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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 février 1999

• 0909

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La séance est ouverte. Nous pouvons commencer. Ce matin, nous allons discuter d'agriculture et de services.

• 0910

Nous accueillons M. Paul Martin, directeur de la Division des politiques de commerce multilatéral, qui va nous parler de l'agriculture, et M. John Gero, qui a déjà témoigné devant le comité à plusieurs reprises et qui nous parlera de services.

Nous commencerons par M. Martin. Monsieur Carrière, vous vous occupez aussi d'agriculture. Vous paraissez agricole ce matin, malgré la chemise bleue et le col blanc. C'est peut-être un peu trop élégant. C'est un gentleman-farmer de Sussex.

Avant de demander à M. Martin de commencer son exposé, je voudrais faire une mise à jour au sujet du 10 mars pour les membres du comité. Comme suite au rapport sur les armes nucléaires, nous allons faire venir à Ottawa un groupe d'Américains bien en vue. Il y aura d'abord Bob McNamara, ancien secrétaire à la Défense des États-Unis, le général Lee Butler, qui a écrit une lettre dans le rapport du comité, comme les députés s'en souviendront, et le général Goodpaster. Ils seront ici le 10 mars. Nous organiserons une réunion conjointe, peut-être avec le Comité des affaires étrangères du Sénat.

Ces messieurs ont eu l'amabilité d'accepter notre invitation et de nous dire qu'ils considèrent que notre rapport est un très bon rapport et qu'ils recommandent à l'OTAN et au gouvernement des États-Unis de l'examiner sérieusement. Je pense que ce sera très utile pour notre rapport et que cela aidera le ministre de savoir, quand il ira discuter de cette question avec d'autres pays, que des gens de ce calibre ont une telle haute opinion de notre rapport.

Madame Debien?

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Combien seront-ils?

Le président: M. McNamara sera accompagné des généraux Goodpaster et Butler.

[Traduction]

[Note de la rédaction:Inaudible]

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): ...

Le président: Celui que nous avons rencontré à Washington? Non. Il serait le bienvenu s'il veut venir, mais je ne pense pas qu'il partage l'opinion des autres.

M. Charlie Penson: Cela permettrait peut-être d'avoir un certain équilibre, monsieur le président.

Le président: Nous inviterons M. Mills. Il pourrait faire contrepoids. Il est toujours le bienvenu.

Allez-vous commencer, monsieur Martin?

M. Paul Martin (directeur, Division des politiques de commerce multilatéral, Direction du marché des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire Canada): Merci, monsieur le président. J'ai remis au greffier des exemplaires des diapositives dont je vais vous parler ce matin et j'espère qu'on en a distribué aux membres du comité.

Les acétates portent sur les négociations agricoles qui sont au programme des négociations de l'OMC à compter de 1999. L'exposé que je vais vous donner ce matin a été mis au point pour expliquer comment on élabore la position de négociation du Canada et certaines des questions dont on discutera sans doute d'après nous lors des négociations sur l'agriculture et qui touchent l'agriculture canadienne et les intervenants de l'industrie agroalimentaire.

Je vais passer les acétates en revue très rapidement pour nous laisser un peu de temps pour la discussion si vous êtes d'accord.

Essentiellement, l'OMC, l'entente des négociations de l'Uruguay sur l'agriculture, contient un engagement disant que les négociations commenceront au plus tard à la fin de 1999. Il semble maintenant que les ministres de l'OMC décideront d'entamer ces négociations et établiront le mandat des négociations lors de leur réunion à Seattle du 30 novembre au 3 décembre.

Selon nous, lorsque les ministres entameront les négociations, ils fixeront sans doute un délai qui, d'après ce qu'on dit maintenant, serait de trois ans.

L'accord sur l'agriculture contient un engagement en vue de négocier et, comme John Gero vous l'expliquera plus tard, c'est la même chose pour l'accord sur les services. L'industrie agricole doit aussi noter que, comme votre comité le sait certainement, les négociations pourraient porter sur autre chose encore.

Plus particulièrement, deux accords qui touchent le commerce agricole, soit les mesures sanitaires et phytosanitaires, et les accords sur les obstacles techniques au commerce, ne font pas partie des négociations comme telles, mais ont une influence énorme sur le commerce agricole.

• 0915

Nous avons dit à l'industrie que nous savons qu'il y aura des négociations sur l'agriculture. Nous ne savons pas au juste quels sujets seront visés par les autres négociations, mais il est bien évident que les membres de l'industrie s'inquiètent des autres mesures qui seront négociées et qui ne sont pas directement visées par l'accord sur l'agriculture.

Les objectifs des négociations de 1999 sont prévus dans l'accord sur l'agriculture lui-même. Nous devons négocier pour poursuivre la réforme du commerce agricole international grâce à des réductions progressives et substantielles du soutien et de la protection. Cette négociation vise à libéraliser davantage le commerce. Il est exclu dès le départ qu'on revienne en arrière.

Relativement aux préparatifs pour les négociations, je vais parler de deux volets. Il y a le vote international et le volet interne. À l'échelle internationale, le Comité de l'agriculture de l'OMC a un processus non officiel appelé le processus d'analyse et de communication d'information. Il s'agit essentiellement d'une série de réunions du comité de l'agriculture de l'OMC où les divers pays peuvent proposer ce qu'on appelle à l'OMC des non-documents. La différence entre un non-document et un document, c'est que les deux sont écrits sur papier, mais qu'on ne peut pas considérer le non-document comme étant la position d'un pays particulier.

Les divers pays proposent des non-documents sur des questions qu'ils ont identifiées au moment de l'application des négociations de l'Uruguay comme devant faire l'objet de nouvelles discussions lors de négociations futures. Le processus se poursuit depuis maintenant plus d'un an. On a échangé 45 documents environ et nous commençons à avoir une assez bonne idée de certaines des questions qui devraient faire l'objet de discussions en 1999.

Le processus d'analyse et de communication d'information a été désigné de cette façon non pas parce qu'il doit être un processus de préparation aux négociations, mais simplement pour pouvoir signaler les questions qu'il faudra examiner. On a fait cette distinction parce que certains pays hésitent beaucoup à entamer des négociations sur l'agriculture avant d'y être forcés. Ils ont insisté pour avoir un processus d'examen des faits très neutre et, dans l'ensemble, le processus d'analyse et de communication d'information a satisfait à ce critère. Il a permis d'échanger des opinions sur la situation du commerce agricole sans que les pays soient obligés de prendre position.

Si je ne m'abuse, vous avez discuté mardi du processus utilisé au Conseil général de l'OMC pour formuler les recommandations en vue de la rencontre des ministres à Seattle. L'une de ces recommandations portera sur les négociations agricoles. Comme le processus d'analyse et de communication d'information a soulevé certaines questions, la prochaine étape consistera à s'assurer que ces questions seront incluses dans celles que les ministres chargés de négocier examineront relativement à l'agriculture.

Sur la scène canadienne, les ministres fédéral et provinciaux de l'Agriculture avaient discuté lors de leur réunion annuelle de juillet 1996 de la position que le Canada pourrait adopter aux négociations de 1999. On avait décidé à l'époque qu'il ne servait à rien que le Canada prépare sa position de négociation tellement longtemps d'avance vu que les négociations ne seraient entamées qu'à la fin de 1999. La période comprise entre 1996 et 1999 permettrait à l'industrie canadienne de réfléchir sérieusement aux intérêts du Canada dans le domaine du commerce agricole. Sur quelles questions devrions-nous nous pencher lors de négociations futures?

• 0920

Nous avons donc encouragé les membres de l'industrie à discuter entre eux de la question et à nous en parler. Nous avons essayé de leur fournir le plus d'information possible sur ce qui se passe à Genève et sur les résultats du processus d'analyse et de communication d'information. Nous avons donc encouragé l'industrie à discuter elle-même de tout cela.

La réaction a été très positive. Toute l'industrie agricole et agroalimentaire s'intéresse de très près aux négociations. Diverses conférences ont été organisées pour examiner les intérêts du Canada lors des négociations sur l'agriculture. Le Saskatchewan Wheat Pool et l'Université de la Saskatchewan ont notamment organisé une conférence en octobre 1997. L'UPA et le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation du Québec en ont organisé une autre à Montréal en novembre 1998. Un groupe agricole de l'Alberta en a tenu une à Red Deer en novembre 1998. Une autre conférence organisée par l'industrie de l'agriculture des provinces de l'Atlantique se déroule actuellement dans cette région. Une autre devrait avoir lieu en Colombie-Britannique le 9 mars 1999. Au lieu d'organiser une grande conférence, l'industrie de l'Ontario a tenu une série d'ateliers qui ont permis aux membres de l'industrie de se réunir pour discuter des questions qui les touchent.

Cela a eu d'excellents résultats à notre avis. Je pense que l'industrie canadienne est maintenant beaucoup plus au courant des négociations et de ses propres intérêts que l'industrie de bon nombre d'autres pays. Cela va permettre au Canada de mettre de l'avant une position beaucoup plus réfléchie pour les négociations.

Le gouvernement a aussi longuement discuté de ces questions avec l'industrie. Le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire a tenu des audiences d'information auxquelles on avait invité des groupes de l'industrie à présenter leurs opinions sur les négociations et leurs intérêts dans le système commercial. De son côté, le ministre Vanclief a organisé des rencontres bilatérales avec des groupes de l'industrie pour examiner les intérêts de ceux-ci de façon un peu plus détaillée.

Enfin, le ministère fédéral et les ministères provinciaux vont tenir une conférence fédérale-provinciale de l'industrie ici même à Ottawa du 18 au 20 avril 1999. On compte profiter de cette conférence pour rassembler un vaste éventail de représentants de l'industrie pour leur demander de façon précise quels intérêts nous devrions d'après eux faire valoir au moment des négociations, et quels genres de positions l'industrie voudrait que nous prenions. Les gouvernements fédéral et provinciaux devraient ensuite suivre attentivement les discussions qui en résulteront.

Après la conférence, la prochaine étape devrait être une discussion des ministres fédéral et provinciaux en juillet 1999 sur ce que nous aurons appris lors de la conférence et pendant le processus de consultation. Les ministres fédéral et provinciaux pourront discuter du genre de position que les provinces voudraient voir le gouvernement fédéral adopter.

Enfin, le gouvernement fédéral devra décider quelle sera sa position de négociation préliminaire. Nous croyons que ce sera nécessaire...

• 0925

Le président: Je commence à me faire un peu de souci parce que nous avons prévu deux séances ce matin et que nous n'en sommes pas encore rendus au fond de la discussion. Nous avons entendu ce qui va se passer pendant les étapes préliminaires, mais il n'a pas encore été question de l'essence des négociations. Je vous avertis tout de suite qu'il vous reste cinq minutes pour nous en parler, après quoi nous devrons terminer cette partie de la séance vers 10 h 5 pour passer à la discussion sur les services.

M. Paul Martin: Je m'excuse. Je ne m'étais pas rendu compte que nous avions si peu de temps.

Le président: C'est un fait et certains députés voudraient aussi poser des questions.

M. Paul Martin: Je voudrais mettre en lumière très rapidement les domaines dans lesquels les négociations vont intéresser beaucoup le Canada.

Le soutien intérieur. Essentiellement, au moment des négociations de l'Uruguay, on voulait identifier le soutien intérieur causant une distorsion en vue de le réduire et ensuite identifier celui qui n'en causait pas. Ce qu'on va maintenant examiner au moment des négociations c'est la mesure dans laquelle cela a fonctionné. Avons-nous pu vraiment identifier les mesures de soutien intérieur qui ne causent pas de distorsion commerciale? Dans quelle mesure avons-nous pu réduire le soutien intérieur qui en cause?

Relativement aux subventions à l'exportation, le Canada aurait voulu faire éliminer les subventions à l'exportation au moment de l'Uruguay Round. Nous n'y avons pas réussi. Nous avons pu faire réduire de 36 p. 100 les montants dépensés pour les subventions à l'exportation et de 21 p. 100 les volumes de subvention à l'exportation. Je pense que l'ensemble de l'industrie canadienne reconnaît que nous voudrions voir disparaître les subventions à l'exportation. Il s'agit de savoir comment on peut y parvenir et si cet objectif peut être atteint cette fois-ci. On discutera certainement beaucoup de la définition des subventions à l'exportation et de la nécessité d'empêcher que les crédits à l'exportation et les programmes d'aide alimentaire et de développement des marchés puissent être utilisés pour contourner les règles limitant les subventions à l'exportation.

Enfin, relativement à l'accès au marché, je pense que le facteur clé vient du fait qu'une bonne partie de l'industrie agricole et agroalimentaire du Canada est fortement axée sur les exportations et veut augmenter le plus possible l'accès du Canada aux marchés étrangers. Cependant, certaines industries du secteur agroalimentaire sont très sensibles aux importations. Je sais que l'industrie passe beaucoup de temps à décider quel genre de position le Canada devrait prendre relativement à l'accès au marché. Bien entendu, l'objectif consiste à s'entendre sur une position de négociation crédible et unifiée qui satisfera aux besoins de l'ensemble du secteur agroalimentaire.

Si vous voulez, monsieur le président, je vais m'arrêter là. Pardonnez-moi d'avoir pris autant de temps.

Le président: D'accord. Nous avons noté les autres questions que vous voulez soulever. Peut-être aborderons-nous ces sujets lors des questions.

Nous allons passer directement aux questions. Jusqu'à maintenant, j'ai M. Penson, Mme Beaumier et M. Sauvageau sur ma liste.

M. Charlie Penson: Merci, monsieur le président.

Bonjour, messieurs. Je voudrais dire d'entrée de jeu que le Canada s'est rendu compte, plus que bien d'autres pays, des avantages d'une libéralisation du commerce et de l'investissement. Nous nous en sommes rendu compte et nous en avons en fait beaucoup bénéficié. Toutefois, nous n'avons pas pu réaliser de progrès importants dans un secteur clé.

Comme tout le monde le sait, mais je tiens à le dire publiquement, en 1993, après l'Uruguay Round, le commerce agricole a connu une libéralisation modeste. C'était un début modeste, et les gens s'attendaient à des progrès importants lors de la série de négociations qui va commencer l'année prochaine. Comme je représente une circonscription agricole et comme je viens de l'ouest du Canada, où les producteurs de céréales, d'oléagineux et de boeuf cherchent tous un plus grand accès aux marchés, et comme cet accès est restreint, surtout dans la communauté européenne, je me rends compte que ces restrictions sont très nuisibles. Bien sûr, le gouvernement fédéral et les provinces réagissent en se tournant à nouveau vers les subventions.

À mon avis, nous avons créé des attentes et il nous faut livrer la marchandise.

Monsieur Martin, vous parlez de supprimer les subventions à l'exportation, le soutien intérieur et toutes ces choses, mais le Canada a encore quelques problèmes qui n'ont pas été réglés quant à l'accès de nos concurrents à nos marchés. À mon avis, cela mine notre crédibilité. À la lumière de l'intransigeance dans le secteur... L'agriculture n'est pas seulement un élément indépendant. C'est une industrie très complexe, comme vous le savez sans doute. Il y a beaucoup d'intérêts opposés. Mais dans un secteur, on n'a pas libéralisé le commerce et, par conséquent, ce secteur n'en a pas tiré avantage, et il me semble qu'à un moment donné le Canada aura à décider de sa position pour avoir une certaine crédibilité

• 0930

Cette crédibilité joue non seulement dans le secteur agricole, mais aussi dans toutes nos relations commerciales quand il s'agit d'obtenir un plus grand accès au marché des services ou des réductions des tarifs industriels, ou des changements aux politiques relatives aux achats internationaux. Il nous faut présenter des arguments crédibles, comme le Canada le fait depuis 50 ans. Nous devons continuer dans cette veine et nous devons tirer avantage de toutes les possibilités qui s'offrent à nous dans le domaine de l'agriculture. Il nous faut imposer le bon sens aux règles qui gouvernent le commerce.

Il nous faut avoir une position crédible au commencement des négociations. Comment allez-vous y arriver?

M. Paul Martin: Essentiellement, je suis d'accord avec vous. Il nous faut une certaine crédibilité au début des négociations. D'ailleurs, je pense que tous les intervenants dans le secteur agroalimentaire sont du même avis que vous. Voilà l'élément clé. Les gens de l'industrie savent qu'il nous faut être crédible et qu'il nous faut faire front commun.

L'industrie devra faire preuve d'imagination, et nous aussi, mais les gens de l'industrie se rendent compte de la nécessité de le faire, et ils savent qu'un système commercial mondial efficace, fondé sur des règles, tant dans l'agriculture que dans d'autres secteurs, est profitable au Canada. L'importance d'un tel système est peut-être encore plus grande dans le secteur agricole parce que notre commerce international dans ce domaine dépend énormément des marchés internationaux. Alors, je pense que nous allons élaborer une politique dans ce sens, mais je ne peux pas vous dire exactement ce qu'elle sera.

M. Charlie Penson: D'accord. C'est juste. Toutefois, j'ai participé à quelques réunions du Comité de l'agriculture ainsi qu'à la Conférence de Saskatoon, et j'ai entendu des opinions très différentes sur la position que devra adopter le Canada. Les producteurs de céréales, d'oléagineux et de boeuf—des produits pour lesquels il y a très peu de subventions ou de tarifs—cherchent un plus grand accès aux marchés. Les producteurs qui sont assujettis à la gestion de l'offre ne veulent pas lâcher prise et veulent que les tarifs soient maintenus.

Les intérêts des deux groupes semblent donc polarisés, et à un moment donné, le gouvernement fédéral devra choisir. À mon avis, il doit opter pour une plus grande libéralisation, même si cela veut dire une plus grande libéralisation au Canada, sinon nous manquerons de crédibilité lors de ces négociations.

M. Paul Martin: Est-ce une question?

Le président: Je pense que c'est ce qu'on dit autour de cette table depuis 25 ans, qu'on le disait avant nous et qu'on le dira peut-être encore après nous. Mais c'est effectivement cela le problème.

Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Messieurs Martin et Carrière, bon matin. Je n'oserai pas prétendre être en mesure de vous indiquer quelle position le Canada devrait adopter lors des prochaines négociations. Puisque votre exposé a davantage porté sur le processus de négociation, je m'attarderai à cet aspect.

Au cours des derniers mois, le Comité de l'agriculture a étudié la position que nous devrions prendre en matière d'agriculture lors de nos négociations avec les pays de l'OMC. Vous avez sûrement suivi les délibérations de ce comité qui, j'ai cru comprendre, doit déposer son rapport sous peu. Pourrions-nous nous servir de cette étude afin de ne pas avoir à reprendre à notre tour toute l'étude qui a déjà été faite dans le dossier de l'agriculture? Est-ce que le rapport que déposera le Comité de l'agriculture sur les négociations de l'OMC nous permettra de clore le chapitre, ou du moins la moitié du chapitre? Comment pourrions-nous utiliser ce rapport afin qu'on puisse éviter tout chevauchement d'études et de travaux sur ce même sujet?

Ma deuxième question porte sur les problèmes de perception. L'OMC, l'AMI et les organismes internationaux non gouvernementaux tendent à avoir une très mauvaise réputation et une très mauvaise presse. L'AMI a été un très bon exemple où la communauté internationale a pu tuer, rationnellement ou non, un projet en négociation.

• 0935

Vous dites que des consultations ont été menées avec des groupes, des représentants de l'industrie et ainsi de suite, et je crois que ces consultations se font correctement. Selon vous, de quelle façon peut-on prévenir la menace que représentent les groupes qui s'opposent à toute négociation avec l'OMC?

Comment peut-on rendre compte publiquement des négociations et consultations qui sont en cours? Vous me répondrez probablement qu'on peut consulter un site Internet, mais je dois vous dire que je ne suis pas un expert. Il y a peut-être 7 p. 100 de la population qui connaît cela et qui vous consulte. Je parle de ceux qui chialent tout le temps. Y a-t-il une façon de rendre accessibles au grand public des renseignements au sujet de ces négociations et de ces consultations afin qu'on ne se retrouve pas, dans un an ou vers la fin de 1999, devant un tollé de protestations? Le passé s'avérera peut-être garant de l'avenir à ce niveau-là. Avez-vous un truc de marketing?

[Traduction]

M. Paul Martin: Je pense que l'OMC est moins impopulaire chez les agriculteurs qu'elle l'est dans d'autres secteurs de la société. La réalité, c'est que le Canada exporte des produits agricoles depuis très longtemps, et nous avons dû faire concurrence à l'échelle internationale dans des circonstances extrêmement injustes.

Tous les intervenants du secteur se rendent compte que si nous voulons imposer un certain contrôle aux superpuissances agricoles comme la Communauté européenne et les États-Unis, nous n'allons pas réussir si nous agissons seulement de façon bilatérale; il nous faudra un système international de règles. À mon avis, beaucoup de gens admettent qu'un système international de règles serait très utile pour tous les éléments du système agroalimentaire canadien.

M. Carrière voudrait faire quelques remarques sur le processus en général.

[Français]

M. Claude Carrière (directeur, Direction des droits de douane et de l'accès aux marchés, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Monsieur Sauvageau, votre question touche à des aspects qui débordent le domaine de l'agriculture. Plus tôt cette semaine, le ministre Marchi a signalé son intention, celle du ministère et celle du gouvernement de tirer des leçons de l'expérience de l'AMI. Il entend ainsi commencer plus rapidement à fournir de l'information, à inviter les Canadiens et les Canadiennes ainsi que les groupes intéressés à lui dire quels objectifs ils voudraient que nous poursuivions lors de ces négociations et à les écouter.

Les audiences du comité font partie de cette stratégie. Nous envisageons également la possibilité de tenir des consultations avec des organismes non gouvernementaux, la société civile au sens plus large, plus tard ce printemps.

Par ces différents mécanismes, nous voulons nous assurer que l'information est disponible et que nous pouvons également commencer un dialogue avec les parties intéressées sur ce que devraient être nos objectifs lors des négociations, que ce soit dans l'agriculture ou dans d'autres domaines.

M. Benoît Sauvageau: Comment ce comité-ci devrait-il se servir du rapport que déposera le Comité de l'agriculture? Vous avez sans doute suivi le dossier de l'agriculture et de l'OMC.

M. Claude Carrière: Oui, nous suivons ce qui se passe aux rencontres de ce comité.

M. Benoît Sauvageau: Est-ce qu'ils ont bouclé la boucle de l'étude sur l'agriculture et les négociations avec l'OMC, ou s'ils n'en ont étudié qu'une partie ou un chapitre?

M. Claude Carrière: À ce que je sache, ils n'ont pas complété leurs travaux.

M. Benoît Sauvageau: D'accord.

M. Claude Carrière: À ce que je sache, ils espèrent les compléter bientôt. Ils n'ont pas encore déposé leur rapport. Nous présumons qu'il y aura des discussions entre comités.

M. Benoît Sauvageau: Vous présumez et espérez. Merci.

Le président: Avez-vous terminé, monsieur Sauvageau?

M. Benoît Sauvageau: Oui.

Mme Maud Debien: Est-ce qu'il lui reste du temps?

M. Benoît Sauvageau: Je le partagerais volontiers.

Le président: On vous reviendra, si vous le voulez, après l'intervention de Mme Beaumier. Voulez-vous que j'inscrive votre nom sur la liste, madame Debien?

Mme Maud Debien: Oui.

Le président: Madame Beaumier.

• 0940

[Traduction]

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Merci.

Comme ces questions sont si complexes, je voudrais dire à M. Sauvageau que j'ai appris à naviguer sur Internet...

Le président: Hé.

Mme Colleen Beaumier: Eh bien, je sais plus ou moins naviguer sur Internet, et si j'ai des questions à poser aujourd'hui, c'est grâce à Internet. Si je savais vraiment comment naviguer sur Internet, j'aurais les réponses également.

Le Canada a des problèmes au niveau du soutien intérieur et au niveau de la biotechnologie. Quand je naviguais sur Internet récemment, j'ai remarqué que la Communauté européenne prétend que les analyses canadiennes pour assurer la salubrité des aliments ne sont pas à la hauteur. Nous avons une entente qui stipule que si nous analysons les aliments, l'Europe et quiconque de nos exportateurs—et je pense que c'est en vertu d'une entente multilatérale... Je me demande comment nous pouvons continuer—ce n'est qu'un petit élément—et continuer sans avoir le soutien nécessaire.

Je sais que vous êtes les experts en commerce international et que c'est vous qui négociez les ententes commerciales, et que l'agriculture elle-même n'est qu'un secteur qui fait l'objet de vos négociations, mais comment pouvons-nous régler ces problèmes si nous signons ces ententes mais ne respectons pas nos normes en matière de salubrité des aliments? Comment pouvons-nous affirmer aux Canadiens que nous pouvons conclure une telle entente commerciale avec la certitude que nos produits vont respecter toutes les exigences? Voilà une préoccupation. En outre, s'agit-il d'une subvention à l'exportation? Il y a également la question de recouvrement des coûts, et tout ça est vraiment très compliqué. Je me demande si nous pouvons être sûrs de pouvoir faire concurrence dans ce domaine.

M. Paul Martin: Je vais commencer par la question pour laquelle je connais la réponse. L'accord sur l'agriculture stipule que c'est aux États de veiller à la salubrité des aliments et d'assurer l'inspection des aliments. Ces services sont ce qu'on appelle une subvention verte. Ils ne sont pas considérés comme des mesures qui faussent le commerce. Ce sont des services que fournit l'État au secteur agricole. La question plus fondamentale est de savoir si nous serons capables de fournir un produit de qualité si nous négocions un plus grand accès aux marchés. Je ne me sers pas assez souvent d'Internet pour savoir exactement ce que les Européens ont dit sur notre système d'inspection des aliments.

Mme Colleen Beaumier: D'après eux, les aliments sont analysés de moins en moins depuis 1990.

M. Paul Martin: Je sais que le ministère, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, s'est engagé à mettre en place un système d'inspection qui assurera la salubrité et la haute qualité des aliments au Canada. Je ne veux pas parler au nom de l'agence, mais je pense qu'il nous appartient d'être en mesure de déclarer que nos aliments sont salubres. Je ne parle pas seulement des aliments destinés à l'exportation, parce que je crois que les Canadiens ont les mêmes préoccupations.

Mme Colleen Beaumier: Je sais que c'est une question simple sur un sujet très compliqué.

Le président: Toutefois, vous êtes d'accord avec la substance de la question. Si nous ne respectons pas les normes phytosanitaires, elles deviendront les nouveaux obstacles commerciaux. Nous l'avons déjà vu dans l'affaire de la somatotrophine bovine et dans les autres cas. Donc, nous devons nous assurer que...

M. Paul Martin: Oui, il nous faut veiller à ce que des obstacles sanitaires ou phytosanitaires non justifiés ne bloquent pas nos produits. Nous devons faire très attention à ce problème, non seulement en raison de nos exportations, mais aussi parce que nous consommons ces aliments nous-mêmes. Il faut nous assurer que les produits sur notre marché sont salubres et de bonne qualité. C'est une question qui va bien au-delà des négociations commerciales.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Me permettez- vous une question complémentaire sur le sujet?

Le président: Oui, très brièvement, étant donné que Mme Debien a fait preuve de beaucoup de générosité.

L'hon. Sheila Finestone: Ma collègue est débutante en Internet, mais elle a appris que les Européens mettent en doute la salubrité des aliments produits au Canada, ce qui est à mes yeux une allégation très sérieuse. Est-ce une allégation? Ont-ils des fondements pour cette observation? Pourquoi est-ce que vous n'écoutez pas ce qui est dit sur Internet, et pourquoi est-ce que vous ne réagissez pas immédiatement? Si une telle rumeur sur Internet n'est pas fondée, vous devez la contester. Monsieur Martin, je voudrais savoir pourquoi vous et votre personnel ne suivez pas ce qui est dit sur Internet.

Le président: Je crois que M. Martin n'est pas la personne qui doit répondre à cette question.

Mme Colleen Beaumier: Cette allégation est fondée sur la réduction...

• 0945

Le président: Êtes-vous en mesure de répondre à cette question?

M. Paul Martin: Je vous donne une réponse qui sonnera comme une réponse de bureaucrate, mais l'ACIA surveille probablement les messages sur la salubrité des aliments sur Internet. Dans notre service, nous essayons de suivre les messages sur Internet qui portent sur le commerce international.

L'hon. Sheila Finestone: Mais est-ce que les deux services communiquent entre eux?

M. Paul Martin: En effet, nous communiquons entre nous, et je regrette, mais je n'ai pas vraiment entendu que...

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur le président, avec tout le respect que je dois aux témoins et en toute franchise, je dois dire que si nous nous préparons pour une réunion internationale cette année dans le but de faire avancer les intérêts du Canada—ou tout au moins, les meilleurs intérêts de l'industrie—il est ridicule que les experts en commerce international qui s'occupent des négociations ne soient pas au courant d'un problème qui pourrait bloquer cette démarche, un problème sérieux au niveau national et au niveau international.

M. Charlie Penson: Monsieur le président, si nous entendons faire un débat, je voudrais y participer. Je voudrais m'inscrire.

L'hon. Sheila Finestone: Je parle peut-être comme une députée de l'opposition, mais je trouve que c'est vraiment étrange.

Le président: Oui, vous avez raison, mais je ne crois pas que M. Martin soit en mesure de répondre.

L'hon. Sheila Finestone: C'est lui l'expert.

Le président: Nous savons que les Européens ont fait cette allégation. Nous savons que dans l'affaire de la somatotrophine bovine, ils ont prétendu que notre boeuf était plein de cancer...

M. Charlie Penson: Et ils ont perdu.

Le président: Et ils ont perdu cette cause devant le groupe de l'OMC.

Chaque fois que j'ai eu des rencontres avec des parlementaires européens, j'ai toujours entendu des allégations étranges sur les pièges à mâchoires, le traitement des aliments, et la liste continue.

M. Charlie Penson: Ce sont des barrières non tarifaires. Voilà ce que c'est.

Le président: Ça peut être des barrières non tarifaires quand ce n'est pas légitime. Ce que dit Mme Beaumier, c'est que si c'est légitime, ce n'est pas des barrières non tarifaires et c'est alors très préoccupant pour les consommateurs canadiens.

Je pense que c'est un argument valable et que nous devrons nous pencher sur la question. Je ne crois toutefois pas que nous puissions aller plus loin à ce sujet avec nos témoins de ce matin, surtout que M. Martin reconnaît qu'il n'a pas lu ce qui est publié sur Internet—et c'est une perspective effrayante pour notre comité.

[Français]

Madame Debien, qu'est-ce que vous avez trouvé ce matin sur Internet?

Mme Maud Debien: J'aimerais expliquer un peu à Mme Finestone ce qu'elle trouve épouvantable dans cette situation-là. Selon moi, la Communauté européenne est très protectionniste dans le domaine de l'agriculture et le discours qu'elle tient fait justement partie de ses mesures protectionnistes. C'est une position de négociation. Cela ne veut pas dire que c'est vrai, mais il en a toujours été ainsi. C'est pour eux une façon de défendre leur marché. C'est mon évaluation personnelle de la situation.

Il est fâchant de voir qu'on porte atteinte à la réputation du Canada, mais cela fait tout simplement partie du processus de négociation.

Le président: Puis-je ajouter une petite observation?

Mme Maud Debien: Oui.

Le président: C'est la raison pour laquelle le Canada veut avoir des règles claires et précises...

Mme Maud Debien: Voilà.

Le président: ...et un système de résolution de différends qui nous permettra de tester objectivement ces allégations.

Mme Maud Debien: Exactement.

Le président: C'est là que se trouve le problème. Tout le monde peut dire n'importe quoi. C'est pourquoi il sera utile de mettre en place un système juridique qui nous permettra de tester cela et de gagner ou perdre selon...

Mme Maud Debien: Des critères objectifs.

Le président: ...des critères objectifs et non pas subjectifs.

Mme Maud Debien: Le document que nous a remis M. Martin contient beaucoup de langage technique. Vous y parlez de subventions ouvertes, de subventions bleues, etc. J'aimerais savoir si, dans le document de travail qu'on a préparé à notre intention, on a relevé dans la section de l'agriculture cette terminologie un petit peu technique qui nous est moins familière. Puisque l'agriculture fera l'objet d'un débat assez essentiel lors des séances de négociation, je crois qu'il est important que nous soyons biens informés, sur le plan de la terminologie, de la signification de tous ces mots.

Le président: Je vous invite à répondre.

M. Daniel Dupras (attaché de recherche auprès du comité): Je vais vérifier, madame Debien, si on a déjà accédé à cette demande. Dans le cas contraire, je trouverai une solution.

Mme Maud Debien: D'accord.

Le président: Vous voulez qu'on démystifie un peu tout cela, madame Debien.

Mme Maud Debien: Étant donné qu'on a travaillé très fort là-dessus et que cette question est l'objet principal des discussions de l'OMC, il est important qu'on sache à quoi s'en tenir sur le plan du vocabulaire.

J'aimerais poser une dernière question. On parle des enjeux pour le Canada, du soutien intérieur et des subventions à l'exportation. Je comprends bien en quoi consistent les subventions à l'exportation, mais j'aimerais savoir ce que l'expression «soutien intérieur» veut dire concrètement.

• 0950

M. Paul Martin: C'est toute forme de subvention directe pour les agriculteurs canadiens, y compris les paiements aux producteurs, le soutien des prix,...

Mme Maud Debien: Ah bon.

M. Paul Martin: ...les prix fixés à un niveau supérieur au prix du marché. Ces subventions constituent des transferts qui ont un effet de distorsion sur les marchés. Ces dernières font partie de la catégorie ombrée, tandis que les autres transferts qui n'ont pas cet effet font partie des catégories verte et bleue. Je ne les expliquerai pas de façon détaillée à ce moment-ci parce que c'est un peu compliqué. Enfin, c'est une histoire entre les Européens et les Américains. Lorsqu'on parle de soutien interne, on parle de subventions qui ne sont pas axées vers les exportations.

Mme Maud Debien: D'accord.

Au tout début de votre intervention, vous avez dit qu'il y avait des sujets qui n'étaient pas couverts par l'accord sur l'agriculture. On a ici un certain nombre de sujets; quels sont ceux qui ne sont pas couverts? Est-ce que ces sujets qui ne sont pas couverts par l'accord sur l'agriculture vont le devenir?

M. Paul Martin: L'accord sur l'agriculture vise les subventions à l'exportation, le soutien interne aux agriculteurs et l'accès des produits agricoles aux marchés. Toute question qui tombe en dehors de cela est couverte par d'autres accords du système de l'OMC, mais n'est pas visée directement par...

Mme Maud Debien: Que voulez-vous dire par «toute question qui tombe en dehors de cela»? Donnez-moi un exemple.

M. Paul Martin: Ce sont les mesures sanitaires et phytosanitaires, les obstacles techniques, les règles pour les entreprises commerçantes...

Mme Maud Debien: D'accord, je comprends. Merci.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Vous me l'expliquerez après, n'est-ce pas?

Le président: Monsieur Assadourian, et ensuite M. Penson.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup.

Ma question est de nature générale. Au sujet des politiques commerciales interprovinciales ou des barrières au commerce interprovinciales, dans quelle mesure cela vous complique-t-il la tâche quand vous négociez avec l'OMC ou quand vous vous préparez à des négociations? Comment gérez-vous cet aspect des négociations?

M. Paul Martin: Essentiellement, l'OMC se préoccupe des conditions que le Canada impose aux importations provenant d'autres pays. Quant aux relations qui existent entre les provinces, cela n'est pertinent qu'accessoirement, si une barrière commerciale interprovinciale a pour conséquence d'accorder aux importations un traitement qui déplaît à nos partenaires commerciaux. De façon générale, ce n'est donc pas un sujet dont nous parlons beaucoup durant les négociations commerciales internationales. C'est considéré comme une affaire interne du Canada. Ce qui compte vraiment, c'est la façon dont nous traitons les importations à la frontière.

M. Sarkis Assadourian: Pour donner suite à l'argument qui a été soulevé tout à l'heure, parlons un peu de la santé et de l'inspection des aliments. Je pense que chaque province a des normes différentes pour les inspections en matière de salubrité, des limites différentes, etc. Quand vous imposez un droit de douane, en quoi cela correspond-il aux besoins provinciaux, disons de l'Ontario par rapport à la Nouvelle-Écosse ou à la Colombie- Britannique? N'y a-t-il pas le moindre rapport?

M. Paul Martin: La norme qui s'applique aux produits importés au Canada est la norme fédérale, laquelle est appliquée par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. La norme qui s'applique à tout produit qui passe d'une province à l'autre est la même norme fédérale. Il peut y avoir des cas où des normes différentes s'appliquent dans diverses provinces, mais cela ne serait pas du ressort des autorités fédérales. Cela nous entraîne dans une discussion assez compliquée sur la question de savoir si le traitement provincial pourrait être plus favorable que le traitement applicable à un produit qui se déplace entre des provinces. Cela dépend énormément des détails de la norme précise qui s'applique. Mais pour ce qui est de ce qui se passe à la frontière, on n'y applique qu'une seule norme canadienne nationale.

M. Sarkis Assadourian: Il y a donc une seule norme générale qui s'applique dans l'ensemble du Canada aux produits importés.

M. Paul Martin: Oui.

M. Sarkis Assadourian: Merci.

Le président: C'est votre tour, monsieur Penson.

• 0955

M. Charlie Penson: Monsieur Martin, vous connaissez le groupe de Cairns qui a été actif dans les négociations de l'Uruguay, surtout dans le domaine agricole. Le Canada est membre de ce groupe qui comprend essentiellement des pays qui ont mis en commun leurs efforts en vue d'obtenir une plus grande libéralisation des échanges commerciaux.

Il me semble que nous devons faire des efforts pour y inclure les États-Unis. Cela peut vous sembler étrange, mais le raisonnement est que l'Union européenne a une politique sociale, probablement ancrée depuis très longtemps parce que les Européens ont subi des pénuries de nourriture pendant deux guerres mondiales, et l'année dernière, ils ont subventionné leurs producteurs à hauteur de quelque 60 milliards de dollars.

Aux États-Unis, les subventions ne sont pas aussi importantes, mais il me semble que beaucoup de subventions sont accordées en réaction à la politique sociale de l'Union européenne. Les États- Unis et le Canada ne veulent pas se voir dépouillés de leurs marchés; par conséquent, ils doivent subventionner leurs agriculteurs. Je me demande s'il n'y a pas une bonne raison—en fait, je suppose que ma question est celle-ci: Votre ministère a-t- il eu des entretiens avec le ministère de l'Agriculture des États- Unis pour essayer d'explorer quelques intérêts communs et amener les États-Unis à se joindre au groupe de Cairns pour nous aider à abattre ce qui me semble constituer essentiellement les plus grands obstacles, à savoir les barrières de l'Union européenne.

M. Paul Martin: En fait, le Groupe de Cairns a pris naissance à cause de la guerre commerciale entre les États-Unis et l'Europe. Stratégiquement, je pense que l'intérêt du Groupe de Cairns est de ne pas prendre parti dans cette guerre, d'être la victime innocente, si l'on peut dire, qui en a subi les conséquences. Voilà pourquoi au départ les États-Unis ne font pas partie du Groupe de Cairns.

Il n'en demeure pas moins que les États-Unis ont des intérêts communs avec les pays du Groupe de Cairns, et que ces derniers pays se réunissent très régulièrement en présence de représentants américains afin de discuter de ces intérêts communs. En particulier, on cherche à se débarrasser des subventions aux exportations, objectif que les États-Unis ont annoncé publiquement et qui coïncide très bien avec les objectifs du Groupe de Cairns et, soit dit en passant, avec l'objectif du Canada. Oui, nous explorons activement des moyens de travailler ensemble pour atteindre ce but.

Le président: J'ai deux ou trois questions, après quoi nous passerons à M. Sauvageau.

Vous avez dit, et je crois que vous l'avez très bien dit, que pour avoir une position crédible... En fait, vous essayez d'élaborer une position crédible. Comme M. Penson l'a dit, il faut savoir comment traiter ce qui apparaît, du moins à première vue, comme une extraordinaire incohérence entre d'une part la gestion de l'offre et d'autre part l'impérieux besoin de l'Ouest d'avoir accès à un marché libre, ce qui tend à devenir une discussion régionale au Canada ainsi qu'une discussion entre divers producteurs agricoles. Il est évidemment très important pour nous de tirer cela au clair.

Nous avons bien sûr eu la même discussion durant l'Uruguay Round. Si je me rappelle bien, nous avions eu la même discussion dans ce qui était à l'origine le Nixon Round pour devenir ensuite—je ne me rappelle plus—le Tokyo Round. Cette discussion n'est donc pas exactement nouvelle.

Avez-vous quelque espoir qu'entre aujourd'hui et novembre prochain, vous serez en mesure de réaliser une percée importante et de trouver une solution nouvelle, novatrice et meilleure à ce problème dans nos négociations, ou bien allons-nous les aborder en défendant la même position que nous avons toujours défendue? C'est ma première question.

La question suivante, puisque nous nous intéressons aux États-Unis, porte sur les domaines où les Américains ont fermé leur marché, par exemple pour le sucre, secteur où ils sont tout aussi protectionnistes que n'importe qui d'autre dans le monde. Avez-vous une liste à soumettre au comité? Comme on entend toujours parler des grands défenseurs du libre-échange et qu'ils évitent toujours de parler des secteurs où ils se protègent, pourriez-vous nous donner une liste des marchés américains qui sont protégés? Je sais que le sucre est un cas notoire et je crois savoir que les arachides le sont également, non pas que les arachides nous intéressent tellement au Canada, mais il y a chez eux quelques vaches sacrées qu'il pourrait nous être utile de connaître davantage au comité.

Le troisième point est celui-ci. Nous avons entendu l'autre jour quelque chose d'assez troublant, à savoir que nous avons beau nous en prendre aux subventions, les pays en développement, dont certains sont fortement dépendants en matière de nourriture et d'importation, veulent que le système des subventions reste en place, parce que cela veut dire que les consommateurs des pays riches, d'Europe et d'ailleurs, subventionnent leur consommation d'aliments. Ils ont exprimé des préoccupations peut-être très légitimes au sujet de la fin du système des subventions et comme ces pays comprennent la grande majorité des pays de l'OMC, cela pourrait être un problème pour nous si nous nous y attaquons. J'ignore si c'est bien réel, mais la question a été soulevée.

Je voudrais entendre vos commentaires sur ces trois questions.

• 1000

M. Paul Martin: Pour ce qui est de la position de négociation, la situation est la suivante: à la fin des négociations de l'Uruguay, nous nous sommes retrouvés à convertir les barrières non tarifaires partout dans le monde en équivalents tarifaires et on a appliqué des contingents tarifaires aux produits pour lesquels on a décrété des équivalents tarifaires.

Le président: À la fin de l'article 11, le fameux article 11.

M. Paul Martin: À la fin de l'article 11, mais aussi la fin du prélèvement variable dans la Communauté européenne et la fin de l'article 22, le contrôle des importations aux États-Unis.

L'aboutissement de tout cela est que nos exportateurs sont confrontés à des contingents tarifaires dans un certain nombre de débouchés d'exportation et aussi à des tarifs applicables aux surcontingents. Je pense qu'il est très probable que nous dégagerons un accord dans l'industrie canadienne pour dire que la libéralisation, l'élargissement et une plus grande transparence des contingents tarifaires déboucheront sur un meilleur accès aux marchés pour les exportateurs et c'est quelque chose que nos importateurs sont disposés à envisager.

Le président: Les contingents tarifaires, c'est ce qu'on appelle en anglais les TRQ?

M. Paul Martin: Oui, c'est bien cela.

Maintenant, je ne suis évidemment pas en mesure de dire que telle sera notre position, mais je peux entrevoir que des discussions de ce genre sont en cours parmi les importateurs et les exportateurs. Bref, il est possible que l'on s'entende sur des intérêts communs, même sur la question de l'accès aux marchés, dans le secteur canadien de l'agroalimentaire.

Je voudrais ajouter que ce n'est pas exactement une question régionale. Il y a des industries dans l'est du Canada, en particulier pour le porc et les viandes rouges, qui s'intéressent aux marchés d'exportation et qui sont visées par les barrières commerciales étrangères.

Pour ce qui est du protectionnisme américain, nous pouvons vous remettre une liste des produits pour lesquels les États-Unis imposent des tarifs élevés et des contingents tarifaires. Je pense que cela répondrait à la question. Ce serait facile à faire.

Quant aux relations entre les subventions et...

Le président: Pourriez-vous nous indiquer aussi les subventions au niveau des États, parce que ce sont les États... Je ne sais trop, vous devriez avoir tout cela. Je suis sûr que nos attachés de recherche pourraient probablement l'obtenir.

M. Charlie Penson: En fait, ils m'ont dit l'avoir.

M. Paul Martin: Je sais que le Comité de l'agriculture a demandé des renseignements sur les subventions au niveau des États. Je vais voir ce qu'on a trouvé à son intention.

Le président: Oui. Si vous le pouviez, nous voudrions avoir les mêmes renseignements que le Comité de l'agriculture.

M. Paul Martin: D'accord.

Le président: Nous voulons l'égalité ici.

M. Paul Martin: Maintenant, pour ce qui est des subventions avantageuses pour les pays en développement qui importent de la nourriture, je suppose qu'il y a deux tendances. Certains pays en développement constatent que la baisse des cours internationaux est à leur avantage, parce qu'ils importent une grande partie de leur nourriture, et ils s'inquiètent de ce qui pourrait se passer si les cours mondiaux remontaient, ce qui serait le cas si les subventions à l'exportation étaient éliminées. Par contre, je dirais qu'il y a un groupe beaucoup plus important de pays en développement qui sont des producteurs agricoles, que ce soit pour assurer leur propre alimentation ou pour l'exportation.

Essentiellement, la question que vous posez est de savoir si un pays en développement est en meilleure posture si ses agriculteurs affrontent des concurrents fortement subventionnés par les riches contribuables d'Europe et d'Amérique du Nord, ou bien si c'est préférable pour eux que les prix soient plus élevés et que leurs agriculteurs réagissent en conséquence?

Le président: Ils doivent faire des compromis dans leur système.

M. Paul Martin: Dans l'ensemble, le jugement que l'on porte, en tout cas parmi les pays membres du Groupe de Cairns, dont 12 pays sur 15 sont des pays en développement, c'est qu'il serait préférable pour eux que les subventions disparaissent et qu'ils s'adaptent à la situation et au marché mondial.

Le président: Merci, voilà qui est utile.

[Français]

Monsieur Sauvageau, est-ce que votre question est assez brève? On devrait passer à la question des services.

M. Benoît Sauvageau: J'ai cru entendre dire qu'on avait déposé une plainte contre le Canada concernant la production laitière. Est-ce vrai?

M. Paul Martin: Oui, c'est vrai.

• 1005

M. Benoît Sauvageau: Qui l'a déposée et quel processus a-t-on utilisé?

M. Paul Martin: Ce sont les États-Unis et la Nouvelle-Zélande.

M. Benoît Sauvageau: Est-ce récent?

M. Paul Martin: La plainte a été déposée en mars 1998.

M. Benoît Sauvageau: D'accord.

M. Paul Martin: On a porté plainte devant le groupe spécial de l'OMC qui a remis son rapport intérimaire aux parties en litige afin d'obtenir leurs commentaires. Nous en sommes à cette étape-là et nous préparons actuellement notre réponse en collaboration avec les provinces et l'industrie laitière. Si on réussit à respecter l'échéancier prévu, le rapport final du groupe spécial devrait être complété le 9 avril.

M. Benoît Sauvageau: Quel était l'objet de cette plainte?

M. Paul Martin: On accusait les producteurs de lait canadiens de vendre leur lait à des prix différents en fonction du marché où serait vendu le produit final. Par exemple, on vendrait le lait moins cher s'il servait à la fabrication du fromage destiné à l'exportation que s'il était destiné au marché canadien. Les États-Unis et la Nouvelle-Zélande soutiennent que cela équivaut à une subvention à l'exportation. C'était là l'objet du litige.

[Traduction]

M. Charlie Penson: La décision préliminaire a été rendue?

M. Paul Martin: Non, la décision préliminaire n'a pas encore été rendue. La décision préliminaire a été...

M. Charlie Penson: Elle a fait l'objet d'une fuite.

M. Paul Martin: ...soumise aux parties qui ont été invitées à faire part de leurs commentaires avant qu'une décision définitive ne soit rendue.

Le président: Bon. Ce n'est donc pas officiel avant la décision définitive, que vous prévoyez en avril.

M. Paul Martin: Il n'y a pas de décision tant que la décision définitive n'est pas rendue.

Le président: Mais c'est le problème dont nous ont parlé les fabricants de pizzas, je crois. Ils disent que le fromage est vendu aux États-Unis, ajouté aux pizzas et revient ici pour nous faire concurrence, ou à peu près cela.

Merci beaucoup, monsieur Martin et monsieur Carrière. Vos exposés nous ont été très utiles.

Monsieur Gero, parlons des services.

Une voix: Je veux une transplantation du cerveau.

Le président: Avançons. Il nous reste environ 50 minutes et le sujet des services est compliqué. M. Gero est là, donc continuons.

Monsieur Gero.

M. John Gero (directeur général, Politique commerciale II, Services, Investissement et propriété intellectuelle, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, honorables membres. J'aimerais tout d'abord vous présenter mes collègues, M. Rob Ready, directeur, Politique des investissements et des services internationaux à Industrie Canada, et M. Gilles Gauthier, chef par intérim, Commerce des services et investissement, au ministère des Finances.

Je suis heureux d'être ici parmi vous aujourd'hui. Je vous entretiendrai du commerce des services, ainsi que des négociations qui commenceront à l'Organisation mondiale du commerce l'an prochain et qui sont déjà en cours dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA).

Nous distribuons deux documents d'information en prévision de cette réunion. Malheureusement, nous avons besoin d'améliorer notre capacité de communiquer avec vous. Nous les avons envoyés par courrier électronique au comité hier pour que vous puissiez les lire avant de vous coucher hier soir. Malheureusement, je ne comprends pas pourquoi vous ne les avez pas reçus. Nous essaierons de faire mieux la prochaine fois.

• 1010

Le premier de ces documents qui se veut une introduction à l'AGCS donne un bref aperçu de l'Accord général sur le commerce des services, qui est une composante importante de l'Accord de l'Uruguay Round.

Le second est un très bref document de fond qui traite d'une foule de sujets de portée générale et restreinte. Je crois que vous les trouverez tous ensemble, en anglais et en français.

N'ayant pas l'intention de reprendre dans mon allocution ici tous les points abordés dans ces documents, je me bornerai plutôt à rappeler quelques-uns des principaux sujets.

Le président: M. Gero a dit que le deuxième document n'a été prêt que ce matin. Il n'est pas encore arrivé, mais nous l'aurons sous peu.

M. John Gero: Vous ne l'avez pas encore?

Le président: Ça vient.

M. John Gero: Je croyais que vous l'aviez déjà reçu. Et le discours est le troisième document. Donc c'est vrai, il y a aussi un troisième document. Je suis désolé.

L'hon. Sheila Finestone: Il s'agit de votre discours, mais où se trouve le troisième document?

M. John Gero: Le troisième se trouve en arrière de l'introduction à l'AGCS, en français et en anglais, et joint à cela vous avez le document de fond.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.

Le président: Donc, cela nous donnera la définition de film, c'est-à-dire s'il s'agit d'un bien ou d'un service, n'est-ce pas?

M. John Gero: Oui, c'est certainement une des questions.

Le président: J'ai dit que cela nous donnera la définition; cela nous donnera la réponse.

M. John Gero: Non, ce document va vous donner des questions auxquelles vous devez répondre pour que vous répondiez aux questions pour nous.

Le président: Eh bien, je vous dis que cela va vous causer des problèmes parce que Mme Beaumier est maintenant sur Internet et nous savons qu'il s'agit d'un service.

Mme Colleen Beaumier: C'est vrai.

M. John Gero: Une partie est un service.

Cet échange de vues marque le début des consultations entreprises par le gouvernement pour l'aider à élaborer la position du Canada en prévision des prochaines négociations sur le commerce des services. Comme le ministre Marchi l'a mentionné lorsqu'il vous a rencontrés au début de la semaine, le processus de consultation est essentiel à l'élaboration de la position canadienne. J'aimerais vous expliquer pourquoi ces négociations sont importantes et pourquoi elles pourraient être profitables pour les Canadiens. J'attends avec intérêt votre rapport définitif, qui facilitera notre examen des sujets sur lesquels porteront les négociations.

Le secteur des services constitue l'aspect du commerce mondial qui prend le plus rapidement de l'expansion. En 1997, le commerce mondial des services commerciaux, d'après la balance des paiements, représentait environ un cinquième des exportations mondiales de biens et de services, se chiffrant à plus de un billion de dollars américains. Les exportations canadiennes dans ce marché en 1997 étaient d'environ 40 milliards de dollars canadiens. Les exportations canadiennes de services commerciaux en particulier sont en croissance, ayant augmenté en moyenne de 10 p. 100 annuellement de 1992 à 1997. Les exportations canadiennes de services non commerciaux, tels les services de transport, de voyage et les services gouvernementaux, ont connu une croissance annuelle de 9 p. 100 durant la même période. Comme vous voyez, il s'agit d'importants moteurs de croissance économique. Au Canada, le secteur des services a contribué à la création de 90 p. 100 des nouveaux emplois au pays et il représente plus de 72 p. 100 du nombre total d'emplois canadiens.

Bien que les États-Unis constituent le principal marché pour les services canadiens, comme ils le sont pour les marchandises, les exportations de services canadiens sont plus diversifiées que les exportations de biens. En 1996, le Brésil, la Suède, Taïwan, le Mexique, le Moyen-Orient et les pays de l'ASEAN collectivement, ont été pour le Canada les marchés pour l'exportation des services qui se sont développés le plus rapidement.

De nombreuses sociétés de services canadiennes exportent activement. Pour continuer de développer leurs activités d'exportation, ces entreprises doivent avoir la certitude additionnelle qui découle de l'élaboration de règles internationales visant le commerce des services. Une telle certitude est particulièrement importante puisque, à la différence des obstacles aux échanges de marchandises, les obstacles qui entravent le commerce des services prennent rarement la forme de droits de douane et d'autres mesures prises aux frontières. Les droits de douane, par exemple, bien qu'ils fassent obstacle à l'exportation de marchandises, sont relativement transparents et les entreprises canadiennes peuvent tenir compte des frais additionnels qu'ils représentent dans leurs décisions en matière d'exportation.

• 1015

Les obstacles au commerce des services sont souvent beaucoup moins évidents. Par exemple, un pays peut dresser des barrières pour empêcher un fournisseur de services étranger de pénétrer un de ses marchés; ou, s'il a réussi à s'implanter dans un marché, le fournisseur peut se heurter à d'autres types de barrières. Les facteurs qui restreignent la capacité d'une entreprise étrangère de fournir des services à l'étranger sont, par exemple, certaines contraintes pouvant gêner sa capacité de s'établir dans un pays étranger; des règlements flous, qui changent sans préavis ou sont appliqués inégalement; ou encore, des exigences d'entrée qui limitent l'accès du marché aux prestataires individuels de services.

Avant l'entrée en vigueur récente de l'ALENA et de l'Accord général sur le commerce des services de l'OMC, il n'y avait pas de règles internationales visant l'ensemble du secteur des services. L'absence de telles règles a limité le potentiel de développement du commerce international des services. Parce qu'il est un pays commerçant, le Canada souhaite l'établissement de conditions libres et sûres pour le commerce des services à l'échelle internationale. L'élaboration et l'application de règles qui ouvriraient et amélioreraient l'accès des prestataires canadiens aux marchés étrangers figurent depuis bon nombre d'années parmi nos objectifs en matière de politique commerciale.

Les négociations sur les services, auxquelles participeront plus de 130 membres de l'OMC et 34 membres de la ZLEA, auront des incidences sur un large éventail de secteurs de services.

[Français]

Les pays membres de l'AGCS ont pris des engagements en vue de libéraliser l'accès à leurs marchés, cela en énumérant les secteurs dans lesquels ils ont pris des engagements. Par conséquent, il y a toujours la possibilité de chercher à obtenir des engagements supplémentaires de la part de nos partenaires commerciaux.

Si nous voulons renforcer le pouvoir de négociation du Canada, nous avons besoin de votre aide pour définir les intérêts propres aux prestataires de services canadiens sur les marchés étrangers. L'expérience acquise par les entreprises de services canadiennes qui exportent vers ces marchés est essentielle. Nous devons savoir, par exemple, quels marchés étrangers intéressent les industries de services canadiennes, comment ces industries réalisent en général des affaires sur ces marchés, à quels obstacles les entreprises de services canadiennes se sont heurtées et sous quelle forme se présentent ces obstacles.

En nous penchant sur les obstacles à la pénétration de nos services sur les marchés d'exportation, nous devrons aussi nous familiariser avec les éléments du régime canadien de services qui seront probablement visés par des demandes d'assouplissement venant de prestataires de services étrangers désireux d'élargir leur accès au marché canadien. Quels sont les aspects délicats de notre propre réglementation qui doivent être maintenus en place?

[Traduction]

Étant donné la nature du commerce des services, les règlements nationaux jouent un rôle important pour ce qui est d'accroître ou de limiter la capacité des entreprises de services étrangères d'offrir leurs services sur un marché d'exportation. Un grand nombre des obstacles à ce commerce concernent les exigences et les procédures de qualification, les normes techniques et les accords de cession de licence. Ces mesures peuvent restreindre l'accès aux marchés de bien des façons, non seulement dans la mesure où elles sont appliquées différemment selon qu'il s'agit d'une entreprise étrangère ou d'une entreprise nationale, mais également si leur application n'est pas transparente. Même si les règlements et les normes sont souvent mis en place pour des raisons spécifiquement nationales, il importe de s'assurer que ces exigences sont fondées sur des critères objectifs et transparents, et qu'elles ne nuisent pas inutilement à l'atteinte des objectifs réglementaires.

Dans un grand nombre de marchés, ces normes et règlements sont élaborés et appliqués par des ministères ou par des paliers de gouvernement et des organes de réglementation distincts de ceux qui s'occupent directement des échanges internationaux. Étant donné le partage des responsabilités prévu par la Constitution canadienne, nos politiques—fédérales et provinciales—peuvent faire obstacle aux prestataires de services étrangers.

• 1020

Nous devrons savoir quelles sont les principales mesures réglementaires qui influent sur l'exportation de services canadiens. Certaines de ces réglementations sont-elles particulièrement déterminantes ou contraignantes? En quoi ces mesures nuisent-elles aux activités des fournisseurs de services canadiens?

Ici au Canada, nous devons nous demander s'il est possible de mieux réglementer les services afin de réduire au minimum les effets de distorsion du commerce sans toutefois gêner la réalisation des objectifs sous-jacents de la réglementation. Y a-t- il des secteurs du marché canadien pour lesquels des entreprises étrangères auraient intérêt à réclamer l'assouplissement de certaines lois ou de certains règlements canadiens ou d'autres mesures facilitant l'accès des prestataires de services étrangers aux marchés? Existe-t-il des secteurs où un accès accru des fournisseurs étrangers aux marchés n'aurait pas trop d'impact sur les entreprises canadiennes?

Il existe, bien sûr, plusieurs moyens d'assurer la prestation de services par la poste, par courrier électronique ou encore par transport frontalier—quoique parfois le courrier électronique ne fonctionne pas vraiment, mais nous travaillons là-dessus. Le consommateur peut également franchir la frontière d'un pays pour utiliser un service, par exemple, des touristes ou des étudiants séjournant à l'étranger. Un prestataire de services peut s'établir dans un autre pays pour approvisionner ce marché étranger. Il s'agit d'une présence commerciale. Enfin, une personne agissant pour son propre compte ou pour celui d'un prestataire de services peut se rendre à l'étranger et y assurer le service demandé. Il s'agit de la présence de personnes physiques. Tous ces facteurs sont importants dans le contexte du commerce des services.

Nous devons savoir quels sont les moyens les plus courants ou les plus efficaces d'assurer la prestation du service demandé—la présence commerciale à l'étranger, les moyens électroniques, le déplacement d'effectifs, etc. Ces moyens pourraient-ils changer pour des secteurs de services spécifiques? Quelle importance les entreprises de services canadiennes de ces secteurs accordent-elles à la liberté de choisir leur mode de prestation de services?

En passant, il s'agit un peu du commerce électronique. En fait, cette question du commerce électronique touche vraiment aux questions de définition qui ont été soulevées par le président. Entre autres, la distinction entre la consommation à l'étranger et la prestation d'un service transfrontalier devient un peu floue. Si je me sers d'Internet et d'un fournisseur de services aux États- Unis, et qu'on m'envoie le service en question par Internet, est-ce que je suis en train d'aller à l'étranger pour consommer ces services, ou le service est-il fourni aux Canadiens? Il y a des questions très importantes qui doivent être éclaircies.

Par exemple, supposons qu'une banque met sur pied une page Web aux États-Unis et offre des prêts aux Canadiens. Je me sers de ces services aux États-Unis ou je dépose l'argent dans cette banque à partir du Canada. Est-ce que la banque agit de façon légale, ou est-elle en train de fournir un service sans répondre aux critères de réglementation exigés en vertu de la réglementation portant sur les banques canadiennes? Il s'agit de questions très compliquées sur lesquelles nous devrons nous pencher.

Si, en général, la circulation des personnes physiques joue un grand rôle pour les entreprises de services canadiennes, quels membres de leur personnel doivent se rendre à l'étranger, les cadres ou les surveillants? Y a-t-il, à votre avis, des étrangers qui souhaiteraient changer les contraintes imposées au Canada à cet égard?

[Français]

À l'occasion des prochaines négociations de l'OMC sur les services, on se demandera s'il y a lieu d'établir des règles pour régir l'octroi de subventions aux prestataires de services nationaux et pour la création de mécanismes de sauvegarde. Il s'agit de questions techniques et complexes dans le cadre du commerce des services. De plus, bien que certains mécanismes aient été élaborés dans le cadre du commerce des biens, aucun n'existe encore pour le commerce des services. Il faudra comprendre les préoccupations des Canadiens à cet égard.

[Traduction]

J'aimerais pour finir parler d'un autre problème. Les statistiques commerciales sont généralement moins précises dans le domaine des services que dans celui des produits. La base de données sur les services canadiens est assez efficace, mais exige du travail. En outre, il est difficile d'établir l'existence de débouchés en s'appuyant sur des statistiques. Dans quelle mesure est-il important, pour les fournisseurs de services canadiens, d'avoir accès aux données sur le commerce des services? Comment ces données sont-elles utilisées par les entreprises des services canadiennes? Et surtout, comment pouvons-nous mieux comprendre nos vrais intérêts si les données statistiques sont limitées?

• 1025

Monsieur le président, j'ai essayé de stimuler votre intérêt pour les discussions à venir avec les Canadiens au sujet des services. Plusieurs sujets devront être abordés et débattus. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions. Merci.

Le président: Merci, monsieur Gero. Votre exposé nous a été très utile.

J'aimerais revenir au dernier point que vous avez soulevé, celui des statistiques sur le commerce des services. J'ai l'impression qu'on en a entendu beaucoup parler au cours des dernières années dans ce comité. En fait, pour les raisons mêmes que vous avez soulevées, nous n'avons qu'une petite idée, statistiquement parlant, de la valeur des services. Si un avocat de Toronto appelle Chicago pour dispenser un service, il envoie ensuite la facture à la filiale américaine basée à Toronto. L'avocat a donc, en quelque sorte, exporté un service, mais dans un autre sens, il n'en est rien. Il est impossible de mesurer statistiquement les millions de transactions de ce genre qui se produisent quotidiennement dans un marché aussi intégré que celui du Canada et des États-Unis. Croyez-vous que ces chiffres sont exacts?

L'hon. Sheila Finestone: Pourquoi voudriez-vous calculer la valeur des services?

Le président: Car cela mènerait à...

L'hon. Sheila Finestone: En fait, Bill, cela revient à décider jusqu'où on veut être régi par des règlements ou par d'autres procédures.

Le président: Non, je ne veux pas que ma vie soit régie par des règlements. Mais s'il appert que le Canada est un gros exportateur de services, nous voulons savoir ce que nous exportons.

Certains diront que si un Américain visite Ottawa, couche dans un hôtel et dépense 2 000 $, nous avons exporté un service parce que nous avons gagné des devises étrangères. Si nous ne définissons pas ces choses, nous ne négocierons pas en toute connaissance de cause. Nous allons essayer de négocier des règles pour le commerce des services, mais nous ne savons pas encore ce que sont, précisément, ces services, ni leur valeur.

Vous avez dit au début de votre exposé que la valeur des services que nous exportons s'élève à 40 milliards de dollars. D'après vous, est-ce que ce chiffre est réaliste?

M. John Gero: C'est une bonne question; permettez-moi de vous expliquer certaines choses.

Ce chiffre sous-estime probablement la vraie valeur des services exportés. Mais nous devons garder à l'esprit trois choses. D'abord, la définition de chacun des secteurs de service. Comment les définir? On peut définir un machin, on peut en tirer des statistiques, on sait de quoi il s'agit. Mais il est un peu plus difficile de définir ce qu'est un service. Même lorsqu'on parle de services de télécommunication, par exemple, on pense à des échanges entre des compagnies de téléphone. Mais qu'en est-il si le service téléphonique est fourni par un fournisseur de service Internet sur Internet? Cela constitue-t-il également un service téléphonique? Plusieurs questions se posent donc au niveau des définitions.

Ensuite, évidemment, il y a la question de savoir si on peut compter la chose en question. Si on expédie un machin outre- frontières, on remplit une déclaration de douane. Les douaniers peuvent en vérifier la véracité. Si c'est nécessaire, ils peuvent même compter tous les camions chargés de ces machins afin d'en déterminer la quantité. Mais comme vous l'avez si bien dit, il est beaucoup plus difficile d'en faire autant dans le domaine des services. Un avocat fournit un service par téléphone à quelqu'un aux États-Unis et lui envoie la facture. Il est beaucoup plus difficile de compter un tel service. On fait donc appel à des sondages. Mais les sondages ne sont aussi fiables que les gens qui les remplissent. Voilà donc le deuxième problème.

Finalement, pour répondre à la question de savoir pourquoi il est important de mesurer ces activités, c'est parce que nous devons en connaître l'impact. Dans un contexte de négociations, si je décide de réduire le tarif sur un produit, le faisant passer de 10 p. 100 à 8 p. 100, il m'est relativement facile de savoir ce que je perds et ce que je peux m'attendre de gagner en contrepartie. Mais il est beaucoup plus difficile de faire la même chose lorsqu'il s'agit d'un service, si je n'ai pas de statistiques fiables sur son impact. Voilà pourquoi c'est extrêmement important.

Bien sûr, je ne sais pas jusqu'où vous voulez étudier la question. Mais nous avons de la chance d'avoir recours à Statistique Canada, qui est un des chefs de file au monde en ce qui a trait à la collecte des statistiques. Si vous êtes intéressés à en savoir davantage sur les difficultés reliées à la collecte des statistiques sur les services, je suis certain que des fonctionnaires de Statistique Canada pourraient vous rencontrer.

Le président: Ce serait peut-être une bonne idée, puisque les statistiques ne tardent jamais à devenir très politiques. Lorsque nous négocions avec nos collègues américains, ils nous disent constamment que notre balance commerciale avec eux est excédentaire. Mais ce n'est pas le cas de la balance du compte courant. D'après mon expérience avec les Américains, ils ont toujours de mauvaises statistiques à leur disposition. Ils diront que le mois passé, le Canada a vendu pour 1 milliard de dollars de plus qu'il a acheté, mais trois mois plus tard ce chiffre n'aura plus de sens à la lumière de nouvelles statistiques produites par les Américains.

• 1030

Donc, à mon avis, les statistiques sont importantes non seulement parce qu'elles aident les négociateurs à établir les règles, mais aussi à cause de leur dimension politique. On n'arrête pas de pointer du doigt les perdants et les gagnants dans l'arène commerciale. Si nous ignorons les vrais chiffres, nous ne saurons pas si nous sommes gagnants ou perdants, ou si nous aidons nos citoyens.

Je crois donc que c'est une question très importante, mais je ne m'attends pas à une réponse de votre part, car je sais que d'autres pays que nous avons visités sont aux prises avec le même problème.

Prenez les architectes, par exemple. L'autre jour, j'ai parlé à un architecte. Les membres de sa profession n'expédient plus leurs plans sur papier d'une juridiction à une autre. Ils les envoient par voie électronique. Vous avez parlé du Moyen-Orient. Comment deviner le nombre d'architectes à Toronto qui, en pesant sur une touche de leur clavier, transmettent leurs plans pour un aéroport au Moyen-Orient? Vous ignorez s'il s'agit d'une transaction d'un demi-milliard de dollars ou d'un autre montant, à moins que vous ayez effectué un sondage, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure. Est-ce exact?

M. John Gero: On peut trouver l'information de plusieurs façons. Certes, on peut faire des sondages. Je sais que mes amis au ministère des Finances peuvent dénicher ces renseignements en se basant sur les paiements que l'architecte a reçus pour son travail.

Le président: L'information contenue dans la vérification fiscale se retrouve-t-elle dans les statistiques...

M. John Gero: Pas nécessairement les renseignements obtenus par voie de vérification fiscale, mais les revenus font partie des données macro-économiques qu'on utilise pour calculer la balance des paiements ainsi que d'autres données. Il est plus facile de calculer les chiffres macro-économiques, comme la balance des paiements et tout ce que cela engendre. Malheureusement, au niveau commercial, il nous faut les données micro-économiques pour négocier à partir des faits. C'est là que ça devient plus important.

Le président: Merci. Cela nous est utile.

M. John Gero: J'aimerais que vous sachiez que nous y travaillons. Il existe au pays une panoplie de groupes de travail qui réunissent des fonctionnaires de Statistique Canada et des représentants d'industries dont le but est de clarifier les statistiques sur les services. Toutes les organisations internationales, comme l'OCDE, les Nations Unies et l'OMC, étudient les statistiques du commerce des services, mais il faut se rappeler que les données sont limitées.

Le président: Merci.

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Merci, monsieur le président. C'est un secteur intéressant, car il représente, d'après moi, un potentiel énorme de croissance pour le Canada, comme l'a déjà indiqué le groupe de travail. Les Canadiens ont beaucoup de compétences dans plusieurs domaines et peuvent exporter leurs services là où il s'en fait la demande. Mais il faut se demander quels secteurs de l'industrie des services ont éprouvé des difficultés? Quels sont ces secteurs, et quelles sont les difficultés? Le comité pourrait nous aider à trouver les réponses à ces questions en invitant les représentants de ces secteurs à venir témoigner devant le comité. D'après ce que je sais, il est très difficile d'obtenir des données dans le domaine du génie.

Le président: SNC Lavalin, par exemple?

M. Charlie Penson: Je sais qu'en général le secteur du génie a des problèmes. Il serait donc utile que le ministère puisse nous dire précisément quels secteurs devraient venir devant le comité.

L'autre domaine dont vous avez déjà parlé, mais qui nous cause beaucoup d'ennuis, est le problème qui existe chez nous: les barrières interprovinciales. Au cours des discussions sur l'union sociale il n'y a pas longtemps, on a obtenu des compromis en ce qui a trait à la mobilité, aux soins de santé et à la main-d'oeuvre—il était temps. Mais il nous reste beaucoup de chemin à faire. En fait, lorsque le comité a étudié les petites et moyennes entreprises il y a quelques années, celles-ci s'étaient plaintes du fait qu'il leur était difficile, en raison, justement, des barrières interprovinciales, de bien s'établir au Canada en vue de se lancer sur la scène commerciale internationale.

Voici un exemple de ma circonscription de Peace River. Il s'agit d'une histoire absurde: un de mes commettants, qui travaille pour le gouvernement de l'Alberta, est un excellent historien amateur. Il est l'auteur de plusieurs livres sur l'explorateur Mackenzie qui a atteint le Pacifique en passant par ma région. Il décida un bon jour de faire visiter à un groupe d'aînés la région de Peace River qui chevauche l'Alberta et la Colombie-Britannique. Il a donc loué une fourgonnette en Alberta et s'est mis en route vers la Colombie-Britannique avec 10 personnes à bord. Il s'arrêta à la frontière à cause du règlement voulant que tous les camions et fourgonnettes passent par la station d'inspection des véhicules. Là, on lui a dit qu'il n'avait pas le droit de se rendre en Colombie-Britannique car il n'avait pas obtenu de permis.

L'hon. Sheila Finestone: Pardon, de quelle frontière parlez- vous?

M. Charlie Penson: Il a parlé pendant plus d'une heure aux inspecteurs. Ceux-ci lui ont finalement donné la permission de passer, mais à condition qu'il se rende seulement à Dawson Creek, à 20 milles de la frontière, puis qu'il revienne.

• 1035

Voilà le genre de situations auxquelles font face nos citoyens. C'est complètement absurde. Si nous ne pouvons pas régler ce genre de problèmes chez nous, comment voulez-vous qu'on traite des situations internationales?

Le président: Essayez de passer la frontière avec une caisse de whisky—vous ferez l'expérience des vérifications à la frontière.

Mme Colleen Beaumier: Parlez-vous de la frontière provinciale?

Le président: C'est vrai. Il est contre la loi de le faire. À titre d'individu, vous n'avez pas le droit de transporter une caisse de whisky d'une province à l'autre du Canada. Soit dit en passant, c'est une loi fédérale qui l'interdit. Si nous voulons donc régler le problème, il faudra commencer chez nous.

L'hon. Sheila Finestone: Excusez-moi, mais qui va arrêter votre voiture?

Le président: Ne croyez-vous pas qu'ils vous arrêteraient?

L'hon. Sheila Finestone: Ça ne m'est jamais arrivé.

Je ne me fais arrêter que lorsque je fais des excès de vitesse.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Madame Finestone, c'est arrivé au Québec pendant la grève de la Société des alcools. Les gens qui allaient chercher leurs boissons alcoolisées en Ontario se faisaient arrêter.

[Traduction]

M. Charlie Penson: De toute façon, nous connaissons tous ces histoires, monsieur le président. Nous en avons également entendu quand le comité a étudié les PME.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Oui, mais il n'y avait pas de prohibition et ce n'était pas du vol.

[Traduction]

M. Charlie Penson: Les représentants d'une compagnie qui a témoigné devant le comité nous ont dit qu'ils avaient déménagé leur entreprise ontarienne au Michigan. Il leur était plus facile de transiger avec les autres provinces à partir des États-Unis que de l'Ontario. Voilà le genre de problèmes qu'il nous faut régler.

Je ne demande pas de réponse, mais j'ai l'impression qu'il nous faut d'abord mettre de l'ordre dans nos propres affaires.

M. John Gero: Absolument. J'aimerais répondre aux deux questions.

L'industrie canadienne a connu des problèmes dans la quasi-totalité du secteur des services. Vous avez mentionné une série de services professionnels, mais c'est un phénomène général dans ce secteur en ce sens qu'il existe, dans chaque pays, une réglementation à l'égard du travail à l'étranger. C'est également le cas au Canada et j'y reviendrai en répondant à la deuxième question.

Cela existe dans le secteur des services financiers, pour ce qui est de la capacité de nos banques, de nos compagnies d'assurance, de travailler à l'étranger. Cela existe également pour les fournisseurs de services de construction, et ainsi de suite. Je crois que c'est le cas pour pratiquement chaque élément du secteur des services. Mais vous avez raison, notre situation se complique en raison de nos dispositions constitutionnelles, du fait qu'un grand nombre de services sont réglementés par les provinces et non par le gouvernement fédéral.

L'exemple que vous avez mentionné relève sans doute de la réglementation des véhicules automobiles, qui est une compétence provinciale. C'est peut-être dans le contexte de la réglementation sur la sécurité des transports ou simplement une question d'assurance pour le transport par autobus. Nous sommes tous au courant de la situation pour ce qui est des services de construction.

Voilà pourquoi, comme je l'ai dit, dans le secteur des services en particulier, nous allons devoir travailler en collaboration très étroite avec nos homologues provinciaux, étant donné qu'un grand nombre des instruments canadiens utilisés pour la réglementation, que ce soit pour la protection des consommateurs ou la sécurité, sont entre les mains des gouvernements provinciaux. Dans la mesure où cela fera l'objet de négociations commerciales, nous devons obtenir l'appui des organismes de réglementation et des gouvernements provinciaux pour mener les négociations.

M. Charlie Penson: Je voudrais seulement vous poser une question. En ce qui concerne l'ALENA, qui permet à nos spécialistes de travailler aux États-Unis dans le cadre de projets précis, cette disposition ne s'applique pas aux travailleurs qui ne sont pas des spécialistes à moins qu'ils aient cinq ans d'expérience. Cherchez- vous à changer cela? C'est également une restriction qui empêche certains Canadiens d'aller travailler sur place à un projet.

M. John Gero: Plusieurs questions se posent en ce qui concerne les déplacements temporaires de personnel, tant dans le contexte de l'ALENA que de celui de l'OMC. Pour changer les dispositions à cet égard, il faudrait rouvrir l'ALENA afin de négocier un meilleur accès. Nous ne sommes pas en mesure de le faire pour le moment, mais nous espérons pouvoir aborder certaines de ces questions dans le cadre des négociations sur l'OMC ou dans le contexte de la zone de libre-échange des Amériques.

[Français]

Le président: Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau: Merci, monsieur Gero. Au Québec, nous avons mis sur la table une hypothèse de solution concernant le problème du commerce interprovincial en vue de le simplifier, étant donné qu'on dit qu'il est souvent plus facile de commercer entre pays qu'entre provinces. Mais on en parlera un peu plus tard.

Mes interventions porteront sur la problématique des services. D'abord, si on veut réglementer le secteur des services, de quelle façon arrivera-t-on à trouver une définition de ce secteur des services? Deuxièmement, comment pourrait-on contrôler les services intrafirmes?

• 1040

M. Graham a fait allusion à des firmes d'avocats. Certains d'elles ont 18 bureaux dans différents pays. Les entreprises SNC-Lavalin et Bombardier ont vu leurs bureaux se multiplier un peu partout dans le monde. Oui, on peut songer à contrôler le secteur des services, mais il faut aussi tenir compte des services intrafirmes.

Est-ce que les services bancaires seront inclus dans les services qui feront l'objet de discussions? On sait qu'il faut faire de grandes distinctions face aux services bancaires. Est-ce que les services informatiques, y compris l'Internet, dont on a parlé, en feront partie? De quelle façon pourrait-on assurer un contrôle?

Dans le secteur de services, il y a des extrêmes; on n'a qu'à penser aux services bancaires, aux services informatiques et aux services de génie-conseil. Est-ce que ces différents services doivent être traités séparément ou si on doit tous les regrouper sous le secteur des services?

N'oublions pas que certains services, dont les valeurs mobilières, sont principalement de caractère provincial. Est-ce que certains liens existent avec les provinces, par exemple au niveau de la Commission des valeurs mobilières du Québec? Il y sûrement d'autres exemples dans d'autres provinces.

M. John Gero: Au moment où nous entamons les négociations, tous les services dans tous les secteurs seront sur la table. La méthodologie reste encore à régler.

Comme vous le savez, dans le contexte de l'AGCS, nous avons établi plusieurs protocoles pour les différents secteurs, dont un pour les télécommunications et un autre pour les services financiers. Il est encore trop tôt pour savoir s'il y aura des négociations sectorielles ou des négociations générales. Je crois toutefois qu'on aura recours à ces deux approches pour résoudre les problèmes particuliers dans chaque secteur. Je crois que nos collègues du ministère des Finances seraient très choqués si les architectes et les banques étaient régis par les mêmes règles. Nous réglerons cette question de méthodologie au cours des prochains mois.

M. Benoît Sauvageau: Est-ce qu'on réglera la question des contrôles intrafirmes dans le cadre de négociations sectorielles?

M. John Gero: Je crois qu'il s'agit d'un problème semblable à celui qu'on trouve dans le contexte d'une société qui manufacture un bien. Il y a toujours des transactions intrafirmes et il faut les régler dans le même contexte, comme on règle des transactions entre deux firmes qui n'ont aucun lien entre elles.

M. Benoît Sauvageau: D'accord. Comment abordera-t-on un service qui est de compétence provinciale?

M. John Gero: Cela nécessitera sans doute une discussion entre nous et les provinces. Le gouvernement fédéral n'a pas le droit d'adopter une position sans avoir d'abord consulté les provinces.

M. Benoît Sauvageau: D'accord. Merci.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton- Ouest—Mississauga, Lib.)): Merci.

Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.

Je dois dire que je me contente d'écouter et d'apprendre, mais il y a certaines choses que je dois comprendre afin de pouvoir apprendre.

Nous avons protégé la culture dans le cas de l'Accord de libre-échange, de l'ALENA... Ne riez pas, cela pose un sérieux problème... pour 2001. S'agit-il d'un bien culturel ou d'un service culturel? Je sais que la présidente a posé la question, mais je la pose expressément. Comment négociez-vous la réduction d'un obstacle?

Par exemple, on m'a parlé de la distribution des films en Inde en 1994, 1995 et en 1996, lors de ma visite là-bas, mais nous n'avons jamais pu conclure d'entente à cause d'un obstacle qui nous empêchait de distribuer et de projeter des films canadiens alors que nous pouvions diffuser des films de l'Office national du film, ce que je trouve plutôt curieux. Ces films ne sont-ils pas faits au Canada?

Nous n'avons jamais pu signer d'accord en vue d'un échange. L'Inde produit énormément de films—je crois que c'est au rythme de 365 longs métrages par an, contre cinq ou six pour le Canada et environ 100 pour le monde entier. Il y a donc là un merveilleux marché pour des produits ou des services canadiens. Si vous allez au cinéma, s'agit-il d'un service? Si vous achetez ou louez un film? Comment cela fonctionne-t-il? Quel problème la négociation de ce genre d'accord bilatéral pose-t-elle par opposition à une définition multilatérale des produits culturels et à leur contrôle? Ce produit est-il un bien ou un service?

• 1045

M. John Gero: Vous avez abordé certaines des questions auxquelles j'espère que vous obtiendrez une réponse lors de vos consultations avec les Canadiens.

Mais je voudrais vous décrire un peu la situation. Un film peut être à la fois un produit et un service en ce sens que si vous l'enroulez sur une bobine, comme au bon vieux temps, si vous emportez cette bobine dans le coffre de votre familiale jusqu'au distributeur, qui lui-même l'envoie de cinéma rural en cinéma rural, lorsqu'il finit par traverser la frontière, il s'agit certainement d'un bien. En fait, l'accord du GATT contient un article datant de 1948 où il est précisé qu'un film est un bien.

D'un autre côté, la production et la distribution de films sont des services. Je ne suis pas au courant des négociations que nous avons eues avec l'Inde, par exemple, mais dans de nombreux pays, y compris le Canada, bien entendu, des restrictions s'appliquent à la distribution de films. Il s'agit donc d'une restriction visant les services, étant donné qu'il s'agit de la distribution du film.

Vous avez également raison de dire qu'un sérieux problème se pose quant à savoir ce qui constitue un bien et ce qui constitue un service, surtout dans le secteur culturel. Permettez-moi de vous donner un exemple. Je vais au magasin acheter un CD qui se trouve dans une jolie petite boîte de plastique et qui a été fabriqué au Canada. Disons qu'il s'agit d'un enregistrement de musique classique importé d'Europe. Il s'agit certainement d'un bien. Ce CD et la musique qu'il contient constituent un bien.

Supposez qu'au lieu d'aller au magasin j'ouvre mon ordinateur—ce qui n'a rien à voir avec le coiffeur, car c'est une question très différente—que j'entre dans l'Internet et que j'arrive à une page web où il suffit que je donne mon numéro de carte de crédit pour recevoir électroniquement la même musique que je viens d'acheter sur CD. Elle m'arrive sur les lignes téléphoniques, et je la télécharge dans le disque dur de mon ordinateur. Quant à savoir si je la copierais de mon disque dur sur une disquette, c'est une autre question. Mais même si cette musique reste dans mon ordinateur, étant donné que c'est un son stéréophonique et que je peux brancher mon ordinateur dans mon stéréo, si je fais jouer cette musique, ai-je acheté un bien ou un service par l'Internet?

L'hon. Sheila Finestone: J'ai l'impression que j'aurais acheté un mal de tête.

M. John Gero: J'espère que non. J'espère que vous aurez obtenu une musique merveilleuse qui soulagera votre mal de tête.

Ce sont donc là des problèmes bien réels auxquels il va falloir s'attaquer en définissant ce qui constitue un bien ou un service.

C'est la même chose que pour la télédiffusion. Le télédiffuseur diffuse une émission par satellite, et vous la téléchargez dans votre téléviseur. Dans le contexte actuel, c'est un service. Supposez qu'au lieu de procéder de cette façon, comme dans le bon vieux temps il enregistre l'émission sur cassette et l'envoie de l'autre côté de la frontière. Il va maintenant commercialiser un bien.

Ce sont là des questions très complexes, et il va falloir établir quels sont nos propres intérêts et comment les définir.

L'hon. Sheila Finestone: Je ne vais pas insister davantage, car je crois que le problème de la distribution... Vous avez parlé de la différence entre la distribution et l'achat, etc. Je crois que les règles concernant la distribution ne sont certainement pas en notre faveur et qu'il faudrait faire quelque chose au sujet de la commercialisation et de la distribution.

À la page 10 de votre mémoire, que j'ai trouvé très intéressant, vous parlez de la limitation des données statistiques. Nous avons quatre grands conseils de recherche que le gouvernement fédéral finance, et Statistique Canada, qui représente un cinquième élément de notre potentiel de recherche.

Dans quelle mesure avez-vous des contacts avec Statistique Canada dans le cadre de vos recherches? Où vos intérêts se manifestent-ils? Vous servez-vous des services et du potentiel de recherche que nous finançons dans le cadre d'un de nos conseils de recherche comme le CRSH?

• 1050

M. John Gero: Nous nous servons de tous les moyens à notre disposition. Pour ce qui est de l'analyse statistique, Statistique Canada est en tête, mais nous menons régulièrement des projets de recherche avec certaines institutions de recherche, mais également d'autres organismes.

Il y a des groupes de travail au sein de l'industrie canadienne. Par exemple, pour ce qui est des statistiques sur le tourisme, un groupe de travail constitué d'associations de recherche et de l'Association de l'industrie touristique du Canada s'efforce de trouver de meilleures façons de recueillir les statistiques et d'avoir une meilleure idée de ce qu'il faudrait y inclure, etc.

[Note de la rédaction: Inaudible]

L'hon. Sheila Finestone: ...entrent dans les services?

M. John Gero: Les services de santé sont un autre aspect. Il s'agit certainement d'un secteur différent.

L'hon. Sheila Finestone: Les services de santé représentent-ils l'un des domaines qui seront abordés lors des négociations?

M. John Gero: Nous avons toujours estimé que nous voulions conserver une liberté absolue dans le secteur de la santé. Je suppose que nous recevrons les mêmes instructions pour ces négociations.

L'hon. Sheila Finestone: Nous allons devoir présenter un projet de loi à la Chambre des communes pour la vente d'eau en vrac, un sujet qui a suscité de très sérieuses discussions en 1988, 1989 et 1990. Nous allons maintenant devoir présenter un projet de loi disant que nous n'avons pas exporté d'eau et que nous allons protéger nos intérêts sur ce plan. Devrons-nous faire la même chose pour les autres domaines?

S'agit-il des questions que vous nous demandez d'examiner...

M. Charlie Penson: Je voudrais avoir une réponse, monsieur le président.

L'hon. Sheila Finestone: Moi aussi.

Le président: Je ne pense pas que nous puissions vraiment poser cette question à M. Gero.

L'hon. Sheila Finestone: Je voudrais savoir si c'est un domaine...

M. John Gero: J'espère que, dans le cas de notre discussion et le contexte de votre rapport final, c'est le genre de réponses que vous pourrez donner aux négociateurs quant à ce que devraient être la position du Canada et la façon dont le gouvernement devrait gérer ce dossier. Tel est le but des consultations que vous allez tenir et que nous tiendrons nous-mêmes.

Le président: Ce sera intéressant. Merci.

L'hon. Sheila Finestone: Merci, monsieur le président. Je ne pense pas que je voudrais siéger à ce comité.

Le président: Ce sera l'occasion de faire preuve d'ingéniosité.

L'hon. Sheila Finestone: Se sert-on d'un casse-tête et cherche-t-on à combler les trous avec des formes différentes? Comment procède-t-on?

Le président: Non, je crois que le modèle ressemble davantage à un jeu d'échecs disposé sur sept étages sur lesquels vous jouez en même temps. C'est plutôt comme cela.

M. John Gero: S'il n'y avait que sept étages.

Le président: Oui, c'est vrai, étant donné qu'il y a 130 pays, et cela fait donc de nombreux échiquiers.

Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien: J'ai posé une question semblable à vos homologues hier. J'aimerais savoir si vous tenez actuellement des négociations avec les provinces concernant les services et toutes les autres questions dont on vient de discuter ce matin en prévision des prochaines séances de négociation. On sait que ces négociations auront des répercussions au niveau des provinces.

M. John Gero: Il y a deux formes de consultation différentes. Nous tenons des consultations régulières avec les provinces dans le contexte des négociations internationales et nous avons créé un comité de commerce fédéral-provincial qui tient des discussions mensuelles. D'autre part, Industrie Canada tient des négociations relatives au commerce interne qui portent davantage sur les barrières interprovinciales.

Mme Maud Debien: Vous n'avez pas répondu à ma question. Le Canada se prépare à aller participer à des négociations à l'OMC, où on tiendra d'importantes discussions au sujet des services. On sait qu'elles sont importantes parce qu'il y a un grand nombre de choses qui sont floues. Il n'existe actuellement même pas de définition de ce qu'est un service. Je veux savoir si, en vue de ces négociations de l'OMC, on consulte actuellement les provinces.

M. John Gero: Bien sûr, et c'est ce comité sur le commerce qui en a la responsabilité.

Mme Maud Debien: C'est bien le comité sur le commerce.

M. John Gero: Exactement.

Mme Maud Debien: D'accord. Merci.

[Traduction]

M. John Gero: C'est très utile. Nous avons l'équivalent, c'est-à-dire un comité du commerce. Les représentants du gouvernement fédéral et des provinces examinent régulièrement le programme commercial international et travaillent ensemble pour arriver à une position canadienne commune.

• 1055

C'est essentiel pour nous, car, comme je l'ai dit, un certain nombre de ces domaines entrent dans le champ de compétence des provinces. Par conséquent, si un négociateur canadien négocie avec les États-Unis certaines de ces questions, il faut que les provinces connaissent le dossier, sachent quelle est la position du Canada et contribuent à établir le consensus canadien.

L'hon. Sheila Finestone: Comment...

M. John Gero: À vrai dire, madame Finestone, ce n'est qu'une réunion officielle. Il y a aussi une réunion annuelle des ministres. La semaine prochaine, les ministres du Commerce fédéral et provinciaux se rencontreront. Ce genre de sujet fait partie de l'ordre du jour de leur réunion annuelle.

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur le président, on n'a pas encore répondu à ma question. Comme vous l'avez souligné, nous avons des engagements à tous les niveaux, et on fait une demande qui me semble légitime et bien sentie, à savoir que nous devrions pouvoir faire une proposition intelligente à propos de la façon dont le processus devrait se dérouler. Je ne me sens pas très éclairée même quand je pense à ce projet. Néanmoins, nous avons une responsabilité. Nous devons tout d'abord savoir qui, de l'avis de nos invités, nous devrions interviewer ou rencontrer. Deuxièmement, j'ai une idée du genre de questions qu'ils aimeraient nous voir poser. Mais je crois qu'il nous faut en savoir un peu plus long à propos des domaines précis où se posent les vrais problèmes.

Le président: Je crois que c'est vrai. Mais si je puis me permettre une suggestion à propos de ce que nous essayons de faire, c'est-à-dire équilibrer ceci et cela et tout le reste, de toute évidence il s'agit de séances très générales. Donc nous essayons de nous immiscer dans des problèmes très difficiles. J'espère que lorsque nous aurons traversé le pays, rencontré les Canadiens et entendu divers groupes, nous commencerons à cristalliser dans nos esprits la spécificité des problèmes des gens et que nous pourrons alors consacrer notre attention à cela.

Le cours s'intitule Services 101, si vous voulez. Les choses se préciseront au fur et à mesure de notre voyage d'un bout à l'autre du pays. Cependant, sans ce genre de contexte général, il me semble que nous ne pourrons guère digérer tous les renseignements de façon satisfaisante.

L'hon. Sheila Finestone: Je reviens encore à ma question, parce que l'on peut être la personne la plus intelligente du monde—et je vous perçois très bien dans cette catégorie, parmi ceux-là—mais si on ne sait pas de quoi il retourne, comment peut- on poser les bonnes questions?

Le président: Exactement. Enfin, nous espérons...

L'hon. Sheila Finestone: Donc, il me semble que nous devons savoir où se trouvent les creux et quelles sont les questions qui, à leur avis, pourraient se poser à la table.

Le président: Exactement. Monsieur Gero.

M. John Gero: Dans le contexte de ce que nous vous avons présenté, nous avons essayé de vous faire part de certaines des questions d'ordre général. À mon avis, si vous posez certaines de ces questions aux divers témoins qui comparaîtront après nous—certains représentants de l'industrie et d'autres Canadiens—vous trouverez que leurs réponses aux questions générales révéleront ce qui les intéresse et quels sont, à leur avis, les problèmes canadiens, et cela vous mènera très rapidement à cibler vos efforts de façon plus précise. Nous voulions nous assurer que vous entendriez les interlocuteurs canadiens de façon à ce qu'ils puissent exprimer, directement pour vous, quels sont les problèmes, parce que, franchement, il y en a peut-être même, dans ce contexte, que nous ne connaissons pas, et c'est là le but de ces consultations.

Par exemple, je pourrais très bien vous exposer de façon assez détaillée... eh bien, prenez le contexte des services juridiques professionnels, où il est question d'accréditation; il existe à ce sujet un problème particulier au niveau de l'Union européenne qu'il nous faudra résoudre pendant ces négociations. Il pourrait y en avoir d'autres. Et lorsque vous parlerez à un «représentant juridique» qui comparaîtra peut-être devant vous vous pourrez lui demander quels sont les obstacles auxquels fait face son association, et il pourra vous en donner la spécificité.

Le président: M. Penson a une petite question de suivi à vous poser, après quoi il nous faudra évacuer la salle.

M. Charlie Penson: Il s'agit fondamentalement du même sujet. À la page 5 de votre document sur l'AGCS, vous dites:

    Une nouvelle série de négociations concernant l'AGCS débutera en l'an 2000. Au cours des prochains mois, le gouvernement du Canada mènera des consultations auprès des Canadiens [...]

Dites-vous que notre comité ou votre ministère va entreprendre des consultations?

M. John Gero: Je dis plus que cela. Ce comité est un excellent moyen de consultation. Mais en même temps nous avons le groupe de consultation sectorielle sur le commerce extérieur, qui comprend un groupe axé sur les services. Nous les avons déjà rencontrés, et nous commençons à soulever le même genre de questions que nous avons soulevées avec vous. Évidemment, nous tenons aussi des discussions régulières avec les différents groupes d'intérêts, à une plus petite échelle. Par exemple, l'autre jour nous avons rencontré toutes les associations de services professionnels du Canada—des architectes, des ingénieurs, des avocats, etc.—pour leur parler de...

• 1100

L'hon. Sheila Finestone: Et les infirmières?

M. John Gero: Vous demandez si les infirmières étaient représentées?

Une voix: Non.

M. John Gero: Les professionnels des soins de santé n'étaient pas présents.

L'hon. Sheila Finestone: Je voulais simplement le savoir. On est en train de les recruter par centaines aux États-Unis.

Le président: Nous n'étudions pas la question des soins de santé. C'est un problème. Évidemment, la politique de notre pays—n'oublions pas le débat sur l'AMI et tout le reste—laisse les professionnels des soins de santé de côté. Ils ne feront pas partie d'une entente internationale sur le commerce.

Le problème sera d'établir des définitions pour les différences. Disons que vous offrez un service informatique à un hôpital, ou un service de traiteur. Cela sera une prestation de service, qui sera internationale. Mais si vous offrez des infirmières et des médecins, cela sera assujetti aux règlements provinciaux et fédéraux. Notre politique là-dessus est claire.

M. Charlie Penson: Monsieur le président, je ne suis pas d'accord avec cela.

L'hon. Sheila Finestone: Moi, je suis très satisfaite.

M. Charlie Penson: Regardons un peu cet aspect-là. Nous voulons aider nos travailleurs canadiens, qu'ils soient professionnels ou non, à pénétrer les marchés internationaux. Pourquoi ne pas aussi aider nos professionnels des soins de santé? Le Canada pourrait offrir beaucoup de services à l'extérieur du pays. Il ne faut pas voir la chose seulement du point de vue national; nous voulons que tous nos professionnels aient accès aux marchés internationaux, et d'après moi les professionnels des soins de santé ne devraient pas être laissés de côté.

Le président: Oui. Je permettrai à M. Gero...

L'hon. Sheila Finestone: Excusez-moi d'avoir soulevé la question.

Le président: D'après moi, il faut déterminer qui aura le droit d'établir les normes. Le Québec accepterait bien que quelqu'un déménage du nord-est des États-Unis pour pratiquer la médecine ici au Canada, ou pour offrir des soins infirmiers. Le Québec serait même content d'avoir ces gens-là si leurs services sont nécessaires. Mais il faudra que le Québec et le Canada établissent les normes qui décideront si ces gens-là peuvent travailler ici. Regardez ce qui se passe dans l'Union européenne. Il y a là un débat énorme. Un médecin qui travaille dans un village de Grèce, disons, peut-il déménager et s'établir comme neurologue à Harley Street à Londres? Non, il ne peut pas le faire.

M. Charlie Penson: Ces restrictions s'appliquent à tous les professionnels.

Le président: Mais qui réglemente tout cela, et comment? Voilà le débat, et voilà ce que nous voulons apprendre. Il faut voir comment tout cela peut être réglé dans le meilleur intérêt des Canadiens.

L'hon. Sheila Finestone: Les mêmes règlements s'appliquent aux comptables agréés, aux psychologues, aux psychiatres, ou aux podiatres.

M. Charlie Penson: Puis-je compléter la question que j'ai posée à M. Gero? Si je ne m'abuse, votre ministère continuera à se réunir avec les groupes de l'industrie. J'espère que nous aurons la possibilité de vous rencontrer de nouveau pour que vous puissiez partager avec nous ce que vous apprenez d'eux et pour qu'on soit tous sur la même longueur d'onde.

Il faudra donc que ces témoins reviennent.

Le président: Je suis d'accord. Nous devrions commencer par une tournée du pays, puis conclure le processus avec les fonctionnaires qui ont comparu devant nous au début...

M. Charlie Penson: En effet.

Le président: ...pour nous assurer que nous sommes sur la bonne voie.

[Français]

Madame Debien.

Mme Maud Debien: Monsieur le président, je ne sais pas si la demande que je me permets de faire est acceptable. Ce n'est qu'une demande d'information, et strictement une demande.

Nous discutons actuellement de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce. Si nous sommes arrivés à l'OMC aujourd'hui, c'est parce qu'il y a eu des négociations précédentes. J'ai cru comprendre que tout avait commencé avec le GATT. Il y a aussi eu les séances de négociation de Tokyo et celles de l'Uruguay.

Serait-il possible qu'on vienne, pendant une demi-heure peut-être, nous tracer un historique, depuis les tout débuts, et nous expliquer comment on en est arrivé aujourd'hui à l'OMC? Quels étaient les enjeux du GATT? Quels résultats a-t-on obtenus? Quels étaient les enjeux des séances de négociation suivantes? Qu'est-ce qui s'y est greffé? Qu'est-ce qui s'y est ajouté? Pourrait-on nous présenter un portrait très bref pour qu'on sache ce qui nous a menés à l'OMC, devant cette situation donnée qui est l'aboutissement de plusieurs autres négociations?

Puisque ces discussions et ce rapport m'apparaissent très importants pour le Canada et les autres provinces, je crois que cela serait très utile. Je me sens personnellement un peu démunie et j'aimerais en savoir plus. Je voudrais bien lire cette brique-là, mais je me demande si j'y retrouverai tous ces renseignements. Nous devrons étudier cette question assez rapidement au cours des prochaines semaines et entendre de nombreux témoins qui vont nous parler de ceci et de cela. C'est pourquoi je souhaite que quelqu'un vienne nous faire l'historique de la situation et nous explique quels étaient les enjeux à chaque fois, quel a été le résultat des négociations, les enjeux des séances de négociation suivantes, leur résultat, ce qui s'est ajouté, etc.

• 1105

Dans le fond, je recherche une démarche pédagogique qui puisse nous faire comprendre pourquoi on en est rendu aujourd'hui à l'OMC. Je ne sais pas si cela répondrait aux besoins d'information des mes collègues, mais cela répondrait aux miens. Si vous me dites que mes collègues sont parfaitement au courant de tout ça, qu'ils connaissent bien tout le processus et toute la démarche, que ces questions leur sont familières, eh bien, je prendrai mon cahier, j'irai lire ailleurs et j'essaierai d'aller me renseigner. Mais si cela répond à un besoin de mes collègues, il me semble qu'il vaudrait la peine de passer une demi-heure ou trois quarts d'heure en compagnie d'un bon pédagogue; pas un psychologue, mais bien un pédagogue.

Le président: M. Klassen a déjà essayé de faire cela.

Mme Maud Debien: Vous pourriez peut-être vous-même le faire, monsieur le président.

Le président: En parlant de pédagogie, c'est la matière que j'ai enseignée pendant des années à l'université.

Mme Maud Debien: Alors, pourquoi ne le faites-vous pas?

Le président: Je vous assure qu'on ne saurait retracer en une demi-heure l'historique de toutes ces conventions internationales qui sont d'une complexité énorme.

Mme Maud Debien: Mais on pourrait au moins nous expliquer globalement les grands enjeux. Par exemple, on nous a remis une feuille où figurent les enjeux pour l'agriculture.

Le président: On pourrait remettre aux membres du comité un résumé de toutes les étapes, si vous le voulez.

Mme Maud Debien: Les étapes, les enjeux, les résultats obtenus, les séances de négociation suivantes, etc.

Le président: D'accord, nous préparerons un tel document. Je crois que si on ne connaît pas l'histoire, on ne peut pas comprendre les problèmes que nous réserve l'avenir.

Mme Maud Debien: C'est exactement cela.

Le président: Il faut connaître l'histoire.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: C'est pour ça que je répète qu'il me faut une greffe cérébrale. Je ne regarderai pas trop, seulement un petit peu.

Le président: Vous pouvez avoir la partie entière du GATT, croyez-moi.

L'hon. Sheila Finestone: Je ne veux pas tout; je veux seulement...

Le président: Il est intéressant de voir comment les États- Unis ont mis fin au processus original. C'est une bonne leçon sur la politique internationale. Mais nous savons déjà que les gens ne cherchent pas à être gentils.

Mais maintenant il faut lever la séance.

Merci beaucoup, monsieur Gero. Votre intervention portant sur cette question très compliquée a été très utile.

Un petit message pour les membres du comité: n'oubliez pas que le Sous-comité du commerce se réunit dans cette salle maintenant. Il était censé se réunir à la salle 701, mais la réunion aura lieu ici.

La séance est levée.