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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 25 mai 1999

• 1520

[Traduction]

Le coprésident suppléant (M. Hec Clouthier, Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à la séance conjointe du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

Nous allons commencer par la déclaration liminaire de Jim Wright, directeur général, Europe centrale, de l'Est et du Sud.

M. Jim Wright (directeur général, Europe centrale, de l'Est et du Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais tout d'abord parler de la mission humanitaire NU en Yougoslavie, y compris au Kosovo. Après avoir passé trois jours au Kosovo, une équipe d'aide humanitaire NU, dirigée par le sous-secrétaire général de Mello, chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, a confirmé qu'il apparaît très clairement que les autorités serbes sont en train de mener une campagne de purification ethnique.

[Français]

L'équipe a entendu sur place le témoignage des Kosovars déplacés. Elle a vu des villages déserts, des habitations détruites par le feu et de lourds dégâts infligés aux biens des Kosovars de souche albanaise. Elle a souligné qu'un nombre effarant de civils étaient déplacés de force par les autorités de Belgrade.

[Traduction]

M. de Mello a déclaré que ceux qui restent au Kosovo «ont besoin d'une aide humanitaire urgente, mais, peut-être plus important encore, de sécurité et de confiance». Il a ensuite déclaré:

    L'ampleur de la destruction, l'incendie des maisons et des boutiques qui appartenaient clairement à la majorité albanaise du Kosovo [...] confirment ce que nous disent [les réfugiés].

    En un mot, c'est assez révoltant.

L'équipe n'a pas obtenu des autorités serbes toute l'aide et toute la liberté de mouvement dont elle avait besoin. M. de Mello, actuellement au Monténégro, va donner publiquement tous les détails de ses conclusions après en avoir fait rapport à Kofi Annan, Secrétaire général NU, et au Conseil de sécurité la semaine prochaine. Toutefois, M. de Mello prévoit d'abord revenir à Belgrade afin de faire connaître son point de vue directement aux autorités serbes du plus haut niveau.

J'aimerais maintenant faire très brièvement rapport des résultats préliminaires de la visite effectuée par quatre députés dans la région. Comme vous le savez, quatre parlementaires, sous la direction de Bill Graham, sont arrivés hier en Macédoine. Ils ont rencontré les réfugiés de deux camps et se sont également rendus dans une zone neutre à la frontière du Kosovo.

[Français]

Les parlementaires canadiens ont été fortement impressionnés par la situation des réfugiés.

[Traduction]

La délégation rencontrera des représentants officiels du gouvernement de la Macédoine, ainsi que des parlementaires de l'opposition, avant de rentrer à Ottawa plus tard dans la semaine.

Pour ce qui est de la diplomatie, plusieurs rencontres ont lieu aujourd'hui à l'OTAN. M. Aznar, premier ministre espagnol, a aujourd'hui participé à une réunion du Conseil de l'Atlantique Nord où il a parlé de l'avenir du Kosovo. Par ailleurs, le premier ministre de l'Albanie se trouve à Bruxelles où il va rencontrer les ambassadeurs de l'OTAN, ainsi que le secrétaire général, M. Solana. Le sous-secrétaire d'État américain, M. Strobe Talbott, est à Moscou où il rencontre l'envoyé spécial de la Russie, M. Viktor Chernomyrdin, et le président de la Finlande, M. Ahtisaari.

[Français]

M. Tchernomyrdine prévoit également se rendre à Belgrade plus tard au cours de la semaine, peut-être avec le président de la Finlande, afin de rencontrer le président Milosevic.

[Traduction]

Les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne et de la Grèce prévoient se rendre à Washington. Je crois que le ministre allemand des Affaires étrangères s'y trouve aujourd'hui pour y rencontrer Madeleine Albright. Le ministre Axworthy prévoit se rendre à Washington plus tard cette semaine pour y rencontrer la secrétaire d'État américaine.

Enfin, le ministre des Affaires étrangères de Russie, M. Ivanov, sera à Stockholm demain pour rencontrer toute l'équipe NU: le Secrétaire général Kofi Annan et les deux envoyés spéciaux, Carl Bildt et Eduard Kukan.

C'est ainsi que se termine ma déclaration liminaire, monsieur le président.

Le coprésident suppléant (M. Hec Clouthier): Merci beaucoup, monsieur Wright.

Nous passons maintenant au général Henault, du ministère de la Défense nationale.

Le lieutenant-général Raymond R. Henault (sous-chef d'état-major de la défense, ministère de la Défense nationale): Monsieur le président, merci.

[Français]

Bon après-midi, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Voici un exposé des opérations aériennes des dix derniers jours, au Kosovo, essentiellement.

Les opérations militaires de l'OTAN se poursuivent en ce 63e jour de la campagne aérienne de l'OTAN menée contre le président Milosevic et la République yougoslave, avec des attaques aériennes 24 heures sur 24 visant une multitude d'objectifs stratégiques, qui sont surtout des objectifs d'infrastructure et tactiques, y compris bien sûr les forces rassemblées au Kosovo.

[Français]

Les attaques de l'OTAN continuent d'avoir pour but d'isoler, de déranger et de détruire les forces militaires et de police serbes qui perpètrent encore la purification ethnique au Kosovo.

• 1525

[Traduction]

Les attaques de l'OTAN continuent de causer de plus en plus de graves dommages et j'aimerais vous indiquer où nous en sommes pour l'instant, d'un point de vue de l'OTAN.

La plupart des routes et des ponts ferroviaires importants ont été détruits, empêchant—ou, à tout le moins, perturbant—l'approvisionnement en fournitures des forces sur le terrain. Près de 75 p. 100 des systèmes de missiles sol-air fixes serbes ont été détruits ainsi que près de 12 p. 100 des systèmes sol-air mobiles. Près de 70 p. 100 des chasseurs serbes les plus performants—c'est-à-dire les chasseurs de défense aérienne MiG-29—ont été détruits. En outre, près de 100 chasseurs de tous types ainsi qu'un petit nombre d'hélicoptères de transport ont été détruits par les forces aériennes de l'OTAN.

Par ailleurs, une douzaine de postes essentiels de commandement ont été touchés.

[Français]

De plus, des dommages importants ont été infligés à plus de 500 pièces individuelles d'équipement militaire, dont plus de la moitié sont des chars, des pièces d'artillerie ou de transport de troupes blindés, ce qui représente environ un tiers des forces lourdes d'attaque serbes estimées être à l'intérieur du Kosovo.

[Traduction]

Au bout de deux mois de bombardements—et comme je le disais, nous en sommes maintenant au 63e jour—on peut conclure que la campagne aérienne demeure la stratégie militaire la plus viable à cette étape de la crise. La campagne aérienne continue d'être menée avec beaucoup de précision, malgré les quelques coups manqués, qui ont fait les manchettes et dont on a beaucoup parlé. La campagne aérienne se poursuit avec la même intensité et se poursuivra—tant que le président Milosevic ne fera rien pour l'arrêter, comme nous l'avons toujours dit—entraînant la destruction des forces et de l'infrastructure militaire serbes.

Il reste toujours difficile de parvenir à un équilibre entre les exigences de la campagne aérienne et les opérations humanitaires au Kosovo, étant donné que le nombre de convois parrainés par les ONG augmente dans la région, ce qui entraîne un risque plus élevé de dommages collatéraux.

[Français]

La campagne doit encore atteindre son maximum d'intensité et d'effet contre le président Milosevic et ses forces. De meilleures conditions météorologiques, que nous prévoyons depuis longtemps et qui sont maintenant prévues pour la semaine qui vient, et un plus grand nombre d'avions militaires au cours des prochaines semaines apporteront des résultats encore plus importants. Je vous ferai remarquer qu'il y a maintenant plus de 1 000 avions de chasse et de soutien qui appuient l'Opération Allied Force.

[Traduction]

Pour en venir à l'option militaire, le régime d'inspection et de recherche dont il a déjà été question ici est de nouveau envisagé par le Conseil de l'Atlantique Nord et sera peut-être approuvé plus tard cette semaine, voire même au milieu de la semaine. Les autorités de l'OTAN ont déjà approuvé le déploiement de la Force navale permanente de l'Atlantique, qui, vous vous en souviendrez, est commandée par le commodore David Morse, du Canada. Le déploiement en Méditerranée en a été approuvé, ainsi que le transfert du commandement opérationnel du Commandement allié stratégique de l'Atlantique au Commandant suprême allié Europe, qui est le général Clark.

[Français]

En parallèle avec la campagne aérienne, l'alliance demeure activement engagée dans des opérations de secours humanitaire en Albanie et dans l'ancienne république de la Macédoine. Les troupes de l'OTAN continuent encore à améliorer les camps pour abriter le nombre toujours croissant de déportés du Kosovo, comme nous l'avons vu surtout au cours des derniers jours, et aussi pour stabiliser la situation dans la région. Les forces de l'OTAN apportent aussi un soutien logistique et technique à la manutention et à la distribution des biens nécessaires.

[Traduction]

Pour terminer, j'aimerais parler de l'Opération Écho, soit la contribution du Canada. À Aviano, nos CF-18 continuent de mener des missions d'interdiction aérienne du champ de bataille—c'est-à-dire des missions de frappe—et des missions de patrouille aérienne de combat, effectuant pour l'instant 16 sorties par jour.

[Français]

Donc, il y a en moyenne 16 sorties par jour.

[Traduction]

Jusqu'à présent, la Force opérationnelle d'Aviano a effectué près de 500 sorties; la performance de nos pilotes est excellente compte tenu des circonstances difficiles. Je vais faire une courte visite opérationnelle à la Force opérationnelle d'Aviano et à la 5e Force aérienne tactique alliée à Vincence au cours des prochains jours et je vous en ferai rapport la semaine prochaine, monsieur le président. En fait, je crains être absent jeudi, mais le général Jurkowski sera là pour me représenter.

En ce qui concerne Op Kinetic, le déploiement de 800 militaires canadiens dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine dans le cadre d'une force internationale de paix, se déroule selon les prévisions, comme je l'ai indiqué plus tôt. En fait, le navire a déjà levé l'ancre.

• 1530

[Français]

Le navire nolisé pour transporter la majorité de notre équipement lourd quitte aujourd'hui le port de Montréal pour l'Europe. Le contingent tout entier sera sur le théâtre d'ici la mi-juin et sera opérationnel au plus tard à la fin du mois de juin.

[Traduction]

Vous savez aussi peut-être que l'OTAN est en train de mettre à jour son plan relatif à la force de paix au Kosovo et prévoit éventuellement augmenter le nombre des troupes en fonction de la situation au sol. Cette réévaluation s'est imposée à cause d'un exode massif de réfugiés kosovars—dont nous nous inquiétons beaucoup, bien évidemment—et à cause de la campagne de purification ethnique qui se poursuit.

Par ailleurs, la situation au sol, telle qu'elle se présentait lors des Accords de Rambouillet, a changé. Nous savons maintenant que les forces serbes sont responsables d'une destruction massive, ainsi que de la pose de mines, de dommages à l'infrastructure et aux voies de communication et d'autres dommages; il nous faut donc repenser la structure de nos forces pour s'assurer que nous serons en mesure d'offrir un environnement sûr, stable et sécuritaire aux réfugiés kosovars.

À l'heure actuelle, nous continuons, comme nous l'avons fait dans le passé, d'examiner nos propres options et de mettre au point des listes de capabilités que nous pourrons offrir, si en fait, l'OTAN nous demande un soutien additionnel. Il faudra bien sûr soumettre tout cela aux ministres et au bout du compte, au Cabinet et au gouvernement.

Enfin, l'accueil des réfugiés au Canada arrive pratiquement à son terme. Le dernier vol, comme M. LeBane vient de me le confirmer avant la séance, arrivera mercredi avec à son bord les derniers réfugiés kosovars admis au Canada, dont le nombre est légèrement supérieur au total prévu de 5 000. M. LeBane peut vous donner les chiffres exacts. Pour l'instant, il y a 5 100 réfugiés au Canada.

[Français]

Monsieur le président, voilà qui termine ma partie du bien. Je vous remets maintenant la parole.

Le coprésident suppléant (M. Hec Clouthier): Merci bien, mon général.

[Traduction]

Nous allons maintenant céder la parole à Jeff LeBane du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

M. Jeff LeBane (directeur général, Relations internationales, Citoyenneté et Immigration Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en réponse à l'appel de Mme Ogata lancé le 30 avril, le Canada a accepté d'accueillir 5 000 réfugiés kosovars. Je peux vous indiquer que nous avons maintenant accueilli 4 846 réfugiés dans nos bases militaires. Avec l'arrivée du vol de demain à Trenton, nous aurons rempli notre engagement relatif à l'accueil de 5 000 réfugiés. À l'heure actuelle, le Canada se place au quatrième rang des terres d'accueil, après l'Allemagne, la Turquie et la Norvège pour ce qui est de la réponse à l'appel relatif à l'évacuation humanitaire d'urgence.

En outre, nous avons amené au Canada 437 Kosovars qui ont de la famille dans notre pays et je dois dire qu'il s'agit d'un programme illimité. Selon nos estimations, à peine plus de 2 000 personnes au Kosovo ont de la famille au Canada.

En plus de ce nombre, le HCR nous a confié 16 cas spéciaux. Il s'agit de personnes qui ont été témoins de massacres ou dont la famille a été complètement éliminée et pour lesquelles il ne sert à rien de retourner au Kosovo. Le HCR nous a demandé d'accueillir ces gens, à titre de réfugiés.

Au Canada, nous travaillons actuellement avec des organisations ONG pour identifier les groupes canadiens susceptibles de parrainer et de faciliter l'intégration de ces personnes dans les collectivités de notre pays. Plus de 300 organisations se sont manifestées et ont déclaré être prêtes à travailler avec les diverses provinces pour l'accueil de ces réfugiés. Il y a encore beaucoup de travail à faire à cet égard, mais nous essayons d'en faire le plus possible en l'espace de peu de temps.

Par ailleurs, à la fin de la semaine, nous allons commencer à transférer certains de ces réfugiés—qui se trouvent dans les bases—dans des collectivités au Canada pour entamer le processus d'intégration.

J'ai également apporté aujourd'hui—à titre d'information—des données statistiques sur ce que nous avons fait jusqu'à présent.

Merci.

Le coprésident suppléant (M. Hec Clouthier): Merci beaucoup, monsieur LeBane.

Nous accueillons également Hunter McGill, de l'ACDI.

Monsieur McGill, avez-vous quelques mots à dire?

M. Hunter McGill (directeur général, Assistance humanitaire internationale, Agence canadienne de développement international): Oui, effectivement, monsieur le président, si vous permettez.

[Français]

Je veux vous donner un bref aperçu de la visite en Albanie de l'honorable Diane Marleau, ministre de la Coopération internationale, vendredi passé.

• 1535

[Traduction]

La ministre Marleau a eu une journée très chargée en Albanie vendredi dernier. Elle a eu des discussions très fructueuses avec les autorités albanaises de haut niveau—le président, le premier ministre et des ministres importants du Cabinet—examinant avec eux la situation de ce pays et le défi humanitaire auquel il est confronté.

La ministre a également pu visiter un camp de réfugiés relativement proche de la capitale Tirana, camp appelé Spitalle, qui est géré, au nom du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, par CARE Canada.

Elle a également rencontré des représentants de plusieurs organisations canadiennes, notamment Vision mondiale Canada et le Centre canadien d'étude et de coopération internationale, qui interviennent auprès des réfugiés kosovars en Albanie. Elle a également pu rencontrer plusieurs réfugiés.

Elle a fait deux déclarations au cours de sa visite.

Elle a tout d'abord indiqué que le Canada appuierait deux initiatives menées par des organisations canadiennes. La première est celle du International Children's Institute, organisation non gouvernementale canadienne qui propose d'offrir des services communautaires de réadaptation aux réfugiés en Albanie. Cela aura un impact particulier sur les groupes vulnérables comme les enfants et les personnes âgées. Par ailleurs, un projet de l'université Queen's vise à construire des installations de soins de santé sur les lieux en tirant parti de l'expertise canadienne.

Deuxièmement, la ministre a indiqué aux autorités albanaises qu'elle a rencontrées que le Canada était prêt à offrir 6 millions de dollars d'aide économique au gouvernement afin qu'il puisse relever les défis auxquels il est confronté par suite du nombre élevé de réfugiés en Albanie et des pressions qui s'exercent sur les services et l'infrastructure du pays.

Ce sont les nouvelles que je peux vous donner pour l'instant, monsieur le président, mais bien sûr, si les membres du comité ont des questions, je me ferais un plaisir d'y répondre.

Le coprésident suppléant (M. Hec Clouthier): Il ne fait aucun doute que nous aurons des questions. Merci beaucoup, monsieur McGill.

Comme les membres du comité le savent, notre structure est légèrement différente de celle d'un comité ordinaire, car nous sommes soumis à des contraintes de temps. Si je comprends bien, nos témoins doivent partir vers 16 heures si bien que nous allons passer à des questions d'une minute et espérons-le, obtenir des réponses brèves et concises.

[Français]

M. Crête posera la première question pour le Bloc québécois.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Ma question s'adresse à M. Wright. Pourriez-vous nous dire s'il y a eu évolution dans la position du régime Milosevic concernant l'instauration d'une force de maintien de la paix? On a entendu toutes sortes de rumeurs là-dessus dernièrement.

J'aimerais également poser une question au côté militaire. On a dit que nos militaires seraient prêts à intervenir là-bas à la fin juin. Est-ce toujours dans la perspective de l'intervention d'une force de paix ou si on serait prêt à faire une intervention d'attaque militaire dans cette région?

Ma dernière question concerne les réfugiés. Y a-t-il toujours une communauté de pensée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec sur l'acceptation de 1 200 réfugiés par le Québec? Est-ce toujours un objectif réalisable?

[Traduction]

M. Jim Wright: Merci beaucoup.

[Français]

En ce qui concerne l'attitude du gouvernement serbe et du président Milosevic, on perçoit chaque semaine des signaux, mais ce ne sont pas des signaux très clairs, surtout en ce qui concerne la présence des forces de sécurité ou la présence militaire. Nous espérons que dans un avenir prochain, peut-être pendant la visite de M. Tchernomyrdine à Belgrade, on obtiendra la précision que la communauté internationale attend.

Quant aux signaux de l'OTAN et des Nations Unies à Belgrade, ils ont été très clairs. Après la réunion des leaders de l'OTAN du mois d'avril à Washington et la réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8 à Bonn, nous avons énoncé les cinq conditions et les sept principes les plus importants pour nous et nous leur avons demandé d'accepter immédiatement et directement ces conditions et de commencer à retirer leurs forces du Kosovo. L'OTAN est prête à envisager l'arrêt des bombardements aériens. Malheureusement, jusqu'à présent, il n'y a pas eu de signaux très clairs.

• 1540

En ce qui concerne les préparatifs de l'OTAN, nous avons maintenant un plan pour le Kosovo, un plan qui prévoit une présence dans un environnement tout à fait permissif. L'OTAN ne va pas attaquer les Serbes. Au contraire, nous attendons l'invitation de Belgrade pour amorcer un processus diplomatique qui acceptera au Kosovo la présence d'une force militaire qui pourra donner aux réfugiés kosovars la confiance et la sécurité qu'ils demandent avant de retourner au Kosovo. Le général voudra peut-être ajouter quelque chose.

Lgén Raymond Henault: M. Wright a dit les choses exactement comme elles sont. Le plan selon lequel nos forces ont été structurées, entraînées et déployées et selon lequel elles doivent être intégrées à la force britannique est carrément axé sur la paix.

M. Paul Crête: Ma question comportait un troisième volet.

[Traduction]

M. Jeff LeBane: Un accord a été conclu entre les autorités de l'immigration du gouvernement fédéral et du Québec. Le Québec a accepté d'accueillir 1 200 des 5 000 réfugiés et cela se passe bien. En outre, nous avons des cas de réunion des familles—des Kosovars ayant de la famille au Québec—en plus des 1 200 prévus.

Le coprésident suppléant (M. Hec Clouthier): Monsieur Earle.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

Nous avons entendu dire que le gouvernement et l'OTAN ont compilé une liste assez impressionnante des actifs militaires détruits depuis le début de la campagne; pouvez-vous nous dire combien il y a eu de pertes civiles en Yougoslavie par suite de l'intensification de la campagne de bombardement?

Parallèlement à cette question, j'aimerais savoir à quoi il sert de couper l'électricité et d'empêcher les hôpitaux de soigner les bébés, les dialysés, etc. Comment cela cadre-t-il avec les pressions que l'on veut exercer sur Milosevic, homme qui ne semble pas vraiment se soucier du sort de son peuple ni de celui des Albanais? Pourquoi a-t-on recours à cette tactique et combien de civils ont perdu la vie?

M. Jim Wright: Il est extrêmement difficile de connaître le nombre de pertes civiles. Par suite de la campagne de purification ethnique menée par les forces militaires et paramilitaires de M. Milosevic, nous estimons le nombre de pertes à des milliers. Je ne peux pas être plus précis et je ne veux pas être plus précis.

Nous savons que de 100 000 à 200 000 hommes ont disparu de la Yougoslavie par suite de cette campagne de purification ethnique. Nous savons que quelques-uns d'entre eux commencent à réapparaître. Près de 500 ou 600 sont arrivés en fin de semaine, après avoir été libérés des prisons où ils ont été victimes d'abus de la part des forces serbes. Nous savons que plus d'un million de réfugiés ont été déplacés, la plupart hors du Kosovo, mais aussi qu'un nombre assez important d'entre eux sont toujours au Kosovo.

• 1545

Il est également extrêmement difficile de connaître le nombre de pertes civiles par suite des opérations de l'OTAN au Kosovo. L'OTAN fait de son mieux, dans des circonstances extrêmement difficiles, pour limiter le nombre de ces pertes au minimum. Il est très difficile de l'assurer lorsque les forces serbes laissent les réfugiés se rassembler près des objectifs militaires, ou lorsque les réfugiés servent de boucliers humains, comme cela est déjà arrivé. Nous recevons de plus en plus d'information de ce genre de la part de certains des réfugiés, y compris les hommes qui sont sortis cette fin de semaine des prisons serbes.

Pour ce qui est de l'électricité, l'objectif est de nouveau l'appareil militaire yougoslave, son commandement et son contrôle. Il s'agit de la structure de communication entre Belgrade, des autorités du parti, du gouvernement et des troupes sur le terrain. Le peuple serbe n'est pas l'objectif visé. Nous reconnaissons que cette campagne a déstabilisé certaines installations civiles, dont les hôpitaux qui ne sont toutefois pas des objectifs visés.

En même temps, nous savons également que le président Milosevic dispose de sources d'énergie permettant d'assurer le fonctionnement de ces installations civiles, même lorsque l'électricité est coupée. C'est à lui de décider s'il veut s'en servir pour aider les structures civiles ou s'il veut s'en servir pour alimenter l'appareil militaire serbe.

Toutefois, comme je l'ai dit au départ, les cibles visées ici ne sont pas les Serbes comme tels, bien que nous reconnaissions que la guerre aérienne élargie menée par l'OTAN influe sur le moral des forces armées et sur le paysage politique de la Yougoslavie et que les Yougoslaves s'interrogent de plus en plus sur le leadership de M. Milosevic et des autres dirigeants serbes. En toute franchise, ces changements sont perçus comme étant une amélioration, étant donné les circonstances.

Le coprésident suppléant (M. Hec Clouthier): Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Monsieur le président, je vous remercie beaucoup.

Général Henault, je sais que nous utilisons des bombes au graphite qui provoquent des pannes d'électricité. J'ai deux questions à ce sujet. Nous avons vu à la télévision deux séquences au sujet d'hôpitaux, entre autres, privés d'électricité. N'ont-ils pas des génératrices de secours? Par ailleurs, une fois les bombes au graphite larguées, combien de temps faut-il avant que les installations de production d'électricité recommencent à alimenter le réseau?

J'ai aussi une question accessoire. Je sais que les hélicoptères Apache se trouvent déjà là-bas, mais ils n'ont pas encore été déployés. Cela signifie-t-il que les systèmes de défense contre des appareils volant à basse altitude sont toujours, en réalité, opérationnels?

Lgén Raymond Henault: Je ne puis rien ajouter au sujet des bombes au graphite à ce que je vous ai déjà dit durant les séances mixtes du Comité permanent de la défense nationale et du Comité permanent des affaires étrangères. Nous n'en avons pas en stock. Nous avons de la documentation non classifiée à leur sujet, de sorte que je ne puis vous confirmer les détails de leur fonctionnement. Je ne peux même pas vous confirmer à quelle fréquence ou à quel endroit elles sont employées, bien que certains signes nous laissent croire qu'on les emploie. Si c'est le cas, ces bombes au graphite et les bombes logiques, comme on les appelle, perturbent la production hydroélectrique, comme vous l'avez bien souligné.

Pour ce qui est du choix des cibles, tout se passe comme vous l'a décrit M. Wright. Lorsque l'OTAN choisit des cibles, elle cherche les installations qui ont un lien avec les militaires, une exigence cruciale. À ce moment-là, et particulièrement quand il est question d'hôpitaux ou d'établissements de cette nature, on tient compte de la capacité de production d'électricité de secours. On tient compte de tout cela quand on choisit les cibles. C'est à peu près le mieux que je puisse faire comme réponse à cet égard. Nous sommes certes très conscients de tout cela. Nous n'utilisons pas ce genre d'armes, de sorte que nous n'avons pas à satisfaire à cette exigence particulière, mais je sais que cela fait partie de ce qui se fait quand on choisit des cibles.

Quant à la reprise de l'alimentation en électricité, tout dépend des dommages réels causés au réseau. Nous ignorons si les dommages causés au réseau varient. Nous savons par contre que l'on combine l'utilisation de différentes bombes actuellement, soit ce qu'on appelle les bombes logiques et les bombes conventionnelles. À nouveau, tout dépend de l'effet qu'ont eu les bombes et de l'étendue des dommages, mais nous savons que les Serbes excellent dans le rétablissement de l'alimentation et qu'ils sont parfois capables de le faire dans les cinq à douze heures, en doublant des parties du réseau, etc. Ils y sont passés maîtres.

• 1550

Enfin, les Apache ont été déclarés opérationnels et prêts à l'emploi. Nous ignorons quand ils commenceront vraiment à participer au combat. Nous savons que les vols à basse altitude demeurent très dangereux, comme nous l'avons dit auparavant, à cause de l'artillerie antiaérienne, des armes tirées à l'épaulé et de tout le reste dont disposent les Serbes.

Tout ce que je puis dire, c'est que j'ai entendu l'OTAN et SACEUR dire que l'effet de surprise demeure un très important élément de la stratégie militaire. Le moment auquel les Apache commenceront à prendre part au combat serait donc fonction de SACEUR, qui décidera du meilleur moment pour le faire. Nous ignorons quand cela aura lieu. Nous prévoyons que cela se produira, mais nous en ignorons le moment, le stade ou le lieu. Nous continuerons de suivre cette situation.

[Français]

Le coprésident suppléant (M. Hec Clouthier): Monsieur Bachand.

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Est-ce que la Finlande a un plan de paix ou des propositions, ou si elle joue tout simplement un rôle de messager, messager qui plairait tant aux Russes qu'à l'OTAN et à Belgrade? Quel est le rôle exact de la Finlande?

Pour ma gouverne, pouvez-vous me dire quelle est la différence entre peacekeeping mission et peace implementation, s'il y en a une?

Deuxièmement, pourriez-vous nous donner plus de détails sur le délestage de bombes qui aurait été fait dans la mer Adriatique? Lorsque les avions reviennent d'une mission de combat et sont près de manquer d'essence, on fait un délestage de bombes pour réduire le poids de l'appareil. Plusieurs de ces bombes sont tombées dans la mer Adriatique. Est-ce que des avions canadiens ont été confrontés à ce problème de délestage de bombes? Les avions qui ont dû faire du délestage ont laissé tomber plusieurs bombes. Savez-vous quel type de bombes on trouve maintenant dans la mer Adriatique?

M. Jim Wright: Concernant la Finlande, on peut dire que le président de la Finlande essaie de travailler très étroitement avec la communauté internationale. Je doute que la Finlande ait un plan séparé des autres, mais on peut dire que le président, M. Ahtisaari, est très expérimenté dans les affaires des Nations Unies. Il a travaillé pendant des années à New York aux Nations Unies.

De plus, la Finlande a des relations très correctes et très propres avec la Russie. Ce sont deux pays situés l'un à côté de l'autre. Pendant la crise au Kosovo, quand la communauté internationale était en train de négocier les accords de Rambouillet, c'est un groupe de la Finlande qui a fait une visite au Kosovo pour étudier l'un des massacres qui avaient eu lieu à Racak. Il y avait des experts en médecine légale de la Finlande qui étaient acceptés par le gouvernement de Belgrade. On peut encore dire que la Finlande est un pays européen, mais elle n'est pas membre de l'OTAN et elle est peut-être mieux acceptée des autorités serbes. Nous pensons qu'avec les Américains, l'OTAN et l'Union européenne, la Finlande peut aider M. Tchernomyrdine pendant sa mission de paix à Belgrade. De plus, la Finlande sera le président de l'Union européenne au début du mois de juillet de cette année.

Concernant la différence entre

[Traduction]

le maintien et l'imposition de la paix, je parlerai plutôt de «maintien de la paix» et d'«instauration de la paix».

• 1555

L'instauration de la paix sous-entend que vous vous rendez en milieu hostile où vous n'avez pas été invité pour essayer de mettre en oeuvre la paix.

Le maintien de la paix, lui, se déroule dans un lieu où votre présence est tolérée, par exemple en Bosnie où la communauté internationale a dépêché une force composée de 40 pays, en réponse à l'invitation lancée par toutes les parties au conflit bosniaque, en vue d'aider à mettre en oeuvre les accords de paix de Dayton.

Se rendre au Kosovo dans un milieu non permissif serait une mission d'instauration de la paix.

Le général souhaite peut-être vous donner des précisions. J'ignore si j'ai omis de faire certaines nuances.

Lgén Raymond Henault: La seule chose que je pourrais ajouter serait de mentionner les opérations du chapitre 6 et les opérations du chapitre 7.

[Français]

Les opérations du chapitre 6 sont des opérations où l'utilisation de la force est normalement axée sur l'autodéfense. Dans les opérations du chapitre 7, l'utilisation de la force est permise pour mettre en oeuvre les conditions du Conseil de sécurité.

[Traduction]

C'est le seul ajout que je ferais à ce que vous avez dit, Jim.

[Français]

C'est simplement une précision.

M. André Bachand: Et le délestage de bombes?

Lgén Raymond Henault: Pour ce qui est du délestage de bombes, je ne peux pas parler pour les autres nations, car je ne suis pas au courant. Je sais qu'il y a eu de temps en temps du délestage de bombes dans l'Adriatique. En principe, quand ce sont des relâchements de bombes contrôlés, quand on a des problèmes techniques ou autres, les pilotes relâchent ces bombes dans des zones très précises de l'Adriatique, avant l'atterrissage, pour des raisons de sécurité. Comme je l'ai mentionné, on fait cela dans des conditions très contrôlées.

Que je sache, il n'y a pas eu de problèmes de relâchement de bombes. Si des bombes sont relâchées accidentellement, dans des zones plus proches de la côte ou au-dessus de l'Italie ou ailleurs, cela peut causer des problèmes. Comme je vous l'ai mentionné, je n'ai pas les détails. Il y a eu peut-être des cas où cela s'est produit.

Dans le cas des avions canadiens, je ne suis pas au courant de relâchements accidentels. Pour ce qui est des relâchements contrôlés, je n'ai pas les détails, mais je vais faire enquête et je vous donnerai jeudi les renseignements pertinents. Je ne voudrais pas me prononcer sans avoir les détails. Je me ferai un plaisir de vérifier s'il y a eu des relâchements, accidentels ou contrôlés. Comme je l'ai mentionné, je n'ai pas entendu parler de relâchements accidentels. Pour ce qui est des relâchements contrôlés, je ne suis pas sûr qu'il y en a eu, mais je me ferai un plaisir de faire la recherche.

M. André Bachand: D'accord.

[Traduction]

Le coprésident suppléant (M. Hec Clouthier): Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Aux nouvelles, depuis quelques jours, on entend parler de désertion au sein de l'armée serbe. On signale aussi une opposition ouverte dans l'ex-République de Yougoslavie. Je me demande si vous avez des renseignements plus récents qui nous permettraient de savoir si ces phénomènes prennent de l'ampleur ou s'ils sont supprimés et si de graves mesures de représailles sont prises contre les déserteurs de l'armée serbe ou contre ceux qui s'opposent ouvertement au régime.

Nous savons qu'il y a quelques semaines, l'éditeur d'un grand journal de Belgrade a été assassiné. Il était en réalité le seul à s'opposer publiquement à ce qui se passait dans la ville.

En savons-nous plus que ce que nous voyons à CNN, par exemple?

M. Jim Wright: Nous en savons très peu. Nous avons certes la nette impression que de plus en plus de Yougoslaves s'insurgent contre les coûts imposés au pays par le virage que lui font prendre les dirigeants serbes. Il y a eu un nombre important de désertions dans l'armée. Le mouvement d'opposition prend aussi de l'ampleur. Dans les circonstances, il demeure quand même plutôt modeste.

• 1600

Nous sommes aux prises avec ce qui s'avère être, à tous les égards, une forme d'État policier, de régime autoritaire, qui est résolu, chaque fois qu'il y a de l'opposition, à l'écraser. Nous avons vu ce qui s'est passé dans le cas de l'ex-vice-premier ministre de Yougoslavie, M. Draskovic, lorsqu'il s'est prononcé contre la façon dont les dirigeants serbes gouvernent le pays. Il a été immédiatement démis de ses fonctions. Son parti s'est depuis lors retiré de la coalition.

Il existe très peu de presse libre en Yougoslavie actuellement, ce qui signifie que les Yougoslaves n'entendent et ne voient que ce que veulent bien leur laisser entendre et voir les autorités.

Nous commençons aussi à voir des failles dans le régime, d'après certains renseignements secrets. Cela suffirait-il pour faire tomber le gouvernement de M. Milosevic? À mon avis, il faudra attendre que le mouvement d'opposition prenne de l'ampleur et qu'il se fasse davantage entendre. C'est très difficile à faire dans les circonstances. Les gens ont peur de trop parler.

Les déserteurs ont quitté leurs unités, en partie parce que leurs familles ont fait l'objet de critiques et de représailles de la part des Serbes parce qu'elles s'étaient opposées à continuer d'envoyer leurs fils se faire tuer au Kosovo, une cause dont ils doutent du bien-fondé. Voilà ce qui a convaincu le groupe de, je crois qu'il est de l'ordre de quelques centaines...

Lgén Raymond Henault: Des manifestations regroupant jusqu'à un millier de gens ont eu lieu dans certaines villes yougoslaves.

M. Jim Wright: C'est juste.

Il y a donc un mouvement, mais est-il suffisant pour renverser le régime? Je ne le crois pas. Toutefois, à mesure que se poursuit la campagne et que les Yougoslaves prennent de plus en plus conscience de l'isolement dans lequel se trouve la Yougoslavie, même s'ils ne jouissent pas d'une presse libre pour l'instant, nous verrons de plus en plus d'événements de ce genre dans les jours à venir.

M. Julian Reed: Je vous remercie.

Le coprésident suppléant (M. Hec Clouthier): Madame Finestone.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup.

Je tiens tout d'abord à dire au comité et à nos aimables témoins que je constate un changement d'attitude au sein de ma circonscription. Je me fais poser beaucoup plus de questions que ce à quoi je pourrais répondre et c'est pourquoi j'aime venir ici, de manière à pouvoir obtenir les réponses que ne me donne pas CNN.

Mes questions sont donc des questions qu'on me pose et que je me pose moi-même quand j'écoute la télévision d'État.

Ma première question s'adresse à vous, monsieur LeBane, au sujet de la citoyenneté et de l'intégration—ou plutôt de l'immigration, mais je suppose que l'intégration conviendrait aussi, d'après ce que j'entends dire.

On a fait état dans la presse de ce directeur d'école secondaire de Nouvelle-Écosse qui a organisé une fête pour les adolescents. J'en ai été très émue. J'ai dû voir le reportage à la télé et je me suis dit à quel point c'était merveilleux.

Parallèlement, dans ma circonscription, on me demande s'ils sont vraiment ici temporairement seulement ou s'ils peuvent envisager de s'intégrer, de devenir Canadiens et de demander le statut de réfugié? C'est la question que je vous pose, monsieur LeBane.

La deuxième question s'adresse à M. McGill. Nous entendons parler de toutes sortes d'anecdotes très émouvantes à propos de la manière dont nous accueillons les réfugiés, et je crois bien qu'elles sont vraies. Les Canadiens sont très accueillants. D'autre part, je me réjouis d'apprendre que la ministre Marleau...

Elle a obtenu une très bonne couverture de presse ici au Canada, soit dit en passant. C'était excellent, étant donné tout le reste.

Par contre, quand toutes les initiatives étaient annoncées, j'ai été intriguée par celles dont j'ai entendu parler visant à aider les enfants à se remettre du traumatisme de la guerre. Est-ce à cela que seront affectés les fonds? Je le demande parce qu'on en a un besoin criant.

• 1605

Par ailleurs, quel est ce service dont j'ai entendu parlé à l'intention des personnes handicapées? Les personnes handicapées et les femmes âgées sont en règle générale les plus infortunées. J'aimerais savoir ce qu'on fait sur ce plan, s'il vous plaît.

Dernier point, mais non le moindre, je demanderais à notre ami Raymond Henault de répondre à une question. Je suis curieuse. C'est Jim, je crois, qui a décrit la différence entre ceux qui instaurent la paix et ceux qui la maintiennent. Beaucoup de gens dans ma circonscription aimeraient savoir en quoi le gardien de la paix diffère de la chair à canon à laquelle font constamment allusion les Américains. Quelle différence y a-t-il entre reprendre le territoire, qu'il faudra déminer, et rétablir les réfugiés, puisque bon nombre des immeubles ont été brûlés et qu'une grande partie de l'infrastructure a disparu?

Enfin, la plus grande source de préoccupation telle qu'exprimée ce matin par Michael Enright et Richard Gwyn est que, si tout n'est pas fini d'ici à la fin de juillet, il n'y aura pas de maison, d'endroit pour accueillir les réfugiés à leur retour chez eux. L'hiver là-bas commence tôt et est beaucoup plus rigoureux qu'au Canada. J'ai du mal à le croire, mais il est très difficile pour ceux qui se trouvent actuellement dans un abri qui convient très peu à l'hiver au Kosovo.

Monsieur le président, je vous remercie.

M. Jeff LeBane: Pour ce qui est de votre première question, tous les Kosovars que nous accueillons ici en réponse à l'appel lancé sont des réfugiés reconnus comme tels. Nous avons pris l'engagement auprès du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, c'est-à-dire de Mme Ogata, de payer le retour chez eux de ceux qui voudraient y retourner, ce qui est très généreux de la part du Canada. Quant à ceux qui souhaitent demeurer ici en tant que réfugiés, Mme Robillard a été très claire. Elle a déclaré que nous n'obligerions jamais qui que ce soit à retourner là-bas et qu'ils pourront demeurer ici en tant que réfugiés. Pour utiliser une expression du jargon de l'Immigration, ce seront des réfugiés ayant le droit de s'établir. Ils n'ont pas besoin de passer par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ils seront reçus comme réfugiés.

Mme Sheila Finestone: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Jeff LeBane: Ce seront des immigrants ayant reçu le droit d'établissement et, trois ans plus tard, s'ils le souhaitent, ils peuvent demander la citoyenneté canadienne.

Mme Sheila Finestone: J'ai oublié de poser une question supplémentaire à ce sujet, si vous me le permettez. On a aussi demandé, dans la circonscription que je représente, si l'on pouvait avoir la double citoyenneté? Peut-on conserver sa citoyenneté et son passeport yougoslaves et obtenir la citoyenneté canadienne?

M. Jeff LeBane: La Loi sur la citoyenneté autorise la double citoyenneté.

Mme Sheila Finestone: Je vous remercie.

M. Hunter McGill: Pour ce qui est de la question concernant les besoins des enfants traumatisés par le conflit, le Canada appuie directement deux initiatives actuellement. Ainsi, il contribue un million de dollars aux programmes organisés et exécutés par l'UNICEF qui est déjà à l'oeuvre dans les camps depuis quelques semaines.

L'annonce faite par la ministre Marleau, vendredi dernier, au sujet de l'Institut international de l'enfance, témoigne de ce besoin qui, selon votre propre aveu, madame Finestone, est énorme. On cherche ainsi à aider les Kosovars à s'aider eux-mêmes. Certains réfugiés de la province étaient des professionnels. Avec l'aide des Canadiens, ils pourront contribuer eux aussi à répondre aux besoins des enfants traumatisés.

De plus, dans le cadre de plusieurs activités que nous soutenons—l'UNICEF et le travail de trois ONG canadiennes auxquelles nous avons versé des fonds il y a plusieurs semaines, soit CARE Canada, le CECI de Montréal et Vision mondiale—, nous accordons une attention particulière aux besoins des femmes et des personnes âgées qui se trouvent dans les camps. La représentation de ces deux groupes au sein de la population des camps est disproportionnée parce que, comme l'a déjà fait remarquer M. Wright, les hommes ont été retenus au Kosovo ou y sont demeurés pour diverses raisons. Ce sont en fait les femmes, les personnes âgées et les enfants qui ont été expulsés du Kosovo et qui représentent le plus important groupe dans le besoin.

Nous contribuons à répondre à leurs besoins particuliers et nous suivons la situation, comme l'a indiqué le ministre à Tirana, vendredi dernier. Si des occasions de faire davantage se présentent, vous pouvez être sûrs que nous les saisirons.

Je vous remercie.

• 1610

Mme Sheila Finestone: [Note de la rédaction: Inaudible]... les personnes handicapées ou pas?

M. Hunter McGill: Aucun en particulier, mais...

Mme Sheila Finestone: Pourriez-vous vous renseigner à ce sujet, je vous prie?

M. Hunter McGill: Volontiers.

Mme Sheila Finestone: Je vous en remercie.

Le coprésident suppléant (M. Hec Cloutier): Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Avant de poser mes questions, monsieur le président, je tiens à mentionner officiellement l'excellent travail accompli par la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Dans un cas que j'ai vécu, une famille avait projeté de venir ici de la Yougoslavie afin d'assister à un mariage. La livraison du courrier à nos bureaux d'alors a été perturbée, de sorte qu'elle a éprouvé de grandes difficultés. La ministre et son personnel sont intervenus, ce qui a été fort utile, pour faire en sorte que ces personnes qui souhaitaient venir ici et séjourner pendant un mois au Canada de même qu'assister au mariage reçoivent très rapidement toutes les autorisations nécessaires. Ils n'ont pas fait de distinction entre les Kosovars et les Serbes. Je félicite la ministre de ce travail bien fait.

J'aimerais simplement vous souhaiter la bienvenue à tous, à nouveau. Il faut communiquer, étant donné la situation malencontreuse qui se développe là-bas. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence assidue ici aujourd'hui et dans le passé, général, monsieur Wright et tous les autres.

Dans une des réponses données concernant le délestage des bombes, je ne suis pas sûr si c'était vous, général, ou M. Wright, qui a dit que nous ne pouvons pas répondre des actes d'autres pays. Je le dis avec le plus grand respect, mais je trouve difficile d'accepter une pareille déclaration quand il s'agit d'une initiative de l'OTAN, d'une initiative concertée. Faut-il comprendre que tous les pays ne communiquent pas forcément entre eux et que la main droite ignore ce que fait la main gauche? Ce n'est sûrement pas l'image que nous aimerions donner à la population. Vous pouvez peut-être nous donner des détails à ce sujet.

J'aimerais revenir à la série de questions posées par ma collègue, Mme Finestone. Elle a parlé d'un changement de l'attitude générale de la population canadienne. J'aimerais profiter de l'occasion pour vous informer de ce que nous disent nos électeurs.

L'observation faite au sujet de l'ex-vice-premier ministre, M. Draskovic, m'a fait tiquer. Voici ce que nous entendons à nos bureaux. Il y a plusieurs semaines, quand il était officiellement vice-premier ministre, beaucoup de gens se rappellent l'avoir vu à la télévision plaider littéralement auprès de l'OTAN et de tous les porte-parole réunis pour que cessent les bombardements et que commence le dialogue.

Je sais que, moi-même, lorsque j'ai entendu ce plaidoyer, je me suis dis qu'il essayait peut-être de nous duper, de nous berner. Je n'en savais rien. Cependant, par souci d'épargner des vies innocentes, ces enfants qui sont malheureusement tués et l'infrastructure qui est littéralement détruite, ne pouvons-nous pas lui laisser le bénéfice du doute? Asseyons-nous à la table et laissons-le parler. Si, en fait, il essaie de nous berner, les forces de l'OTAN et le monde entier, selon moi, verront son vrai visage.

Aujourd'hui, nous constatons qu'il ne fait plus partie du cercle des intimes comme vous l'avez mentionné, monsieur Wright. Dans votre réponse, vous en parliez avec sympathie, alors qu'il y a un mois ou deux, le ton était très différent. Vous pouvez peut-être nous décrire les différences ici. Pourquoi lui marquons-nous de la sympathie aujourd'hui et en parlons-nous comme d'un bon gars qui a quelque chose à dire, alors qu'il y a deux mois, c'était tout le contraire? Ce genre de double diplomatie n'est pas très sain pour nous et nos électeurs.

Le traumatisme d'après-guerre me préoccupe vraiment, si vous me permettez de le dire. Nous avons parlé de traiter les enfants traumatisés. Il faut traiter les traumatismes de guerre des deux camps parce que de pareils conflits font des victimes innocentes de part et d'autre. Y a-t-il un plan quelconque d'après-guerre pour aider les deux camps à rebâtir leur infrastructure, à soulager la souffrance humaine et ainsi de suite?

Monsieur le président, ce sont mes questions.

Lgén Raymond Henault: Je pourrais peut-être faire un bref commentaire. Vous avez parlé des autres pays. Notre principal objectif, au quartier général du Canada, consiste à suivre les activités des appareils des Forces canadiennes, de sorte que nous nous concentrons sur les opérations canadiennes.

• 1615

On a effectué plus de 25 000 missions au total jusqu'ici, et plusieurs pays mènent des opérations tous les jours. Nous ne sommes donc pas toujours conscients du délestage accidentel de bombes, par exemple, s'il a été sans conséquence, et nous ne tenons donc pas de chiffres à cet égard. Par ailleurs, si l'appareil d'un autre pays effectuait un délestage délibéré ou contrôlé de ces bombes durant une mission ou une sortie, nous n'en serions pas forcément informés parce qu'il s'agit-là d'un incident courant, je l'avoue. Ce genre de chose arrive pas mal souvent.

Je tiens donc à émettre une réserve. Ce n'est pas que nous tentions de limiter la quantité d'informations qui vous est fournie, mais bien qu'à moins de recevoir une demande précise d'information à ce sujet, nous ne réunirons pas forcément des données, à moins que cela ne concerne directement les appareils canadiens.

M. John Cannis: Je trouve que vous nous avez fourni des quantités incroyables d'information. Je tiens à le dire officiellement.

Lgén Raymond Henault: Je vous remercie.

M. Jim Wright: Quant à M. Draskovic et à ses déclarations au début, puis plus tard, la communauté internationale, les Nations Unies et l'OTAN ont été très constantes dans ce qu'elles exigeaient des dirigeants serbes.

C'est M. Draskovic qui a changé d'opinion au sujet des dirigeants yougoslaves. La communauté internationale n'a pas du tout changé son engagement. Nous exigeons la même chose depuis le début du président Milosevic et de Belgrade. Nous avons dit que le président Milosevic pouvait mettre fin à tout ceci quand il le voudrait. Je ne crois donc pas que la communauté internationale, l'OTAN, les Nations Unies ou le Canada aient appliqué une double norme.

Deuxièmement, l'un des problèmes que nous avons, malheureusement, est le suivant: ce n'est pas que nous n'aimerions pas donner aux gens le bénéfice du doute, nous l'avons fait à plus d'une occasion—je veux dire la communauté internationale—avec M. Milosevic. Nous avons vu ce que cela a rapporté en Bosnie et en Herzégovine. Nous l'avons vu l'automne dernier, lorsque la communauté internationale—l'OSCE, l'OTAN et d'autres—a négocié avec le président Milosevic une série d'ententes. Il les a toutes violées.

Nous avons essayé d'engager les chefs serbes dans les accords de Rambouillet. Nous avons essayé d'amener toutes les parties à la table de négociation. Nous avons essayé de jouer le rôle de l'honnête courtier. Une fois de plus...

M. John Cannis: Tout s'est arrêté au moment où ils ont commencé à discuter de l'indépendance complète du Kosovo. Lorsqu'ils parlaient d'autonomie, ça allait.

Le coprésident suppléant (M. Hec Cloutier): Je suis désolé, monsieur Cannis, mais nous avons déjà dépassé de 25 minutes le temps qui nous était imparti. Nous avons des votes ce soir. Nous avons une autre réunion. Des témoins attendent.

M. Jim Wright: Puis-je ajouter un très bref commentaire?

Le coprésident suppléant (M. Hec Cloutier): D'accord. Finissez simplement ce que vous avez commencé.

M. Jim Wright: Cela reprend un point qu'a fait valoir Mme Finestone plus tôt.

Il se fait beaucoup de travail en arrière-scène en ce qui concerne les activités postérieures au conflit au Kosovo. Une conférence sur un pacte de stabilité se tiendra à Bruxelles jeudi et réunira toutes le principaux organismes internationaux—les Nations Unies, l'OSCE, l'Union européenne et l'OTAN—de même que tous les groupes régionaux qui jouent un rôle dans la crise au Kosovo et s'y intéressent. Ce n'est qu'une parmi les très nombreuses réunions de la même nature qui s'annoncent dans les prochains mois.

Les gens ne devraient pas supposer que tout ce qui nous préoccupe c'est la voie militaire. C'est tout le contraire. Nous continuons de poursuivre très activement la voie diplomatique et nous planifions très soigneusement les activités postérieures au conflit. En fait, c'est un sujet dont ont discuté dans une certaine mesure les dirigeants de l'OTAN au sommet des chefs, à Washington, également.

Il se peut que vous n'en entendiez pas beaucoup parler, mais je peux vous assurer qu'il se fait beaucoup de travail à cet égard, y compris la question de la préparation des camps de réfugiés pour l'hiver, parce que même si nous parvenions demain à une entente—et j'aimerais beaucoup que cela se fasse même si nous n'en sommes pas encore là—nous ne serions pas en mesure de ramener tous les réfugiés au Kosovo avant l'hiver. Nous savons donc maintenant que nous devrions nous attaquer au problème de la préparation des camps de réfugiés pour l'hiver. Il s'agit simplement de déterminer l'ampleur du problème.

Le HCR est en train d'élaborer un plan de concert avec d'autres membres de la communauté internationale. Je sais que Mme Marleau s'inquiétait énormément de cette question et en a discuté avec certains de ses homologues des organismes internationaux lorsqu'elle s'est rendue en Albanie. Je le répète, nous sommes à mettre au point des plans pour régler ce problème. Nous n'attendons pas d'avoir à y faire face. Nous aimons espérer que tout se passe au mieux mais nous devons toujours planifier en fonction du pire.

Le coprésident suppléant (M. Hec Cloutier): Merci.

Général Henault, avez-vous quelque chose à dire?

• 1620

Lgén Raymond Henault: Monsieur le président, je me demande si je peux en finir avec une question qu'a posée Mme Finestone et à laquelle je n'ai pu répondre il y a quelques instants.

Vous avez fait allusion, je crois, au gardien de la paix qui sert de chair à canon, je crois. Monsieur Wright a répondu de façon très éloquente aux autres questions, mais je dirais simplement que cette expression est utilisée dans le contexte d'une mission qui prendrait la forme d'une invasion—c'est-à-dire, une mission de combat—et nous ne parlons pas de cela pour l'instant. Nous parlons d'une mission de maintien de la paix par opposition à une mission de combat ou à une force d'invasion et il en a toujours été ainsi.

J'ajouterais simplement que, normalement, nous n'utilisons jamais l'expression «chair à canon». Toutes ces missions comportent un certain risque et se soldent malheureusement toujours par des pertes de vie. Même dans un contexte de maintien de la paix, il pourrait très bien y avoir des pertes de vie, comme ce fut malheureusement le cas en Bosnie et ailleurs. Tel est le contexte, madame Finestone.

Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup.

Lgén Raymond Henault: Merci.

Le coprésident suppléant (M. Hec Cloutier): Merci beaucoup général, surtout de m'avoir sorti d'affaire, parce que Mme Finestone me jetait le mauvais oeil.

Merci beaucoup de votre présence.

Je pourrais dire à M. Wright qu'il deviendra un orateur très éloquent. Je pense qu'il côtoie depuis trop longtemps les politiciens que nous sommes.

Merci beaucoup.

La séance est levée.