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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 7 juin 1999

• 1537

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton- Ouest—Mississauga, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Nous avons aujourd'hui le très grand honneur de recevoir l'honorable Seamus Pattison.

Autant que je sache, monsieur Pattison, on vous a déjà informé du processus, on vous a parlé de ce qui est attendu et de ce que vous pouvez faire aujourd'hui. J'aimerais que vous nous présentiez le groupe qui vous accompagne et je vous cède la parole. Toutefois, je dois vous avertir que certains de nos membres ici présents risquent de vous poser des questions très incisives; par conséquent, ne vous lancez pas dans quoi que ce soit dont vous ne voulez pas discuter.

L'honorable Seamus Pattison (président de la Chambre des représentants, Parlement d'Irlande (Dail)): D'accord.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Le Président Seamus Pattison: Madame la présidente, nous sommes très honorés et ravis d'être ici ce soir. Je tiens à vous assurer que notre visite dans votre merveilleux pays est des plus agréables et des plus productives.

Je devrais maintenant présenter les membres de la délégation, en commençant par Michael O'Kennedy, du Parti Fianna Fail, qui est en ce moment le parti de la majorité. Nous avons également Austin Deasy, du Parti Fine Gael, principal parti de l'opposition à l'heure actuelle. M. Brian O'Shea est notre vice-président de la Chambre et il est membre du Parti travailliste, actuellement parti d'opposition. Nous avons également deux membres de la chambre haute, le sénateur Tom Fitzgerald, du Parti Fianna Fail, qui est du comté de Kerry, et le sénateur Willie Farrell, du parti Fianna Fail, qui est du comté de Sligo. Notre délégation représente donc à la fois le gouvernement et l'opposition.

• 1540

J'occupe actuellement le poste de Ceann Comhairle, expression que nous utilisons pour nommer le président. Pendant que j'occupe ce poste, je dois rester politiquement neutre, mais j'ai toujours été membre du Parti travailliste.

Il existe beaucoup de liens historiques et ethniques entre l'Irlande et le Canada. Les liens culturels entre nos deux pays sont également très forts et continuent de s'épanouir; on retrouve plusieurs sociétés et associations irlandaises dynamiques dans toutes les provinces du Canada et nous avons rencontré les membres de l'une d'entre elles à Halifax, dimanche dernier. Ces sociétés diffusent la culture irlandaise en organisant toute une gamme d'activités. Je sais que la Saint-Patrick, notre fête nationale, est célébrée dans beaucoup d'endroits au Canada et je crois qu'à Ottawa, le vert est encore plus à l'honneur le jour de la Saint- Patrick que n'importe quel autre jour de l'année. J'ai également appris que plusieurs festivals sont organisés chaque année, dont bien sûr le festival Shaw, à Niagara-on-the-Lake, au cours duquel sont présentées des pièces de ce dramaturge.

Les immigrants irlandais ont énormément contribué à bâtir les villes du Canada, à façonner ses institutions juridiques et politiques et ils ont joué un rôle important au niveau de l'éducation, tant scolaire que religieuse. On peut dire que la présence irlandaise s'est manifestée au Canada dès le VIe siècle, avec l'arrivée bien connue de Saint-Brendan, en Amérique du Nord.

Avec la famine de 1845, les Irlandais ont immigré au Canada en plus grand nombre et en 1867, ils représentaient un pourcentage considérable de la population dans des villes comme Saint John's, Halifax, Québec et Montréal. Beaucoup d'entre eux, trop pauvres pour acquérir des terres, ont été les ouvriers non qualifiés et qualifiés qui ont permis la croissance de ces villes industrielles.

À l'aube de la Confédération, les Irlandais du Canada sont devenus un élément important et influent de la vie politique du pays. Francis Hincks est sans doute le plus connu de ces pionniers; jeune homme, il est arrivé au Canada pour faire du journalisme avant d'entrer dans la politique; il a été par la suite premier ministre entre 1851 et 1854.

Il y en a eu d'autres, comme John Costigan, chef du mouvement pour l'autonomie, et Edward Blake, chef du Parti libéral pendant de nombreuses années et qui, en sa qualité de ministre de la Justice en 1875, est à l'origine de la création de la Cour suprême du Canada.

Parmi les grands noms politiques d'origine irlandaise, Thomas D'Arcy McGee est probablement le plus connu; en sa qualité de membre du mouvement de la Jeune Irlande, il a participé au soulèvement avorté contre la domination britannique en 1848. Il s'est échappé aux États-Unis et s'est établi au Canada en 1857. Il est devenu connu dans les milieux politiques en 1858 et a été élu à la première Chambre des communes du Dominion en 1867. Il a été en fait l'un des architectes du nouveau pays. Malheureusement, il n'a pas vraiment eu la possibilité de mettre ses talents au service du nouveau Dominion, puisqu'il a été assassiné une année plus tard, en 1868. Un monument à la mémoire de Thomas D'Arcy McGee a été érigé à Carlingford, dans le comté de Louth.

Comme vous le savez probablement, l'événement le plus marquant survenu en Irlande ces dernières années est la mise en oeuvre de ce que l'on appelle l'accord du Vendredi saint, conclu par les gouvernements irlandais et britanniques ainsi que par les partis politiques d'Irlande du Nord à Belfast, le Vendredi saint de l'année 1998. Depuis un an, il s'agit de la priorité absolue du gouvernement irlandais. Un travail intensif se poursuit entre les deux gouvernements et les parties en jeu. Même si nous sommes conscients des difficultés liées à la formation de l'exécutif, il est important de se rappeler qu'en l'espace d'une année seulement, des progrès considérables ont été accomplis.

• 1545

L'accord a été appuyé à une écrasante majorité par la population irlandaise lors de référendums tenus au nord et au sud. Ce succès a donné lieu à des élections à la nouvelle Assemblée d'Irlande du Nord, qui bien sûr est une assemblée fantôme depuis juillet dernier. Les aspects relatifs aux institutions, à l'égalité et aux droits de la personne de l'accord ont fait l'objet d'une loi adoptée à Westminster en novembre dernier. Le nombre et les attributions des ministères qui vont relever de l'exécutif ont été acceptés par l'assemblée.

En mars de cette année, le gouvernement a signé des accords internationaux complémentaires sur la création du Conseil ministériel nord-sud, des organes de mise en oeuvre nord-sud, du Conseil britanno-irlandais et du Conseil intergouvernemental britanno-irlandais. Les lois nécessaires de mise en vigueur ont été adoptées dans les deux compétences.

Tous les éléments nécessaires sont en place et fonctionneront dès que l'on viendra à bout de l'impasse actuelle à propos de la formation de l'exécutif. Le problème en fait, c'est que le Parti unioniste ne veut pas que l'exécutif soit nommé avant que des progrès sur le désarmement ne soient accomplis, tandis que le Sinn Féin, pour sa part, prétend que l'accord ne renferme aucune condition préalable de ce genre et demande la formation immédiate de l'exécutif.

Le règlement de l'impasse actuelle dépend de l'instauration de la confiance de tous les côtés. Il est encourageant de voir que le Parti unioniste d'Ulster et le Sinn Féin ont récemment entamé un dialogue, ce qui ne peut que contribuer de manière positive à la recherche d'une solution.

Les deux gouvernements et les partis d'Irlande du Nord sont déterminés à trouver un règlement honorable de l'impasse et souhaitent progresser plus tôt que plus tard. Avec mes collègues, je reste plein d'espoir et d'optimisme, convaincu que grâce à la détermination et la bonne volonté, il est possible de surmonter les difficultés.

Il va falloir déployer beaucoup d'efforts pour parvenir à un consensus et à une solution. Les deux gouvernements ont présenté plusieurs solutions possibles à Hillsborough et, plus récemment, à Downing Street. Aucune pour l'instant n'est apparue acceptable à toutes les parties, mais la recherche d'une percée se poursuit.

Il est important pour nous de déclarer ici également que, dans la recherche de la paix en Irlande du Nord, le soutien et l'encouragement de nos amis de l'étranger nous ont touchés. Nous remercions le gouvernement et la population du Canada pour leur appui à l'égard du processus de paix. Nous sommes extrêmement reconnaissants envers le général de Chastelain et ses collègues coprésidents des entretiens multipartites, le sénateur George Mitchell et l'ancien premier ministre Holkeri, dont les efforts herculéens ont abouti à l'accord du Vendredi saint. Encore aujourd'hui, alors que nous nous trouvons au Canada, le général de Chastelain continue de travailler très activement pour faciliter la recherche d'une solution pacifique permanente.

Avant de conclure, j'aimerais exprimer la gratitude de l'Irlande envers le Canada pour son soutien dans le cadre du Fonds international pour l'Irlande. Le Fonds, créé en 1986 par les gouvernements irlandais et britannique, vise à promouvoir le progrès économique et social et à encourager les contacts, le dialogue et la réconciliation entre nationalistes et unionistes dans toute l'Irlande. La contribution du Canada au Fonds international pour l'Irlande s'élève à plus de 3,5 millions de dollars canadiens. Ces dons permettent de mettre particulièrement l'accent sur la coopération économique et la formation des jeunes. D'ici la fin de 1999, le Fonds aura permis de dépenser quelque 380 millions de livres sur 4 000 projets en Irlande du Nord et dans la zone frontalière des six comtés.

L'Irlande et le Canada ont toujours entretenu d'excellentes relations bilatérales et continuent de le faire grâce à des liens culturels, historiques et ethniques bien ancrés dont j'ai fait mention un peu plus tôt. Ces liens sont florissants tant au niveau fédéral que provincial et sont entretenus par un nombre de plus en plus important de visites officielles des deux côtés. Mme Mary McAleese, notre présidente, s'est rendue en visite officielle au Canada en octobre dernier. Elle a été ainsi le premier chef d'État de l'Irlande à faire une telle visite au Canada. Plusieurs ministres se sont rendus au Canada récemment et bien sûr, la semaine prochaine, nous allons accueillir le premier ministre Chrétien, ainsi que le ministre Marchi et plusieurs autres parlementaires.

• 1550

Madame la présidente, c'est ainsi que je termine cet aperçu de la situation actuelle en Irlande. Si vous avez des questions à poser, mes collègues et moi-même ferons de notre mieux pour y répondre.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Je crois que M. Mills aimerait commencer.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): J'aimerais vous souhaiter la bienvenue au nom des partis d'opposition de notre Parlement. Votre visite nous fait énormément plaisir.

J'ai plusieurs questions que j'aimerais vous poser.

Tout d'abord, puisque nous avons un ou deux sénateurs ici, j'aimerais connaître le mode de nomination de ces sénateurs et le genre de mandat qu'ils ont dans votre parlement.

Deuxièmement, au sommet de Cologne, l'Union européenne a décidé de nommer un commissaire chargé des affaires étrangères et des questions de politique de sécurité. J'aimerais connaître votre réaction, ainsi que les répercussions d'une telle mesure, d'après vous, et bien sûr, j'aimerais aussi connaître la position de l'Irlande à ce sujet.

Enfin, compte tenu des marches à venir et du fait que l'IRA ne soit pas encore désarmée, je me demande si, d'après vous, il existe des risques de conflit. Je sais que vous ne pourrez faire que des suppositions, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez à cet égard.

Le Président Seamus Pattison: Premièrement, en tant que président de la Chambre des représentants, je ne me permettrais pas de parler au nom de mes homologues de la Chambre haute. Je vais donc transmettre cette question sur les sénateurs au sénateur Tom Fitzgerald, qui est le whip du gouvernement au Sénat; je crois par ailleurs que le vice-président Michael O'Kennedy pourrait répondre à l'autre partie de votre question.

Tom.

Le sénateur Tom Fitzgerald (Parlement d'Irlande (Seanad)): Merci, Ceann Comhairle.

Je crois pouvoir répondre à votre question, car tout cela m'est arrivé. J'ai été battu, j'ai été élu par la population et j'ai été aussi nommé par le premier ministre.

Notre Sénat, la Chambre haute, compte 60 membres, dont 49 sont élus et 11 nommés par le chef du gouvernement. Sur les 49 élus, six sont élus par les universités—la National University et Trinity College, trois pour chaque institution. Les autres sénateurs sont élus par cinq groupes divers. J'espère pouvoir tous vous les citer. Il y a le groupe des travailleurs syndiqués et non syndiqués, le groupe de l'administration, le groupe de la culture et de l'éducation, le groupe de l'agriculture et des pêches et le groupe de l'industrie et du commerce.

Nous avons donc une élection. Lorsque le gouvernement est défait, lorsqu'il y a des élections générales, il y a également des élections au Sénat. Il y a une différence toutefois; nous restons sénateurs à moins de perdre notre siège ou jusqu'à ce que nous soyons réélus. À la Chambre des représentants, par contre, dès que les élections sont déclenchées, les députés ne remplissent plus leurs fonctions, à l'exception des ministres qui restent en place.

Le mode des élections est donc le suivant: pour commencer, chaque voix correspond à 1 000 voix. Dans mon groupe particulier, lorsque j'ai été élu, j'avais besoin de 75 000 voix pour être élu, ce qui représentait en fait 75 voix seulement. Tous les membres du Parlement, qu'il s'agisse de la Chambre haute comme de la Chambre basse, ont une voix au Sénat. Quatre municipalités—soit Dublin, Cork, Waterford, Limerick et, récemment, Galway—ont une voix, et tous les membres des groupes locaux de chaque comté ont une voix.

• 1555

Pour l'ensemble du pays, il y aurait environ 950 voix.

M. Bob Mills: Merci beaucoup.

Le sénateur Fitzgerald: La première fois, j'ai été battu, puis j'ai été élu, et la dernière fois, je faisais partie des 11 personnes nommées par le premier ministre. Comme l'a dit le Ceann Comhairle, je suis le whip en chef du gouvernement au Sénat à l'heure actuelle. J'imagine que l'on me considère comme l'un des anciens qui peut se permettre de rester encore quelque temps.

Merci.

M. Bob Mills: Merci.

M. Michael O'Kennedy (membre de la Chambre basse (Dail)): Ma situation est inhabituelle puisque j'ai commencé ma carrière à la Chambre haute, au Sénat, en 1965 et que j'ai par la suite été rétrogradé pour arriver à la Chambre basse.

Des voix: Oh, oh!

M. Michael O'Kennedy: Puis, je suis revenu au Sénat il y a quelques années avant d'être de nouveau rétrogradé.

Il est tout à fait significatif que vous vous intéressiez à la question, car dans notre constitution, la Chambre haute joue un rôle très important.

Bien sûr, il est toujours nécessaire de faire en sorte qu'aucun conflit n'éclate entre la Chambre haute et la Chambre basse, laquelle dans notre cas, comme dans le vôtre, est directement élue. Comme l'a fait remarquer le sénateur Fitzgerald, la Chambre haute n'est pas directement élue par la population, mais par un collège électoral comprenant des membres des deux Chambres ainsi que des membres de groupes locaux. Le gouvernement garantit sa majorité, puisque le Taoiseach du jour nomme directement 11 sénateurs.

C'est ce que j'ai à dire au sujet de mon expérience des deux Chambres.

À mon avis, le débat, la discussion et l'analyse au Sénat sont beaucoup plus éclairés, beaucoup plus subtils que ce qui se passe dans la Chambre basse où je me trouve maintenant depuis quelque temps.

Des voix: Oh, oh!

M. Michael O'Kennedy: Je le dis en plaisantant à moitié, mais seulement à moitié. On n'y retrouve pas le climat politique, d'opposition, même si cela est un élément nécessaire de tout débat politique.

Pour ce qui est de l'autre question que vous avez posée, comme je suis un ancien ministre des Affaires étrangères, je pense que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que j'y réponde.

En ce qui nous concerne, le rôle de l'Irlande en matière de politique étrangère a toujours été caractérisé par notre indépendance et, je crois que l'on pourrait dire, par notre neutralité. Nous ne faisons toutefois pas preuve de neutralité, et nous ne l'avons jamais fait, face au totalitarisme ou face au communisme, puisque pour nous, c'est la démocratie qui doit l'emporter. Par contre, nous avons toujours cherché à adopter une politique étrangère qui soit indépendante.

Lorsque nous nous sommes joints à la Communauté européenne en 1972 et lorsque les Irlandais ont appuyé notre décision à 83 p. 100 au référendum, ce qui représente un appui considérable, nous avons clairement indiqué aux Irlandais que nous ne nous joignions pas à un groupe de sécurité et que si c'est ce qui devait arriver, le peuple irlandais serait consulté, comme le prévoit notre constitution. C'est pour cette raison que nos divers groupes ont divers points de vue à ce sujet.

Personnellement, j'aurais des réserves si notre adhésion à l'Union européenne favorisait une politique de sécurité. M. Dick Spring, notre ancien ministre des Affaires étrangères, qui est membre du parti du président et qui a été un ministre des Affaires étrangères très distingué, a été cité comme candidat éventuel au poste dont vous parlez. Il n'a toutefois pas été surprenant d'une certaine façon de voir que nos partenaires européens ont jugé qu'il serait peut-être un peu aléatoire de nommer un Irlandais, même quelqu'un d'aussi distingué que Dick Spring, étant donné que dans le domaine de la coopération et de la consultation en matière de sécurité, ils ont des liens très clairs avec l'OTAN et que, comme vous le savez, nous ne sommes pas membres de l'OTAN.

Un dernier point avant de terminer, de façon à ce que vous puissiez nous poser des questions.

Vous devez savoir que nous jouons un rôle soutenu, tout comme vous, pour le maintien de la paix dans le monde. L'Irlande et le Canada aimeraient penser qu'ils ont beaucoup en commun dans ce domaine. Nous avons des réserves là-dessus étant donné que la sécurité de l'Union européenne est de plus en plus importante, ce qui est peut-être compréhensible compte tenu de ce qui s'est passé en Bosnie et plus récemment au Kosovo.

• 1600

M. Bob Mills: Merci beaucoup.

Le Président Seamus Pattison: Puis-je demander au député Austin Deasy de prendre la parole?

M. Austin Deasy (député du Parlement de l'Irlande (Dail)): Merci, madame la présidente.

Je suis vice-président du Comité des affaires étrangères du Parlement irlandais et membre du principal parti d'opposition.

Mon opinion sur la participation de notre pays à l'OTAN et sa neutralité est bien différente de celle des autres membres de la délégation. Je vais vous exprimer mon point de vue personnel, parce que la politique officielle de mon parti ne correspond pas à ce que je vais vous dire.

Je suis en fait fort embarrassé que notre pays ne fasse par partie de l'OTAN parce que notre adhésion à l'Union européenne il y a 26 ans nous a fait beaucoup progresser sur le plan économique. C'est une décision qui a été très profitable pour nous. Même si nous apportons notre contribution financière, j'estime qu'il est de notre devoir, compte tenu de notre position stratégique dans l'Atlantique nord, de faire partie de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord. Notre situation est centrale, comme la vôtre, de ce côté-ci de l'Atlantique. Si vous regardez une carte de l'hémisphère nord, vous constaterez que notre situation géographique est centrale pour les opérations de l'organisation.

Récemment, le Parlement a accepté que notre pays se joigne à un programme Partenariat pour la paix, qui est considéré par beaucoup d'observateurs comme une étape intermédiaire entre notre position de neutralité et celle de membre de l'OTAN.

La neutralité de notre pays est un problème très inquiétant en ce qui me concerne. Le parti des Verts, qui est beaucoup moins important en Irlande qu'en Allemagne et dans d'autres pays d'Europe, a préconisé qu'on organise un référendum sur notre adhésion au Partenariat pour la paix. Je crois que la vaste majorité des Irlandais est d'accord pour que notre pays fasse partie de ce regroupement. Je crois que les Irlandais sont aussi très nombreux à approuver notre adhésion à l'OTAN. C'est un sujet assez important pour faire l'objet d'un débat public, mais nous n'en discutons pas assez dans mon pays.

La question de la neutralité remonte à l'époque de l'occupation des six comtés du nord-est de l'île par les Britanniques. Ce fut un problème controversé jusqu'à la fin des années 60 ou le début des années 70 mais, depuis cette époque, nous sommes tous d'accord, au nord comme au sud, mais surtout nous dans le sud, pour dire que nous ne tenons pas à reprendre les six comtés du nord-est de l'Irlande par la force. Ce n'est pas notre ambition.

C'est pourquoi, à mon point de vue, notre neutralité n'existe pas vraiment. Nous ne sommes pas neutres. Je ne suis pas neutre. Je suis pro-Américains, pro-Ouest. Je prends partie pour l'OTAN dans la guerre du Kosovo. J'aurais été partisan des pays de la coalition dans la guerre du Golfe. Beaucoup d'Irlandais seraient du même avis que moi.

Beaucoup d'hommes politiques, particulièrement dans mon propre parti, même s'ils sont de mon avis, estiment que c'est une question délicate et ils n'oseraient pas demander à la population de se prononcer sur ce sujet lors d'élections générales, de peur de perdre des voix.

Pour certains, nous devons être neutres. Je ne suis pas de cet avis. Je pense que c'est illusoire.

L'autre question qui a été soulevée, et sur laquelle j'aimerais revenir, est celle de l'accord du Vendredi saint et le désarmement graduel de l'IRA, qui est déterminante dans tout le processus. Nous sommes tous des nationalistes républicains. Les parents de la plupart d'entre nous auraient fait partie de l'ancienne IRA, en 1921. Nous sommes nationalistes de nature et républicains de nature. Mais je pense que l'IRA a tort, vraiment tort, de ne pas avoir rendu les armes, parce qu'il y a de la bonne volonté de part et d'autre.

Je pense, et c'est mon avis bien personnel, que, dans l'impasse actuelle, M. Trimble, le chef du Parti unioniste d'Ulster et le premier ministre du nouvel exécutif, va bientôt se trouver dans une situation intenable, parce que la saison des défilés est sur le point de commencer en Irlande du Nord.

• 1605

La saison des défilés est très fébrile. Les Orangistes et les Protestants organisent des marches dans les districts catholiques et dans les zones névralgiques où la population est composée à la fois de Catholiques et de Protestants. C'est très inquiétant, et M. Trimble pourrait se trouver dans une position intenable; si c'était le cas, ce serait désastreux pour la solution de paix aux problèmes en Irlande du Nord. Ce serait un revers funeste.

J'aimerais que l'IRA—comme tout le monde, je pense—rende une bonne partie, sinon la totalité, de ses armes. Je ferais confiance en la bonne volonté du gouvernement britannique et à celle du sénateur George Mitchell et du général de Chastelain. Je leur ferais confiance. Mais il semble y avoir encore beaucoup de méfiance. Je trouve que M. Adams et ses collègues hésitent, tergiversent. Ils sont dans une situation difficile, comme Michael Collins, un de nos grands leaders, l'a été en 1922; s'ils cèdent, ils risquent d'être vus comme des traîtres par les membres de leur organisation.

C'est une question très délicate, pleine de dangers. Dans les situations politiques difficiles, les hommes politiques sont élus pour faire preuve de leadership et de courage. C'est une situation qui fait appel à des gens courageux prêts à prendre des décisions difficiles et je trouve qu'actuellement les responsables reculent. Si M. Trimble part et qu'un unioniste pur et dur est élu leader, nous allons reculer peut-être de 20, 25 ou 35 ans.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): D'abord, j'aimerais à mon tour vous souhaiter la bienvenue à la Chambre des communes. On est du côté de la Chambre des communes. Le Sénat est tout à côté. C'est la Chambre où ça devient rouge. Je ne sais pas, d'ailleurs, si votre Chambre haute en Irlande est semblable.

Donc, je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de mon parti et vous dire jusqu'à quel point je suis heureux de rencontrer des gens de votre république, de cette république dont il ne faut jamais oublier qu'elle nous a donné trois Prix Nobel de la littérature. Quand je pense à l'Irlande, je pense non seulement à George Bernard Shaw, mais aussi à William Butler Yeats et à Jonathan Swift. Je pense aussi à Dublin que j'ai eu la chance de visiter l'été dernier, après avoir passé quelques jours plutôt sombres en Irlande du Nord, au sein d'une délégation qui avait été témoin des marches et des parades des protestants à Porterdown et Lower Garvaghy Road.

J'ai pu constater cette énorme différence dont je parlais à M. O'Kennedy tout à l'heure entre Belfast, un ville d'Irlande du Nord, et Dublin, une ville européenne, une ville jeune, dynamique et très belle. On souhaiterait que Belfast ait le même dynamisme et le même statut. J'ai donc pu comparer deux villes d'une île dont beaucoup souhaitent que ses deux composantes soient plus proches. C'est d'ailleurs ce que voulait l'accord du Vendredi saint.

• 1610

Lorsque je pense à l'Irlande, je pense aussi à Roger Casement que vous connaissez tous et qui disait un jour:

[Traduction]

    Loyalty is all about love and not about right or law.

[Français]

J'ai toujours été très marqué par cette belle image que l'un des patriotes de votre pays, après son combat pour la liberté de la République d'Irlande, avait choisie.

Ma première question porte justement sur l'accord du Vendredi saint. L'échéance qu'a fixée le premier ministre Tony Blair pour un règlement est le 30 juin. Est-ce que cette échéance est également la vôtre, en République d'Irlande? Croyez-vous que c'est une date critique importante?

Vous ne voudrez peut-être pas me répondre parce que vous êtes aussi des hommes politiques et que vous n'aimez sans doute pas les questions hypothétiques, mais j'aimerais vous demander ce qui se passera s'il n'y a pas d'accord le 30 juin. Quelles sont vos options en République d'Irlande au sujet du processus de paix?

Ma deuxième question porte sur l'Europe, et non pas sur M. PESC. On a d'ailleurs choisi tout le contraire de quelqu'un qui était neutre en choisissant le secrétaire général de l'OTAN, parce que M. Javier Solana sera le premier M. PESC, si j'ai bien compris. J'aimerais plutôt savoir si vous êtes satisfaits de la façon dont l'union économique et monétaire est mise en oeuvre en République d'Irlande et quelles sont vos vues sur l'avenir de cette nouvelle dimension de la construction européenne.

[Traduction]

Le Président Seamus Pattison: Le député O'Kennedy va vous répondre.

M. Michael O'Kennedy: Je peux formuler des observations sur ces sujets.

Au sujet de l'échéance du 30 juin, l'accord repose sur l'entente. L'entente entre les deux gouvernements, l'entente entre le nord et le sud et l'entente dans le nord sont les trois piliers de l'accord. Évidemment, il faut prévoir des dates d'entrée en vigueur de l'accord. Comme mon collègue Austin Deasy l'a dit, nous n'avons pas encore atteint ces dates d'échéance. Mais le premier ministre britannique a fixé l'échéance de la mise en oeuvre de l'accord au 30 juin.

Il est important de reconnaître, comme vous l'avez indiqué, que personne ne veut envisager les options à ce stade. Ce n'est pas une échéance ultime ou finale, c'est plutôt la date optimale convenue entre les gouvernements et les partis politiques. Nous avons tous le sentiment que, si l'échéance est reportée, certains des éléments dont mon collègue Austin Deasy a parlé—les forces non politiques—pourraient refaire surface. Pour l'instant, nous envisageons l'échéance non pas comme une date ultime, mais comme une date cible.

C'est tout ce que je peux vous dire. Il y a deux ou trois mois, le Président de la Chambre des représentants a accueilli au Parlement irlandais le premier ministre britannique, qui s'est adressé aux députés. C'est un événement important qui aurait été impensable il y a dix ans, encore moins il y a 20 ou 30 ans. Ce qui est encore plus important, c'est que le jour où le Président de la Chambre l'a reçu, sa visite paraissait presque normale.

Les deux gouvernements et les deux Parlements sont très près d'un accord. Je suis coprésident du comité parlementaire britannique-irlandais et je vais faire en sorte de respecter l'échéance. Mais, actuellement, nous ne voulons pas envisager les options.

Pour ce qui est de votre deuxième question, au sujet de l'Union économique et monétaire, j'étais député en 1970 et j'étais membre du gouvernement quand nous sommes devenus membres de la Communauté européenne en 1972-1973.

• 1615

Nous avons toujours tenu à entretenir une solide collaboration avec nos partenaires européens, ce qui a été très utile pour nous. C'est ainsi que nous voyons nos rapports avec l'Union. En tant que petite économie ouverte, nous sommes dans une situation quelque peu vulnérable, surtout si les Britanniques n'adhèrent pas à l'Union, comme c'est le cas pour l'instant.

Nous sommes un peu inquiets que l'euro ne soit pas aussi stable que nous l'aurions tous voulu. Mais, cela dit, ce qui se passe n'est pas surprenant pour une nouvelle devise qui essaie de s'implanter à l'extérieur de l'Union, dans d'autres pays plus à l'Est. Nous sommes donc très optimistes à ce sujet.

J'aimerais vous poser une question à mon tour. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce que mon ami Austin Deasy a dit.

Vous noterez que nous vous traitons en amis, avec le respect dû à des amis, et que nous pouvons avoir des divergences d'opinions, comme il y en a dans toutes les familles.

Une des réserves exprimées par certains au sujet de l'adhésion à l'OTAN a trait à l'industrie des armements. Certains Irlandais émettent beaucoup de réserves au sujet de l'industrie des armements et l'exportation incontrôlée et illimitée d'armes. C'est ce qui nous inquiète le plus. Certains d'entre nous qui s'occupent de sécurité pensent aux conséquences que l'exportation incontrôlée d'armes pourrait avoir dans le monde. Il y a beaucoup d'opposition à ce sujet en Irlande. J'aimerais connaître l'avis du Canada. Quel est votre point de vue là-dessus?

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): J'aimerais vous proposer de donner la parole à ceux qui ne se sont pas encore exprimé. Si quelqu'un parmi nous se demandait encore d'où Brian Tobin de Terre-Neuve tenait sa volubilité... C'est très évident. Il y en a sûrement d'autres ici qui ont la parole facile, et je me demandais si quelqu'un aimerait répondre.

Je pense que c'est le secrétaire parlementaire qui pourrait vous donner la position du gouvernement à ce sujet, et je ne suis pas sûre qu'il est prêt à vous répondre.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Madame la présidente, je vais faire ce que je peux.

Le Canada prend actuellement d'importantes mesures en vue du désarmement. Notre comité a terminé, il y a quelques mois, une vaste étude sur les armes nucléaires. Naturellement, le Canada estime qu'il est dans son intérêt d'éliminer les armes nucléaires et de travailler en ce sens. À chaque étude, nous essayons de faire un pas de plus vers l'élimination. Nous proposons dans notre étude de persuader l'OTAN, le moment venu, de réviser sa position sur les armes nucléaires.

Dans notre document, nous n'avons pas employé les mots «non-usage en premier», mais une formule qui demande aux pays d'hésiter davantage à utiliser ces armes. On a soutenu—et je suis sûr que mes collègues de l'opposition vont être d'accord là-dessus—qu'une entente sur le «non-usage en premier» n'est pas plus crédible que les deux pays signataires, et qu'elle devient inutile si l'un des deux pays soupçonne l'autre de violer l'accord. Nous craignons beaucoup que ce soit ce qui se passe.

• 1620

Le ministre s'intéresse aussi au transbordement des armes légères dans les pays en guerre civile. Comme nous le savons tous, les victimes des guerres modernes sont les civils plutôt que les militaires. Il est effectivement malheureux de constater qu'en Afrique particulièrement des fusils AK-47 se retrouvent dans les mains d'enfants de 10 ans. Voilà une autre initiative.

Il y a aussi, ce dont vous êtes tous au courant, l'entreprise d'élimination des mines antipersonnel selon l'accord d'Ottawa.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci monsieur Reed.

Madame Finestone.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup.

J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue parmi nous. C'est agréable de recevoir des députés et des sénateurs. La façon dont on est choisi pour siéger dans l'une ou l'autre chambre importe peu. C'est le fait de travailler dans l'intérêt public qui est important, et l'intérêt de la population est votre objectif commun. C'est ce qui compte. Il est très important de pouvoir exprimer ses divergences d'opinions pour qu'à la fin la démocratie l'emporte, j'espère. C'est donc très agréable de vous accueillir parmi nous.

M. Turp a nommé des artistes et des écrivains irlandais de renom. Je reconnais bien sûr leur valeur, mais je dois dire que je vois les choses d'un tout autre angle. La cour arrière de ma maison donne sur une école qui porte le nom de D'Arcy McGee. Je peux donc regarder des jeunes s'amuser dans la cour d'un établissement qui rappelle la mémoire de D'Arcy McGee.

Je me suis aussi occupée du projet de Grosse-Île. Je ne sais pas si vous aurez l'occasion de vous rendre à Grosse-Île, mais j'espère que, si vous ne pouvez pas y aller cette fois-ci, vous ne manquerez pas de le faire lors de votre prochain séjour au Canada. On y rappelle les conditions très difficiles de l'arrivée au Canada d'immigrants qui ont contribué de façon remarquable à façonner notre identité et notre histoire.

Enfin et surtout, je vous invite à célébrer la St. Patrick à Montréal. À cette occasion, nous organisons un grand défilé où le vert est à l'honneur, dans les rues et sur les gens.

Vous avez parlé du voyage du premier ministre. Ma collègue Jean a essayé de convaincre le premier ministre qu'elle avait des origines irlandaises pour faire partie du voyage.

Des voix: Oh, oh!

Une voix: Elle porte du vert.

Mme Sheila Finestone: Vous êtes les bienvenus parmi nous, c'est certain, comme l'a été Mary Robinson que nous avons reçue.

Je suis heureuse que Julian ait parlé des mines antipersonnel parce que je sais que l'accord des Irlandais a été très important sur le plan du droit humanitaire international. Le transbordement des armes légères est aussi très important.

Ma question porte sur un tout autre sujet. J'ai appris que vos représentants sont élus selon une forme de représentation proportionnelle très intéressante que vous jugez excellente, et j'aimerais en savoir davantage à ce sujet. Comment procédez-vous au compte des votes, qui prend beaucoup de temps malgré le fait que le système soit très valable? Pourriez-vous m'expliquer votre mode de scrutin?

Le Président Seamus Pattison: Je vais demander au député Brian O'Shea de vous l'expliquer.

Mme Sheila Finestone: Merci.

Une voix: Il lui faudra deux jours pour réussir.

M. Brian O'Shea (député du Parlement d'Irlande (Dail)): Merci madame la présidente.

J'aimerais dire en commençant que, quand j'étudiais au collège, mon professeur nous disait que la représentation proportionnelle était le système le plus juste qui soit. C'est un système très complexe mais qui est toujours très équitable.

Il y a trois types de circonscriptions en Irlande: des circonscriptions à trois, quatre et cinq sièges. Sur le bulletin de vote, l'électeur classe tous les candidats dans l'ordre de son choix, de 1 à 6, par exemple.

Mme Sheila Finestone: Où indique-t-on le nom du parti?

• 1625

M. Brian O'Shea: À côté du nom du candidat, sur le bulletin de vote.

Une voix: Ce n'est pas un scrutin de liste.

M. Brian O'Shea: Pas comme tel. C'est un vote ordinaire.

Pour être élu, le candidat doit atteindre le quota fixé. Ce quota est calculé en divisant les bulletins valides par le nombre de candidats plus un.

Une voix: Le nombre de sièges.

M. Brian O'Shea: Pardon. Le nombre de sièges plus un. Autrement dit, dans une circonscription à trois sièges, on divise par quatre et, dans une circonscription à quatre sièges, on divise par cinq. On ajoute une voix.

Une voix: C'est compliqué.

M. Brian O'Shea: C'est très compliqué.

Si le candidat atteint le quota, il est élu. Si par exemple, au premier compte, le candidat dépasse le quota, il est élu et le surplus de voix est distribué. C'est là que les choses se compliquent.

Des voix: Oh, oh!

Mme Sheila Finestone: Je pense qu'on va s'arrêter là.

M. Michael O'Kennedy: Vous devriez venir sur place voir comment les choses se passent.

Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup monsieur O'Shea. J'aime bien notre système uninominal majoritaire à un tour, selon un régime de partis bien défini, mais j'aime toujours savoir ce qui se passe dans d'autres pays.

Pourriez-vous me dire combien de partis siègent à la Chambre?

M. Brian O'Shea: Il y en a cinq actuellement mais, dans les faits, il y a trois grands partis, étant donné qu'un parti compte deux membres et un autre, un seul.

Je crois que dans un pays où il y a des points de vue minoritaires, les petits partis sont peu susceptibles de faire élire des représentants dans le système majoritaire uninominal, ce qui empêche certains points de vue d'être représentés au parlement national.

Je dirais qu'il y a probablement un courant de pensées en Irlande qui préconiserait la représentation proportionnelle avec scrutin de liste. La représentation proportionnelle, telle qu'elle existe dans notre pays, cause un problème. Il n'existe pas tellement au sein de mon parti parce que c'est le plus petit des trois grands partis, mais le système peut provoquer une rivalité plus grande entre deux députés d'un même parti dans les circonscriptions. Ce n'est pas très sain comme situation. Si le parti obtient suffisamment de voix et que la personne en place est élue, c'est une mesure de protection qui, selon moi, permet d'avoir un meilleur gouvernement.

Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup.

Merci madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Le Président Seamus Pattison: Le député Deasy aimerait ajouter quelque chose.

M. Austin Deasy: En fait, le système est tellement compliqué que beaucoup d'hommes politiques en Irlande ne le comprennent pas.

Mme Sheila Finestone: Je ne suis pas la seule de mon espèce, c'est ce que vous voulez dire.

M. Austin Deasy: Oui. Surtout pour la distribution du surplus de voix, le système devient extraordinairement compliqué.

Comme vous, je préférerais que nous ayons un système uninominal majoritaire à un tour. Nous nous sommes tous fait élire pendant de nombreuses années selon le système en vigueur. C'est un système qui mène à l'indécision. Par là, je veux dire qu'aucun parti n'obtient une majorité absolue. Aucun parti n'a obtenu la majorité absolue depuis plus 22 ans dans notre pays, ce qui s'est avéré très déstabilisant récemment. Des coalitions se forment, qui ne sont pas naturelles, entre partis d'extrême droite et partis d'extrême gauche. Cela cause beaucoup d'instabilité. Le système uninominal majoritaire à un tour est de loin préférable, à mon avis.

J'aimerais revenir sur une question soulevée par ce monsieur au sujet de la situation en Irlande du Nord et de notre entente avec Tony Blair. Les deux premiers ministres—Tony Blair, de l'Angleterre, et Bertie Ahern, d'Irlande—ont fait des déclarations communes. Tout est fait à l'unisson. Toutes les déclarations concernant le report des échéances sont faites d'un commun accord. Les deux gouvernements ne se sont jamais entendus aussi bien depuis deux ans, particulièrement depuis l'arrivée au pouvoir du Parti travailliste en Angleterre, récemment.

Nous trouvons qu'il est très facile de travailler avec les «nouveaux Travaillistes», comme on les appelle en Angleterre. C'est très facile de s'entendre avec eux. Il n'y a aucune méfiance entre nous. Les premiers ministres assistent même ensemble aux matchs de soccer. Ce sont aussi des amis. Il n'y a pas du tout de méfiance. La méfiance existe dans les localités de l'Irlande du Nord, et pas ailleurs.

• 1630

M. Michael O'Kennedy: J'ai seulement une brève observation à faire.

Nos systèmes politiques sont deux extrêmes. Le scrutin simple, qui existe en Angleterre, en est une, parce qu'un député peut se faire élire avec, disons, 33 p. 100 des voix, et qu'on peut assister à des revirements spectaculaires, comme il s'en produit en Angleterre de temps à autre. C'est une extrême. Notre système se trouve à l'autre extrême, à vrai dire. Oui, il est équitable mais, comme Austin Deasy l'a souligné, il ne permet pas vraiment d'élire un gouvernement.

En Irlande, des représentants indépendants sont élus au Parlement parce qu'ils plaident pour ou contre l'installation d'un pylône de télévision ou la réfection des routes dans leur circonscription. Au moment où l'on se parle, trois ou quatre d'entre eux détiennent la balance du pouvoir en Irlande. C'est insensé, complètement insensé. C'est la forme la plus extrême du régime plurinominal à scrutin proportionnel. Mais, pour une raison ou pour une autre, nous avons survécu.

Pour ceux que ce régime intéresse, le nôtre se trouve être la forme extrême de la représentation proportionnelle. Si nous repensions notre système, nous choisirions peut-être le mode de scrutin uninominal à vote transférable, associé au scrutin de liste pour protéger les plus petits partis.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Nous voulions terminer à 16 h 30, mais je me demande, votre Excellence, si vous disposez de 15 minutes de plus.

Le Président Seamus Pattison: Nous ne voulons surtout pas vous retenir, mais nous sommes tout à fait prêts à rester. Nous ne voulons causer d'inconvénient à personne.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Nous aimerions poursuivre 15 minutes de plus. Merci.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci madame la présidente.

Je tiens moi aussi à vous souhaiter la bienvenue au Canada et parmi nous. Comme les autres députés ont fait des confidences sur leurs liens avec l'Irlande, je vais vous confesser que j'ai été éduquée par des soeurs irlandaises, et je pense bien que soeur Immaculata aurait été fière que je pose une question aujourd'hui.

Des voix: Oh, oh!

Mme Jean Augustine: J'ai constaté, en lisant la documentation, que 95 p. 100 de vos électeurs sont catholiques. J'aimerais savoir quel est le lien entre l'Église et l'État au sujet de problèmes avec lequel notre Parlement est aux prises, qu'il s'agisse de la définition du mot «conjoint» ou de toute une série de questions concernant les femmes. Pouvez-vous me parler du contexte social qui existe?

Je constate également que vous êtes tous des hommes, et je me demande...

M. Michael O'Kennedy: Pas encore.

Des voix: Oh, oh!

Mme Jean Augustine: Quel est le pourcentage de femmes au sein de votre caucus et de votre parti, et quelle est la participation des femmes aux débats sur les questions sociales?

Le Président Seamus Pattison: Je vais répondre à cette question.

Les choses ont bien changé depuis que je siège au Parlement. Pour ce qui est des femmes, on a déjà cité le nom de Mary Robinson, qui a été la première femme élue à la présidence de l'Irlande. À la fin de son mandat, elle n'a pas cherché à se faire réélire. On l'a nommée à un autre poste de prestige sur la scène mondiale. C'est une autre femme, Mary McAleese, qui a été élue à la présidence du pays pour lui succéder.

Au sein du gouvernement actuel, deux postes importants du cabinet, dont celui de vice-premier ministre, le Tanaiste comme on l'appelle, sont occupés par des femmes. Sur les 166 députés que compte la Chambre, il y a une vingtaine de femmes—ce qui est légèrement moins qu'à la législature précédente, mais il y a eu beaucoup de progrès dans ce domaine.

Désolé; j'aurais dû dire que trois femmes font partie du cabinet. Il n'y a que 15 postes au cabinet en Irlande et trois des postes principaux sont occupés par des femmes, y compris, comme je l'ai dit, le poste de vice-première ministre.

• 1635

Une femme siège à la Cour suprême et, sur nos 15 députés du Parlement européen, deux sont des femmes et ce chiffre va probablement augmenter à la suite des prochaines élections. Nous avons fait donc beaucoup de chemin à cet égard.

Pour ce qui est de votre autre question, même si l'on peut en parler abondamment, les choses ont changé également. Nous avons eu un référendum. Comme vous le savez, le divorce était inconstitutionnel—en d'autres termes, notre Constitution empêchait l'adoption de lois sur le divorce—mais le gouvernement, il y a quelques années, a déposé une loi de modification de la Constitution. Cette modification a été adoptée par la population et nous avons maintenant une loi sur le divorce ce qui, comme vous le savez, représente une séparation importante entre l'église et l'État.

Il y a eu d'autres questions également. À cause de notre histoire, on pouvait peut-être comprendre, au tout début de notre État, qu'il y ait un rapport étroit entre l'église et l'État. Aujourd'hui toutefois les deux côtés comprennent parfaitement bien que cela n'est pas nécessaire et l'un est complètement indépendant de l'autre. Cela fonctionne de manière satisfaisante.

M. Michael O'Kennedy: Il n'ait pas besoin de dire qu'il n'y a pas de foi ou d'église établie en Irlande. Le fait est que plus de 90 p. 100 de la population est formée de catholiques romains—tous n'étant pas pratiquants, soit dit en passant—mais il n'y a aucun lien entre l'église et l'État au niveau des lois ou d'autres choses. Par exemple, pour ce qui est des lois, l'État est bien en avance par rapport à l'église dans certains domaines et bien en retard dans d'autres. Je parle de l'église catholique; je ne devrais pas utiliser le terme «église» sans reconnaître qu'il existe d'autres églises très importantes dans notre pays.

Dans tous les cas, l'église catholique reconnaît l'annulation depuis pas mal de temps, contrairement à l'État. J'ai moi-même participé à la première affaire juridique d'annulation et nous avons obtenu un jugement d'annulation. La seule chose que je peux dire au sujet de cette affaire, c'est que nous avons fait des progrès, mais j'ose espérer que, en tant que parlementaires, nous allons déposer une loi sur l'annulation. Les tribunaux—et je parle de ma propre expérience—reconnaissent l'annulation au plan civil depuis quelque temps. La législation n'a pas encore suivi, mais je pense que ce n'est qu'une question de temps.

Mme Jean Augustine: L'autre question qui nous intéresse ici de très près, c'est la définition de «conjoint», la question des droits des homosexuels, etc.

M. Michael O'Kennedy: À ce sujet, voilà ce que je peux vous dire. On pourrait croire que nous voulons passer pour des personnes vertueuses, etc., mais ce n'est pas ce que je veux dire. Il y a longtemps, au début du siècle, les femmes étaient secondaires par rapport aux hommes en ce qui concerne les droits patrimoniaux; en effet, en vertu de la loi sur les successions, les femmes occupaient la seconde place, mais tout cela a changé en 1957, lorsque le Married Women's Status Act a accordé les mêmes droits aux femmes qu'aux hommes.

Pour ce qui est de la garde d'enfants en cas de séparation ou de divorce, auparavant l'homme avait le premier choix—il y a très longtemps—mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Je suis heureux de pouvoir dire que nous sommes devenus encore plus éclairés à cet égard. Nous ne parlons plus du tout de droit du conjoint ou de la conjointe en matière de garde d'enfants, mais prenons exclusivement en compte le bien-être des enfants. C'est la seule chose qui guide les tribunaux dans leurs décisions.

Un des deux parents n'a absolument pas le droit de contester le jugement en invoquant son droit qui serait distinct de celui de son conjoint. Les tribunaux ne vont pas écouter de tels arguments, heureusement. Nous avons donc fait de très grands progrès en Irlande sur ces deux points.

Mme Jean Augustine: Merci.

• 1640

M. Austin Deasy: Ce qu'a dit Jean s'appliquait parfaitement bien à l'Irlande: l'église catholique et l'État ne faisaient qu'un. C'était la réalité jusqu'à il y a 10 ou 15 ans, mais ce n'est plus le cas. L'église s'est opposée à la légalisation de la contraception et du divorce et comme Michael l'a dit, elle a été battue sur ces deux points.

Par ailleurs, je crois qu'elle est tombée en défaveur et qu'elle a été en déroute à cause de beaucoup de cas de violence à l'égard des enfants auxquels des gens de l'église se sont trouvé mêlés.

M. Michael O'Kennedy: Cela remonte à déjà 30 ans, mais apparaît au grand jour seulement maintenant.

M. Austin Deasy: Oui, c'est en train de faire surface maintenant.

Certaines personnalités importantes de l'église catholique d'Irlande ont également fait preuve d'hypocrisie à propos de questions au sujet desquelles elles faisaient la morale. Cela a sapé leur autorité morale.

En tant que politiciens, nous nous considérons aujourd'hui tout à fait indépendants. La plupart des politiciens et près de la moitié de la population d'Irlande sont des catholiques pratiquants. Ce n'est pas mon cas, mais cela ne change absolument rien au moment des élections. Je pense que cela répond à votre question. Nous pouvons être parfaitement indépendants dans nos déclarations, qu'elles empiètent sur les opinions de l'église ou non, et cela ne nous empêche absolument pas de survivre.

Par conséquent, le règne de l'Immaculée Conception est terminé.

Des voix: Oh, oh!

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je ne pense pas que quiconque ait le monopole de l'hypocrisie, et il est toujours bon de l'entendre dire.

Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.

Permettez-moi également de vous souhaiter la bienvenue dans notre pays.

J'ai une suggestion à faire. Vous avez parlé du grand nombre de partis. Or, le même problème se pose au Canada, comme vous le savez, puisque nous avons cinq partis officiels. Il a été question ici d'un rassemblement de divers partis; c'est une solution de rechange que vous pourriez peut-être envisager.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Il y a toutefois une différence. En Irlande, un ou deux députés peuvent former un parti, tandis qu'ici, il faut un nombre minimum de députés pour le faire.

M. John Cannis: C'est exact.

Une telle réalité me dérange toujours, car elle peut déstabiliser n'importe quel pays. Tout en vous écoutant, je me suis fait la réflexion suivante: «Comment peuvent-ils gouverner ce pays?» Je le dis avec beaucoup de respect à votre égard. En Italie, par exemple, il y a un nouveau gouvernement tous les ans ou tous les six mois, ce qui ne peut que créer le désordre.

Je voulais vous poser une question. En 1993 ou 1994, je crois, vous vous êtes lancés dans un programme d'infrastructure, si je ne me trompe pas. Je me demande si vous pouvez nous en parler et nous indiquer les résultats obtenus, les succès et les échecs de ce programme d'infrastructure. Avez-vous envisagé la phase deux ou êtes-vous en train de le faire?

Comme vous le savez, en 1993, nous avons parlé d'un programme d'infrastructure qui a donné de très bons résultats dans tout le pays et nous avons créé un triple partenariat entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. Pouvez-vous établir la comparaison entre votre programme et le nôtre ainsi qu'entre les résultats obtenus?

J'ai enfin une dernière remarque. Vous avez indiqué que M. Blair, le premier ministre, est un supporter de soccer. Je me demande ce que vous avez à dire au sujet de ce que j'ai récemment appris, à savoir que l'équipe yougoslave n'a pas été autorisée à jouer contre l'équipe irlandaise. Pourquoi la politique s'infiltre-t-elle dans le monde du sport? C'est vraiment malheureux.

M. Michael O'Kennedy: Je suis certainement prêt à répondre à ce dernier point et certains de mes collègues pourront répondre aux autres parties de votre question.

M. John Cannis: Le programme d'infrastructure est ce qui m'intéresse le plus, en réalité.

M. Michael O'Kennedy: Pour ce qui est de l'équipe yougoslave, nous avons adopté une position de principe—vous en ferez ce que vous voudrez—à propos de plusieurs questions du même genre qui, de temps à autre, se sont posé.

Lorsque j'étais ministre des Affaires étrangères en 1977-1979, la plus grande injustice probablement connue à l'époque était celle du régime de l'apartheid qui condamnait littéralement certaines personnes à être des citoyens de deuxième ordre. Nous n'avons jamais pu l'accepter.

Nous préférons aussi que la politique ne s'infiltre pas dans le sport, mais à cette époque, la principale compétition de la Coupe du monde du golf devait se tenir en Irlande. Je me suis adressé au gouvernement en 1978 pour lui demander—cela fait déjà longtemps—de retirer son appui à cette compétition de la Coupe mondiale de golf en Irlande—or, cela nous aurait donné un bon coup de pouce à l'époque—car nous pensions ne pas avoir le droit d'indiquer de quelque manière que ce soit que nous étions d'accord pour qu'une équipe sportive représentant un régime qui refusait les droits les plus fondamentaux à l'époque y participe. Je veux parler du droit à la vie, du droit aux privilèges dont nous bénéficions tous. Notre position n'a pas changé, ce qui explique ce que vous avez récemment observé.

• 1645

L'Irlande, comme vous le savez, est un pays à vocation sportive. Nous aimons le sport et nous attendions ce match avec impatience; la plupart d'entre nous y seraient allés pour encourager l'équipe irlandaise. Fait important, tous les membres du Dail, 90 p. 100 des députés, pensaient la même chose: la décision du gouvernement de ne pas accorder les visas, au cas où les organisations de soccer ne feraient pas le nécessaire elles-mêmes, était la bonne.

Nous ne pouvions envisager de disputer un match sportif avec une équipe représentant un régime littéralement engagé dans une campagne de génocide. Cela serait totalement contraire à nos convictions.

Peut-être que Brian ou quelqu'un d'autre pourrait répondre aux autres points, mais je peux dire que sur ce point là, notre position reste inébranlable.

M. Brian O'Shea: Madame la présidente, j'aimerais faire une brève remarque au sujet de la décision du gouvernement, décision que j'appuie et que j'ai en fait demandée au Parlement mardi dernier. L'équipe yougoslave de soccer a des liens très forts avec les politiciens et les forces militaires de ce pays, si bien qu'elle ne se contente pas uniquement de faire du sport.

Je suis fermement convaincu, et je l'ai toujours été, que la politique et le sport sont distincts, mais cette situation était bien sûr tout autre. Je crois que le gouvernement a fait ce qu'il fallait faire et a ainsi affirmé sa position politique.

Vous avez posé une question au sujet des fonds que l'Union européenne a injectés dans le programme d'infrastructure de l'Irlande—soit près de 8 milliards de livres. Entre 1994 et 1999, un programme de développement de l'infrastructure a été mis en place. Une grande partie des fonds devait permettre de réduire le déficit au niveau de l'infrastructure et aussi aplanir les difficultés que nous avons en tant que pays insulaire en ce qui concerne le transport de nos marchandises jusqu'aux marchés européens.

Notre réseau routier et notre réseau portuaire ont été bien servis par ce programme. Une partie importante de ces fonds a également été investie dans les ressources humaines pour en relever le niveau de compétence, puisque c'est un problème auquel nous sommes confrontés dans le contexte de notre développement économique. Dans certains domaines, nous ne pouvons pas trouver le personnel nécessaire et des gens d'autres pays de l'Union européenne viennent effectivement nous prêter main-forte.

Nous avons récemment négocié une nouvelle tranche de ces fonds structurels. À cause de son développement économique depuis 1994, l'Irlande n'est pas admissible au même niveau de financement, sauf dans le cas de 13 comtés sur 26, gravement sous-développés à l'heure actuelle, mais je ne vais pas me lancer dans le débat national de l'Irlande à ce sujet. Bien entendu, nous recevons moins de fonds maintenant, mais il y a encore fort à faire au niveau de notre infrastructure. Ces fonds nous ont certainement beaucoup aidés jusqu'à présent.

M. John Cannis: Merci.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Avez-vous une question rapide à poser, monsieur Turp?

[Français]

M. Daniel Turp: Tout à l'heure, j'ai été un petit peu surpris, sans trop l'être, d'apprendre la difficulté que votre pays éprouvera face à une éventuelle politique de défense commune au sein de l'Union européenne. Cela doit vous inquiéter, d'autant plus qu'il y a quelques jours à peine, le nouveau président de la Commission européenne a même dit que l'Europe devait avoir une armée.

Si tel est le cas, quelle sera la position de la République d'Irlande au sujet d'une éventuelle force armée européenne au sein de l'Union européenne, qui pourrait prendre la relève, à bien des égards, de l'Union de l'Europe occidentale? Quelle est votre position sur l'existence ou non d'une politique de défense commune avec une armée européenne?

[Traduction]

M. Michael O'Kennedy: Eh bien, vous touchez un point très sensible, comme vous pouvez vous en douter. D'après ce que vous nous avez entendu dire ici, vous pouvez imaginer qu'il va s'agir d'une brûlante question politique.

• 1650

Pour commencer, lorsque nous nous sommes joints à la Communauté européenne, il a toujours été dit que nous ne nous joignions pas à une communauté qui aurait pris des engagements en matière de défense; rien dans les traités ne faisait état de tels engagements et, si l'on devait conclure un traité ou accepter un engagement en matière de défense, il faudrait tout d'abord modifier lesdits traités; par ailleurs, nous ne pouvons le faire sans consulter les Irlandais par le biais d'un référendum.

Je n'ai absolument aucun doute quant à ce deuxième élément, il faudrait certainement tenir un référendum, car les Irlandais n'ont jamais appuyé une politique de défense commune. Ce qu'ils décideront est une autre affaire, mais je crois que beaucoup seraient d'avis que les traités de l'Union européenne que nous avons signés ne renferment aucune obligation en matière de défense.

Il va donc, très certainement, s'agir d'une question fort délicate pour nous. Dans tous les autres domaines, nous sommes des membres de l'Union européenne sans aucune réserve et cela a toujours été le cas.

Pour ce qui est de la question de défense, nous aurons quelques difficultés et il faudra beaucoup débattre avec nos partenaires et faire preuve de compréhension mutuelle si une telle proposition est faite.

M. Austin Deasy: Notre premier ministre est revenu du sommet de Cologne en fin de semaine et a déclaré qu'il n'était absolument pas question que l'Irlande participe à l'armée européenne dont vous parlez. Je ne crois pas que cette position soit défendable.

A l'heure actuelle, l'Union européenne examine les demandes d'adhésion de plusieurs pays comme la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et l'Estonie. Il y aura ensuite la Roumanie, la Bulgarie, Chypre, Malte et d'autres. La Hongrie, la Pologne et la République tchèque sont absolument ravies de devenir membres de l'OTAN—c'est d'ailleurs chose faite.

Vous reliez tout ceci à ce qu'a dit l'autre monsieur au sujet des fonds du programme d'infrastructure. Nous ne pouvons nous attendre à bénéficier d'un traitement préférentiel de la part de l'Europe en ce qui concerne de tels fonds si nous ne contribuons pas à l'effort militaire. C'est mon point de vue. C'est tout simplement une question pratique. Il va falloir changer d'attitude et contribuer à la défense de l'Europe si l'on veut profiter des avantages économiques.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

C'est avec grand plaisir que nous vous avons reçus au comité. A en juger par l'attitude de mes collègues, mon père avait bien raison lorsqu'il disait: «Il n'y a que deux peuples au monde: les Irlandais et ceux qui veulent l'être.»

Cette séance a été très instructive.

M. Graham va arriver et je lève donc la séance; peut-être que les membres du comité qui n'ont pas eu l'occasion de poser leurs questions peuvent les poser maintenant de façon non officielle. Merci encore.

La séance est levée.