Passer au contenu
Début du contenu

FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 mai 1999

• 0912

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): La séance est ouverte.

J'aimerais remercier les fonctionnaires d'être venus ce matin pour nous faire une présentation au sujet du projet de loi sur le précontrôle. Vous vous souviendrez que le projet de loi est déjà passé par le Sénat. Il s'agit d'un projet de loi du Sénat. Il a fait l'objet d'audiences plutôt longues au Sénat et plusieurs changements y ont été apportés par suite d'observations faites par l'Association du Barreau canadien relativement à la Charte et à certains aspects des opérations d'autorités américaines en sol canadien.

Les fonctionnaires sont venus ici ce matin à notre demande. Si j'ai bien compris, nous aurons la semaine prochaine une petite séance de breffage avec des représentants du secteur des voyages et quelqu'un de l'Association du Barreau canadien. J'aimerais, si les membres du comité sont d'accord, qu'à la même occasion nous bouclions l'étude article par article du projet de loi, car nous avons énormément de travail à faire d'ici à juin. Je pense que dans la mesure où nous sommes convaincus que le projet de loi est en ordre et que tous les amendements nécessaires y ont déjà été apportés par le Sénat... Nous pouvons l'examiner, pour avoir cette certitude.

Nous accueillons donc ici aujourd'hui cinq représentants du ministère. C'est sans doute M. Preston qui va ouvrir le bal, n'est-ce pas, monsieur? Quelles sont vos impressions et allez-vous esquisser les paramètres du projet de loi? J'avais espéré que nous puissions terminer en l'espace d'une heure, pour 10 h 15 environ. Il nous faut essayer de discuter d'autres questions, celles-ci liées à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

M. David Preston (négociateur en chef et directeur, Direction des relations transfrontalières avec les États-Unis, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Nous sommes à votre disposition pour faire comme bon vous semble.

Il serait peut-être utile que je fasse quelques remarques liminaires quant à la nature du projet de loi. Je suis certain que plusieurs d'entre vous auront déjà entendu ces observations dans le cadre d'autres discours portant sur le projet de loi sur le précontrôle. Le projet de loi a pour objet d'assurer le fondement juridique des opérations menées aux postes de précontrôle au Canada et de servir de base à l'application à long terme de ce genre de modèle à d'autres situations sur le territoire et au transport ferroviaire, maritime et autre.

Le précontrôle qui, comme vous le savez, est la possibilité d'obtenir l'autorisation nécessaire des agents de douanes et de l'immigration américains avant de partir pour les États-Unis, est en vigueur depuis les années 50, et a été inscrit dans une entente signée avec les Américains en 1974. En 1995, il y a eu l'accord Canada-États-Unis sur l'ouverture des espaces aériens, et cela a débouché sur une augmentation marquée du trafic aérien. En effet, le trafic aérien a augmenté de 39 p. 100, et le nombre de vols sans escale vers des destinations aux États-Unis est passé à 60. Il est très important de veiller à ce que le précontrôle fonctionne bien.

• 0915

[Français]

Le précontrôle permet aux organismes fédéraux américains d'inspecter au Canada les voyageurs et les marchandises à destination des États-Unis. L'Accord relatif au prédédouanement dans le domaine du transport aérien, conclu en 1974 entre les deux pays, a officialisé les services américains de précontrôle dans les aéroports canadiens.

[Traduction]

La loi sur le précontrôle a été déposée pour donner suite à trois faits nouveaux survenus depuis la signature de cet accord. Premièrement, la Charte des droits et libertés, et le projet de loi vise justement en partie à confirmer que la Charte des droits et libertés s'applique dans le contexte du précontrôle. J'ai mentionné il y a un instant l'augmentation rapide des déplacements de personnes et de marchandises. Troisièmement, étant donné cette hausse importante du trafic, il nous faut réfléchir à d'autres moyens de traiter les passagers.

Le projet de loi est l'aboutissement d'environ deux années de négociations avec les États-Unis. Le but ici était de marier les deux régimes, le régime juridique américain et le nôtre. Le résultat est un régime dans le cadre duquel les Américains peuvent administrer leurs lois sur les douanes, l'immigration, les plantes et la santé, dans le contexte de l'admission de personnes et de marchandises aux États-Unis, à l'intérieur des lois canadiennes.

Le projet de loi prévoit, entre autres, que l'accord est réciproque, que la Charte des droits et libertés et que toutes les lois canadiennes s'appliqueront en matière de précontrôle et que les lois pénales relèveront des autorités canadiennes. Il n'y aura pas d'application de lois pénales américaines. C'est en définitive là que nous avons tiré un trait quant au genre de lois qui pourraient s'appliquer. Comme je l'ai dit, ce ne sont que les lois américaines en matière de douanes et d'immigration qui s'appliqueront.

En cas de conflit, la loi canadienne aura préséance sur la loi américaine. Seuls des Canadiens pourront effectuer des fouilles à nu. Des policiers canadiens seront en poste dans toutes les installations de précontrôle, ce qui est et un symbole de la présence canadienne et la possibilité pour la police d'appliquer les lois canadiennes si cela devait s'avérer nécessaire.

Les contrôleurs américains ne jouiront d'aucune immunité en matière de poursuite au pénal et le gouvernement américain sera tenu responsable si des poursuites sont intentées au civil contre des agents américains de même que s'ils sont poursuivis à la suite de pertes personnelles ou de dommages matériels.

En vertu de ce régime, les voyageurs jouiront de tous les droits en vertu de la Charte canadienne des droits et de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les Américains, et ceci est très important, sont d'accord pour que la Charte s'applique aux activités américaines de précontrôle et pour que le régime soit entièrement réciproque.

La loi autorisera l'agent de précontrôle à déterminer si les voyageurs et les marchandises peuvent entrer aux États-Unis. Comme je le disais, seules seront appliquées les dispositions des lois concernant directement à leur admission.

Le projet de loi garantit que le voyageur peut refuser de répondre lorsqu'il est interrogé et quitter la zone de précontrôle sauf s'il est soupçonné d'avoir commis une infraction. Cet aspect a été longuement débattu à l'autre endroit. Un simple soupçon ne constituera pas un motif suffisant pour effectuer une fouille, et ceci a découlé de la suggestion que si une personne avait des yeux fuyants, elle s'exposerait au risque d'être détenue. L'agent de précontrôle doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner.

Les voyageurs seront prévenus, au moyen d'affiches et de dépliants, de leurs droits—c'est-à-dire les droits prévus dans la Charte y compris, entre autres, le droit d'obtenir conseil auprès d'un avocat en cas de détention, de fouille ou autre—ainsi que de leurs obligations lorsqu'ils sollicitent l'admission aux États-Unis, et ce qui est critique à cet égard c'est l'obligation pour eux de répondre véridiquement aux questions qui leur sont posées.

En ce qui concerne ces questions, ils ne sont pas tenus d'y répondre. La conséquence, bien sûr, est qu'ils se verront peut-être alors refuser l'admission aux États-Unis, mais le simple fait de refuser de répondre à une question n'est pas un motif suffisant, au sens de la loi, pour qu'un agent de précontrôle refuse l'accès.

• 0920

Le projet de loi exige que les compagnies aériennes fournissent un certain nombre de renseignements personnels sur les passagers originaires de pays tiers passant par le Canada si ces passagers vont se prévaloir de services en transit. L'un des avantages est que cela nous permettra d'établir ce que l'on appelle le précontrôle en transit. Nous menons un projet pilote à Vancouver depuis presque deux ans, et je dois dire qu'il connaît un succès phénoménal. Il nous a permis de mettre à l'essai un système, qui sera légèrement modifié, bien sûr, si le projet de loi est adopté, et les agents de précontrôle américains se voient accorder certains pouvoirs. L'objet ici est de faire en sorte que les passagers d'outre-mer n'aient plus à passer et par les services de douane canadiens et par les services de douane américains dans les aéroports canadiens. En d'autres termes, ils pourraient poursuivre leur route directement vers des aéroports américains, et les agents de précontrôle auraient bien sûr les pouvoirs appropriés dont nous avons parlé et qui sont décrits dans le projet de loi.

L'avantage est que cela placerait les aéroports canadiens sur un terrain de jeu égal, de sorte que toute personne arrivant en Amérique du Nord et voyageant vers les États-Unis, qu'elle arrive à Toronto à Montréal ou à Vancouver à un quelconque autre important aéroport canadien, n'aurait à subir qu'un seul contrôle des services de douane et d'immigration avant d'arriver aux États-Unis.

Ces renseignements en transit, ces renseignements personnels limités, seront fournis au service américain des douanes et de l'immigration et utilisés pour détecter des schémas de comportement étranges, de la part de voyageurs en route pour les États-Unis et en fait également pour le Canada. Cet arrangement, comme je l'ai dit, serait réciproque, et il n'existe à l'heure actuelle aucun mécanisme du genre.

Tous les aspects du système de précontrôle seront réciproques, comme je l'ai mentionné il y a un instant. Nous ne promulguerons pas la loi tant qu'une modification visant à garantir la réciprocité n'aura pas été apportée à l'accord de 1974 et ratifiée par le Canada et les États-Unis. Nous entamons nous négociations avec les Américains. Cela donnera un caractère officiel à ce qui figurait dans la loi que nous avions auparavant.

Les amendements qui ont été adoptés à l'autre endroit portent sur deux aspects. L'un concerne les fausses déclarations et l'introduction d'un processus d'examen permettant de s'assurer qu'un voyageur sait qu'il fait une fausse déclaration. La crainte de l'Association du Barreau canadien était que la personne puisse, par mensonge ou par omission, faire une fausse déclaration et, partant, faire l'objet d'autres mesures de la part de l'agent de précontrôle américain. L'ajout de la notion de mensonge délibéré est à cette fin utile.

Le deuxième fait important... Il y a un certain nombre d'autres amendements, trois en tout, mais le quatrième prévoit un réexamen cinq ans après l'entrée en vigueur du projet de loi. Cela fait suite, je pense, aux préoccupations exprimées par des gens de l'autre endroit quant à la nécessité de prévoir un certain processus de réexamen pour vérifier le déroulement des activités de précontrôle.

Le principe fondamental du projet de loi est de veiller à l'intégrité de la frontière. Les dispositions qui y sont prévues cadrent avec la Loi sur les douanes du Canada, ainsi qu'avec la façon dont les Américains mènent leurs opérations aux États-Unis, à une exception près, soit que ce que nous offrons aux Américains est un ensemble de pouvoirs. Nous ne leur offrons pas tous les pouvoirs. Comme vous l'aurez constaté, l'on n'accorde pas aux contrôleurs américains la capacité de faire des fouilles à nu, ni la capacité de détenir ni celle d'appliquer des lois pénales. Ce sont là des choses qu'ils pourraient faire en territoire américain.

L'arrangement prévu ici est que les Américains exécutent un certain ensemble d'activités et que le Canada en mène d'autres qui servent nos propres intérêts. C'est là la base sur laquelle nous avons réalisé ce que j'ai décrit comme étant le mariage de deux ensembles de lois. Cependant, l'effet global est de veiller à ce que les aéroports canadiens ne deviennent pas des voies préférées pour des activités illégales, car si l'ensemble des mesures était inférieur à ce qui est offert soit aux Canadiens qui arrivent au pays soit aux postes d'entrée aux États-Unis, alors il est certain que les gens utiliseraient les aéroports canadiens comme voie pour des activités illégales.

• 0925

Il y a deux autres avantages que je pourrais mentionner. Premièrement, le projet de loi prévoit, comme je l'ai dit, un mécanisme de précontrôle en transit. Nous nous sommes entendus sur un calendrier qui a été déterminé, largement, par le désir des aéroports de se lancer là-dedans, ou plutôt qui a été déterminé en partie par cela, et en partie, bien sûr, par la capacité américaine d'implanter un tel programme à l'échelle du pays... Mais, plus important encore, certains des plus petits aéroports, comme celui de Winnipeg, ne sont pas prêts à se lancer tout de suite, alors il est prévu d'étendre, comme je le disais, le projet pilote de Vancouver. Toronto et Montréal se lanceraient après l'adoption du projet de loi, et viendraient ensuite Calgary, Ottawa et Winnipeg. Il est aujourd'hui question de l'an 2001 environ et les deux derniers aéroports viendraient plus tard. Cela bénéficiera aux aéroports canadiens. Cela permettra aux gens de faire une transition plus rapide, par les aéroports canadiens, vers le marché américain.

Le deuxième avantage que j'ai mentionné, et cela fera l'objet de négociations futures... Il n'y a pas de résultat prédéterminé, mais l'idée, si nous pouvons faire cela, serait d'établir ces arrangements de précontrôle dans des aéroports, pour ensuite faire cela ailleurs sur le territoire. Il existe quantité de circonstances dans lesquelles il serait plus pratique pour le Canada et pour les États-Unis d'avoir des postes de contrôle frontaliers de l'autre côté de la frontière. L'idée serait donc qu'on leur accorde les pouvoirs énoncés dans le projet de loi pour mener à bien leurs activités.

Par exemple, au pont Peace, qui a fait l'objet de certaines discussions, l'on pourrait délimiter une zone de précontrôle du côté canadien, car du côté américain il n'y a pas suffisamment de place pour absorber tout le trafic camion, qui a connu une très forte hausse. Cela fera bien sûr l'objet de négociations distinctes. Les circonstances sont quelque peu différentes, mais ceci nous fournit un modèle à partir duquel travailler.

Nous avons décidé que dans un premier temps, il serait beaucoup plus simple de limiter cela au transport aérien, car c'est là qu'existe la plus forte demande, et nous examinerons ensuite l'application de cela à un modèle davantage adapté au transport de marchandises, au transport commercial, plutôt qu'aux passagers, car ce modèle-ci vise principalement les passagers.

Voilà donc, en gros, les raisons pour lesquelles le projet de loi que vous avez devant vous a été déposé. Cela tire au clair les activités des contrôleurs américains en sol canadien. Cela n'avait pas été fait dans le cadre d'une loi. Autrefois, c'était principalement assuré par un accord bilatéral, cet accord de 1974. Étant donné la Charte des droits et libertés, on a jugé opportun de stipuler de façon très précise quelles seraient les responsabilités des contrôleurs américains et celles du Canada. Cela est clairement établi dans le projet de loi.

La grande nouveauté qui a été introduite ici est la notion de fausses déclarations. Les fausses déclarations seront traitées conformément à la pratique canadienne en matière de douanes, ce qui signifie que si vous faites délibérément une fausse déclaration à un contrôleur, celui-ci peut vous soumettre à un interrogatoire plus poussé, vous détenir et vous faire subir une fouille. Ce qui est prévu ici, c'est le déclencheur. Il est essentiel d'avoir cette disposition, ce de façon à permettre aux contrôleurs de faire leur travail. Comme je le disais, cela cadre avec la façon dont Douanes Canada fonctionne.

Le régime proposé s'inspire d'un arrangement franco-suisse. Il s'agit d'un modèle «fait au Canada». C'est quelque chose que nous avons négocié avec les États-Unis. Les Américains ont convenu que ce serait réciproque, et ils ont adopté une loi en ce sens. Si vous avez des questions au sujet du statut de ce texte de loi, nous pourrions vous obtenir cela. La législation réciproque est presque terminée. La seule chose qui reste encore à faire est que le U.S. Customs Service s'occupe de la réciprocité pour ce qui est de l'immunité. Cependant, pour ce qui est des pouvoirs, la loi américaine en matière de douanes et d'immigration prévoit qu'il y aura réciprocité dans la mesure où nous accordons les pouvoirs nécessaires.

Ce qui se passerait c'est que l'on aurait exactement le même régime aux États-Unis si ce projet de loi est adopté et si nous signons avec les Américains un accord de précontrôle.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Preston.

Quelqu'un d'autre allait-il ajouter quelque chose, ou bien passons-nous tout de suite aux questions?

Très bien, allons-y pour les questions. La parole sera d'abord à M. Turp, qui sera suivi de M. Blaikie.

• 0930

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Merci de votre présentation. J'ai pris connaissance du projet de loi.

Il y a une chose qui me surprend. C'est que vous nous parlez d'un accord à venir, d'un nouvel accord qui compléterait l'accord de 1974. Ce projet de loi semble être une loi de mise en oeuvre de l'un et l'autre des accords, mais un de ces accords n'a pas encore été conclu. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi notre Parlement est appelé à adopter une loi de mise en oeuvre d'un accord qui n'a pas encore été conclu. Comment peut-on s'assurer que la loi sera conforme au nouvel accord? C'est ma première question.

M. David Preston: C'est simple. Nous avons conclu des accords avec les Américains sur tous les aspects de cette loi. Il s'agit seulement de les mettre dans un document complet. Il y a plusieurs parties dans cet accord avec les États-Unis. Il reste à mettre tout cela ensemble dans un document. Nous avons échangé des lettres avec les Américains sur tous les éléments de ce projet de loi.

M. Daniel Turp: Je veux bien comprendre. Il y a eu des échanges de lettres entre le Canada et les États-Unis.

M. David Preston: Oui.

M. Daniel Turp: Ces lettres complètent-elles l'accord de 1974?

M. David Preston: Non, elles complètent l'accord de cette année.

M. Daniel Turp: Quel accord de cette année?

M. David Preston: Nous n'avons pas encore conclu cet accord, mais nous avons négocié avec les États-Unis pendant les deux dernières années.

M. Daniel Turp: D'accord.

M. David Preston: À la fin de ce processus, nous avons échangé des lettres d'entente et nous voulons maintenant conclure un accord formel.

M. Daniel Turp: Est-ce que nous ne devrions pas avoir en main les lettres d'entente pour voir si ce projet de loi est conforme à ces lettres d'entente avant que le traité ne soit conclu? Vous demandez au Parlement d'adopter une loi qui, de toute évidence, doit mettre en oeuvre des conventions internationales, et on n'a même pas vu les lettres d'entente. Madame Caron, vous pouvez peut-être m'éclairer.

Mme Jacqueline Caron (conseillère juridique, Section du droit criminel, des privilèges et immunités, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Oui, je peux répondre à cette question. Il faut prendre en considération l'article 40 du projet de loi, qui dit:

    40. La présente loi ou telle de ses dispositions entre en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret.

Cet article est rédigé de cette façon pour nous permettre de signer et de conclure l'accord avec les Américains avant que le projet de loi devienne loi. Donc, la mise en vigueur de la loi sera postérieure à la mise en vigueur de l'accord.

Deuxièmement, comme M. Preston vous l'a dit, on a échangé des lettres avec les Américains. Autrement dit, ce ne sont pas des accords formels; c'est simplement l'expression des volontés de chacun. Les Américains savent très bien que la loi que le Parlement adoptera sera ce qu'ils vont avoir. Autrement dit, même s'il y a des échanges avec les Américains qui vont plus loin que ce que le Parlement décide, le Parlement est souverain, et l'accord ou les intentions devront être modifiés en conséquence.

M. Daniel Turp: Mais le Parlement souverain que nous sommes n'a pas en main les lettres d'entente.

Mme Jacqueline Caron: Non.

• 0935

M. Daniel Turp: Je trouve cela un peu curieux. Dans le préambule, il y a une référence à l'accord de 1974 qui, à bien des égards, est l'accord à partir duquel on adopte des dispositions législatives pour faciliter le précontrôle, mais puisqu'il y a maintenant d'autres accords qui semblent être importants et qu'on semble vouloir mettre en oeuvre, il faudrait que le Parlement les connaisse.

Mme Jacqueline Caron: Oui, mais les accords ne sont pas en réalité des accords. Je veux que ce soit bien clair: un seul accord existe à l'heure actuelle, et c'est l'accord de 1974. Les dispositions subséquentes, qui ont fait l'objet d'un échange avec les Américains, ne sont pas des accords formels; ce sont simplement des expressions de volontés qui ont fait l'objet d'un échange avec eux, de façon à établir une base à partir de laquelle on pourrait rédiger un projet de loi.

Comme vous avez pu le constater, les concepts qui sont contenus la loi sont extrêmement importants. Dans ce projet de loi, on donne aux Américains des pouvoirs qui sont normalement dévolus à des agents canadiens. En raison de cette nouveauté, on ne voulait pas conclure avec les Américains un accord obligeant le gouvernement à donner ces pouvoirs aux Américains. On voulait s'entendre avec eux de façon à ce que les aspects les plus importants soient couverts, mais laisser au Parlement, qui est souverain, la possibilité de décider dans quelle mesure ces pouvoirs seraient accordés ou pas.

Je pense que vous êtes conscient qu'il s'agit de pouvoirs minimums. Il n'y a pas là de pouvoirs extraordinaires. On voulait s'assurer qu'en cas de problème, ce soit le Parlement qui décide ultimement du régime qui sera mis en oeuvre dans nos aéroports.

M. Daniel Turp: Vous dites que le Parlement décide en fonction du contenu d'un projet de loi...

Mme Jacqueline Caron: Oui.

M. Daniel Turp: ...qui dépend du contenu de lettres d'entente entre le Canada et les États-Unis dont on ne connaît pas le contenu. Je trouve que la formule est inhabituelle.

Mme Jacqueline Caron: Tout à fait.

M. Daniel Turp: Habituellement, on conclut des accords et ensuite on demande au Parlement de mettre en oeuvre ces accords par voie législative.

Mme Jacqueline Caron: Oui.

M. Daniel Turp: On a ici un ancien accord et une loi, et ensuite, après la loi, il y aurait un accord, dont on connaît le contenu puisqu'il est énoncé dans des lettres d'entente. Ce n'est pas cela?

Mme Jacqueline Caron: Ce n'est pas tout à fait cela. C'est vrai qu'il est tout à fait inhabituel que l'on adopte une loi de mise en oeuvre d'un accord avant que cet accord soit conclu. En général, vous avez tout à fait raison, c'est l'inverse qui se produit. Cependant, en raison des particularités de ce projet de loi et de l'accord qui sera signé avec les Américains, on a voulu que le projet de loi soit d'abord adopté et qu'ensuite ou parallèlement, on négocie un accord ayant fait l'objet, dans ses grandes lignes, d'une entente non formelle avec les Américains.

Ultimement, cela donne plus de flexibilité au Parlement. Si on était arrivé avec un accord formel déjà signé et qu'on avait demandé au Parlement d'adopter une loi de mise en oeuvre, cela aurait été un peu plus restreignant pour le Parlement. Si jamais le Parlement avait décidé de ne pas accepter certaines des clauses de l'accord, il aurait fallu retourner auprès des Américains et renégocier quelque chose. En ce moment, en faisant les deux en parallèle, on est sûrs que l'accord va refléter exactement ce qu'il y a dans le projet de loi.

M. Daniel Turp: La seule chose que vous ne faites pas en parallèle, c'est nous donner une copie des lettres d'entente. J'aimerais bien avoir une copie des lettres d'entente.

Mme Jacqueline Caron: Il n'y a pas de problème.

M. David Preston: Il n'y a aucun problème. C'est exactement ce que nous avons ici. Il est très important de rendre compte du fait que les Américains ont dit: Nous avons des lois qui permettent la réciprocité; c'est à vous de déterminer ce que vous voulez.

• 0940

Ainsi, nous avons négocié avec les Américains ce que nous voulions et nous cherchons maintenant l'appui du Parlement à ce processus. Si cela ne fonctionne pas, nous devrons retourner voir les Américains, mais ils nous ont dit qu'ils nous accorderaient ce que nous voulions. C'est dans le contexte de leur loi de réciprocité.

M. Daniel Turp: J'ai deux petites questions, monsieur le président.

Le président: J'aimerais apporter une précision. Il y a ici deux questions. La première en est une de forme et l'autre, de fond.

Sur la question de forme, nous n'avons pas les lettres. Vous avez dit qu'on nous ferait parvenir les lettres et que nous aurions la chance de les regarder avant de faire l'étude article par article la semaine prochaine.

Deuxièmement, il y a une sorte de movable feast ici. Il y a eu une négociation entre les Américains et nous, dans laquelle les Américains ont dit: Nous aimerions avoir au Canada pleine autorité de faire tant de choses, mais ce sera au Parlement canadien de déterminer quelles seront les limites de l'autorité de nos gens au Canada; donc, à la fin, peu importe ce que les gouvernements auront décidé ensemble, nous serons contents de recevoir les pouvoirs qui nous seront pleinement octroyés par le Parlement canadien. Ce sera donc à nous de définir ces pouvoirs. Si les pouvoirs définis par cette loi et acceptés par le Parlement étaient plus restreignants que les pouvoirs recherchés par les Américains dans les lettres, ils les accepteraient. Ils les ont déjà acceptés. Ils sont prêts à accepter des pouvoirs moindres que ceux énoncés dans les lettres. C'est bien cela?

[Traduction]

M. David Preston: Je pourrais vous lire la politique d'immigration américaine en matière de réciprocité. Cela vous serait-il utile?

    Après consultation du Secrétaire d'État, le procureur général peut autoriser les agents d'un pays étranger à être affectés à des installations de précontrôle aux États-Unis dans le but de veiller à ce que les personnes voyageant en partance des États-Unis ou s'y trouvant en transit, en route pour le pays étranger concerné, satisfassent les lois d'immigration et lois connexes de ce pays. Ces agents peuvent exercer les pouvoirs et exécuter les fonctions que les agents d'immigration américains sont autorisés à exercer et à exécuter dans ce pays étranger en vertu de l'accord de réciprocité...

Cela établit clairement qu'en bout de ligne ils seront autorisés à faire ce que nous nous faisons, et qu'ils attendent en gros de savoir quel modèle le Parlement retiendra.

[Français]

Le président: Vous aviez encore deux autres questions.

M. Daniel Turp: Cela me fait toujours un peu sourire, parce que c'est le gouvernement qui initie ce projet de loi même s'il s'agit d'un projet de loi du Sénat. C'est quand même le gouvernement qui décide ce que le Parlement doit adopter ou non. C'est pour cela que je veux voir les lettres d'entente. Je trouve que c'est important de voir les lettres d'ententes.

M. David Preston: Oui, pas de problème.

M. Daniel Turp: Ma question a trait au quatrième attendu du préambule, qui se lit ainsi:

    que l'application au Canada de ces éléments du droit américain...

Le mot «éléments» est mal choisi, à mon avis. Le mot devrait plutôt être «dispositions», qui traduirait mieux «provision».

    ...s'effectue sur réserve du droit canadien, notamment...

Et là vous énumérez trois lois sur les droits et libertés. Est-ce qu'il y a, selon vous, d'autres lois qui peuvent être visées dans cette énumération, qui n'est pas restrictive à cause du «notamment»? Est-ce qu'il y en a d'autres?

Ma deuxième question est un petit peu liée à celle-là. À l'article 4, on parle de l'objet de la loi. Je trouve que c'est assez restrictif que de dire «sous réserve des garanties constitutionnelles de ce pays», parce que dans ce quatrième attendu du préambule, les garanties que l'on veut opposer au droit américain ne sont pas seulement constitutionnelles puisque la Déclaration canadienne et la Loi canadienne ne sont pas des lois constitutionnelles. La mention «garanties constitutionnelles», à l'article 4, limite en quelque sorte ce que l'on veut faire ou ce que l'on signale vouloir faire par le quatrième attendu. C'est ma première question.

Mme Caron pourra peut-être répondre à ma deuxième question, qui porte sur l'immunité. Je voudrais connaître l'objet précis du paragraphe 36(1), où il y a une référence à la Loi sur l'immunité des États. Est-il vraiment nécessaire de mettre cette disposition dans le projet de loi? Puisqu'on laisse entendre que la Loi sur l'immunité des États ne s'applique pas nécessairement, pourquoi met-on cette disposition dans la loi?

• 0945

Mme Jacqueline Caron: Pour répondre à votre première question, dans le quatrième paragraphe du préambule, on met «notamment» parce que dans l'aire de précontrôle, il n'y aura pas de suprématie du droit américain. Il y aura une application stricte de toutes les lois canadiennes. Cela est dit un peu plus loin.

M. Daniel Turp: Oui, j'ai vu.

Mme Jacqueline Caron: Donc, si pour une raison ou une autre il devait y avoir un conflit de droits à l'intérieur de la zone, pour une raison difficilement imaginable, ce serait la loi canadienne qui prévaudrait. Dans la préambule, on met simplement un rappel: on s'assure que nous sommes bien en territoire canadien et que la loi canadienne s'applique dans toute sa dimension, même à des lois américaines qui, elles, seront administrées. Il n'y a qu'une partie des lois américaines, la partie civile et administrative, qui pourra être utilisée par les agents américains; tout ce qui est en dehors de ces aspects sera régi par la loi canadienne. S'il devait y avoir un conflit de droits, dont il me serait difficile de vous donner un exemple ce matin, ce serait le droit canadien qui prévaudrait.

M. Daniel Turp: Donc, c'est une énumération non limitative.

Mme Jacqueline Caron: Non limitative.

M. Daniel Turp: On se réfère à toutes les autres lois fédérales.

Mme Jacqueline Caron: Exactement, et c'est pour cela qu'on dit «notamment». Le droit canadien s'applique.

M. Daniel Turp: Pourquoi avez-vous voulu mettre l'accent sur les droits et libertés?

Mme Jacqueline Caron: Pour plusieurs raisons. La première est qu'on donne aux Américains le droit d'utiliser des pouvoirs assez extraordinaires, qui sont normalement dévolus à des agents de la paix ou autres assimilés aux agents de la paix par le Code criminel: le pouvoir de fouille, le pouvoir de saisie et ainsi de suite. Il s'agit normalement de fonctions d'État qui sont exercées sur un territoire donné par les gouvernements en place. Puisqu'on leur donnait ces pouvoirs extraordinaires, on voulait s'assurer que ces pouvoirs soient exercés selon les normes établies au Canada.

On pense ici à un arrêt de la Cour suprême qui a déterminé les paramètres dans lesquels on devait procéder à l'exercice de ces pouvoirs. Il s'agit de R. v. Simmons qui, dans un cadre de frontières et de douanes, a déterminé les paramètres qui devaient servir à la mise en place du pouvoir de fouille, entre autres. Le projet de loi s'inspire de cela afin que les Américains au Canada n'utilisent pas le droit américain comme base de référence pour l'exercice de ces pouvoirs.

M. Daniel Turp: Et pour ce qui est du mot «constitutionnelles», à l'article 4?

Mme Jacqueline Caron: C'est la même chose ici. Cela fait bien sûr référence à la Charte et aux principes énoncés, entre autres, dans la cause R. v. Simmons. C'est pour nous assurer que la fouille, l'examen et la détention des individus soient faits conformément aux principes établis dans la Charte canadienne, qui détermine une bonne partie de l'application des mesures.

M. Daniel Turp: On y reviendra peut-être. Je pense que le fait de mettre le mot «constitutionnelles» restreint beaucoup. Cela semble exclure la Déclaration canadienne et la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le président: Monsieur Blaikie.

[Traduction]

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.

• 0950

Je pense que c'est un écart par rapport à la pratique établie d'avoir ce projet de loi avant la conclusion de l'accord, mais je ne pense pas qu'il s'agisse forcément d'un écart malavisé. Bien que je comprenne ce que dit M. Turp, je songe à quantités d'occasions pour lesquelles il aurait été bon d'avoir le projet de loi avant l'entente. C'est mieux que d'avoir l'entente et de se faire dire qu'on ne peut pas la changer parce qu'elle a déjà été signée. Je pense néanmoins qu'il est important que nous obtenions les lettres afin de comprendre à partir de quoi le projet de loi a été rédigé, pour ensuite décider en conséquence.

Il y a un certain nombre de choses qui me préoccupent—et ce n'est pas tant qu'elles me préoccupent, mais j'aimerais tout simplement qu'elles soient tirées au clair. Il me semble vous avoir entendu dire à un moment donné que les gens ne peuvent pas être détenus, et dire à un autre moment que les gens pourraient être détenus si on les soupçonne d'avoir commis une infraction. Il me semble qu'il demeure encore une certaine incertitude quant à cette question de détention. Refuser de répondre à des questions n'est pas un motif suffisant de détention, mais existe-t-il des circonstances dans lesquelles une personne refusant tout de suite de répondre à des questions serait détenue?

M. David Preston: Oui, il existe un cas dans lequel une telle personne pourrait être détenue, et c'est le suivant: s'il y a d'autres motifs de la soupçonner d'avoir commis une infraction.

M. Bill Blaikie: La personne se présente, elle n'a encore rien dit, le type lui pose une question...

M. David Preston: La personne dit qu'elle ne veut répondre à aucune question, mais il y a de la marijuana qui sort de son sac. C'est un cas assez évident. On dira alors qu'il y a là des motifs de soupçonner la personne.

M. Bill Blaikie: Lorsque vous parlez d'une infraction, entendez-vous par là une infraction canadienne ou une infraction américaine?

M. David Preston: Excusez-moi, quelle infraction?

M. Bill Blaikie: À un moment donné vous avez employé le mot «infraction». Parle-t-on d'une infraction canadienne ou d'une infraction américaine? En d'autres termes, une personne pourrait-elle être arrêtée dans cette zone de précontrôle pour violation d'une loi américaine? Où ailleurs qu'aux États-Unis, une personne pourrait-elle être accusée d'une infraction américaine? Alors l'intéressé se trouve dans cette zone et on lui refuse l'accès aux États-Unis parce qu'il ne peut pas être précontrôlé. Il n'est pas précontrôlé parce qu'on juge qu'il a commis une infraction. Il se voit accuser d'avoir commis une infraction américaine. Il lui faut alors de toute façon entrer aux États-Unis pour la mise en accusation. Ai-je mal compris quelque chose?

M. David Preston: Je pense que la prémisse est peut-être erronée. Si l'intéressé se présente et qu'il y a une infraction aux lois américaines en matière de douanes, par exemple, dans de telles circonstances il y a une disposition prévoyant que la personne puisse se faire imposer une amende et se faire accepter ou refuser à la frontière, selon les circonstances et vu qu'il est autorisé de refuser l'admission au pays. Si l'on parle d'une fausse déclaration ou d'un acte criminel, comme par exemple la possession de marijuana, alors ces poursuites se feraient en vertu des lois canadiennes, et ce serait les lois canadiennes qui s'appliqueraient.

Ce qui se passe, c'est que la personne se présente et il y a une infraction aux lois en matière de douanes. Il n'y a aucune raison de la détenir. Elle se voit tout simplement imposer une amende, elle paie l'amende, et elle poursuit son chemin.

S'il y avait des raisons de soupçonner qu'il y avait eu infraction, alors il faudrait céder l'intéressé aux autorités canadiennes s'il allait être question de fouille à nu. En cas d'infraction criminelle, il aurait de toute façon fallu livrer la personne aux autorités canadiennes, car ce serait alors aux Canadiens de s'occuper de l'accusation. La possession de drogues ou le port d'une arme interdite, par exemple, seraient des infractions dans les deux pays. L'important ici est qu'à moins qu'il ne s'agisse d'une infraction aux lois américaines en matière de douanes et d'immigration, la poursuite se ferait au Canada.

M. Bill Blaikie: Nous pourrions donc nous retrouver dans une situation où nous ferions une part importante du travail qui serait autrement revenu aux autorités judiciaires américaines. Si l'on constatait qu'une personne ayant déjà traversé la frontière et se trouvant aux États-Unis avait dans sa valise ou autre des substances illégales, en vertu de l'actuel régime, elle serait mise en accusation aux États-Unis en vertu des lois américaines, n'est-ce pas?

• 0955

Une voix: Non.

Mme Jacqueline Caron: Je pourrai peut-être répondre. Lorsque nous parlons d'infraction ou de délit en vertu du projet de loi, nous songeons surtout aux infractions dont il est question aux articles 33 et 34, mais principalement à l'article 33, portant sur les déclarations fausses ou trompeuses.

Vous vous souviendrez sans doute, si vous avez déjà eu à traverser la frontière, qu'il vous faut faire une déclaration écrite. La déclaration écrite est un processus de départ grâce auquel l'agent peut déterminer si vous avez fait une déclaration fausse ou non.

Si l'on vous demande si vous transportez des produits dangereux, que vous dites que non et que l'on ouvre votre sac pour y trouver je ne sais trop...

Le président: Des serpents?

Mme Jacqueline Caron: ...des serpents, précisément—vous avez fait une fausse déclaration et intervient alors l'article 33. Le contrôleur peut alors poursuivre la fouille ou saisir les biens.

Comme vous pouvez le voir, la déclaration fausse est toujours le déclencheur, et il s'agit d'une infraction canadienne. L'infraction américaine interviendrait après. Par exemple, si...

M. Bill Blaikie: Et lorsqu'elle intervient, comment cela fonctionne-t-il?

Mme Jacqueline Caron: Je vais vous l'expliquer.

Si une infraction canadienne a été commise, si vous transportez, par exemple, ces serpents, et que vous faites de fausses déclarations à ce sujet, et ainsi de suite, alors les Américains pourront imposer une pénalité civile. Ils invoqueront cela en cas de fausse déclaration dans le contexte de leur propre loi. Ils pourront donc enclencher la procédure civile et administrative.

Mais si, par exemple, nous voulions poursuivre cette personne en vertu de l'article 33, alors ce serait une infraction canadienne et ce serait aux autorités canadiennes de prendre la situation en mains.

M. Bill Blaikie: Mais cela n'est pas différent de l'actuel...? Que se passerait-il dans les circonstances actuelles?

M. David Preston: C'est là un aspect critique car, en fait, ce qui se passe dans le cas de l'actuel système—et vous parliez, par exemple, d'une infraction mettant en cause des drogues—c'est que l'intéressé se verrait livrer aux autorités canadiennes et poursuivre de la façon habituelle. C'est ce qui se passe à l'heure actuelle.

M. Bill Blaikie: Même maintenant. C'est cela que j'essayais de comprendre.

Mme Jacqueline Caron: Même maintenant.

M. David Preston: Par conséquent, rien ne change, sauf qu'il y a maintenant un déclencheur qui met en marche le processus, et ce déclencheur est la déclaration fausse.

Le président: Ce qui est différent, c'est qu'en vertu de la loi canadienne, c'est une infraction canadienne de faire une fausse déclaration sur un document d'entrée aux États-Unis...

M. David Preston: Précisément.

Le président: ...ce qui correspond à la situation d'avant, mais nous allons sans doute avoir un régime de réciprocité et ce serait dont une infraction américaine de faire une fausse déclaration sur un document canadien si vous arrivez de Washington ou d'ailleurs et qu'il y a un système de précontrôle.

M. David Preston: Nous pouvons faire la même chose.

Le président: C'est peut-être la seule autre différence. Nous avons ajouté une nouvelle infraction canadienne, ce qui cadre avec la nature réciproque de nos relations quant à l'objet, qui est de faciliter le précontrôle à la frontière. Il semble que ce soit là ce qu'on a ajouté. Il y a une condition.

M. David Preston: L'autre observation que j'aimerais faire, si vous permettez, est qu'il n'y a que très peu de poursuites en vertu de l'actuel régime, et il n'y aucune raison de penser que les choses changeront. L'on n'envisage donc pas qu'il y ait tout un tas de criminels renvoyés devant les tribunaux canadiens.

M. Bill Blaikie: Cela soulève la question de savoir si cela va être plus efficace que le système actuel pour trier les gens.

M. David Preston: C'est certainement plus clair. Quant à savoir si ce sera plus efficace pour trier les gens, tout dépendra de la capacité des contrôleurs intéressés, il me semble.

M. Bill Blaikie: Ce que j'avais compris de l'idée c'était que cela allait nous permettre d'attraper plus de gens...

M. David Preston: Non.

M. Bill Blaikie: ...à cause de la crainte des Américains que les aéroports canadiens servent de...

Pour ce qui est de la réciprocité, lorsque je pense à ces centres de précontrôle canadiens dans des aéroports américains, mettons, l'une des choses qui me vient à l'esprit est que cela aurait une incidence sur les réfugiés, sur les demandeurs de statut de réfugié. Ces gens-là demanderaient-ils le statut de réfugié dans les centres de précontrôle canadiens s'ils passaient par les États-Unis? Ce ne sont pas tous les réfugiés qui feront cela, mais pour ceux qui s'y essaieraient de cette façon, ou qui y seraient amenés, comment cela fonctionnera-t-il? À l'heure actuelle, lorsque des personnes revendiquent le statut de réfugié, alors qu'elles se trouvent déjà au Canada, qu'elles sont déjà descendues de l'avion, on leur reconnaît les droits prévus dans la Charte.

• 1000

Je présume—je ne sais pas, je pose la question—que si la Charte s'applique dans les centres de précontrôle canadiens, alors les gens dont on déclare qu'ils sont réfugiés ou qui revendiquent le statut de réfugié, ou qui n'ont pas de passeport ou autre et qui disent tout d'un coup qu'ils sont réfugiés... Comme nous le savons, avec l'actuel système, il suffit qu'une personne dise qu'elle est réfugiée et il s'enclenche alors tout ce long processus qui lui permet de rester dans le pays jusqu'à ce qu'on prouve qu'elle n'est pas réfugiée, ce à cause de la décision prise par la Cour suprême dans les années 80 et selon laquelle la Charte s'applique aux réfugiés. La Charte s'appliquera-t-elle aux personnes qui passeront par ces centres de précontrôle canadiens?

M. David Preston: Oui, cette question est intéressante, car je pense que dans les circonstances que vous évoquez, ce serait comme si l'on faisait un précontrôle en transit aux États-Unis pour des personnes en route pour le Canada. Je suppose que si ces personnes étaient déjà résidentes des États-Unis et qu'elles passaient tout simplement par le précontrôle...

M. Bill Blaikie: Il n'est pas nécessaire qu'elles soient résidentes des États-Unis.

M. David Preston: ...ou qu'elles vivaient tout simplement aux États-Unis... Il y a ici deux circonstances très différentes, et j'aimerais illustrer...

M. Bill Blaikie: Il y aurait deux vols distincts, et ces personnes ne seraient pas en transit.

M. David Preston: Oui, mais dans le premier cas, celui d'une personne quittant les États-Unis et passant par le précontrôle régulier, une personne qui est déjà aux États-Unis et qui demande le statut de réfugié, j'imagine qu'elle irait directement au précontrôle et qu'elle atterrirait au Canada. Je présume que tout ce qu'il lui faudrait faire serait de se présenter aux services des douanes et de l'immigration canadiens, monter dans l'avion puis revendiquer le statut de réfugié à son arrivée.

Dans le cas du précontrôle en transit, ce serait plus ou moins la même chose, vu que la personne serait en route. Elle n'aborderait pas les douaniers américains en vertu de l'arrangement de réciprocité. Elle serait en route pour le Canada. Pourquoi revendiquerait-elle le statut de réfugié alors qu'elle se trouve à l'aéroport? Pourquoi n'attendrait-elle pas tout simplement d'arriver au Canada pour se déclarer réfugié?

M. Bill Blaikie: Mais l'idée du précontrôle n'était-elle pas qu'il n'y ait rien d'autre à faire lorsque vous arrivez à l'aéroport canadien? Vous avez déjà tout fait; vous avez été précontrôlé.

M. David Preston: Oui. Je suppose qu'il vous faudrait subir un certain processus d'entrée. Qu'arrive-t-il donc à un réfugié qui se présente, qui n'a pas de documentation, qui veut se rendre au Canada et qui arrive à San Francisco?

Mme Jacqueline Caron: Tout ce que je dirais c'est qu'une compagnie aérienne ne peut pas transporter de passagers non munis de documentation. Si donc une personne tente de monter à bord d'un avion aux États-Unis, peu importe que cela se fasse à partir d'un poste de précontrôle canadien ou d'un poste américain, le résultat sera le même: la compagnie aérienne refusera de prendre la personne à bord.

Si la personne revendique le statut de réfugié, la convention s'appliquera et s'appliqueront également les lois respectives des États-Unis et du Canada. Si cela se passe au poste de précontrôle canadien, je réserve ma réponse là-dessus, mais j'imagine que l'intéressé se fera remettre aux autorités américaines. Je réserve néanmoins ma réponse, car il me faudrait vérifier.

M. Bill Blaikie: C'est une chose à laquelle il faudrait réfléchir.

Mme Jacqueline Caron: Oui. Je vérifierai auprès des avocats de l'immigration.

M. Bill Blaikie: Il me semble qu'il y a un certain travail à faire en la matière.

Mme Jacqueline Caron: Oui.

M. Bill Blaikie: Il me faudra aller en parler avec des stagiaires au Congrès.

Le président: Vu la tournure que prennent les choses, ils vont pouvoir entrer ici plus facilement à cause du travail qu'ils font pour leur compte, et ils deviendront peut-être même en fait des réfugiés ici, des réfugiés de la terre des fusils.

M. David Preston: Je n'ai pas eu l'occasion de vous présenter ma collègue. Jacqueline Caron est notre principale conseillère juridique au ministère. J'ai donc tendance à lui renvoyer toutes les questions d'ordre juridique qu'on me pose.

Le président: Je pense que nous avons compris cela lors de l'échange entre Mme Caron et M. Turp. Elle s'est très bien occupée de l'aspect droit international.

Monsieur Assadourian, suivi de Mme Augustine.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup. J'ai quelques questions à poser.

Premièrement, il y a dans le cadre du système de précontrôle des cartes à puce.

M. David Preston: De telles cartes font-elles partie du système de précontrôle? Oui, elles le pourraient, absolument. À l'heure actuelle, les cartes à puce sont principalement destinés aux Canadiens et aux Américains.

M. Sarkis Assadourian: Très bien. Nous avons vu ces cartes intelligentes une fois lorsque nous étions à Vancouver.

M. David Preston: Nous en avons une autre, la CANPASS. Nous avons également une ligne CANPASS.

Le président: Cette carte CANPASS peut-elle être également utilisée dans les hôtels?

M. David Preston: Oui, il y a une CANPASS qui est en train d'être utilisée...

Le président: Pourquoi n'en émet-t-on pas aux députés?

Une voix: En avez-vous une?

Le président: J'ai en une pour les États-Unis. Il m'a fallu me faire prendre mes empreintes digitales pour l'avoir.

M. Sarkis Assadourian: L'objet de la carte est d'accélérer la traversée des frontières internationales.

M. David Preston: Oui.

M. Sarkis Assadourian: Le paragraphe 32(2) du projet de loi dit: «Le contrôleur est tenu de prendre les mesures voulues pour protéger les renseignements qu'il a conservés...»

• 1005

M. David Preston: Oui.

M. Sarkis Assadourian: Que se passe-t-il s'il ne s'occupe pas comme il se doit des renseignements qu'il a—des renseignements qu'il a au sujet du passager ou autre? Je ne vois ici aucune pénalité. Dans d'autres cas, il y a une amende de 5 000 $ ou...

M. David Preston: Oui, ceci se rapporte à...

M. Sarkis Assadourian: C'est là ma première question. Permettez-moi de vous poser les autres questions afin que vous puissiez y répondre à la suite.

La deuxième question porte sur l'article 37. Celui-ci dit que les décisions ne sont pas susceptibles de révision judiciaire, que lorsqu'un contrôleur prend une décision, vous ne pouvez pas obtenir une révision judiciaire de la décision au Canada. Je pensais que c'était là un droit qui me revenait en ma qualité de citoyen, ce droit de faire réexaminer toute décision prise pour mon compte par quiconque. Pourquoi devrais-je abandonner mon droit de citoyen canadien de faire examiner cette décision prise à mon sujet?

Ma troisième question est la suivante: y aura-t-il des pertes d'emplois dans les aéroports lorsque ces Américains viendront ici nous vérifier, ou que nous, nous les vérifierons? Peut-être qu'il y aura des pertes d'emplois. Pourriez-vous me dire si un, deux, cinq, dix ou quinze emplois seront touchés?

M. David Preston: Nous répondrons à vos questions dans l'ordre inverse.

En ce qui concerne la question des pertes d'emplois, le volume des passagers arrivant... Il y a deux façons de voir les choses. Encore une fois, je reviens à la distinction entre précontrôle et précontrôle en transit. Les postes de précontrôle s'occupent déjà de voyageurs. Ces postes sont là pour les Canadiens qui sont déjà au Canada et qui se rendent aux États-Unis. L'arrangement à l'heure actuelle n'est pas très différent de celui que nous aurons à l'avenir. Les employés dans ces postes continueront de s'occuper des voyageurs, mais cela se fera dans le cadre de règles plus claires.

Avec les contrôles en transit, les douaniers canadiens n'auront pas à s'occuper des passagers en transit. Quant au nombre total de passagers, ils ne sont pas très nombreux. L'important, c'est ceci: il y a des douzaines d'avions qui se posent chaque jour à Toronto, à l'aéroport Pearson, ou à Montréal, et certains des voyageurs à bord de ces appareils se dirigent vers les États-Unis. Les gens des douanes et de l'immigration doivent s'occuper de toutes ces personnes, mais certaines d'entre elles n'auront plus à passer par le service des douanes. L'incidence sur le nombre de personnes sur le terrain sera minime ou nulle, car il faudra toujours avoir des agents sur place pour s'occuper des autres catégories de passagers.

Le président: D'autre part, monsieur Preston, comme vous me l'avez expliqué hier, le but de tout cela est de permettre à certains aéroports clés, notamment ceux de Montréal, Toronto et Vancouver, de fonctionner comme plaques tournantes internationales, et cela créera en fait des emplois dans les aéroports car ceux-ci exerceront alors davantage d'attrait.

M. David Preston: Oui, absolument.

Le président: Vous perdrez peut-être une demi-journée de travail dans le service des douanes et gagnerez 15 jours de travail de plus grande valeur ailleurs.

M. David Preston: Les aéroports sont extrêmement enthousiastes à l'égard de ce projet.

Le président: Cette possibilité de devenir plaque tournante est très importante pour l'économie et très importante pour l'aéroport de Toronto, monsieur Preston. Nous perdons du trafic au profit d'autres aéroports parce que l'Européen va dire qu'il lui faut aller à Chicago, et pourquoi se donnerait-il la peine de passer par Toronto et de voyager avec Air Canada s'il va avoir toutes sortes d'ennuis au poste des douanes? Il va choisir le chemin le plus direct. Il va prendre un vol américain ou un vol européen et se rendre directement à Chicago. Je connais beaucoup d'Américains qui aiment voyager avec Air Canada. Ils aiment passer par Toronto, mais les douanes, c'est autre chose. S'ils pouvaient éviter cela...

M. David Preston: Ils doivent le faire deux fois.

Le président: ...ou Montréal, cela nous aiderait à servir de plaque tournante pour nos compagnies aériennes.

M. David Preston: Les aéroports sont très enthousiastes à l'égard de cette idée...

Le président: Et nous en entendrons parler, je pense, lorsque comparaîtront devant nous les administrations aéroportuaires.

M. David Preston: C'est exact.

Le président: Chose ironique, c'est le volet précontrôle en transit qui a lancé tout ce projet et on a fini par rédiger un projet de loi sur le précontrôle par suite de cela, car c'était là le moteur économique.

M. Sarkis Assadourian: Très bien. Qu'en est-il des autres questions?

Le président: Oui, les deux autres questions que vous avez posées.

Mme Jacqueline Caron: J'y répondrai, et vous me rependrez si j'ai mal compris les questions.

Dans le cas d'une personne désireuse de traverser une frontière pour se rendre aux États-Unis, en France ou en Grande-Bretagne, c'est la même chose. Tous ces pays ont le droit souverain d'accepter ou de refuser toute personne qui traverse la frontière pour entrer sur son territoire. En tant que Canadien, vous n'avez pas de droits quant à votre admission aux États-Unis. C'est un privilège, et il relève de l'autorité souveraine de ce pays de vous laisser entrer ou non. La situation inverse est vraie pour le Canada.

M. Sarkis Assadourian: Si j'ai une plante et que l'agent me dit que non, je ne peux prendre ma plante...

Mme Jacqueline Caron: Oui, c'est exact.

M. Sarkis Assadourian: ...je ne peux pas en appeler de la décision. Est-ce cela que vous êtes en train de me dire?

Mme Jacqueline Caron: Vous pouvez en appeler par le biais du mécanisme américain. C'est son privilège d'accepter ou non la plante sur son territoire.

M. Sarkis Assadourian: Je ne peux pas en appeler de la décision au Canada?

Mme Jacqueline Caron: Non.

• 1010

M. Sarkis Assadourian: En tant que Canadien, je ne peux pas en appeler ici au Canada, étant donné qu'il s'agit d'une décision américaine.

Mme Jacqueline Caron: Eh bien, il y a une procédure d'appel tout de suite sur place, au poste de précontrôle. Il y a une décision, mais vous pouvez—si j'ai bien compris la procédure américaine—faire appel sur place. Mais je dirais que s'il s'agit d'une plante, je vous conseillerais de ne pas risquer de rater votre avion.

M. David Preston: L'argument ici, bien sûr, est celui de la réciprocité.

M. Sarkis Assadourian: Mais, comme vous l'avez dit, s'il s'agit d'une plante...

M. David Preston: Si vous regardez les choses dans le sens inverse, bien sûr, dans le cadre d'un régime de réciprocité, nous ne voudrions pas que le processus d'examen judiciaire américain détermine l'admissibilité au Canada.

M. Sarkis Assadourian: Cela les touche donc dans le sens inverse.

M. David Preston: Oui, dans le sens inverse.

Mme Jacqueline Caron: Précisément.

M. Sarkis Assadourian: Qu'en est-il du paragraphe 32(2)?

M. David Preston: C'est là une question d'information.

M. Sarkis Assadourian: En gros, c'est là une question de protection de la vie privée.

M. David Preston: Cela a à voir avec le respect de la vie privée. Il y a ici deux aspects, et c'est lié au précontrôle en transit. J'ai mentionné cela dans ma présentation. Les renseignements fournis aux États-Unis seront limités et porteront sur ces passagers qui passent par le Canada mais qui arrivent d'un autre pays. Nous avons eu des discussions avec les Américains sur l'utilisation qu'ils feront de ces renseignements. En règle générale, ils les détruisent tout de suite après.

M. Sarkis Assadourian: Dans les 24 heures.

M. David Preston: Non, leur pratique est de les détruire tout de suite après l'utilisation qu'ils en ont faite. Nous avons inclus ici une disposition qui dit que ces renseignements doivent être détruits dans les 24 heures à moins qu'ils ne soient nécessaires pour l'application du droit canadien ou de la loi sur le précontrôle. La peine est explicitée à l'article 35, qui dit:

    Quiconque omet de se conformer à l'article 32 commet une infraction passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une amende maximale de...

M. Sarkis Assadourian: Cela s'applique-t-il également aux contrôleurs?

M. David Preston: Oui.

Mme Jacqueline Caron: Cela s'applique aux contrôleurs.

M. Sarkis Assadourian: Très bien. Ma dernière question sera très rapide...

Le président: Mme Augustine doit partir et elle aimerait beaucoup...

M. Sarkis Assadourian: Ma question concerne la loi 110.

Le président: Oui.

M. Sarkis Assadourian: Vous rappelez-vous que le Congrès américain a dit...

Le président: Oui, oui, c'était là ma question.

M. Sarkis Assadourian: Cela a-t-il une incidence sur ceci?

M. David Preston: L'article 110.

M. Sarkis Assadourian: La loi 110 aux États-Unis.

M. David Preston: L'article 110 de l'IIRIRA.

M. Sarkis Assadourian: Oui, l'article 110.

M. David Preston: L'article 110 de l'IIRIRA ne s'applique pas dans ce cas-ci autant que l'auraient voulu les Américains qui souhaiteraient, en définitive, documenter toutes les personnes qui vont aux États-Unis, à leur entrée ainsi qu'à leur sortie. Bien sûr, nous ne parlons ici que de l'entrée, mais ils demandent de documenter les gens aux postes de frontière terrestres de la même façon que dans les aéroports. En d'autres termes, cela n'aura absolument aucun effet.

L'article 110 correspond à ce que font déjà les Américains. Ce qu'ils veulent faire aux postes de frontière c'est poser le même genre de questions et documenter les gens de la même façon qu'aux aéroports car, après tout, vous leur donnez votre passeport et vous leur fournissez d'autres renseignements personnels. Nous essayons de convaincre le Congrès de révoquer ce texte de loi, car nous ne voudrions pas devoir subir le même processus aux postes terrestres que dans les aéroports.

Le président: Merci. D'un autre côté, d'un point de vue politique, le fait que nous travaillions plus étroitement avec eux sur ces questions nous donne un meilleur levier pour essayer de contrer l'attitude correspondant à l'article 110.

M. David Preston: Je suis d'accord avec vous là-dessus.

Le président: Cela crée un climat de confiance et de bonne entente entre les autorités, ce qui est très important dans le contexte de ce genre d'arrangement. Ce que je veux dire par là c'est que l'un de nos problèmes est que... Je pense que lorsque nous irons à une rencontre Canada-États-Unis, nous allons prendre ceci et dire: «Écoutez les gars, nous travaillons avec vous. Arrêtez de nous taper dessus. Parlez-en aux membres du Congrès.»

Madame Augustine.

M. Sarkis Assadourian: [Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): En tant que personne qui se retrouve en règle générale du mauvais côté dans ce genre de choses, je m'intéresse tout particulièrement à trois aspects. Si le président et moi-même descendons d'un avion ou nous présentons à un aéroport, c'est en règle générale moi qui me fais arrêter. C'est en règle générale moi qui me fais interroger, et c'est en règle générale moi qui me vois envoyer dans une autre file. Je me plais à penser que j'ai un visage honnête, mais on me soupçonne toujours «pour des motifs raisonnables», et je n'ai jamais pu comprendre quels étaient ces motifs raisonnables. Je suis en règle générale le passager dont les valises se font renifler plusieurs fois par le chien ou autre.

M. Sarkis Assadourian: [Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Jean Augustine: Et c'est parfois enrageant.

• 1015

J'aimerais que vous reveniez sur les pouvoirs des contrôleurs dont il est question à l'article 11, ainsi que sur la question de l'immunité, et les situations dans lesquelles aucune mesure quelle qu'elle soit ne peut être prise. Le paragraphe 36(2) dit:

    Les contrôleurs sont soustraits aux actions ou autres procédures en matière civile pour les faits—actes ou omissions—accomplis au titre [...]

Il me semble qu'il y a au paragraphe 36(2) un pouvoir discrétionnaire énorme.

J'aimerais également poser ma troisième question. Savez-vous sur quel ensemble d'activités réciproques les Américains insisteraient? Par exemple, nous parlions de fouilles à nu, de détention et du droit pénal canadien. À quelle mesure réciproque pourrions-nous nous attendre de la part des Américains?

M. David Preston: En ce qui concerne la question des motifs raisonnables, en bout de ligne, les motifs raisonnables de soupçonner sont déterminés par les tribunaux.

Je dois dire que je suis très sensible aux problèmes que vous avez peut-être vécus dans des aéroports. Cela est vraiment dommage.

Mme Jean Augustine: Cela arrive tout le temps. Cela arrive régulièrement.

M. David Preston: C'est vraiment dommage.

Au bout du compte, ce serait aux tribunaux de décider si le contrôleur avait des motifs raisonnables et légitimes de soupçonner. S'il s'avérait que le contrôleur avait pris contre vous des mesures qui n'étaient pas justifiées parce qu'il n'avait pas de motif raisonnable de vous soupçonner, ce qui serait défini par la loi, dans de telles circonstances...

Mme Jean Augustine: J'essaie tout simplement de déterminer quels seraient des motifs raisonnables. Est-ce mon apparence, la façon dont je suis habillée ou qui je suis? Qu'est-ce qu'un motif raisonnable?

M. David Preston: Il n'y a pas de réponse simple, claire et nette à cette question de ce qui constituerait un motif raisonnable. D'après ce que j'ai compris, c'est un ensemble de choses. Je ne suis pas avocat. Je devrais peut-être céder un instant la parole à ma collègue juriste. Mais, dans l'ensemble, ce sont les tribunaux qui ont jusqu'ici déterminé ce qui était raisonnable. Un motif raisonnable, c'est plus qu'un simple soupçon. La couleur de votre peau, par exemple, ne suffit pas pour soupçonner quoi que ce soit. Il faut qu'il y ait des motifs plus solides que cela pour vous soupçonner d'avoir commis une infraction.

Mme Jean Augustine: Je ne suis pas si convaincue qu'il doive s'agir d'une infraction plutôt que...

M. David Preston: Ils vous prennent à part pour vous poser davantage de questions, n'est-ce pas?

Le président: Dans un cas d'arrestation d'une personne dans la rue, même un policier doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner l'intéressé.

M. David Preston: Il y a une étape au-dessus, bien sûr, soit le fait d'avoir des motifs raisonnables de croire. Les motifs raisonnables de soupçonner permettent de vous détenir pour vous poser des questions supplémentaires. Mais si les autorités vont plus loin pour passer à l'étape de la fouille à nu, alors il leur faut avoir des «motifs raisonnables de croire», ce qui est un niveau de preuve supérieur. Il y a donc une progression.

Le président: Vouliez-vous ajouter quelque chose à cela, Jacqueline?

Mme Jacqueline Caron: Oui.

Je pense que vous avez posé une question très difficile, car il n'existe aucune définition précise de ce qu'est un motif raisonnable, sauf qu'il s'agit d'une accumulation de facteurs. Si une personne se présente à la frontière et qu'elle est en train de transpirer, est très tendue...

M. Sarkis Assadourian: A des yeux fuyants.

Mme Jacqueline Caron: ...et manifeste toutes sortes de signes, l'agent pourrait penser que cette personne est malade et ne pas aller plus loin. Nous pourrions, si vous le voulez, faire témoigner devant vous quelqu'un dont c'est le travail, qui a une expérience de poste de frontière, et qui pourrait vous expliquer comment cela se passe dans la réalité. Il s'agit d'une situation complexe. L'on ne s'appuie pas sur un seul facteur.

• 1020

Le contrôleur finira par acquérir la conviction qu'il aurait dû chercher plus loin et peut-être même interviewer la personne de façon plus fouillée ou encore inspecter de plus près ses bagages, convaincu qu'il est qu'il y a quelque chose là. Parfois, nous recevons des renseignements à l'avance; par exemple, on nous avertit que la personne a déjà transporté des drogues. Chaque cas est différent, et il est très difficile de déterminer de façon générale quels seraient des motifs raisonnables.

Quant à votre question au sujet de l'immunité, j'aimerais ajouter quelque chose au point qu'a soulevé M. Assadourian tout à l'heure. Il n'y a aucune immunité en cas de violation de la Charte. Si donc vous êtes fouillé et qu'il y a abus de pouvoir de la part d'un contrôleur, cela est considéré comme une violation de la Charte et il n'y a dans ce cas aucune immunité. La personne sera assujettie à un examen par les tribunaux canadiens. Cela vient compléter ce qui a été dit tout à l'heure.

Pour ce qui est du cas où le voyageur se présente avec une plante, ce serait peut-être une situation différente, mais tout dépend des circonstances particulières.

Cela fait suite à votre deuxième point, au sujet du paragraphe 36(2), lorsque vous avez dit que le contrôleur est à l'abri de procédures administratives ou civiles. Si vous lisez le paragraphe 36(1), vous verrez que le gouvernement américain remplacera le contrôleur. Nous avons pensé que ce serait une meilleur recours pour les Canadiens ou pour quiconque serait désireux d'intenter une action devant les tribunaux canadiens, si cela leur permet d'obtenir une réparation.

Un contrôleur, poursuivi devant une cour civile, pourrait être condamné à payer un montant d'argent considérable, mettons 20 000 $, aux fins de la discussion. Si cela correspond à ses fonctions, selon la procédure établie dans la procédure inverse, par exemple, pour un Canadien aux États-Unis, le gouvernement canadien évaluera sans doute le cas et remboursera la personne. L'on irait donc directement à l'autorité qui paierait normalement, dans ce cas-ci le gouvernement américain, pour les mesures prises par le contrôleur dans la zone de précontrôle. Il n'y a donc pas de véritable...

Le président: Permettez, madame Caron, que je mette cela un petit peu à l'épreuve. C'est un petit peu comme ce cas hypothétique qu'on vous présente toujours en faculté de droit. Le texte dit «accomplis au titre de la présente loi ou de ses règlements». Si donc le contrôleur attaque quelqu'un qui marche dans le couloir et que cela n'a rien à voir avec l'application des règlements, il ne peut pas s'en tirer. Il pourrait être poursuivi pour cela. C'est ce qui se passerait normalement. C'est donc clair.

Mme Jacqueline Caron: C'est exact.

Le président: Supposons qu'une jolie fille se présente dans la salle et qu'il dit «elle est bien jolie, faisons-lui subir une fouille à nu». C'est une fouille à nu au sens de la loi et des règlements, alors vous pouvez vous imaginer qu'il va dire qu'il agit en vertu de la loi. Mais un tribunal pourrait très bien dire que cela va au-delà des pouvoirs conférés par la loi en matière d'application légitime des règlements. Par conséquent, si vous voulez folâtrer et que vous abusez de votre pouvoir—c'est ce que vous êtes en train de dire—j'interpréterai cela comme voulant dire que la loi et que les règlements sont, de par leur nature, limitants, et que ce genre de comportement sera donc limité. Il faut que ce soit un exercice légitime des pouvoirs conférés en vertu de la loi et des règlements, et l'on arrêterait quelqu'un qui agit en dehors des pouvoirs qui lui reviennent.

Mme Jean Augustine: Vous pourriez avoir des soupçons pour des motifs déraisonnables.

Le président: J'ai donné un cas très clair, car il dit à son collège: «Qu'on fouille celle-là, elle est jolie», ou «Qu'on fouille à nu celle-là parce qu'elle est noire—ou francophone ou autre». Il y aurait peut-être là un argument pour échapper...

Mme Jacqueline Caron: Premièrement, j'aimerais corriger une petite chose que vous avez dite. En vertu du libellé actuel du projet de loi, l'agent américain ne serait pas autorisé à faire une fouille à nu.

Le président: C'est vrai.

Mme Jacqueline Caron: Cela se limiterait à une fouille par palpation. Un contrôleur canadien doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner l'intéressé pour pouvoir entreprendre une fouille à nu.

• 1025

Mais prenons l'exemple du contrôleur américain qui mène une fouille à nu en dehors des paramètres de la loi, alors il n'a pas...

Le président: L'immunité. C'est une forme limitée d'immunité.

Mme Jaquelin Caron: Il n'est pas de service. C'est une forme limitée d'immunité. Les contrôleurs n'ont pas l'immunité s'ils commettent des actes criminels.

M. David Preston: Vous avez posé une question au sujet de la réciprocité. En effet, il vous suffit de regarder les choses comme s'il s'agissait d'une image réfléchie dans un miroir. Dans le cas d'une personne se présentant à un poste de précontrôle canadien aux États-Unis, le déclencheur serait une fausse déclaration. Le contrôleur canadien mènerait bien sûr l'examen. Il pourrait, en vertu de l'accord de réciprocité, faire tout de suite une fouille s'il soupçonne qu'il y a eu infraction ou qu'il y a un problème urgent immédiat.

S'il estime qu'il a des motifs raisonnables de soupçonner tels qu'une fouille à nu serait indiquée, alors il demanderait au contrôleur américain de procéder à cette fouille. Cela reproduit tout à fait ce que nous proposons de faire de cette façon-ci. La Constitution américaine s'appliquerait de la même façon.

[Français]

Le président: Madame Debien.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): J'aimerais vous demander une précision, monsieur Preston. Vous avez dit dans votre intervention que le Canada offrait aux États-Unis certains pouvoirs, que c'était assez exceptionnel dans le cadre d'un accord et que les États-Unis pouvaient se livrer à certaines activités au Canada. J'aimerais que vous m'expliquiez ce que signifie cette clause exceptionnelle à l'intérieur de cet accord. Par exemple, on vient de parler de la fouille. S'agit-il de l'un de ces pouvoirs exceptionnels?

M. David Preston: Oui. En ce moment, les Américains ne peuvent pas administrer leur loi sur le territoire canadien.

Mme Maud Debien: Je sais.

M. David Preston: Cette loi est extraordinaire en ce sens qu'elle donne aux Américains des pouvoirs dans un but spécifique, celui d'examiner les passagers et les biens qui sont en route vers les États-Unis.

Mme Maud Debien: Dont le pouvoir de fouille.

M. David Preston: Oui, le pouvoir de fouille.

Mme Maud Debien: Donnez-moi des exemples concrets.

M. David Preston: On peut interroger quelqu'un qui a fait une fausse déclaration. C'est extraordinaire. Ils pourraient faire une pat-down frisk search, et c'est extraordinaire, mais ils ne peuvent pas faire davantage. Ensuite ils doivent...

Mme Maud Debien: Les transmettre aux autorités canadiennes.

M. David Preston: Aux autorités canadiennes, oui.

Mme Maud Debien: Merci.

[Traduction]

Le président: Il y a des intérêts terminologiques à ce bout-ci de la table. Cela m'a piqué la curiosité lorsque M. Turp a...

[Français]

M. Daniel Turp: On ne parle pas d'une fouille à nu.

Le président: Non, non.

M. Daniel Turp: Cela pourrait être le cas.

Le président: On pourrait parler d'une fouille à nu par palpation. Cela devient un peu exagéré.

[Traduction]

Madame Augustine, s'il vous plaît.

Mme Jean Augustine: J'aimerais tout simplement poser une question générale. Quel genre de formation est donnée aux contrôleurs? Y a-t-il, dans le cadre de la formation donnée aux contrôleurs des discussions au sujet du profil des suspects et autres?

M. David Preston: Non, mais je suis ravi que vous ayez posé la question.

Mme Jean Augustine: Je comprends tout ce qui a été dit. Je vis dans ce pays et je passe par des aéroports depuis quarante et quelques années, alors je sais de quoi je parle.

• 1030

À moins d'être dans ma peau, vous ne pouvez pas comprendre ce qui arrive et à quel point c'est avilissant chaque fois que vous approchez d'un aéroport. Je peux être en train de marcher avec des collègues, dans le cadre d'une visite parlementaire, et ce sera en règle générale moi qui me ferai prendre à part. C'est en général mon passeport qu'on regarde de plus près dans l'ordinateur. Tous les autres poursuivent leur chemin, s'installent dans la salle d'attente et patientent. C'est moi qui reste debout, expliquant que je suis Canadienne, que j'ai une maison et des enfants et que je suis députée et tout le reste, essayant d'expliquer à ma façon au contrôleur, qui est en train de me dévisager parce qu'il me soupçonne pour des motifs raisonnables... Peu importe la raison, j'oublie.

Je me demande tout simplement ce qui est fait dans le cadre de la formation de ces personnes. Il vous faudra d'une façon ou d'une autre leur faire comprendre qu'elles ne peuvent pas appliquer aux gens de simples idées reçues.

M. David Preston: Je suis ravi que vous ayez posé cette question, car cela nous a certainement préoccupés. En fait, nous allons exiger dans la loi que les contrôleurs américains travaillant en territoire canadien soient très au courant des lois canadiennes. Il est clair, si vous voulez, qu'ils vont fonctionner dans le contexte de deux ensembles de lois. Ils connaissent bien sûr très bien leurs propres lois en matière de douanes et d'immigration.

Oui, l'idée est de former tous les contrôleurs qui feront ce genre de travail. Une partie de la réponse à votre question est que seront affichées des explications sur les droits des personnes. Une partie de la réponse est que nous aurons avec les Américains un mécanisme d'examen pour vérifier comment fonctionne le processus, ceci en dehors de l'examen qui est déjà prévu dans la loi.

Il y aura, une fois le projet de loi adopté, un processus intense de formation des contrôleurs, à qui on apprendra les normes en matière de droit canadien. J'imagine que cela reste à voir, mais je suis convaincu que si nous faisons bien ce travail, cela aura une incidence sur la façon dont vous êtes perçue lorsque vous arrivez à la frontière.

[Français]

M. Daniel Turp: Pourriez-vous nous donner une copie de la loi américaine avant l'examen article par article?

M. David Preston: La loi de réciprocité?

M. Daniel Turp: Oui, l'équivalent américain de ce projet de loi S-22.

M. David Preston: C'est un article d'une loi.

M. Daniel Turp: C'est complet?

M. David Preston: Oui, c'est complet. Ce n'est pas toute la loi; ce sont des éléments d'une loi qui s'appliquent au cas canadien.

M. Daniel Turp: Pour bien comprendre, avons-nous besoin d'avoir d'autres lois? J'aimerais bien qu'une copie soit disponible pour le comité.

[Traduction]

Le président: S'agit-il d'un changement à leur loi en matière de douanes et de procédure?

M. David Preston: C'est la loi sur l'immigration. Mais il y a deux aspects à cela. On parle ici de l'article de la loi sur l'immigration qui prévoit la réciprocité. Du côté des douanes, ils ont une disposition prévoyant les pouvoirs mais n'établissant pas encore les mêmes arrangements du côté immunité. Ils sont en train d'adopter des lois qui établiraient la réciprocité pour ce qui est de l'immunité. C'est, de tous les éléments, le seul qui manque encore.

[Français]

M. Daniel Turp: J'ai une deuxième question. Est-ce que les règlements canadiens ont déjà été rédigés?

M. David Preston: Non.

M. Daniel Turp: Pour l'application de l'article 40...

M. David Preston: Non.

M. Daniel Turp: Pas encore?

M. David Preston: Non.

M. Daniel Turp: En dernier lieu, je vous inviterais à regarder la rédaction des paragraphes 23(3) et (4). C'est très mal rédigé en français. Il faudrait que vous revoyiez cela:

    Faute de collègue du même sexe que celle-ci sur les lieux, il peut autoriser toute personne de ce sexe qui lui semble apte à y procéder.

Mme Jacqueline Caron: Puis-je faire une remarque?

M. Daniel Turp: J'espère que ce n'est pas vous qui avez rédigé cela, madame Caron.

Mme Jacqueline Caron: Non.

Le président: De quel article s'agit-il?

M. Daniel Turp: Article 23, paragraphes (3) et (4).

Mme Jacqueline Caron: La rédaction, tant en français qu'en anglais, est faite avec des rédacteurs professionnels du ministère de la Justice. Même si trois d'entre nous avons participé à la rédaction, la rédaction elle-même, c'est-à-dire la façon dont les choses sont écrites et le vocabulaire qui est utilisé—vous avez fait certaines remarques tout à l'heure—est définie par les rédacteurs.

• 1035

M. Daniel Turp: Est-ce qu'on peut faire venir le ou la rédactrice lors de la prochaine réunion? Je me rappelle très bien qu'au Comité des pêches, on avait une loi un peu semblable à celle-ci et la rédactrice était là. Cela avait été très utile, notamment pour la version française.

Le président: Je me souviens de deux projets de loi. On avait même changé la terminologie française. Vous souvenez-vous? C'était une loi qui touchait des traités, et on avait changé quelques termes techniques. Il serait peut-être valable d'avoir quelqu'un. C'est le ministère de la Justice qui fournit...

Mme Jacqueline Caron: C'est le ministère de la Justice, la section de la rédaction des lois.

Je voudrais simplement porter à votre attention le fait que ces articles sont extraits en grande partie de la Loi sur les douanes. Tout ce qui a pu être importé de cette loi l'a été. À moins que je trompe, c'est la même terminologie.

M. Daniel Turp: Elle est aussi mauvaise dans la Loi sur les douanes que dans ce projet de loi?

Mme Jacqueline Caron: Comme une interprétation de ces articles a déjà été donnée, le fait de les reproduire...

M. Daniel Turp: Cela ne me convainc pas d'abandonner l'idée que c'est mal rédigé. On devrait peut-être revoir cela.

Le président: Cela a le mérite de la constance et le tort de répéter les erreurs du passé.

[Traduction]

M. David Preston: Je mentionnerais peut-être un point important. Tout cela se ramène à une question de motifs raisonnables de soupçonner. La norme que nous appliquons ici—les motifs raisonnables d'avoir des soupçons et donc d'entreprendre ces autres choses—est en un sens unique. Mais les services des douanes partout—les douanes canadiennes et les douanes américaines—appliquent la même norme. Cela a fait l'objet de plusieurs décisions de tribunaux, qui ont décidé que des motifs raisonnables de soupçonner sont des motifs suffisants pour entreprendre les initiatives prévues dans le projet de loi.

De notre point de vue donc, il est très important de maintenir l'intégrité du système en maintenant les mêmes normes relativement, non seulement au précontrôle, mais également à Douanes Canada. Ceci est très semblable aux dispositions de la loi américaine en matière de douanes et d'immigration.

Le président: Merci beaucoup d'être venus. Nous vous en sommes reconnaissants.

Je suppose que certains d'entre vous devront revenir lorsque nous passerons à l'étape de l'étude article par article du projet de loi. Je pense que cela a été prévu pour mardi ou jeudi de la semaine prochaine, je ne sais plus. Nous allons entendre les représentants de l'association des agents de voyage et de l'Association du Barreau canadien, après quoi nous passerons directement à l'étude article par article du projet de loi. Vous serez ici pour aider les députés. J'espère que les autres membres du comité, qui ne sont pas venus à notre réunion d'aujourd'hui, ne voudront pas reposer les questions qui ont été soulevées ici. Mais nous tâcherons de nous occuper de cela en temps et lieu.

M. David Preston: Très bien. Si votre intention est de procéder à l'étude article par article du projet de loi, nous devrions certainement être là.

Le président: Oui, je pense qu'il faudrait que les fonctionnaires soient ici pour l'étude article par article. Il serait peut-être également utile d'avoir ici un rédacteur juridique qui puisse répondre aux questions relativement au français.

Mme Jacqueline Caron: Puis-je demander un éclaircissement?

Le président: Oui.

Mme Jacqueline Caron: On nous a dit que la réunion suivante aura lieu le 24 mai.

Le président: C'est exact. Notre greffière est très efficace, alors si elle a dit que c'était le 24 mai, ce doit être le cas. Tout ce que je pourrais dire à ce sujet doit être complètement ignoré. La greffière sait ce qu'elle fait.

Mme Jacqueline Caron: Je voulais tout simplement en être certaine.

M. David Preston: C'est le 24 mai, mais nous vérifierons auprès de la greffière.

Le président: Merci beaucoup d'être venus. Nous vous en sommes reconnaissants.

Mme Jacqueline Caron: Il n'y a pas de quoi.

Le président: Nous reprendrons à 11 heures La séance est levée.

• 1040




• 1103

Le président: Ceci n'est qu'une réunion informelle pour échanger des vues sur les résultats de nos voyages afin de faire le point, particulièrement à l'intention de nos chargés de recherche, entre ce qui s'est passé sur le tronçon est et sur ce qui s'est passé sur le tronçon ouest, et ce que les uns et les autres ont entendu.

J'ai pensé que les membres pourraient peut-être échanger leurs points de vue. Nous pourrions faire un petit tour de table. Sam Bulte arrivera malheureusement en retard, mais elle viendra. Elle sera là dans une dizaine de minutes. Et quiconque d'autre souhaite intervenir...

Je commencerai en disant que j'ai retiré moi-même deux enseignements des audiences. Le premier est qu'à peu près tout le monde, à quelques exceptions près, est en faveur d'un régime commercial libre, ouvert et libéral. Le problème, et c'est la perception des intervenants, est que le régime actuel favorise certains intérêts au détriment d'autres et que ce qui manque à l'heure actuelle est une prise en compte de l'environnement, des droits de la personne, des normes de travail et, peut-être, de la dimension culturelle. Il faudra faire quelque chose à l'égard de ces éléments, soit au niveau international, soit par accord international, soit en conservant la souveraineté canadienne pour agir sur ces éléments nous-mêmes. Voilà le message que j'ai retiré des propos de nombreux Canadiens qui ont comparu. Je pense que le plus grand nombre s'accorde à dire que ce sont là des dimensions sur lesquelles nous devons nous pencher.

• 1105

Le deuxième enseignement que j'ai retiré est que l'agriculture a été beaucoup mise sur le tapis. Pour ma part, j'ai beaucoup appris sur l'agriculture, notamment que les produits agricoles, comme beaucoup d'autres, ne sont plus seulement une denrée primaire. On nous a expliqué à London que les agriculteurs cultivent des céréales, qui sont ensuite moulues, la farine servant à fabriquer des biscuits et de la pâte congelée, qui sont ensuite exportés dans le monde entier. Il y a donc un élément de valeur ajoutée à l'agriculture qui apporte ainsi une contribution réellement énorme à l'économie. J'ai noté cela.

Troisièmement, il y a quelques enjeux spécifiques—l'exportation de l'eau, ce genre de choses—auxquelles nous allons probablement devoir nous attaquer. Mais voilà quels étaient les grands thèmes. Il y aura quelques enjeux ponctuels. Comme je l'ai dit, il nous faudra examiner les relations entre les échanges commerciaux, l'environnement, les droits de la personne, les normes du travail et la culture. Et la dimension agricole, je pense, va beaucoup retenir notre attention, vu ce que nous avons entendu.

C'est certainement ce qui se dégage des deux—pour ma part je rends compte des séances au Québec, en Ontario et au Manitoba. Voilà comment je résumerais ce voyage.

Monsieur Penson, vous étiez également à...

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): J'étais à Winnipeg et puis...

Le président: Vous étiez à Winnipeg. Mais vous étiez à Halifax, n'est-ce pas?

M. Charlie Penson: Non. Je suis allé à Winnipeg et puis à Edmonton, Calgary et Saskatoon.

Le président: Exact. Mais qui est allé dans l'Est?

M. Charlie Penson: Deepak.

Le président: Deepak était avec nous, bien sûr.

M. Charlie Penson: Nous nous sommes répartis la tâche entre nous trois.

Le président: Voulez-vous nous faire un tour d'horizon rapide pour vous deux, avant de passer au Bloc?

M. Charlie Penson: Eh bien, c'est à peu près ce que vous avez décrit. L'agriculture est un très gros volet, en quête de débouchés et d'une libéralisation plus poussée de manière générale, ai-je trouvé.

J'ai l'impression qu'il y a deux camps: ceux qui souhaitent un meilleur accès au marché préconisent une libéralisation plus grande des échanges et de l'investissement, et il y a le camp de ceux qui veulent passer par le biais de l'OMC, notamment certains des groupes sociaux, car ils pensent que cette organisation pourra imposer des normes sur d'autres plans, comme l'environnement et les conditions de travail.

Je ne pense pas que ces groupes voyaient très clairement comment le respect de ces normes pourrait être imposé, si on les plaçait à l'ordre du jour de l'OMC, ni qu'ils imaginaient que ce pourrait être des contraintes trop lourdes. Mais, en gros, c'était leur message: ils voulaient que ces deux aspects soient régis par l'OMC pour la bonne raison que l'OIT ne possède pas de mécanisme de contrôle.

J'ai entendu quelques bonnes interventions sur l'environnement, notamment celle de l'Institute for Sustainable Development à Winnipeg, qui nous a remis un ouvrage montrant les effets des subventions, particulièrement dans l'agriculture, et leurs effets néfastes sur les pratiques environnementales. Je pense que nous devrions regarder cela de très près.

Je sais de ma par ma propre expérience d'agriculteur que les sols dans l'Ouest du Canada se dégradent. Il est prouvé que la couche arable a diminué de 50 p. 100 depuis les débuts de l'agriculture il y a un siècle. Il semble exister un lien avec les politiques gouvernementales, particulièrement les subventions, que l'on peut isoler. Je suis donc d'accord avec eux.

L'autre enjeu que j'ai noté—j'ai vu beaucoup de groupes qui ont manifesté une espèce de regain d'énergie depuis qu'ils ont constaté leur pouvoir en battant en brèche l'AMI. Ils ont soulevé plusieurs questions. Celle du MMT est souvent revenue sur le tapis, sur la façon dont le chapitre 11 de l'ALENA permet à des sociétés comme Ethyl Corporation de poursuivre le gouvernement en justice avec succès.

Il y a eu néanmoins des affirmations qui mériteraient d'être contestées. C'est pourquoi j'ai dit l'autre jour, monsieur le président, que nous manquions de temps. C'est une excellente idée de consulter la société civile, sauf qu'il ne devrait pas être possible à un groupe de comparaître devant le comité et de lancer des affirmations erronées sans que nous rectifions le tir. Peu m'importe de qui il s'agit, patronat ou quelqu'un d'autre. Il importe que le comité ait le temps de procéder, en quelque sorte, à un contre-interrogatoire, pour réellement faire la part de ce qui est vrai et de ce qui ne l'est pas. Sinon, ces affirmations se retrouvent dans le compte rendu sans avoir été contestées, et cela me déplaît.

• 1110

Il y a eu pas mal de ce genre de choses. Il y a pas mal de mythes en circulation qu'il faudrait démentir et nous n'avons pas toujours eu le temps de le faire.

Le président: Monsieur Obhrai, aimeriez-vous ajouter quelque chose concernant le voyage dans l'Est?

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Oui.

L'impression que j'ai retirée de tous les groupes qui ont comparu... Évidemment, nous savons que chacun pousse pour ses propres objectifs et dadas. Certains avaient des arguments valides, d'autres non. Le problème était les ONG qui ont comparu, à mon avis. Elles ne s'appuyaient pas réellement sur des faits et des chiffres concrets. Elles attaquaient simplement les aspects négatifs sans vouloir regarder les éléments positifs.

Toutes leurs interventions étaient simplement axées sur une chose: les aspects négatifs. Ils mettaient tout dans le même sac, sans voir les avantages et éléments positifs du libre-échange. Je pourrais quand même hasarder à dire qu'un ou deux enjeux qu'ils ont abordés, soit l'environnement et les conditions de travail, devraient être pris en compte.

Le problème, à mon avis, est qu'ils s'obnubilaient sur le règlement des différends, pour lequel il n'y a pas de mécanisme dans les autres organisations. Ils voulaient confier cela à l'OMC, et nous avons contesté. Est-ce que cela ne rendrait pas l'OMC inefficace si on lui impose toute cette responsabilité?

Un nombre énorme de ces groupes s'en prenaient aux multinationales, mais aussi à l'OMC. Les multinationales ne sont pas les seules à bénéficier, il y a aussi les petites et moyennes entreprises. Mais personne n'en parlait beaucoup.

Nous avons entendu également les agriculteurs, et ils ont quelques arguments valides, des deux côtés. Il y avait des points de vue contradictoires, notamment chez les producteurs de maïs, où l'un disait oui, et l'autre disait non.

Au Québec, le groupe qui se fourrait totalement le doigt dans l'oeil était les travailleurs des distilleries. Je n'ai pas l'impression que les distilleries... C'est un domaine de compétence provinciale et je ne vois pas comment un sujet aussi restreint pourrait être négocié à l'OMC, d'autant qu'il s'agit d'un domaine de compétence provinciale et que les provinces divergent. L'Alberta fait le contraire de ce que fait le Québec, voyez-vous.

Le dernier point, et je pense que le comité va devoir se pencher là dessus, sont les organismes génétiquement modifiés. Nous devrons nous pencher là-dessus car j'ai l'impression que cela va devenir un sujet de conflit majeur.

Voilà en gros ce que j'ai retiré.

Le président: Bien.

Monsieur Sauvageau? Monsieur Turp?

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): J'ai fait avec vous le Québec et ensuite Vancouver, Edmonton et Calgary, et une partie avec M. Penson. Mon opinion sur le contenu rejoint assez bien la vôtre; c'est effectivement ce que l'on a entendu. Cependant, dans le rapport, on ne pourra pas ignorer le fait que plusieurs témoins sont venus dire qu'ils s'opposaient à cette forme d'accords, que ce soit l'OMC, l'Accord multilatéral sur l'investissement, etc. Plusieurs groupes sont venus témoigner de leur méfiance. Dans le cadre d'une consultation publique, on est là pour écouter et on ne peut pas ignorer cette position dans notre rapport, que l'on soit d'accord ou pas.

L'autre aspect de mon commentaire porte plus sur le procédé que sur le contenu. Je prends un exemple. Le Conseil des Canadiens a envoyé trois représentants à Ottawa, quatre à London et six à Vancouver pour dire la même chose. Je leur ai posé une question. Comme ils prônaient la consultation à tout prix, je leur ai demandé de m'expliquer la forme de consultation qu'ils avaient faite auprès de leurs membres pour arriver à la position qu'ils soutenaient devant nous. Il n'y avait pas eu de consultation. Serait-il possible que nous entendions un ou une porte-parole des organismes pancanadiens ou nationaux, comme Charlie le soulignait tout à l'heure, pour que nous puissions leur poser des questions?

• 1115

Lorsqu'on entend 12 témoins durant 10 minutes chacun, cela fait 120 minutes; il ne reste plus beaucoup de temps pour poser des questions. Lorsqu'on se fait dire qu'on est comme ceci et comme cela et qu'on ne peut même pas poser une question, ce n'est pas très agréable pour nous. C'est le premier aspect que je voulais souligner quant aux consultations: qui consulte-t-on et sur quelle base?

En ce qui concerne les ONG—j'en ai parlé à Mme Bulte et je le mentionne ici—, il serait très utile d'avoir la liste des organismes qui ont témoigné et le nombre de membres qu'ils comptent. Il semble qu'on ait rencontré 410 témoins jusqu'à présent. On serait peut-être surpris d'apprendre qu'on a consulté, en tenant compte des membres, 250 000 ou 300 000 personnes.

Lorsqu'on déposera notre rapport et que le Conseil des Canadiens dira qu'il n'y a pas eu de consultation, on pourra indiquer que 410 organismes représentant des centaines de milliers de membres ont été consultés et on pourra parler de la légitimité et de la représentativité des personnes consultées.

L'autre problème criant ou majeur, pour nous mais surtout pour le gouvernement canadien, est le fait que les gens défendent leurs «mythes» alors qu'on ne fait pas de publicité—je ne parle pas d'acheter une page de publicité dans le journal—pour vendre ces accords et indiquer qu'ils ne tuent pas le public canadien, comme certains le prétendent. Nous pourrions être proactifs en déposant notre rapport. Une solution serait de faire un petit guide sur l'OMC, mais il y a d'autres pistes possibles.

Il faudrait peut-être trouver une forme de consultation satisfaisante pour les ONG, mais, à mon avis, on ne la trouvera jamais. Enfin, il faudrait penser à quelque chose à ce niveau-là.

Concernant le plan de travail qui nous a été présenté à la suite de la recommandation de Mme Debien, je ne ferais que mettre le chapitre 7 à la place du chapitre 6 et vice versa, afin de mettre la culture devant l'accès aux marchés. Tout le reste me convient.

Le président: Merci.

M. Gerald Schmitz (attaché de recherche auprès du comité): On va essayer d'être assez compréhensifs.

Le président: Madame Debien, puis M. Turp et M. Pickard.

Mme Maud Debien: Je partage votre opinion, monsieur Graham, parce que j'étais avec vous au Québec et en Ontario. Évidemment, je ne sais pas dans quelle mesure on va pouvoir le faire ni dans quelle mesure les mémoires qui nous ont été présentés par la société civile, les ONG et les syndicats vont pouvoir le refléter. Comme le disait Benoît, il faudra tenir compte des inquiétudes et des appréhensions d'un très grand nombre d'organismes venus nous faire part de leurs craintes. Cela ne m'a pas surprise, mais a plutôt confirmé un certain nombre de choses.

Lorsque nous sommes allés au Québec, nous n'avons entendu aucune contestation à l'égard du libre-échange, de l'ALENA et de l'OMC, alors qu'ailleurs il y en a eu. Benoît m'a dit que c'était le cas dans l'Ouest et je l'ai vécu en Ontario. Je ne sais pas si Daniel en a entendu dans les Maritimes. Il y a une sorte de backlash du Canada anglais à l'égard de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, de l'ALENA, de l'AMI et, bien sûr, de l'OMC, qu'on considère comme le prolongement de toutes ces négociations.

• 1120

Cela confirme ce qui s'était passé en 1989, au moment de l'Accord de libre-échange. À cette époque, le Québec a pris le train alors que le reste du Canada a manifesté beaucoup de réticence. Il continue d'en manifester, en particulier par le biais de la société civile, des ONG et des syndicats. Pour moi, cela a été une confirmation. Ayant fait à la fois le Québec et l'Ontario, c'est d'une très grande évidence pour moi.

Indépendamment de la façon dont j'interprète cette espèce de réaction négative, il faudra tenir compte de leurs appréhensions et des effets négatifs dont ces gens nous ont parlé dans leurs communautés locales. On ne peut pas les ignorer, sinon on risque de manquer de crédibilité à l'égard de la société civile.

Pour le reste, il y a certains dossiers très spécifiques, en particulier au Québec, dont celui des représentants de la Société des alcools, dont M. Graham se souvient sûrement. Je ne partage pas l'avis de M. Obhrai quand il dit que cela relève des provinces. Les monopoles d'État et les sociétés d'État font actuellement l'objet de discussions à l'intérieur de l'OMC, et le dossier des sociétés d'État devra être négocié par le gouvernement.

On nous a très bien expliqué que la Société des alcools n'était ni un producteur ni un exportateur d'alcool. Cette société d'État ne cause donc pas de distorsion dans le commerce. Je pense que c'est la même chose en Ontario: ce sont des producteurs, mais ils n'exportent pas.

Au Québec, cet aspect a été très bien expliqué par la Société des alcools du Québec, et je pense qu'il faudrait le mentionner dans notre rapport. C'est important pour le Québec et je pense que ça l'est aussi pour les producteurs de la Colombie-Britannique et de l'Ontario.

Il y a aussi d'autres dossiers très spécifiques qui ont été présentés, entre autres au Québec. On a entendu le Barreau du Québec qui, dans une de ses représentations, a soulevé le fait que de très graves problèmes de pratique du droit allaient surgir à l'OMC. Je suis contente que M. Blaikie ait soulevé ce problème. Nous entendrons les représentants de l'Association du Barreau canadien, et j'ai hâte de voir s'ils se heurtent aux mêmes problèmes que le Barreau du Québec.

Pour le reste, cela concorde assez bien avec tout ce que les collègues ont dit. Bien sûr, il faut souligner l'importance de l'agriculture, qui sera le premier objet de discussion en novembre. Il est très encourageant de constater que tous les producteurs agricoles, tant du Canada que du Québec, sont sur la même longueur d'onde; cela donne un excellent outil de négociation au gouvernement.

Ce sont les observations que je voulais faire.

Le président: Merci, Madame Debien.

Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Je n'ai pu faire qu'une des consultations dans les Maritimes. Vous vous rappelez qu'elle avait commencé de façon un petit peu chaotique parce que peu de gens avaient été informés de la tenue de ces audiences, et ils s'en étaient d'ailleurs plaints.

Mme Maud Debien: Partout.

M. Daniel Turp: C'est quelque chose qui ne devrait pas se reproduire.

J'ai retenu deux choses de ces trois ou quatre jours dans les Maritimes, à St. John's, à Halifax et à Fredericton, d'abord l'importance de l'agriculture et des questions qui préoccupent notamment les producteurs de lait. Au moment même où on se réunissait, des producteurs s'inquiétaient d'une décision du groupe spécial qui venait tout juste d'être rendue. Ce qui m'avait beaucoup surpris, c'est que les gens de McCain, une grosse entreprise multinationale, n'étaient pas encore au courant de la décision du groupe spécial. Je l'avais fait venir d'Ottawa ce jour-là et je leur en avais donné une copie.

• 1125

Il y a certainement quelque chose à faire pour diffuser les choses qui nous viennent de l'OMC et rendre accessibles ces décisions qui deviennent de plus en plus importantes dans la vie quotidienne des agriculteurs.

L'autre chose qui m'avait frappé, et il y a eu un témoignage à cet effet—il y en a peut-être eu d'autres—, c'était l'idée de divorcer les questions d'agriculture de celles des pêches. À Halifax, je crois, des pêcheurs privilégiaient l'idée de ne pas traiter les produits de la pêche comme les produits agricoles. Il faudrait se pencher là-dessus et voir s'il devrait y avoir pour les pêches et les produits de la pêche un régime distinct de celui des produits agricoles. Dans le projet de plan, je ne vois pas cette distinction, et il faudrait peut-être y penser. Si cela apparaissait comme une voie à suivre, il faudrait modifier le plan en conséquence.

La dimension sociale, comme vous l'appelez d'ailleurs dans votre plan, est importante. Il est essentiel que cette question soit prise au sérieux par ce comité. Je suis en désaccord avec ceux qui prétendent que ce n'est pas un forum pour débattre des questions sociales et pour s'interroger sur les rapports entre le commerce et les droits de l'homme et entre le commerce et l'environnement. Je crois que c'est un forum pour cela, parce que toutes ces questions sont maintenant liées. Ce n'est pas seulement parce que l'OMC est l'une des rares organisations internationales ayant un processus de règlement des différends efficace et donnant lieu à des décisions contraignantes que les partenaires sociaux et la société civile s'y intéressent. C'est parce qu'ils sont convaincus, comme nous devrions l'être aussi, qu'il faut qu'il y ait un lien entre le commerce, les droits de la personne et l'environnement. Je suis content de voir que dans le projet de plan, il y a trois chapitres qui sont consacrés à la dimension sociale. Cela me paraît tout à fait justifié.

En dernier lieu, je voudrais dire que ce processus que nous avons entamé avec la consultation est un processus éminemment original et important dans la négociation d'un traité ou d'une série de traités. J'ai toujours été, en ce Parlement, et je vais continuer de l'être, partisan d'une consultation des citoyens par le Parlement et d'une association du Parlement au processus de conclusion des traités, mais il ne suffit pas que nous consultions et fassions des rapports et qu'ensuite nous soyons seulement les témoins d'une négociation. Il faudrait, dans le rapport même que nous allons produire, envisager les suites que nous devons donner, comme parlementaires, à nos travaux. Comment le comité doit-il être consulté par les négociateurs? Comment le comité devrait-il consulter lui-même, pendant les négociations, des personnes qui ont été consultées pendant la phase initiale, à la conférence de Seattle? C'est une lacune du rapport, à mon avis. Il devrait y avoir un dernier chapitre portant justement sur les suites du processus qu'on a entamé et les responsabilités que notre comité devrait assumer du début des négociations jusqu'à la conclusion du traité.

M. Gerald Schmitz: Je pense qu'on aura dans le premier chapitre un survol de toutes les questions de processus et de réforme du processus, ainsi que du rôle du Parlement. Je vais essayer d'aborder cela dans le premier chapitre.

M. Daniel Turp: Je comprends. Ce n'était pas clair pour moi dans le document. Ce sont mes remarques générales.

Sur la question culturelle, j'ai fort l'impression qu'on va avoir beaucoup de travail à faire pour arriver à un consensus. Il est possible qu'il n'y en ait pas. La question est importante pour nous, du Bloc québécois, et les solutions ne sont pas évidentes. On propose un grand traité sur la diversité culturelle, qui pourrait peut-être amener le gouvernement à vouloir sacrifier l'idée d'inclure une clause d'exemption culturelle ou de sauvegarde culturelle. Cela va faire l'objet de débats sérieux au sein de notre comité.

• 1130

J'ai des remarques très précises à faire sur le plan. Est-ce le moment de les faire?

Le président: Nous faisons plutôt un tour d'horizon en ce moment. Si nous avons des remarques précises, nous pourrons les faire par la suite ou même directement à M. Schmitz.

[Traduction]

Monsieur Pickard.

M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais donner mon point de vue sur les motivations derrière les positions exprimées.

J'ai clairement discerné l'intérêt des milieux d'affaires du pays lorsqu'ils disent que la libéralisation des échanges est extrêmement importante pour l'économie du Canada. J'ai entendu les groupements de producteurs agricoles spécialisés dire que la libéralisation des échanges est extrêmement importante pour leur secteur. Comme vous l'avez signalé, monsieur le président, ils ont également très clairement fait part de leur intérêt pour la transformation des produits agricoles. De fait, la Commission du blé nous a bien précisé en Ontario que traditionnellement nous cultivons le blé, le vendons au Michigan et en Ohio qu'ils transforment et nous renvoient des gâteaux et du pain et d'autres produits. C'est là une relation réciproque qui dure depuis 50 ans. Ces interconnexions ont été nouées avant l'accord de libre-échange et continuent d'être extrêmement importantes en Ontario.

J'ai vu les syndicats vilipender l'Organisation mondiale du commerce et, à mon point de vue, ils ont un programme très précis. Comme quelqu'un l'a mentionné précédemment—c'est peut-être Benoît, je ne suis pas sûr—les syndicats avaient choisi un camp lors du débat sur le libre-échange en Ontario, et cela n'a pas changé. Ils étaient très opposés à tout ce qui se passe, et prétendent que le travailleur moyen perd du terrain très rapidement.

J'ai entendu le même message exprimé très virulemment par des groupements d'intérêts particuliers, qui représentaient divers éléments de la société, le volet droits de la personne mais aussi le volet de l'équité salariale. Ils disaient que les travailleurs ne retirent pas leur juste part des bénéfices du libre-échange etc. J'ai perçu un énorme fossé entre les milieux d'affaires, d'une part, et le grand nombre de groupements d'intérêts particuliers qui ont comparu.

Il s'agit de voir quel était le but de notre voyage à travers le pays. S'agissait-il d'entendre dans chaque ville le même groupe d'intérêts particuliers qui, s'ils n'aimaient pas la manière dont les choses se passaient, manifestaient à l'extérieur? En fait, c'était un groupe très peu nombreux de gens qui ont manifesté contre le comité et son fonctionnement. M. Penson dit que nous devrions contester leurs affirmations. Mais si nous tenons des audiences publiques itinérantes comme nous l'avons fait, nous pouvons certes contester leurs propos, mais alors nous subirons d'autres genres de pressions publiques contradictoires.

Très franchement, je ne pense pas que la manière dont les choses étaient organisées était judicieuse. Nous devons décider si nous voyageons pour entendre les opinions et revenir ici pour en débattre, ou bien si nous allons débattre contradictoirement dans les différentes localités? Nous n'avons pas eu la possibilité de faire cela. Des témoins comparaissaient, ils parlaient pendant une heure et demie, et j'avais peut-être deux minutes pour leur poser des questions, ou un autre membre avait une minute. Cela ne peut pas marcher ainsi. Nous ne pouvons pas recevoir la même organisation dans dix villes différentes. Nous devons réellement décider ce que nous cherchons à faire dans les collectivités et nous y tenir.

En revanche, nous avons eu ce responsable du développement économique de Windsor, du comté d'Essex, et j'ai trouvé qu'il a très bien expliqué la position patronale concernant l'importance des échanges. Toute l'économie du sud-ouest de l'Ontario dépend de notre possibilité de commercer avec l'étranger.

On ne peut certes pas verrouiller le processus des audiences, mais nous devons veiller à ce que les points de vue soient équilibrés.

• 1135

Un autre aspect qui laissait à désirer était la presse, et je ne sais pas comment y remédier. La presse cherchait une histoire et il fallait que ce soit quelque chose de négatif. C'est du moins mon impression. Il n'y avait pas de bons articles sur des témoins disant des choses positives sur le libre-échange. Nous ratons le coche quelque par sur le plan de la communication. Nous n'avons pas de budget pour cela. Je crois savoir que le comité ne peut avoir de budget pour cela, mais comment gérer les relations avec la presse?

Peut-être serait-il sage, lorsque nous sommes dans certaines villes, que le président et peut-être un membre de l'opposition ou plusieurs députés aillent voir les comités de rédaction des journaux et parlent de ce que nous faisons, comme élément de ce voyage. Nous pourrions aller à Toronto, London, Windsor, Winnipeg, et chaque fois voir les comités éditoriaux des journaux et expliquer ce que nous avons entendu. Ainsi, nous pourrions à tout le moins faire passer un message plus équilibré sur ce que nous entendons à travers le pays, au lieu de s'en remettre aux journalistes qui cherchent une histoire à sensation. Les choses ne se sont pas déroulées comme il aurait fallu. Franchement, les messages que moi j'ai perçus étaient très positifs au sujet du libre-échange.

Je pense qu'il faut considérer le volet social des choses et regarder de près les répercussions sur les salariés. De manière générale, j'ai été extrêmement surpris que les agriculteurs soient aussi unanimes qu'ils l'ont été. S'agissant des messages de l'agriculture, jamais depuis dix ans je n'ai entendu un message aussi cohérent à l'effet que «Allons-y, libérons le commerce. C'est bon pour nous tous et c'est une aventure très positive».

Quelqu'un a dit, c'était peut-être Daniel, là-bas en face, qu'il faudrait séparer la pêche de l'agriculture. Je viens d'une région où il y a une importante pêcherie en eaux intérieures et, croyez-moi, la politique en matière de pêche n'est pas cohérente d'une région à l'autre. Il est donc très difficile de parler des politiques agricoles et halieutiques en même temps. Je sais que mes pêcheurs en Ontario, dans ma circonscription... Nous avons une industrie de 30 millions de dollars en Ontario, ce que la plupart des gens ignorent. Nous avons donc une pêche de 30 millions de dollars dans ma région de l'Ontario et elle est complètement ignorée à l'échelle nationale. Il y a donc des incohérences dans les politiques auxquelles il faut remédier.

L'impression générale que j'ai retirée est donc celle d'une fracture: il y a les groupements d'intérêt particulier qui sont virulemment opposés, alors que les milieux d'affaires et les groupements de producteurs agricoles et les responsables du commerce réclament la libéralisation.

Le président: Merci.

Madame Finestone, puis madame Augustine.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le président, je n'ai pas participé aux consultations, j'étais à l'étranger presque tout le temps. Je peux seulement vous dire, sur le plan de nos objectifs, que nous pouvons être très satisfaits de cette première étape, qui consistait réellement à sensibiliser et informer, information que nous voulons recevoir mais aussi disséminer.

Il y aura en octobre à Bruxelles une conférence de 135 pays pour discuter de l'OMC. Ce dont je voudrais parler ce sont les discussions qui ont mené à cette conférence.

Il y a dans le monde entier une préoccupation énorme à l'égard du processus de l'OMC. On déplore l'absence de transparence. Il y a là un processus de prise de décisions qui peuvent retentir sur la vie quotidienne des populations dans le monde entier, et le sentiment que les valeurs des travailleurs, tant ruraux qu'urbains, ne sont pas prises en considération dans les réunions de l'OMC. Il y a là quelque chose qui ne va pas.

Vous avez mentionné l'OIT. L'OIT était à cette réunion et a fait un plaidoyer remarquable sur la nécessité de trouver un juste équilibre avec les droits des travailleurs et les droits à une politique de développement durable, parallèlement à la nécessité de libérer les échanges.

• 1140

Laissant de côté les multinationales, car la réaction à ces dernières est très variable, le rôle que devraient jouer les négociateurs dans ces conférences internationales—et le Canada est représenté par des négociateurs incroyablement habiles à la plupart de ces réunions—dans la plupart des cas ces négociateurs rendent compte à l'organisation pour le compte de laquelle ils négocient ou aux principaux intervenants dans ces organisations.

Le fait est—et je ne sais plus qui l'a déjà dit, peut-être Maud, ou Daniel—est qu'il importe pendant le déroulement des négociations que les négociateurs fassent rapport à intervalles assez réguliers, afin que l'on sache où en sont Sergio et Lloyd dans les négociations sur l'agriculture, ou la pêche, ou toute autre de ces industries qui sont très importantes pour le mode de vie canadien et les valeurs des Canadiens. Les valeurs sont très difficiles à quantifier—et même à qualifier—mais il existe des valeurs canadiennes fondamentales auxquelles nous tenons. Elles devraient être englobées dans le processus et non exclues.

Les négociateurs devraient savoir ce que les parties prenantes pensent avant d'entamer les pourparlers. Il ne faut pas que seule la voix des hommes d'affaires soit entendue. Ceux qui travaillent à produire les biens et services qui vont être vendus devraient également avoir leur mot à dire et savoir ce qui se passe dans ces négociations.

Je pense donc que ce que le corps politique canadien veut accomplir—ses objectifs, ses politiques et programmes—doit être très clairement énoncé afin que l'on puisse ensuite avoir une transparence par l'intermédiaire des négociateurs.

Je voulais donc simplement vous faire savoir que toute cette question d'un juste équilibre prenant en compte les intérêts populaires constitue la grande préoccupation qui a été exprimée et qui a conduit à tout cela. L'Asie du Sud-Est, la Chine, l'Inde, l'Amérique du Sud et centrale ont défendu avec la plus grande énergie la nécessité de prendre en compte les valeurs du pays et de ses habitants. Il a aussi été beaucoup question de l'interrelation entre le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'OMC. On considère qu'il faudrait un organe de supervision. Il n'y a pas de supervision de l'OMC, de la Banque mondiale ou du FMI.

J'ai jugé important de...

Le président: Nous avons un chapitre là-dessus, nous aussi.

Mme Sheila Finestone: Désolée. Je sais que c'est en dehors du mécanisme de consultation, mais je considère avoir mené des consultations à l'échelle internationale, dont il ressort que nous sommes au diapason de ce que beaucoup de gens pensent dans le monde.

Il y a une raison pour laquelle l'AMI a échoué, indépendante de son contenu. C'est parce que les gens ne comprennent pas. Si nous savons informer le public... C'est pourquoi je pense que rencontrer les comités de rédaction des journaux, pour montrer qu'il s'agit d'un processus de sensibilisation... On ne peut ignorer l'OMC. Elle existe. Cela fait que les journaux et les médias ont une responsabilité aussi.

Le président: C'est curieux, lorsque nous faisions notre rapport sur la politique étrangère, les journaux nous demandaient des interviews et nous en donnions. Mais il semble être devenu plus difficile de les intéresser maintenant.

Mme Sheila Finestone: Parce qu'ils appartiennent tous à Conrad Black.

Le président: Eh bien, non. Le problème... J'ai parlé à pas mal d'entre eux, et ils disent que ces négociations ne seront pas conclues avant cinq ans, elles n'apparaissent pas à l'écran radar, et que donc ils n'en parleront pas. C'est exactement comme ce mythe au sujet de l'AMI—vous savez, toutes ces rumeurs disant que l'AMI était un accord secret. Or, tous ceux qui se tiennent le moindrement au courant savaient que ces négociations étaient en cours. Ce fameux secret—il n'y avait rien de secret là-dedans. J'ai parlé à plusieurs...

Mme Sheila Finestone: Oui, mais vous n'êtes pas le public ordinaire.

Le président: Non, non, attendez une minute. J'ai parlé à plusieurs hauts négociateurs qui suppliaient les journaux de publier quelques articles là-dessus et tous répondaient: «Laissez tomber, cela n'intéresse personne, nous n'allons pas prendre la peine». Il n'est donc pas facile d'apparaître sur leur écran radar. Particulièrement dans un marché complexe comme Toronto ou Montréal, vous n'apparaissez pas à l'écran radar comme dans une localité rurale ou d'autres, où la presse s'intéressera à ce qu'un député ou un comité a à dire.

M. Jerry Pickard: Puis-je juste apporter un autre élément concernant la communication? Je pense que c'est important aussi.

Une chose que j'ai oublié de dire mais qui importe est que, lors de la dernière ronde de négociation sur l'agriculture à l'OMC, les groupements de producteurs étaient présents dans les coulisses des négociations, et les négociateurs les rencontraient régulièrement. C'était les producteurs à gestion de l'offre. Le Québec était très inquiet. L'Ontario était très inquiet. Et les groupements de producteurs étaient consultés chaque jour avant les séances. Il y avait une communication dans les deux sens.

• 1145

Cela peut donner un levier aux organisations intéressées et leur permettre de peser sur les négociations, comme ils le réclament. Il leur faut cette communication et je pense que c'est un autre élément de la communication à la table. Nous pourrions recommander que, dans toute la mesure du possible, les représentants des secteurs et des syndicats jouent un rôle plus direct dans les négociations.

Le président: Nous y réfléchirons sérieusement.

Comme vous le savez peut-être, un groupe de députés s'est rendu aux négociations la dernière fois, tant à Singapour qu'à Genève. Il y a là les groupes de consultation sectorielle et toutes sortes de gens, et il y a chaque matin une séance d'information et des discussions. On ne les emmène pas dans la salle des négociations, mais il y avait toutes ces discussions.

Une voix: Voilà qui leur donne voix au chapitre.

Le président: Oui, ce sont toutes des choses qu'il faut envisager.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Monsieur le président, désolée d'être arrivée un peu en retard, mais je suppose que vous demandez nos impressions sur...

Le président: Je demande vos impressions générales sur ce que nous avons entendu lors de nos audiences à travers le pays, afin que nos chargés de recherche puissent savoir...

Mme Jean Augustine: J'ai assisté aux réunions à Toronto, London et Windsor. Je ne vais pas parler des positions du milieu patronal, de l'industrie, des groupements de producteurs agricoles, etc., mais je suis sortie de ces réunions avec l'impression qu'il faut mettre en place un meilleur régime commercial mondial, avec transparence, avec participation, que nous avons certaines valeurs canadiennes que nous ne voulons pas voir érodées, et que nous voulons que nos négociateurs soient conscients de ces valeurs canadiennes.

J'en suis repartie également avec la conviction qu'il y a un espèce de mouvement international de réseaux mondiaux qui ont commencé à se former et qui ne nous laisserons pas faire les choses de la manière habituelle...

Le président: Le club des vieux garçons, ce genre de choses.

Mme Jean Augustine: Oui.

On demandait que le développement durable, l'écologie, les conditions de travail, les droits de la personne, toutes ces choses soient englobées dans les négociations. Le grand public, du moins certains intervenants, semblent percevoir l'OMC de la même façon que la Banque mondiale, l'IMF, de grosses organisations faisant des lois et les imposant aux pays et aux cultures nationales sans guère se préoccuper de développement durable et de toutes ces valeurs que les peuples ont à coeur.

Donc, nous disait-on, faisons le point de ce qui a été fait jusqu'à présent et, avant de nous lancer dans cette nouvelle ronde du millénaire, définissons une position canadienne et abordons les négociations avec ces valeurs—conditions de travail, droit de la personne, etc.—comme partie intégrante de notre position.

Je suis aussi repartie avec l'impression que les intervenants, même ceux qui manifestaient et étaient très militants, considèrent que le Canada a le devoir de faire en sorte que ce débat se déroule, envers et contre tout. Ils semblent penser que nous avons une grande influence à exercer en ce sens. Ils disaient que le Canada doit faire ceci, que le Canada doit faire cela.

Donc, les gens considèrent que le Canada est l'un de 330, ou peu importe le nombre de pays, et que nous devrions y aller simplement et dire ce que nous voulons, et que d'une façon ou d'une autre cela va se faire.

Il s'agit donc, et c'est un élément important de cette consultation, de voir comment nous communiquons à notre public le rôle que nous jouons. Il y a la crainte très répandue que l'accord sur l'investissement, l'AMI, ne revienne sur le tapis par des moyens détournés, et que nos négociateurs se laisserons duper à accepter quelque chose qui a été rejeté sous une autre forme.

• 1150

Donc, toute la question de la transparence ne cessait de revenir. Pourtant, lorsque nous avons demandé à un moment donné la définition de «transparence», les groupes de défense des intérêts sociaux et les groupes patronaux la décrivaient de manière radicalement différente. Il m'a semblé que le public nous disait que nous avions la responsabilité d'aller là-bas, de négocier dans la transparence et de veiller à ce que ces valeurs canadiennes de l'environnement, des droits de la personne, des droits du travail, toutes ces choses, soient prises en compte, et aussi que nous fassions le point de la situation avant d'aller plus loin.

Le président: Je vous remercie. Je pense que cela concorde avec l'impression de la plupart de nous.

Très rapidement, car j'aimerais partir d'ici à 11 h 55, puisque je dois aller à une réunion.

M. Charlie Penson: J'ai deux choses à dire. Ce ne sera pas trop long.

C'est la notion du contrôle d'application qui amenait beaucoup d'ONG et de groupements d'intérêts particuliers à dire qu'il faudrait fixer d'autres missions à l'OMC, mais lorsque nous leur demandions comment cela fonctionnerait, ils n'avaient pas vraiment de réponse. C'est une chose à laquelle nous allons devoir prêter attention. L'idée est bonne, sauf que si elle n'est pas réalisable—et nous avons demandé des propositions concrètes... il faudra prêter attention à cela.

L'autre élément est celui que Deepak a soulevé, celui des organismes modifiés génétiquement. C'est un sujet de litige. Des groupements d'agriculteurs réclamaient l'accès de ces produits aux marchés étrangers, et d'autres ont dit surtout pas. Il va donc falloir prêter attention à cela, et il s'agira de voir comment procéder sur une base scientifique ou comment formuler les jugements.

Le président: Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Je sais que vous nous avez dit de faire part de nos commentaires sur le plan de travail à Gerry. Je dirai simplement qu'au chapitre 2, on parle des considérations au niveau des provinces et des administrations intranationales, mais qu'on a aussi entendu parler du niveau municipal à Vancouver. J'en avais été très surpris.

M. Gerald Schmitz: C'est ça.

M. Benoît Sauvageau: Cela a été très surprenant. Dans le chapitre 2, on parle des acteurs de la société civile. Pour ma part, je les mettrais dans l'introduction et je leur donnerais même un chapitre propre à eux, dès le début, pour qu'ils voient notre préoccupation quant à la société civile.

M. Gerald Schmitz: Dans l'introduction et le premier chapitre, je vais aborder les questions de processus.

M. Benoît Sauvageau: Il ne faut pas oublier les municipalités.

Le président: Monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Monsieur le président, j'ai aussi quelques commentaires sur le plan à adresser à Gerald et à nos attachés de recherche.

D'abord, je trouve que c'est bien fait. Cela me semble assez complet. La seule chose que je veux comprendre, c'est la partie 1, qui s'intitule «Les intérêts du Canada dans la mise en place d'un régime commercial mondial amélioré». Son contenu et la façon dont vous le présentez sont moins clairs que les autres parties. J'ai l'impression que c'est toute la question de la dimension politique du processus. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je voudrais qu'il y ait quelque chose de substantiel sur la dimension parlementaire. Je voudrais que notre comité saisisse cette occasion pour faire une réflexion sur le rôle des parlementaires, et en particulier de notre comité, dans le processus des négociations. C'est ma première remarque.

La deuxième partie porte de toute évidence sur la dimension commerciale, le contenu commercial. Je suggérerais qu'il y ait là un ordre plus conforme à l'ordre traditionnel. Au chapitre 6, qui porte sur l'accès aux marchés, vous parlez des produits. Vous semblez viser tout le commerce des produits dans le chapitre 6, ce qui comprend l'agriculture, mais on pourrait avoir un chapitre distinct sur l'agriculture, car c'est tellement important.

Mme Sheila Finestone: Le chapitre 4.

M. Daniel Turp: Oui, mais l'actuel accord de l'OMC, tout comme le GATT de 1947 et celui de 1994 , porte sur les produits. Il y a aussi le GATS, l'accord sur les services. Je suggérerais que les chapitres concernant les produits soient les premiers, que vienne ensuite le chapitre sur les services et qu'on trouve ensuite les autres dimensions nouvelles qui sont déjà, dans certains cas, visées par les accords de l'Uruguay Round: la propriété intellectuelle, la technologie, l'investissement et le commerce et les questions culturelles. Je choisirais un ordre un peu conforme à la façon dont on a déjà agencé les accords qui sont en annexe du traité instituant l'OMC. Il y a là une logique propre qu'on devrait peut-être essayer de respecter ici.

• 1155

Quant aux troisième et quatrième parties, je préférerais que vous parliez du futur système de l'OMC, non seulement dans les parties 3 et 4, parce qu'on va aussi parler du futur système de l'OMC dans la partie 2, mais partout. Je trouve que la dimension sociale est essentielle et que c'est bien regroupé.

En dernier lieu, je suis content que vous ayez inclus le chapitre 15, mais on n'a pas beaucoup entendu parler de cela dans les témoignages.

M. Gerald Schmitz: On en a parlé.

M. Daniel Turp: On en a peut-être parlé, mais je ne l'ai pas beaucoup entendu.

M. Gerald Schmitz: Il y a aussi eu des témoignages sur cela à Toronto, et on entendra la semaine prochaine les experts Jeffrey Schott et Pierre Sauvé.

M. Daniel Turp: Je trouve que c'est tout à fait logique que cela se termine comme cela. Il y a une ouverture vers l'idée de réformer le système de Bretton Woods et de faire de l'OMC un pilier de Bretton Woods, comme cela devait l'être à l'origine, en 1947. Je trouve que cela se termine bien, mais qu'il manque une conclusion. Ne devrait-il pas y avoir une conclusion quelque part?

M. Gerald Schmitz: On va la mettre dans le sommaire, ainsi que les recommandations.

M. Daniel Turp: Mais j'espère qu'il va y avoir une conclusion. Il y a une introduction et une préface à l'introduction. Il ne faut pas oublier la conclusion.

M. Gerald Schmitz: Je pense qu'après 15 chapitres...

M. Daniel Turp: On pourrait mettre une courte conclusion.

[Traduction]

Le président: C'était très utile. Merci beaucoup. Nous aurons nos discussions là-dessus.

Je pense que nos rapports antérieurs, si je puis vous laisser sur cette réflexion, faisaient deux choses. Si vous prenez le rapport sur le nucléaire, par exemple, il y avait là beaucoup de choses. Il y avait les recommandations, mais aussi le texte du rapport permettait à tous ceux qui ont comparu devant le comité et participé aux discussions de voir que leurs idées y étaient reflétées.

Mme Sheila Finestone: Oui, il était très bien fait.

Le président: Je pense donc que ce rapport devrait faire la même chose. Il doit contenir deux choses. Nos recommandations d'une part, mais aussi il doit refléter ce que les Canadiens nous ont dit, et ce de façon visible.

Cela dit, l'un des problèmes, et je suis d'accord avec vous, réside dans la structure des audiences et dans le processus. Il nous faudra y réfléchir en continu. Nous tenons ces audiences et, d'une part, du point de vue de l'efficience et de la clarté, il vaudrait mieux ne pas entendre les mêmes arguments répétés inlassablement. Mais du point de vue de la participation des citoyens et du désir des gens d'être entendus, la nonne qui a comparu à Windsor ne sera pas satisfaite si nous lui disons: «Madame, nous avons déjà entendu tout cela à Toronto; nous ne sommes pas intéressés par ce que vous avez à dire».

Il y a donc un équilibre à trouver. Je pense que nous devons être très prudents. J'ai très conscience du fait que, par exemple, lorsque j'ai parlé aux représentants du Conseil des Canadiens, un certain nombre d'entre eux ont comparu et je leur ai dit que nous écouterions leurs points de vue, ils ont répondu oui, mais ce sera beaucoup plus superficiel que les audiences que nous-mêmes avons tenues à travers le pays où 20 000 personnes se sont exprimées, etc. Il y a donc des gens qui aimeraient nous voir reproduire un modèle irréalisable dans notre cas. C'est absolument exclu. Néanmoins, nous devons avoir conscience de ce fait.

Je vais lever la séance, car je dois partir. Je suis en retard pour une réunion importante.

[Français]

M. Daniel Turp: Quand le projet de rapport que Gerald va faire sera-t-il déposé? Parle-t-on encore du 30 mai?

[Traduction]

Une voix: Vous pouvez avoir mon fauteuil.

[Français]

M. Daniel Turp: Et on va avoir neuf jours pour le débat?

Le président: Je crois que c'est plutôt 12. Non?

M. Daniel Turp: Non. C'est neuf, ou peut-être dix. Cela veut dire qu'on va avoir des réunions intensives de travail. Est-ce qu'on va avoir des réunions à huis clos pour ne pas qu'il y ait des gens qui coulent le document à la presse? On a déjà vécu cela. Il ne faudrait pas le revivre.

Le président: On va en discuter. Je crois qu'on va trouver une procédure pour permettre à tout le monde d'en discuter librement à huis clos.

Mme Maud Debien: Une procédure de règlement des différends.

Le président: J'espère qu'il n'y aura pas de fuites. On examine la méthode de réaliser tout cela.

M. Gerald Schmitz: On va faire de notre mieux, mais étant donné qu'on a plus de...

• 1200

[Traduction]

Le président: N'oubliez pas, il y a un breffage sur le Kosovo à l'heure habituelle, de 15 heures 15 à 16 heures.

La séance est levée.