Passer au contenu
Début du contenu

FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 22 mars 1999

• 0932

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. La séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international est ouverte.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité plénier fait un examen des objectifs du Canada en matière de commerce et du programme de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. En outre, conformément au même article du Règlement, le Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux examine les intérêts prioritaires du Canada dans le processus de création d'une ZLEA.

[Français]

Je souhaite la bienvenue à nos invités et je les remercie vivement d'être des nôtres aujourd'hui.

[Traduction]

Nous entamons aujourd'hui une série d'audiences publiques que tiendra le comité à l'échelle du Canada sur les principaux aspects de la politique commerciale internationale du Canada. Ces audiences se déroulent au moment même où dans bien des pays on se heurte à des choix et à des décisions cruciales qui découlent du processus de négociation complexe mené multilatéralement sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce et dans diverses tribunes régionales où l'on discute d'une éventuelle zone de libre-échange des Amériques.

Le Comité et le Sous-comité du commerce, qui se livrent à toute une gamme d'études et à des consultations publiques sur les intérêts du Canada à l'OMC et dans les négociations sur la ZLEA, reconnaissent, tout comme le ministre du Commerce international, Sergio Marchi, la nécessité de donner aux Canadiens des possibilités accrues de participer à l'élaboration des positions que le gouvernement du Canada adopte au cours des négociations.

Cette semaine, la moitié du comité s'est rendu dans les provinces de l'Atlantique, alors que l'autre moitié est en train de tenir des audiences semblables au Québec. Au cours de la dernière semaine d'avril, le comité va de nouveau former deux groupes afin de tenir simultanément des audiences en Ontario et dans les provinces de l'Ouest. Nous espérons pouvoir ainsi recueillir la plus vaste gamme possible d'opinions auprès des Canadiens, lesquelles figureront dans les rapports qui seront déposés au Parlement avant l'été, en prévision des importantes réunions sur le commerce international qui se dérouleront plus tard cette année.

Avant d'entreprendre ces consultations à l'échelle du pays, le comité a entendu le ministre et les hauts fonctionnaires. Ensuite, au cours du mois de mars, nous avons réuni sept tables rondes très fructueuses à Ottawa, au cours desquelles nous avons entendu 40 témoins, qui sont venus nous parler de questions générales et sectorielles.

Comme l'a dit le ministre Marchi dans sa déclaration liminaire devant le comité, le commerce international est désormais un enjeu local. L'issue des négociations qui se déroulent à des kilomètres d'ici a des conséquences dans nos foyers et pour divers aspects de notre vie quotidienne. En raison de la mondialisation, cette tendance ne fait que s'accentuer, de telle sorte que nous ne pouvons pas nous en remettre à quelques fonctionnaires pour décider à huis clos de la politique commerciale. Il faut donc une participation de toute la société et des gouvernements à tous les paliers. Les membres du comité sont par conséquent tout acquis à la tenue de nos audiences, car il s'agit d'une mesure qui contribue à l'atteinte de cet objectif. Nous exhortons le plus grand nombre de citoyens possible des quatre coins du pays à y participer, à nous faire part de leurs meilleures idées et à suivre le déroulement de notre étude parlementaire au cours des semaines et des mois à venir.

• 0935

[Français]

Naturellement, les deux langues sont de mise et vous pouvez employer celle que vous préférez.

[Traduction]

Avant de commencer, monsieur Ploughman et monsieur James, je vais demander à mes collègues de se présenter. Ensuite, vous serez invités à faire votre exposé.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Bonjour. Je m'appelle Daniel Turp et je suis député du Bloc québécois et porte-parole de ce parti aux affaires étrangères.

[Traduction]

Je suis ravi d'être ici et je suis impatient d'entendre votre exposé.

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Je m'appelle Darrel Stinson, du Parti réformiste du Canada; je suis député de Okanagan—Shuswap, en Colombie-Britannique. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui pour vous écouter, messieurs. Merci.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Je m'appelle Bob Speller; je suis secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international et député libéral de la région du sud-ouest de l'Ontario.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Sarkis Assadourian, député de Brampton-Centre et libéral. C'est la première fois que je viens à Terre-Neuve, et j'écouterai votre témoignage avec un vif intérêt. Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je m'appelle Sarmite Bulte, et je suis membre associé du comité, de même que présidente du Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux. Je suis députée libérale de la circonscription de Parkdale—High Park, à Toronto, et je suis ravie d'être ici.

Messieurs, si vous me le permettez...

M. Lorne Janes (président et président sortant, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Madame la présidente, bonjour. Tout d'abord je vous remercie d'être venus à Terre-Neuve. Nous déplorons que le temps soit aussi froid et aussi maussade. Ce n'est pas l'accueil traditionnel que nous réservons à ceux qui viennent ici, et nous espérons qu'il fera plus chaud la prochaine fois que vous viendrez, comme c'est le cas d'habitude.

Cela dit, à notre avis, nous n'avons pas disposé d'assez de temps pour nous préparer à vos audiences. Si ces audiences sont aussi importantes qu'on le dit, alors ne suffisent pas les quelques jours dont nous avons disposé pour consulter nos membres, qui représentent 130 sociétés au total—car il ne faut pas oublier que notre association est une association de sociétés, et non pas de personnes physiques, tout en regroupant 20 000 travailleurs—nos membres, donc, qui sont dispersés sur 1 000 kilomètres, et qu'il fallait consulter sur des questions faisant l'objet de 20 ou 30 pages de documentation. Ainsi, le temps imparti nous a manqué pour préparer les réponses que nous pensons que vous recherchez. Nous avons donc réuni, du mieux que nous le pouvions, certains éléments d'après les données dont dispose l'alliance à l'échelle nationale, et nous en avons extrait la substantifique moelle, et nous avons tenu des consultations téléphoniques aussi rapidement que possible afin de pouvoir vous exposer tout au moins la position nationale de l'alliance. Toutefois, je vous réserve aujourd'hui mon point de vue, qui est peut-être tout à fait subjectif.

Pour obtenir les réponses que vous recherchez au cours de vos séances à l'échelle du pays, je vous exhorte à donner aux associations, en particulier aux associations de commerçants... Beaucoup de gens sont dans mon cas. Nous sommes des bénévoles non rémunérés, mais nous devons nous occuper de nos entreprises, de nos familles, du déblayage de la neige, et de nos traites bancaires. Notre association s'occupe d'environ 120 questions à elle seule, et, croyez-moi, vos audiences ne figurent pas sur notre liste d'envoi de cartes de Noël. C'est avec beaucoup de mal que nous nous sommes préparés. Cela dit, nous avons repris chacune des rubriques, et dans chaque cas nous allons vous donner un point de vue que nous aimerions vous voir développer.

Commençons par l'importance—et l'expression est de nous—des règles internationales. L'alliance estime que nous devrions avoir un régime commercial international fondé sur des règles où tout le monde serait sur un pied d'égalité, l'acheteur comme le vendeur, sachant à quoi ils ont affaire.

Pour ce qui est du cycle du millénaire, nous pensons que la politique devrait viser une plus grande libéralisation du commerce des biens, des services et des investissements. En outre, cela signifie que ce cycle ne doit pas être nécessairement un cycle marathon, comme dans le cas de celui de l'Uruguay. Nous estimons que si l'on s'écarte un peu des questions de processus, pour obtenir un peu plus de résultats, l'on pourra passer à l'action plutôt que de perpétuer les réunions et les discussions.

Pour ce qui est de la liste plus exhaustive que restrictive des sujets à aborder, une chose est claire. Si le prochain cycle de négociation porte essentiellement sur l'agriculture et les services, le Canada n'aura pas assez de latitude et de poids pour obtenir des résultats avantageux. De tels résultats ne seront possibles que dans un cadre plus large de négociation, qui offre plus de latitude pour les compromis. Autrement dit, nous pensons que si le Canada est forcé de s'en tenir à une question particulière, comme l'agriculture, nous allons y perdre. Il faudrait que ces réunions portent sur toute une gamme de secteurs où le Canada est plus solide, car ainsi nous pourrions aboutir à un accord beaucoup plus avantageux pour l'industrie canadienne.

• 0940

Sous la rubrique unilatéralisme, l'alliance propose que le mécanisme de règlement des différends soit affiné et modifié pour que, s'il y a désaccord quant aux mesures conçues par les pays membres de l'Organisation mondiale du commerce pour se conformer à la décision du groupe spécial, les différends puissent être réglés rapidement et de manière efficace. Nous disons finalement qu'il faut pouvoir agir et prendre des mesures, même si ce ne sont pas les bonnes, quitte à ce que le mécanisme de règlement des différends permette, le cas échéant, de corriger les erreurs. Je le répète, il faudrait tenter de réduire la durée de ces réunions qui n'en finissent plus et qui se poursuivent d'une décennie à l'autre.

Soit dit en passant, ce que je vous livre ici est une première ébauche, et vous recevrez un exposé bien plus détaillé de M. Jayson Myers et de ses collaborateurs, quand viendra leur tour de témoigner devant vous à Ottawa. Notre exposé est essentiellement un aperçu de ce qu'ils vous diront.

La rubrique suivante est celle de la réduction des tarifs et de la simplification des procédures douanières. Nous sommes d'avis que, dans un certain nombre de domaines, les tarifs industriels demeurent élevés et continuent d'être des obstacles au commerce canadien. Bien que les tarifs soient en décroissance progressive et qu'ils soient moins délétères qu'ils ne l'étaient avant l'Uruguay Round, l'alliance aimerait que ceux qui restent soient réduits ou éliminés le plus tôt possible. Ce n'est pas la priorité la plus importante pour le Canada, mais il n'en reste pas moins qu'il faudrait s'attaquer à ces tarifs restants dans la prochaine série de négociations.

L'alliance estime qu'il faut se pencher sur les détails de la procédure et de la documentation de dédouanement afin d'éliminer les formalités excessives aux postes frontières et de faire en sorte que le commerce international se fasse avec la même facilité que le commerce électronique. C'est un sujet qui préoccupe énormément les membres de l'alliance, surtout les PME, qui se fient davantage au système des règles commerciales. Ainsi, beaucoup de petites entreprises n'ont pas de service de dédouanement des importations et des exportations... vous entendrez des membres de l'équipe de gestion du commerce international cet après-midi, mais ce matin, ils sont occupés à faire des livraisons.

J'ai un exemple à vous donner. Prenons le cas d'une petite entreprise canadienne qui achète à une petite entreprise américaine qui n'a sans doute pas souvent l'occasion d'exporter au Canada. Quand l'acheteur canadien reçoit quelques mois plus tard les papiers de son courtier en douanes, de même qu'une liasse de quatre, cinq ou six pages sur les opérations qu'il a effectuées, il voit un certain montant qu'il devra payer. Il ne se rend peut-être pas compte que, si l'exportateur américain n'a pas bien indiqué au courtier en douanes que les biens achetés étaient admissibles à une exemption en vertu de l'ALE, l'acheteur canadien est tenu de payer les douanes. Les agents douaniers sont là pour appliquer les règles en matière de douanes; ils ne sont pas là pour assurer le respect de l'ALE.

Je n'en suis pas sûr, mais j'imagine qu'on pourrait retrouver dans le Trésor fédéral bien des millions de dollars qui ont été perçus à tort, et peut-être même injustement, simplement parce que ce n'est pas l'affaire des courtiers en douanes de protéger mon entreprise. Il y a peut-être lieu de sensibiliser davantage les entreprises canadiennes à la situation, afin qu'elles informent leurs fournisseurs américains des documents qui doivent être remplis à l'égard de biens qui passent par les courtiers en douanes canadiens.

Sous la rubrique élargissement de la portée des annexes et des accords, nous disons que le Canada est un gros exportateur de services, notamment de services financiers, mais que nous sommes loin d'avoir la part du commerce mondial qui nous revient. Mes priorités sont d'élargir l'AGCS afin d'y englober un plus vaste éventail de services et de domaines et de réglementer le commerce des services ainsi que les obstacles cachés à ce commerce. Nous avons besoin de règles plus efficaces pour empêcher la discrimination contre les entreprises canadiennes.

L'alliance aimerait qu'on conclue un accord sur la technologie de l'information et les télécommunications. Elle voudrait que l'accord soit élargi et affiné et qu'il mette l'accent sur l'accès au marché et sur les questions relatives au marché. Par ailleurs, le Canada doit tenter d'obtenir que l'accord soit étendu à un nombre plus grand de membres de l'Organisation mondiale du commerce afin d'en arriver à un meilleur équilibre du multilatéralisme dans ce secteur.

• 0945

À la rubrique Internet et commerce international, nous croyons encore là que la communauté internationale doit agir rapidement pour établir des règles et des protocoles afin d'assurer la libéralisation du commerce électronique et d'éviter les restrictions injustes et discriminatoires à l'endroit des entreprises canadiennes sur tous les marchés.

À la rubrique commerce et droit compensatoire—ce sera mon dernier point, et je tiens à vous remercier pour votre patience—, nous estimons que la prochaine série de réunions devrait permettre d'encourager les efforts à ce chapitre. Nous voudrions toutefois qu'on cesse de faire porter les efforts sur l'obtention d'un accord sur les règles de la concurrence et les recours—autrement dit, sur les détails—, pour s'attaquer plutôt à l'établissement d'un ensemble bien défini de principes et de lignes directrices relatives à l'application des règles pour que nous puissions aller de l'avant. Le principal souci de l'alliance est d'assurer à nos membres un contexte commercial compétitif, juste et libéral sur les marchés étrangers. La première priorité pour nous est que les exportateurs canadiens puissent soutenir la concurrence sur un pied d'égalité, dans un contexte où les règles sont claires, publiques et appliquées de façon juste et non discriminatoire.

Voilà pour les notes que nous avons couchées sur le papier entre 9 h 30 hier soir et 1 h 30 ce matin, heure de Terre-Neuve. Notre employé y a travaillé de 9 heures à minuit, heure d'Ottawa.

M. Burf Ploughman (vice-président, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Pendant les Oscars.

M. Lorne Janes: Oui, pendant le gala des Oscars, bien sûr. J'étais chez moi, avec la télé allumée, vêtu comme il se doit et avec une bouteille de vin à portée de la main, bien entendu. J'étais devant mon ordinateur, et je suis sûr que mon homologue à Ottawa était aussi devant le sien.

Si nous voulions résumer la vingtaine de pages que nous avons ici pour en extraire les points saillants et extraire de ces points saillants quelques mots clés, notre message se résumerait à ceci: il faut aller de l'avant, il faut qu'il y ait des règles, et il ne faut pas essayer de régler tous les problèmes avant même qu'ils ne se présentent. Qu'on laisse le mécanisme de règlement des différends faire son oeuvre et qu'on fasse ce qu'il faut pour faire avancer les choses.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Janes.

Monsieur Ploughman, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Burf Ploughman: Non, je n'ai rien à ajouter pour le moment.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup à tous les deux, et merci pour vos observations concernant le préavis qu'on vous a donné. Nous les transmettrons à qui de droit.

Monsieur Stinson.

M. Darrel Stinson: Je tiens tout d'abord à vous dire que je suis vraiment très consterné par le peu de préavis que vous avez reçu. Il est très désolant de constater que les choses se sont passées ainsi. Je compatis tout à fait. Je comprends toutes les pressions auxquelles vous avez été soumis à cause de ce court préavis.

Cela m'amène à ma question essentielle. Vous savez que nous nous rendons dans les différentes régions du pays pour savoir ce qui peut être amélioré et ce dont il faudrait s'occuper. Pensez-vous que ce processus est une façon acceptable de vous consulter sur les questions qui nous intéressent aujourd'hui? D'après ce que je vous ai entendu dire aujourd'hui, je ne peux pas imaginer que vous trouviez le processus acceptable.

M. Lorne Janes: Tout d'abord, en ce qui a trait au préavis, si vous en êtes consterné, je peux vous dire que nous l'avons été aussi. En bons Terre-Neuviens que nous sommes et qui savent ce que c'est que l'adversité, nous allons toutefois réussir à tirer notre épingle du jeu.

Pour ce qui est du processus de consultation, c'est quelque chose dont on parle beaucoup. Il nous arrive bien souvent à M. Ploughman et à moi-même d'être à votre place et de donner des directives à d'autres, si bien que nous sommes sensibles aux problèmes budgétaires auxquels vous vous heurtez. Nous croyons savoir que votre budget a été approuvé vendredi seulement, du moins c'est ce qu'on nous a dit quand on nous a appelés lundi.

M. Daniel Turp: C'est la faute du Parti réformiste.

M. Lorne Janes: Merci.

Pour ce qui est d'entreprendre une tournée de consultation, je reviens à ce que j'ai dit au départ. Quand on veut consulter, il faut donner à ceux avec qui on travaille le temps dont ils ont besoin pour bien se préparer à vous donner l'information dont vous avez besoin, et il faut que vous soyez sensibles à leur situation. Je n'ai pas la moindre idée de la façon dont vous vous organisez à Ottawa, mais je suppose que, si vous deviez discuter avec un groupe d'avocats spécialisés en commerce international qui auraient consacré toute leur vie professionnelle à ces questions, sans doute qu'un préavis d'une semaine, de deux jours, voire d'une heure, serait suffisant. Quand toutefois on a affaire à un groupe de bénévoles, secondés par un petit effectif à Terre-Neuve, et pour qui la question à l'étude n'est qu'une question parmi 130 autres, il me semble qu'on aurait pu imaginer qu'ils auraient eu besoin d'un peu plus de temps pour se préparer. Quand vous parlez de l'OMC, ou de l'Organisation mondiale du commerce, il serait utile pour nous de savoir ce que vous désignez par ce terme. Voulez-vous parler d'un organisme qui tient des salons d'artisanat? Que fait cet organisme?

Il serait donc très utile pour nous que vous nous présentiez les enjeux et que vous nous expliquiez quelles pourraient être les conséquences pour nos entreprises. Vous pourriez ensuite nous demander ce que nous en pensons, au lieu de me demander à moi, qui suis déjà assez pris par mon entreprise et par ma famille, de me familiariser en l'espace de quelques heures ou de quelques jours avec un dossier qui, après 20 ans, n'est toujours pas réglé.

M. Darrel Stinson: Merci beaucoup. Vos observations sont très intéressantes. Je suis d'accord avec vous, et cela nous serait utile à nous aussi.

M. Lorne Janes: En fait, ce que vous voulez, c'est que nous vous donnions de l'information.

M. Darrel Stinson: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Turp.

• 0950

M. Daniel Turp: J'ai retenu de vos propos, monsieur...

M. Lorne Janes: Appelez-moi Lorne. «Monsieur», c'est mon père; quant à moi, Lorne suffit.

M. Daniel Turp: ...que vous ne voulez pas que les négociations à venir portent uniquement sur l'agriculture et les services; vous voulez qu'elles portent aussi sur les investissements. Pouvez-vous donc nous en dire un peu plus long au sujet des investissements dans le cadre des négociations à venir et de vos prises de position passées à ce sujet? Je ne sais pas si vous avez pris position sur l'AMI, quand il était question de cet accord multilatéral sur l'investissement. Voilà pour la question professionnelle.

Sur une note plus personnelle, j'aimerais savoir comment vous pouvez être à la fois président et président sortant de votre organisation. Étiez-vous content des Oscars qui ont été remis hier soir?

M. Burf Ploughman: Madame la présidente, je peux expliquer ce qui s'est passé. Quand j'ai télécopié les noms de ceux qui témoigneraient devant vous aujourd'hui, j'ai indiqué que M. Janes était président sortant de l'association nationale, mais il est aussi président de l'association terre-neuvienne. Sur la feuille, on a indiqué qu'il était président sortant et président.

M. Lorne Janes: J'en suis donc à la cinquième année d'un mandat d'un an. C'est peut-être qu'on a décidé que je faisais du bon travail, ou peut-être encore qu'on trouve qu'il faut me garder là jusqu'à ce que j'apprenne à bien faire ce que j'ai à faire.

Au téléphone, avec Pam Fehr, hier soir—c'est elle qui est à Ottawa et qui nous a fourni la plupart des données que j'ai l'honneur de vous présenter ce matin—, nous avons discuté d'un certain nombre de points. Il y en avait deux que nous avions décidé de ne pas aborder. Il y avait d'abord la question de la corruption, puisque l'alliance n'a pas encore élaboré de position comme telle sur le sujet que nous aurions pu vous présenter, et il y avait aussi la question des investissements. Vous avez donc mis le doigt justement sur... C'est bien ce qu'elle avait prévu; alors je vous en remercie.

Si étonnant que cela puisse paraître, nous avions quand même élaboré une réponse que nous pourrions faire si on nous posait la question. Premièrement, quand nous disons qu'il faut mettre l'accent sur autre chose que les investissements, je crois que le plus important, c'est d'éviter de consacrer tous nos efforts à une seule question. Il y a les investissements, les services, les produits et les biens. Il faut éviter de miser uniquement sur un secteur. Il se peut bien que nous perdions cette bataille-là. Le Canada, étant donné la nature de notre pays, a besoin d'un ensemble de règles qui couvrent toute la gamme des secteurs.

En ce qui concerne précisément la question des investissements, nous estimons qu'il ne serait pas utile que l'alliance insiste uniquement sur l'importance de règles sur les investissements mondiaux pour empêcher la discrimination contre les Canadiens sur les marchés étrangers. Cela va de soi, selon nous. Ce qu'il faut, c'est une stratégie de négociation qui nous permette de bien manoeuvrer et de nous assurer les appuis dont nous avons besoin, tant chez nous qu'à l'étranger, pour réaliser de véritables progrès.

Étant donné que la question a été soulevée ici ce matin, je veillerai à ce que nous l'étudiions dans le détail, de façon que, quand vous rencontrerez Pam et Jay à Ottawa, ils pourront répondre à la question bien mieux que moi, puisque c'est ce qu'ils font.

M. Daniel Turp: Que voulez-vous du côté des exportations? Vous êtes aussi une alliance d'exportateurs.

M. Lorne Janes: Notre association est une alliance de manufacturiers et d'exportateurs. Il y a quelques années, l'association des manufacturiers et l'association des exportateurs se sont fusionnées, d'où le nom de notre association.

M. Daniel Turp: Du point de vue des exportateurs, qu'est-ce qui devrait découler de ces négociations? Qu'est-ce qui serait nécessaire pour aider les exportateurs de Terre-Neuve?

M. Lorne Janes: En général, les entreprises terre-neuviennes sont petites. Les biens qu'elles produisent sont probablement de bonne qualité ou de qualité supérieure, mais ce sont en général de petites entreprises; par conséquent, les employés de ces compagnies ne sont pas aussi spécialisés qu'ils devraient l'être pour bien répondre aux besoins des marchés d'exportation. Nous, à Terre- Neuve, nous aimerions que les règles soient les plus transparentes possible et qu'elles soient adaptées dans les meilleurs délais afin que nous puissions exporter nos biens et importer des revenus.

M. Daniel Turp: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Merci, madame la présidente, et merci à vous, messieurs, de votre témoignage de ce matin.

Tout comme M. Stinson, je vous présente mes excuses au nom du comité pour le court préavis qui vous a été donné.

• 0955

En ce qui concerne l'ensemble des négociations et des consultations menées par le gouvernement, vous savez peut-être que le ministre du Commerce international, au début de février, a sollicité des remarques sur les prochaines négociations qui se tiendront dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce et sur les discussions que présidera notre gouvernement l'an prochain au sujet de la zone de libre-échange des Amériques.

Comme vous avez pu le constater dans le passé, lorsque nous avons mené des consultations sur la zone de libre-échange de l'Europe, l'un des objectifs de notre gouvernement était non seulement de consulter les groupes nationaux, mais aussi d'aller dans les diverses régions du Canada pour consulter les Canadiens au niveau provincial. Nous voulons donc connaître l'opinion des organisations locales, et non pas seulement celle des organisations nationales. Voilà pourquoi nous avons envoyé des lettres—je suis certain que vous les avez reçues—dès février pour demander des informations des associations locales. Nous voulons savoir ce qui se passe au niveau local.

Notre comité aussi joue un rôle dans les consultations. Le ministre espère se rendre sur place pour s'entretenir avec divers groupes, tout comme moi. J'aimerais mieux comprendre les entreprises que vous représentez et les problèmes auxquels elles font face en matière de commerce international, que ce soit au palier international relativement à l'OMC, ou en ce qui concerne le commerce en Amérique, avec l'Amérique latine.

Pourriez-vous nous donner une idée du genre d'entreprises que vous représentez et de ce qu'elles font? Cela pourrait nous aider à mieux saisir les problèmes auxquels elles font face.

M. Lorne Janes: Je ferai de mon mieux, compte tenu de ma déclaration liminaire et des quelques appels téléphoniques que je pourrais faire. Les entreprises terre-neuviennes qui exportent actuellement leurs produits sont assez variées. Bon nombre d'entre elles produisent des matériaux de construction, et j'ignore pourquoi. Certaines de ces entreprises fabriquent du placoplâtre, d'autres, des produits isolants. Nous avons aussi des entreprises qui font du moulage par coulée de polymère, dont l'une s'appelle Continental Marble. Son numéro est le 782-8844, si vous achetez quelque chose avant votre départ; c'est ma compagnie.

Nous représentons aussi des entreprises du secteur alimentaire; il ne s'agit pas de ressources halieutiques non transformées, mais de produits alimentaires et de poisson haut de gamme à valeur ajoutée. Nous produisons aussi beaucoup d'équipement électronique. Il y a quelques bonnes entreprises informatiques dans la province. Nous nous en tirons bien aussi en matière de logiciels.

Les fabricants de vêtements pourraient bien réussir ici, car les rouleaux de tissu peuvent être expédiés jusqu'ici à peu de frais et transformés en vêtements dont la valeur ajoutée est assez élevée.

Par exemple, dans le secteur du plastique, on pourrait se faire expédier des barils de résine qui feraient la superficie de cette table, et les transformer en articles qui rempliraient cet immeuble. On réussit donc bien à Terre-Neuve avec les produits à grande valeur ajoutée.

Les problèmes qu'on connaît sont ceux auxquels j'ai fait allusion plus tôt. Les fermes terre-neuviennes donnent de bons produits et ont la bonne main-d'oeuvre—je dirais que c'est une main-d'oeuvre aussi bonne sinon meilleure qu'ailleurs—mais nous ne savons pas encore comment nous occuper de la documentation, comment traiter avec la bureaucratie et que faire de la logistique du commerce international. Que se passe-t-il lorsque vous apprenez que votre navire rempli de biens est au fond de la mer Adriatique? Qui paiera pour vos produits? Il nous faudrait apprendre à traiter avec la Société pour l'expansion des exportations et avec North Star.

La tradition veut que ce soit dans ce domaine qu'on retrouve les petites entreprises, et pas seulement les entreprises terre-neuviennes. Il ne vous incombe pas, bien sûr, de nous donner des leçons, mais si vous pouvez faire en sorte que ces règles soient plus pratiques pour les petites entreprises de tout le pays, vous aurez fait de l'excellent travail.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Janes.

• 1000

M. Bob Speller: Juste une dernière remarque, madame Bulte, et à l'intention de M. Stinson. Notre ministère a affiché certains des renseignements que vous demandez sur son site Web. Nous avons aussi rendu publics des documents d'information qui traitent de certaines questions qui préoccupent peut-être les entreprises que vous représentez. Vous voudrez peut-être consulter notre site Web et transmettre les informations pertinentes à vos petites entreprises.

M. Lorne Janes: Le site Web est une excellente idée. Toutefois, la nature humaine est telle que nous ne tentons pas de trouver des solutions avant même que les problèmes ne surgissent.

Pour répondre à votre question sur les problèmes que nous connaissons, lorsque nous avons des difficultés, nous tentons de les régler du mieux que nous le pouvons, et lorsque l'inévitable se produit et que quelque chose cloche—vous pouvez être certains que quelque chose clochera—nous avons souvent recours à des expédients. Voilà pourquoi j'estime que des règles nous aideraient beaucoup.

M. Bob Speller: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

Vous représentez l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, n'est-ce pas?

M. Lorne Janes: Non, je suis président sortant de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada. Ce matin, je témoigne à titre de représentant de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs de Terre-Neuve.

M. Sarkis Assadourian: Par conséquent, la déclaration que vous avez faite ne s'applique qu'à Terre-Neuve, n'est-ce pas?

M. Lorne Janes: Non. Les remarques liminaires que j'ai faites ont été rédigées à partir d'un document en voie d'élaboration à notre organisation nationale; dans la mesure du possible, j'ai tenté de mettre l'accent sur les enjeux terre-neuviens qui ont été soulevés pendant nos discussions jusqu'à présent. Mais il est vrai que nous sommes une section de l'organisation nationale.

M. Sarkis Assadourian: Alors, si nous allons, disons, à Toronto ou à Vancouver, et que nous entendons d'autres représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, ces témoins nous feront-ils la même déclaration que vous ou une déclaration différente?

M. Lorne Janes: S'ils ont le temps de le faire, j'espère qu'ils tiendront compte de la position nationale, qui aura probablement été arrêtée à ce moment-là—ceci n'est qu'une ébauche—et qu'ils y ajouteront des remarques sur les questions qui les intéressent, eux, plus particulièrement, comme j'ai moi-même tenté de le faire ce matin. L'organisation nationale est une entité distincte.

M. Sarkis Assadourian: En réponse à des questions qui ont été posées plus tôt, vous avez dit que la taille des entreprises, à Terre-Neuve et ailleurs, est un facteur important. Vous avez dit que vous représentez une bonne entreprise de placoplâtre, mais que son chiffre d'affaires est petit à côté de celui de grandes entreprises. Est-ce là la seule différence entre votre secteur manufacturier, qui est Terre-Neuve, et celui de provinces plus grandes ou d'entreprises plus grandes?

M. Lorne Janes: J'espère avoir bien compris votre question: j'ai parlé de la taille des entreprises uniquement pour faire comprendre que les petites entreprises, peu importe où elles soient situées, n'ont en général pas autant d'employés que les grandes entreprises, qui peuvent s'occuper des problèmes de logistique, tels que le fret, les douanes, la documentation et les réclamations qui pourraient survenir. J'ai dit plus tôt à la blague que dans ma propre entreprise la personne qui s'occupe à la fois des questions d'envois à l'étranger et de notre documentation ne pourra se libérer avant cet après-midi, puisqu'elle s'occupe ce matin de faire les livraisons et les installations. Dans les plus grandes boîtes, il se trouve des employés qui ont plus de temps, qui sont plus spécialisés et qui sont parfois plus compétents dans ces questions. Les employés de petites entreprises comme la mienne sont plus polyvalents et ont plusieurs tâches... ce sont des mots à la mode. Pour ceux qui exportent comme nous, il importe que les règles soient le plus claires, le plus précises et le plus concises possible.

M. Sarkis Assadourian: Une dernière observation, peut-être. Nous allons nous rendre dans les provinces de l'Ouest pour rencontrer d'autres témoins. S'il y a certains détails que vous n'avez pas pu mentionner faute de temps, vous voudrez peut-être intervenir à nouveau lorsque nous irons en Alberta ou sur la côte Ouest.

M. Lorne Janes: Merci de votre excellente suggestion.

Hier soir, j'ai parlé à Pam à notre bureau d'Ottawa. Étant donné qu'il s'agit d'une première réunion pour nous, si j'en ai le temps je l'appellerai ce matin et je reverrai avec elle tous les éléments que nous avons abordés aujourd'hui tandis qu'ils sont encore tout frais à mon esprit; cela nous permettra d'insérer cette réflexion de notre ébauche de document, qui est constamment en évolution, jusqu'à ce que nos gens vous rencontrent à Ottawa. Merci.

M. Sarkis Assadourian: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Janes.

J'ai moi-même une brève question à poser pour clore votre témoignage. Dans la foulée de ce que disait M. Turp, vous avez affirmé en troisième lieu que nous ne devrions pas uniquement songer à l'agriculture et aux services, mais que nous devrions inclure d'autres secteurs. À votre avis, quels devraient être ces autres secteurs? Vous avez parlé des investissements, mais y a-t-il d'autres secteurs spécifiques dans lesquels le Canada a une certaine force et qui, de l'avis de votre association, devraient être inclus?

• 1005

M. Lorne Janes: Si j'ai bien compris ce que disait Pam, il ne s'agit pas de vous suggérer quoi que ce soit. La stratégie du Canada, c'est de ne pas se laisser embourber—comme d'autres que moi l'ont déjà dit—dans la seule discussion de l'agriculture, par exemple. Nos représentants devraient avoir en tête toute la gamme des secteurs de l'économie canadienne, et si l'ensemble des règles est suffisamment large, le Canada a une bien meilleure chance d'obtenir des règles qui lui soient favorables.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bien. Merci, monsieur Janes.

Nous n'avons plus de temps, monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Vous n'avez pas répondu à l'une de mes questions: êtes-vous satisfait des résultats de la soirée des Oscars?

M. Burf Ploughman: Ravi.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Messieurs, merci beaucoup d'être venus témoigner. Sachez que nous venons tout juste de commencer nos consultations et que vous venez d'assister à la première de nos séances publiques.

Vous avez tout le loisir de nous soumettre un mémoire, et je ne parle pas uniquement de l'association nationale, mais aussi de l'association provinciale. Notre comité encourage également vos membres à nous envoyer des mémoires, que nous accepterons avec plaisir. Au nom des membres du comité qui sont ici aujourd'hui, je vous invite à communiquer avec nous au besoin, car nous voulons entendre parler de votre expérience. Faites-nous savoir si les entreprises terre-neuviennes ont des problèmes particuliers; décrivez-les-nous, et nous pourrons peut-être trouver ensemble une solution.

Merci à nouveau d'avoir comparu.

M. Lorne Janes: M. Ploughan, notre vice-président, transmettra votre invitation à nos membres. Merci beaucoup.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'aimerais demander à M. Legge, notre témoin suivant, de s'approcher de la table.

J'invite mes collègues du comité à s'asseoir, car notre emploi du temps de ce matin est très serré.

Je souhaite la bienvenue à M. Eugene Legge, du groupe de gestion de l'offre des producteurs de poulet de Terre-Neuve. Bienvenue à vous, monsieur Legge.

M. Eugene Legge (vice-président, Newfoundland Chicken Producers Supply-Management Group): Merci, Je vous prie d'accepter mes excuses, car à mon arrivée tout à l'heure je n'avais pas suffisamment d'exemplaires de mon mémoire pour tous. Heureusement, votre personnel a fait faire des copies supplémentaires. Vous avez sous les yeux la déclaration des utilisateurs subséquents et des représentants de la gestion de l'offre, dont je me fais le porte- parole ce matin. Je vais peut-être m'éloigner du texte que vous avez sous les yeux.

Comme je l'expliquais à M. Speller, j'étais à Gander la semaine dernière pour assister à une réunion de la fédération, et comme je ne suis revenu que dimanche, je n'ai eu qu'une journée pour rassembler des notes en vue de mon exposé. Étant donné ce bref préavis, je m'excuse de n'être pas aussi organisé que j'aurais dû l'être.

Pendant que les préparatifs vont bon train en vue de la prochaine ronde de négociation agricole de l'Organisation mondiale du commerce, censée commencer en 1999, les industries canadiennes de la volaille, de la viande et des oeufs ont décidé d'adopter une position unifiée pour aider les négociateurs canadiens à préparer leur position. De plus, tous les secteurs soumis à la gestion de l'offre ont décidé collectivement de présenter une orientation commune au gouvernement en vue de la prochaine ronde de pourparlers.

• 1010

Vous vous demandez peut-être pourquoi nous nous inquiétons de notre avenir. Il y a beaucoup de choses en jeu pour nos confrères d'autres organisations, notamment l'Office canadien de commercialisation des oeufs d'incubation de poulet de chair, l'Office canadien de commercialisation des oeufs, le Conseil canadien des transformateurs d'oeufs et de volaille, l'Office canadien de commercialisation du dindon, Les Aviculteurs du Canada et l'Association canadienne des transformateurs de volaille. Tous ces groupes ont conjugué leurs efforts pour adopter une position unifiée en vue d'aider le Canada.

Collectivement, les industries canadiennes de la volaille et des oeufs ont généré en 1997 2,2 milliards de dollars de recettes monétaires agricoles et plus de 4,6 milliards de dollars de ventes au détail. Près de 9 000 Canadiens sont employés à temps plein dans près de 5 000 exploitations agricoles. Près de 20 000 Canadiens sont employés à temps plein dans 550 couvoirs, postes de classement d'oeufs et usines de transformation de premier et de second cycle. La valeur totale des achats de provende représente 1,1 milliard de dollars. Les investissements dans les usines et dans les équipements se chiffraient à plus de 1,5 milliard de dollars. Au cours des cinq dernières années, les exportations ont crû de façon considérable et ont atteint 117,3 millions de dollars, ce qui représente plus de 6 p. 100 de notre production totale.

Vous voulez sans doute savoir ce que nous attendons de la prochaine ronde de négociation. Les producteurs laitiers, les aviculteurs et les producteurs d'oeufs du Canada exigent des règles justes et exécutoires. Les agriculteurs canadiens veulent des règles claires et exécutoires qui soient les mêmes pour tous. Au cours de la prochaine ronde de négociation à l'OMC, il faudra faire en sorte que tous les pays s'engagent à faire des échanges commerciaux selon des règles justes et exécutoires; autrement dit, il faut que les règles commerciales soient obligatoires et exécutoires et qu'elles ne constituent pas uniquement des lignes directrices permettant aux pays de les interpréter à leur propre avantage.

Les agriculteurs canadiens sont sensibles au fait qu'un système commercial fondé sur des règles est dans l'intérêt du Canada. Puisque le Canada dépend du commerce international, des règles commerciales obligatoires et exécutoires permettent d'avoir plus de stabilité et de prévisibilité, puisqu'elles limitent les jeux de pouvoir politiques des superpuissances économiques que sont les États-Unis et l'Union européenne. L'existence de telles règles aurait peut-être réussi à empêcher certaines des 157 contestations qui ont été faites depuis 1995, dont plus du tiers impliquaient des produits agroalimentaires.

Afin de réaliser des échanges commerciaux selon des règles justes et exécutoires, il faut commencer par abolir toutes les subventions à l'exportation et assurer un accès équitable au marché. Ainsi, l'Union européenne a négocié un accès minimum au marché bien en deçà de ce à quoi on pouvait s'attendre. Dans le cas de la volaille, la douzième soumission de l'Union européenne pour l'an 2000 est de 30 000 tonnes, ce qui représente 0,5 p. 100 de la consommation européenne moyenne de 1986 et 1987, c'est-à-dire 10 fois moins que les 5 p. 100 inscrits dans l'accord sur l'agriculture.

Prenons maintenant l'exemple du porc. Le Conseil canadien du porc s'attendait à obtenir l'accès aux ports pour 750 000 tonnes de produits, mais n'a réussi à obtenir l'accès que pour 75 000 tonnes. Nous voudrions que toutes les subventions à l'exportation soient abolies. Cela doit être l'objectif principal du Canada aux négociations de l'OMC. En effet, les subventions à l'exportation constituent la mesure qui déforme le plus les échanges commerciaux, car elles entraînent un déclin artificiel des prix mondiaux, ce qui par ricochet nuit à la compétitivité des autres pays, pour qui la seule façon de pouvoir survivre est d'accorder plus de subventions à l'exportation, ce qui se transforme en un cercle vicieux.

Puisque le Canada a déjà éliminé toutes ses subventions à l'exportation, les exportateurs canadiens sont gravement désavantagés lorsqu'ils essaient de concurrencer des pays qui bénéficient toujours de subventions massives à l'exportation. En effet, l'industrie agricole et agroalimentaire du Canada, même aidée du gouvernement canadien, ne peut concurrencer les méga- Trésors de l'Union européenne et des États-Unis. Ceux-ci sont, en effet, à l'origine de plus de 90 p. 100 de toutes les subventions aux exportations agricoles. Pris ensemble, ces deux géants comptent pour 95,6 p. 100 de toutes les subventions aux exportations de fromage et pour plus de 99 p. 100 des subventions aux exportations de volaille.

• 1015

Il faut maintenir les tarifs hors quota au niveau actuel, puisqu'ils servent de remplacement transparent aux quotas d'importation que prévoyait autrement l'article XI du GATT. Les tarifs hors quota ont pour seul objectif de déterminer le niveau d'accès au marché. Faute de tarifs hors quota efficaces, nous ne pouvons gérer l'offre sur le marché canadien ni sa quantité, ce qui est pourtant la pierre angulaire de notre système de gestion de l'offre. Changer les niveaux des tarifs signifie affaiblir la prévisibilité du système, principe que même l'OMC considère comme étant fondamental dans l'établissement de pratiques commerciales justes et équitables.

Il nous faut des règles transparentes et obligatoires qui assurent un accès sans réserve pour la production contingentée. Au cours de la prochaine ronde de pourparlers, les discussions entourant l'accès au marché mettront l'accent sur la nécessité d'atteindre un accès sans réserve pour la production contingentée, puisqu'un plus grand accès pour cette production contingentée représente la meilleure façon d'obtenir des gains réels sur un marché. Le Canada doit obtenir la pleine équivalence des règles obligatoires se fondant sur un niveau minimum d'accès, ce qui signifie que l'administration des contingents tarifaires doit être assainie afin qu'il soit possible pour le Canada d'atteindre le niveau d'accès au marché auquel il s'est engagé. Il ne devrait pas y avoir d'attribution par pays; ainsi, les États-Unis ont attribué une part de leur quota de crème glacée à la Jamaïque, alors que ce pays n'a pas exporté de crème glacée depuis trente ans. Aucun tarif sur la production contingentée ne devrait être réduit à 0 p. 100. Autrement dit, si on devait permettre 5 p. 100 d'accès à votre pays, ce serait à un taux de 0 p. 100, contrairement à certains pays qui ont des tarifs sur la production contingentée allant jusqu'à 50 p. 100. La Norvège, par exemple, a un énorme tarif sur la production contingentée de 272 p. 100, grâce à cette mesure dite d'accès sans réserve.

On devrait imposer une limite générale au soutien que peut fournir un pays à ses propres produits, peu importe lesquels. Il est impossible pour le Canada de concurrencer les méga-Trésors des États-Unis et de l'Union européenne. Les agriculteurs américains et européens reçoivent respectivement des subventions de l'ordre de 32 p. 100 et de 42 p. 100 sur la valeur totale de la production agricole. Les États-Unis et l'Union européenne dépensent des milliards de dollars annuellement en soutien agricole à leurs producteurs. Ici, non seulement le Canada a réduit son aide à nos producteurs, mais il a ajouté un fardeau supplémentaire en introduisant des mesures de recouvrement des coûts, telles que les services d'inspection dans nos usines. En outre, les États-Unis ont adopté l'année dernière une loi, la «FAIR Act», permettant un soutien à hauteur de 8,25 milliards de dollars. Cela semble peut- être équitable pour les Américains, mais ce ne l'est certainement pas pour nous. En octobre 1998, les États-Unis annonçaient un soutien de 6 milliards de dollars de plus à leurs agriculteurs.

Autre pomme de discorde: les mesures sanitaires et phytosanitaires devront être fondées sur des méthodes scientifiques sûres et acceptées à l'échelle internationale, afin que nous ne nous heurtions pas à des restrictions comme celles qui nous ont empêchés d'exporter notre poulet en Australie. L'une des mesures imposées prévoit que le poulet doit être cuit à 70 degrés centigrades pendant 143 minutes, ce qui en fait de la semelle de botte.

Je tiens également à mentionner que le Conseil canadien du porc et Agricore viennent de se joindre à nous en tant que membres à part entière lors de la récente assemblée annuelle de la Fédération canadienne de l'agriculture. Ce qui est intéressant également, c'est qu'on disait jadis qu'il était impossible de mettre d'accord les exportateurs et les producteurs de produits vulnérables face à l'importation, mais c'est précisément ce que nous avons fait. En effet, nous nous sommes mis d'accord sur une position commerciale qui a été approuvée par tous les exportateurs et les producteurs de produits vulnérables à l'importation qui ont participé aux discussions.

Je vous remercie; c'est tout ce que j'avais à dire.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Legge, pour cet excellent exposé et les recommandations qui l'accompagnent.

Monsieur Stinson.

M. Darrel Stinson: Merci. Pour commencer, je tiens à dire que ma femme fait partie de ces 20 000 personnes dont vous avez parlé et qui travaillent en Colombie-Britannique dans le secteur de la volaille. Elle aime son travail, je le dis tout de suite, et elle apprécie également son chèque de paye. Cela m'amène à la question des règles, qui ne seraient pas très claires d'après vous. Vous trouvez que dans ce domaine les règles ne sont pas claires?

• 1020

M. Eugene Legge: D'après ce que j'ai compris, pendant les dernières négociations, des directives ont été adoptées. Il ne s'agissait pas de règles précises, mais plutôt de directives. Le meilleur exemple, c'est quand on essaie de déterminer quel type d'accès... je parlerai seulement de la volaille, un secteur que je connais un peu mieux. Lorsque l'UE a décidé de fixer la quantité de volaille dont les différents pays avaient besoin, ils ont compté absolument tout ce qui porte des plumes, le moindre pigeon, la moindre sterne, etc. Ensuite, au moment de déterminer la place qu'on laisserait aux pays étrangers, ils ont déclaré: «Nous allons accepter principalement la viande de pigeon.» Ils savaient fort bien que cette partie de l'entente ne serait pas réalisée.

C'est de cela que je parle, la façon dont ils ont interprété les directives pour déterminer l'ouverture de leur marché. S'il y avait eu des règles en noir sur blanc et si elles avaient été appliquées, ils n'auraient pas pu faire ce qu'ils ont fait.

M. Darrel Stinson: Cela m'amène à ma question suivante; vous représentez plusieurs autres secteurs, pas seulement la volaille. Dans quelle mesure vous a-t-on consultés en ce qui concerne les conditions des dernières négociations? Est-ce qu'on vous a consultés?

M. Eugene Legge: Je pense qu'on nous a consultés, mais peut- être pas autant que nous l'aurions voulu. Toutefois, lors des dernières négociations, ce que nous voulions, c'était l'article XI, c'était notre principal objectif, le rêve de notre vie entière. Nous avons perdu l'article XI, et ce qu'on nous a donné, c'est la tarification. Cela m'a donné une bonne idée de la valeur qu'on accordait à notre industrie, parce que maintenant nous avons des tarifs intensifs pour les produits vulnérables aux importations, c'est-à-dire les produits laitiers, le poulet, le dindon et les oeufs d'incubation de poulet de chair.

Toutefois, le Canada n'a eu que quelques quotas. Je crois avoir des notes à ce sujet, ici quelque part. Permettez que je cherche. Le Canada a des contingents tarifaires pour les produits laitiers, la volaille, le blé, l'orge, la margarine et le boeuf. Autrement dit, 21 contingents tarifaires sur les 1 336 détenus par tous les membres de l'OMC. Dans ces conditions, est-ce que nous sommes protégés? Oui, mais tous les autres pays du monde ont des industries qu'ils tiennent à protéger. Pourquoi? Entre autres raisons, pour que votre femme garde son emploi, pour que les 20 000 personnes qui travaillent dans nos usines et les 9 000 personnes qui travaillent dans des entreprises agricoles continuent à travailler. Voilà la raison de ces contingents tarifaires, et également pour assurer un approvisionnement alimentaire sûr à notre population.

M. Darrel Stinson: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Monsieur Legge, dans votre exposé vous dites qu'il ne devrait pas y avoir d'autres compromis. Pendant les négociations, si l'article XI a disparu, c'est à cause d'un compromis. On l'a sacrifié en échange de ces tarifs hors quota. Évidemment, ces tarifs hors quota sont un gros problème, car chaque fois qu'on négocie, ils diminuent.

Une première question: quels sont les compromis dont vous ne voulez pas dans votre secteur cette fois-ci?

Ma seconde question porte sur la boîte bleue; pourquoi voulez-vous que les programmes de la boîte bleue, au 4.2, soient éliminés?

J'ai une troisième question sur les acquisitions; il est intéressant de voir les États-Unis protéger ce programme de déjeuners scolaires, qui s'élève à 4,2 milliards de dollars. Est-ce que cela existe également au Canada et à Terre-Neuve? Est-ce que les Américains peuvent fournir ces produits-là? Est-ce que vous voulez seulement que le Canada négocie les acquisitions, lève ce genre de mesures protectionnistes, pendant les prochaines négociations?

M. Eugene Legge: Je vais essayer de répondre à vos questions dans l'ordre.

Les compromis. Vous dites qu'effectivement nous avons perdu l'article XI et qu'on nous a donné en échange les contingents tarifaires. À l'époque, je pense que c'est le meilleur résultat que les négociateurs auraient pu obtenir. Ce n'est peut-être pas la meilleure solution possible, mais c'est le mieux qu'ils pouvaient faire pour maintenir la situation et nous permettre de mettre de l'ordre dans nos affaires pour mieux nous défendre sur la scène internationale. C'est un retard temporel, en fait, rien de plus.

Effectivement, les niveaux tarifaires vont baisser, mais s'ils baissent ici, au Canada, il faudrait qu'ils baissent également dans tous les autres pays du monde, au même rythme et en même temps. Et je suis convaincu qu'avec...

• 1025

M. Daniel Turp: À votre avis, c'est bien ce qui se passe?

M. Eugene Legge: Non, pour l'instant nous perdons beaucoup de terrain; je pense que c'est 5 p. 100 par année. Je pense que l'objectif est de réduire de 36 p. 100, mais avec un contingent tarifaire de 270 p. 100, 5 p. 100, ce n'est vraiment pas grand-chose.

L'important ici, c'est qu'on ne sacrifie pas un secteur en faveur d'un autre. C'est la raison pour laquelle, il y a environ huit mois, nous nous sommes assis autour d'une table à la Fédération canadienne de l'agriculture pour arrêter une position commerciale commune aux alliances d'exportateurs et aux producteurs de produits vulnérables aux importations. Ensemble, nous nous sommes penchés sur les bilans commerciaux de chacun, nous les avons analysés pour voir ce que nous avions en commun, pour voir les différences, pour voir où il était possible de construire sur la base de ces alliances. C'est un exercice qui a duré huit mois, et il y a trois semaines, à Regina, tous ceux qui étaient autour de cette table, y compris les producteurs de boeuf, Agricore et certains pools du blé, le Conseil du porc, la gestion de l'offre et les producteurs de betterave à sucre, tout le monde s'est mis d'accord sur une position. Je ne pense pas qu'on voie un agriculteur insister pour gagner quelque chose aux dépens d'un autre agriculteur.

Ai-je bien répondu à vos questions?

M. Daniel Turp: Et la première, la boîte bleue?

M. Eugene Legge: La boîte bleue impose des distorsions en canalisant l'argent d'une certaine façon. Le Canada n'a pas de boîte bleue. Le Canada n'a pas de boîte ambre non plus. On prétend que l'assurance-récolte et le CSRN seraient plutôt du côté de la boîte ambre. J'espère que cela va changer et qu'on les mettra plutôt du côté de la boîte verte. Nous avons très peu d'argent dans la boîte verte. En fait, le seul résultat, c'est que les gouvernements de l'UE et des États-Unis vont enlever de l'argent de cette boîte bleue—mais à mon avis cela ne durera pas très longtemps—et l'utiliser pour des programmes de la boîte verte. C'est une autre façon de verser de l'argent dans les poches des agriculteurs.

Dans le document que vous avez eu, on explique que les agriculteurs européens touchent 685 $ canadiens pour cultiver du blé ou autre chose, et que les agriculteurs canadiens ne touchent rien du tout. Autrement dit, par rapport à nos agriculteurs, ils ont un avantage injuste. Nous essayons de nous défendre sur le marché ouvert en respectant les prix mondiaux. Si j'ai bien compris, on ne va pas éliminer la boîte bleue lors des prochaines négociations, mais comme cela aurait déjà dû être fait, et qu'il y a eu des réductions, je ne pense pas que cela se fasse maintenant.

En ce qui concerne le programme des déjeuners scolaires aux États-Unis, c'est une autre façon de subventionner l'industrie. Tout ce qu'ils achètent est américain ou d'origine américaine. Si vous voulez, c'est une forme de subvention injuste. Même à Terre-Neuve, nous avons un programme de déjeuners scolaires qui est financé par les gens de la région. Mais qui peut dire comment cet argent est dépensé? Si on leur offre un meilleur prix ailleurs, j'imagine qu'ils doivent en profiter.

Nous parlons d'accès, de ce genre de choses, mais l'office des oeufs d'incubation de poulet de chair permet que 21 p. 100 de ses produits viennent des États-Unis. Quant au contingent pour le poulet, il est de 7,5 p. 100 de la production de l'année précédente. Dans les secteurs du dindon et des oeufs, on laisse entrer gratuitement 5 p. 100. Malheureusement, les États-Unis ne nous rendent pas la pareille; c'est le problème.

M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup. Dans le troisième paragraphe de votre document, vous dites que 5 000 exploitations agricoles emploient 9 000 travailleurs et que leur chiffre d'affaires annuel est de 2,2 milliards de dollars, ce qui représente 4,6 milliards de dollars de vente, au total. Reprenez-moi si je me trompe, mais avec ce calcul, si on divise 4,6 milliards de dollars par 5 000 entreprises agricoles, cela fait un million de dollars par agriculteur.

Voici donc ma première question: comment définissez-vous un agriculteur?

• 1030

Ma deuxième question: comment ce chiffre se compare-t-il aux subventions touchées par les agriculteurs européens et américains?

J'essaie de déterminer si le revenu d'un agriculteur au Canada est comparable à celui d'un agriculteur aux États-Unis ou en Europe. S'il y a 5 000 entreprises agricoles, qui comptent seulement 9 000 travailleurs, cela signifie que 5 000 agriculteurs doivent être les propriétaires de toute façon, et cela ne laisse pas beaucoup de place pour la création d'emplois, cela ne fait pas un très gros marché du travail. Je me trompe peut-être, mais vous allez me le dire.

M. Eugene Legge: Pour être tout à fait honnête, j'ai cité ces chiffres que j'avais sous les yeux, et ce sont les chiffres qui nous ont été fournis par les industries. Souvenez-vous que la population agricole du Canada est loin de prendre de l'expansion. Au contraire, elle diminue de plus en plus. Il faut de plus en plus de vaches pour qu'une ferme soit rentable, plus de poulets, plus de terres. Il y a probablement plus de 5 000 entreprises agricoles, mais je vous parle seulement de celles dont la production est gérée, et non de l'ensemble du Canada.

Rien qu'en Saskatchewan, il y a 58 000 producteurs de céréales; par conséquent...

M. Sarkis Assadourian: On parle ici de 5 000 fermes. Je me base sur les chiffres que vous avez là.

M. Eugene Legge: Oui, mais c'est pour le secteur de la volaille. Si vous lisez le reste, vous verrez que ce n'est pas pour l'ensemble du Canada; c'est seulement pour le secteur de la volaille. Quand on y réfléchit, c'est logique.

Comme je l'ai dit, les fermes deviennent de plus en plus grosses. Sur la côte Ouest, dans cette province, nous avons un éleveur qui trait 300 vaches, qui donnent presque 6 000 litres par jour. C'est une entreprise énorme. Ce que je vous explique, c'est que les entreprises agricoles sont peu nombreuses, mais leur chiffre d'affaires global est énorme.

Il y a au Canada 2 700 éleveurs de poulet. Cela n'est pas tellement. Les chiffres que je vous cite portent seulement sur les producteurs de dindon, d'oeufs et de poulet. Il ne faut pas y ajouter les produits laitiers, pas plus que les céréales, le boeuf ou le porc. Je vous parle uniquement de mon secteur. C'est peut-être la raison pour laquelle vos chiffres ne concordent pas.

Dans mon entreprise seulement, je produis un peu plus d'un million de volailles par année. Je suis seul; j'emploie seulement une personne à temps plein.

M. Darrel Stinson: Combien de personnes sont employées à cause de vous dans le reste de la chaîne?

M. Eugene Legge: Je vais m'écarter de votre question. À Terre- Neuve 20 éleveurs de poulet se sont regroupés pour créer une compagnie qui s'appelle IPL. À n'importe quel moment de l'année, nous avons 1,4 million de volailles, avec une nouvelle couvée toutes les six semaines. Nous sommes propriétaires de notre propre usine à moulée, nous sommes propriétaires de notre abattoir et également d'une usine où les volailles sont préparées pour la mise en marché. Toutes ces entreprises emploient 400 personnes dans la province. Si nous avons créé cette compagnie, c'est pour être certains de survivre si nous perdons les contingents tarifaires. Si cela se produisait, l'industrie survivrait dans la province.

C'est ce que l'on constate dans le nord du Nouveau-Brunswick. Dix éleveurs de poulets se sont regroupés pour former une association. Ils possèdent leur propre couvoir et leurs propres troupeaux d'élevage, et ils ont maintenant entrepris d'acheter des entreprises agricoles plus petites pour former une unité plus importante. C'est pourquoi, une fois les chiffres divisés, chaque agriculteur affiche des recettes d'un million de dollars. De nos jours, les recettes monétaires agricoles de l'agriculteur qui produit suffisamment atteignent vite le million de dollars.

M. Sarkis Assadourian: Comment cette situation se compare-t-elle avec celle des agriculteurs de l'Union européenne et des États-Unis, puisque ces derniers profitent de subventions et que vous estimez que c'est injuste?

M. Eugene Legge: Ces agriculteurs ont des subventions, mais nous, dans le secteur de la volaille, nous n'en avons aucune.

M. Sarkis Assadourian: Si vos entreprises sont prospères, pourquoi devriez-vous avoir des subventions? Je ne prétends pas que les autres devraient en avoir, mais que révèle la comparaison des revenus des agriculteurs canadiens avec ceux des agriculteurs européens et américains? Ces subventions peuvent-elles être justifiées dans leur cas? C'est ce que j'aimerais savoir.

M. Eugene Legge: J'ai mentionné dans mon document que dans ce secteur, 32 p. 100 du revenu agricole américain et 42 p. 100 du revenu agricole européen viennent des gouvernements. Au Canada, le gouvernement ne verse pas un sou au secteur de la volaille.

M. Sarkis Assadourian: Ma question porte sur le revenu agricole individuel. Comment ce revenu se compare-t-il avec celui de l'Europe et de l'Amérique du Nord? Je sais que nous n'offrons pas de subventions, ce que je veux savoir, c'est le revenu des agriculteurs.

• 1035

M. Eugene Legge: Je ne sais pas quel est le niveau de revenu des agriculteurs. Aux États-Unis, il existe un régime intégré. Sept ou huit grandes sociétés contrôlent le secteur de la volaille dans ce pays, entre autres Tyson et les autres géants. Ce sont eux qui contrôlent l'industrie.

Pour un agriculteur comme moi, aux États-Unis... Je fais de l'élevage à contrat. Je dois travailler à l'extérieur de la ferme pour survivre. L'agriculteur américain produit probablement un demi-million de volailles toutes les six ou sept semaines. Il ne possède ni la moulée ni les poussins, et on lui verse probablement de 3c. à 4c. pour chaque livre de poulet qu'il élève—à peine assez pour payer ses coûts. Quel est son revenu? Faut-il ajouter le revenu gagné à l'extérieur de la ferme ou s'agit-il seulement du revenu de la ferme elle-même? Je n'en sais rien.

M. Sarkis Assadourian: Permettez-moi de poser une autre question. Si on retirait aux agriculteurs américains les 32 p. 100 de subvention, feraient-ils faillite?

M. Eugene Legge: À mon avis, ça ne fait aucun doute.

M. Sarkis Assadourian: Ils feraient faillite?

M. Eugene Legge: Oui.

M. Sarkis Assadourian: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Si j'ai bien compris, vous ne voulez pas que le gouvernement vous verse de l'argent. Vous estimez toutefois que les Européens et les Américains ne devraient pas non plus recevoir d'argent de leurs gouvernements. Ai-je bien compris votre position?

M. Eugene Legge: C'est exact.

M. Daniel Turp: D'accord.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Merci, madame la présidente. Je remercie également les témoins de leur exposé.

Comme vous le savez, notre comité est l'un des deux comités qui ont entrepris d'étudier cette question. Le Comité permanent de l'agriculture a également tenu des consultations générales auprès de différents groupes de partout au pays, et le ministre de l'Agriculture continue de rencontrer divers groupes et de les consulter. Cela n'avait pas été fait la dernière fois.

Vous faites valoir un argument intéressant, et c'est toute cette question sur le rassemblement des différents groupes d'agriculteurs. Comme vous le savez, il y a à la Chambre des communes, des gens qui ne comprennent pas ce qu'est la gestion de l'offre. En fait, certains ont lutté contre la gestion de l'offre à la Chambre et refusent d'appuyer notre système de commercialisation. Pourriez-vous expliquer au comité pourquoi la gestion de l'offre est si sensible aux importations? Certains se demandent pourquoi il ne suffit pas d'éliminer tous les obstacles. Ils disent qu'il devrait être interdit d'avoir des contingents tarifaires de 300 p. 100, par exemple. Pourriez-vous expliquer au comité pourquoi votre industrie est aussi sensible aux importations?

M. Eugene Legge: Comme je l'ai déjà dit, la gestion de l'offre vise en fait à garantir un approvisionnement complet du marché intérieur. Pour cela, le seul moyen consiste à contrôler la production et à voir à ce que la demande soit respectée. Cette année, près de 80 millions de kilos de poulets ont été expédiés aux États-Unis pour répondre à la demande de ce marché en raison des engagements que nous avions pris dans le cadre de l'ALENA—pas de l'OMC, mais de l'ALENA et d'autres accords.

Comme je l'ai déjà dit, la gestion de l'offre ne coûte pas un sou au gouvernement. C'est le marché qui détermine le prix de nos produits. Il est vrai que nos contingents tarifaires sont élevés, mais ils finiront nécessairement par diminuer. Nous pourrons profiter du temps qu'il faudra pour éliminer les contingents tarifaires pour nous réorganiser.

Si l'on regarde ce qui se fait aux États-Unis, notre principal concurrent, et si l'on essaye de comprendre pourquoi les Américains peuvent produire à des coûts tellement plus faibles que les nôtres, on constate que cela vient entre autres de ce que le régime est là- bas totalement intégré. En outre, les agriculteurs doivent travailler à l'extérieur de leur ferme pour gagner leur vie, malgré l'ampleur de leur production. De plus, le Canada a de nombreux programmes sociaux, dont nous payons nous aussi les coûts. Nous avons un régime d'assurance-maladie universel, ce qui n'existe pas aux États-Unis. Les programmes sociaux dont nous bénéficions ici entraînent des coûts dont nous payons notre part. Si tout cela c'était éliminé...

• 1040

L'an dernier, même si l'on avait permis des importations de 75 à 80 millions de kilos de poulets, les importateurs ont attendu à peu près jusqu'à la fin de l'année, car cela ne rapportait pas suffisamment. La différence entre les prix du poulet au Canada et aux États-Unis, conjuguée au taux de change du dollar, faisait en sorte qu'il était moins coûteux d'acheter du poulet au Canada qu'aux États-Unis. Le poulet n'a été importé que pour une raison, et c'est que les importateurs auraient perdu autrement leur permis d'importation pour l'année suivante.

Nous avons effectivement une gestion de l'offre, mais nous réglementons le marché. Il n'y a pas de réglementation quant aux prix consentis aux agriculteurs; on ne peut réglementer que la production. À l'heure actuelle, dans le secteur de la volaille, ce ne sont pas les éleveurs qui décident des quantités produites au Canada; les transformateurs indiquent quelles sont les exigences du marché et estiment que les producteurs ont l'obligation de répondre à leur demande. Ils ont entièrement restructuré notre industrie. Il y a quatre ans, les éleveurs décidaient des quantités de volaille qu'ils allaient élever. Le système fonctionnait du sommet vers la base. Maintenant, c'est l'inverse. Les transformateurs passent leurs commandes aux éleveurs. Le régime fonctionne à l'inverse du régime passé.

J'espère avoir répondu à votre question.

M. Bob Speller: Merci. Comme vous l'avez dit, il existe aux États-Unis une entreprise qui pourrait facilement répondre à toute la demande du marché canadien en une seule campagne d'élevage. Sommes-nous prêts à accepter que tous nos aliments soient produits à l'étranger? Je ne le crois pas.

M. Eugene Legge: Récemment, l'industrie de la volaille a été confrontée au problème du virus J, et la qualité des oeufs d'incubation a été pitoyable. Si nous étions éliminés, on pourrait se poser deux questions: premièrement, pourrions-nous obtenir les produits dont nous avons besoin et, deuxièmement, le consommateur constaterait-il une différence sur les étalages? Je ne le crois pas.

La même chose s'est produite au Canada dans le secteur du porc. Nous savons tous à quel point le secteur du porc a souffert au cours des derniers mois. Quelqu'un a dit que le porc canadien valait 19c. la livre. Dans notre province, nous n'avons vu aucun changement au supermarché. Supposons que le porc coûtait 3 $ la livre il y a huit mois, il coûte encore 3 $ la livre.

Que ferez-vous, en éliminant la gestion de l'offre? Vous éliminerez tous ces emplois. L'approvisionnement demeurera peut- être garanti, il y aura peut-être une certaine réduction des prix à court terme, mais je puis vous assurer qu'à long terme, le consommateur ne verra pas de différence au moment de payer.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Legge et monsieur Speller.

Pour conclure, monsieur Legge, on m'a signalé qu'il y aura une conférence sur la politique du commerce agricole à Ottawa, du 18 au 20 avril. J'espère que vous vous joindrez à nous.

M. Eugene Legge: Je n'ai pas été invité.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous étions supposés tenir nos consultations dans l'Ouest cette semaine-là, mais nous les avons reportées à plus tard à cause de cette conférence.

Au nom du comité, je vous remercie de nouveau d'être venu nous rencontrer aujourd'hui, de nous avoir présenté votre excellent témoignage et vos recommandations. Merci beaucoup.

M. Eugene Legge: Merci de votre temps et de vos efforts, mesdames et messieurs.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'invite maintenant notre prochain témoin, le professeur McGrath. Le professeur McGrath est-il ici? Pas encore? Nous allons faire une pause de cinq minutes en attendant le professeur McGrath.

• 1044




• 1055

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Chers collègues, je souhaite la bienvenue à notre prochain témoin, Mme Bev Brown. Mme Brown m'a signalé qu'elle devait partir un peu plus tôt que prévu. C'est pourquoi nous reprendrons immédiatement nos travaux.

Madame Brown, à vous la parole.

Mme Bev Brown (secrétaire internationale, Organisation nationale anti-pauvreté): Bonjour.

La pauvreté est avant tout une question d'éthique, une question de droits de la personne. Mais il ne peut y avoir de droits de la personne sans droits économiques et sociaux et sans droits civils et politiques.

Le gouvernement canadien négocie ou renégocie nos accords commerciaux internationaux auprès de l'Organisation mondiale du commerce. L'Organisation nationale anti-pauvreté lui demande d'intégrer des mécanismes de protection des droits de la personne dans tous ces partenariats et dans ces accords au moyen de processus applicables, transparents et vérifiables par tous.

Les accords commerciaux qui sont signés lient toutes les parties, mais seuls les gouvernements et les entreprises, à titre de principaux intervenants, déterminent le contenu de ces accords. La population canadienne a toutefois signalé clairement au gouvernement, durant le processus de négociation de l'Accord multilatéral sur les investissements, qu'elle veut et doit être consultée de façon véritable lorsque le gouvernement canadien prend des décisions qui nous touchent tous.

Par conséquent, ma première recommandation, c'est que le gouvernement canadien négocie et renégocie les partenariats et accords commerciaux internationaux de façon ouverte et selon le processus qui permet une participation réelle de la société civile. Par exemple, ces audiences sur l'OMC et l'ALE ont fait l'objet de très peu de publicité et ont été organisées avec une hâte qui a empêché une participation réelle du public. Pour participer de façon démocratique au processus, les Canadiens doivent connaître nos options commerciales, savoir quels ont été sur nous les effets des accords commerciaux antérieurs et obtenir un tableau clair des choix que nous devons faire dans la négociation de ces accords qui façonnent nos vies.

Ma deuxième recommandation, c'est que le gouvernement examine soigneusement les effets mondiaux réels de la libéralisation du commerce et de l'investissement, puisque la libéralisation des échanges commerciaux a contribué à une distribution de moins en moins équitable des ressources de notre planète. Les régimes de libre-échange ont servi à exploiter la main-d'oeuvre et à réduire les salaires, et ils ont contribué aux conditions de vie pitoyables des pays en développement. L'exclusion sociale et les taux de chômage ont augmenté, les mesures de protection de l'environnement ont été abolies et l'urbanisation rapide des économies en voie de modernisation a provoqué une énorme dislocation sociale.

Nous recommandons que le gouvernement canadien évalue ce résultat à l'échelle mondiale à l'aune de la distribution du revenu, des conditions de vie de tous les citoyens, de l'espérance de vie et de la participation démocratique, au lieu de proclamer qu'un pays a progressé grâce à l'augmentation de son produit national brut, en dépit de la précarité d'emplois faiblement rémunérés ou d'un commerce qui ne tient aucun compte des droits et des besoins fondamentaux des citoyens.

Par exemple, on brandit souvent l'exemple du Chili pour montrer comment le libre-échange a permis à un pays d'augmenter son PIB et ses investissements étrangers. Mais les politiques qui ont privatisé et réduit les programmes sociaux, aboli la sécurité d'emploi et réduit les salaires ont façonné un pays où l'économie se porte bien—la population nettement moins bien. Le Chili est au second rang des pays où l'on trouve la pire redistribution du revenu dans notre hémisphère et au troisième rang au monde; le régime d'éducation de l'État est en ruine, la concurrence en matière de rémunération a poussé les salariés sous le seuil de la pauvreté et les hôpitaux de l'État ferment leurs portes.

L'an dernier, l'Organisation nationale anti-pauvreté a participé à l'organisation d'une table ronde en compagnie d'autres groupes qui travaillent dans cet hémisphère pour éliminer la pauvreté. Cela se passait dans le cadre du Sommet du peuple à Santiago, au Chili, alors que les dirigeants de 34 pays étaient réunis pour continuer à négocier un accord de libre-échange des Amériques. Nous avons ainsi ajouté le point de vue des gens à faible revenu à cette alliance sociale de plus en plus forte qui s'est nouée pendant ce sommet. Les participants à la table ronde et au Sommet du peuple ont tous convenu que la protection et l'avancement des droits de la personne devaient être le critère numéro un pendant toute négociation ou renégociation d'accords commerciaux internationaux et que nous devions tous en accepter les conséquences.

Ma troisième recommandation serait que tous les accords commerciaux internationaux que le Canada a déjà signés ou qu'il va signer devraient assurer la protection et l'avancement des droits de la personne essentiels suivants: le droit d'adhérer au syndicat de son choix et de s'organiser collectivement, le droit de se soustraire à l'esclavage et au travail forcé, le droit de jouir de son enfance et le droit d'échapper à toute discrimination pour des raisons de race, de sexe, de couleur de peau, de religion, d'opinion politique ou d'origine nationale ou ethnique.

• 1100

Dans ce but, nous souscrivons à l'adoption par l'Organisation mondiale du commerce des sept conventions clés de l'Organisation internationale du travail—que j'ai ajoutées en annexe—étant donné que les accords de l'OMC entraînent des sanctions en cas de manquement, contrairement à ceux de l'OIT. Nous voulons que le gouvernement du Canada intervienne publiquement auprès de nos partenaires à l'OMC dans le but d'arriver à un régime de règles qui soient applicables, transparentes et publiquement justifiables afin de protéger et d'améliorer les droits humains fondamentaux en milieu de travail.

Étant personnellement membre depuis longtemps du Réseau d'actions urgentes qui a pour but de protéger les gens, dans notre hémisphère, contre tout acte préjudiciable au travail comme dans leur vie privée, je sais qu'il est des pays qui n'ont pas ou n'appliquent pas de régime de protections juridiques pour les travailleurs. Je me suis employée activement à faire avancer ce dossier, notamment par la vulgarisation et d'autres formes encore d'interventions. J'ai découvert qu'au Canada, beaucoup de gens n'avaient que peu d'occasions d'obtenir l'information nécessaire au sujet des conditions de vie et des conditions de travail qui existent dans le monde entier pour pouvoir faire des choix en connaissance de cause.

Lorsque je prends part à des interventions syndicales contre les ateliers d'exploitation, je constate que la majorité des Canadiens ignorent qu'au Canada, mais surtout dans les autres pays, beaucoup de gens doivent travailler de très longues heures pour un salaire extrêmement bas, avec peu ou pas de mesures pour assurer leur sécurité et protéger leur santé. Lorsque les gens savent qu'il y a des abus de ce genre, cela nous aide à choisir en toute connaissance de cause entre les diverses options qui s'offrent à nous lors des négociations commerciales, mais également lorsque nous choisissons les produits et les services que nous achetons. Cela valorise également notre participation démocratique à ces tables rondes. Je remercie le gouvernement du Canada qui a accepté de constituer un groupe de travail gouvernemental sur les ateliers d'exploitation. Cette initiative nous aidera à mieux informer la population quant aux options qui s'offrent à nous en matière commerciale.

On a dit que les accords commerciaux internationaux étaient en fait des chartes des droits des sociétés. Les compagnies transnationales transcendent facilement les frontières des États et ne sont assujetties à aucune obligation sociale. En revanche, étant donné que la pauvreté dans le monde s'aggrave à mesure que la richesse se concentre, de plus en plus de gens veulent qu'il y ait un régime international de règles commerciales pour protéger l'être humain au travail et dans sa vie privée, mais également protéger notre planète polluée.

Les dictatures ne devraient pouvoir avoir accès aux marchés étrangers que dans la mesure où elles respectent les normes sociales et environnementales internationales. Il faudrait pour cela une réglementation qui obligerait les compagnies à se conformer à ces normes pour pouvoir profiter des débouchés internationaux, et non pas simplement des accords parallèles de pure forme n'ayant aucune force juridique. Avec ses 134 membres, l'Organisation mondiale du commerce est une cheville ouvrière qui doit dorénavant multiplier les efforts pour arriver à ces droits humains et planétaires qui sont actuellement extrêmement minimes par rapport aux droits dont disposent les compagnies.

Ma quatrième recommandation voudrait que tous les accords commerciaux que notre gouvernement a déjà signés et qu'il signera ultérieurement reflètent les obligations de notre pays à l'endroit des accords internationaux dont nous sommes déjà signataires. Ainsi, en vertu de la Convention de Genève, il est interdit au Canada de vendre des armes à un pays qui participe à un conflit armé, mais nous faisons fi de cette règle et sommes ainsi responsables de nombreuses souffrances et de nombreuses morts par le simple fait que nous ne respectons pas cette convention. Nous avons signé des accords des Nations Unies pour protéger les droits du peuple canadien, pour protéger et améliorer notre niveau de vie, mais nous ne respectons pas non plus ces accords, selon ce que déclarait en novembre 1998 à Genève le comité du Conseil économique et social des Nations Unies.

Le Canada est signataire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, des deux pactes sur les droits économiques, sociaux, culturels, politiques et civils, et de bien d'autres accords des Nations Unies. Ces garanties ne vaudront que si la règle de droit existe sur le plan international. Le droit de commercer avec l'étranger doit être associé au palmarès en matière de droits de la personne et de conditions de vie.

En cinquième lieu, l'Organisation nationale anti-pauvreté demande à ce que tous les accords commerciaux soient assortis, par voie de renégociation ou d'adoption, de mécanismes permettant d'intervenir en cas de violation flagrante et systématique des droits de l'homme. Le droit à la vie, le droit de n'être pas contraint par la torture, le droit à la non-impunité en cas de crimes violents commis par l'État, tous ces droits sont cruciaux pour nous tous. Un régime de sanctions en cas de violation de ces droits doit faire partie intégrante du mandat de l'OMC et de tous les accords signés par le Canada.

Je vous remercie de m'avoir permis d'apprendre au comité que les gens sont de plus en plus nombreux à réclamer que les droits de l'homme soient l'élément prioritaire lors de la négociation de ces accords internationaux qui vont refaire la face du monde.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie, madame Brown.

Monsieur Stinson.

M. Darrel Stinson: Merci, madame la présidente.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir comparaître ce matin, madame Brown.

Vous souhaitez dans une de vos recommandations davantage de transparence dans le cas des négociations commerciales et de l'évolution des dossiers. Comment pourrions-nous nous y prendre, auriez-vous des suggestions à ce sujet?

Une autre question qui me vient à l'esprit concerne la situation qu'on constate ailleurs dans le monde dans le cas des ateliers d'exploitation et du travail des enfants. Nous semblons avoir bien du mal à savoir ce qui se passe. D'aucuns affirment que nous devrions cesser toute relation commerciale avec les pays en question. Pour ma part, je pense que chaque fois que nous imposons des sanctions commerciales de ce genre, nous risquons de nuire encore plus aux pauvres et à ceux que nous essayons d'aider que le contraire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

• 1105

Mme Bev Brown: Je pense que nous pourrions commencer en disant aux gens ce qui se passe. Par exemple, pendant les négociations des derniers accords commerciaux, la population ne savait pas ce qu'elle aurait dû savoir pour nous aider à prendre les décisions nécessaires. Je pense à l'AMI, à l'ALENA et l'ALE. Il y a eu une grosse levée de boucliers à propos de l'Accord de libre-échange et surtout de l'AMI, et beaucoup moins à propos de l'ALENA, précisément à cause de cette méconnaissance.

Je le répète, le comité m'a donné le mandat nécessaire samedi seulement. C'est à peine le temps nécessaire pour se préparer à répondre à ce genre de questions.

M. Daniel Turp: Vous prépariez votre mémoire en regardant la cérémonie des Oscars?

Mme Bev Brown: Non.

Pour ce qui est de votre seconde question, je pense que pour poser de bonnes questions, il faut être mieux informé.

M. Darrel Stinson: Mais comment y arriver?

Mme Bev Brown: En présentant clairement les choix en cause et ceux que nous devons faire et en veillant à ce que cela fasse partie des campagnes d'information de la population menées par le gouvernement.

M. Darrel Stinson: Est-ce que vous recommanderiez que cela se fasse sur une chaîne de télévision publique?

Mme Bev Brown: Évidemment. Sur CPaC par exemple.

M. Darrel Stinson: Je pense que c'est une excellente idée.

Mme Bev Brown: Comme je vis moi-même dans la pauvreté, je ne suis pas abonnée au câble, de sorte que je recommanderais de le faire de façon publique de manière à ne pas exclure ceux qui n'ont pas d'ordinateur ou qui ne sont pas abonnés au câble.

S'agissant de votre seconde question, je pense que nous pouvons avoir recours à des sanctions commerciales positives et négatives à la fois pour forcer les pays à se conformer. De nombreux pays réagiraient plus positivement à la possibilité de bénéficier de meilleurs tarifs douaniers qu'à un boycott. Nous pourrions donc avoir recours à ces sanctions commerciales positives et négatives pour arriver à faire en sorte que ces pays respectent les pactes sur les droits de l'homme qu'ils ont signés ou améliorent leur palmarès dans le domaine des droits de la personne.

Par exemple, la torture fait partie intégrante des méthodes d'enquête mexicaines. Grâce à l'accord de l'ALENA, nous importons de ce pays des produits à tarif douanier réduit, mais la population de ce pays n'est pas protégée contre les violations des droits de la personne. Elle l'est en théorie, mais pas dans les faits. Il nous faut des mécanismes transparents qui la protégeront dans la pratique, et une bonne façon d'y arriver est de recourir à des sanctions positives aussi bien que négatives.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, madame Brown.

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Madame Brown, merci beaucoup d'être venue au comité. Il sera important que des groupes de défense des droits de la personne comme le vôtre, et beaucoup d'autres, viennent aux réunions dans les semaines à venir. Si vous voulez que vos arguments soient entendus, il faut que vous veniez ici. Il faut que vous veniez ici et aux autres rencontres au pays. Plus vous ferez valoir vos vues, plus, je crois, le gouvernement en tiendra compte.

Je voudrais faire une observation à propos des consultations. Je veux que ce soit porté au compte rendu.

Il est vrai que vous avez été prévenue très tard, mais il y a toutes sortes de raisons à cela. Le Parti réformiste ne voulait pas que nous venions ici et il faut que tout le monde le sache. Le comité a aussi connu des difficultés. Ce sont des explications d'ordre technique. Ce n'est pas une justification, et ce n'est pas votre faute ni celle de ceux qui veulent être consultés.

Mais je tiens à dire—et je l'ai dit à M. Speller—que je suis reconnaissant du fait que M. Marchi, le ministre, a proposé l'idée de consulter la population, ce qui ne s'était pas fait par le passé. La consultation n'a pas autant d'ampleur que le ministre l'aurait souhaité mais c'est une bonne initiative. Il faut s'assurer, au comité et ailleurs, que cette consultation ait autant de sens qu'il le souhaite.

Mme Bev Brown: Les gens à faible revenu de tout l'hémisphère, comme ceux que j'ai rencontrés au Chili, sont d'accord avec vous.

M. Daniel Turp: Oui, et c'est pourquoi je tenais à dire cela. Il y a bel et bien un effort qui se fait et il faut que cela se sache. Il faut le reconnaître et ceux qui critiquent doivent comprendre qu'ils ont peut-être une part de responsabilité si les gens ne sont pas prévenus suffisamment à l'avance.

Vous n'approuvez peut-être pas ce que fait le Bloc québécois et ce qu'il veut sur la question nationale, mais vous serez heureuse d'apprendre qu'un de mes collègues du Nouveau Parti démocratique est en train de déposer une loi anti-pauvreté à la Chambre des communes.

• 1110

M. Darrel Stinson: Où est-il?

M. Daniel Turp: Il est à la Chambre des communes parce que nous sommes ici.

Nous avons certaines préoccupations de ce genre, mais nous nous intéressons aussi aux sept grandes conventions de l'OIT que vous avez énumérées pour nous, parce que le Canada n'a ratifié que quatre de ces sept textes fondamentaux. J'essaie de convaincre Pierre Pettigrew et le ministre du Travail ainsi que le ministre des Affaires étrangères de ratifier l'une de ces conventions très importantes, celle qui porte le numéro 98; d'autres devraient aussi être ratifiées pour que le Canada montre à d'autres États que les travailleurs ont des droits fondamentaux et que le Canada devrait y souscrire de façon contraignante sur le plan international grâce à ces conventions.

Mais ma question est la suivante. Vous avez parlé de tous ces traités, de toutes ces déclarations des droits de la personne. Comment voudriez-vous qu'ils soient incorporés au système de l'OMC? Techniquement, comment cela devrait-il se faire? Devrait-il y avoir un traité distinct? C'est une question technique compliquée à l'OMC. Voulez-vous une clause de garantie qui porte sur les droits de la personne et qui stipulerait que s'il y a violation des droits de la personne dans les dictatures dont vous avez parlé, un pays aura le droit d'interdire les importations de ce pays, que ce soit du Chili, de la Yougoslavie ou d'ailleurs? Comment aimeriez-vous que cela soit fait à l'OMC?

Mme Bev Brown: De façon applicable, transparente et publiquement justifiable. Je veux aussi que le commerce dépende du maintien et de l'amélioration des droits de la personne; si nous avons signé des traités, je veux que ces traités soient contraignants dans notre commerce extérieur.

M. Daniel Turp: Mais ces traités relatifs aux droits de la personne sont déjà contraignants.

Mme Bev Brown: Mais ils ne sont pas appliqués, et c'est là, je crois, où l'OMC intervient. Elle peut être un agent d'application des obligations en matière de droits de la personne.

M. Daniel Turp: Pourrais-je demander à votre organisation—et ce n'est ni la première ni la dernière fois que vous comparaissez ici—ou à d'autres organisations de défense des droits de réclamer non seulement d'incorporer les droits de la personne au programme de l'OMC mais aussi de réfléchir à la façon dont cela doit se faire parce que c'est cela qui est difficile. Ce qui est ardu, c'est de convaincre les pays comme les États-Unis et d'autres que les droits de la personne doivent être incorporés au système—ou à tout le moins les droits des travailleurs. Mais la difficulté c'est de savoir comment s'y prendre. Comment cela peut-il se faire sur le plan technique? C'est cela qui est difficile. Il y a plusieurs accords commerciaux; il y a plus de 20 accords commerciaux. Dans lequel insérez-vous les droits de la personne? Faut-il au contraire un traité distinct sur les droits de la personne qui liera les institutions de l'OMC? Elles ne pourront rien faire à moins que le pays respecte les droits de l'homme.

Mme Bev Brown: Je dirais oui, que tout le commerce en dépende. Et je ne parle pas seulement en mon nom; je parle comme quelqu'un qui a rencontré toute une série de groupes au Chili, de tout l'hémisphère, qui le veulent aussi. Je pense qu'il faudrait renégocier l'ALENA et l'ALE, au fait, pour s'assurer que les gens disposent des protections dont ils ont besoin, parce qu'à mon avis on a bradé les programmes sociaux et on est en train de brader aussi le pays.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

Pour faire suite à ce que vient de dire M. Turp, 134 pays font partie de l'OMC, et si vous preniez le rapport d'Amnistie Internationale et si vous barriez le nom de chaque pays, il y a sans doute la moitié des pays de l'OMC qui disparaîtrait de la liste. Si vous éliminiez ces pays de la liste, beaucoup des habitants de ces pays—des miséreux, des enfants désavantagés—souffriraient encore davantage.

Mme Bev Brown: Oui, mais je pense que l'on peut utiliser des sanctions commerciales positives dans ce cas-là, pour que les gens soient récompensés d'avoir respecté, défendu et amélioré les droits de la personne.

M. Sarkis Assadourian: Mais comme on l'a dit plus tôt, ces pays ont tous signé des chartes des droits de la personne, toutes sortes de déclarations internationales en ce sens. Mais vous avez maintenant la preuve qu'ils ne respectent pas leurs engagements.

• 1115

Comment établissez-vous l'équilibre entre les droits de la personne—et ne vous y trompez pas, je suis tout à fait en faveur des droits de la personne—et le commerce? Comment faites-vous en sorte que la population locale qui souffre de la violation de ces droits et de pauvreté ne souffre pas encore davantage? C'est la question que vous devez vous poser.

Mme Bev Brown: Vous utilisez des sanctions commerciales positives au lieu de sanctions négatives de boycottage.

M. Daniel Turp: Qu'est-ce que vous entendez par là?

Mme Bev Brown: Je veux dire accorder de meilleures conditions aux exportations venant de pays qui respectent les droits de la personne.

M. Sarkis Assadourian: Pourquoi une entreprise nord-américaine devrait-elle payer plus à un dictateur chilien ou à un gouvernement turc corrompu ou à un autre pays, quel qu'il soit, pour qu'il respecte ce qu'il a déjà commencé à respecter de toute façon? Où tracez-vous la ligne? Tirer la ligne sur les droits de la personne, le respect des droits de la personne, n'est-ce pas? Pourquoi est-ce que je devrais vous payer plus et quel est le prix que je dois payer pour cesser de marchander avec vous pour que vous respectiez le papier que vous avez signé? Pour moi, cela n'a pas de sens. Pourquoi?

Mme Bev Brown: Les gens qui souffrent le plus aujourd'hui n'ont pas de droits. Si nous voulons que les droits de la personne deviennent une réalité, nous devons les rendre plus concrets et en assurer le respect. Je crois donc que les gens se porteront mieux si l'on tient compte des droits de la personne.

M. Sarkis Assadourian: Mais dites-moi comment les faire respecter. Prenez la Chine, par exemple. Je veux que l'on respecte les droits de la personne en Chine. Dites-moi comment faire.

M. Daniel Turp: Les missions d'Équipe Canada.

Mme Bev Brown: Le Canada dispose d'une certaine expertise en matière de droits de la personne, et nous pourrions montrer à ces peuples comment faire des droits de la personne une réalité. Nous l'avons fait par le passé, et nous le referons probablement à l'avenir. Je pense que le Canada est un pays fort bien placé pour encourager ce genre de chose.

En Chine, il y a des gens qui n'ont pas... Nous devons nous assurer que tout le monde est protégé. Ces gens ne sont pas protégés à l'heure actuelle. Les pauvres sont de plus en plus pauvres, nous devons donc renverser cette tendance.

M. Sarkis Assadourian: Comment? Toute la question est là.

M. Daniel Turp: C'est la question à un milliard de dollars. Des mesures commerciales positives seraient incompatibles avec cette règle générale et très essentielle qu'est la clause de la nation la plus favorisée au sein de l'OMC à l'heure actuelle. Vous dites que nous devrions probablement modifier cette norme fondamentale qui nous interdit d'exercer des mesures discriminatoires contre certains pays, ainsi vous pourriez favoriser les pays qui respectent les droits de la personne.

Nous pourrions donc ainsi abaisser les tarifs, s'il en reste, pour les pays qui respectent les droits de la personne, ou réduire les quotas. Mais cela nous obligerait à repenser tout le système. Vous voulez que nous recommandions cela au gouvernement?

Mme Bev Brown: Oui, merci. Je l'espère. Pensez-vous que ce n'est pas déjà le cas?

M. Sarkis Assadourian: Ce système nous a permis d'accomplir des progrès. Si vous renversez le système à nouveau pour parvenir à vos fins, je pense que plus de gens vont souffrir. C'est à cela que je veux en venir.

Mme Bev Brown: Je ne suis pas d'accord.

M. Daniel Turp: Il est très difficile d'accomplir ce que vous voulez faire, et je parle de ces mesures commerciales positives. C'est très difficile.

M. Sarkis Assadourian: J'espère que nous pourrons y arriver.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.

M. Bob Speller: C'est un débat intéressant parce que, d'une part, il y a ceux qui disent que si l'on accorde un avantage à un groupe, on en désavantage un autre. Et d'autre part, il y a ceux qui disent que si l'on met fin aux échanges commerciaux parce que l'on porte atteinte aux droits de la personne, alors on désavantage un grand nombre de gens dans ces pays qui dépendent des échanges commerciaux.

Tout cela nous ramène aux maquiladoras et à la question de savoir si ces gens qui, comme vous dites, qui travaillent dans les ateliers d'exploitation et ne gagnent qu'un dollar ou quatre dollars par jour, peu importe le montant, profitent vraiment de mesure comme celle-là. Allez-vous mettre un terme à une pratique comme celle-là, ou espérez-vous mettre en place une mesure qui aura un effet multiplicateur et qui profitera à plus de gens? Il est difficile de répondre à cette question, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Je remercie M. Turp pour ses observations sur les consultations parce que, comme il le sait lui-même, nous n'en sommes qu'au début du processus de consultation. Ce processus mènera à des discussions ministérielles qui auront lieu en décembre, à Seattle, et ces discussions se poursuivront au cours des trois prochaines années qu'il faudra pour négocier un tel accord.

• 1120

Nous n'en sommes qu'au premier jour de la discussion parlementaire sur cette question. Et je tiens à séparer les choses; nous discutons aujourd'hui de l'aspect parlementaire de la question, et non des consultations gouvernementales. Le Parlement du Canada fait ces consultations. Pour diverses raisons, nous n'avons pas pu entreprendre cet examen aussi vite que nous l'aurions voulu.

Malheureusement, comme vous êtes la première à passer, il vous a fallu préparer votre exposé à toute vapeur. Mais je tiens tout de même à vous féliciter pour l'ampleur de votre exposé.

J'imagine que je n'ai qu'une seule question. Nous avons entendu divers groupes à Ottawa. Nous avons entendu des groupes comme le Conseil des Canadiens et d'autres qui ont dit qu'il était probablement important d'être présent à la table des négociations, même si, à leur avis, le cadre de la négociation était imparfait.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Ayant lu votre texte, je ne suis pas sûr si vous tenez vraiment à ce que nous soyons présents à la table des négociations.

Mme Bev Brown: On tient là l'occasion d'améliorer le sort des droits de la personne, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous devrions être présents à la table des négociations, à mon avis.

M. Bob Speller: Pour ce qui est de toute la question de la déclaration des droits de la personne et de la place des droits de la personne dans les accords commerciaux, à votre avis, devrait-on faire expressément mention des droits de la personne dans le cadre d'un accord commercial, et devrait-on exclure les pays qui violent les droits de la personne?

Mme Bev Brown: Oui, ou nous devrions récompenser les pays qui respectent les droits de la personne.

M. Bob Speller: Mais quand on récompense certains pays, automatiquement, on en défavorise d'autres. J'imagine que des pays développés comme le Canada auraient droit à toutes les récompenses, et les pays sous-développés, les pays pauvres, par leur nature même, n'en recevraient aucune. C'est comme ça que le monde marche maintenant.

Mme Bev Brown: Les travailleurs dans ces pays veulent des protections, et leurs modèles n'auraient pu être mis en place sans le concours des forces armées. Ils sont aujourd'hui défavorisés. Je crois que toute mesure qui aurait pour effet d'égaliser les chances pour ces gens serait bonne.

M. Bob Speller: D'accord, merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Dans le contexte de l'ALENA, les droits de la personne ont fait l'objet d'un accord parallèle sur les droits des travailleurs. Il existe une coopération nord-américaine. Aimeriez-vous que l'on en fasse autant au sein de l'OMC? Devrait-on conclure un accord parallèle sur les droits des travailleurs?

Mon autre question est plus générale, elle porte sur les droits de la personne, c'est-à-dire les droits civils, les droits politiques et autres. On pourrait régler le problème en insérant une clause d'exemption dans le GATS, mais alors, il faudrait s'assurer que la clause permette à un gouvernement, comme le gouvernement canadien ou un autre, d'imposer des sanctions ou d'exercer des représailles, dans le cas où un autre gouvernement ne respecterait pas les droits de la personne, chose qui n'est pas possible pour le moment. On ne peut pas invoquer une violation des droits de la personne dans un autre pays pour mettre un terme aux échanges commerciaux ou imposer des sanctions. Souhaitez-vous une clause de ce genre? Souhaitez-vous que l'on impose des sanctions commerciales aux pays qui ne respectent pas les droits de la personne?

Mme Bev Brown: Oui, c'est ce que je souhaite. Je ne voudrais pas cependant d'un accord parallèle. Je voudrais qu'une telle clause figure dans le texte de l'accord et que l'on ait les moyens de la faire respecter, parce que les accords parallèles n'ont pas donné de très bons résultats jusqu'à présent.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Faisant suite à la question que M. Turp vient de vous poser, qui serait chargé de prouver qu'il y a eu violation des droits de la personne? Est-ce que ce serait un tribunal distinct à Genève? Est-ce qu'on s'adresserait à un mécanisme de règlement des différends?

Qui déciderait? Est-ce que l'on confierait à quelqu'un, à Genève, le soin d'établir les faits? Pourquoi ne pas confier cette tâche à Mary Robinson, notre commissaire des Nations Unies chargée des droits de la personne? Faites-nous vos suggestions.

• 1125

M. Bev Brown: Je pense qu'il serait très bon d'avoir une instance qui serait impartiale et transparente. Les Nations Unies font ce genre de travail, et elles sont déjà équipées pour assurer ce type de protection des droits de la personne. Je sais que lorsque l'on viole les droits de la personne, les Nations Unies interviennent, et elles nomment parfois une personne indépendante qui se rend dans le pays en cause pour contrôler l'évolution de la situation. Je recommande un mécanisme comme celui-là.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'ai rencontré le haut-commissaire Robinson. Lorsque nous avons parlé des violations des droits de la personne en Indonésie, on a fait valoir que l'on ne dispose pas des fonds voulus pour envoyer des observateurs dans ces régions. Encore là, allons-nous obliger tous les pays membres de l'OMC à payer pour ce genre de choses?

Mme Bev Brown: Eh bien, si les États-Unis payaient leur facture aux Nations Unies, nous aurions cet argent. Je pense que le Canada devrait insister auprès des États-Unis pour qu'il paye sa facture aux Nations Unies.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'ai une autre question avant de faire un autre tour de table—je sais que nous avons encore d'autres questions à poser.

Lorsque vous parlez de la société civile... Encore une fois, je veux parler un peu de l'Accord de libre-échange des Amériques pendant que vous êtes ici. Nous avons parlé de renégocier l'ALE ou l'ALENA, mais nous allons maintenant également entamer des négociations régionales sur un accord de libre-échange des Amériques. Est-ce une tribune où nous pouvons—si on considère qu'il s'agit d'une renégociation—aborder ce genre de questions? Nous parlons d'un accord hémisphérique... L'une des choses que l'on a faites spécifiquement dans le cadre de l'Accord de libre-échange des Amériques, c'est de mettre sur pied un groupe spécial sur la société civile—ils ont été très conscients de cette consultation, non pas seulement le Canada, mais dans toute la zone de libre- échange des Amériques en général. Comment pouvons-nous utiliser l'Accord de libre-échange des Amériques? Pouvons-nous l'utiliser? Qu'est-ce que vous incluriez dans votre définition d'une société civile, et comment pouvons-nous utiliser l'Accord de libre-échange des Amériques pour améliorer l'ALENA et l'ALE?

Mme Bev Brown: Tout d'abord, je pense que nous devons cesser de sabrer nos programmes sociaux. Mel Clark, un négociateur principal pour l'accord de libre-échange, a dit qu'il croyait que cela devrait être regroupé ou négocié de façon à ce que les programmes sociaux ne soient pas assujettis aux mesures compensatoires américaines. Si nous le voulons, je pense que nous pourrions prévoir dans le cadre de l'Accord de libre-échange des Amériques des dispositions qui mettraient fin à ces mesures compensatoires.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'ai une dernière question. Je...

Mme Bev Brown: Je pense que la société civile c'est tout le monde, par exemple, les particuliers, les groupes, les groupes à but non lucratif, les ONG.

M. Daniel Turp: Les entreprises.

Mme Bev Brown: Sauf qu'elles sont déjà des intervenants clés.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): C'est l'une des choses dont je puis parler—ne pas oublier les entreprises. Je voulais seulement que vous me fassiez part de vos commentaires. Vous êtes donc également d'avis que les entreprises devraient être à la table des négociations.

Mme Bev Brown: Oui, mais je crois cependant qu'elles ont été trop privilégiées. Je pense que nous devons entendre d'autres groupes également.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): C'est tout à fait juste.

Monsieur Stinson, nous allons maintenant faire un deuxième tour de table. Vous aviez une question.

M. Darrel Stinson: Non, ça va. On vient tout juste d'y répondre.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien. Une autre chose que j'ai apprise, c'est que dans l'Accord de libre- échange des Amériques, étant donné qu'il y a de nombreuses petites économies, particulièrement dans les Antilles, l'un des principes qui a été proposé par le premier ministre de la Barbade serait d'appliquer un indice de vulnérabilité pour la mise en oeuvre des obligations de l'OMC à mesure que les pays signent. Croyez-vous que nous pourrions peut-être faire la même chose et appliquer un indice en matière de droits de la personne plutôt que tout simplement un indice de vulnérabilité?

Mme Bev Brown: Je pense que les deux sont de bonnes initiatives. Le Canada a par ailleurs participé et continuera de participer à une surveillance sociale. Savez-vous ce qu'est une surveillance sociale? C'est pour mesurer les progrès d'un pays au-delà du PIB. Je crois que ce sont des initiatives qui aideront à surveiller les progrès accomplis.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Vous savez que vous avez soulevé la question très délicate de savoir qui décidera si au Myanmar, en Birmanie ou ailleurs, on porte atteinte aux droits de la personne au point où cela justifierait des sanctions commerciales d'un ou plusieurs pays. La meilleure solution serait d'avoir un indice des droits de la personne. C'est quelque chose qui a déjà existé par le passé. Le PNUD, le Programme des Nations Unies pour le développement, avait des indices des droits de la personne, mais comme les pays s'y opposaient, ils ont dû abandonner la création de cet indice des droits de la personne. D'autres ONG créent des indices des droits de la personne. Nous devons donc trouver un organisme qui le fera, et nous assurer que ses jugements ou ses décisions sont utilisés par d'autres organismes, notamment l'OMC, pour justifier les sanctions commerciales.

• 1130

M. Bob Speller: Et qu'ils aient aussi un caractère exécutoire.

M. Daniel Turp: La question que je pose est la suivante: qui devrait créer un indice des droits de la personne? Les Américains en ont un. Il y a deux semaines le Département d'État a publié un indice des droits de la personne de 733 pages mais vous savez ce que cela signifie parfois: les pays communistes sont toujours montrés du doigt et les pays que les États-Unis considèrent comme des alliés sont généralement épargnés.

Qui devrait créer ce genre d'indice?

M. Bob Speller: Avant que vous ne répondiez, j'aimerais ajouter que bien entendu il faudrait que ces sanctions soient véritablement appliquées. Regardez les moyens militaires qu'il a fallu pour que les sanctions imposées à l'Irak soient respectées. Il y aura toujours quelqu'un, un pays, qui voudra commercer avec ces pays. Un mécanisme d'application de ces sanctions sera donc nécessaire.

Mme Bev Brown: Les sanctions imposées à l'Irak sont différentes de celles imposées à l'Afrique du Sud pour l'apartheid parce que dans le cas de l'Irak il y avait aussi la guerre. La population a donc souffert de ces sanctions dans un contexte très analogue à une guerre.

M. Daniel Turp: C'est toujours le cas aujourd'hui en Irak. Il est certain que les femmes et les enfants souffrent des sanctions en Irak mais en même temps quelle autre pression exercer sur Saddam Hussein? C'est très difficile et j'aimerais que votre organisme réfléchisse aux divers moyens possibles—par exemple, sous la forme d'un indice des droits de la personne. Quelles instances devraient avoir le pouvoir de décider s'il y a violation des droits de la personne et quelles sanctions cela mérite?

Mme Bev Brown: À mon avis, le PNUD serait l'instance appropriée. Je suis favorable à une taxe Tobin sur les investissements. À mon avis, le PNUD serait une bonne instance aussi pour administrer une taxe Tobin. Cela freinerait la spéculation financière qui ruine les économies.

M. Daniel Turp: Selon M. Martin, la taxe Tobin est une bonne idée mais il y a des limites à ce qu'il peut faire pour la faire avancer. Il y a tellement de pays qui sont contre...

Mme Bev Brown: Oui. Il y a de plus en plus de Canadiens qui réclament cette taxe Tobin et nous faisons tout pour que cette initiative aboutisse.

M. Bob Speller: Comme nous sommes à Terre-Neuve et que c'est aujourd'hui le dépôt du budget provincial... J'espère que M. Tobin ne rêve pas de taxes.

Mme Bev Brown: Je dois me rendre au séquestre budgétaire et je sais très bien de quoi vous parlez.

M. Daniel Turp: Ils font participer la société civile au huis- clos. C'est une bonne idée. Il faudrait aussi le faire à Ottawa car je ne crois pas que ce soit le cas.

J'étais sérieux l'autre jour lorsque j'ai dit au comité qu'à mon avis nous n'étions peut-être pas encore prêts pour ce genre d'initiative. Mais il devrait y avoir une nouvelle instance, quelque chose comme un conseil de sécurité économique. Aux Nations Unies actuellement il y a un conseil de sécurité politique. Il pourrait y avoir aussi un conseil de sécurité économique pour les crises de nature financière ou économique—comme pour ce qui s'est passé en Asie, et au Mexique il y a quelques années. Une telle instance prendrait des décisions au nom de la communauté internationale et ce pourrait être cette même instance qui autoriserait les sanctions commerciales en cas d'atteinte aux droits de la personne.

Vous pourriez peut-être y réfléchir. Devrions-nous avoir une instance analogue au Conseil de sécurité des Nations Unies pour les questions économiques et commerciales pour prendre des décisions en cas de crise de ce genre?

Mme Bev Brown: Oui, je crois que c'est une bonne idée.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'aimerais remercier Mme Brown et j'aimerais ajouter à ce que vient de dire M. Turp, qu'encore une fois, c'est la première de nos réunions publiques. C'est le début de notre exercice de communication; ce n'est pas sa fin. Toute suggestion ultérieure sera la bienvenue. Encore une fois nous vous invitons à communiquer avec vos membres et à les encourager, soit par le biais de votre organisme ou individuellement, à soumettre des mémoires à notre comité afin que nous puissions entamer un dialogue.

Je vous remercie d'être venue et d'avoir pris le temps de nous communiquer vos idées.

Mme Bev Brown: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous reprendrons notre réunion à 13 h 30 précises.

• 1335




• 1336

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je déclare cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international ouverte. Nous sommes rendus à la séance de l'après-midi et j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Coombs et à M. O'Rielly qui représentent la Fisheries Association of Newfoundland and Labrador.

Il s'agit de la première d'une série d'audiences publiques à travers le Canada sur les aspects clés de la politique de commerce international du Canada. Conformément au Règlement de la Chambre, nous examinons les objectifs du Canada en matière de commerce et le programme de l'Organisation mondiale du commerce. Le Sous-comité du commerce international sur les conflits et les investissements examine lui les intérêts prioritaires du Canada dans le processus de création d'une ZLEA.

Messieurs, je vous souhaite donc la bienvenue et je vous demanderais de commencer, s'il vous plaît.

M. Alastair O'Rielly (président, Fisheries Association of Newfoundland and Labrador): Merci. Je m'appelle Alastair O'Rielly. Je suis président de la Fisheries Association of Newfoundland and Labrador. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Kevin Coombs. Kevin est vice-président de Fishery Products International, la plus grosse compagnie de commercialisation et de transformation de produits de la mer du Canada.

Je crois que vous avez entre les mains des copies de mon exposé. Il est assez bref; il a été préparé rapidement pendant le week-end. Nous participons en ce moment à des négociations acharnées sur les prix et il nous a été difficile de trouver du temps pour nous préparer pendant le week-end en vue de cette réunion. Je crois que nous avons exposé l'essentiel et j'aimerais simplement parcourir très rapidement ce texte. Bien entendu, vous pouvez m'interrompre à tout moment ou me poser des questions quand j'aurai terminé si cela vous convient mieux.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je préférerais que vous fassiez votre exposé et que mes collègues vous posent ensuite des questions s'ils le veulent. S'il reste du temps, nous procéderons à un deuxième tour de questions.

M. Alastair O'Rielly: D'accord.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

M. Alastair O'Rielly: Je vais donc commencer si cela vous convient.

Notre organisme existe depuis environ 1944 et représente les intérêts des transformateurs des produits de la mer. Pendant toute cette période, bien entendu, notre industrie a toujours été tournée de manière prédominante vers les exportations. Nos membres représentent environ 80 p. 100 de la production et de l'exportation de produits de la mer de Terre-Neuve. Ce chiffre est resté relativement constant. Il lui est arrivé de descendre à 75 p. 100 mais aussi de monter à 90 p. 100. Il reste que nous représentons la part du lion de l'industrie de Terre-Neuve.

Nous sommes membres du Conseil canadien des pêches qui est l'instance nationale regroupant les divers organismes provinciaux comme le nôtre. Le Conseil des pêches viendra témoigner devant vous un peu plus tard et vous exposera les priorités de l'ensemble du Canada en matière de produits de la mer.

Notre industrie a compté jusqu'à 250 usines de transformation. La crise au niveau des ressources a fait que nous n'en comptons plus qu'environ 142 dont beaucoup fonctionnent à peine. Certaines sont très actives. Comme ces chiffres peuvent vous le faire voir, la valeur de notre production est actuellement de l'ordre de 700 millions de dollars. Et la valeur débarquée à 384 millions de dollars est supérieure—de loin supérieure—à ce qu'elle a jamais été.

J'espère que les corrections que j'ai apportées à mes notes ne vous ont pas échappé.

Nous employons environ 14 000 personnes au niveau de la pêche et environ 13 000 autres au niveau de la transformation. Ni dans un cas ni dans l'autre il ne s'agit d'emplois à l'année longue, mais pour ces gens c'est leur principal ou pratiquement leur seul moyen de gagner de l'argent. Beaucoup d'entre eux sont employés pour des périodes de trois à six mois.

La valeur à l'exportation est un peu inférieure à la valeur totale de production, quelque chose de l'ordre de 500 millions de dollars. J'ai quelques graphiques qui vous en donnent une idée plus précise. Le premier graphique vous indique la valeur des exportations. Vous pouvez constater qu'à partir de 1994, nous sommes pratiquement tombés à environ 300 millions de dollars. Il y a eu depuis un redressement et nous sommes presque parvenus à 500 millions de dollars en 1998.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Puis-je vous interrompre un instant? Ces données sont-elles provinciales ou nationales?

• 1340

M. Alastair O'Rielly: Ce sont des données provinciales, qui ne concernent que Terre-Neuve.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

M. Daniel Turp: Que voulez-vous dire par tous les pays? S'agit-il des exportations vers tous les autres pays?

M. Alastair O'Rielly: Oui.

M. Daniel Turp: Très bien.

M. Alastair O'Rielly: Au tableau suivant se trouve une ventilation des exportations. Les exportations de poisson de Terre-Neuve et du Labrador, d'une valeur de 500 millions de dollars, sont destinées à de nombreux pays du monde entier, mais vous pouvez constater dans ce tableau que les États-Unis continuent d'être notre principal marché d'exportation. Le Japon est important pour nous, et cela varie de temps à autre. Depuis deux ans environ, l'économie japonaise connaît un certain marasme, ce qui s'est répercuté sur nos exportations. Le marché chinois est en pleine expansion. Il y a évidemment beaucoup d'autres pays vers lesquels nous exportons, mais ce sont là les principaux.

Mon tableau suivant indique tout simplement la valeur de la production. En 1998, celle-ci a connu un sommet à Terre-Neuve avec 800 millions de dollars. Nous sommes revenus aujourd'hui à 700 millions de dollars. Si l'on tenait compte de l'inflation—je n'ai pas vraiment fait le calcul—je suppose que pour 1998, toutes proportions gardées, ce serait de l'ordre de 1,1 ou 1,2 milliard de dollars. Nous n'avons pas régressé autant que ce tableau semble l'indiquer car on n'a pas tenu compte de l'inflation dans ces chiffres.

Le tableau suivant présente la ventilation pour le commerce extérieur. À Terre-Neuve, dans l'industrie de poissons et fruits de mer, près de 80 p. 100 de la production est exportée. Nous avons écoulé 63 p. 100 de la production aux États-Unis en 1998. Le Japon en a reçu 15 p. 100, la Chine 6 p. 100, le Danemark 4 p. 100, puis viennent ensuite tous les autres pays. Il est évident que ce secteur est entièrement tributaire des exportations. Il en est ainsi pour toutes les entreprises, pas simplement les grandes sociétés comme Fishery Product International. Tous les petits transformateurs participent activement aux exportations, ce qui crée de nombreux défis aux petites entreprises qui n'ont pas toujours les ressources voulues et qui ont du mal à s'y retrouver dans les formalités administratives et les problèmes liés au commerce international.

Notre croissance future dépend à notre avis d'un accès sans entraves aux marchés. J'y reviendrai un peu plus tard. Un des défis auxquels nous nous heurtons à l'heure actuelle, lorsqu'on envisage l'avenir du commerce extérieur, est l'évolution de l'OMC. Cette organisation remplace le GATT. Il semble qu'une certaine confusion continue d'exister dans l'esprit de certains quant à la forme, la nature, les règles, l'attitude et le fonctionnement de cette organisation.

Sa composition, par exemple, est un facteur important. Même si l'on essaie de modifier et de renforcer les règles, il faut tenir compte des autres intervenants importants dans le secteur des poissons et fruits de mer, comme la Chine et la Russie. Nous ne savons pas exactement, pour le moment, comment on va tenir compte de ce facteur et quelle importance cela a dans le cadre de tout le processus.

La dernière série de négociations commerciales, le cycle de l'Uruguay Round, a duré de sept à huit ans. Ce fut un processus très fastidieux. Nous craignons que les négociations du millénaire ne prennent la même voie. Nous incitons le Canada à faire tout son possible pour trouver une façon rapide de les mener à bien.

Parmi les principaux défis—et ce sont des problèmes de longue date—mentionnons les obstacles techniques au commerce. Une fois surmonté le problème des droits de douane, les gens trouvent toutes sortes de façons ingénieuses d'empêcher vos produits d'avoir accès au marché, qu'il s'agisse des inspections effectuées ou de certaines règles ou certains règlements tout à fait injustes qu'appliquent les pays pour essayer de vous mettre des bâtons dans les roues.

La question des règles sanitaires et phytosanitaires visant les poissons et fruits de mer et les denrées alimentaires en général constitue une source de préoccupation croissante, surtout dans les marchés plus développés du monde. Cela fait ressortir l'importance que revêt pour nous l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Cette agence a été créée récemment pour remplacer une direction du ministère des Pêches et des Océans.

Même s'il s'agit d'un organisme de réglementation et que nous représentons l'industrie, nous la trouvons très utile et importante pour nous. Cette agence fait un excellent travail lorsqu'il s'agit de convaincre le reste du monde que les aliments et la production alimentaire du Canada sont salubres et de qualité constante. C'est un rôle important. L'Agence canadienne d'inspection des aliments a même été à l'origine de certaines initiatives prises dans d'autres pays du monde relativement aux normes et aux questions sanitaires concernant les poissons et fruits de mer.

• 1345

Pour vous donner un exemple, d'autres problèmes surgissent, comme le risque de maladie des produits d'élevage comme le saumon. Ce genre de problèmes inquiètent vivement certains pays et les données scientifiques à ce sujet ne sont pas encore évidentes. On se demande quelle place ce genre de choses occuperont dans les négociations commerciales à l'avenir.

Il y a aussi l'utilisation des hormones. Nous avons vu ce que cela a donné pour le problème du boeuf en Grande-Bretagne, etc. Il y a la question des poissons et fruits de mer génétiquement modifiés. Cela concerne davantage la production aquicole, mais la contamination des espèces sauvages, ou le risque de contamination, provoque de vives inquiétudes chez les consommateurs, qui sont de mieux en mieux informés et très sensibles à ce genre de choses. Là encore, il en sera question lors des négociations commerciales portant sur les poissons et fruits de mer, à notre avis.

Quant à la mondialisation et à la libre circulation des capitaux et des investissements, je le répète, il y a un grand nombre de toutes petites entreprises qui participent à des transactions à l'échelle mondiale. Cela veut dire également, toutefois, que le Canada a un milieu très ouvert aux investissements, ce que nous ne désapprouvons pas sur le fond. Cependant, il s'ensuit un certain risque lorsqu'on a de petites entreprises qui n'ont pas toujours des capitaux suffisants et que notre marché est totalement ouvert à d'autres grands pays producteurs et vendeurs de poisson.

Ces pays peuvent aller et venir comme bon leur semble, acheter ce dont ils ont besoin sur le marché canadien et le vendre ensuite, ce qui n'est pas toujours à l'avantage stratégique du Canada. C'est à nos yeux une préoccupation, mais l'essentiel pour nous est de faire en sorte d'avoir également de notre côté un accès sans entraves aux marchés. Nous ne demandons pas des mesures de protection; je le signale simplement parce que cette question nous préoccupe.

Dans d'autres domaines, d'une façon générale, on a toujours tendance à inclure le poisson dans l'agriculture et l'alimentation, ce qui nous cause d'énormes problèmes par rapport à la façon dont les questions commerciales sont débattues et négociées. Le milieu dans lequel évolue l'industrie des poissons et fruits de mer est tout à fait différent. Au Canada, bien sûr, le marché intérieur est beaucoup plus important pour l'agriculture. Quant au poisson, c'est un produit pratiquement réservé à l'exportation.

Il y a aussi la question très problématique des subventions dans l'agriculture. Je sais que ce sont des questions très complexes qui dominent le débat relatif au commerce dans la plupart des pays qui ont une agriculture assez importante. Il existe des traditions et une structure différentes dans l'industrie, relativement aux offices de commercialisation, à leur rôle et leur influence, et l'incidence qu'ils ont sur les prix. Le principe sous-jacent est différent par rapport au besoin de protection.

Il y a aussi une énorme différence d'échelle. L'industrie des poissons et fruits de mer au Canada rapporte dans les 3 milliards de dollars, dont 700 millions de dollars à Terre-Neuve. En chiffres relatifs, c'est un secteur pratiquement inexistant par rapport à l'agriculture et aux denrées alimentaires. Là encore, c'est une raison de plus qui nous distingue des autres secteurs. Nous recommandons fortement que, lors des négociations, les poissons et fruits de mer fassent l'objet d'une discussion distincte de celle qui porte sur les produits agricoles.

Ce qui nous préoccupe au plus haut point, ce sont les droits de douane imposés par l'Union européenne. Je ne l'ai pas indiqué ici, mais je devrais dire en guise de préambule que les progrès réalisés grâce à l'ALENA ont été très importants pour nous. Les États-Unis sont un marché dominant. Je l'ai déjà dit, 63 p. 100 de notre production est destinée au marché américain. Cela représente une réalisation importante, mais nous souhaitons avoir davantage accès au marché européen. Il y a dans l'Union européenne des consommateurs de fruits de mer très difficiles. Ils consomment beaucoup plus de fruits de mer par habitant que nous, en Amérique du Nord, et les Européens sont très protectionnistes.

La crevette est un secteur vraiment important pour le Canada et la province de Terre-Neuve à l'heure actuelle. Terre-Neuve est la principale source de production de crevettes nordiques à l'heure actuelle, étant donné l'énorme croissance de nos ressources. C'est la province où l'on pêche et transforme le plus de crevettes nordiques. Ce secteur revêt actuellement une très grande importance pour nous.

L'année dernière, il a représenté environ 100 millions de dollars, sur les 700 millions de dollars que j'ai mentionnés. Dans le marché européen, ces crevettes sont extrêmement différenciées; les clients paient le gros prix pour les obtenir. Elles sont très recherchées. Nos concurrents, sous une forme ou sous une autre, ont un accès quasiment sans entraves et ce ne sont pas seulement les pays de l'UE.

Le Danemark est bien sûr un concurrent, mais il fait partie de l'UE. Mais d'autres pays comme l'Islande, la Norvège, le Groenland et les Îles Féroé ont aussi des ententes spéciales qui leur donnent accès à ce marché sans droits de douane—il peut y en avoir, mais ils ne sont généralement pas très importants.

Nous, nous avons un droit de 20 p. 100, ce qui nous empêche d'être compétitifs dans ces marchés. Mais même pour le filet de hareng ou de morue, il y a des droits de douane élevés.

• 1350

Je constate qu'à la fin l'Uruguay Round, l'UE aurait, dans l'ensemble, des droits de douane sur les fruits de mer de l'ordre de près de 11 p. 100. Si l'on compare cela avec le Canada à 2 p. 100, les États-Unis à moins de 1 p. 100, le Japon à 4 p. 100, niveau que nous jugeons protectionniste, et d'autres pays à 1,4, cela fait ressortir, à mon avis, à quel point le régime des droits de douane de l'UE est scandaleux, d'une part, et à quel point il est important pour nous de réaliser des progrès à cet égard. Dans les pays du Pacifique, il y a des droits de douane, comme je le précise ici, notamment au Japon, mais les Asiatiques sont également très habiles pour ce qui est de créer des règles, règlements, politiques et procédures qui étouffent le commerce. Je pense que c'est particulièrement vrai du Japon et de la Corée.

En Amérique latine, des progrès sont réalisés et il y a des promesses relativement à des initiatives de libre-échange dans les Amériques, mais nous trouvons qu'il serait probablement utile d'englober cela également dans les négociations de l'OMC afin de garantir l'ouverture de ces marchés, parce qu'ils sont en pleine croissance et prennent de l'importance, surtout pour le poisson de fond. Et nous espérons assister à une reconstitution des stocks de poisson de fond dans le Canada atlantique.

Notre dernière page est un résumé du contexte pour le secteur des poissons et fruits de mer. Nous dépendons fortement du commerce extérieur et nous avons adopté une politique axée sur la valeur ajoutée. Pour assurer notre succès futur, il faut vraiment que nos produits soient à la hauteur ou supérieurs à ceux des producteurs mondiaux à faible coût.

Historiquement, nous avons vendu des produits de base, comme de la morue en morceaux, des filets de basse qualité, et ces produits étaient souvent exportés, notamment aux États-Unis, pour y être transformés en produits à valeur ajoutée destinés à la consommation. Nous devons faire cette transformation chez nous. Nous devons le faire pour ajouter de la valeur et être compétitifs.

De plus en plus, beaucoup de producteurs du tiers monde deviennent très habiles pour ce qui est de fabriquer ces produits de base à des coûts beaucoup plus faibles que les nôtres. Dans ces pays, le salaire horaire est parfois de l'ordre de 25c. l'heure. Il nous est impossible de les concurrencer. Nous devons faire des produits à valeur ajoutée pour que notre industrie survive; c'est pourquoi il faut ouvrir complètement l'accès aux marchés pour les produits de ce genre.

Nous pouvons connaître une certaine croissance si nous produisons des produits haut de gamme qui peuvent faire concurrence aux producteurs du tiers monde en termes de qualité, salubrité, emballage, uniformité, commodité et prix. Nous devons en faire plus et nous devons le faire mieux. Les restrictions commerciales étouffent assurément nos possibilités à cet égard à l'heure actuelle, particulièrement dans l'EU et dans plusieurs pays du Pacifique.

Dans l'ensemble, notre philosophie est fondée sur un environnement libre et compétitif, sans subventions ni protection. Toutefois, nous voudrions avoir la réciprocité en termes d'accès. Nos principaux concurrents de Scandinavie, par exemple, ont un accès absolument libre au marché nord-américain: pas de droits de douane, pas de restrictions, rien du tout. Nous n'avons pas le même avantage pour ce qui est de l'accès à l'UE, comme je l'ai signalé.

Je pense que nos priorités globales sont que nous voulons voir les droits de douane de l'UE ramenés au niveau de ceux des autres pays industrialisés. Il faut les encourager à mettre fin à leur attitude protectionniste. Nous devons obtenir un meilleur accès aux pays du Pacifique pour nos produits à valeur ajoutée et je pense qu'il faut continuer de progresser dans les efforts qui sont en cours du côté des droits de douane de l'Amérique latine, dans le cadre de l'initiative des Amériques.

Cela met fin à mon exposé. J'espère que je ne suis pas allé trop vite et que je n'ai rien oublié.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur O'Rielly. C'était très bien présenté et très instructif.

Monsieur Coombs, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Kevin Coombs (président, Fisheries Association of Newfoundland and Labrador): Comme M. O'Rielly l'a dit, nous sommes l'un des principaux producteurs. Nous sommes un peu plus diversifiés sur le plan de nos initiatives de marketing que la plupart des autres dans le secteur, mais il n'en demeure pas moins qu'une partie importante de nos produits sont exportés.

L'industrie de la crevette se développe rapidement à Terre-Neuve. Le secteur de la crevette nordique est en pleine croissance depuis deux ou trois ans et cela a fait ressortir l'importance des droits de douane car le principal consommateur de crevettes cuites et décortiquées, c'est l'UE. Quand on doit faire concurrence à d'autres pays qui disposent sur ce marché d'un avantage de 20 p. 100, c'est très important dans notre esprit et c'est prioritaire; c'est là qu'il faut obtenir un changement.

• 1355

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci. Avant de donner la parole à mes collègues, je veux m'assurer d'avoir bien compris, monsieur O'Rielly. Avez-vous dit que la Scandinavie a un accès sans entraves, qu'il n'y a aucun droit de douane?

M. Alastair O'Rielly: Pas aux États-Unis. Je devrais dire nulle part en Amérique du Nord, mais le principal marché est bien sûr celui des États-Unis. Nos principaux concurrents sont l'Islande, la Norvège et le Danemark et ils n'ont aucun droit de douane à payer pour entrer sur le marché de l'Amérique du Nord et bien sûr nous jouissons nous aussi du même avantage sur le marché américain.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Mais pas...

M. Alastair O'Rielly: Mais pas dans l'UE.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vais maintenant donner la parole à mes collègues et j'aurai tout à l'heure d'autres questions à poser.

Monsieur Stinson.

M. Darrel Stinson: Vous dites ici que l'industrie canadienne des poissons et fruits de mer doit avoir l'égalité d'accès aux investissements et au commerce. J'en conclus qu'à votre avis, ce n'est pas le cas actuellement.

M. Alastair O'Rielly: Non, ce que je dis, c'est que la possibilité dont disposent actuellement d'autres pays d'investir dans le secteur canadien des poissons et fruits de mer ne nous pose pas vraiment de problème. À l'heure actuelle, il n'y a aucune entrave. Il a bien une restriction pour ce qui est des permis de pêche. Je pense qu'il faut que l'entreprise soit à propriété canadienne à 50 p. 100. On ne peut pas tout simplement arriver de l'étranger et acheter un permis donnant accès aux ressources.

Autrement dit, en termes d'investissement dans le secteur de la transformation et du marketing, il n'y a aucune restriction. Nous ne sommes pas contre cela. Ce que nous disons, c'est que dans le contexte global, il nous semble grossièrement injuste que les étrangers puissent venir investir à volonté quand le marché est favorable ou quand les prix sont bons et profiter de cette occasion. C'est un autre avantage qu'ils ont par rapport à nous, parce que nous, nous n'avons pas le même accès dans beaucoup d'autres marchés.

M. Darrel Stinson: Si j'ai bien compris, vous dites qu'eux ont ce droit, mais que nous, nous n'avons pas le même avantage dans les mêmes conditions dans d'autres pays.

M. Alastair O'Rielly: Ce n'est peut-être pas nécessairement fixé par la loi, mais c'est le cas à toutes fins utiles et c'est particulièrement vrai du marché japonais. Je pense qu'il y a pas mal d'années que la Fishery Products International a pris des initiatives là-bas et la National Sea Products a également fait des efforts pour participer plus directement en ouvrant par exemple des bureaux au Japon. Mais ce n'est pas facile. Ce n'est pas une question de droits de douane ou de lois; c'est une question de savoir comment faire des affaires là-bas et les réseaux et les structures qui existent dans ce pays rendent extrêmement difficile aux compagnies canadiennes de pénétrer ce marché.

Par contre, si une compagnie japonaise veut venir investir dans une entreprise canadienne de transformation, elle peut le faire et même l'acheter en totalité et l'on ne pose vraiment aucune question. Nous ne sommes pas contre cela; nous voulons simplement avoir un arrangement de réciprocité qui nous donne des chances égales.

M. Darrel Stinson: Dans les négociations qui ont précédé celles à venir, dans quelle mesure votre industrie a-t-elle été consultée par le gouvernement?

M. Alastair O'Rielly: Vous parlez de la série de la négociations à venir relativement à l'OMC?

M. Darrel Stinson: Oui.

M. Alastair O'Rielly: À ma connaissance, pas beaucoup. Nous avons reçu un avis récemment où l'on nous disait que l'on allait procéder à des consultations. Je pense qu'il y a eu diverses discussions discrètes et des contacts avec le Conseil canadien des pêches jusqu'à maintenant. Je pense que les responsables des Affaires étrangères et du Commerce international connaissent nos priorités et nos besoins dans le secteur des poissons et fruits de mer. J'ai la certitude qu'ils connaissent parfaitement bien les réserves que nous avons à l'égard de l'Union européenne, parce que nous n'avons pas cessé de les harceler à ce sujet au cours des dernières années. On connaît donc nos préoccupations, et certaines consultations ont eu lieu. Au sujet de cette prochaine série de négociations dans le cadre de l'OMC, j'ai le sentiment qu'ils ne font que commencer à définir leurs priorités et leurs stratégies pour cette négociation.

M. Darrel Stinson: Mais pour ce qui est de cette série de négociations à venir avec l'OMC... Lors de l'Uruguay Round, dans quelle mesure a-t-on consulté votre industrie?

M. Alastair O'Rielly: Le Conseil canadien des pêches a été très actif à ce moment-là.

M. Darrel Stinson: Et vous étiez satisfaits de cela?

M. Alastair O'Rielly: Oui.

M. Darrel Stinson: D'accord. Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: J'ai une question d'ordre général. Vous avez dit dans votre exposé liminaire que vous vous inquiétiez de voir cette prochaine série de négociations du millénaire durer encore sept ans. Comme vous le savez, l'Uruguay Round n'était pas censée durer sept ans. C'était censé aller très vite. Qu'est-ce qui serait un délai raisonnable pour votre industrie, et je parle en nombre d'années ici? Qu'est-ce qui serait raisonnable?

• 1400

M. Alastair O'Rielly: Je suis déchiré entre la nécessité de défendre les intérêts de nos membres et l'obligation de dire la vérité.

M. Daniel Turp: Dites la vérité.

M. Alastair O'Rielly: La vérité, c'est que mes membres seraient sûrement ravis si tout était terminé au bout de six mois. Leur patience devant de tels processus est très limitée parce que cela coûte cher à l'industrie. Mais en réalité...

M. Daniel Turp: Quels sont ces coûts? Est-ce que vous tenez compte de ces négociations dans vos coûts? Pourquoi des négociations qui durent si longtemps sont-elles coûteuses? Qu'est-ce qui advient de l'industrie au cours des négociations?

M. Alastair O'Rielly: La négociation qui est probablement la plus coûteuse, et celle qui nous cause le plus de préoccupations, c'est celle qui concerne ce tarif de 20 p. 100 que l'Union européenne impose en ce moment aux crevettes. Nous en avons discuté avec l'Union européenne, et nous avons tâché d'avancer quelque peu. Si nous ne réussissons pas, et il a été proposé parce que cela fait partie d'un problème très complexe, d'inclure cette négociation dans la série de l'OMC, et si cela arrive et que cela prend plusieurs années, rien que dans notre industrie, rien qu'à Terre-Neuve—et je ne parle pas de l'industrie crevettière en mer, rien que du secteur côtier—et je peux le prouver aisément, cela nous coûtera 20 millions de dollars par année. Donc, chaque année, de toute évidence, nous sommes désavantagés sur le marché, parce que c'est 20 p. 100 que l'on retranche tout de suite du prix de vente final avant même de commencer.

Vous pouvez donc comprendre que pour les produits liés au poisson de fond, ce tarif de 10 p. 100 ou 12 p. 100, et 10 ou 12 p. 100, avec les profits que l'on connaît aujourd'hui dans ce secteur, ça nous tue. On ne peut tout simplement pas faire concurrence aux autres producteurs qui n'ont pas à surmonter cette barrière tarifaire. C'est la même chose pour les filets de hareng; c'est 15 p. 100 pour un produit dont la valeur est très basse et la marge de profit aussi. La pêche au hareng en particulier est une pêche à fort volume et à la marge bénéficiaire très basse.

M. Daniel Turp: Devrait-il donc y avoir des négociations séparées avec l'Union européenne pour l'abaissement de ces tarifs avant que la série de l'OMC commence; ou alors on pourrait les incorporer dans la série à venir, mais vous espérez que ça ne durerait pas trop longtemps?

M. Alastair O'Rielly: J'imagine que mes remarques témoignent quelque peu de ce que j'ai appris au cours des dernières années sur la grande difficulté de ce processus. On s'imagine au début que c'est assez simple et direct; on s'imagine qu'on pourra aller là- bas et négocier un accord avec des gens raisonnables. Mais au sein de l'Union européenne elle-même, comme vous savez, les divers pays membres ont des visées différentes, des priorités différentes, des situations et besoins différents. Pour obtenir quelque chose dans ce milieu politique et dans ce labyrinthe bureaucratique, il faut s'armer de patience.

Si l'on en croit l'attitude qui se dégage de ce côté maintenant, on dirait que les Européens veulent annexer cette négociation à la série de l'OMC parce que cela leur permettra de situer les choses dans un contexte beaucoup plus large et les aidera à régler certains problèmes internes.

M. Daniel Turp: Ça leur permet de gagner du temps.

M. Alastair O'Rielly: Oui, et cela change aussi le contexte quelque peu, je crois. Ce n'est qu'une opinion personnelle, mais je pense qu'ils préfèrent régler certains aspects dans un contexte plus global au lieu de s'enliser dans leurs dissensions internes.

Encore une fois, pour nous, cela souligne l'urgence de mettre en place certaines mesures, que l'on procède séquentiellement ou que l'on impose des délais très serrés à la négociation, ou alors, si cela ne marche pas, que l'on donne à tout le moins aux poissons et fruits de mer une priorité aussi élevée dans cette négociation.

M. Daniel Turp: Croyez-vous possible d'isoler la négociation sur les pêches au sein de l'OMC? Devrait-il y avoir un ensemble de traités distincts pour les pêches? Il y en a déjà pour l'agriculture. Est-ce qu'il devrait y avoir, à votre avis, un ensemble distinct de règles qui s'appliqueraient aux pêches? Pourquoi cela serait-il nécessaire? Comment pouvez-vous justifier qu'il doive y avoir une négociation distincte?

M. Alastair O'Rielly: Je pense qu'il faut partir des arguments et des quelques observations que j'ai faites sur la distinction qu'il y a entre, d'une part, l'industrie de la pêche et tout le secteur des poissons et des fruits de mer et d'autre part, l'agriculture. L'agriculture est tellement complexe à cause de l'effet des subventions, et c'est un domaine si délicat sur le plan politique pour le Canada, pour les États-Unis, pour l'Union européenne et aussi pour le Japon. C'est presque une montagne. Je pense que le Canada a tout intérêt à conclure des alliances avec d'autres pays producteurs de poissons et de fruits de mer à l'OMC afin de sortir ce secteur de cette boîte de Pandore agricole, et d'en discuter séparément.

• 1405

M. Daniel Turp: Est-ce que d'autres pays font valoir le même argument à l'heure où nous nous parlons?

M. Alastair O'Rielly: Je vous répondrai franchement que je l'ignore.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Si on me permet une question directe, qu'est-il arrivé au cours de la dernière négociation, au cours de l'Uruguay Round? Dans quel cadre en a-t-on parlé? Était-ce dans le cadre de l'agriculture, ou était-ce dans un cadre distinct, ou bien est-ce qu'on n'en a pas parlé du tout?

M. Alastair O'Rielly: Ce secteur a été traité séparément, mais plusieurs pensent qu'il faut aller rejoindre la famille agricole cette fois-ci. Ce n'est pas que des gens ont fait valoir des arguments pour; c'est parce que les gens n'ont pas fait valoir d'arguments contre. Dans toute cette grande négociation, c'est si peu de chose qu'il est facile de dire: Eh bien, que l'on mette simplement les poissons et les fruits de mer dans le secteur alimentaire. Dans un tel contexte, on ne s'occupe pas beaucoup de nous, et c'est ce qui nous inquiète.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Veuillez poursuivre, monsieur Turp.

M. Daniel Turp: J'ai une autre question au sujet de l'ALENA. Dans le tableau sur la valeur des exportations de poisson pays par pays, on voit ici l'Union européenne qui n'est constituée que du Royaume-Uni et de l'Allemagne. Quand on ajoute les 13 autres États membres de l'Union européenne, qui se retrouvent probablement sous la rubrique «autres pays»—il y a aussi le Danemark. Quelle est l'importance de ce secteur pour l'Union européenne? Est-ce plus important que pour la Chine, par exemple, si l'on réunit les 15 États membres de l'Union européenne?

M. Alastair O'Rielly: Oui, vous avez raison. C'est plus important que la Chine, mais j'imagine que ce l'est moins que le Japon. Dans les autres pays à l'extérieur... Certains d'entre eux sont des pays de l'Union européenne. Je devrai vérifier la date et confirmer cela pour vous, ce que je peux faire plus tard, mais chose certaine, ce serait plus important...

M. Daniel Turp: Si vous me permettez une suggestion, il sera intéressant de refaire ce tableau pour nous montrer l'Union européenne. Dans votre mémoire, vous mentionnez l'Union européenne et vous dites qu'il y a un problème. Il serait donc bon de porter davantage d'attention sur l'Union européenne que sur certains pays européens, qui sont membres de l'Union européenne.

Comment amener l'Union européenne à abaisser ses tarifs? Avez-vous des suggestions à nous faire sur la manière de négocier cela?

M. Alastair O'Rielly: De notre point de vue, le Canada doit y accorder une priorité assez élevée dans les négociations commerciales avec l'Union européenne. Cela devient compliqué. On lie ce secteur à toute une série d'autres problèmes de fabrication et à d'autres contentieux relatifs à des produits comme le vin et ainsi de suite. Ce qu'il faut faire, à mon avis, c'est encourager le Canada à considérer le secteur des poissons et des fruits de mer comme un secteur particulièrement important, plus important que ne le révèle sa valeur en dollars, parce que dans le Canada atlantique, à part l'industrie des poissons et fruits de mer, il n'y a rien d'aussi important pour ce qui est de l'emploi, de la vigueur communautaire et du développement industriel. Nous pensons que ce sont ces éléments qui en font une priorité un peu plus élevée et non strictement la valeur financière de cette activité. Je pense que cela peut se faire.

Chose certaine, dans nos discussions avec l'Union européenne, nous ne voulons pas que l'on établisse de lien entre l'accès aux ressources et les tarifs. Nous espérons en finir avec cela, mais c'est une question qu'on a soulevée maintes et maintes fois au cours des dernières années afin, comme qui dirait, d'échanger l'accès aux ressources dans le contexte de l'accord de pêche de l'OPANO et d'autres accès aux débouchés que les pays européens peuvent offrir. Dans le contexte d'une négociation commerciale multilatérale, je pense qu'il n'en serait normalement même pas question. L'Union européenne ne poserait cette question que dans un cadre bilatéral. Il faut éviter cela à tout prix.

M. Daniel Turp: Je pensais que vous m'auriez répondu qu'il fallait nommer votre premier ministre négociateur en chef pour cette série de négociations avec les Européens. Vous vous souvenez de ce qu'il a fait aux Européens?

M. Alastair O'Rielly: Oui. Mais je ne suis pas sûr que cela nous aiderait.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Coombs, vous souriiez. Voulez-vous ajouter quelque chose?

Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup. J'ai quelques questions à vous poser.

• 1410

Tout d'abord, passons à la page 2 de votre mémoire, «Profils de l'industrie de la pêche», et ensuite à la page où se trouve le tableau intitulé «Valeur de la production». En 1998, 27 000 personnes étaient employées dans les pêches de la province, et produisaient pour environ 700 millions de dollars de biens. Combien était-ce en 1993, lorsque la production était très basse?

M. Alastair O'Rielly: La valeur de la production?

M. Sarkis Assadourian: Eh bien, dans ce tableau-ci, vous indiquez que la production en 1993 était très basse; c'était d'ailleurs l'année la plus basse des 11 dernières années.

M. Alastair O'Rielly: Vous parlez du nombre d'employés?

M. Sarkis Assadourian: Je veux connaître le nombre de personnes et la valeur de la production.

M. Alastair O'Rielly: La valeur de la production est indiquée sur l'un des tableaux ici; en 1993, c'était seulement un peu plus de 400 millions de dollars. Au cours de cette période, l'emploi aurait probablement été même plus élevé qu'il ne l'est aujourd'hui. Il y a eu une certaine attrition dans l'industrie, grâce à divers programmes qui aident les personnes à prendre leur retraite plus tôt, ou alors c'est une attrition dans l'industrie qui résultait de la crise du poisson entier. Je vous l'avoue, cette industrie n'a pas réussi aussi bien ou n'a pas été aussi efficace que nous l'aurions voulu. Mais chose certaine, les chiffres sont à la baisse par rapport à ce qu'ils étaient il y a trois, quatre ou cinq ans.

M. Sarkis Assadourian: Donc, si je vous comprends bien, il y avait plus de gens employés dans les pêches en 1993 qu'aujourd'hui.

M. Alastair O'Rielly: Ces personnes ont été déplacées en grande partie. Le tristement célèbre programme LSPA a visé près de 29 000 personnes dans ce secteur, et 75 p. 100 d'entre elles étaient... Non, ça, c'était le chiffre pour Terre-Neuve. C'est presque 40 000 personnes dans l'Atlantique qui ont été touchées. Environ 29 000 Terre-Neuviens ont été déplacés.

Au cours de 1993-1994, l'industrie du crabe était toujours active et en place. Le nombre de personnes actives et employées dans cette industrie était peut-être moindre que ce qu'il est maintenant, mais pas de beaucoup. Dans l'ensemble, pour ce qui est du nombre de personnes employées dans notre industrie, nous avons peut-être retenu 60 ou 70 p. 100 de l'effectif que nous avions au début de 1990.

M. Sarkis Assadourian: Côté production, vous produisez aujourd'hui davantage avec moins de travailleurs.

M. Alastair O'Rielly: Oui. Nous avons produit beaucoup plus en 1998 qu'en 1994. Nous en sommes à 700 millions de dollars par rapport à 400 millions de dollars, mais avec moins de monde. Mais pour ce qui est des crustacés et des coquillages, beaucoup de choses ont changé.

Ce qu'il faut retenir ici, c'est que l'activité à valeur ajoutée des crustacés et des coquillages est moindre que ce qu'elle était dans le secteur du poisson de fond. Pour créer les produits tirés du poisson de fond, il fallait employer beaucoup plus de monde. Donc, même si la valeur au débarquement, même si les sommes versées aux pêcheurs sont très élevées comparativement à ce qu'elles étaient autrefois, l'ampleur de la valeur ajoutée que donne la transformation est relativement plus faible que ce qu'elle était au début des années 90.

M. Sarkis Assadourian: D'accord. Le programme LSPA s'est appliqué à 29 000 personnes.

M. Alastair O'Rielly: Oui.

M. Sarkis Assadourian: De même, la pêche est une activité saisonnière.

M. Alastair O'Rielly: Oui.

M. Sarkis Assadourian: On pêche quelques mois, ensuite on touche de l'assurance-chômage pendant quelques mois.

Considérez-vous que l'assurance-chômage, ainsi que le programme de rachat des permis qu'offre le gouvernement, constituent une subvention à l'industrie de la pêche si l'on se compare aux Européens, ou non? Est-ce que les Européens peuvent vous dire: Écoutez, vous touchez de l'assurance-chômage pendant six ou sept mois; cela doit être considéré comme une subvention. Est-ce qu'ils peuvent plaider cela?

M. Daniel Turp: Ce n'est plus vrai depuis l'avènement de la nouvelle politique sociale. Ils ne touchent plus d'argent.

M. Alastair O'Rielly: J'imagine que quelqu'un pourrait faire valoir cet argument, mais on a été témoin de changements importants ces dernières années dans la manière dont ces programmes sont administrés.

Pour ce qui est du secteur de la transformation en particulier, les exigences relatives à l'admissibilité ont été resserrées, et l'on a réduit de beaucoup les possibilités qu'ont les travailleurs du secteur de la transformation de profiter de l'assurance-emploi et, en conséquence, on oblige de plus en plus l'industrie à offrir des emplois et plus stables, et plus longtemps.

Cela évolue. Nous sommes parvenus à une sorte de phase de transition en ce moment parce que le programme LSPA dont vous parliez s'achemine depuis quelques mois vers une disparition plus ou moins complète. Au cours des quelques années à venir, nous allons assister à une sorte de transition aux termes de laquelle les périodes d'emploi seront plus longues mais l'industrie emploiera moins de personnes qu'aujourd'hui.

M. Daniel Turp: Croyez-vous, cependant, que c'est une bonne manière de faire les choses? J'essaie d'y voir clair. M. Pettigrew me répond toujours qu'il procède à ces réductions parce que c'est mieux pour l'emploi. Êtes-vous d'accord avec cela?

• 1415

M. Alastair O'Rielly: Oui. L'industrie du crabe est aujourd'hui le navire amiral de notre industrie. Autrefois, c'était la morue, mais c'est aujourd'hui le crabe qui est le produit le plus important, car rien que pour sa valeur au débarquement, le crabe vaudra quelques centaines de millions de dollars cette année. C'est donc un secteur très important.

Tout récemment, j'ai vu... Une personne qui gagne 9 $ l'heure dans une usine de transformation du crabe, et qui travaille en moyenne—selon les statistiques du gouvernement provincial—517 heures en 1998, aura gagné seulement un peu plus de 4 000 $ dans l'année. Avec les modifications aux exigences relatives à l'admissibilité à l'assurance-emploi, cette personne toucherait des prestations d'assurance-emploi qui seraient à peu près comparables à ce montant. Donc le revenu annuel total de cette personne serait de moins de 9 000 $ par année. Et cette personne travaille dans l'un des secteurs les plus lucratifs du secteur des poissons et crustacés. C'est un salaire qui est scandaleux pour nous. Certaines de nos entreprises, y compris Fishery Products, versent un taux horaire plus élevé que celui que j'ai mentionné, le 9 $, et même à cela, ces gens sont encore loin d'un revenu annuel décent.

Si nous voulons avoir le genre d'industrie dont nous parlons ici, que nous voulons porteuse, il faut que ce soit une industrie qui produise des produits de valeur supérieure, dont la qualité et l'uniformité seraient supérieures, plus accessibles à la clientèle et plus sûrs, c'est-à-dire des produits pour lequel les marchés seront disposés à payer le prix fort. Il est très difficile d'envisager une industrie de ce genre quand vos travailleurs gagnent moins de 10 000 $ par année. On ne peut pas demander à des gens sains d'esprit et intelligents, c'est-à-dire le genre de personnes que nous employons déjà, de faire carrière dans une industrie où ils ne pourront pas gagner plus de 10 000 $ par année. À cet égard, c'est impensable. Il faut donc encourager le mouvement vers une industrie qui offrira à ses travailleurs un revenu raisonnable. Je parle bien sûr en intéressé, mais une augmentation de 100 p. 100 ne serait pas exagérée, ça c'est certain.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Permettez-moi de revenir à la deuxième partie de ma question. On est en train de modifier graduellement cette histoire d'assurance-emploi et cela signifie des tas de changements. Il y a deux ans, disons, lorsqu'on avait le programme d'assurance-emploi que vous décrivez, avec des emplois saisonniers et tout le reste... comment cela se compare-t-il aux pays de l'Union européenne? Ont-ils des programmes semblables qui subventionnent les pêches? Le Canada est-il une exception, ou est-ce que ces pays ont leurs propres programmes que nous pouvons attaquer ou dont nous pouvons discuter? C'est ce que je veux savoir, je voudrais une comparaison entre nos programmes et les leurs.

M. Alastair O'Rielly: Je n'ai pas la compétence qu'il faut pour répondre à cette question. Je ne peux pas vous donner de détails, mais je sais que l'industrie de la pêche est fortement subventionnée partout dans le monde. Au sein de l'Union européenne, et dans les pays scandinaves, qui ont été et qui sont encore nos principaux concurrents, on a fortement subventionné ce secteur au fil des ans. La Norvège, en particulier, subventionne son industrie au prix fort pour ce qui est des navires et des mécanismes de soutien des prix sous une forme ou une autre. La Norvège comprime ses programmes graduellement. L'Islande avait des programmes semblables, et de ce côté également, il y a réduction. Même chose au Royaume-Uni. Il y avait là toutes sortes de programmes de soutien. Je pense que la réponse à votre question est que tous ces pays réduisent ces programmes.

Les forces qui sont à l'origine de ce changement sont beaucoup plus de nature écologique qu'économique ou commerciale parce que nous avons surexploité de manière scandaleuse les ressources mondiales en poissons et en fruits de mer, nous avons surinvesti dans ce domaine et dilué le rendement. Personne ne peut gagner à ce jeu de massacre, et la partie est sur le point de s'achever. Voilà pourquoi je pense que nous sommes aujourd'hui nous-mêmes obligés de réduire nos subventions si nous voulons avoir une industrie viable, pas seulement sur le plan économique, mais aussi d'un point de vue écologique.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Merci, madame Bulte. Étant du sud-ouest de l'Ontario, je ne peux pas dire que je comprends très bien la situation à partir des tableaux que vous avez ici, pour ce qui est de la valeur de la production et de l'effet que tout cela a sur les pêches, même si je suis d'une région où l'on retrouve l'une des plus grandes pêches intérieures au monde, le lac Erié et Port Dover. Il y a d'ailleurs là-bas une flotte de pêche imposante. J'essaie donc de mieux comprendre ce qui se passe, et j'ai essentiellement les mêmes questions que M. Assadourian.

Si l'on considère la valeur de la production, elle est passée de 800 millions de dollars en 1988 à 700 millions de dollars en 1998. C'est toute une baisse.

• 1420

Est-ce que ce tableau comprend les aliments transformés, les produits finis, ou s'agit-il seulement de poisson? S'agit-il seulement de poisson entier?

M. Alastair O'Rielly: Il s'agit du produit fini.

M. Bob Speller: Pour ce qui est du produit fini, la valeur de la production au cours des dernières années a fléchi quelque peu, mais pas... sauf pour le bas, mais il n'y a pas autant de gens qui travaillent qu'il y en avait au moment où la production était au plus bas. Il y a en fait moins de monde que vous dites. Il y a moins de travailleurs aujourd'hui dans cette industrie qu'il y en avait en 1993.

Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi ne sommes-nous pas capables de faire davantage de transformation? Est-ce à cause des règles commerciales internationales qui nous excluent de certains pays? Ou est-ce attribuable à certains problèmes fondamentaux que nous avons ici? Je sais que nous nous dirigeons vers une plus grande transformation, vers plus de valeur ajoutée et de produits haut de gamme, mais nous n'employons pas davantage de gens. En réalité, nous employons moins de gens ainsi. Je n'arrive tout simplement pas à comprendre pourquoi il en est ainsi.

M. Alastair O'Rielly: Je vais demander à M. Coombs de vous parler un peu de ce que fait Fisheries Products International, mais la question que vous posez est très complexe, et il y a un peu de distorsion pour ce qui est des chiffres. Quand je dis qu'il y a moins de travailleurs... Dans les années 90, il y avait quelque chose comme 30 000 ou 35 000 travailleurs, et jusqu'à tout récemment, au cours de la dernière année ou à peu près, bon nombre de ces gens figuraient encore dans l'industrie de la pêche à cause du programme LSPA. Donc en 1993—je l'ai peut-être déjà dit, et je vous fais toutes mes excuses si je vous ai donné l'impression contraire—ces gens travaillaient vraiment. Ils se considéraient comme des travailleurs de l'industrie de la pêche, mais ils étaient déplacés à cause de la crise du poisson de fond. Ce qui est arrivé depuis, c'est que les ressources en poissons et crustacés ont continué de croître, et certaines de ces personnes sont retournées à ce secteur. Mais bien d'autres ont été déplacées et sont restées déplacées après qu'on ait mis un terme au programme LSPA.

Je pense que M. Coombs pourrait probablement vous donner un peu plus de détails au sujet de sa propre entreprise et peut-être mieux situer le contexte.

M. Bob Speller: Bien sûr.

M. Kevin Coombs: Je pense que si vous prenez l'exemple de FPI et du genre d'entreprise que nous étions vers la fin des années 80 et au début des années 90 et que vous la comparez à l'entreprise que nous sommes aujourd'hui, vous comprendrez mieux l'ampleur du changement qui s'est produit au cours de cette période.

Notre entreprise a été fondée en 1984 par suite de la fusion de plusieurs entreprises familiales qui faisaient faillite, j'imagine. Notre entreprise a donc été constituée essentiellement par les deux paliers de gouvernement et la Banque de Nouvelle- Écosse. À la fin des années 80, nous avions 16 usines de transformation à Terre-Neuve. Nous avions 8 500 employés. Nous avions 55 chalutiers de pêche hauturière. Tout cela s'est mis à s'effondrer lorsque la ressource a commencé à disparaître.

Notre entreprise était surtout terre-neuvienne à ce moment-là, et nos ventes à Terre-Neuve se situaient autour des 400 millions de dollars.

Au cours des quelques dernières années, nous avons pris de l'expansion à Terre-Neuve. Nous y comptons aujourd'hui environ 3 000 employés, non pas des travailleurs qui sont employés à l'année à l'usine, mais ce chiffre augmente. Nous sommes surtout tributaires de la crevette et du crabe, où l'emploi n'est pas le même que pour le poisson de fond, et nous avons six chalutiers de pêche hauturière qui sont actifs à temps partiel et non à longueur d'année. Voilà qui vous donne une idée de l'ampleur du changement.

À Terre-Neuve, nous avons perdu 95 p. 100 de nos opérations pendant cette période, et nous avons été contraints de diversifier substantiellement nos activités pour survivre.

Les crabes et les crevettes qui se sont multipliés, particulièrement sur la côte nord-est de notre province, où l'on trouvait autrefois la morue du Nord, ont insufflé une vie nouvelle à Terre-Neuve et aux entreprises de pêche en général. Ce qui confirme encore l'ampleur de ce changement.

De 1992 jusqu'à la renaissance actuelle, l'industrie de la pêche employait beaucoup de monde, soit à la pêche même ou dans la transformation, et tous ces secteurs profitaient des subventions gouvernementales. Mais cette industrie est encore loin d'avoir entrepris la cure d'amaigrissement qu'il lui faut pour rester viable.

• 1425

On a posé une question plus tôt au sujet de l'investissement. Si on veut des entreprises solides, il faut avoir des usines solides, et pour avoir des usines solides, il faut des investissements solides. On ne peut pas avoir des usines qui ne tournent que 10 semaines par année. De même, il est très difficile de conserver une main-d'oeuvre compétente dans ce type d'exploitation très saisonnier.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Avant de passer au deuxième tour j'aimerais poser une question. J'ai noté que vos principaux concurrents sont la Norvège et l'Islande, qui font partie de l'AELE. Avez-vous eu voix au chapitre lors des négociations de l'AELE?

M. Alastair O'Rielly: Encore une fois, il y a eu des consultations auxquelles a participé le Conseil canadien des pêches; le gouvernement provincial a également participé à des discussions avec nous sur l'AELE et sur son impact possible. Je crois que c'est relativement prometteur, mais j'ai cru comprendre que cela ne permettra probablement pas de régler le problème fondamental que nous avons avec l'UE. Cette association pourra peut-être régler certains des petits problèmes que nous avons eus avec des pays particuliers et trouver une façon plus équitable de faire affaire avec eux, mais le fait demeure que nous sommes des concurrents. Nous fournissons nos produits aux mêmes marchés, donc les échanges commerciaux entre nous ne sont pas vraiment pertinents. C'est une initiative importante et utile, mais elle ne réglera pas le problème important que nous avons avec l'UE.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Vous avez parlé de l'efficience grâce aux tarifs, et nous notons que le Canada est à un taux de 2,5 p. 100 alors que l'Union européenne est à 20 p. 100. Pourquoi avons-nous un taux de 2,1 p. 100?

M. Alastair O'Rielly: Je crois que dans l'ensemble la philosophie a été de libéraliser les échanges progressivement. Nous avons toujours été un secteur axé sur l'exportation, et nous serions fort disposés à céder les tarifs que nous avons imposés en retour d'un meilleur accès aux marchés. Nous n'avons jamais eu vraiment de raison pour chercher à protéger notre industrie. Le Canada ne constitue pas un marché important pour la plupart de nos produits de la mer. Je crois donc que c'est la principale raison pour laquelle le tarif est de 2,1 p. 100.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): En ce qui a trait aux discussions sur la ZLEA—et la question est fort pertinente—ne croyez-vous pas que cette zone de libre-échange des Amériques serait une façon de s'assurer qu'il y aura les discussions techniques nécessaires avant que l'on saisisse l'OMC des problèmes? Quel rôle cette zone jouerait-elle d'après vous, tout particulièrement dans votre secteur?

M. Alastair O'Rielly: Honnêtement, je ne sais pas. Je n'ai pas vraiment étudié quels défis ou quels débouchés existeraient si nous options pour cette zone. Des intervenants de notre secteur qui se sont penchés sur la question, particulièrement le Conseil des pêches, m'ont dit que la meilleure façon de faire état de certaines de nos préoccupations afin de les régler serait de les aborder lors de la prochaine ronde de l'OMC.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Le Canada est actuellement bien présent dans l'ALE. Nous devons avoir voix au chapitre lors de ces négociations. Nous vous saurions reconnaissants si vous pouviez vous pencher sur cet aspect du problème et laisser le comité savoir à quelle conclusion vous en êtes venues.

M. Alastair O'Rielly: L'élargissement de l'ALENA assurera certainement plus de débouchés mais actuellement, dans le cadre de l'entente qui existe, nous avons libre accès au marché américain. Nous aurons peut-être un meilleur accès au Mexique, et ça c'est important.

Compte tenu des produits que nous offrons actuellement et que nous avons l'intention d'offrir, il nous faut avoir accès aux secteurs de l'économie internationale qui peuvent se permettre de payer le prix fort pour nos produits. C'est la nature du secteur, et pour nous ceux, qui peuvent payer le prix fort sont le Japon et les États membres de l'Union européenne.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Turp, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Daniel Turp: Il n'existe aucun tarif avec les États-Unis depuis 1994, car c'est à cette époque qu'on les a complètement éliminés. Est-ce que cela a permis d'accroître de façon marquée les exportations du Canada vers ce pays? Enfin y avait-il des tarifs importants avant l'ALE ou l'ALENA? Si les tarifs des pays membres de l'Union européenne baissaient, est-ce que cela voudrait dire que vous pourriez exporter plus de produits vers l'Union européenne? Est-ce ce dont que vous avez besoin?

• 1430

M. Alastair O'Rielly: Je crois que oui car je dois rappeler que les États-Unis sont un peu comme le Canada comme marché de produits de la mer, c'est-à-dire que les consommateurs n'achètent pas beaucoup de poissons et fruits de mer. Le marché pour ces produits en Amérique du Nord n'est pas très sophistiqué ni exigeant. Notre consommation annuelle par habitant est d'environ 15 livres. Dans les États membres de l'Union européenne, on retrouve une consommation qui atteint à l'occasion 20 à 30 kilogrammes par habitant par année; et d'ailleurs au Japon c'est 70 kilogrammes. Ces consommateurs sont donc beaucoup plus friands de poissons et de fruits de mer, et ils sont plus exigeants. Ils sont habitués à payer des prix élevés pour ces produits, ce qui en fait des marchés beaucoup plus attrayants à nos yeux. S'il n'y avait pas cette barrière tarifaire, nous pourrions exporter nos produits vers les meilleurs marchés possible.

M. Daniel Turp: Vos prix seraient concurrentiels.

M. Alastair O'Rielly: Oui. Nous estimons que nos facteurs de production, qu'il s'agisse de productivité, de technologie, de commercialisation, etc., sont concurrentiels. Nous pensons que nous n'aurons aucun mal à faire face à la concurrence de tout autre pays, à l'exception, évidemment, des pays du tiers monde dont les produits sont tout à fait au bas de l'échelle. Nous ne pouvons concurrencer quelqu'un qui gagne 25c. de l'heure. Nous produisions autrefois ce genre de produits. Nous devons maintenant produire des produits de première qualité pour les marchés les plus exigeants.

M. Daniel Turp: Une autre chose. M. Assadourian a soulevé la question du programme gouvernemental qui permet aux pêcheurs de survivre toute une année parce qu'ils sont des travailleurs saisonniers. Cela pourrait être quelque chose à envisager dans une convention sur les droits des travailleurs. Il y a des gens qui pensent qu'il est injuste qu'un gouvernement subventionne des travailleurs saisonniers, comme on le fait dans le secteur des pêches, mais c'est peut-être légitime étant donné que nous vivons dans un pays où on ne pêche pas l'hiver et où on n'a peut-être pas suffisamment de poisson pour occuper les gens encore six mois après la saison de la pêche. Pensez-vous que ce serait bien? S'il y avait une convention parallèle sur les droits des travailleurs, aimeriez- vous qu'une politique de ce genre soit protégée et acceptée plutôt que condamnée par des pays qui diraient qu'il s'agit là de subventions injustes?

M. Alastair O'Rielly: À propos de ce qu'a dit M. Assadourian, des subventions ou de l'assistance qu'offrait ce programme fiscal, et avant ça le programme PARPMN, ce sont des programmes spéciaux visant à répondre à un genre de cataclysme dans les ressources. Je pense que cela pourrait facilement s'expliquer et se comprendre.

La question des subventions continues par le biais des programmes d'assurance-emploi, etc., pour les travailleurs saisonniers pourrait probablement être jugée inquiétante, mais beaucoup de producteurs de produits de la mer au monde connaissent des circonstances identiques. La pêche aux espèces sauvages dans le monde représente 100 millions de tonnes de poisson, contre 20 ou 25 millions de tonnes de poisson cultivé, si bien que la majorité des produits de la mer sont encore sauvages. Les modes de migration, les cycles de fret, les conditions météorologiques, les facteurs environnementaux, etc., tout conspire au caractère tout à fait saisonnier de cette industrie, quel que soit le pays. Nous ne sommes donc pas dans une situation unique à cet égard.

Au début de l'ALE, le Canada a été mis en cause par les États- Unis à propos de mesures de droits compensateurs. On a examiné la question à fond et c'est le Canada qui a gagné. Il a été jugé que ces soutiens saisonniers au revenu ne constituaient pas une subvention. Ça ne changeait pas les prix ni la position concurrentielle. Nous pensons que les circonstances ne devraient pas avoir tellement changé.

• 1435

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Stinson, puis M. Assadourian.

M. Darrel Stinson: Tout d'abord, je tiens à vous féliciter de votre exposé. J'estime que les préoccupations dont vous nous avez fait part sont très réalistes. Nous parlons de subventions et de cadeaux de différents gouvernements, à l'industrie et au secteur des pêches maintenant. En faisons-nous assez pour expliquer les avantages des produits au reste du monde?

M. Alastair O'Rielly: Vous parlez de mise en marché et de promotion ou de ce genre de choses?

M. Darrel Stinson: Oui. Lorsque j'étais en Angleterre, je suis tombé sur une émission sur la pêche. Il n'était absolument pas question du Canada.

M. Alastair O'Rielly: Je pense que vous touchez là un point important. Par principe, notre organisation, et je crois que c'est l'avis du Conseil canadien des pêches, veut une industrie financièrement indépendante et mondialement concurrentielle sans subventions, sans renflouement. De même, nous nous opposons en principe aussi à toutes sortes de programmes importants de subventions visant la publicité ou la promotion. Cela dit, il faut encourager ce que l'on fait au Canada en fait de transition, toute cette question de développer l'industrie, de passer d'une industrie du poisson de fond à une industrie des crustacés. Cela représente des coûts extraordinaires, qu'il s'agisse de promotion ou d'autre chose. Il faut présenter les produits. Il faut établir un réseau de distribution. Il faut déplacer les gens qui sont déjà là dans ces secteurs afin qu'ils soient plus concurrentiels. C'est un défi énorme pour nous et nous apprécierions certainement un peu d'aide.

Il y a d'autres choses qui me viennent à l'esprit. Par le passé, nous nous sommes positionnés comme producteurs de produits primaires de la mer relativement bon marché comme le bloc de morue et les filets bas de gamme. Comme je l'ai indiqué, ce ne sont pas des secteurs que nous visons pour l'avenir. Mais il nous sera extrêmement difficile de modifier l'image de l'industrie canadienne des poissons et fruits de mer. Pendant des dizaines d'années, nous avons occupé une certaine place dans l'ordre mondial en tant que fournisseur de poissons et de fruits de mer. Il faudra de nombreux efforts de promotion et une production très uniforme de produits de grande qualité pour modifier cette image et inciter les gens à nous percevoir différemment. Je pense qu'un appui en ce sens serait le bienvenu et serait utile.

Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Corrigez-moi si je me trompe, mais vous avez mentionné que les Européens ont des subventions semblables aux nôtres, comme le programme d'assurance-emploi ou la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. Est-ce exact? Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Alastair O'Rielly: Oui. J'aimerais vraiment vous fournir plus de précisions sur la nature de leurs subventions. Elles revêtent diverses formes. Ils subventionnent le transport. Ils subventionnent les navires. Il y a un certain soutien du revenu. Dans certains cas, ils subventionnent les prix. Les modes de soutien et de subvention de l'industrie sont probablement assez différents des nôtres. Je pense qu'ils seraient équivalents ou supérieurs à ce que nous avons connu ici.

M. Sarkis Assadourian: En plus des subventions dont vous avez parlé, ils ont également imposé un tarif de 20 p. 100?

M. Alastair O'Rielly: C'est exact, sur les crevettes. Pour ce qui est des produits du poisson de fond, le tarif varie. Il y a différentes quantités et différentes formes de produit, mais le tarif se situe aux alentours de 8 à 12 p. 100. Pour du poisson comme le hareng, il est de 15 p. 100 sur les filets. Donc il varie. Mais lorsqu'un tarif est de 10 p. 100 sur un produit quelconque, cela vous empêche d'approvisionner de façon efficace ce marché.

M. Sarkis Assadourian: Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie.

Monsieur Turp, une question très brève, je vous prie.

M. Daniel Turp: Pourriez-vous nous dire ce que vous attendez des gouvernements provinciaux et fédéral? Vous avez indiqué qu'il y a eu certaines consultations ou discussions au niveau du gouvernement provincial. Comment envisagez-vous la participation du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial, de l'industrie et des consommateurs? Les consommateurs ont-ils un rôle à jouer dans ce secteur? J'essaie de comprendre comment les gouvernements provinciaux pourraient participer à ce processus de négociation commerciale?

• 1440

M. Alastair O'Rielly: Dans notre cas, dans le secteur des poissons et fruits de mer, je pense que cela revient fondamentalement à ce dont j'ai parlé plus tôt. En ce qui concerne uniquement la valeur brute, nous ne pensons pas avoir beaucoup de poids dans le cadre du programme commercial au sein du Canada. Mais nous estimons être plus importants que ne le laisse supposer notre nombre, en raison de notre impact sur les gens, les collectivités, le développement régional, et à cet égard nos provinces ont probablement un rôle à jouer pour ce qui est de communiquer ce message et ce contexte au gouvernement fédéral afin que nous n'examinions pas la situation uniquement sous l'angle monétaire mais aussi dans un contexte beaucoup plus général.

Comme je l'ai dit, nous préférerions, dans le secteur des poissons et fruits de mer, un environnement qui nous permette d'exercer une concurrence efficace, d'ajouter de la valeur et de créer de l'emploi plutôt que de nous tourner vers Ottawa et le reste du Canada pour réclamer des genres d'initiatives comme la LSPA. Donc, dans la mesure où cela fait partie de la ligne de conduite et où la province peut nous aider à nous hisser plus haut dans les priorités commerciales du Canada, elle constitue une alliée importante pour nous.

M. Daniel Turp: Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui, monsieur Coombs.

M. Kevin Coombs: J'aimerais ajouter quelque chose à ce qu'a dit Alastair plus tôt.

Si on se lance dans ce débat sur les subventions et que l'on met l'accent sur ce qui s'est passé depuis 1990 dans l'est du Canada en ce qui concerne le Programme d'adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord ou si vous voulez maintenant la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, l'aide financière et ainsi de suite, je pense qu'il faut situer cela dans le contexte des événements catastrophiques qui se sont produits sur la côte est du Canada. On pourrait comparer la situation à ce qui se passerait en Ontario si on y éliminait l'industrie automobile. Il a fallu apporter de l'aide aux gens qui travaillaient dans l'industrie. Comme les chiffres l'indiquent ici aujourd'hui, 30 000 personnes à Terre-Neuve ont été touchées. Si on ne leur avait pas apporté une forme d'aide quelconque, je ne sais pas ce que nous aurions fait. À l'époque, on ne pouvait pas se permettre de ne rien faire.

Je pense qu'il faudrait également essayer de comprendre en quoi consistent les programmes sociaux qui existent dans ces autres pays. Je ne les connais pas suffisamment bien pour en parler, mais je pense qu'il est important que le groupe obtienne des précisions à ce sujet afin d'être en mesure de faire des comparaisons.

Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian: Je tiens à préciser que nous ne voulons blâmer personne; nous tâchons simplement d'être aussi utiles que nous le pouvons afin d'obtenir de vous les informations que nous pourrons présenter à nos collègues.

M. Kevin Coombs: Mais je pense que vous auriez un excellent argument à faire valoir. S'ils insistent sur le fait qu'il s'agissait de subventions, si c'est ainsi qu'ils veulent appeler cela, à partir de 1990, il s'agissait d'un programme destiné à venir en aide à cette région suite aux événements catastrophiques qui s'y étaient produits, suite à la diminution des ressources au cours de cette période. J'espère qu'ils soulèveront cette question afin que nous puissions défendre cette position.

M. Sarkis Assadourian: Très bien, je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie beaucoup, monsieur O'Rielly et monsieur Coombs, pour votre exposé très instructif. Je vous remercie d'avoir été des nôtres aujourd'hui.

Il ne faut pas oublier que ceci marque le début des consultations. Nous encourageons votre organisation, le Conseil des pêches, et même vos membres à titre individuel, à présenter des mémoires écrits au comité afin que nous puissions les inclure dans notre rapport. Après vous avoir entendu dire que vous aimeriez que les pêches soient traitées à part de l'agriculture, je vous encouragerais à présenter en fait un argument distinct sur cet aspect.

Merci encore d'avoir comparu devant nous.

La séance est levée jusqu'à 9 heures demain.