celui du respect des droits de la personne, particulièrement ceux de la majorité albanaise kosovar au Kosovo, dont l'autonomie a été retirée par le président Milosevic, en 1989.

• 1645

Je ne crois donc pas que la position du gouvernement canadien au sujet de la crise au Kosovo ait changé. Je dirais même que M. Axworthy et le premier ministre ont été parmi les premiers à fixer les politiques de la communauté internationale à ce sujet, qui depuis ne fait qu'essayer de nous rattraper. Nous avons fait de notre mieux dans le cadre des institutions multilatérales, particulièrement au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, mais nous devons insister pour que les cinq membres permanents en fassent davantage, et aussi faire pression sur l'OSCE et l'OTAN. Nos efforts ont été fructueux.

M. Axworthy a aussi fait maints efforts pour encourager une participation active du ministre des Affaires étrangères, M. Primakov, et de son successeur, M. Ivanov, au sujet du Kosovo, tout en tenant compte du fait que le Kosovo est une question épineuse pour les Russes et que pour faire accélérer les choses... Vous avez raison: il nous a fallu plus de temps que nous ne voulions, mais c'est ainsi que vont les choses en diplomatie internationale.

La position du gouvernement canadien au sujet du Kosovo est très claire, cohérente et forte.

M. André Bachand: Qu'en est-il de la situation sur le terrain?

M. Paul Heinbecker: Ah oui, c'était votre deuxième question. Voulez-vous répondre, Charles? Est-ce qu'il y a encore des morts?

M. Charles Court: Il y a un cessez-le-feu de facto qui est largement respecté depuis deux semaines. Il y a eu quelques incidents entre les forces yougoslaves et l'ALK, mais il y a beaucoup moins de conflits qu'auparavant; c'est moins dangereux.

Il y a encore des gens qui meurent. Les mines font encore des victimes. C'est dommage. Les gens retournent chez eux, comme le disait M. Heinbecker. Avec l'intensification de la présence internationale et le retrait graduel de la police et de l'armée yougoslaves, les gens seront de plus en plus prêts à revenir et à se trouver un abri permanent, s'ils n'en ont pas.

Le président: Avant de passer à M. Patry, j'aimerais poser une question complémentaire sur l'interdiction des investissements en Serbie. Quelle loi est alors invoquée par un ministre? Vous dites que cela se fait par décret. En français, vous avez dit...

M. Daniel Turp: Est-ce la Loi sur les Nations Unies?

M. Jim Wright: Je connais un peu cette loi. Il s'agit de la Loi sur les mesures économiques spéciales.

Le président: C'est donc cette loi qu'on a invoquée?

M. Jim Wright: Oui. On peut agir en vertu de cette loi si une organisation dont le Canada est membre demande que ce genre de mesures soient prises. Il ne s'agit pas nécessairement des Nations Unies; dans ce cas-ci, c'est le G-8.

Le président: Bien. Je me posais la question, parce qu'autrefois, il fallait nécessairement une résolution du Conseil de sécurité.

M. Jim Wright: Non, on a élargi cela.

Le président: La loi est maintenant plus libérale, si vous me permettez cette expression.

M. Jim Wright: Oui.

[Français]

M. Daniel Turp: Il y a maintenant une deuxième loi.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Patry.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci de votre visite. On apprend beaucoup de choses en vous écoutant. Je voudrais poursuivre dans la foulée de M. Bachand.

Après la lecture de l'ébauche de cet accord sur la mission de vérification, j'ai l'impression qu'il s'agit d'un premier processus. Je voudrais parler du long terme. Je lis ici: «À mesure que se réglera et s'établira l'autonomie gouvernementale du Kosovo...».

Comme il ne semble pas y avoir de consensus du côté du Kosovo, tel que M. Wright l'a dit, parce que le Dr Rugova représente les modérés et qu'il y a le KLA ainsi que d'autres éléments à l'intérieur même du Kosovo, pourriez-vous me dire vers quelle sorte d'autonomie gouvernementale on va se diriger au Kosovo? Qui seront les gens qui vont négocier cette autonomie? Est-ce qu'il y a actuellement un échéancier pour cette autonomie gouvernementale?

[Traduction]

M. Paul Heinbecker: À ce sujet, il y une chose dont on n'a pas parlé, et qui ne viendra pas à l'esprit des gens autrement. Tous les Kosovars ne sont pas au Kosovo. Il y a de fortes communautés kosovars en Allemagne et en France ainsi qu'en Suisse, je crois.

Les gouvernements allemands et français ont certainement essayé de convaincre ces gens d'arriver à une plus grande harmonie, parce que ce sont eux qui financent les mouvements d'indépendance. Il y a donc aussi des efforts de ce côté-là, qui auront, nous l'espérons, un effet positif.

• 1650

Pour ce qui est des parties à la négociation, je vais laisser Jim répondre, puisqu'il y était.

M. Jim Wright: Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit: le principal négociateur américain, l'ambassadeur Hill, fait de sincères efforts pour constituer une équipe de négociation représentative du milieu albanais kosovar. M. Rugova est l'un des leaders, le principal leader de la communauté, mais il n'est pas reconnu par toute la communauté albanaise kosovar. On a donc essayé d'élargir la base, pour faire venir des gens de la communauté albanaise.

Je crois qu'il y avait une équipe de négociation de 10 ou 15 personnes, n'est-ce pas, Guy?

M. Guy Archambault (directeur adjoint pour les Balkans, Direction de l'Europe du Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Oui, une équipe dirigée par M. Agani.

M. Jim Wright: Pour ce qui est des échéances, tout ce que je peux dire, c'est que nous voulons que les négociations entre Belgrade et Pristina commencent dès que possible. On s'est engagé pour qu'il y ait une assemblée parlementaire en moins de neuf mois. Elle découlerait d'élections auxquelles a consenti M. Milosevic, et qui seraient supervisées par l'OSCE. Un engagement a été aussi pris pour que la responsabilité des forces policières locales soit confiée à la communauté kosovar.

Mais il est aussi important de comprendre que nous ne faisons pas partie du processus de négociation. Nous n'avons pas actuellement de négociateur dans l'équipe. Nous collaborons étroitement avec les Américains, mais l'on ne nous met pas au courant des efforts quotidiens de M. Hill, on ne l'a pas fait et on ne le fera pas non plus pour d'autres. Nous sommes informés lorsque des événements importants se produisent, mais la négociation est entre les mains de M. Holbrooke et de l'ambassadeur Hill.

M. Bernard Patry: Merci.

[Français]

Merci, monsieur le président.

Le président: Avez-vous d'autres questions, monsieur Turp?

M. Daniel Turp: J'ai d'abord une requête. M. Mills et moi étions avec le ministre Axworthy la semaine dernière à Vienne, lors du Conseil permanent de l'OSCE. On a eu le texte de l'accord Milosevic-OSCE, mais on n'a pas le texte de l'accord OTAN-Milosevic. J'aimerais que vous le fassiez parvenir au président du comité, peut-être avec le document...

Monsieur Wright, est-ce qu'il y a un document qui porte sur les matières de la négociation sur l'autonomie? Vous avez énuméré cinq points qui pouvaient faire l'objet de négociations. Est-ce que ces matières sont mentionnées dans un document ou dans une déclaration et, si oui, est-ce qu'on pourrait aussi avoir une copie de ce document?

J'aimerais avoir une réponse à ma deuxième question. J'ai posé plusieurs questions tout à l'heure. La deuxième portait sur l'OTAN, sur l'extraction force, sur ce que pourrait faire cette force en termes d'évacuation et de protection des vérificateurs. Est-ce que M. Milosevic a accepté que l'OTAN joue un rôle dans l'évacuation et la protection au moment où on se parle, ou est-ce que c'est encore en négociation?

En dernier lieu, j'aimerais faire un commentaire sur les questions d'autonomie, d'autodétermination et tout cela. Je comprends votre réserve quant à une réponse à donner à la question de M. Robinson, mais j'ai l'impression qu'une donnée fondamentale de la solution politique à ce conflit serait vraisemblablement qu'on accepte non seulement que l'autonomie du Kosovo soit restaurée, mais également que les Kosovars se voient reconnaître le droit de décider de leur avenir. Il me semble que ce sera une des revendications, même de M. Rugova.

• 1655

C'est un phénomène qui n'est pas unique au Kosovo, et je ne fais pas du tout allusion à la situation au Canada et au Québec. On est en train d'assister à un phénomène très analogue à celui du Timor oriental, où la négociation sur l'autonomie sera aussi une négociation sur la possibilité pour les Timorais de tenir un référendum sur leur statut politique, qui pourrait être autre chose que l'autonomie.

Je vous référerais à l'Accord du Vendredi Saint en Irlande du Nord, qui est aussi une situation où un peuple a mis fin à une situation armée, à une revendication d'unification—en tout cas, une partie des forces irlandaises du Nord—pour tout simplement se voir reconnaître le droit de décider à l'avenir de son statut, que ce soit la réunification ou le maintien à l'intérieur du Royaume-Uni.

De toute évidence, il y a une tendance à reconnaître aux peuples le droit de décider de leur avenir. J'ai l'impression que c'est cela qui va faire l'objet de la véritable négociation, la négociation la plus difficile entre M. Milosevic, M. Rugova et les autres, et la communauté internationale.

M. André Bachand:

[Note de la rédaction: Inaudible] ...les Kosovars n'étaient pas en majorité.

M. Daniel Turp: Sur la deuxième question...

M. André Bachand: Ce n'est pas comme dans les exemples que tu as donnés, Daniel.

M. Daniel Turp: Sur la deuxième question, qui portait sur l'extraction force, qu'est-ce que c'est exactement?

[Traduction]

M. Jim Wright: Au sujet du processus diplomatique et de votre demande de document et d'information relatifs au dialogue entre Belgrade et Pristina, nous avons une copie de la déclaration unilatérale présentant la position du gouvernement yougoslave que nous transmettrons volontiers au comité. On y fournit un peu plus de détails que nous n'en avons donnés ici et on y voit très clairement les premières démarches faites par le gouvernement yougoslave, dont se sert actuellement l'ambassadeur Hill.

M. Paul Heinbecker: Et je suis convaincu qu'on peut également vous fournir une copie de l'accord de l'OTAN. Je ne l'ai pas vu moi-même, mais il doit bien être disponible.

M. Daniel Turp: Je ne le trouve pas sur Internet et c'est pourquoi j'aimerais en avoir copie.

M. Paul Heinbecker: Nous vous la fournirons.

Au sujet de la force d'évacuation ou d'extraction, et de son inclusion dans cet accord, il y a deux étapes à suivre.

Tout d'abord, quelle que soit la situation, la communauté internationale demanderait la collaboration des autorités yougoslaves pour évacuer les gens. En cas de refus, on revient au statu quo antérieur. Il faudrait alors davantage parler de force «d'extraction», puisque sans l'aide des autorités yougoslaves, il faut adopter des méthodes plus dures.

M. Daniel Turp: Mais il n'y a pas actuellement d'entente de ce genre?

M. Charles Court: Non, pas sur l'évacuation comme telle. L'accord en général prévoit qu'il incombe au gouvernement yougoslave d'assurer la protection des vérificateurs, ce qui prévoit en partie d'assurer leur sécurité.

Sur le terrain, une fois les vérificateurs déployés, il y a trois menaces possibles. Nous nous concentrons sur celle que représentent la police et l'armée du gouvernement yougoslave. Il y a ensuite les groupes paramilitaires dont nous connaissons l'existence en Serbie et qui ont oeuvré au Kosovo. Troisièmement, il y a les Kosovars eux-mêmes.

• 1700

Les Yougoslaves ont accepté cet accord. Ils ont accepté la responsabilité de la protection des vérificateurs. Ils ont d'ailleurs vraiment et professionnellement aidé la Mission d'observation diplomatique au Kosovo, lorsqu'elle a eu des problèmes dans la région, au cours des derniers mois. On peut donc espérer qu'ils continueront de s'acquitter de cette responsabilité.

Les paramilitaires sont fortement influencés par ce que fait le gouvernement yougoslave, sans toutefois être complètement sous son contrôle.

Et l'ALK, soit l'ensemble des groupes armés kosovars, est probablement celle qui a le plus à gagner en gardant les vérificateurs.

Tout bien considéré, il y aura suffisamment de signes avant-coureurs d'une détérioration de la situation pour prendre les mesures nécessaires afin de réduire les risques. Deuxièmement, s'il y a des vérificateurs internationaux et que la situation s'envenime, les Yougoslaves voudront sans doute qu'ils partent. Troisièmement, ce sont les Kosovars qui veulent que reste l'OTAN et qui feront le plus pour garder une présence de la communauté internationale. C'est un tableau complexe.

[Français]

M. Daniel Turp: Je peux poser une autre question?

Le président: Il est 17 heures et tout le monde est parti.

M. Daniel Turp: Combien y aura-t-il de vérificateurs au bout du compte? M. Axworthy a dit qu'il y en aurait entre 50 et 100. Est-ce plutôt 50 ou plutôt 100? Quelles sont vos intentions à cet égard?

[Traduction]

M. Paul Heinbecker: Pour vous répondre, je dois dire que nous y travaillons encore. Je pense que nous avons prévu cinq militaires pour le quartier général à Vienne, cinq pour le quartier général à Pristina, 15 autres, probables cinq policiers et aussi, je dirais, bon nombre de civils. Cela fait plus de 50 personnes. Nous ne sommes pas certains, en partie parce que nous ne savons pas quels sont exactement les besoins.

Le chiffre de 2 000 était, à mon avis, une approximation du nombre de personnes nécessaires. Il se pourrait très bien qu'on estime avoir besoin de moins de personnes. Il y a toutes sortes de questions de logistique à prendre en compte, comme le gîte et le couvert, etc. Vous ne voulez pas avoir plus de gens qu'il n'en faut, parce qu'on doit bien s'occuper d'eux, quand même.

[Français]

M. Daniel Turp: C'est vrai qu'on devrait s'arrêter. Il y a plus de fonctionnaires que de députés à cette table.

Le président: C'est comme pour tout problème diplomatique. Après un certain temps, l'urgence disparaît et les députés avec.

[Traduction]

Merci beaucoup d'être venus, messieurs. Nous l'apprécions, vous nous avez été très utiles et je suis convaincu qu'en cas d'urgence, nous pourrons de nouveau faire appel à vous. Nous apprécions que vous ayez pris le temps de venir nous voir aujourd'hui.

Aux membres du comité: la séance est levée, nous reprendrons nos travaux demain matin à 9 heures, pour l'examen du projet de loi C-35, le projet de loi concernant la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la salle 308 de l'édifice de l'Ouest.