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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 12 décembre 1995

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

COMITÉS DE LA CHAMBRE

FINANCES

LA LOI RÉGLEMENTANT LES PRODUITS DU TABAC

    Projet de loi C-117. Adoption des motions de présentationet de première lecture 17545

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

PROJET DE LOI C-110-MOTION D'ATTRIBUTION DE TEMPS

    Adoption de la motion 151 voix contre 89 17546

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 17547

LA LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

    Projet de loi C-110. Reprise de l'étude à l'étape durapport des motions nos 1 et 2 17547
    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 17547
    M. Peric
    17550
    M. Mills (Red Deer) 17555
    M. Speaker (Lethbridge) 17565

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 17566
    Adoption de la motion 17566

LA LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

    Projet de loi C-110. Reprise de l'étude à l'étape durapport des motions nos 1 et 2 17566

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LOI SUR LES ESPÈCES EN VOIE DE DISPARITION

LE DÉPUTÉ DE CHURCHILL

LES SONDAGES

LES DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

LE REGRETTÉ HARRY CAVERS

L'UNITÉ NATIONALE

LA LOI SUR LES BANQUES

LES ENFANTS VICTIMES DE LA GUERRE

LES NOMINATIONS FAITES PAR LE GOUVERNEMENT

LE PARC INTERNATIONAL DE LA PAIX WATERTON GLACIER

LE SECTEUR DE L'ASSURANCE

LE CARACTÈRE DISTINCT DU QUÉBEC

L'AGRICULTURE

    M. Chrétien (Frontenac) 17575

LES PÉNITENCIERS

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 17575

LE CARACTÈRE DISTINCT DU QUÉBEC

    Mme Ringuette-Maltais 17575

LE PARTI RÉFORMISTE

QUESTIONS ORALES

LES RÉFÉRENDUMS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17576
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17576
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17576

LE CANADIEN NATIONAL

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17577
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17577
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17577

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17578
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17578

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17578
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17579

LA PUBLICITÉ SUR LES PRODUITS DU TABAC

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17579
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17580

LA CONSTITUTION

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 17580
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17580
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 17580
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17580

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 17580
    M. Martin (LaSalle-Émard) 17581

LA PROGRAMME DE LA PRESTAION FISCALE POUR ENFANTS

RADIO CANADA INTERNATIONAL

    Mme Gagnon (Québec) 17581
    Mme Gagnon (Québec) 17581

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 17581
    M. Martin (LaSalle-Émard) 17582

LA JOURNÉE NATIONALE DES AUTOCHTONES

    M. Harper (Churchill) 17582

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 17582

LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 17582
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 17583

WEI JINGSHENG

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LES VOIES ET MOYENS

AVIS DE MOTION

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

    projet de loi C-110. Reprise de l'étude à l'étape durapport des motions nos 1 et 2 17583
    M. Leblanc (Longueuil) 17585
    M. Breitkreuz (Yellowhead) 17595
    Mme Gagnon (Québec) 17596
    M. Harper (Simcoe-Centre) 17600
    Report du vote sur la motion no 1 17601
    Report du vote sur la motion no 2 17601
    Rejet de la motion par 45 voix contre 196. 17601
    Rejet de la motion no 1 17602
    Adoption de la motion par 164 voix contre 77 17602
    Adoption de la motion 17603
    Motion d'approbation 17603
    Adoption de la motion par 147 voix contre 95 17603
    Adoption de la motion 17604

LA LOI NATIONALE SUR L'HABITATION

    Projet de loi C-108. Motion de troisième lecture 17604
    Mme Gagnon (Québec) 17606

LOI SUR LES PRÊTS AUX PETITES ENTREPRISES

    Projet de loi C-99. Motion de troisième lecture 17610
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 17610
    Adoption de la motion; troisième lecture et adoptiondu projet de loi 17613

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS RECUEILLIS PAR CERTAINES PERSONNES MORALES

    Projet de loi C-315. Reprise de l'étude de la motionde deuxième lecture 17613
    Adoption de la motion 17615
    Report du vote sur la motion 17620

MOTION D'AJOURNEMENT

LE CODE CRIMINEL

L'ASSURANCE-MALADIE


17545


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 12 décembre 1995

La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.

* * *

[Traduction]

COMITÉS DE LA CHAMBRE

FINANCES

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, conformément à son mandat établi en vertu de l'article 83(1) du Règlement, le comité des finances dépose maintenant son rapport provisoire à la Chambre.

* * *

LA LOI RÉGLEMENTANT LES PRODUITS DU TABAC

L'hon. Jon Gerrard (pour la ministre de la Santé, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-117, Loi modifiant la Loi réglementant les produits du tabac.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le président suppléant (M. Kilger): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

PROJET DE LOI C-110-MOTION D'ATTRIBUTION DE TEMPS

L'hon. Alfonso Gagliano (secrétaire d'État (Affaires parlementaires) et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) propose:

Que relativement au projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, au plus un jour de séance supplémentaire soit accordé aux délibérations à l'étape du rapport et un jour de séance soit accordé aux délibérations à l'étape de la troisième lecture; et que 15 minutes avant l'expiration du temps prévu pour les affaires émanant du gouvernement au cours du jour de séance attribué pour l'étude à l'étape du rapport et au cours du jour de séance attribué pour l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi, toute délibération devant la Chambre soit interrompue, s'il y a lieu, aux fins de cet ordre et, par la suite, toute question nécessaire pour disposer de l'étape à l'étude à ce moment soit mise aux voix immédiatement et successivement, sans plus ample débat ni amendement.
[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

(1010)

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

M. Epp: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je demande qu'on vérifie s'il y a quorum.

Le président suppléant (M. Kilger): Oui, il y a quorum.

Convoquez les députés.


17546

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 396)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bellemare
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chan
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Crawford
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Finestone
Finlay
Fontana
Fry
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gerrard
Godfrey
Goodale
Gray (Windsor West/Ouest)
Grose
Guarnieri
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jordan
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
Maclaren
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
Nunziata
O'Brien
O'Reilly
Ouellet
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Scott (Fredericton-York-Sunbury)

Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Speller
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Tobin
Torsney
Ur
Valeri
Vanclief
Verran
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Young
Zed-151

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Asselin
Bachand
Bellehumeur
Benoit
Bernier (Gaspé)
Blaikie
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brien
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Caron
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Gagnon (Québec)
Gauthier
Gilmour
Godin
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West/Ouest)
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jacob
Johnston
Kerpan
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Lefebvre
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McLaughlin
Ménard
Mercier
Meredith
Mills (Red Deer)
Nunez
Penson
Picard (Drummond)
Ramsay
Riis
Ringma
Rocheleau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Taylor
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Venne
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams -89

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Blondin-Andrew
Bouchard
Canuel
Copps
Culbert
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leroux (Richmond-Wolfe)
MacAulay
Marchand
Paré
Pomerleau
St-Laurent
St. Denis
Szabo

(1050)

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion adoptée.

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je crois que vous constaterez qu'il y a consentement pour que la motion suivante soit présentée. Je propose:

Que nonobstant tout article du Règlement ou ordre spécial, la période réservée aux Ordres émanant du gouvernement se termine à 17h15 le mercredi 13 décembre 1995.
Il y a eu des discussions entre tous les partis, et je crois que la Chambre consent à adopter cette motion à l'unanimité.


17547

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre a pris connaissance du contenu de la motion. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1055)

Mme Payne: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je suis arrivée juste un petit peu après le vote. J'ai été retardée pour des raisons indépendantes de ma volonté. Si j'avais été présente, j'aurais voté dans le sens de mon parti.

* * *

LA LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 11 décembre, du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, dont le comité a fait rapport sans propositions d'amendement, ainsi que des motions nos 1 et 2.

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part aujourd'hui au débat sur la question du droit de veto du Québec aux modifications de la Constitution canadienne et d'expliquer pourquoi la Chambre devrait reconnaître cette réalité.

Durant la campagne référendaire, beaucoup de Canadiens craignaient que le oui ne l'emporte, mais reconnaissaient cependant le droit des Québécois à décider de leur propre destin.

Malheureusement, des partisans du camp du oui ont qualifié d'ambivalent ce respect du droit des Québécois à disposer d'eux-mêmes. Quand les beaux discours sur l'indifférence du reste du Canada se sont multipliés, les Canadiens ont été invités à manifester leur engagement envers un Canada uni, un engagement, j'ajouterais, dont je n'ai jamais douté.

L'expression de cet engagement fait partie de l'ensemble des mesures proposées par le premier ministre dans une résolution qui reconnaît au Québec le statut de société distincte, qui confère à cette province, ainsi qu'aux autres régions du pays, un droit de veto à toute modification constitutionnelle et qui précise les rôles et les responsabilités concernant la formation de la main-d'oeuvre et la prestation des programmes.

Le premier ministre a raison de prendre cet engagement qui est particulièrement opportun, car le Canada est en train de changer. Il changeait déjà avant le référendum, il changeait encore pendant le référendum et il continuera de changer. C'est naturel. Nous devons tous nous rendre compte que rien n'est jamais fini. Un pays vit, change et évolue. C'est naturel, c'est le progrès, c'est parfois gênant.

Dans ce cas, il n'est pas sage d'essayer de dire exactement quand cette question sera réglée. Elle ne se réglera pas, et c'est normal. Il y a une évolution saine, moderne et nécessaire, qui continuera avec le temps.

Cette perspective est nettement différente de celles de l'opposition officielle et du troisième parti. De toute évidence, leur programme politique consiste à continuer à faire monter les enjeux et à présenter, aux dépens du reste du pays, des demandes dans leur propre intérêt et avec des calendriers serrés. Cela me déçoit.

De ce côté-ci, c'est une préoccupation véritable envers le Canada qui guide notre conduite. Selon moi, le fait que nous réussissions à aller de l'avant avec détermination, malgré la présence de ces deux partis-l'un voulant la séparation et l'autre étant ambivalent à ce sujet-témoigne de notre force en tant que nation.

Dans l'ensemble, la reconnaissance officielle du Québec comme une société distincte devrait être chose faite depuis longtemps. Nous officialisons une caractéristique du Canada qui est tout à notre avantage ainsi qu'une réalité historique. Le Canada est unique au monde par sa nature multiculturelle, la reconnaissance historique de nos nations autochtones fondatrices et de nos deux plus récents peuples fondateurs. Nous pouvons ainsi évoluer constamment au fil des changements qui s'opèrent dans ces différentes relations.

Notre parti appuie depuis longtemps le droit de veto du Québec. Nous sommes allés encore plus loin en offrant un droit de veto semblable à la région de l'Atlantique, à l'Ontario et à l'Ouest. Dernièrement, nous avons aussi accordé ce droit à la Colombie-Britannique. Ces droits de veto régionaux montrent bien la volonté de notre gouvernement d'obtenir un large consensus sur les enjeux constitutionnels.

En offrant un droit de veto à la Colombie-Britannique, le premier ministre a agi en chef de file. Il a ainsi mis en valeur la souplesse et la volonté du gouvernement de rendre des comptes. Comme il était évident que la Colombie-Britannique se sentait incomprise et mal reconnue, le premier ministre a prêté une oreille attentive et réagi rapidement. C'est une étape importante de notre évolution que de reconnaître ce droit comme un fait au même titre que la société distincte du Québec.

Pour sa part, le chef du troisième parti n'a pas saisi l'occasion de faire une proposition au comité. Il n'a même pas pris la parole une seule fois à la Chambre pour réclamer un droit de veto pour la Colombie-Britannique. Ceux qui croient que le troisième parti représente les intérêts de l'Ouest verront peut-être dans cette négligence flagrante la preuve que le parti au pouvoir et notre caucus sont à l'écoute et attentifs aux besoins de toutes les régions de notre pays. J'aimerais féliciter mes collègues de la Colombie-Britannique qui ont su représenter leurs électeurs, faisant en sorte que cet important amendement soit apporté à la proposition originale.

(1100)

Certains disent que le gouvernement n'est pas allé assez loin en se contentant d'adopter une résolution. Ce qu'ils oublient de signaler, c'est l'effet qu'ont eu plusieurs résolutions dans le passé, notamment la résolution de 1968 concernant les langues officielles, la résolution de 1973 affirmant la dualité linguistique et la résolution portant sur la langue de travail dans la fonction publique fédérale.

Venant du Nouveau-Brunswick, je suis très conscient de l'impact de toutes ces résolutions, non seulement sur notre pays, mais aussi sur la façon dont notre pays opère au sein de notre province. Ceux qui aimeraient nous faire croire qu'Ottawa se contente de lancer un os au Québec, évitant ainsi de s'attaquer avec sérieux au dossier, ont eux-mêmes des motifs douteux.

Bien sûr, le Bloc ne peut accepter que cette résolution soit sérieuse, car s'il admettait que le Canada peut fonctionner, il se


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couperait l'herbe sous les pieds. Il est trop facile de montrer Ottawa du doigt, l'accusant de ne pas en faire assez, alors que nous offrons au Québec exactement ce qu'il réclame depuis longtemps, et à juste titre.

L'attitude du Bloc est-elle du genre qui a réellement à coeur les intérêts du Québec et de tous les Québécois, quelle que soit la langue qu'ils parlent? Je pense que nous connaissons la réponse à cette question.

Le Canada, ce n'est pas seulement Ottawa et le Québec. Il existe, au-delà du Québec, un certain nombre de réalités avec lesquelles il faut composer. Dans les provinces de l'Est, on trouve des poches de résistance loyaliste dans des régions riches en histoire. Les provinces de l'Ouest comptent beaucoup de nouveaux Canadiens aux riches influences et traditions multiculturelles. Rassembler ces régions, tel est notre défi, un défi que nous saurons relever, j'en suis convaincu.

À ceux qui définissent étroitement les intérêts régionaux je dirais simplement ceci: Quelle région s'en tirera mieux dans un pays brisé? Nulle région du Canada ne profitera de la sécession du Québec. On sait quel parti politique y trouvera son compte, et c'est ce qui me déçoit.

Il faut poursuivre le débat. Le premier ministre a invité les Canadiens à parler à leur pays et de leur pays, et ce, non pas de façon très structurée et guindée, mais en s'inspirant du rallye du 27 octobre.

Nous devons reconnaître la nécessité d'aller de l'avant au lieu de s'enfermer dans le passé. Nos efforts doivent viser à construire le Canada, non pas à le détruire. Ce débat porte sur les valeurs que sont l'équité et l'acceptation et qui sont essentielles à la résolution du problème.

Je voudrais signaler la tenue d'un débat, il y a deux semaines, dans ma circonscription. Son thème: l'unité canadienne. Bien des gens en ont profité pour exprimer leurs points de vue sur la question. Je tiens à féliciter les organisateurs et signaler certaines suggestions qui y ont été faites.

L'idée d'intensifier le dialogue entre les Canadiens vivant au Québec et ceux d'ailleurs est revenue à plusieurs reprises, tout comme celle d'enseigner davantage l'histoire et les traditions de chacun. Quelqu'un s'est dit d'avis que l'information était trop filtrée par les médias et les politiciens, et un autre a insisté sur la nécessité de valoriser davantage l'interdépendance économique.

Je tiens à remercier le député de Brome-Missisquoi qui a bien voulu se rendre à Fredericton pour participer à ce débat public. Son intuition a été très utile durant le débat et sa vision des choses nous a éclairés. Ce forum était la suite logique du rassemblement de Montréal où des centaines d'électeurs de ma circonscription étaient présents. Ils ont fait un trajet de dix heures en autocar à l'aller et au retour pour manifester leur profond désir de voir le Québec demeurer au sein du Canada.

Lorsqu'on m'a demandé de prendre la parole à la Chambre durant la première semaine de débat sur cette question, j'ai cru bon d'attendre que mes électeurs me donnent leur opinion sur cette fin de semaine de rassemblement avant de faire valoir leur point de vue. Je suis heureux de leur participation et j'espère que j'ai bien fait comprendre à la Chambre l'ampleur de leur engagement envers le Canada.

En terminant, je voudrais féliciter le premier ministre pour son intégrité et sa grande vision du Canada. Je ne suis pas surpris qu'il ait agit si rapidement. Je l'appuie entièrement. Je me sens davantage Canadien depuis que nous avons exprimé une réalité qui fait du Canada un si magnifique pays. Je suis très heureux d'appuyer la résolution et je termine en paraphrasant lord Acton: «Un État incapable de satisfaire les différences se condamne lui-même.» Notre intention n'est pas de condamner, mais plutôt de construire.

(1105)

[Français]

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi qui est devant nous s'inscrit dans la démarche du gouvernement pour rencontrer les promesses du premier ministre effectuées lors du rassemblement du camp du non à Verdun. Ces promesses ont été faites lors des derniers moments de la campagne référendaire alors que, depuis près de deux ans, le gouvernement fédéral se cantonnait dans un refus systématique de discuter de toute question constitutionnelle.

Seule la progression phénoménale du oui a forcé le premier ministre à sortir de sa léthargie constitutionnelle pour offrir aux Québécois un espoir de réforme et de satisfaction aux revendications traditionnelles du Québec.

Mais les Québécois ne sont pas dupes. Tout nous indique maintenant que les offres présentées par le premier ministre ont été déposées en catastrophe. Exemple, convocation de la presse à la dernière minute. Le comité bidon du ministre des Affaires intergouvernementales n'avait même pas terminé sa réflexion.

Le caucus libéral n'avait pas été non plus consulté et n'a été mis au courant qu'après la conférence de presse du premier ministre. Enfin, les offres présentées sont loin de faire l'unanimité parmi les autres provinces. Il s'agit d'une piètre improvisation qui démontre qu'une certaine panique s'est installée au sein du Cabinet devant les contestations du leadership du premier ministre.

L'accueil manifesté par de nombreux acteurs sur la scène politique canadienne et surtout québécoise relativement à la proposition du droit de veto régional a été extrêmement froid et probablement désolant pour le gouvernement libéral. Comment expliquer la levée d'un tel tollé de désapprobations aux propositions du premier ministre?

Alors que l'Accord du lac Meech offrait à toutes les provinces un droit de veto sur les changements constitutionnels, notamment ceux relatifs aux institutions fédérales, voilà que le premier ministre ressort une vieille formule d'amendement qui date des années 1970, émanant de la Charte de Victoria, avec une seule petite modification sur le pourcentage de population exigé par les provinces maritimes. Dans le reste du Canada, les réactions ne sont pas tellement différentes. Les réactions au Canada anglais sont vives à cette proposition émanant d'un passé lointain que l'on croyait, à notre grand bonheur, oublié.

Tout d'abord, les deux premiers ministres des provinces les plus populeuses de l'Ouest se sont opposés vivement à cet offre.M. Harcourt, de la Colombie-Britannique, ne se montre guère enthousiaste au projet, et plusieurs intellectuels de cette province vont jusqu'à avancer que le premier ministre fera naître un mouvement séparatiste en Colombie-Britannique. Pour vous montrer comment ce droit de veto est lourd et difficile à accorder, le premier


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ministre s'est immédiatement tourné de bord et a promis à la Colombie-Britannique qu'elle aurait aussi son droit de veto. Cela n'a pas pris 24 heures qu'on en a accordé un autre. Si vous en voulez, des droits de veto, le premier ministre en a un plein tiroir et il pourra en donner à tous ceux qui chialeraient un petit peu et qui ne seraient pas satisfaits de ses propositions.

Un tel droit de veto n'est pas ce que réclamait le Québec. On a eu la même réaction du premier ministre Klein de l'Alberta, qui n'aime pas du tout l'idée que l'Ontario ait un droit de veto tandis que trois provinces de l'Ouest devraient s'en partager un. Il soutient que ceci est injuste pour l'une des trois provinces les plus riches du Canada et une des provinces qui voit sa population augmenter le plus rapidement. Nul besoin de rappeler la position du Parti réformiste, qui s'oppose à tout privilège particulier pour une province et qui ne veut rien reconnaître au Québec, pas même une certaine société distincte symbolique et vide de sens, sans aucune valeur juridique.

(1110)

Au Québec, les réactions ont aussi été très vives. Le premier ministre soutenait dans une de ses allocutions que les Québécois se reconnaîtraient dans ces propositions et qu'elles répondraient aux aspirations des Québécois. Visiblement, le premier ministre ne parle pas du même Québec que le nôtre.

Par ses propos, comme ceux utilisés durant le référendum, le premier ministre nous démontre qu'il ne connaît plus le Québec et que, probablement, le fait de vivre depuis déjà plus de 30 ans à Ottawa l'a probablement complètement déconnecté de la réalité québécoise.

Avec ses propositions pour satisfaire les Québécois, il a commis la grossière erreur de vouloir ménager le chou et la chèvre. À donner des demi-mesures à tout le monde, il a fini par ne satisfaire personne.

La plupart des partis politiques québécois ont eu soit des réactions très négatives ou des insatisfactions à l'égard des propositions, ou encore des refus complets.

Quand le feu prend au Québec, les autres provinces s'énervent. On vient montrer au Québec un arsenal de boyaux d'arrosage en nous disant qu'on peut maintenant être en sécurité, se sentir plus protégés par les autres provinces puisque devant le feu, voici qu'on nous offre des boyaux d'arrosage. On a oublié que dans ces boyaux ont n'avait pas mis l'eau nécessaire pour éteindre les feux. On nous offre un semblant de protection, alors que le Québec demande des réalités.

Comme je disais hier à un collègue, on demande la reconnaissance d'un cheval et on nous accorde une reconnaissance d'un petit poney. Un cheval, ça tire plus fort qu'un poney. Et le Québec prétend qu'il a cette force, il prétend qu'il est puissant et ne veut pas être reconnu comme un petit, faible et désavantagé.

L'Action démocratique de M. Dumont soulève également que ce ne sont pas de simples motions ou de projets de loi que les Québécois veulent, mais bien des réformes constitutionnelles réelles.

Le Parti québécois et également le Bloc québécois ont déclaré une fin de non-recevoir au premier ministre. Les syndicats ont soulevé que c'était insuffisant, trop peu et trop tard. Tout ce que le très fédéraliste Parti libéral du Québec a trouvé à dire, c'est que c'est un pas vers l'avant, mais sans enthousiasme pressant. Surtout que la journée précédant la sortie du premier ministre, le Parti libéral du Québec, lors d'un conseil régional du parti, allait beaucoup plus loin dans ses demandes constitutionnelles.

Le premier ministre du Québec, et M. Bourassa, même, avant lui, n'auraient jamais été capables d'accepter ces propositions diluées par le premier ministre du Canada. Néanmoins, au-delà de toute partisanerie politique, c'est la réaction des médias qui fut la plus révélatrice de l'accueil fait aux propositions du gouvernement fédéral. L'éditorialiste du Devoir réfute les propositions fédérales en écrivant que l'inscription de ce droit de veto dans une simple loi fédérale ne signifie pas que le Québec recouvre vraiment son droit de veto.

Il ne le recouvre pas vraiment, parce que le droit de veto que possédait alors le Québec était un droit de veto reconnu par la tradition, mais légalement le Québec n'a jamais eu de droit de veto, la Cour suprême l'a déclaré. Cette éditorialiste souligne donc que n'importe quel gouvernement pourrait très bien désavouer cette loi. Le Parti réformiste s'en ferait un point d'honneur, d'ailleurs, aussitôt arrivé au pouvoir. Mais l'exemple le plus éloquent dans les journaux est celui de La Presse. Sous la plume de son éditorialiste en chef, M. Alain Dubuc, connu pour ses positions très profédéraliste, il est écrit: «Les Québécois veulent beaucoup plus que cela. Tant que ces principes sont assurés par des lois, il suffit d'un virage politique ou d'un changement de gouvernement pour que le Québec perde ses garanties.» De toutes parts, autant du Canada anglais qu'au Québec, les propositions du premier ministre sont ridiculisées et jugées tout simplement insatisfaisantes.

(1115)

En terminant, je voudrais ajouter que le principal problème de ce projet de loi est justement sa nature, c'est-à-dire qu'il est un simple projet de loi. Et tant et aussi longtemps que l'ensemble des provinces n'accepteront pas son principe, il restera à l'état de simple projet de loi.

Ce simple projet de loi a la même force de loi que tout autre projet de loi et, en conséquence, il peut être répudié par n'importe quel gouvernement quand bon lui semble. C'est sa faiblesse et c'est ce que nous dénonçons.

[Traduction]

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Monsieur le Président, je suis honoré de traiter de cette question. J'aimerais partager, avec les députés d'en face, ma vision du Canada, le pays dont je rêvais lorsque j'étais un petit garçon de dix ans en Croatie.

Je rêvais du Canada, de ce pays immense. Je rêvais du Canada lorsque je demandais à mes parents s'il y avait quelque chose à manger au petit-déjeuner. Aujourd'hui, je suis un parent et je demande à mes enfants ce qu'ils veulent manger au petit-déjeuner.

Mes rêves se sont réalisés en 1968 lorsque je suis arrivé ici. J'étais seul, je n'avais pas encore 19 ans. Pourquoi le Canada? Je ne le sais pas, mais je peux dire maintenant que j'ai fait le bon choix. J'aurais pu émigrer vers l'Australie ou la Nouvelle-Zélande ou demeurer en Croatie, mais j'ai choisi de venir ici. Trois années plus tard, je suis devenu citoyen canadien et je me suis alors senti comme la personne la plus chanceuse sur Terre.

Je n'étais pas au courant des différences au sein de la société canadienne à cette époque. En arrivant, j'ai constaté qu'il existait un


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Canada anglophone et un Canada francophone. Cela me semblait merveilleux. Au milieu de tout cela se trouvaient des Canadiens comme moi-même, venus ici pour construire ce magnifique pays. Ils l'ont construit et en ont fait le plus beau pays de tous. Nous ne pouvons nier cette réalité.

Nous ne l'apprécions pas à sa juste valeur. Je me demande parfois qu'est-ce qui ne va pas chez nous. Lorsque nous voyageons à l'étranger pour voir comment les autres peuples vivent et ce qu'ils possèdent, en revenant, nous savons mieux apprécier ce que nous avons et ce que nous sommes.

Le 27 octobre a été une date historique pour le Canada. Nous nous sommes rassemblés à Montréal pour dire aux Québécois que nous les aimons. Le premier ministre a pris un engagement que j'appuie entièrement. Il ne reconnaît pas uniquement le Québec comme société distincte, il reconnaît aussi un fait historique, soit que le peuple français du Canada est différent. Ce n'est pas que les Canadiens français soient meilleurs ou pires que les autres, c'est simplement qu'ils sont différents. Ils ont une langue différente, une culture différente. C'est magnifique et nous devons respecter et admirer cela. Si nous voulons un Canada fort et uni, nous devons le tolérer.

(1120)

Le 27 octobre, avec mon fils de huit ans, j'ai accompagné 250 de mes électeurs de Cambridge à Montréal. Mon fils a participé à cette journée historique marquant le début d'un nouveau Canada et il en était très fier. Aujourd'hui, il apprend le français à l'école. Il est probable que, très bientôt, il participera à des échanges avec quelques camarades québécois de huit ou neuf ans.

Il est malheureusement possible que nous ne nous connaissions pas très bien. C'est pourquoi il est grand temps que nous commencions à faire l'effort de mieux nous connaître, de connaître les Canadiens de Colombie-Britannique, de Terre-Neuve, de l'Île-du-Prince-Édouard, de l'Ontario, du Québec, de la Saskatchewan et des Territoires du Nord-Ouest. Il est temps que nous connaissions notre culture proprement canadienne. C'est une culture à laquelle les nombreux nouveaux arrivants et moi-même contribuons.

Si nous reconnaissons ainsi les Canadiens français, je suis convaincu que le Canada survivra. Nous avons des difficultés aujourd'hui, mais ce n'est pas la fin. Il est évident que nous devons résoudre ce problème aujourd'hui, puis continuer à construire un Canada meilleur et plus fort pour nos enfants et nos petits-enfants.

J'invite les députés des trois partis de la Chambre à travailler ensemble à améliorer encore le Canada, à mettre de côté nos différences et à participer à la construction d'un Canada unique et fort. Nous pouvons accomplir cela. Que Dieu nous aide.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à propos du projet de loi C-110. Comme nous le savons tous, ce projet de loi est destiné à donner un veto à la province de Québec sur toute modification future à la Constitution canadienne.

Nous pensions, à une époque, que nous avions réglé ce problème avec les accords du lac Meech et de Charlottetown, lorsque nous avons donné à tous les Canadiens la possibilité de s'exprimer. Contre toute attente, les Canadiens ont répondu: «Non, nous n'acceptons pas ce que les politiciens nous proposent, nous préférons le statu quo.» Nous voici, aujourd'hui, après un référendum et les libéraux refont la même erreur, c'est-à-dire qu'ils essaient d'imposer quelque chose venant du haut.

Le projet de loi donne également un veto à la Colombie-Britannique, aux Prairies, à l'Ontario et aux provinces de l'Atlantique. Au départ, la Colombie-Britannique ne l'avait pas. Les six députés libéraux de cette province aimeraient nous faire croire qu'ils ont une certaine influence et qu'ils ont réussi à faire accepter que la Colombie-Britannique soit une région séparée en raison de sa position dans la fédération. Ils aimeraient s'attribuer le mérite de cela, mais le fait est que la situation reste ce qu'elle a toujours été. Nos vis-à-vis font ce qu'on leur dit. Ils n'ont pas d'influence ou presque. Ils se sont pliés aux directives de leur parti. Ils n'ont rien fait.

(1125)

Sans le tollé soulevé en Colombie-Britannique et dans tout le pays par la décision d'établir quatre régions, plutôt que cinq, le gouvernement n'aurait pas changé d'avis. Le problème, c'est que les ministériels parlent encore des gouvernements des régions et non des habitants des régions. Je ne crois pas que les Canadiens pourront jamais rejoindre le gouvernement jusqu'à ce qu'il soit remplacé par un parti populiste, au lieu d'un parti qui impose ses volontés d'en haut.

Ne nous y trompons pas, c'est une fois de plus un geste d'apaisement à l'égard des séparatistes du Québec. Au fil des ans, nous cédons peu à peu notre pays et chaque fois que les séparatistes gueulent, le gouvernement, à l'instar de son prédécesseur, réagit de manière excessive.

Voyons d'abord comment nous en sommes arrivés à ce gâchis. Au fil des ans, nous avons dû nous attaquer à certains problèmes tels que gérer les finances du pays. Au mieux, les objectifs libéraux sont faibles. À l'instar de celle du gouvernement précédent, leur gestion économique et financière est une honte.

La province de Québec est au moins une province suffisamment franche pour dire au gouvernement que s'il ne met pas de l'ordre dans ses affaires, elle va se séparer, alors que d'autres affirment que si le gouvernement en est incapable, elles vont rester et essayer de se battre contre lui.

Dans la lutte contre le crime, le gouvernement libéral ne comprend toujours pas la gravité de la situation. Il lutte encore contre le crime de façon désordonnée et pitoyable. Une province séparatiste dit qu'elle n'aime pas la façon dont le gouvernement s'y prend dans ce dossier également et qu'elle ne veut donc plus faire partie du Canada. À qui la faute si ces enfants gâtés, ces séparatistes, siègent parmi nous? Il faut blâmer les gouvernements qui ont fait très peu pour aider le pays depuis que l'actuel premier ministre était ministre des Finances.

De nos jours, le gouvernement nomme toujours ses amis, ses valets, au Sénat, il vole encore les Canadiens avec un régime de pensions des députés et il s'est prononcé contre la révocation des députés. Toutes ces questions expliquent en partie les problèmes auxquels nous sommes confrontés à l'heure actuelle. Les libéraux prennent à rebrousse-poil tous les Canadiens, d'un bout à l'autre du pays.

Qu'ont-ils proposé? Ils ont prévu un droit de veto dans la Constitution. Ils ont déclaré que c'était la meilleure chose qu'un gouverne-


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ment libéral majoritaire puisse faire au Canada. C'est tout à fait déplorable.

Lorsque les bloquistes ont fait leur apparition pour la première fois au cours des dernières élections, en 1993, que s'est-il passé? Comment le gouvernement libéral a-t-il réagi? D'abord, il a accepté de lui accorder le statut d'opposition officielle. Cela a été sa première erreur. L'opposition officielle est aux prises avec un problème depuis que nous sommes arrivés ici. Elle ne se penche pas sur tous les problèmes qui existent partout dans le pays. C'est son propre intérêt qui le guide.

Le référendum a été déclenché et nous avons constaté que le gouvernement libéral n'avait pas de vision, trébuchant et piétinant autour du référendum, mais au cours des derniers jours, lorsqu'il semblait que les libéraux allaient le perdre, ils ont lancé quelques carottes. Quelle belle façon de diriger un pays. Le gouvernement distribue maintenant des pouvoirs de veto, non pas à la population, mais aux gouvernements des provinces qui composent ces régions.

De toute façon, pourquoi accordons-nous des vetos? Autant que je sache, aucun pays démocratique n'accorde des vetos sur des questions constitutionnelles à un organisme, encore moins à un organisme provincial qui se trouve à être un gouvernement séparatiste.

(1130)

Qu'est-ce que le gouvernement pense accomplir au juste en agissant ainsi? Il n'a pas réfléchi à cela. Il ne s'agit que d'une autre réaction instinctive face à un groupe de séparatistes qui siègent à la Chambre.

Étant originaire de la Colombie-Britannique, ayant vécu là-bas et ayant ma circonscription là-bas, je sais qu'il viendra un moment où la Colombie-Britannique aura besoin d'un gouvernement très puissant.

Les ministériels de la Chambre feraient mieux de comprendre pourquoi cela sera nécessaire. Il semble que la seule façon d'améliorer une fédération, c'est de menacer ces gens-là. Il semble que ce soit le jeu à jouer. Les séparatistes arrivent et le gouvernement leur en donne un peu plus. Les séparatistes prennent la parole et le gouvernement leur en donne encore un peu plus. Que s'est-il passé hier soir lorsque la notion de société distincte a fait l'objet d'une motion sur laquelle on a voté? Les séparatistes ont voté contre. C'est que le gouvernement ne leur en a pas donné assez. Lorsqu'il leur en donnera assez, il est fort probable qu'il sera trop tard.

Une voix: La souveraineté.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Un député dit: «la souveraineté». En fait, les bloquistes disent plutôt: «la séparation». C'est ce qu'ils disent en réalité: «la séparation».

Quand le gouvernement se décidera-t-il à fixer une limite et à dire que trop, c'est trop? Selon lui, il n'y a aucune limite. Il continuera simplement à donner et à donner jusqu'à ce qu'il ne restera plus rien à donner. Cela n'est pas un plan. C'est un assentiment.

Qu'en pensent mes électeurs? Comment doit-on traiter un enfant gâté? Selon beaucoup de gens, si un enfant est gâté, c'est peut-être la faute de ses parents.

Dans le cas qui nous préoccupe, c'est la faute de nos gouvernements. Le premier ministre et un grand nombre des membres de son Cabinet viennent du Québec. Il y a donc un conflit d'intérêts, quand ils discutent en secret pour conclure des ententes avec leur province.

Dans ma circonscription, les gens en ont assez. Ils nous demandent de fixer une limite aux ministériels. Ils ne veulent pas que l'on accorde un droit de veto aux gouvernements. S'il faut accorder un droit de veto, c'est à la population qu'il faut le faire, pas aux gouvernements, encore moins à un gouvernement séparatiste.

Il faut le dire à la Chambre et dans tout le pays pour que les ministériels sachent ce qu'il est permis de donner et ce qui ne peut pas être donné. Ils ne peuvent pas donner, année après année, de plus en plus à une province au risque de s'aliéner toutes les autres provinces.

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, je comprends que je n'ai malheureusement que dix minutes à ma disposition. J'aurais bien voulu avoir une heure pour commenter les remarques que je viens d'entendre avec calme, même si c'était difficile pour moi de garder mon calme.

J'ai entendu le député de Fraser Valley-Ouest faire tellement de fictions, tellement d'interprétations pernicieuses de notre histoire et de notre société que je dois à tout prix revenir sur certaines de ses remarques.

(1135)

Le député et ses collègues du tiers parti répètent sans cesse que le projet de loi du gouvernement fédéral accorde aux séparatistes un droit de veto. C'est de la pure foutaise.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Qu'est-ce alors?

M. O'Brien: J'ai écouté très attentivement les propos du député de Fraser Valley-Ouest, sans l'interrompre une seule fois. J'apprécierais qu'il agisse de même à mon égard, compte tenu du caractère démocratique des débats à la Chambre. Nous pouvons être en désaccord sans nous interrompre mutuellement.

Malheureusement, il y a aujourd'hui à Québec un gouvernement séparatiste, nous le savons tous. Il n'est pas nécessaire d'être savant pour savoir cela. Toutefois, l'erreur des députés d'en face consiste à supposer que ce gouvernement sera éternellement au pouvoir à Québec. C'est ridicule. Nous n'avons qu'à repasser l'histoire de la province de Québec pour voir que des gouvernements séparatistes ont été pendant très peu d'années au pouvoir au Québec.

Le projet de loi propose de donner un droit de veto au Québec, comme aux gouvernements des quatre autres régions. Il ne le donne pas à la population ou au gouvernement séparatiste du Québec au sens où il sera éternellement au pouvoir.

Le député dit que les six députés libéraux de la Colombie- Britannique se plaisent à dire qu'ils ont exercé une influence sur le gouvernement pour le faire changer d'avis et reconnaître que la province de Colombie-Britannique constituait une région. Je crois très franchement que mes collègues ont effectivement influé sur cette décision. Je suis cependant convaincu que le Parti réformiste


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n'a certainement eu aucune influence pour amener le gouvernement à accorder un veto régional à la Colombie-Britannique.

Certains députés d'en face font preuve d'une ignorance inouïe à propos du Québec et de la situation au Canada en ce qui a trait à notre droit de veto. En tant que Canadien et en tant qu'ex-enseignant ayant eu à enseigner l'histoire du Canada, je trouve alarmant de constater le degré d'ignorance dont font preuve même certains députés à la Chambre à l'égard de notre histoire.

D'où est venue cette idée d'un droit de veto pour les quatre régions? L'a-t-on conçue comme par magie? Lors de la conférence de Victoria, en Colombie-Britannique, tenue au début des années 70, il avait été décidé d'accorder un droit de veto aux quatres régions de notre pays. La formule dite de Victoria avait été approuvée à l'époque par les dix premiers ministres des dix provinces, y compris la Colombie-Britannique, de même que par le gouvernement du Canada.

Ce n'est que par ignorance de l'histoire du Canada qu'on peut soutenir que le gouvernement et le premier ministre actuels ont eux-mêmes imaginé ce plan. Ce plan repose sur des faits et sur l'histoire. L'ignorance de l'histoire du Canada dont font preuve certains députés est absolument consternante.

Le député de Fraser Valley-Ouest soutient qu'aucun gouvernement démocratique dans le monde ne donne un droit de veto. Je le cite presque textuellement.

M. White (Fraser Valley-Ouest): C'est exact.

M. O'Brien: Il dit maintenant que c'est exact. Je suis désolé de le voir s'exposer aux coups comme ça. Je voudrais cependant lui présenter un pays situé au sud du Canada, les États-Unis d'Amérique, où une personne démocratiquement élue, le président, possède un droit de veto.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Ce n'est pas un État.

M. O'Brien: La dernière fois que j'ai vérifié, je croyais que les États-Unis d'Amérique étaient un État. Je croyais que c'était une démocratie. Je croyais que le président des États-Unis avait un droit de veto. Le député de Fraser Valley-Ouest devrait s'inscrire à quelques cours élémentaires de sciences politiques et d'histoire du Canada. Je me ferai un plaisir de lui en conseiller quelques-uns.

Les États-Unis donnent à une seule personne, le président démocratiquement élu, le droit d'opposer son veto à des mesures législatives. Lorsque j'entends un député élu aux Communes prétendre qu'aucun gouvernement démocratique au monde n'a un droit de veto, je n'en crois pas mes oreilles. Je vais simplement supposer que mon collègue de Fraser Valley-Ouest n'a pas eu une très bonne journée.

(1140)

Le dernier point sur lequel je voudrais revenir, dans l'intervention du député, est sa description du Québec comme «un enfant gâté». Une partie du problème que nous avons au Canada réside justement dans ce type d'attitude: prétendre que le Québec est un enfant gâté, faire des généralisations outrancières et qualifier les Québécois d'enfants gâtés parce que 30 p. 100 d'entre eux sont séparatistes. C'est refuser de tenir compte de la démographie réelle du Québec, des convictions réelles des Québécois. C'est une généralisation dangereuse contre laquelle on prévient l'étudiant en histoire du niveau le plus élémentaire. Ce n'est pas parce que 30 p. 100 des Québécois sont des séparatistes irréductibles que nous devons être assez étourdis pour qualifier les Québécois d'enfants gâtés.

Cette attitude est d'autant plus dangereuse que ceux qui applaudissent le plus fort, en secret, lorsque des députés comme celui de Fraser Valley-Ouest se livrent à ces généralisations outrancières, ce sont les séparatistes. Chaque fois qu'un député tient ce type de discours, chaque fois qu'un Canadien, où que ce soit, fait des affirmations aussi ridicules, il fait avancer la cause du séparatisme. Il ne fait que faciliter la tâche des Bouchard et des Parizeau au Québec.

Dire que nous avons élu des députés qui tiennent des propos semblables. Je sais que le député de Fraser Valley-Ouest n'aime pas entendre ces vérités et c'est pourquoi il m'interrompt, même si je ne l'ai pas interrompu, moi, au cours de son intervention. Mais ça va. Je profiterai du débat pour lui signaler qu'il fait erreur. Je profiterai du débat pour lui signaler qu'il connaît mal l'histoire du Canada. Je profiterai de toutes les tribunes pour débattre de la question avec le député et lui montrer qu'il connaît mal l'histoire du Canada et l'histoire de ce droit de veto et qu'il ignore l'existence d'un droit de veto aux États-Unis.

Je suis scandalisé. Je suis déçu. Pis encore, je suis inquiet de voir qu'un député élu se présente à la Chambre des communes pour faire ce genre de déclarations, pour dénaturer les faits et pour faire étalage de son ignorance.

Je le dis par gentillesse, pour formuler des critiques constructives. Je crois que nous pouvons aider le député de Fraser Valley-Ouest à parfaire ses connaissances de l'histoire du Canada, en autant qu'il fasse preuve d'ouverture d'esprit. Voilà le hic. Certains députés ont des attitudes tellement enracinées; ils transforment leur comportement et leur faible connaissance de l'histoire du Canada en une question tellement viscérale qu'on a l'impression qu'ils ne sont pas disposés à parfaire leur connaissance de l'histoire de notre pays et refusent de changer.

Une voix: Que savez-vous de l'Ouest?

M. O'Brien: Je me suis souvent rendu dans l'ouest du Canada. J'ai un oncle qui vit à Quesnel, en Colombie-Britannique, et une tante qui vit à New Westminster, en Colombie-Britannique. Je leur parle souvent. Je connais ce qu'ils pensent, en tant qu'habitants de la Colombie-Britannique, de la situation actuelle.

Certains députés de ce côté-ci semblent connaître assez bien l'ouest du Canada. Le parti d'en face n'est pas le seul, Dieu merci, à posséder la sagesse, le bon sens et les connaissances nécessaires pour défendre l'ouest du Canada.

(1145)

[Français]

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole après le député de Fraser Valley-Ouest pour rétablir quelques faits. Il ne semble pas compren-


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dre du tout ce qui se passe au Québec présentement lorsqu'il traite la province de Québec d'enfant gâté. Tout ce que nous demandons, nous, au Québec, c'est tout simplement la souveraineté du Québec. On ne lui demande rien et, s'il nous accordait tout simplement la souveraineté du Québec, il n'aurait plus rien du tout à nous donner.

Je disais donc que je suis également heureux de prendre la parole ici aujourd'hui sur le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, qui a pour objet d'accorder un droit de veto régional, de telle façon qu'aucun changement constitutionnel ne se fasse sans l'accord de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens, prétend ce gouvernement.

Ce gouvernement est-il vraiment sérieux? Non. Et comme ce fut le cas hier soir pour la motion sur la société distincte, je voterai contre ce projet de loi avec fierté et respect pour la population de mon comté et aussi pour l'ensemble du peuple québécois.

Comment peut-on reconnaître le Québec comme une société distincte par une motion qui n'engage que le gouvernement fédéral et non l'ensemble des provinces, qui pourrait être supprimée par un nouveau gouvernement et, du même souffle, comment peut-on présenter un projet de loi qui détermine un droit de veto régional identique et applicable à toutes les provinces? Seul notre premier ministre peut exécuter de telles culbutes.

Cela répond aux seules attentes électoralistes du Parti libéral du Canada. Ces projets sont des coquilles vides, de la poudre aux yeux et un manque de respect pour le peuple québécois. Ce gouvernement n'a jamais si bien démontré à la face du monde son sens de la panique et de l'improvisation. Après avoir dit à qui voulait l'entendre avant le référendum qu'il n'était pas question de parler de Constitution, le voilà qui invoque, à une semaine de l'échéancier référendaire, des changements. Puis, après une mince victoire, il nous présente une motion sur la société distincte suivie d'un projet de loi sur des veto régionaux.

Après avoir tourné sur lui-même pendant deux ans, le voilà qui nous soumet une réforme de l'assurance-chômage, laquelle démontre bien son intention de passer par-dessus la tête des provinces sans égard à leur distinction et sans qu'elles n'aient un mot à dire. Puis, il nous dit qu'il faut parler de culture canadienne et non de culture québécoise. Finalement, le fédéral revient sur sa décision pour concéder à la Colombie-Britannique le statut de région, à même son projet de loi C-110.

Durant ce temps, il y a un comité bidon qui dort sur une voie de garage en attendant que le gouvernement cesse de faire la girouette et lui donne un mandat. Quel parcours essoufflant. Il serait bien malin celui qui pourrait expliquer la cohérence de ce gouvernement. On dirait plutôt une poule sans tête qui court dans toutes les directions pour tenter de sauver ses oeufs cassés. Le gouvernement fédéral n'a même pas compris qu'il est passé tout près de perdre le Québec. Comprendra-t-il enfin que, malgré ses folles tentatives, il montre bien qu'il ne sera jamais capable de faire adopter un projet de réforme constitutionnelle qui répond à la fois aux attentes des Québécois et aux attentes des Canadiens du reste du Canada?

Nous sommes deux peuples dans ce pays. Il manque un pays. Le projet valable et réalisable, c'est d'accepter que nous sommes un peuple et le Québec, un pays. Dernièrement, le premier ministre en cette Chambre nous disait qu'il avait bien hâte de voir les députés du Bloc québécois voter contre sa motion sur la société distincte du Québec, contre le projet de loi C-110 et contre la réforme de l'assurance-chômage. Je peux lui dire qu'il devra partager ce plaisir avec les gens de mon comté, mais pas pour les mêmes raisons.

Les électrices et les électeurs qui ont voté à 58 p. 100 lors de mon élection, en octobre 1993, et à 58,3 p. 100 au référendum du 30 octobre 1995 m'ont demandé d'être présent à la Chambre des communes lundi, même si c'est un jour de comté pour moi, afin de voter contre ce projet loufoque et dépassé. C'est en somme trop peu, trop tard. Pour les 49,4 p. 100 des Québécoises et Québécois qui ont dit oui à la souveraineté du Québec lors de ce référendum, cela voulait dire pour eux faire nos lois, prélever nos impôts et signer nos traités.

(1150)

Ils ne veulent pas d'un projet de loi qui aura pour objet de rendre impossible la tâche de tout gouvernement qui désirera changer la Constitution canadienne, dont celui du Québec.

Dans son exposé, le ministre de la Justice a mentionné, et je cite: «Il est vrai que cette résolution ne satisfera pas le Parti québécois ni le Bloc québécois. Malheureusement, comme nous le savons, rien, à l'exception du démantèlement de ce pays, ne parviendrait à les satisfaire.» Quel beau faux-fuyant qu'on utilise afin de faire accepter un projet qui va à tout jamais éliminer toute modification possible en profondeur de la Constitution. Le Canada n'a pas besoin du Parti québécois ou du Bloc québécois pour se morceler; ce fédéralisme centralisateur et ce premier ministre font de l'excellent travail. Le malheur, c'est qu'ils ne s'en aperçoivent pas.

Vendredi, le 8 décembre dernier, un sondage SOM La Presse démontrait que les Québécois ne sont pas satisfaits des propositions du gouvernement Chrétien. Un maigre 31 p. 100 des Québécois avouent maintenant avoir appuyé l'option fédéraliste. De plus, ce projet de loi était à peine déposé que le ministre de la Justice faisait volte-face et acceptait une cinquième région pour satisfaire la Colombie-Britannique. Ce qui prouve que ce gouvernement avance en tâtonnant.

Le ministre peut bien nous demander de lui faire confiance, et je le cite encore: «. . .qu'il est difficile de concevoir comment le gouvernement supporterait un changement constitutionnel si celui-ci n'avait pas l'appui de toutes les régions». Autrement dit, le gouvernement fédéral ne devrait pas appuyer un changement constitutionnel sans que toutes les régions soient d'accord. C'est d'avoir bien mauvaise mémoire et ne pas se souvenir de la leçon de 1992. Le ministre devrait savoir qu'un chat échaudé craint l'eau froide.

Souvenez-vous qu'en 1982, le gouvernement libéral canadien a rapatrié la Constitution, l'a modifiée et l'a ajustée à l'image du Canada anglais, sans le consentement du Québec. Ce qui paraît immoral aux yeux de l'actuel ministre de la Justice, ne l'était pas aux yeux du ministre de la Justice de l'époque, en 1982, son


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collègue, l'actuel premier ministre. Alors, permettez-nous de douter des intentions du chat qui dit à souris combien il l'aime. . . il l'aime sûrement. . . bien cuite et farcie aux épices de Clyde Wells.

Nous ne sommes pas devant la concession d'un droit de veto pour le Québec. Il ne faut pas se leurrer. Nous sommes devant un exercice cosmétique qui donne un pseudo-droit de veto à quatre, cinq ou six régions définies unilatéralement par le fédéral. Ces régions sont donc à la fois distinctes et égales entre elles, à ce que je dois en déduire. Le gouvernement pense sans doute avoir trouvé une manière de faire croire qu'il donne au Québec ce que les Québécois attendent, tout en faisant croire aux autres régions du Canada que cela ne veut rien dire. Pas étonnant que le reste du Canada ne soit pas plus content que le Québec de ce tour de passe-passe. Cet exercice, hors de la Constitution, ne représente que des voeux pieux.

Après le premier droit de veto constitutionnel, qui exige le consentement unanime sur tout changement de la charge de la reine, celle du gouverneur général ou du Sénat, après le droit de veto prévu pour les modifications concernant une ou plusieurs provinces, telles que les frontières, après le droit de veto prévu concernant les amendements généraux-soit la règle 7/50, 7 provinces et 50 p. 100 de la population-nous voici avec un nouveau droit de veto, dit «régional», dont les critères, déterminés par le gouvernement fédéral, pour son application, sont les suivants: une résolution de l'assemblée législative; un arrêté en conseil; un avis signé par le premier ministre de la province; un avis signé par le lieutenant-gouverneur d'une province; un référendum provincial organisé par la province; un référendum fédéral dans la province ou dans un ensemble de provinces; ou un vote des députés fédéraux de la province en question.

Avec une telle collection de critères distincts, le gouvernement fédéral se donne l'embarras du choix pour passer par-dessus la tête des provinces.

La dernière pièce dont le fédéral avait besoin pour ne plus jamais faire de changement constitutionnel vient d'être déposée en Chambre et tout ceux qui ont voté non et cru aux belles promesses du premier ministre de modifier la Constitution pour répondre aux exigences du Québec sont aujourd'hui en deuil. En leur nom, je voterai contre ce projet de loi.

Je dois tout de même, en terminant, remercier le premier ministre pour ces 10 p. 100 d'électrices et d'électeurs qui nous manquaient afin de réaliser la souveraineté du Québec. Avec une telle compréhension du Québec, le prochain référendum sera le bon.

(1155)

[Traduction]

M. Jerry Pickard (Essex-Kent, Lib.): Monsieur le Président, le 27 novembre, le premier ministre a présenté trois initiatives visant à changer la façon dont le gouvernement fonctionne au Canada. Il importe de se rappeler que ces changements ne sont pas en soi des changements constitutionnels. Ces initiatives reflètent plutôt comment les Canadiens veulent que leur gouvernement réagisse aux réalités du Canada dans les années 90.

Les Canadiens veulent que le gouvernement aille de l'avant, respecte leurs besoins et soit plus accessible. Au lendemain du référendum québécois, les Canadiens comptent que le gouvernement fédéral respecte son engagement de garder le Canada uni.

Les Canadiens reconnaissent que les gouvernements doivent se concentrer sur les questions importantes telles que la création d'emplois, l'entretien de la confiance des consommateurs et des investisseurs et la réduction des dépenses publiques.

Les Canadiens reconnaissent aussi que les initiatives intéressant la société distincte, le veto régional et la formation de la main-d'oeuvre permettent au gouvernement d'assumer ses obligations à l'égard des Canadiens sans que le programme national ne soit détourné par les personnes qui souhaitent faire valoir leur propre programme en détruisant plutôt qu'en développant notre pays.

Ces stimulants en faveur de l'unité nationale constituent une première étape très importante. Elles représentent aussi un moyen efficace de répondre aux préoccupations des Canadiens et d'établir des partenariats avec toutes les régions du Canada sans rouvrir tout le débat constitutionnel.

Les mesures proposées sont conformes à ce que veulent les Canadiens et constituent le moyen le plus rapide d'atteindre ces objectifs. Nous sommes nombreux, à l'intérieur comme à l'extérieur du gouvernement, à avoir craint que des discussions constitutionnelles ne suscitent un débat qui traîne en longueur et qui ne donne pas vraiment de résultat.

Le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, ne soulève pas de telles craintes. La preuve en est dans la façon dont le gouvernement a réagi à la question des vetos régionaux. Répondant rapidement aux préoccupations de la Colombie-Britannique, le gouvernement a modifié son projet de veto régional de telle sorte que la Colombie-Britannique constitue une région en soi ayant son propre veto. Cette décision découle directement de notre engagement à écouter la population et à présenter des mesures de nature à unir toutes les régions ensemble.

Conformément à la loi, dans sa forme actuelle, le gouvernement fédéral ne peut proposer quelque amendement constitutionnel que ce soit au Parlement sans le consentement de l'Ontario, du Québec, de la Colombie-Britannique, des provinces de l'Atlantique et des Prairies. Dans les faits, cela garantit que chacune des cinq régions aura un veto général dans les domaines où elle n'a pas déjà un veto particulier. En clair, ce droit permettra à chacune des cinq régions de s'opposer à une modification dès le départ.

Le projet de loi respecte l'engagement que nous avons pris envers tous les Canadiens, relativement à une protection accrue, et il reconnaît que la Constitution et son processus de modification présentent un intérêt pour toutes les régions de notre pays. En reconnaissant un veto régional à la Colombie-Britannique, le gouvernement reconnaît l'existence d'une situation unique à la côte ouest du Canada.

En raison de sa taille, de sa population, de son emplacement et de son développement économique, la Colombie-Britannique est une région qui a des intérêts particuliers et qui exige une reconnaissance de ses caractéristiques régionales. En étendant le droit de veto


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régional à la Colombie-Britannique, le gouvernement tend la main aux Canadiens, reconnaissant les diverses situations qui sont uniques au Canada et nous rapprochant en aidant cette partie de notre pays à survivre et à renforcer sa loyauté envers le Canada.

Selon un éditorial publié récemment à Regina, les propositions visant à assurer l'unité nationale ont un solide potentiel, et le rameau d'olivier que le premier ministre tend au Québec pourrait permettre de réaliser ce que huit années de débat constitutionnel n'ont pas réussi à faire. Cela montre que les provinces des Prairies reconnaissent l'importance d'un gouvernement fédéral qui cherche activement à tenir compte des intérêts régionaux des Canadiens. L'inclusion d'un droit de veto pour la Colombie-Britannique enrichit les propositions et est une mesure décisive qui peut être un élément important de l'édification de notre pays.

L'auteur du même éditorial dit que le premier ministre n'a pas tardé à proposer des mesures audacieuses pour satisfaire le Québec. Ce sont encore là des descriptions qui pourraient, à bon droit, être utilisées pour décrire les efforts du gouvernement en ce qui concerne la Colombie-Britannique.

(1200)

Les mesures proposées par le gouvernement pour promouvoir l'unité nationale sont bien plus simples que l'accord de Charlottetown de 1992. Le présent projet de loi est plus concis et de portée plus limitée. Il n'empêche qu'il répond à certaines attentes des régions. Même au Québec, des souverainistes comme Mario Dumont estiment que c'est une proposition nouvelle et bien plus simple qui mérite d'être étudiée.

Avant même que le gouvernement propose un droit de veto à la Colombie-Britannique, un éditorialiste de Vancouver a dit ceci à propos des propositions du premier ministre en matière d'unité: «Cette offre comporte des modifications substantielles et tangibles que même Bouchard aura de la difficulté à discréditer.» Maintenant qu'un droit de veto a été offert à la Colombie-Britannique, on peut seulement présumer que certaines de ces réserves ont été retirées dès le moment où le veto a été offert à la Colombie-Britannique.

À Edmonton, un éditorialiste a écrit que Chrétien avait fait «tout ce que le gouvernement pouvait faire» en ce qui concerne le caractère distinct du Québec et le droit de veto. Ce même gouvernement a profité de l'occasion pour améliorer la position de l'Ouest, sans nuire à celle des autres, en reconnaissant la Colombie-Britannique.

On peut facilement connaître les préoccupations et les souhaits des régions du pays. Si l'on écoute et si l'on agit d'une manière globale, les régions reconnaîtront que les efforts profiteront au pays dans son ensemble et qu'ils ne menacent ni ne favorisent la position d'une région par rapport à celle des autres. Plus simplement, la proposition relative au droit de veto et la nouvelle reconnaissance de la Colombie-Britannique ont pour effet de faire valoir aux provinces qu'aucune modification ne sera apportée si les régions s'y opposent. C'est plus que ce que les provinces ont aujourd'hui, et l'offre d'un droit de veto séparé à la Colombie-Britannique ne favorise pas cette dernière au détriment des autres.

Selon le Journal d'Edmonton, les Albertains ne peuvent s'attendre à obtenir quelque chose pour rien. Ce ne serait pas la fin du monde, on le sait, si l'Alberta perdait le droit de veto provincial qu'elle n'a jamais eu.

Nombre de Canadiens savent que les initiatives en faveur de l'unité canadienne représentent sans doute le maximum de ce que le gouvernement fédéral peut raisonnablement offrir, compte tenu du climat politique des années 90. C'est la reconnaissance des souhaits des Canadiens et la réponse à ces souhaits dans le cadre de la société canadienne, et ce sera acceptable en droit. Cela permettra également aux Canadiens d'examiner la Constitution avant que toute modification y soit apportée.

Les propositions relatives à un veto régional ont pour but de reconnaître le plus possible que le pays est composé d'une grande variation de densités de population. Il serait bien plus facile de diviser le territoire sans tenir compte de la population des régions. Mais cela n'est pas possible au Canada. Ce qui est possible, c'est de rechercher et de trouver un compromis qui répondra aux préoccupations dans le cadre des programmes nationaux. Le veto régional est une tentative logique d'équilibrer la volonté des régions et ses habitants.

Dans le centre du pays, les éditorialistes sont d'avis que l'offre d'un veto régional est une mesure reconnaissant la réalité du pays et de sa population. C'est la reconnaissance de ce qu'est le Canada et de ce qu'il représente, ainsi que la volonté de mettre à la disposition du gouvernement les meilleurs moyens possibles pour assurer la prestation de services qui constituent le moteur du changement. Par conséquent, le gouvernement ne propose pas des changements pour le plaisir de la chose, mais pour répondre aux préoccupations des Canadiens.

J'ai même lu une observation dans un journal du centre du pays selon laquelle les propositions relatives à l'unité canadienne nous permettaient de tester les concepts avant de les enchâsser dans la Constitution. Peut-être est-ce là l'observation la plus révélatrice de la société canadienne. Nous sommes un peuple qui a besoin d'être préparé avant d'accepter un changement. Nous devons accepter le changement, pas qu'une région impose sa volonté à une autre, pas l'idée que le changement est méprisable, mais nous devons nous assurer que nos mesures servent l'unité nationale. Que pouvons-nous faire pour aider le Canada et les Canadiens à survivre dans une société en mutation constante?

(1205)

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Madame la Présidente, en commençant, je voudrais dire à la Chambre pourquoi je me suis porté candidat, pourquoi j'ai voulu devenir député fédéral. Si j'essayais de résumer, je dirais que c'est peut-être parce que j'ai voulu apporter quelque chose au Canada. Je crois au Canada. J'en visité beaucoup de régions et je sais comment les Canadiens pensent.

Qu'est-ce qui ne marche pas au Canada? J'ai pensé qu'il manquait d'égalité. J'ai pensé que c'était notre système politique qui fait que les messages partent d'Ottawa et arrivent dans les circonscriptions où les partis sont trop forts. Je me suis enragé contre la TPS et le Programme énergétique national. Je me suis enragé contre l'arrogance du gouvernement. Je l'ai étudié et je suis arrivé à la conclusion qu'il était très centralisateur. J'ai mentionné la TPS et le


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Programme énergétique national. Ottawa les a imposés de force à la population.

Aujourd'hui, il me semble que très peu a changé. Je constate que l'on impose de force l'équité en matière d'emploi tandis que, dans d'autres pays, on s'en débarrasse. Je constate que l'on impose à la population un projet de loi sur les armes à feu sans tenter d'en modifier un seul article. Pendant la campagne référendaire au Québec, on nous a dit de sourire, que tout allait bien, mais ce n'était pas vrai.

Voilà maintenant qu'on nous impose des mesures sur l'unité nationale et qu'on nous impose la clôture, ce qui est la pire des choses qui puisse arriver ici puisqu'on bâillonne les députés et qu'on les empêche de parler au nom des électeurs qu'ils représentent.

Les Canadiens réclament des emplois, une réforme fiscale, une réforme du système de justice pénale, une réforme du Parlement lui-même. Bien sûr, il faut davantage de votes libres à la Chambre des communes. Les Canadiens veulent l'assurance que leurs députés peuvent défendre ce en quoi ils croient.

Le projet de loi sur le droit de veto témoigne d'une absence complète de vision du Canada. Il est censé favoriser l'unité nationale. Il fait tout sauf cela. Il est loin de créer l'égalité à laquelle nous croyons tous. Nous voulons tous des changements et ce projet de loi ne fait qu'éliminer toute possibilité de changement.

Avec ce projet de loi, il faudra l'appui d'environ 92 p. 100 des Canadiens pour faire quelque changement que ce soit. Notre espoir de voir des votes libres, de voir disparaître l'autre endroit sont maintenant évanouis. Ce projet de loi nuit à l'unité nationale.

Le gouvernement écoute-t-il parfois la population? Les conservateurs n'ont pas écouté lorsqu'ils ont imposé la TPS, ni lorsqu'ils ont négocié l'accord de Charlottetown, et nous savons ce qui leur est arrivé en 1993. Le gouvernement actuel semble engagé dans la même voie.

Il y a une semaine, la députée d'Edmonton-Est a tenu une réunion à Edmonton. Dix-sept personnes sont venues entendre parler des propositions du premier ministre visant à sauver l'unité du pays. À l'autre bout de la ville, nous avions 800 personnes qui étaient là pour nous dire exactement ce qu'elles pensaient de ces propositions.

J'ai fait un sondage dans ma circonscription. Le questionnaire a été mis à la poste jeudi dernier. Nous avons déjà reçu des centaines de réponses jusqu'à maintenant et 87 p. 100 des répondants nous disent de ne pas donner de statut spécial ni de droit de veto à qui que ce soit, c'est-à-dire 87 p. 100 des personnes qui ont répondu à cette question.

Les habitants de l'Ouest et du reste du Canada sont mécontents. Hier, M. Klein s'est retiré de l'Équipe Canada. Est-ce comme cela qu'on préservera l'unité? Écoutez le message. Le gouvernement est en train de détruire le pays. Ce type de gouvernement centraliste qui gouverne de façon descendante conduira le pays à sa perte. Même les sondages nationaux montrent que 53 p. 100 des Québécois et 58 p. 100 des autres Canadiens sont mécontents de ces propositions.

Seulement 23 p. 100 des Québécois sont d'avis que ces propositions sont valables. Ce n'est donc rien d'autre qu'une nouvelle version du lac Meech et de Charlottetown. Le gouvernement n'a pas compris le message la dernière fois, et il nous faudra maintenant attendre jusqu'en 1997-1998 avant de pouvoir le lui répéter. Nous ne nous débarrasserons jamais du Sénat.

Il y a 105 personnes ici qui sont venues à Ottawa parce que leurs électeurs voulaient des changements. Les séparatistes veulent adopter une approche différente de la nôtre, mais ils réclament des changements eux aussi. Toutes les provinces réclament des changements. Le gouvernement actuel n'a aucune vision. C'est un gouvernement centraliste.

Nous avons besoin d'un leader solide pour affronter M. Bouchard, qui est lui-même un leader très crédible. Nous n'avons pas ce leader.

(1210)

Nous n'avons plus de formule de modification. Nous avons un droit de veto conçu par un gouvernement centraliste. Ce droit de veto n'est pas juste, il n'est pas équitable et il a été accordé sans que la population soit consultée.

Comment réglerions-nous ce problème? Notre premier ministre avait l'occasion de le régler en donnant ce droit de veto à tous les Canadiens. Donnez-le à tous les Canadiens. Ne le donnez pas à un groupe de séparatistes. Ne le donnez pas aux politiciens provinciaux. Donnez-le à l'ensemble de la population. Nous pouvons faire confiance aux Canadiens. Ils ont montré qu'ils s'intéressent et continueront de s'intéresser aux affaires du pays.

Le peuple s'est prononcé. Il s'est prononcé à Charlottetown. Il s'est prononcé en 1993 et, bien sûr, lors du référendum. Ce ne sont pas seulement les politiciens qui ont aidé le camp du oui à rattraper du terrain, c'est le peuple. Tout le monde, même les députés de l'autre côté, est d'accord là-dessus.

Nous devons faire preuve de leadership. Nous devons imposer des conditions. Une province désire se séparer, qu'est-ce que ça veut dire? Dites-le. N'y allez pas par quatre chemins. Les gens comprendront. Ce sont les politiciens qui veulent manipuler la situation. Dites ce qui va arriver au territoire en cas de séparation. Dites ce qui va arriver à la langue, à la culture, au partage de la dette, à la citoyenneté. Parlez de toutes ces choses, y compris de la protection des minorités. Parlez-en. Parlez-en aux gens.

Il nous faut une vision. Il nous faut opposer une vision à ce rêve séparatiste. Il nous faut opposer la vérité et les faits à la supercherie et aux mensonges. Car c'est de ça qu'il s'agit. Nous devons former une vision et susciter la passion pour le Canada. C'est ça qu'il nous faut.

Beaucoup de nous l'ont ressenti en 1967, au moment de l'Expo à Montréal. Il y avait dans cet événement de la passion. Nous avons ressenti cette même passion lors des Jeux olympiques à Calgary. Nous la ressentions partout où nous allions. L'an dernier, ma circonscription a été l'hôte du championnat mondial de hockey junior. Il y avait dans cet événement de la passion, un sens de ce que voulait dire être canadien. Nous étions fiers des petits canadiens qui ont


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remporté ce championnat et qui ont montré ce que c'était que d'être Canadien.

Inutile de vous lamenter. Formez une vision. Formez une vision pour notre pays. Montrez que vous écoutez le peuple. Ce pays vaut la peine d'être sauvé. Que le premier ministre oublie le passé et fasse ce qui est dans l'intérêt du Canada. Faites participer les gens et laissez tomber l'idée d'un gouvernement centraliste. Ça n'a pas marché. Ça ne marchera jamais.

Si nous nous obstinons dans cette voie, nous ne ferons que détruire ce pays. S'il continue ainsi, le premier ministre passera à l'histoire comme celui qui a détruit le Canada. Nous devons empêcher cela.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, je veux également commencer par parler un peu de la raison de ma présence à la Chambre.

Ma conception du Canada et, par conséquent, ma mission en tant que députée, se fondent essentiellement sur deux choses. D'abord, mon père était un immigrant. Je ne me souviens pas de la première fois où l'on m'a parlé de la chance que j'avais d'être Canadienne, d'être chez nous dans ce pays et d'y avoir mon avenir. Étant venu d'Europe, mon père était très conscient de l'avenir meveilleux que cette nation avait à offrir.

La deuxième chose qui motive ma présence ici, me donne un objectif et m'aide à comprendre ce qu'est vraiment le Canada, c'est à un professeur de cinquième année que je la dois-et j'ai même oublié son nom. C'est quand j'avais dix ans que j'ai appris, avec ce professeur, ce qu'était ce pays d'un océan à l'autre. J'ai appris ce qu'étaient les Rocheuses, la côte ouest et la côte est, ainsi que le Nord, mais j'ai aussi appris qui étaient les voyageurs qui ont ouvert ce continent pour nous, qui ont voyagé sur les rivières et traversé des chaînes de montagnes que jamais personne n'avait franchies avant, sauf nos peuples autochtones. C'est là que j'ai développé le sens de l'importance des deux peuples fondateurs de notre pays. Sans les colons et les explorateurs français qui sont venus sur ce continent, nous n'aurions pas maintenant tout ce que nous avons aujourd'hui.

(1215)

Une voix: Nous aurions bien mieux.

Mme Catterall: Un député d'en face dit que nous aurions bien mieux. Je ne pourrais être moins d'accord avec lui. Nier l'apport de ces gens qui sont venus de France et qui ont eu le courage, comme Champlain, de passer un hiver complet à Annapolis pour remonter ensuite le Saint-Laurent et la rivière Outaouais jusqu'au coeur de ce continent, c'est nier tout ce que le Canada est vraiment.

Notre pays a été construit par des gens consentants et par voie de consensus, non pas par la force et la domination. Les trois mesures dont est saisie la Chambre pour renforcer l'unité nationale s'inscrivent dans cette merveilleuse tradition qui consiste à aller de l'avant ensemble, par consentement mutuel et consensus, au lieu de chercher à imposer sa volonté aux autres.

À chaque étape de son évolution, la grande famille canadienne a toujours su prendre des dispositions spéciales pour accueillir les nouveaux venus, reconnaissant leurs besoins spéciaux. Que ce soit les garanties concernant la représentation de l'Île-du-Prince-Édouard au Parlement, dont avait besoin cette province en raison de sa taille, ou la Colombie-Britannique qui réclamait un chemin de fer pour la relier à l'Est, nous avons toujours pris des dispositions spéciales. Nous respections le fait que nous étions en train de constituer une famille.

C'est ce même sens de la famille qui a poussé des milliers de personnes de ma circonscription et des dizaines de milliers d'autres, de partout au pays, à se rendre à Montréal, le 27 octobre. Le député a tout à fait raison. Les politiques n'auraient pas pu susciter un tel déferlement de bonne volonté et d'amour envers notre pays et une telle détermination à garder le Québec au sein du Canada. Toutefois, les politiques ont pu faire en sorte, comme nombre d'entre nous, que les gens qu'ils représentent aient le moyen d'exprimer leur sentiment.

[Français]

La dernière semaine de la campagne référendaire, le premier ministre du Canada a fait des promesses aux gens du Québec de reconnaître au sein du Canada que le Québec est une société distincte, de ne procéder à aucun changement constitutionnel qui affecte le Québec sans le consentement des Québécois, et d'entreprendre des changements pour rapprocher les citoyens des services et de la prise de décisions.

[Traduction]

Il est peut-être inhabituel pour le Parti réformiste de voir un gouvernement et un premier ministre tenir leurs promesses. Tout comme nous l'avons fait aux élections de 1993, alors que nous avons énoncé très clairement nos engagements envers les Canadiens et notre désir de les respecter, ces deux dernières semaines, nous avons fait exactement ce que le premier ministre avait promis de faire.

Nous n'essayons pas de pacifier, d'apaiser ou de satisfaire les séparatistes, ni d'obtenir leur consentement. Nous savons bien qu'ils ne consentiront à rien qui pourrait unifier ou renforcer le pays. Nous essayons toutefois de nous adresser aux Canadiens qui, d'un bout à l'autre du pays, veulent voir des changements, veulent nous voir aller de l'avant, la main dans la main, non pas comme les séparatistes de l'Ouest voudraient que l'on procède, ni comme les séparatistes du Québec, mais ensemble.

En accordant un droit de veto à chacune des régions du pays, nous disons que si nous devons modifier les liens qui nous unissent les uns aux autres, nous devrons d'abord obtenir un consensus. Nous ne pouvons pas accepter que certaines parties du pays imposent leur volonté aux autres. Ce n'est pas une tâche facile, mais nous devons continuer à avancer dans la perspective d'un consensus, comme nous l'avons fait jusqu'à cette étape de notre histoire.

(1220)

Les gens s'inquiètent au sujet de la société distincte. De quoi s'agit-il au juste? Permettez-moi d'expliquer tout d'abord la signification du mot distinct. Contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, ce mot n'a aucunement le sens de spécial, meilleur, supérieur ou digne d'un traitement spécial. Il signifie simplement différent.


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Se trouve-t-il à la Chambre une seule personne qui ne soit pas fière de voir que le Québec, avec sa majorité francophone, sa culture unique, son système juridique différent, constitue une partie différente du Canada et que cette différence enrichit tout le pays? S'il se trouve à la Chambre quelqu'un qui n'accepte pas cela, je ne suis pas convaincue que cette personne comprend vraiment ce qu'est le Canada.

Certains se sont dits inquiets des répercussions qu'aurait cette résolution sur notre attitude envers les gens d'origines ethniques et de cultures différentes. Je leur réponds que le respect de la diversité au Canada est inscrit dans l'entente initiale qui a créé le pays, celle qui stipulait que chacun respecterait les différences et la langue des autres. Sans cette entente initiale à l'origine de la Confédération, nous n'aurions pas aujourd'hui ce pays que le monde entier cite en exemple comme modèle de pays où les gens de cultures, d'origines et de langues différentes vivent ensemble dans l'harmonie et le respect de la spécificité de chacun.

En déclarant qu'elle reconnaît la nature distincte du Québec au sein de la famille canadienne, la Chambre s'engage à respecter cette différence dans la gestion des affaires de la nation et cela ne menace personne. Au contraire, cela rassure les gens qui ont vraiment besoin de savoir que le reste du pays apprécie le Québec, et n'a pas l'intention de le dominer, ou de rabaisser la société particulière qui s'est construite au Québec. Cela ne diminue pas non plus notre engagement en tant que gouvernement fédéral, ni nos obligations de fiduciaire à l'égard des peuples autochtones partout dans ce pays, à l'intérieur et à l'extérieur du Québec.

Je vais maintenant parler brièvement du veto. Il y en a peut-être qui pense que la majorité devrait être en mesure de dominer et d'imposer ses vues au pays. Je ne fais pas partie de ceux-là. Je pense que nous pouvons continuer à résoudre nos problèmes, nos différences, à évoluer, à grandir en nous entendant comme nous l'avons toujours fait par le passé.

Je suis fière d'appuyer ces changements qui ont été présentés. Je suis fière d'envisager un avenir meilleur pour mes enfants dans un Canada uni.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, comme vous le savez, la Chambre des communes a adopté hier une motion visant à reconnaître le Québec comme une société distincte. Pour nous, les députés du Bloc québécois, cette motion était inutile parce qu'insuffisante, parce qu'elle ne reconnaît pas de statut particulier au Québec et qu'elle ne lui donne pas, dans les faits, de pouvoir additionnel.

Or, aujourd'hui, nous débattons du projet de loi C-110 concernant les modifications constitutionnelles. Ce projet de loi accorde un droit de regard à certaines provinces sur le droit de veto fédéral pour modifier la Constitution.

Il y a eu beaucoup de discours jusqu'à présent, et je pense qu'il est bon de rappeler à ceux qui nous écoutent ce que vise ce projet de loi.

(1225)

Ce projet de loi se lit comme suit:

Un ministre de la Couronne ne peut déposer une motion de résolution autorisant une modification de la Constitution du Canada [ . . . ] que si la majorité des provinces y a préalablement consenti; cette majorité doit comprendre:
a) l'Ontario;
b) le Québec;
Cette majorité doit aussi comprendre les provinces de l'Atlantique, pourvu qu'au moins deux des quatre provinces en question représentent 50 p. 100 de la population et au moins deux des trois provinces des Prairies, à condition que ces deux provinces représentent 50 p. 100 de la population.

Suite aux pressions exercées par les résidants de Colombie-Britannique, et du troisième parti particulièrement, on a ajouté la Colombie-Britannique. On peut penser que s'il y avait eu d'autres pressions, notamment des gens des Territoires du Nord-Ouest ou encore du Yukon, peut-être on aurait pu s'imaginer qu'il aurait pu y avoir un droit de veto pour ces gens-là.

Si le projet de loi C-110 est adopté, trois provinces auront un droit de veto: l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique. Les autres provinces l'auraient par groupe de deux, à condition qu'elles représentent 50 p. 100 de la population. Elles pourraient elles aussi disposer d'un droit de veto.

Qu'est-ce que disait la formule de 1982? Il faut comparer la formule actuelle avec celle de 1982. La formule de 1982 parle du droit de veto, pas uniquement de celui du fédéral, mais celui des provinces qui, lui, est inscrit dans la Constitution actuelle, même si elle n'est pas acceptée, même si le peuple du Québec, par la voix de son Assemblée nationale, n'a pas accepté ce projet de Constitution en 1982. Il y a une formule qui est là, qui elle est constitutionnelle.

Que dit-elle? Elle exige que sept provinces ou 50 p. 100 de la population totale est nécessaire pour apporter des modifications à la Constitution.

Le projet de loi C-110, à notre avis, représente moins que Meech et moins que Charlottetown. Les gens du Québec trouvaient que Charlottetown était insuffisant, le reste du Canada, particulièrement l'Ouest, trouvait que c'était trop. Comme c'est moins, vous comprenez qu'il n'est pas surprenant que le Bloc québécois, qui représente les intérêts du Québec, ne soit pas satisfait. Le Parti réformiste qui représente surtout l'ouest du Canada trouve que c'est trop, que c'est encore trop. On est dans une impasse et plus on avance plus l'impasse grandit.

Une autre difficulté majeure avec le projet de loi C-110 est qu'il engage seulement la Chambre des communes. Il est donc prévisible, et d'ailleurs c'est seulement par une loi, que suite à un changement de gouvernement, suite à une élection, qu'il arrive un autre gouvernement, on peut supposer que le Parti réformiste gênerait le gouvernement et s'il conservait la même attitude que présentement, on peut s'attendre à ce que le prochain parti qui formerait le gouvernement pourrait, par une loi, annuler la présente loi.


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Ce dont on parle, ce n'est pas véritablement un changement constitutionnel, c'est simplement une mesure législative qui peut être remplacée par une autre, aussi facilement que le gouvernement actuel, par sa majorité, peut le faire.

Or, le problème fondamental du fédéralisme actuel réside surtout par un partage des pouvoirs qui favorise trop le gouvernement fédéral. Ce dernier, par son pouvoir de dépenser, et lors de situations spéciales, envahit les juridictions provinciales et n'est jamais retiré par la suite.

Les Québécois qui ont voté non le 30 octobre voulaient un droit de veto plus significatif. Ils ne voudront pas de ce projet de loi parce qu'il pourrait être amendé par le prochain gouvernement. Ce projet de loi n'a pas reçu l'accord des provinces pour voir le jour.

Pourquoi ne pas avoir testé ce projet de droit de veto en le soumettant aux provinces pour discussion? Non. Le premier ministre a bien tenté des discussions, mais il s'est fait «revirer de bord assez vite», comme on dit en bon québécois, de sorte qu'il s'est limité aux membres de son parti au gouvernement fédéral.

(1230)

Mais voilà qu'après l'amendement proposé visant à ajouter la Colombie-Britannique, on se rend maintenant compte que les gens de l'Alberta sont mécontents, tout comme les autochtones. On voit que, loin de mettre fin au débat, cette loi continue de l'alimenter. Or, si cette tendance est réversible, il faut le souligner.

Mais il y a un fait qui est important pour les Québécois. Les Québécois forment un peuple, un des peuples fondateurs du Canada. Aucune négociation sur l'avenir du Québec ne peut être réussie sans qu'on admette, dès le départ, que le peuple québécois est maître de son destin. Le projet de loi C-110 sur un prétendu droit de veto pour le Québec ne répond pas aux attentes d'un des peuples fondateurs du Canada, le Québec. Ce projet de loi répond aux seules attentes électoralistes du Parti libéral du Canada.

En tant que représentants du peuple québécois, tous les gouvernements du Québec, depuis 35 ans, ont demandé le rapatriement des pouvoirs législatifs qui seront essentiels pour le développement social et économique du Québec. C'est cette volonté de modifier le partage des pouvoirs, afin de mettre fin à la centralisation des pouvoirs à Ottawa, qui soutenait tous les efforts des gouvernements du Québec pour négocier une nouvelle entente avec le reste du Canada au cours des dernières trente-cinq années.

Ce n'est pas une réponse satisfaisante aux promesses faites par le premier ministre lors de la réunion tenue à Verdun à la fin d'octobre. Personne au Québec ne croyait que le gouvernement fédéral proposerait aux Québécois un droit de veto aussi insignifiant, même pas les militants du Parti libéral du Québec qui ont voté non lors du référendum du 30 octobre 1995. Aucun gouvernement du Québec, ni le Parti québécois, ni le Parti libéral du Québec, n'a, par le passé, envisagé une réforme aussi mince de la formule d'amendement constitutionnel. Les demandes traditionnelles du Québec portent toutes sur un droit de veto constitutionnel réel pour le Québec, et non sur une simple promesse législative de ne pas procéder unilatéralement pendant la durée de vie de ce gouvernement.

De toute évidence, le premier ministre veut sauver la face en faisant semblant de tenir ses promesses référendaires, mais les Québécois ne sont pas dupes. Ce pseudo droit de veto ne répond pas aux besoins de changement exprimés par les Québécois, bien au contraire. Il s'inscrit plutôt dans la continuité du rapatriement unilatéral de la Constitution de 1982 et l'imposition de la Charte des droits de M. Trudeau. Tout cela, sans l'accord du Québec, pas seulement de la part des gens du Parti québécois, mais aussi les gens du Parti libéral du Québec. Même le très fédéraliste Claude Ryan, qui était alors chef du Parti libéral du Québec, n'était pas d'accord.

Au lieu d'offrir un changement constitutionnel, c'est un cadenas de plus pour empêcher de nouveaux changements constitutionnels déjà rendus difficiles par le «Canada Bill» de 1982, où il faut l'accord du fédéral et de sept provinces sur dix qui représentent 50 p. 100 de la population. Là, le fédéral rendra l'exercice de son droit de veto encore plus difficile. En plus du droit de veto que je viens d'exprimer, son droit de veto à lui sera conditionné par cinq régions, dont deux régions où il faut le double des provinces.

La devise du Québec est «Je me souviens» et on se souvient, de ce côté-ci de la Chambre, que celui qui a proposé le rapatriement de la Constitution en 1982 est celui qui propose maintenant un cadenas pour interdire tout changement à venir.

[Traduction]

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Madame la Présidente, c'est un plaisir et un privilège que d'avoir la possibilité de prendre la parole sur une mesure législative aussi importante que le projet de loi C-110, une loi concernant les modifications constitutionnelles.

Un bon nombre de députés ont déjà parlé de cela au cours des deux derniers jours et le débat a été animé des deux côtés de la Chambre. Nous avons entendu tous les chiffres et toutes les formules, par exemple celle du cinq et sept. Tout cela est très bien. Je ne veux pas revenir là-dessus et passer de nouveau en revue les faits, les chiffres e les formules. Je voudrais commencer mes remarques par une citation de deux Canadiens distingués qui se sont donnés corps et âme au Canada.

(1235)

Sir John A. Macdonald a dit:

Si je pouvais influer sur l'esprit de la population du Canada, si j'avais prise sur les capacités intellectuelles des gens, voici ce que je leur dirais. Quoi que vous fassiez, adhérez à l'union. Nous sommes une grande nation et nous deviendrons une des plus grandes de l'univers si nous la préservons. Nous allons sombrer dans le néant et l'adversité si nous acceptons que l'union soit brisée. C'est Dieu et la nature qui ont uni le Canada. Que personne ne soit autorisée à le détruire.
L'autre grand Canadien, sir Wilfrif Laurier, a dit:


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Cette cathédrale est faite de marbre, de chêne et de granite. C'est l'image de la nation que je voudrais que le Canada devienne. Je veux que le granit reste du granit, que le chêne reste du chêne, et, avec tous ces éléments, je construirais une nation grande parmi les nations du monde.
Une centaine d'années plus tard, nous pouvons apprécier les propos tenus par ces deux grands Canadiens. Le monde entier considère le Canada d'aujourd'hui comme le pays où il fait mieux vivre. Quand je m'adresse aux députés à la Chambre, je leur dis combien nous avons de la chance et je le rappelle constamment à ma famille et à mes amis.

Je ne sais vraiment pas ce qui se passe ici. La semaine dernière, j'ai remarqué la nouvelle inscription sur les armoiries: «Ils aspirent à une patrie meilleure». Ces deux distingués Canadiens aspiraient à une patrie meilleure. Tous ceux qui sont venus ici comme immigrants, qu'il s'agisse de nos parents ou de nos grands-parents, aspiraient à une patrie meilleure. Les gens sont venus pour consolider les fondations posées par Laurier et Macdonald.

Que fait-on maintenant? Avons-nous la volonté de survivre? À mon avis, nous devons créer une âme canadienne. Nous devons établir une unité, en être fiers et la faire connaître. Partageons la joie d'être Canadien et de former un pays unique dans le monde.

Je suis inquiet de ce qui se passe parce que la situation nous échappe tout à fait. On dirait qu'il y a de la bousculade dans l'air, car ni le Bloc québécois ni le Parti réformiste ne sont disposés à avouer ce qui suit: «Oui, nous nous sommes trompés. Oui, les intérêts de notre pays passent avant la politique partisane. Oui, il faut parfois faire des compromis, comme l'ont fait les Pères de la Confédération.»

Notre pays a dit oui au chemin de fer pour apaiser la Colombie-Britannique et renforcer l'union. J'ai vraiment peur de ce qui se passe actuellement dans notre pays.

Il n'y a pas si longtemps, je suis allé, avec ma famille, voir le Roi Lion. Mes vis-à-vis me rappellent les hyènes et les vautours qui attendent simplement de pouvoir profiter de la situation, et cela m'inquiète grandement. Cela me préoccupe, car nous devons rendre des comptes à nos enfants et à nos petits-enfants, ainsi qu'à leurs enfants, dans les générations à venir. Je suis inquiet, car je ne veux même pas penser au jour où je serai assis avec mes petits-enfants et, si Dieu me prête vie, avec mes arrières-petits-enfants, et où je leur parlerai du grand pays que nous appelions le Canada. Il est possible que mes petits-enfants et arrières-petits-enfants aient besoin d'un passeport pour visiter leurs amis à Montréal ou à Québec. Je ne veux même pas y songer.

Aujourd'hui, je tends la main, et pas simplement aux députés bloquistes ou réformistes qui disent parler au nom de leurs électeurs, ce que jene crois pas un seul instant. Le 28 octobre, beaucoup de mes collègues et de leurs électeurs, des personnes âgées et des étudiants notamment, se sont réunis à Lawrence et Midland, à trois ou quatre heures du matin, pour monter à bord d'autobus et faire six heures et demie de route pour se rendre à Montréal. Ils ne l'ont pas fait pour supplier les Québécois de ne pas se séparer. Ils voulaient simplement montrer l'amour qu'ils portent à notre pays. Ils ont essayé de dire à tous les Canadiens de toutes les régions que nous sommes un pays fort et uni et qu'il est tout à fait sensé de le garder ainsi.

(1240)

Le seul moyen pour eux de se rendre à Montréal cette journée-là, c'était de monter à bord des autobus et des avions nolisés par les députés libéraux. Je veux profiter de l'occasion pour remercier le comité de l'unité des efforts qu'il a déployés pour mettre ce projet sur pied.

Je suis inquiet, car il semble qu'on dénature les faits. Le chef du Bloc québécois a fait des insinuations et des propositions bidon en essayant de toucher les aspects émotifs d'une question ambiguë, une question pleine de déclarations trompeuses et de lacunes, une question qui manquait totalement de fond et qui induisait les gens en erreur.

J'ai parcouru à pied les rues de Montréal et me suis rendu dans des magasins d'alimentation, dans des restaurants. Même à la toute dernière minute, les gens s'y perdaient. Ils ignoraient ce sur quoi ils se prononçaient. Prions le ciel qu'il n'y ait pas un autre référendum, mais, chose certaine, si cela arrive, je serai en faveur de poser une question franche aux Québécois comme: «Voulez-vous oui ou non rester au Canada? Voulez-vous continuer d'être Canadiens ou souhaitez-vous devenir des citoyens d'un autre pays?»

Nous sommes une nation relativement jeune par rapport à la plupart des pays du monde. Cependant, en peu de temps, nous avons réussi à devenir le meilleur pays du monde où vivre.

Plus tôt, j'ai parlé de Laurier et de Macdonald. Ils étaient eux aussi des immigrants. Je suis fier de siéger à la Chambre aujourd'hui et de prendre la parole. Une centaine d'années plus tard, un autre immigrant défend le pays. Il est carrément honteux que nous ayons des députés du Bloc et du Parti réformiste. Je ne suis pas né au Canada, mais j'ai le bonheur d'y vivre.

Je ne peux rien dire qui puisse amener les députés du Parti réformiste ou du Bloc à changer d'avis. Je ne vais pas tenter de le faire, mais je vais tout de même parler à mes amis de Montréal et de Québec et leur dire la vérité.

Nous avons le Parti réformiste qui ne cesse de faire volte-face. Voici la vision qu'ont les réformistes de leur plan en 20 points. Ils disent représenter le reste du Canada et le reste du Canada refuse qu'une province ait des droits spéciaux par rapport à une autre. Ils disent qu'ils ne voteront jamais pour un projet de loi qui accorde plus de pouvoirs à une province qu'à une autre. C'est bien dommage, car ils ont oublié que c'est ce qu'ils désiraient lorsqu'ils ont présenté leurs nouvelles propositions en 20 points au sujet de la Confédération. Le chef du Parti réformiste y déclare que son parti est d'accord pour que le Canada soit divisé en cinq régions, d'accord. . .

M. Johnston: C'est de la foutaise.

M. Stinson: Soyez honnête pour une fois.

M. Cannis: De la foutaise, soyez honnête avec les Canadiens. Ne paraissez pas devant les caméras de télévision pour faire une scène en cherchant bassement à faire des gains politiques. Les députés devront rendre des comptes aux Canadiens. Le jour n'est pas loin où ils devront leur rendre des comptes.


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M. Johnston: Tu parles!

Une voix: Cela ne prendra pas.

M. Cannis: Le débat que nous tenons sur cette motion dans cette honorable Chambre aujourd'hui représente une occasion très exceptionnelle. Nous avons l'occasion de jeter des bases et de lancer un signal pour 1997 aux Québécois et à tous les Canadiens. Nous lançons un signal à l'opposition officielle. Nous lançons un signal au Parti réformiste, en lui disanat qu'il doit sauver son honneur et faire preuve d'un esprit de solidarité et de collaboration, pour créer un climat favorisant la prospérité économique.

Les Canadiens qui travaillent sont heureux. Notre programme a surtout pour objet de remettre les Canadiens au travail, de rétablir le sentiment de dignité dans les foyers.

Nous devons donner aux Canadiens le pays qu'ils méritent, c'est-à-dire, le meilleur pays du monde. Je suis fier d'appuyer le projet de loi. Bien sûr, j'aurai à rendre des comptes aux Canadiens aux prochaines élections et il en sera de même pour tous les députés. Que Dieu bénisse le Canada!

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour exprimer mon opposition au projet de loi C-110 et ce, pour plusieurs raisons.

(1245)

À mon avis, ce projet de loi crée énormément de division. Les paroles que vient de prononcer le député d'en face confortent encore plus cette opinion. Le gouvernement a eu diverses possibilités pendant le référendum tenu au Québec. Mais le premier ministre s'est contenté de dire: «Il ne faut pas s'inquiéter, soyez heureux. Nous sommes heureux. Les Canadiens n'ont aucune raison de craindre ce qui peut arriver au Québec.»

Les ministériels nous ont dit, à la Chambre et devant tous les Canadiens, qu'il y avait simplement un faible mouvement séparatiste au Québec, et les Canadiens les ont crus. Les réformistes ne les ont jamais crus. Nous avons fait remarquer qu'il y avait toutes sortes de signes indiquant que le mouvement était plus fort que les ministériels voulaient bien le dire aux Canadiens. Malheureusement, le premier ministre aime bien s'enfouir la tête dans le sable. Nous avons presque perdu la province avec des mesures législatives comme celle-ci. Le grand gouvernement qui est en place a décidé de dire n'importe quoi aux Canadiens, sauf la vérité.

Nous voici donc aujourd'hui, au lendemain du vote sur la société distincte, où le bâillon nous a été imposé. Notre débat porte aujourd'hui sur le droit de veto. À notre avis, le gouvernement a clairement décidé de se mettre à genoux en suppliant un gouvernement séparatiste de bien vouloir rester. Pour cela, il est disposé à laisser tomber le reste du pays. Quand les ministériels se mettent à parler de droit de veto pour certaines provinces, à dire aux gens qu'en raison de la région dans laquelle ils habitent, ils auront plus de pouvoir que d'autres vivant dans d'autres régions, ils se cherchent des ennuis.

À l'école, on m'a enseigné que le principe fondamental au Canada, c'était l'égalité pour tous les citoyens, pas seulement pour quelques privilégiés, pas pour les membres du Cabinet, mais pour tous les Canadiens. Les mesures dont nous sommes saisis depuis quelques jours contredisent absolument tout ce qu'on nous a enseigné sur le Canada. Le gouvernement a décidé qu'à cause de nos origines ethniques, certains d'entre nous ne peuvent plus se considérer Canadiens; ils seront des Canadiens distincts. Quel retentissement pense-t-il que cette décision peut avoir auprès du reste de la population du Canada?

Nous entendons les députés d'en face dire qu'il y a deux peuples fondateurs. Cela s'est passé il y a plus d'un siècle. Il y a énormément de citoyens canadiens qui veulent être considérés comme des citoyens canadiens, et cela non en fonction de leurs origines ethniques. Ils sont venus ici pour devenir Canadiens, mais des mesures comme celle-ci mettent ce rêve en pièces.

Le gouvernement va provoquer un ressac qui verra encore une fois le séparatisme de l'Ouest dresser tout probablement sa vilaine tête. Or, le gouvernement n'a aucune crainte à cet égard. Il ne s'en préoccupe pas. Ses députés disent: «Nous avons accordé un droit de veto à la Colombie-Britannique. Ne devriez-vous pas être contents?»

Le premier ministre a résisté des pieds et des mains à l'idée d'accorder un droit de veto à la Colombie-Britannique. Je rappelle au gouvernement qu'il ne voulait absolument pas le lui accorder. Ce n'est pas tant parce que la Colombie-Britannique voulait ce veto qu'il le lui a accordé; c'est pour apaiser le reste du Canada. Cela semble se retourner contre lui.

Nous avons entendu un autre député dire que le Parti réformiste était favorable à l'idée des cinq régions. Il faut dissiper tout malentendu. Nous avons proposé 20 questions pour faire l'objet de discussions auprès des Canadiens, pas auprès des membres du Cabinet qui se donnent des airs de démiurges.

(1250)

Si un élément quelconque de ces 20 questions suscite des préoccupations, qu'on en parle au Parti réformiste et ces problèmes seront étudiés. Nous persistons à croire qu'il faut consulter la population et la laisser décider de notre politique. Aucune de nos politiques n'est adoptée par une poignée de députés comme c'est le cas des politiques du gouvernement.

Voyons à quoi nous renonçons ici. Avec ce droit de veto, il n'y aura plus de changements. La statu quo va se perpétuer indéfiniment. Telle ou telle région pourra décider que les modifications proposées vont à l'encontre de ses intérêts. Par conséquent, rien ne va changer, mais le mécontentement va grandir parmi les contribuables à cause de cet immobilisme.

Nous n'allons pas avoir cette centralisation que le gouvernement recherche. Tout ce qu'il risque, ce sont des tensions encore plus vives. Les Canadiens vont finir par en avoir plein le dos de cet État dictatorial qu'on appelle le Canada, où le gouvernement est l'affaire d'une seule personne. Ils considéreront cette initiative comme un retour à l'accord de Charlottetown, qui a été rejeté avec fracas dans


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tout le Canada. Comme l'accord a été rejeté, le gouvernement trouve des moyens détournés pour y revenir et lui donner force de loi. Il se refuse à tenir compte des résultats du vote.

Le gouvernement n'essaie pas de prendre en considération l'opinion des citoyens. Il n'a pas l'intention de les écouter. Ses députés entendent simplement veiller à ce que leur assiette soit pleine, à ce qu'ils connaissent confort et sécurité, et à ce que leurs chèques de paye entrent à temps. D'après ce que je peux voix, c'est tout ce qui a jamais préoccupé le gouvernement libéral ces deux dernières années.

Voyons ce que les libéraux proposent. Ils disent avoir une belle conception du Canada à proposer, celle d'un Canada uni. Toutefois, tous les Canadiens de toutes les régions du pays partagent cette même conception. Le gouvernement sera peut-être surpris d'apprendre qu'il n'a pas à convaincre les gens. Il doit toutefois se montrer honnête envers la population canadienne. Il doit lui dire exactement ce qu'il donne au gouvernement séparatiste du Québec. Les gens vont comprendre; ils vont se rendre compte que le gouvernement les sacrifie. Le gouvernement sacrifie la population du Canada et s'y prend très mal d'ailleurs.

Les propositions dont nous sommes saisis ne contribueront en rien à promouvoir l'unité nationale. Nous siégeons ici tous les jours et écoutons le gouvernement qui tente de nous faire avaler son projet. Je dois admettre que certains députés d'en face pourraient vendre de la neige en Alaska. Ils maîtrisent cet art. Ils arrivent à dire: «Soyez heureux, vous ne sentirez rien.» Pourtant, chaque fois qu'une de leurs mesures est appliquée, les gens le sentent. Les libéraux reviendront dans six mois et diront: «Nous ne savions pas que les gens s'inquiétaient. Personne ne nous a dit que la question préoccupait la population.» C'est l'explication qu'ils offrent pour tout ce qu'ils font.

Nous sommes revenus à la Chambre en pensant que nous vivions encore dans un pays démocratique. Ce n'est pas le cas. Lorsque le gouvernement peut imposer la clôture, on ne peut plus parler de démocratie.

M. John Maloney (Erie, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles.

(1255)

Je voudrais tout d'abord décrire certains faits saillants d'une mesure législative qui est, à mon avis, solide et innovatrice. Selon le projet de loi sur le veto régional qui a été déposé à la Chambre des communes, le gouvernement du Canada devra obtenir le consentement du Québec, de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, des provinces de l'Atlantique et des provinces de l'Ouest avant de proposer des modifications constitutionnelles au Parlement. À l'heure actuelle, seule la Chambre des communes possède un droit de veto absolu sur toute modification constitutionnelle.

Le projet de loi garantit au Québec, à l'Ontario, à la Colombie-Britannique, à la région de l'Atlantique et à la région des Prairies un veto général sur toute modification constitutionnelle dans les domaines où ils ne bénéficient pas déjà d'un veto absolu ou du droit de retrait. Ce veto va s'appliquer aux modifications touchant aux institutions nationales comme le Sénat, à la création de nouvelles provinces et à la répartition des pouvoirs.

Conformément au projet de loi, une modification constitutionnelle devra, avant d'être examinée par le Parlement, avoir le consentement d'au moins six provinces, y compris le Québec, l'Ontario, la Colombie-Britannique, deux provinces de l'Atlantique représentant plus de la moitié de la population de la région et deux provinces des Prairies représentant plus de la moitié de la population des Prairies.

Le gouvernement fédéral ne pourra pas déposer une modification si l'une des cinq régions refuse de donner son consentement, même si au moins sept provinces représentant la moitié de la population canadienne adoptaient une résolution en faveur de la modification en question. Le consentement des provinces et des régions va pouvoir s'exprimer de diverses façons: par avis direct, par vote des assemblées législatives ou par référendum.

Ce projet de loi ne modifie pas la Constitution canadienne. Une loi du gouvernement fédéral n'en demeure pas moins une mesure sérieuse. Cette loi va faire partie des statuts refondus du Canada et sera exécutoire pour le gouvernement actuel et les gouvernements ultérieurs.

En déposant ce projet de loi, le gouvernement fédéral respecte son engagement à l'égard des Québécois et leur garantit une protection accrue au sein de la fédération canadienne d'une façon qui ne devrait pas offenser les autres provinces. En outre, le gouvernement fédéral reconnaît que le processus de modification de la Constitution intéresse toutes les régions du Canada. C'est pourquoi il accorde un veto aux cinq régions du pays, les traitant toutes avec justice et équité.

Ce n'est pas le temps, maintenant, de tenir des pourparlers constitutionnels. Le gouvernement du Québec et celui qui aspire à devenir le premier ministre de cette province se vouent sans équivoque au triomphe de la séparation. Si la situation changeait et que le Québec et les autres régions s'entendaient, le droit de veto proposé dans ce projet de loi pourrait être inclus dans la Constitution. Cela fera l'objet d'autres débats et discussions ainsi que d'une mûre réflexion à laquelle nos concitoyens canadiens seront appelés à participer.

Dans le passé, les efforts déployés pour que le Québec devienne partie à la Constitution ont échoué. Lorsque les Canadiens ont voté contre l'accord de Charlottetown en 1992, ils ont rejeté un ensemble complexe, et j'insiste sur le mot complexe, de modifications constitutionnelles prévoyant, notamment, un Sénat élu, proposition à laquelle je souscris, soit dit en passant, l'autonomie gouvernementale des autochtones, un droit veto à chaque province pour toute modification à la composition du Sénat, de la Chambre des communes et de la Cour suprême, et la reconnaissance du Québec comme société distincte.

La nouvelle proposition du premier ministre, beaucoup plus simple, est facile à comprendre et devrait être jugée en fonction de ses mérites.

Dans les efforts qu'ils ont déjà déployés pour que le Québec devienne partie à la Constitution, les Canadiens de l'extérieur de cette province s'entendaient sur une question fondamentale, et je partage tout à fait leur avis: il ne fallait pas conférer au Québec des


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pouvoirs qui rendraient les Québécois plus égaux que leurs concitoyens canadiens. Un droit de veto pour le Québec seulement, même s'il ne visait que la langue, la culture et la tradition de droit civil, aurait en effet conféré un statut très particulier auquel s'opposait la majorité des Canadiens. Mes électeurs de la circonscription d'Erie s'opposeraient en effet à la reconnaissance d'un statut spécial pour n'importe quelle région.

Par contre, si le droit de veto était conféré aux dix provinces, il pourrait s'ensuivre des situations où, avec sa population de 130 000 habitants, l'Île-du-Prince-Édouard pourrait faire obstacle aux aspirations démocratiquement exprimées par l'Ontario. Il serait plus facile de prendre fait et cause pour un droit de veto accordé à chaque province, si la population de chacune d'elles était la même, ce qui n'est évidemment pas le cas.

Certains ne sont pas enthousiasmés de voir leur province regroupée avec d'autres pour former une région géographique. S'il sont honnêtes avec eux-mêmes, ils admettront que le droit de veto régional traduit bien la réalité canadienne, notamment sur le plan démographique.

Le droit de veto régional du gouvernement est une mesure logique qui établit un équilibre entre des blocs de population assez égaux de sorte que plusieurs millions de personnes ne voient pas l'atteinte de leurs aspirations compromises par plusieurs centaines de milliers d'autres personnes. N'est-ce pas juste et équitable?

Si chacune des provinces avait un droit de veto, la négociation d'un compromis national serait encore plus difficile que l'ont été toutes les négociations constitutionnelles frustrantes des dernières années.

Il convient de souligner que, jusqu'en 1982, le Québec avait un droit de veto de fait, même s'il n'était pas inclus dans la Constitution, sur tout changement constitutionnel fondamental. La modification proposée rétablit le principe que René Lévesque a abandonné au cours des négociations finales de la Loi de 1982 sur le Canada.

(1300)

En dépit de certaines difficultés, le droit de veto du Québec n'a pas empêché le Canada de grandir et de prospérer pendant 125 ans. Les Canadiens se rendent maintenant compte que nous ne pouvons pas continuer d'édifier une fédération forte et unie en essayant de contraindre le Québec à accepter une Constitution qu'il juge carrément inacceptable.

Des Canadiens de toutes les régions du Canada ont commencé la croisade pour le Canada à la manifestation de Montréal. Nous devons contribuer à cette croisade jusqu'à la victoire finale. J'ajoute que nous discutons d'une loi du Parlement, ce qui veut dire qu'elle peut être modifiée ou abrogée. Il ne s'agit pas d'une modification constitutionnelle qui nous lierait. L'essai vaut la peine d'être tenté. Pensez à ce que l'on pourrait perdre si on ne le tentait pas.

Le projet de loi vise à essayer d'enlever aux séparatistes l'initiative du débat sur l'avenir du Canada. Tous les Canadiens veulent intervenir dans ce débat et ont le droit de le faire. Nous offrons un changement en profondeur et tangible que même le chef de l'opposition officielle et ses acolytes ont trouvé difficile de discréditer. C'est un changement qui peut être accepté dans le reste du Canada, quoique avec certaines réserves.

Il était intéressant d'entendre le chef de l'opposition officielle et ses acolytes expliquer aux Québécois pourquoi ils ne voulaient pas accepter une offre que le Québec jugeait essentielle. Le chef de l'opposition officielle et ses acolytes ont déclaré que jamais une offre fédérale ne serait acceptable pour le Québec. En fait, ils ne pensent qu'à une seule chose, un pays indépendant. Ils n'ont pas compris qu'au dernier référendum les Québécois ont rejeté la souveraineté, mais cela n'empêche pas les séparatistes de continuer à contredire leurs électeurs et à poursuivre un objectif que la majorité des Québécois ont rejeté. Ils sont démocratiques quand les gens sont d'accord avec eux, mais autocratiques quand les gens sont en désaccord avec eux.

Les propositions envoient aux Québécois le message clair selon lequel les cris stridents du Parti réformiste ne reflètent pas le point de vue du reste du Canada. Les Canadiens sont prêts à faire des concessions raisonnables pour le Québec. Le Bloc québécois n'a pas la réponse qui convient. Je rappellerai aux députés réformistes que les Canadiens de l'Ouest souhaitent que le Canada reste intact. Ce ne sera pas la fin du monde si l'Alberta perd le droit de veto provincial qu'elle n'a jamais eu. Il n'y a rien de déshonorant à faire une concession mineure afin de conserver un merveilleux trésor: le Canada. C'est un bien faible prix à payer pour un pays uni. L'obligation de faire des compromis n'est pas vraiment difficile ni horrible.

Le Canada est certes las de la question du Québec, mais celle-ci le préoccupe beaucoup également. Nombre de Canadiens admettront qu'ils ont mal dormi la veille du référendum du 30 octobre et qu'ils ont poussé un soupir de soulagement collectif quand une majorité de Québécois ont rejeté la séparation.

Le projet de loi C-110 est un pas dans la bonne direction. Il ne constitue pas la fin ni même le début de la fin du malaise constitutionnel. Les séparatistes, qui le considèrent comme inacceptable, devraient demander à leurs électeurs ce qu'ils en pensent et être honnêtes envers eux-mêmes et envers nous ensuite, car le projet de loi accorde aux Québécois une bonne partie de ce qu'ils demandent. Parallèlement, l'offre d'un droit de veto constitutionnel au Québec, à l'Ontario, aux provinces atlantiques, aux provinces des Prairies et à la Colombie-Britannique devrait satisfaire ceux qui s'opposent à ce que le Québec obtienne des pouvoirs qui ne seraient pas accordés au reste du pays. N'en sommes-nous pas arrivés à un compromis raisonnable, à un compromis acceptable pour tout le monde?

Le gouvernement a agi de bonne foi. Même si ces propositions manquent de poids du point de vue constitutionnel, elles pourraient fort bien représenter notre meilleur et peut-être notre seul espoir de garder notre pays fort et uni. J'exhorte les députés de la Chambre à laisser de côté la jalousie entre les régions et la politique partisane. Ces propositions méritent l'appui de tous ceux qui veulent préserver l'unité de notre beau pays.

Donnez une chance à l'unité. Donnez une chance au Canada.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, c'est avec intérêt et conviction que je participe aujourd'hui au débat concernant le projet de loi C-110 que nous propose le gouver-


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nement, projet de loi introduisant dans notre jargon constitutionnel une autre formule d'amendement à une Constitution que la nation québécoise a rejetée en refusant de la signer en 1982.

Je vous dis que je participe à ce débat avec conviction car, depuis hier, depuis que j'ai entendu encore une fois le premier ministre renier le sens même de ces maigres propositions de changement, je me sens encore plus légitimée de combattre l'indécente désinvolture qui caractérise ce gouvernement dans un sujet aussi fondamental que l'est un pacte jadis convenu entre deux peuples fondateurs.

(1305)

Oui, comme des millions de mes compatriotes québécois, j'ai entendu hier le premier ministre déchanter de ses engagements référendaires, mettant en sourdine la sérénade de bonnes intentions qu'il a servie en catastrophe au peuple québécois à la fin de la campagne référendaire.

Pour celles et ceux qui ont cru à la sincérité des grands élans de changement qu'amorçait, main sur le coeur, le premier ministre lui-même au lendemain du référendum, ils ont compris hier à quel point ils ont été les victimes d'une supercherie dont l'inélégance est incomparable.

Oui, j'ai entendu le premier ministre livrer, lors d'une entrevue au réseau national anglais, le véritable fond de sa pensée quant aux changements qu'il propose. J'ai entendu le premier ministre dire que ce qu'il avait promis au Québec c'était «trois petites choses». Et ce sont ses paroles.

Ainsi donc, s'il faut en croire l'aveu même du premier ministre livré hier à la nation, nous sommes donc appelés par le gouvernement à débattre de l'une de ces «trois petites choses» que constitue le projet de loi C-110.

Qu'en est-il donc de cette petite chose pour le Québec? C'est vraiment peu de chose en effet. Ça, nous le savions, même si les députés du gouvernement s'acharnaient, jusqu'à hier, à vendre cette disposition aux Québécois comme si elle était la trouvaille de ce siècle. Faisant preuve d'un impérialisme magnanime, le gouvernement fédéral veut se montrer généreux envers le Québec en lui prêtant un droit de veto.

Dans les faits, le gouvernement fédéral fait miroiter au Québec un droit de veto dont le recours n'est pas de sa compétence, mais celle du fédéral. À tout moment, le gouvernement fédéral peut contourner l'opinion et la compétence de l'Assemblée nationale en imposant ses propres règles du jeu quant à l'utilisation de ce simulacre de droit de veto.

Ce que le gouvernement fédéral prétend donner d'une main, il établit d'ores et déjà les mécanismes pour le reprendre de l'autre. Nous étions habitués, au Québec, d'une tentative de réforme constitutionnelle à une autre, à ce genre d'entourloupettes. Jamais, par contre, on a poussé l'affront aussi loin par écrit à l'intérieur d'un projet de loi. Jamais, au cours de toutes les infructueuses négociations constitutionnelles passées, on aurait pensé servir une telle insignifiance au Québec.

En ce sens, le discours fédéraliste est assez paradoxal. Devant les Québécois, on louange le retour du droit de veto et devant le Canada anglais, à qui le premier ministre doit rendre compte de ses piètres performances référendaires, on dit que ce projet de loi n'est rien du tout. Tout juste de quoi bâcler quelques tristes promesses qu'on regrette d'avoir faites tout en ayant l'air de régler solennellement la grande question de l'unité nationale.

Il faut également refuser ce projet de loi car, de toute évidence depuis son dépôt, il laisse transpirer l'improvisation qui a guidé son écriture. D'abord conçu, selon le gouvernement, pour satisfaire une revendication historique du Québec, voilà maintenant qu'il est dilué au point de vouloir donner à tout le monde en même temps, y compris à ceux qui n'ont jamais réclamé, un droit de veto.

Reconnaissons d'emblée que les prémisses qui sous-tendent le discours fédéral de redonner au Québec un droit de veto perdu sont fausses. Du côté gouvernemental, on accuse les leaders souverainistes du Québec, M. René Lévesque en tête, d'avoir renoncé, et ainsi perdu le droit de veto. Voilà une prémisse qui est fausse et que les mandarins fédéraux, ainsi que le ministre de la Justice, savent fort à propos. C'est la Cour suprême qui a statué en 1982 que le Québec n'avait pas un droit de veto et qu'il n'en avait jamais eu. Dans la foulée de l'irréparable rapatriement de la Constitution, conduit à l'époque par l'actuel premier ministre, c'est la Cour suprême, dans un second jugement sur les référés constitutionnels, qui a statué que ce droit de veto n'avait jamais existé pour le Québec.

Il est clair que ni ce gouvernement, ni le Canada anglais, ne veulent de véritable droit de veto pour le Québec. À preuve, ce n'est pas un droit de veto qu'a introduit ce projet de loi, mais quatre, avec en prime un cinquième, tout chaud arrivé en cours de route. Lorsqu'on n'a rien à donner véritablement, on fait preuve de largesse, on est prêt à tout donner et à tout le monde. Mais pour répondre adéquatement au Québec, à ce qu'il réclame de droit depuis des décennies, on refuse de répondre sinon que par la mesquinerie, la fermeture et un manque total de respect envers l'espérance de changements profonds exprimée par les Québécoises et les Québécois lors du dernier référendum.

(1310)

Ainsi, les engagements solennels et les démonstrations d'amour ont cédé le pas en si peu que 40 jours à trois petites choses insignifiantes et sans valeur. D'abord, une motion de société distincte sans aucune portée juridique, déjà bafouée par le premier ministre qui renie l'existence même d'une culture québécoise. Ensuite, un droit de veto offert, ou plutôt imposé à tout le monde, un droit de veto sitôt donné, sitôt retiré, puisque le seul fiduciaire en est le gouvernement fédéral. Finalement, une parodie de transfert de responsabilités dans le dossier de la formation de la main-d'oeuvre où on se complaît à refiler les devoirs sans les pouvoirs financiers.

Oui, l'interprétation du premier ministre livrée hier est juste: ce sont trois petites choses qu'il sert aux Québécoises et aux Québécois en réponse à ses promesses et aux attentes de celles et de ceux qui ont voté non au référendum, confiants que les changements promis viendraient.

Mais un grand peuple s'exprime par de grandes choses. Il rejette l'impérialisme qui veut lui en imposer des petites, et cela porte un nom: la fierté.


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Je voterai contre le projet de loi avec fierté.

[Traduction]

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler du projet de loi C-110, qui donne un droit de veto aux régions, et de l'amendement qui vise à faire passer le nombre de régions de quatre à cinq.

En participant aujourd'hui à ce débat sur le projet de loi C-110 à l'étape du rapport, je me pose certaines questions. Pourquoi exactement sommes-nous dans cette situation? Pourquoi en sommes-nous là? Qu'est-ce qui nous a conduits à cette discussion?

Si nous retournons au début de cette session parlementaire en octobre 1993 et au printemps de 1994, nous avions certaines attentes. J'avais certaines attentes à l'égard du gouvernement fédéral. Pendant neuf ans, les libéraux ont formé l'opposition. Comme le dit clairement Beauchesne, le groupe qui joue le rôle de l'opposition officielle doit être prêt à prendre la place du gouvernement et à assumer cette responsabilité.

J'ai posé la question au début de la session et je la pose encore aujourd'hui: l'opposition libérale était-elle prête à devenir le gouvernement du Canada? Je dois dire qu'elle ne l'était manifestement pas. Au début de cette première session, au printemps de 1994, le gouvernement n'a rien fait du point de vue de sa politique financière. Il n'avait aucun plan pour réduire le déficit du pays, se contentant de se plaindre de ce que les conservateurs avaient fait avant lui. Il n'avait rien de concret à proposer pour réduire le déficit dans un premier temps, ni de plan à long terme pour l'éliminer complètement et équilibrer le budget. C'est tout.

Dans d'autres secteurs, par exemple la politique sociale, les pensions et la justice, il était uniquement question d'études et de rapports de comités. Le leader du gouvernement à la Chambre ne cessait pas de mentionner que telle ou telle question devait faire l'objet d'une étude. Cette abondance d'études et l'absence de décisions durant cette première session de la 35e législature sont même devenus un sujet d'humour à la Chambre. Voilà ce qui s'est produit et les choses ont été laissées au hasard à cause de cela.

Rien n'a été fait depuis 1994. Un énorme projet de refonte des programmes sociaux s'est fait attendre et n'a donné aucun résultat concret. Nous attendons depuis 20 mois un livre blanc sur la réforme des pensions. C'est dans ce contexte que se tient le débat sur le projet de loi C-110.

Le gouvernement improvise et c'est pourquoi il n'a proposé que des politiques mal conçues et inefficaces. Pensons, par exemple, à la politique de l'assurance-emploi du ministre du Développement des ressources humaines. La question est de savoir si ce régime permettra de remettre les gens au travail. Nous en doutons.

(1315)

Le gouvernement propose des politiques vides et symboliques qui n'abordent pas les vrais problèmes dont nous avons été saisis. Le meilleur exemple, pendant la législature actuelle, est le projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Ce projet de loi du ministre de la Justice est sensé mettre un frein à la criminalité par l'enregistrement des armes à feu. Nous l'avons dit et redit à la Chambre, c'est la mesure la plus insensée jamais proposée.

Si on examine le projet de loi actuellement à l'étude dans ce contexte, la stratégie référendaire du premier ministre jusqu'au 30 octobre 1995 offre un autre exemple d'improvisation. Le gouvernement n'avait aucun plan de renouvellement du fédéralisme à proposer, mais seulement le statu quo. Au lieu de tenter de dissiper les mythes des séparatistes concernant un divorce indolore, le gouvernement a gardé le silence. Plutôt que de concevoir une stratégie référendaire, il a espéré que personne ne dise quoi que ce soit et que les choses s'arrangent toutes seules. Nous savons tous que le résultat du vote a été extrêmement serré et que cela a failli nous coûter un pays, parce que le gouvernement libéral était mal préparé et s'est contenté de s'acquitter de ses responsabilités de façon automatique.

Ce projet de loi que nous examinons depuis la semaine dernière montre que le premier ministre a encore fait la même chose. Après avoir fait en désespoir de cause, pendant la dernière semaine de la campagne référendaire, une promesse que Daniel Johnson ne lui a pas laissé oublier, le premier ministre et trois ou quatre de ses conseillers se sont réunis au troisième étage de l'édifice du Centre et ont élaboré un ensemble de mesures pour sauver l'unité nationale. Le gouvernement nous a présenté ce train de mesures pour étude.

Nous croyons que le train de mesures pour sauver l'unité nationale va diviser davantage le pays qu'il ne l'unira. Quel effet aura-t-il sur le Québec, par exemple? A-t-il ramené le Québec au Canada? Non. Le futur premier ministre du Québec a demandé à la Chambre si c'était là tout ce que le Canada avait à offrir au Québec.

Les coupes fédéralistes sont vides. Elles n'ont pas réussi à étancher la soif apparemment insatiable du Québec et n'ont fait qu'accentuer la division. D'autres Canadiens demandent pourquoi le gouvernement continue de faire des concessions mais n'en fait pas autant au reste du pays.

Les propositions actuelles sont-elles meilleures que les accords du lac Meech ou de Charlottetown? Beaucoup d'entre nous ont qualifié ce projet de loi d'Accord de Charlottetown allégé, car il offre moins au Québec. si c'est ainsi, comment pourra-t-il faire davantage pour la cause fédéraliste au Québec?

Quels sont les effets de ce projet de loi à l'extérieur du Québec? Nous croyons que ce projet de loi et la résolution concernant la société distincte diviseront les Canadiens au lieu de les unir. En ce qui concerne le droit de veto, par exemple, la Colombie-Britannique et l'Alberta continuent de s'opposer au projet de loi en dépit des amendements proposés par le gouvernement pour porter de quatre à cinq le nombre des régions. Il doit y avoir un très sérieux problème si les régions, auxquelles on accorde une influence accrue relativement au droit de veto, persistent à refuser la proposition. En agissant comme il le fait, le gouvernement libéral est en train de créer deux catégories de provinces. Cela ressemble plutôt à la politique traditionaliste de vieux fédéralistes fatigués.

En une ou deux semaines, le premier ministre et ses acolytes ont fabriqué des mesures pour le Québec et ils tentent maintenant de les faire avaler non seulement au Parlement mais à tous les Canadiens.


17566

N'oublions pas que nous sommes tous ici pour représenter l'ensemble des Canadiens.

Nous devons reconnaître que dans cette affaire, les provinces n'ont pas été consultées, les Canadiens n'ont pas été consultés, même les membres du Parti libéral n'ont pas tous été consultés sur le processus qui a conduit aux propositions présentées à la Chambre des communes.

Pour terminer, je pense qu'il y a eu une certaine confusion au sujet de la proposition du Parti réformiste concernant la ratification de la Constitution. Certains n'en ont pas compris l'aspect régional et se sont demandé en quoi elle était différente de ce que propose le gouvernement. Elle est différente en ce que sens que nous pensons qu'il ne devrait pas. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): Désolée, mais votre temps de parole a expiré.

M. Speaker (Lethbridge): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Quand j'ai commencé mn intervention, il était 13 h 10 et il est maintenant 13 heures 17 minutes et 30 secondes. Voilà 7 minutes et 30 secondes que j'ai pris la parole. Pourriez-vous peut-être vérifier l'heure. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): J'ai 13 h 13. Je vous accorde encore une minute et demie. Désolée.

M. Speaker (Lethbridge): Ce n'est pas la première fois que vous m'interrompez. Je n'accepte pas ce que vous venez de faire.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je vous accorde une minute et demie supplémentaire. Je n'étais pas au fauteuil et ce n'est pas intentionnellement que je coupe la parole à quelque député que ce soit.

M. Speaker (Lethbridge): Madame la Présidente, je vous sais gré de ce changement d'attitude. J'ai un dernier point à soulever au cours de cette minute.

Ce que nous sommes en train d'essayer de faire à la Chambre des communes est très clair. C'est de modifier l'alinéa 38(1)a) de la Loi constitutionnelle actuelle du Canada. Cet amendement permet aux provinces et à leurs assemblées législatives de voter sur cette question. Le Parti réformiste veut que le peuple du Canada puisse au moyen d'un vote référendaire décider des changements qui seront apportés à la Constitution. C'est là la différence.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je dois corriger le député. Vous avez commencé à 13 h 9; selon les notes des greffiers, vous avez parlé pendant 11 minutes et non 10.

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime de la Chambre au sujet des motions suivantes. Je propose:

Que, nonobstant tout article du Règlement, immédiatement après l'expédition de l'étape du rapport du projet de loi C-110 aujourd'hui, la Chambre passe à la troisième lecture du projet de loi C-108, suivi de la troisième lecture du projet de loi C-99, suivie de l'étude des Affaires émanant des députés, suivi du débat sur la motion d'ajournement;
Que, durant l'étude du projet de loi C-108, aucun député ne prenne la parole plus de dix minutes, pas plus d'un député du Parti libéral, de deux députés du Bloc québécois et d'un député du Parti réformiste ne prennent la parole et qu'à la fin du débat, la motion soit réputée mise aux voix et un vote réputé demandé et différé jusqu'à 17h15 le 13 décembre 1995;
Que, durant l'étude du projet de loi C-99, aucun député ne prenne la parole plus de dix minutes, pas plus d'un député de chaque parti reconnu ne prenne la parole et qu'à la fin du débat, la motion soit réputée mise aux voix et adoptée.
Je crois que je devrais aussi aviser la Chambre qu'il n'y aura aucune période de questions ou d'observations après les discours mentionnés dans le projet de motion que je viens de lire à la Chambre. Je demande l'assentiment de la Chambre au sujet de cette motion.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je propose:

Que, durant l'étude de la motion du Secrétaire d'État (Affaires parlementaires) relativement au Rapport du Comité permanent des finances déposé aujourd'hui, le jeudi 14 décembre 1995, il ne soit accepté aucune motion dilatoire ou appel de quorum;
Que, après l'étude des Affaires émanant des députés le jeudi 14 décembre 1995, la Chambre continue de siéger deux heures et demie afin d'examiner la motion précitée puis qu'elle s'ajourne, pourvu que la Chambre puisse ordonner, par consentement unanime, la prolongation de la séance pour une durée précisée aux fins d'étudier ladite motion; et
Que la Chambre ne siège pas le vendredi 15 décembre 1995, pourvu qu'aux fins de l'article 28 du Règlement, elle soit réputée avoir siégé et s'être ajournée ce jour-la.
La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

* * *

LA LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

La Chambre reprend l'étude du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, dont le comité a fait rapport sans propositions d'amendement, ainsi que des motions nos 1 et 2.

L'hon. Jon Gerrard (secrétaire d'État (Sciences, Recherche et Développement), Lib.): Madame la Présidente, je prends la parole pour participer au débat sur le projet de loi C-110, qui


17567

accorde un droit de veto aux régions au sujet des modifications constitutionnelles.

(1325)

Ce projet de loi reconnaît que le peuple du Québec doit participer aux modifications constitutionnelles et avoir un droit de veto à cet égard, lorsque les changements touchent des institutions nationales comme le Sénat ou encore la répartition des pouvoirs. Au même moment, par notre amendement qui vise à reconnaître la Colombie-Britannique comme région, nous reconnaissons la composition régionale du Canada, dans lequel les dix provinces forment cinq régions.

Le projet de loi reconnaît clairement que la Colombie-Britannique constitue en soi une région identifiable. Cette reconnaissance est logique considérant la situation géographique unique de la Colombie-Britannique, sa population qui croît rapidement et l'émergence d'un région commerciale de l'Asie et du Pacifique au sein de laquelle le Canada, et surtout la Colombie-Britannique, joue un rôle important.

En faisant cette modification, nous reconnaissons aussi légalement l'importance de la région des Prairies, qui représente les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. En tant que député de Portage-Interlake, au Manitoba, ayant des racines et de la famille en Saskatchewan et beaucoup d'amis en Alberta, que je visite souvent, cela me semble être une reconnaissance appropriée et qui arrive au bon moment.

Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui n'est qu'une partie d'un ensemble que nous allons présenter dans le sillage du récent référendum. Les mesures comprises dans cet ensemble sont conçues pour renforcer et promouvoir l'unité canadienne et la capacité des Canadiens de participer pleinement à la vie de notre village planétaire. Dans ce contexte, je veux commenter brièvement la place qu'occupe ce projet de loi dans l'ensemble des changements que nous présentons.

La reconnaissance du Québec comme une société distincte est une modification appropriée, qui tombe à point et qui représente bien l'histoire de la formation de notre pays, le Canada, à partir de ses éléments d'origine. Le Québec se distingue en ayant un système judiciaire qui s'inspire du code Napoléon, ce qui est différent du reste du Canada, dont le système judiciaire est fondé sur la common law anglaise. Le Québec se distingue aussi par sa langue et sa culture.

J'ose comparer cette reconnaissance historique à l'histoire des langues française et anglaise au Canada et à leur reconnaissance comme langues officielles de notre pays. La reconnaissance du français au même titre que l'anglais comme langues officielles établit officiellement la nature fondamentale de ce qu'est notre pays, le Canada. Bien sûr, la reconnaissance ne confère pas de droits aux autres langues, l'ukrainien, l'allemand, l'italien, le chinois, les langues autochtones et les autres. Elle envoie le signal que les langues et les cultures historiques des individus sont importantes.

Ce signal a marqué l'évolution du Canada, un pays très différent des États-unis de par sa nature. Au lieu du «melting pot» américain, nous avons au Canada une société pluraliste, un pays qui reconnaît la diversité et qui y puise sa force, un pays où les régions peuvent s'enorgueillir de ce qui les différencie des autres.

Je suis d'avis que la société tolérante et diversifiée que nous avons su édifier est parfaitement adaptée à l'avenir qui attend notre planète. La multitude de langues et de cultures qui cohabitent dans ce monde où il est de plus en plus important que nous travaillions et que nous ayons des relations commerciales pour le plus grand bien de tous fait de nos antécédents, en tant que société tolérante et diversifiée, un véritable atout.

C'est dans cette optique de monde en évolution que nous présentons un nouveau régime d'assurance-emploi décentralisant la formation au Canada. Les gens pourront y accéder plus facilement, avoir une plus grande liberté de choix et profiter de plus de possibilités d'apprendre à leur manière pour le plus grand bien de chacun et du Canada.

Nous entrons dans l'ère de la connaissance, une époque où l'autoroute électronique va révolutionner la manière dont on apprend, dont on travaille et dont on s'exprime.

(1330)

Nous évoluons vers un modèle qui met l'accent sur le service aux clients, un modèle qui offre aux individus plus de choix, plus d'options et plus de possibilités. Par conséquent, à bien des égards, notre gouvernement est en train de modifier son rôle de façon spectaculaire. Il abandonne l'ère ancienne où le gouvernement agissait seul à la recherche de solutions pour entrer dans une ère nouvelle où il agira à titre de facilitateur et de catalyseur pour aider les Canadiens d'un océan à l'autre à trouver leurs propres solutions.

Le rôle du Canada dans le monde a changé de façon analogue. La population canadienne, une population d'origines très diverses, est un exemple pour le reste du monde de la façon de parvenir à une très haute qualité de vie comme celle que nous avons, un exemple de la façon de travailler et de collaborer pour le bien mutuel, un exemple des avantages que nous donnent nos points forts dans les domaines linguistique, culturel, économique, scientifique et technologique, avantages qui nous permettent d'aider le reste du monde et de commercer avec lui.

En fournissant des produits et des services, ainsi qu'en faisant preuve d'une compréhension basée sur la diversité et de tolérance à l'égard d'autrui, nous pouvons aider les autres à améliorer leur qualité de vie en même temps que nous améliorons la nôtre. C'est en augmentant leurs exportations de produits, de services et de savoir-faire que les Canadiens peuvent obtenir des avantages économiques et améliorer leur qualité de vie tout en aidant les autres à améliorer leur situation.

La tolérance et la diversité, la sensibilité culturelle et les capacités linguistiques des Canadiens nous donnent une position unique dans le monde, et nous devrions le reconnaître et le célébrer. C'est le paradigme canadien qui veut que nous ayons diversité et tolérance en même temps qu'unité et collaboration.


17568

Dans ce projet de loi, nous célébrons une étape supplémentaire: notre évolution graduelle, en tant que peuple canadien, vers un pays uni et fort.

[Français]

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau, BQ): Madame la Présidente, je m'adresse à cette Chambre à propos du projet de loi C-110 concernant les modifications constitutionnelles. Il m'apparaît évident que ce projet de loi C-110, par sa substance même, ne peut répondre aux attentes des Québécois et aux attentes des Canadiens.

Les Québécois ont toujours revendiqué un droit de veto constitutionnel réel pour le Québec et non une simple promesse législative. Ce droit de veto accordé au Québec par le projet de loi C-110 ressemble au processus de modification constitutionnelle de 1982. Dans l'éventualité d'un conflit, le Parlement fédéral peut passer outre le droit de veto du Québec.

Le projet de loi C-110 laisse au gouvernement fédéral le soin de déterminer les critères régissant l'accord d'une province, et il y a au moins sept méthodes distinctes: une résolution de l'assemblée législative; un arrêté en conseil, c'est-à-dire simple avis du gouvernement; un avis signé par le premier ministre d'une province; un avis signé par le lieutenant-gouverneur d'une province; un référendum provincial organisé par la province; un référendum fédéral dans la province ou dans un ensemble des provinces; et, enfin, et à la limite, un vote des députés fédéraux de la province en question.

Dans la Loi constitutionnelle de 1982, il existait des dispositions précises concernant la procédure de modification constitutionnelle et le gouvernement fédéral n'a pas cru bon de prévoir cette procédure dans le projet de loi C-110. Il règne une unanimité à peu près complète au Québec sur la revendication du droit de veto du Québec, et l'interprétation de ce droit de veto diverge radicalement de celle du reste du Canada.

Les Québécoises et les Québécois ont toujours pensé que la Confédération était un pacte conclu entre les quatre provinces initiales et essentiellement entre deux peuples fondateurs. D'ailleurs, l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau abondait en ce sens en 1967, en soulignant que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, qui fut une loi du Parlement impérial, était fondé sur l'accord de deux parties.

(1335)

Ainsi, toute modification constitutionnelle ne peut se faire sans le consentement du Québec, l'un des deux peuples fondateurs. La Constitution fut rapatriée selon une nouvelle formule, malgré l'opposition du Québec qui n'obtint pas de droit de veto sur les futures modifications constitutionnelles.

Dans ses Mémoires, René Lévesque, ancien premier ministre du Québec, expliquait pourquoi il avait accepté le droit de retrait avec compensation au lieu du droit de veto traditionnel. Il considérait que le droit de veto pouvait constituer une entrave au développement et que si le Québec devait l'obtenir, l'Ontario et peut-être d'autres provinces l'exigeraient. Nous constatons que sa vision était exacte, puisque la province de la Colombie-Britannique a effectivement revendiqué le droit de veto et elle l'a obtenu récemment.

Comme le disait mon collègue de Joliette plus tôt, le premier ministre a ouvert son tiroir à veto, en a tiré une copie et l'a remise à la Colombie-Britannique.

Par la suite, le gouvernement de Robert Bourassa, alors premier ministre du Québec, et ce avant l'échec de l'Accord du lac Meech, avait, à propos du droit de veto du Québec, joué sur les deux tableaux. Il revendiquait pour le Québec aussi bien le droit constitutionnel de s'opposer à une modification des institutions fédérales et à la création de nouvelles provinces, que le droit de retrait avec compensation financière.

La question constitutionnelle a toujours été au coeur du débat au Canada et, jusqu'en 1982, on constate qu'aucune modification constitutionnelle affectant les pouvoirs législatifs de l'Assemblée nationale du Québec n'a été adoptée au Canada.

L'abandon de la formule d'amendement Fulton-Favreau en 1966 par le gouvernement libéral de Jean Lesage et le rejet de la Charte de Victoria en 1971 par le gouvernement libéral de Robert Bourassa soulignent que le Québec, autant que les autres provinces et le gouvernement fédéral considéraient que le Québec détenait un droit de veto sur les modifications constitutionnelles.

Cependant, la Cour suprême du Canada nous a rappelé, en 1982, que le Québec n'a jamais eu de droit de veto constitutionnel, confirmant ainsi que le gouvernement fédéral a pu librement, avec le soutien de la Cour suprême, passer outre l'avis du peuple québécois.

Faisons un peu d'histoire. Ceci nous ramène à l'époque de l'ancien premier ministre du Québec, Honoré Mercier, qui a laissé le souvenir d'un grand premier ministre québécois du XIXe siècle. De 1887 à 1891, il s'est préoccupé de la question constitutionnelle, de l'éducation, de la dette publique, du développement économique régional et du défi des transformations industrielles.

Sa grande idée, c'était de redéfinir la Loi constitutionnelle de 1867, en affirmant sans réserve le principe de l'autonomie des provinces, en particulier celle du Québec, et je cite Honoré Mercier: «La bonne cause, c'est la cause de la patrie, c'est la cause de l'autonomie provinciale. C'est la cause pour laquelle nos pères ont combattu, la cause des patriotes de tous les temps, la cause de ceux qui veulent que la province de Québec ne soit pas une province serve, qu'elle se gouverne elle-même d'après la volonté de ses habitants. Nous ne voulons pas que l'on continue ce langage méprisant sur la province de Québec. Nous prétendons être maîtres de nos destinées; nous voulons que la voix de cette majorité des citoyens soit entendue et respectée par tous.»

Je dois vous dire que le premier ministre Honoré Mercier gouvernait avec un gouvernement de deux partis, le Parti conservateur et le Parti libéral dans un gouvernement d'unité nationale.

En 1887, la Confédération a 20 ans, et Honoré Mercier, premier ministre, convoque une conférence provinciale à Québec. Le premier ministre du Canada de l'époque, Sir John A. Macdonald, refuse d'y envoyer un représentant et, malgré cela, la Conférence de Québec obtient quand même un succès. Vingt ministres, dont cinq


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premiers ministres y affirment le principe de l'autonomie des provinces formant la Confédération. On conteste l'orientation centralisatrice du gouvernement d'Ottawa et le pouvoir de désaveu dont il a tendance, comme aujourd'hui, à abuser.

(1340)

La conférence marque une étape importante dans l'histoire politique canadienne: elle confirme les droits politiques et constitutionnels des provinces et rappelle au gouvernement central l'essence même d'une constitution confédérative.

Nous sommes aujourd'hui à la fin de l'année 1995 et nous avons l'impression d'entendre un sujet d'actualité en écoutant les propos tenus par Honoré Mercier, premier ministre du Québec de 1887 à 1891.

Le projet de loi C-110 nous ramène à la triste réalité qu'il existe vraiment deux solitudes, deux peuples, deux cultures qui ont une vision diamétralement opposée quant à l'avenir du Canada.

Le 30 novembre dernier, le chef de l'opposition officielle nous rappelait devant cette Chambre l'effet désastreux de ce projet de loi, et je cite le chef de l'opposition: «L'effet pervers étant que, par un drôle de paradoxe qui fait que notre Constitution canadienne est tellement compliquée et qu'elle est tellement tordue à certains égards, ce projet de loi C-110, qui ne remédiera en rien aux problèmes que nous avons, aura quand même pour effet de rendre encore plus difficiles les transferts de pouvoir que le gouvernement fédéral pourrait vouloir faire au Québec.»

Les demandes du Québec pour obtenir plus de pouvoirs perdurent depuis le début de la Confédération. Les promesses postréférendaire du gouvernement fédéral apparaissent dans ce projet de loi, et ce droit de veto n'est qu'une fumisterie. Un authentique droit de veto doit être dans la Constitution en liant toutes les parties concernées.

Le ministre de la Justice du gouvernement fédéral prétendait que ce projet de loi C-110 était un projet de loi valide, et je le cite: «Ma sincère conviction est que C-110 est un projet de loi fédéral valide. Il n'amende la Constitution d'aucune manière. En fait, il est complémentaire aux procédures d'amendement existantes.»

Sur le fond, ce projet de loi reste muet sur la façon dont les provinces pourront se prononcer.

Ce projet de loi d'à peine deux pages se contente de préciser ce que le gouvernement fédéral entend par une majorité de provinces. Pour le chef du Bloc québécois et pour la majorité des Québécoises et Québécois, ce plan constitue un recul, une proposition bien inférieure à l'Accord du lac Meech, mais aussi à l'Accord de Charlottetown déjà rejeté par le Québec. «Les offres d'Ottawa se succèdent, a-t-il relevé, mais ça rapetisse tout le temps, au point que c'en est ridicule à la fin.»

Et que dire des critiques provenant du Parti réformiste. Celui-ci se prononce contre le projet de loi parce qu'il mettrait un veto constitutionnel à la disposition du gouvernement souverainiste du Québec, que le leader du Bloc québécois devrait diriger bientôt. Ainsi, nous revenons à la case départ, c'est-à-dire qu'il est impossible de satisfaire et le Canada anglais et les Québécoises et les Québécois.

Cette vision du Canada nous amène à vouloir cesser ces éternelles revendications afin de s'occuper des vrais problèmes.

Par la souveraineté du Québec, il existera un nouveau climat permettant d'échanger d'égal à égal avec le peuple du Canada. Je vous soumets que le peuple québécois ne peut adhérer à ce projet de loi C-110, et nous attendons de vraies offres valables de la part du premier ministre du Canada à la suite de ses promesses lors du référendum au Québec tenu le 30 octobre dernier.

Je suis un souverainiste depuis plus de 30 ans et je ne saurais me satisfaire d'un droit de veto qui n'est qu'une simple promesse législative et une totale improvisation. Je voterai donc contre le projet de loi C-110.

[Traduction]

M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Madame la Présidente, il y a moins de deux mois, soit le 30 octobre, que 50,6 p. 100 des Québécois disaient non à la séparation et oui au Canada. Les votes en faveur du Canada auraient été encore plus élevés si la question n'avait pas été malhonnête, si la campagne n'avait pas été trompeuse et si le décompte n'avait pas été douteux.

Le chef de la campagne en faveur du Canada était Daniel Johnson et le chef de la campagne séparatiste était, à l'origine, Jacques Parizeau. Le leader du Bloc québécois a déplacé M. Parizeau comme chef des séparatistes et a conduit une campagne basée sur la tromperie et les faussetés.

Une semaine avant le référendum, le parti en faveur du Canada était en retard de 7 p. 100 dans les sondages et c'est alors que le premier ministre a décidé de participer activement à la campagne. Le 24 octobre, pour faire obstacle à la campagne victorieuse des séparatistes, le premier ministre a promis, lors d'une manifestation à Verdun, que des modifications seraient faites pour reconnaître le Québec comme une société distincte et pour garantir qu'à l'avenir aucune modification constitutionnelle ne serait apportée sans l'accord du Québec. Le discours du premier ministre, télévisé à l'échelle nationale le 25 octobre, a contribué à mobiliser les Canadiens d'un océan à l'autre.

(1345)

Le 27 octobre, plus de 150 000 Canadiens se sont réunis à Montréal pour exprimer leur amour du Canada, un Canada qui comprend la province de Québec. Parmi ceux qui étaient à la manifestation, près de 600 venaient de ma localité. S'il y avait eu plus d'autobus, ils auraient probablement été 2 000. Les gens de ma localité ont embarqué dans les autobus à minuit le jeudi et ils ne sont pas rentrés avant minuit le vendredi. Ils ont mis leur vie en veilleuse pendant une journée pour pouvoir se rendre à Montréal exprimer leur amour d'un Canada qui comprend le Québec.

Les 150 000 Canadiens qui étaient à la manifestation de Montréal appuyaient la promesse de changement du premier ministre. Ils seront les gardiens de cette promesse.


17570

Le 30 octobre, en dépit d'une question frauduleuse, malgré une campagne frauduleuse, le Canada a triomphé. Le premier ministre a été pour quelque chose dans la victoire du camp pro-Canada qui tirait de l'arrière par 7 p. 100 une semaine avant la tenue du référendum.

Les séparatistes ont rejeté la responsabilité de leur défaite sur l'argent et les votes ethniques, passant sous silence le fait que 40 p. 100 des francophones du Québec se sont prononcés pour le Canada et contre la séparation. Le chef du Bloc québécois et futur premier ministre du Québec a dit qu'il n'avait que faire de changements constitutionnels. Ce qu'il souhaite, c'est que le Québec se sépare du Canada.

Par le truchement d'une loi fédérale, le premier ministre a introduit un veto régional et une disposition reconnaissant le caractère distinct de la société québécoise, l'unique façon dont il disposait pour honorer sa promesse, celle de ne pas modifier pas la Constitution sans l'aval du Québec. Lundi, nous avons approuvé la disposition relative à la société distincte et, demain, nous en ferons autant en ce qui concerne les vetos régionaux.

Le premier ministre a tenu ses promesses. Lundi soir, la Chambre des communes a approuvé la disposition relative à la société distincte. Le Bloc québécois a voté contre parce que, selon lui, elle n'accorde rien au Québec. Le Parti réformiste a voté contre parce que, selon lui, elle accorde trop d'avantages au Québec. Le chef du Bloc québécois et les séparatistes étaient déjà contre la reconnaissance du caractère distinct de la société québécoise quand ils oeuvraient à l'échec des accords du lac Meech et de Charlottetown.

Le chef du Parti réformiste et ses partisans ont toujours été contre l'idée de faire une place au Québec au sein du Canada. Tandis que les bloquistes essaient de sortir le Québec du Canada, les réformistes s'emploient à expulser le Québec. Les réformistes ont été complices des séparatistes avant le référendum et le sont toujours.

Tels des historiens révisionnistes, les réformistes nient l'Acte de Québec de 1774 par lequel le Parlement britannique reconnaissait le code civil français et la culture distincte du Québec. Le fait est que la création du Canada tient du miracle, à savoir la rencontre de deux grands peuples d'Europe, les Français et les Anglais, sur le territoire des premières nations. Sans cette rencontre, nous ferions vraisemblablement partie des États-Unis.

Notre volonté de souscrire à une société bilingue est accueillante pour les néo-Canadiens. Nous sommes devenus un pays compatissant, humain et compréhensif. Nous avons bâti ensemble un pays que les Nations Unies ont déclaré, à un certain nombre de reprises, le meilleur pays du monde où vivre. Des millions de candidats à l'immigration voudraient venir s'établir au Canada.

Lorsqu'on se penche sur la démographie du Canada, on s'aperçoit que 22,8 p. 100 des Canadiens sont d'origine française, 20,8 p. 100 d'origine anglaise, 1,7 p. 100 d'origine autochtone. Les autres 54,7 p. 100 ont des racines dans d'autres pays, la moitié d'entre eux ayant des origines multiples.

Le Canada représente une lueur d'espoir dans un monde confronté à de nombreux conflits. On a bâti un pays composé de gens du reste du monde. Le Canada est un exemple de civilité et de compassion, de partage, de tolérance et de compréhension.

Le Canada m'a accueilli avec ma famille après la révolution hongroise, en 1957. Nous étions des réfugiés et le Canada nous a bien reçus. Mon épouse est une Canadienne de la sixième génération dont les origines sont irlandaises. Ma fille a neuf ans et nous sommes tous trois très fiers d'être Canadiens.

Lorsque ma famille est arrivée pour la première fois au Canada, nous avons vécu les cinq premières années à Vancouver, en Colombie-Britannique. Je suis tout à fait conscient du fait que la Colombie-Britannique se considère comme une région distincte. Le fait qu'on lui ait accordé un droit de veto montre bien que le gouvernement est prêt à faire preuve de souplesse.

Au cours des 39 dernières années, j'ai eu l'occasion de parcourir toutes les régions du pays. J'ai regardé le lever du soleil sur Signal Hill, à St. John's, Terre-Neuve, et j'ai vu le coucher du soleil à Tofino, sur l'île de Vancouver. J'ai vu les Rocheuses majestueuses, ainsi que les vastes Prairies, j'ai parcouru les régions sauvages du nord de l'Ontario et j'ai constaté la beauté des Grands Lacs. Pour moi, les collines de la Gatineau, la voie maritime du Saint-Laurent, l'île d'Orléans, le vieux Montréal, le Festival d'hiver de Québec donnent tout son sens à la belle province. J'ai apprécié le caractère pittoresque de l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi que la beauté de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Il me reste beaucoup de choses à voir, et je suis frappé par la beauté de mon pays.

Plus tôt, au mois d'octobre, une délégation de Waterloo, au Québec, a visité Waterloo, en Ontario, à l'occasion d'un jumelage. Bernard Provencher, maire de Waterloo, au Québec, a dit aux gens qui assistaient à la cérémonie prévue à l'occasion: «Si, par magie, nous pouvions faire en sorte que tous les Québécois profitent de l'hospitalité que nous avons reçue au cours des derniers jours et si, à l'inverse, des Canadiens de l'extérieur du Québec visitaient la belle province, nous n'aurions pas alors ce référendum sur ce que nous possédons déjà.»

(1350)

Deux semaines plus tard, les deux maires ont échangé leurs drapeaux respectifs dans le cabinet du premier ministre et ils ont déclaré qu'ils feraient flotter ces drapeaux devant leurs hôtels de ville respectifs dans l'espoir que le Canada demeure uni. Ces deux villes sont un exemple de la façon dont les collectivités de tout le pays doivent favoriser les échanges pour promouvoir la bonne volonté et la compréhension parmi les Canadiens. Le Canada est un miracle que nous ne pouvons pas tenir pour acquis. Nous devons en prendre soin, le bâtir et le renforcer.

La motion de reconnaissance du Québec comme société distincte que la Chambre a adoptée lundi dernier et la disposition sur le veto régional qui sera adoptée demain constituent des lois fédérales, et non des modifications constitutionnelles. Un examen de la Constitution doit avoir lieu en 1997. C'est à ce moment-là que le gouvernement fédéral examinera la Constitution de concert avec les provinces.

De tout temps, la réforme constitutionnelle a fait l'objet de divergences entre les Canadiens. C'est pour cette raison que les Pères de la Confédération n'ont pas pu s'entendre sur une formule de modification de la Constitution lorsque le Canada a été créé en 1867. Les modifications constitutionnelles ont tendance à faire


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ressortir des doléances régionales qui mettent la solidité de notre pays à l'épreuve. Il est facile pour les députés de l'opposition de critiquer, car ils peuvent s'attaquer à tout, sans être responsables de quoi ce que soit.

En présentant la résolution sur la société distincte et la disposition sur le veto régional, nous ne nous attendions pas à ce que les séparatistes, en face, les appuient. Ils veulent se séparer du Canada. Ils veulent démanteler le Canada. Leur chef, l'aspirant premier ministre du Québec, a déjà dit on ne peut plus clairement qu'aucune modification constitutionnelle ne sera acceptable à son gouvernement.

Le Parti réformiste néo-séparatiste ne veut pas appuyer l'initiative du gouvernement. Les réformistes convoitent le statut d'opposition officielle. Ils rêvent de former un gouvernement dans un Canada sans le Québec. Les réformistes ont aidé le Bloc québécois avant le référendum et continuent de l'aider maintenant.

Nous estimons que la majorité des Québécois et des Canadiens souscriront à nos initiatives. La société distincte et le veto régional sont des questions que nous devons régler rapidement, pour pouvoir concentrer notre attention sur l'économie et redonner du travail aux Canadiens.

La semaine dernière, les médias ont fait état des résultats d'un sondage CROP réalisé au Québec. On a demandé directement aux Québécois si le gouvernement devait se concentrer sur l'économie ou sur la Constitution et 86 p. 100 d'entre eux ont répondu l'économie alors que seulement 10 p. 100 ont dit la Constitution, et 4 p. 100 n'ont donné aucune réponse. De toute évidence, les Canadiens du Québec et des autres provinces ont beaucoup en commun.

En juillet 1982, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau avait réussi à donner aux Canadiens leur propre Constitution. À cette fin, il avait bénéficié des efforts du premier ministre actuel qui était à l'époque ministre de la Justice. À cause de leurs réalisations, ils ont été la cible des attaques des séparatistes qui auraient préféré démanteler le Canada. M. Trudeau et notre premier ministre actuel sont des Québécois remarquables qui, au cours de la Révolution tranquille, ont aidé à transformer le Québec, société alors dominée par Duplessis et l'Église, en une société moderne, mais les séparatistes ont osé remettre en question leur origines québécoises.

Cette situation me fait penser à sir Wilfrid Laurier, premier Québécois à devenir premier ministre du Canada, qui, pendant la campagne électorale de 1911, s'est dit frustré dans sa tentative pour suivre la ligne du centre en politique et a déclaré: «On dit au Québec que je trahis les francophones et, en Ontario, que je trahis les anglophones. Je suis réputé au Québec comme un chauvin britannique et, en Ontario, comme un séparatiste. On m'accuse au Québec d'être impérialiste et, en Ontario, d'être anti-impérialiste. Je ne suis rien de tout cela. Je suis un Canadien.»

Le Canada est un exemple pour le monde. Ses habitants sont venus de partout et, ensemble, ils ont bâti le meilleur pays du monde.

Vive le Québec! Vive le Canada! Vive le Canada uni!

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir au nom des électeurs d'Okanagan-Similkameen-Merritt, et de rejeter catégoriquement le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles.

Mes électeurs sont fiers et ils ont hâte de m'entendre exprimer la colère, l'indignation et la fureur qu'ils ressentent face à l'insulte que le premier ministre et le Parti libéral du Canada ont lancé aux Canadiens. La colère, l'indignation et la fureur de mes électeurs sont motivées par le fait que les Canadiens ne pensent pas que le droit de veto du gouvernement fédéral à l'égard des modifications constitutionnelles devrait être délégué aux provinces. Le pouvoir de rejeter ou de ratifier les modifications proposées à la Constitution de notre pays devrait être confié à un seul groupe au Canada, et ce groupe est celui que forment les Canadiens. Les députés de ce côté-ci de la Chambre et les députés du Bloc québécois entendent très souvent les députés de l'ouest du Canada et du Québec exhorter à grands cris les libéraux à écouter la population. Les libéraux refusent tout simplement d'écouter qui que ce soit.

(1355)

Les habitants de la Colombie-Britannique, la province d'où je viens, se sentent insultés par les manigances du Parti libéral qui se trouve sous la dictature du premier ministre. Un bon matin, nous nous sommes levés et avons appris que le premier ministre avait accordé un droit de veto aux autres provinces, mais pas à la Colombie-Britannique. C'était complètement inattendu. Le téléphone à mon bureau de circonscription n'a pas dérougi. J'ai reçu un tas de messages, par la poste et par télécopieur, de gens qui voulaient savoir ce qui se passait.

Ensuite, les libéraux se sont mis à comparer les avantages d'avoir quatre régions à ceux d'en avoir cinq. Ils tentent de convaincre les Canadiens de l'importance d'un veto. Le gouvernement libéral espère que les Canadiens ne pourront pas comprendre la situation, car il pourra ainsi dissimuler le fait qu'il n'accorde absolument rien à la population du Canada.

Le premier ministre libéral a soudain eu peur des habitants de la Colombie-Britannique, comme il a peur des Québécois. Donc, un autre matin, mes électeurs découvrent en se levant que le premier ministre libéral, originaire du Québec, a accordé le droit de veto à la Colombie-Britannique. Mais c'était trop tard. Les habitants de la Colombie-Britannique avaient compris ce que le premier ministre avait tenté de faire. Le premier ministre a si peu d'estime pour la population de l'ouest du Canada et pense tellement en fonction du Québec qu'il a, par inadvertance, insulté les Canadiens de l'ouest et la province canadienne la plus à l'ouest.

Les citoyens de l'ouest du Canada savent que, aux termes du projet de loi C-110 des libéraux et sous la direction du premier ministre, le gouvernement fédéral remet au chef du Bloc québécois le prix de consultation-non, ce n'est pas vrai, parce qu'il n'y a pas eu de véritables consultations. Le droit de veto est un prix de consolation pour avoir perdu le référendum.

Le premier ministre pourrait passer pour le Bob Barker du Canada. Le Québec a fait tourner la roue et perdu, mais le premier ministre s'est tourné vers sa vice-première ministre en lui disant: «Sheila, dites-lui ce qu'il a gagné.»

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C'est inacceptable. Les gens de l'Ouest savent que c'est typique d'Ottawa et du premier ministre. Libéraux ou conservateurs, les premiers ministres venant du Québec ont l'habitude de donner des choses au Québec: l'entretien des CF-18, les bases militaires, le secrétariat à l'environnement, la société distincte, toutes sortes de choses. Les Canadiens de l'Ouest y sont habitués.

Comme il ne comprend pas ce que les Québécois veulent ni ce qu'ils disent, le premier ministre a amené notre pays au bord du désastre. Il a presque réussi à lui tout seul à faire voler le Canada en éclats.

Au début, avant le référendum québécois, les libéraux avaient reçu pour instruction de se tenir coi jusqu'à nouvel ordre: «Pas un mot au sujet du référendum.» Après plusieurs mois, le premier ministre a permis à ses députés de parler du référendum québécois, mais seulement à la toute dernière minute, quelques jours à peine avant que les Québécois aillent voter.

Puis la grosse erreur s'est produite. Les gens de la Colombie-Britannique ont entendu à la télévision un discours pathétique que le premier ministre a prononcé un soir à Verdun, au Québec. Verdun est un endroit cool, surtout pour les jeunes. Montréal se targue d'avoir la vie nocturne la plus trépidante qu'on puisse trouver n'importe où au Canada. Le premier ministre s'est malheureusement laissé emporter. Il s'est oublié et il a oublié son discours. Il s'est mis à tout promettre au Québec.

Je suis persuadé que le chef du Bloc Québécois en était très contrarié. Le premier ministre, au nom du Parti libéral du Canada, s'est mis à cracher une série de cadeaux pour l'élite politique, pour les dirigeants du Québec, quelle que soit l'issue du référendum. Les gens de la Colombie-Britannique ont changé de canal car ils n'étaient plus capables d'en entendre davantage. Ils étaient insultés.

Le lendemain, les Britanno-Colombiens se sont concertés et ont entamé une longue démarche. Ils doivent rappeler au Parti libéral et au premier ministre qu'ils existent. Ils ne doivent pas se montrer fâchés ni blessés, mais diplomates. Nous disons ceci aux libéraux: «Ne donnez pas un veto aux provinces, territoires, groupes de provinces, premiers ministres, gouvernements séparatistes, pays étrangers ni ayatollahs, etc. Accordez un veto au peuple canadien.» Le peuple canadien mérite d'avoir un veto. Les libéraux n'écoutent pas les Canadiens.

Au nom des bonnes gens d'Okanagan-Similkameen-Merritt, je suis fier de rejeter ici aujourd'hui le projet de loi C-110.

Le Président: Comme il est près de 14 heures, nous passons maintenant aux déclarations des députés.

______________________________________________


17572

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LOI SUR LES ESPÈCES EN VOIE DE DISPARITION

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à appuyer la proposition législative de la ministre de l'Environnement pour la protection des espèces menacées d'extinction.

Dans notre confédération aux multiples visages, il y a toujours un risque d'inertie gouvernementale simplement à cause de la perspective décourageante de négociations juridiques et politiques complexes. Pour que les choses arrivent, il faut que quelqu'un ait le courage et l'énergie de faire un premier pas assuré.

Pour plus de 250 espèces menacées d'extinction, qui ne savent pas de quelle compétence elles relèvent et qui s'en moquent pas mal, il est très opportun que le gouvernement fédéral prenne l'initiative.

La ministre a produit un avant-projet de loi détaillé pour la protection des espèces menacées d'extinction. Je l'exhorte, s'il le faut, à pousser seule ce projet de loi jusqu'à la limite de sa compétence. Toutefois, j'espère que les provinces et les territoires se décideront rapidement à lui emboîter le pas.

* * *

[Français]

LE DÉPUTÉ DE CHURCHILL

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, j'ai eu l'honneur et le privilège d'assister, la semaine passée, à l'Assemblée sacrée présidée par mon collègue de Churchill. Bien que le terme de ce rassemblement portait sur la réconciliation des peuples et sur la spiritualité, l'opération avait une forte odeur politique.

En effet, quelle ne fut pas notre surprise de constater dans la lettre d'invitation du député de Churchill, comme dans son discours d'ouverture, que le grand Créateur était en faveur de l'unité du Canada. Le Bloc québécois a rectifié cette affirmation inacceptable dans son énoncé de samedi et tient à le réitérer dans cette Chambre aujourd'hui.

La notion de spiritualité transcende la politique et le grand Créateur ne se conforme pas aux frontières des nations. Un pas de plus et on proclamait candidement que le Créateur est libéral.

* * *

[Traduction]

LES SONDAGES

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, on a demandé aux électeurs inscrits de ma circonscription si l'on devrait tenir un référendum national sur le rétablissement de la peine capitale. La grande majorité, soit 919 sur plus d'un millier, ont répondu qu'un référendum devrait avoir lieu en même temps que les prochaines élections fédérales.

Dans le cadre d'une autre initiative, on a demandé à mes électeurs si la Constitution devrait reconnaître le caractère distinct du Québec. En deux jours seulement, mes électeurs ont rejeté cette idée à 86 p. 100. Le sondage durera jusqu'à la fin de décembre.


17573

Oui, il semble que les jours où le gouvernement imposait sa volonté à la population tirent enfin à leur fin. La démocratie directe permettra bientôt aux Canadiens de se faire entendre.

Cependant, nos vis-à-vis n'ont pas besoin de me prendre au mot. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est de poser la question aux électeurs de leur circonscription, pour peu qu'ils croient autant que les députés réformistes aux principes de la démocratie.

* * *

LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, en dépit de tous les traités signés par le gouvernement du Canada, les Canadiens doutent de plus en plus qu'il soit aussi sérieux qu'ils voudraient bien qu'il soit face à la fin des essais nucléaires, à la non-prolifération des armes nucléaires et à la destruction des ogives nucléaires existantes.

La fin de la guerre froide devait permettre au monde de cesser de craindre une guerre nucléaire. On a endormi la population en lui faisant croire que des progrès importants avaient été accomplis.

En réalité, le club nucléaire permet à certains de ses membres, comme la France et la Chine, de continuer de menacer la planète avec des essais nucléaires. Ce même club nucléaire, dont le Canada est membre en raison de son appartenance à l'OTAN, refuse aussi d'envisager une réduction importante ou l'élimination de sa puissance nucléaire, ce qui encourage d'autres pays à se doter de l'arme nucléaire.

On avance encore un peu la fin du monde. Il faut que les libéraux se réveillent et fassent montre d'un certain courage plutôt que de dire une chose devant l'ONU et le contraire devant l'OTAN.

* * *

LE REGRETTÉ HARRY CAVERS

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le Président, le 7 décembre 1995, St. Catharines a perdu un grand Canadien, l'honorable Harry Cavers.

M. Cavers est né à St. Catharines en 1909. Il a pratiqué le droit jusqu'à son entrée dans le Réserve des volontaires de la Marine royale canadienne pendant le Seconde Guerre mondiale, où il est passé du rang de matelot de troisième classe à celui de lieutenant. Après la guerre, M. Cavers est revenu à la pratique du droit chez Cavers, Chown et Cairns.

(1405)

Il a été élu député de la circonscription de Lincoln en 1949 et réélu en 1953. M. Cavers était alors le premier libéral élu dans cette région en 50 ans. Il a représenté efficacement la circonscription de Lincoln pendant neuf ans et a travaillé dur pour changer les choses dans sa région.

Après sa carrière à la Chambre des communes, Harry Cavers est revenu au droit en qualité de juge dans le comté de Dufferin. Un ancien associé dans la pratique du droit, M. Roy Cairns, a évoqué l'esprit d'équité et l'impartialité de Harry.

La communauté de St. Catharines a perdu un excellent ambassadeur et un vétéran de la politique qui a bien servi son pays et a su inspirer tous ceux qui l'entouraient.

Nous offrons nos condoléances à sa fille, Anne, et à son gendre, John Carrruthers, ainsi qu'à leurs enfants Megan et Meredith.

* * *

L'UNITÉ NATIONALE

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais parler aujourd'hui de ce qui fait l'essence même du Canada. Nous comptons dix provinces, deux territoires, de nombreuses municipalités et d'innombrables quartiers, mais nous formons avant tout un seul Canada.

Notre nation, qui a des valeurs communes, a été façonnée par les défis de la nature et par la guerre, mais elle a aussi combattu pour la paix. Les Canadiens ont appris à faire preuve de compassion et de compréhension les uns envers les autres. Mais être Canadien c'est avant tout comprendre que ce qui importe le plus n'est pas d'avoir sa juste part du gâteau, mais de s'assurer que le gâteau est réparti équitablement.

Si nous voulons que notre pays survive, les régions économiquement favorisées devront accepter d'aider celles qui le sont moins. Il est juste qu'il en soit ainsi. Je suis fier de vivre dans une société qui se soucie des désavantagés et dont les citoyens partagent leur richesse entre eux.

C'est ainsi que nous faisons les choses au Canada.

* * *

LA LOI SUR LES BANQUES

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, la loi de 1992 prévoit que la Loi sur les banques doit être revue dans cinq ans, soit en 1997.

J'ai reçu beaucoup d'appels et de mémoires en provenance de compagnies d'assurance installées dans ma circonscription de Lambton-Middlesex qui craignent, comme moi-même, que les modifications qui pourraient être apportées à la Loi sur les banques ne donnent au secteur banquier, déjà très puissant, la possibilité de vendre des polices d'assurance au détail dans ses succursales.

Il est important que le Canada ait un système bancaire fort, toutefois je crois qu'il n'est ni souhaitable ni juste envers les autres secteurs de l'industrie des services financiers de permettre au plus puissant de tous, le secteur bancaire, d'accumuler une telle force, le mettant en position de quasi monopole.


17574

En tant que gouvernement, nous avons déjà reconnu que beaucoup des nouveaux emplois créés au Canada ces deux dernières années l'ont été par les PME.

Permettre aux banques de pénétrer sur le marché des assurances au détail pourrait décimer les petites compagnies d'assurance dont un grand nombre appartiennent aux assurés et servent surtout les régions rurales, comme c'est le cas dans Lambton-Middlesex.

* * *

[Français]

LES ENFANTS VICTIMES DE LA GUERRE

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, deux millions d'enfants tués, quatre à cinq millions d'enfants rendus infirmes et 10 millions d'enfants victimes de traumatismes psychologiques causés par les ravages de la guerre au cours des 10 dernières années.

Voilà ce que révèle l'UNICEF dans son rapport 1996, publié hier. Les différents conflits dans le monde ont laissé sur leur passage des scènes horrifiantes et monstrueuses dont les enfants sont trop souvent les victimes.

Ce triste bilan oblige les pays occidentaux, dont le Canada, à réfléchir sérieusement à leurs responsabilités morales. Par exemple, l'UNICEF n'hésite pas à affirmer que les mines antipersonnelles sont responsables en partie de ce triste bilan.

Pourtant le Canada hésite toujours à détruire ses propres réserves de mines tant et aussi longtemps que les autres pays n'auront pas fait de même.

Au nom de ces enfants victimes de la guerre, le Canada doit être le premier pays à éliminer ces armes de souffrance.

* * *

[Traduction]

LES NOMINATIONS FAITES PAR LE GOUVERNEMENT

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, à une époque où le Canada étouffe sous les idées et les institutions anciennes, le gouvernement présente une mesure législative régressive et d'envergure proposant un droit de veto qui coulera à tout jamais dans le béton les anachronismes parlementaires tels que le Sénat actuel.

Les pratiques politiques traditionnelles, démodées et surannées du premier ministre qui nomme ses obligés à ce puissant organisme non élu en fait un repère de ratés privilégiés, de valets du pouvoir et de défenseurs des intérêts spéciaux.

Demain, je présenterai un projet de loi donnant aux électeurs d'une province le droit d'élire les candidats méritant de les représenter dans cette Chambre. Il est absolument essentiel que nous ôtions des pattes du premier ministre le droit de pistonner ses candidats si nous voulons redonner la moindre légitimité à la Chambre haute du Canada.

Qu'on ne s'y trompe pas, le Parti réformiste a toujours été et sera toujours en faveur d'une véritable réforme du Sénat pour en faire un sénat efficace, électif et égal.

* * *

(1410)

LE PARC INTERNATIONAL DE LA PAIX WATERTON GLACIER

M. John Loney (Edmonton-Nord, Lib.): Monsieur le Président, lors d'une réunion tenue à Berlin la semaine dernière, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture a officiellement désigné le parc national des Lacs-Waterton, en Alberta, et le parc national Glacier du Montana comme site du patrimoine mondial. Ce site du patrimoine mondial portera le nom de Parc international de la paix Waterton Glacier.

Le parc national des Lacs-Waterton est une zone protégée de 528,8 kilomètres carrés, créée par le gouvernement canadien en 1895.

La communauté internationale rend un grand honneur à notre pays en reconnaissant la valeur universelle extraordinaire de ce site. Il partage le titre avec six autres sites nationaux canadiens, ainsi que d'autres régions protégées du globe comme les récifs coralliens de la Grande Barrière en Australie, les îles Galapagos en Équateur et Yellowstone.

* * *

LE SECTEUR DE L'ASSURANCE

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai rencontré récemment les représentants de la Insurance Brokers Association of Ontario. Cette association représente plus de 8 000 courtiers agréés, ainsi que leur personnel de soutien, qui travaillent dans plus de 1 100 bureaux et contribuent à l'économie locale de diverses régions de l'Ontario.

Ces travailleurs de la petite entreprise craignent à juste titre que les banques à charte ne soient autorisées à pénétrer le secteur de l'assurance avec tout le dynamisme dont elles sont capables. À première vue, cela peut sembler être l'affaire de deux secteurs qui s'affrontent pour obtenir le contrôle d'un secteur d'activités, mais c'est beaucoup plus que cela en réalité. Il s'agit de la survie de plusieurs centaines de petites firmes de courtiers d'assurance. Il s'agit de la survie de milliers d'emplois au Canada.

Je prie le gouvernement de ne pas modifier la loi de 1992 qui est très efficace et j'espère que ce voeu sera exaucé. Les banques réalisent des profits sans précédent et elles ont déjà envahi le secteur du courtage. Maintenant, elles veulent s'emparer du secteur de l'assurance. Quel sera le prochain secteur? Il est temps de donner une chance aux plus petits.


17575

[Français]

LE CARACTÈRE DISTINCT DU QUÉBEC

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, le chef conservateur déclarait au Journal de Montréal le 4 décembre dernier, et je le cite: «Le Parti progressiste-conservateur appuiera la résolution gouvernementale qui reconnaît le Québec comme une société distincte au sein du Canada. Cette première étape est nécessaire en vue de reconnaître l'identité du Québec au sein de notre fédération.»

Au lendemain de l'adoption par notre gouvernement de cette importante motion en faveur du Québec, les Québécois constatent cependant avec regret que tous les alliés fédéralistes sur lesquels ils comptaient n'étaient pas au rendez-vous.

Après avoir consacré tant d'énergie à faire reconnaître le caractère distinct du Québec alors que le Parti progressiste-conservateur formait le gouvernement, il est dommage qu'aucun membre de ce parti ne se soit prononcé en Chambre durant tout ce débat.

Ils auraient pu franchir à nos côtés cette importante étape en vue de la reconnaissance du Québec au sein de la fédération, comme le chef conservateur l'avait fait avec ferveur tout au long de la campagne référendaire.

* * *

L'AGRICULTURE

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, au référendum du 30 octobre, les régions rurales du Québec ont voté oui, et le ministre fédéral de l'Agriculture s'est présenté au congrès du l'UPA en déclarant avoir compris leur message. Tout un virage de la part du gouvernement fédéral, dont le dernier budget a frappé de plein fouet le secteur agricole.

Les producteurs et productrices réclament le respect des programmes québécois et l'équité des dépenses fédérales en agriculture. Beaucoup de travail attend le ministre, qui ne consacre que 10 p. 100 de son budget au Québec et qui, malgré cela, a fermé trois centres de recherche au Québec, dont celui de La Pocatière, et a coupé 30 p. 100 de la subvention laitière.

Je ne sais par quelle gymnastique le ministre tentera de prouver qu'Ottawa sert les intérêts agricoles du Québec. Je sais par contre que les faits sont là et que les agriculteurs et agricultrices ne sont pas dupes.

* * *

[Traduction]

LES PÉNITENCIERS

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je veux parler du super-comité composé du commissaire au recouvrement, des présidents des commissions de libération conditionnelle et des sous-ministres des ministères de la Justice et du Solliciteur général. Les membres du comité croient qu'il y a des problèmes. Voici quelques-unes des raisons pour cela.

Ces gens disent que les peines sont plus longues. Est-ce un problème? Ils disent qu'il y a plus de prisonniers difficiles, de grands criminels, de prisonniers condamnés à de longues périodes de détention ou à vie, que l'âge moyen des prisonniers augmente, que le pourcentage de libérations conditionnelles diminue et que les lois sont plus sévères.

(1415)

Je peux peut-être aider le gouvernement libéral. Pourquoi ne pas chercher de nouveaux moyens de faire les choses? Pourquoi ne pas envisager de privatiser quelques prisons? Pourquoi pas des lits superposés? Pourquoi ne pas restreindre ces avantages ridicules comme le golf, le projet «eau de javel», les remboursements de TPS pour les prisonniers, le droit des prisonniers d'intenter des poursuites et la possibilité de refuser de travailler?

Si le gouvernement n'aime pas cela, il peut démissionner et laisser quelqu'un d'autre ayant de nouvelles idées et plus de courage prendre la relève.

* * *

[Français]

LE CARACTÈRE DISTINCT DU QUÉBEC

Mme Pierrette Ringuette-Maltais (Madawaska-Victoria, Lib.): Monsieur le Président, celui qui, depuis un certain temps, ne semble occuper ses fonctions de chef de l'opposition qu'à temps partiel nous a gratifiés d'une de ses rares visites hier. Malheureusement, le souverain en attente de son trône n'était pas de passage dans la capitale nationale pour apporter sa contribution à l'édification d'un meilleur pays. Il n'était pas non plus venu dans le but de défendre les intérêts du Québec.

Le chef bloquiste s'est présenté à Ottawa hier dans le but de conduire ses troupes dans une nouvelle charge contre le Québec et son caractère distinct. Les historiens sauront rappeler aux générations futures que les séparatistes du Québec se sont toujours opposés à la reconnaissance du statut distinct pour le Québec et que c'est grâce au gouvernement fédéral si ce statut lui a finalement été reconnu.

* * *

[Traduction]

LE PARTI RÉFORMISTE

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, les réformistes ont dit aux Canadiens qu'ils allaient ramener le respect et le décorum à la Chambre des communes.

Imaginez la déception des Canadiens qui ont cru à leurs promesses, après le spectacle disgracieux des députés criant, chahutant et se pointant du doigt au moment du vote d'hier sur la motion du premier ministre.

Les Canadiens essaient encore de se faire à l'idée que le Parti réformiste a une conception de l'unité nationale qui l'amène à voter dans le même sens que les séparatistes. Qui aurait pu imaginer que le Parti réformiste s'unirait au Bloc? La politique fait vraiment des amitiés étranges.

Nous avons finalement trouvé une promesse que les réformistes ont tenue. Ils ont dit qu'ils feraient les choses différemment à la Chambre des communes. Ce qu'ils n'ont pas dit, c'est que ce ne serait pas ce qu'ils avaient promis aux Canadiens qui leur ont fait

17576

confiance. Leur façon de faire les choses différemment est inacceptable, sans précédent et absolument épouvantable.

______________________________________________


17576

QUESTIONS ORALES

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, hier, le jour même où le gouvernement se targuait de remplir ses promesses référendaires par une simple résolution sans conséquence sur la société distincte, le premier ministre, pendant ce temps, y allait de déclarations inacceptables et antidémocratiques en affirmant qu'il se réservait la prérogative de recourir à tous les moyens dont il dispose pour bloquer un éventuel référendum québécois.

Ma question s'adresse au premier ministre. Alors qu'il réalise que ses prétendues offres ne satisfont pas les Québécois et puisqu'il entend recourir à tous les moyens pour bloquer un référendum québécois, doit-on comprendre des propos du premier ministre que la seule issue qu'il lui reste pour espérer gagner le prochain référendum est de dicter lui-même les règles du jeu?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la contradiction vient d'apparaître immédiatement. Le député dit que je vais bloquer tout référendum. Ensuite, il dit quel moyen je vais prendre pour gagner le référendum. Soit il y en aura un, soit il n'y en aura pas.

Ce que j'ai dit hier, c'est que nous voulons avoir une question claire. C'est ça la démocratie. On n'a pas de leçon de démocratie à recevoir du Bloc québécois. Comme le disait Michel Vastel il n'y a pas longtemps: «Le Bloc, une monarchie héréditaire, ce sont finalement huit personnes, six hommes et deux femmes, représentant 105 000 militants du Bloc québécois qui ont décidé comment leur chef sera choisi, soit 0,007619 p. 100 des membres du parti.»

Alors, on n'a pas de leçon de démocratie à recevoir d'un parti qui est accusé d'avoir fait toutes sortes de fraudes dans le dernier référendum au Québec.

(1420)

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, puisque le premier ministre veut jouer sur ce terrain-là, je lui rappellerai simplement que c'est lui et les ministres de son gouvernement qui se sont rendus coupables d'avoir violé la Loi électorale québécoise. Parler de démocratie quand on refuse même de reconnaître le résultat d'un vote démocratique, ça fait dur. Ça fait dur!

Le premier ministre affirmait hier que 2,5 millions de citoyens n'auront pas à décider de l'avenir d'un pays de 30 millions d'habitants. Doit-on comprendre de ces propos qu'il nie au peuple québécois le droit fondamental et inaliénable de décider librement de son avenir?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, ils ont décidé déjà deux fois de leur avenir. Il y a eu deux référendums au Canada où les Québécois ont décidé de rester au Canada.

Tout ce que j'ai dit hier, c'est que le reste du pays a le droit de parole dans l'avenir de son pays. Ça fait deux fois que nous acceptons le résultat du référendum au Québec et c'est eux qui nient la démocratie, qui ne veulent pas accepter un non pour un non.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): C'est étonnant, monsieur le Président, qu'un homme politique de la trempe du premier ministre ne comprenne pas qu'on n'arrête pas un peuple qui est en processus de devenir un peuple indépendant économiquement.

Comment le premier ministre peut-il penser que les Québécois le croiront quand il affirme avoir rempli ses engagements référendaires solennels, alors que lorsqu'il s'adresse au Canada anglais, il change son discours et qualifie ses propres engagements de trois petites promesses sans conséquence?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, pour moi, les promesses que j'ai faites sont des promesses qui datent de longtemps. Contrairement au Bloc québécois, j'ai voté pour Charlottetown, pour la société distincte; ils ont voté contre. Depuis 1970, je suis en faveur d'un veto et de la formule de Victoria. Cela a toujours été la position de mon parti. Ce que je disais, c'est que je ne faisais que réaffirmer ce que notre parti appuie depuis longtemps.

Par contre, pour des gens qui parlent de démocratie, encore leur chef disait à la télévision, il y a quelques jours, que nous allions prendre tout le monde par surprise. Encore une fois, quand on lui demande: «Voulez-vous poser une question honnête?» il dit: «Non, je vais poser une question gagnante.»

La seule façon de gagner honnêtement, c'est de prendre une question honnête, que tout le monde comprend. Et il n'y a pas d'ambiguïté quant au résultat.

* * *

LE CANADIEN NATIONAL

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, M. Paul Tellier a menacé de fermer la compagnie AMF de Montréal si le syndicat n'accepte pas les conditions imposées par le CN. Or, le syndicat et la compagnie GEC Alsthom qui veut acheter AMF sont près d'une entente, mais le CN bloque toute initiative pouvant mener à un règlement. Il s'agit, rappelons-le, de 1 300 emplois directs et de 5 000 emplois indirects dans le sud-ouest de Montréal.

Considérant que l'attitude du CN dans ce dossier risque de coûter 6 300 emplois à Montréal, le ministre des Finances, responsable du développement régional au Québec, a-t-il l'intention d'intervenir dans ce dossier prioritaire pour Montréal, dans le sud-ouest de Montréal, dans sa région, près de son comté? Va-t-il ramener le CN à la raison?


17577

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, mon honorable collègue sait que le CN est maintenant une compagnie du secteur privé. Mais cela fait des mois que nous travaillons pour essayer de trouver une solution à AMF. Le CN s'était engagé à maintenir l'usine ouverte. Les négociations ont été très longues et ardues, mais je suis très confiant, tenant compte de l'attitude des employés, maintenant, que nous allons arriver à une solution.

(1425)

Nous suivons le dossier de très près. Je sais que mes collègues de la grande région de Montréal sont très intéressés dans le dossier, et nous aussi. J'espère qu'à la dernière heure tous les intervenants dans cette affaire vont comprendre l'importance, tel que le décrit le député, de maintenir cette usine en opération avec tous les emplois qui y sont affiliés.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, sachant que la politique fédérale en matière de transport ferroviaire a toujours favorisé l'ouest du pays, le fédéral, pour une fois, va-t-il ramener le CN à la raison? Va-t-il fermer les yeux?

Des voix: Oh, oh!

M. Duceppe: On va attendre. . .

Une voix: Ils n'aiment pas la vérité.

Le Président: L'honorable député de Laurier-Sainte-Marie peut continuer sa question.

M. Duceppe: Je demande donc au ministre des Finances, responsable du développement régional de Montréal, s'il en a toujours la responsabilité ou si c'est un titre parmi d'autres? Va-t-il laisser 6 300 emplois directs et indirects partir de Montréal pour Winnipeg?

[Traduction]

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, il n'a jamais été question que les emplois d'AMF aillent ailleurs que là où ils sont en ce moment.

La question que nous essayons de régler, depuis plusieurs années maintenant, comme le député le sait, c'est si, grâce à une collaboration entre le CN, GEC Alsthom et les employés, nous pouvons maintenir l'exploitation au Québec où, selon la demande, les ateliers emploient entre 600 et 1 300 personnes.

Le député serait bien mieux avisé de consacrer ses efforts à essayer de convaincre les parties de parvenir à un accord, plutôt que de soulever le spectre du déménagement des emplois. Si GEC Alsthom et le CN ne laissent pas les emplois à AMF, à Montréal, ils ne déménageront nulle part et disparaîtront purement et simplement. Ce serait regrettable pour Montréal, pour le Québec et pour le Canada.

* * *

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, hier soir, le premier ministre a parlé d'un autre référendum québécois après avoir dit qu'il n'allait pas en parler. Il a dit ensuite: «La Constitution donne beaucoup de pouvoirs au gouvernement fédéral, en vertu de la disposition sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Nous avons des pouvoirs et nous devons les utiliser pour nous assurer que la question du prochain référendum soit juste à l'égard des Québécois et juste pour le reste du pays.»

À quels pouvoirs en vertu de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement le premier ministre faisait-il précisément allusion? De quelle façon le premier ministre entend-il utiliser ces pouvoirs pour faire en sorte que la question posée au prochain référendum soit claire?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je vais répéter ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il était très important d'avoir une question juste et honnête, s'il doit y avoir un autre référendum.

Je ne veux pas spéculer sur la date possible d'un autre référendum, puisque le leader du Bloc Québécois a dit que, lorsqu'il serait à Québec, la priorité de son gouvernement serait une bonne administration et la remise en ordre des finances de la province. Si c'est ce qu'il veut faire, nous l'aiderons, parce que nous voulons que le Québec ait une économie prospère.

Toutefois, j'ai dit que, s'il y avait un autre référendum, la question devrait être claire. Nous n'accepterons pas d'ambiguïté et nous prendrons les mesures nécessaires pour atteindre ce but.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, nous avons entendu tout ça. Toutefois, ma question était la suivante: De quels pouvoirs, au titre du maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement, le gouvernement entend-il user pour avoir un impact sur la question au prochain référendum?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait consulter ses avocats. Nous savons quoi faire.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre a provoqué cette discussion lorsqu'il a parlé de l'incertitude à laquelle donnerait lieu un autre référendum au Québec. Ce type de commentaires voulant que le gouvernement fédéral ait le pouvoir de faire quelque chose au sujet de ce référendum et le refus ensuite du gouvernement d'expliquer comment il va s'y prendre et de quels pouvoirs il va user ne font qu'ajouter à la confusion.

(1430)

Je pose encore une fois la question au premier ministre: S'il sait de quoi il parle, comment entend-il user des pouvoirs fédéraux pour veiller à ce que le prochain référendum au Québec soit équitable?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, le Parti réformiste a proposé un plan en 20 points pour régler cette question.

On m'a posé la question et j'ai dit que s'il y avait un autre référendum, ce ne sont pas seulement les Québécois qui devront se prononcer, mais tous les Canadiens. Je l'ai dit très clairement. J'ai dit que le gouvernement fédéral disposait de moyens. . .


17578

Des voix: Oh, oh!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Monsieur le Président, ils posent toujours des questions de nature politique.

J'ai dit que le gouvernement fédéral avait l'obligation et le devoir envers les gens appelés à voter de veiller à ce que la question soit claire et que nous userons du pouvoir que nous avons pour parvenir à cet objectif. Ne vous inquiétez pas.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Loin d'un retrait complet de la formation de la main-d'oeuvre comme s'y était engagé le premier ministre, la réforme de l'assurance-chômage déposée il y a dix jours propose au contraire la mise sur pied de cinq nouveaux programmes de main-d'oeuvre. Devant cette annonce, l'Assemblée nationale a unanimement réaffirmé le consensus québécois sur le nécessaire transfert au Québec de l'ensemble des programmes fédéraux de main-d'oeuvre.

Alors que le ministre du Développement des ressources humaines rencontrera demain son homologue du Québec sur la question du transfert des programmes de main-d'oeuvre, le premier ministre peut-il nous dire si son ministre aura le mandat de discuter du rapatriement complet de la main-d'oeuvre au Québec, et ce, sans conditions ni normes nationales, comme le précise la résolution unanime de l'Assemblée nationale du Québec?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, la députée sait pertinemment que le mandat principal de tous les ministres du gouvernement est d'aider les gens à trouver du travail, de créer des emplois, d'offrir des possibilités d'emplois et de travailler à la réalisation de ce mandat en étroite collaboration avec les provinces, les municipalités, le secteur privé et toutes les personnes intéressées.

Le premier ministre, dans sa déclaration, a dit clairement que nous nous retirions du domaine de la formation de la main-d'oeuvre. Dans la mesure législative, nous avons clairement exprimé notre intention de collaborer avec les provinces et de solliciter leur consentement à l'égard de toute mesure touchant la formation. Nous nous efforcerons de collaborer avec elles à l'élaboration de mesures favorables à l'emploi et à la création de partenariats en matière d'emploi.

Je me réjouis de la tenue de la première série de rencontres préliminaires avec la ministre de l'Emploi du Québec, ce qui nous permettra de mieux faire connaître la teneur de ce projet de loi. De toute évidence, le gouvernement du Québec, tout comme la députée, ne saisit pas toute la portée de ces mesures, et j'ai bien hâte d'établir un climat de dialogue et de discussions fructueuses afin que nous puissions travailler ensemble à redonner des emplois aux Canadiens.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, par les propos du ministre, j'entends qu'il continue à être celui qui va décider quelles mesures il peut signer et négocier.

Compte tenu que la motion présentée sur la société distincte par le gouvernement est supposée signifier quelque chose, le premier ministre peut-il nous dire si son ministre du Développement des ressources humaines a reçu le mandat de faire une proposition distincte au Québec, qui a dégagé le plus large consensus sur le nécessaire rapatriement de l'ensemble de la politique de main-d'oeuvre?

(1435)

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, je trouve passablement étrange que la députée de Mercier cite la décision du Parlement d'appuyer la motion sur la société distincte alors qu'elle a elle-même voté contre. J'estime qu'elle ne saurait dire quelque chose et son contraire. Elle ne peut pas à la fois nous demander de respecter le caractère distinct de la société québécoise et ne pas avoir le bon vouloir et la détermination nécessaires pour voter en faveur de la reconnaissance d'une société distincte pour les Québécois.

* * *

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre affirme avoir les pouvoirs et les moyens pour s'assurer que le prochain référendum au Québec est équitable.

Pourrait-il nous préciser de quels pouvoirs il parle et comment il entend les utiliser pour veiller à ce que le prochain référendum soit équitable? Si le premier ministre ne répond pas à ces questions, il donnera l'impression qu'il ne sait pas de quoi il parle ou qu'il lance des menaces vagues. Il va contribuer ainsi à l'incertitude qui entoure cette question.

Je lui demande donc à nouveau de quels pouvoirs il s'agit. Comment se propose-t-il de les utiliser pour s'assurer que le prochain référendum au Québec est équitable?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, s'il y a quelqu'un qui sème la confusion au Canada à ce stade-ci, c'est bien le chef du tiers parti.

Chaque fois que nous parlons de ce problème, il s'allie aux séparatistes québécois. Tous les jours, il complique la tâche à un gouvernement qui essaie de sauver le Canada. Il ne se passe pas un jour sans qu'il ne crée des remous au Canada, car il n'a aucun intérêt à garder notre pays uni.

Il se fait des illusions. Il rêve tout le temps peut-être de devenir le dirigeant du reste du Canada. Il n'y aura qu'un seul Canada d'un océan à l'autre.


17579

Des voix: Bravo!

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, si nous voulons conserver notre pays uni, il faudra absolument donner des réponses claires aux questions posées. De belles déclarations politiques de ce genre ne font qu'ajouter à l'incertitude, plutôt que de donner aux Canadiens les assurances qu'ils désirent.

Permettez-moi d'aborder la question d'une autre façon. Le mois dernier, à Toronto, le premier ministre a déclaré qu'il ne voulait plus de référendum et il a laissé entendre qu'il aurait recours au pouvoir fédéral pour empêcher tout futur référendum. Hier soir, il a reconnu qu'il y aura un autre référendum. Il a déclaré qu'il allait utiliser le pouvoir fédéral pour veiller à ce que le référendum soit équitable.

Où est la vérité? Se propose-t-il d'utiliser le pouvoir fédéral pour empêcher un autre référendum? Va-t-il plutôt se servir de ce pouvoir fédéral pour s'assurer que le prochain référendum est plus équitable? Quelle est la réponse?

(1440)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la question est purement hypothétique. Il n'y a pas de référendum à ce stade-ci. Le chef du Bloc québécois a précisé qu'il ne voulait pas de référendum pour le moment, qu'il souhaitait administrer le Québec et chercher à offrir un bon gouvernement.

Si les séparatistes réussissaient à bien gouverner le Québec, le reste du Canada s'en réjouirait bien entendu et nous leur apporterions l'aide voulue. Mais à ce stade-ci, je le répète, s'il y a un autre référendum, je peux vous garantir que la question sera claire. Je vais m'en assurer.

* * *

[Français]

LA PUBLICITÉ SUR LES PRODUITS DU TABAC

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

Hier, la ministre de la Santé annonçait ses intentions en ce qui a trait à la publicité et aux commandites des compagnies de tabac. La ministre, contre toute attente, ira beaucoup plus loin que la portée de la loi précédente, que la Cour suprême vient d'invalider il y a trois mois.

En intervenant maladroitement comme elle le fait, la ministre de la Santé réalise-t-elle qu'elle va faire en sorte que les compagnies productrices de cigarettes vont mettre fin au moratoire volontaire sur la publicité et reprendre sans contrainte la publicité sur les produits du tabac?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, lorsque j'ai rencontré les représentants des compagnies de tabac il n'y a pas longtemps, avant de faire mon annonce, ils m'ont dit qu'ils se préparaient à faire de la publicité en commençant au mois de janvier. Alors, elle s'en venait d'une façon ou d'une autre.

Nous voulons absolument contrôler cette publicité parce que, comme vous le savez, les cigarettes causent des problèmes néfastes aux Canadiens et aux Canadiennes. Les compagnies cherchent toujours de nouveaux consommateurs, et ce sont d'habitude les jeunes qui commencent à fumer. Nous allons faire tout notre possible pour empêcher les jeunes de commencer à fumer, et c'est un pas dans la bonne direction.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, en intervenant comme elle le fait sans avoir pris avis de la Cour suprême, la ministre réalise-t-elle qu'elle risque de nous embarquer une fois de plus dans une saga judiciaire qui va coûter 7 millions de dollars au bas mot et qui ne donnera rien?

[Traduction]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je suis un peu étonnée que la porte-parole du Bloc québécois pour les questions de santé préfère protéger les fabricants de tabac plutôt que de s'employer avec nous à garantir que nous proposions les dispositions législatives les meilleures et les plus sévères, après avoir pris en considération la décision de la Cour suprême.

* * *

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, même les libéraux du Québec s'opposent à ce que le gouvernement fédéral utilise ses pouvoirs pour rejeter la tenue d'un autre référendum si la question n'est pas claire. C'est ce que les libéraux du Québec ont dit. Aujourd'hui, Jean-Marc Fournier, le porte-parole du Parti libéral du Québec en matière constitutionnelle, a dit ceci: «Le premier ministre devrait faire davantage confiance au bon jugement des Québécois.»

Le premier ministre dit maintenant que la question sera claire. Comment peut-il garantir que la question sera claire? Quels pouvoirs est-il prêt à utiliser pour cela?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Si tout le monde au Canada et au Québec veut une question claire et veut s'employer à réaliser cet objectif, nous y parviendrons. Nous devrons nous assurer que la question sera claire. Il y aura suffisamment de pressions qui seront exercées en ce sens sur le gouvernement. Je répète que, la prochaine fois, la question sera claire et que les gens sauront exactement sur quoi ils doivent se prononcer.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre nous dit de ne pas nous en faire. Les Canadiens sont extrêmement préoccupés par ce qui a été la hantise du gouvernement depuis des semaines que le référendum a eu lieu. Le fait est que nous voulons nous attaquer à la création d'emplois et nous occuper de l'économie, mais le premier ministre a fait de ce problème une hantise pour la Chambre.

Pourquoi le premier ministre n'éponge-t-il tout simplement pas ses pertes au regard de l'unité nationale, pourquoi ne repart-il pas à zéro et ne consulte-t-il pas les Canadiens dans le cadre d'un référendum national? S'il a confiance en la population canadienne, pourquoi ne consulte-t-il pas les Canadiens et les premiers ministres des provinces plutôt que certaines personnes ici?


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Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous espérons qu'un jour, le Parti réformiste essaiera de travailler avec le reste du Canada pour maintenir l'unité canadienne. Ce genre d'attitude n'est pas du tout utile à l'unité du pays.

* * *

(1445)

[Français]

LA CONSTITUTION

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Des réponses du premier ministre aux questions que nous lui posons ainsi qu'à celles du chef réformiste, on comprend maintenant qu'il ne sait plus comment se sortir du grand cirque constitutionnel qu'il a déclenché il y a quelques semaines. Il y a six semaines, selon le premier ministre, le Québec était sa patrie; il y a une semaine, le Québec n'avait plus de culture et, depuis hier, le Québec n'a plus le droit à la démocratie.

Doit-on comprendre que pour sauver sa peau dans le reste du Canada, le premier ministre est prêt à tout, allant jusqu'à menacer les Québécois d'utiliser tous les pouvoirs à sa disposition pour l'empêcher d'accéder à la souveraineté?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, ce n'est pas très compliqué. Tout ce que j'ai dit, c'est que je demande au Bloc québécois, au Parti québécois d'être honnêtes et de dire qu'ils veulent se séparer du Canada purement et simplement. La réponse, ils l'ont.

Des voix: Oh, oh!

M. Chrétien (Frontenac): Le Bloc québécois est très honnête.

Le Président: Mes chers collègues, je vous demande s'il vous plaît d'être très judicieux en choisissant vos mots. On ne met jamais en question, je crois, en cette Chambre, notre honnêteté. Alors, j'aimerais que le mot honnêteté ne soit pas utilisé ici lors de la période des questions dans le sens qu'il a été utilisé aujourd'hui.

Il y a des mots que nous utilisons, comme vous le savez, qui nous incitent, d'un côté comme de l'autre, et je demanderais au très honorable premier ministre de ne pas utiliser le mot dans ce sens-là.

M. Chrétien (Saint-Maurice): Monsieur le Président, j'ai dit que le Parti devrait poser une question claire et honnête. C'est eux qui auront l'occasion de la poser. Tout ce que nous demandons, c'est que la question soit très claire, au lieu d'essayer de poser toutes sortes de conditions pour que les gens deviennent mêlés et qu'ils ne sachent pas s'ils votent pour la séparation ou pour rester au Canada. Tout ce que nous demandons, c'est une question très claire. S'ils veulent une suggestion, qu'il la pose ainsi: «Voulez-vous vous séparer du Canada?» C'est très clair et tout le monde comprendra. Il n'y aura aucune difficulté. Seulement, ils savent qu'ils vont perdre avec une question comme celle-là.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, est-ce que la ligne dure à l'endroit du Québec annoncée hier par le premier ministre n'est pas à elle seule le résumé de toute sa carrière, c'est-à-dire consolider ses appuis au Canada, tout en essayant d'écraser les Québécois?

[Traduction]

Le Président: Dans sa question, la députée prête des intentions à quelqu'un. Je pense que la question devrait être directe et ne pas prêter des intentions d'une manière ou d'une autre.

J'estime que la question, ainsi libellée, est irrecevable. Si le premier ministre veut y répondre, libre à lui; sinon, nous passerons à une autre question.

[Français]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je peux répondre, parce que c'est une tactique qu'ils emploient tout le temps. Lorsque nous sommes du Québec et que nous croyons que l'avenir du Québec est à l'intérieur du Canada, on essaie de nous faire passer pour des traîtres, alors que si le français a survécu en terre d'Amérique, c'est parce que le Canada existe. C'est ça, la réalité.

* * *

(1450)

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, récemment, la valeur du dollar est tombée et les taux d'intérêt ont fortement augmenté. Il ne s'agit pas là d'une réaction bien favorable à la nouvelle que le ministre des Finances a fièrement annoncée lorsqu'il a dit que son plan d'élimination du déficit était sur la bonne voie.

Le ministre admettra-t-il que des cibles mouvantes ne suffisent pas, que dépenser quatre millions de dollars l'heure, c'est trop, et que les marchés et les futures générations de Canadiens veulent qu'il fasse mieux, par exemple faire comme les huit provinces dont les ministres des Finances se réunissent ce soir?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le député sait fort bien quelles sont les raisons de la volatilité des marchés des changes canadiens. Il sait que l'instabilité des taux d'intérêt est largement attribuable à la spéculation quant aux mesures que prendront la Réserve fédérale américaine et les banques centrales européennes. Je sais que le député le sait.

C'est grâce aux mesures budgétaires prises par notre gouvernement que l'écart entre les taux d'intérêt canadiens et les taux d'intérêt américains a autant rétréci.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, les ministres des Finances provinciaux se plaignent, à bon droit, que le gouvernement fédéral a réduit les paiements aux


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provinces plus que ses propres dépenses. C'est une méthode de règlement des problèmes typiquement libérale. Transférons le fardeau, laissons les autres prendre le blâme.

Le ministre réduira-t-il davantage les autres dépenses fédérales, non seulement pour rétablir l'harmonie avec ses homologues provinciaux, mais encore pour envoyer les bons signaux aux marchés des capitaux?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, lorsque notre gouvernement a décidé de réduire les transferts aux provinces, il a avisé ces dernières longtemps d'avance, contrairement aux gouvernements précédents. En fait, les réductions que nous avons imposées aux provinces sont moindres que celles que nous nous sommes imposées à nous-mêmes. Elles sont inférieures à 2 p. 100 des recettes provinciales.

Si le député regarde la Revue financière publiée aujourd'hui, il verra que les dépenses de programmes du gouvernement ont diminué et que les transferts aux provinces ont augmenté.

* * *

LA PROGRAMME DE LA PRESTATION FISCALE POUR ENFANTS

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu national. Dans le cadre du programme de la prestation fiscale pour enfants, Revenu Canada est chargé de calculer le montant de chaque prestation, de tenir chaque compte et de répondre aux demandes de renseignements.

Revenu Canada a maintenant une responsabilité additionnelle, soit celle de déterminer qui a droit à la prestation. Le ministre peut-il expliquer à la Chambre en quoi ce changement améliore le programme de la prestation fiscale pour enfants?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, avant de répondre à la question, je veux remercier la députée pour son intérêt soutenu à l'égard des problèmes et des droits des enfants.

En réponse à sa question, le fait de confier l'entière responsabilité du programme à un seul ministère nous permet de maximiser l'efficacité et d'améliorer le service aux clients de diverses façons: premièrement, en traitant les demandes de prestation fiscale pour enfants en une seule étape, ce qui n'était pas le cas auparavant; deuxièmement, en éliminant le dédoublement des bases de données et les transferts hebdomadaires de renseignements qui se faisaient auparavant entre deux ministères; troisièmement, en réduisant simplement le coût du programme; et, enfin, en donnant aux clients un seul point de contact.

* * *

[Français]

RADIO CANADA INTERNATIONAL

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine.

En fin de semaine, on apprenait que le gouvernement fédéral s'apprête à supprimer Radio Canada International. Des sources sûres nous ont confirmé que le Cabinet entérinerait cette décision, et ce, sans attendre les conclusions du rapport Juneau chargé d'étudier les mandats de la SRC.

Le ministre du Patrimoine peut-il nous dire s'il a recommandé ou entend recommander au Cabinet de modifier le mandat de la SRC afin de couper les services de Radio Canada International avant même que le rapport Juneau ne soit déposé?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Non, monsieur le Président.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, c'est court.

Puisque le gouvernement avait accepté la recommandation des députés ministériels membres du Comité des affaires étrangères, à l'effet de ne ménager aucun effort pour exploiter pleinement le potentiel de Radio Canada International, comment le ministre peut-il expliquer cette supposée volte-face?

(1455)

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a pas de volte-face. J'ai eu l'occasion de dire dans cette Chambre que l'avenir de Radio-Canada serait considéré par le gouvernement dans le cadre de l'examen de son mandat. Nous attendons les résultats d'une étude qui a été faite par un comité sur les mandats. C'est dans ce cadre que nous allons déterminer l'avenir de la maison.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, il y a un instant, le ministre des Finances a fait la déclaration absurde que, d'une façon ou d'une autre, le gouvernement a réduit davantage ses dépenses qu'il n'a réduit ses paiements de transfert aux provinces. Je souligne qu'il a fait des pieds et des mains pour préserver les pensions des libéraux et c'est le ministre des Finances qui a mené l'attaque dans tout cet argument.

Les gens qui font preuve de leadership au Canada sont ceux des gouvernements provinciaux. Le seul leadership dont le ministre fait preuve est de défendre ses intérêts.

Le ministre des Finances s'engagera-t-il à s'inspirer du programme des provinces? Va-t-il équilibrer le budget et donner aux Canadiens ordinaires qui paient des impôts l'espoir que leur fardeau fiscal sera allégé?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, il doit sûrement y avoir un lien entre le préambule de la question et la question proprement dite.

Le député sait fort bien que les objectifs du gouvernement consistent à éliminer le déficit. Il a suivi une voie très claire en ce sens. Il a


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chaque fois amélioré ses objectifs, et c'est la première fois que cela se produit depuis longtemps dans l'histoire du Canada. Il se concentre sur la préservation de nos programmes sociaux et sur la création d'emplois.

Le gouvernement ne va pas faire disparaître le tissu social de notre pays à cause d'une idéologie financière étroite que préconisent les députés d'en face.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, il faut reconnaître que la création d'emplois au Canada est au point mort. En fait, le gouvernement est obligé d'imposer des réductions dans les programmes sociaux, à cause de l'intérêt sur la dette. Ce sont réellement les provinces qui montrent le chemin à suivre.

Le ministre fera-t-il preuve de leadership pour une fois, en allant aujourd'hui à la conférence dire aux provinces qu'il va les imiter en prenant des mesures pour équilibrer le budget et qu'il va finalement redonner espoir aux Canadiens en leur promettant un allégement fiscal, non pas au XXIe siècle, mais dans ce siècle-ci?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, depuis une décennie, le Canada n'a fait que rater ses objectifs en matière de prévisions concernant le déficit.

Depuis que notre gouvernement est en place, non seulement nous atteignons nos objectifs, nous les dépassons. C'est très évident. En arrondissant les chiffres, je rappelle que le déficit correspondait à 6 p. 100 du PIB à notre arrivée. Ce pourcentage est passé à 5 p. 100, puis à 4 p. 100 et à 3 p. 100 pour finalement se situer à 2 p. 100. La tendance saute aux yeux et nous allons faire en sorte qu'elle se maintienne jusqu'à ce que le déficit soit complètement éliminé.

* * *

LA JOURNÉE NATIONALE DES AUTOCHTONES

M. Elijah Harper (Churchill, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

La semaine dernière, des chefs spirituels autochtones et des anciens, des représentants de nombreuses Églises et confessions religieuses, des dirigeants politiques, des jeunes et de simples Canadiens se sont réunis à Hull pour une assemblée sacrée. L'assemblée a demandé l'institution d'une journée nationale des autochtones pour reconnaître l'apport des autochtones à notre pays et célébrer un peuple distinct qui vit sur ce territoire depuis des millénaires.

Le ministre est-il favorable à l'institution d'une journée nationale des autochtones pour reconnaître la générosité extraordinaire des premiers peuples et leurs contributions extraordinaires à notre pays?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je ne me suis pas exprimé clairement hier; j'espère que je serai plus clair aujourd'hui. J'appuie les efforts visant à faire du 21 juin la journée de solidarité autochtone.

C'est la vision que le chef national a proposée au nom de son peuple. Nous avons parlé de réconciliation, d'une journée où les communautés autochtones peuvent célébrer leur existence et leur contribution. Ils peuvent organiser des festivités.

(1500)

Cette vision a été approuvée par son peuple, par le grand chef et son assemblée, par tous les chefs spirituels qui étaient présents, non seulement les chefs spirituels autochtones, mais aussi les chefs spirituels de l'Église mennonite, de l'Église anglicane et de l'Église catholique, toutes les Églises, et par le ministre des Affaires indiennes.

* * *

[Français]

LA FISCALITÉ

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le 1er janvier prochain, le ministre des Finances prévoit aller de l'avant avec le projet qui remonte à 1991 et maintes fois reporté de limiter la déductibilité de l'impôt fédéral des taxes provinciales sur le capital et la masse salariale. La mise en oeuvre de ce projet pénalisera surtout les entreprises québécoises, puisque le Québec prélève la moitié des taxes qui seraient visées par la mesure fédérale.

Le ministre des Finances s'engage-t-il à éliminer une fois pour toutes le projet de limiter la déductibilité de l'impôt fédéral des taxes sur le capital et la masse salariale, projet qui frapperait de plein fouet les entreprises québécoises?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, cette mesure frappe plusieurs provinces. Le député sait également que lorsque j'étais à sa place, j'ai posé les mêmes questions et j'ai tenu le même discours en tant que critique.

Il est vraiment de notre intention de régler la question, mais nous voulons la régler à l'intérieur d'une discussion sur l'ensemble des mesures de taxation entre les provinces et le gouvernement fédéral.

* * *

[Traduction]

LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je viens de recevoir ce que le Service correctionnel du Canada appelle sa toute dernière version modifiée des directives du commissaire. Je vous en cite un passage: «On n'accordera de temps supplémentaire que lorsque aucune autre solution de rechange raisonnable existe.» Cela se passe en prison.

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La vice-première ministre pourrait-elle confirmer si cette politique ridicule demeure encore en vigueur ou bien, lorsque un libéré conditionnel est renvoyé en prison, s'il est admissible à du temps et demi?

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député vient de nous mettre au courant de l'information qu'il vient de recevoir. Par conséquent, dans l'intérêt des députés intéressés, je vais prendre note de la question. Le ministre lui donnera sûrement une réponse adéquate.

* * *

WEI JINGSHENG

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au ministre des Affaires étrangères.

Demain, le gouvernement chinois juge le grand dissident Wei Jingsheng, récipiendaire du prix Olaf Palme en 1995, qui risque la peine capitale.

Je demanderais au ministre d'exposer à la Chambre les mesures que le gouvernement libéral a prises pour protester contre ce simulacre de procès précipité. L'accusé n'a été prévenu de ce procès que cinq jours à l'avance. Le ministre peut-il donner à la Chambre l'assurance que l'ambassade du Canada à Beijing dépêchera un représentant de haut rang pour observer ce procès demain?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je peux donner au député l'assurance que nous ferons enquête sur la situation. Notre représentant à Beijing sera fidèle à l'attitude habituelle du Canada, qui n'a jamais hésité à défendre les droits de la personne, notamment en Chine.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Chers collègues, c'est pour moi un grand plaisir de vous présenter aujourd'hui un groupe de Canadiens exceptionnels. Comme je tiens à me joindre à vous, je vous prie d'attendre, pour les applaudir, que j'aie terminé les présentations.

Je vous présente donc nos héros de l'espace. Notre premier spécialiste de mission, le major Chris Hadfield, accompagné de sa femme, Helena, et les astronautes suivants de l'Agence spatiale canadienne: Steve Maclean, Julie Payette, Dave Williams, Marc Garneau, Bjarni Tryggvason et Robert Thirsk.

Des voix: Bravo!

(1505)

[Français]

Le Président: Mes chers collègues, aujourd'hui est une journée tout à fait spéciale.

[Traduction]

J'invite tous les députés qui peuvent se libérer à se joindre à moi, à la salle 218, le salon de la présidence, où je donnerai une réception pour nos astronautes, qui nous remplissent d'une si grande fierté.

M. Charest: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Certaines observations ont été faites au sujet de votes qui ont eu lieu à la Chambre. Je tiens à apporter une précision au sujet des votes tenues hier, ne serait-ce que pour faire consigner mes propos au compte rendu. J'aurais voté contre les amendements et en faveur de la résolution.

Comme je dois m'absenter demain, je tiens également à ajouter, pour ce qui est du vote qui aura lieu demain, que je voterais contre. . .

Le Président: Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.

* * *

LES VOIES ET MOYENS

AVIS DE MOTION

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 83(1) du Règlement, je désire déposer un avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur l'accise, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et la Loi sur la marine marchande du Canada. Je demande que l'étude de la motion soit inscrite à l'ordre du jour.

______________________________________________


17583

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI CONCERNANT LES MODIFICATIONS CONSTITUTIONNELLES

La Chambre reprend l'étude du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, dont le comité a fait rapport sans propositions d'amendement, ainsi que des motions nos 1 et 2.

(1510)

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, je prends la parole au sujet du projet de loi C-110, qui fait partie des mesures proposées par le gouvernement libéral et le premier ministre pour favoriser l'unité et qui, semble-t-il, suscitent plus de dissensions que toute autre proposition récente.

Comme le ministre Petter de la Colombie-Britannique l'a dit récemment, ces mesures nuisent à l'unité nationale au lieu de la favoriser. C'est une position que je reprends à mon compte sans aucune réserve.

Dans le Nord, notamment au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest-j'espère que mes collègues de Western Arctic et de


17584

Nunatsiaq en parleront-, ce projet de loi est vu comme un obstacle de plus à la création de nouvelles provinces. Je trouve difficile de comprendre pourquoi ces deux députés libéraux importants ne s'opposent pas avec véhémence à la proposition.

Nous le savons, l'Ouest se sent aliéné. Le Québec dit non. Il est évident que ce projet de loi ne suscite pas l'unité. Récemment, quelqu'un dit que lorsque l'on se peignait dans un coin, il fallait sortir de la pièce en marchant sur la peinture. C'est ce que le premier ministre a fait. Il a éclaboussé de peinture tout le Canada, sans pour autant créer une impression d'unité, mais en provoquant le mécontentement des Canadiens, autant pour les mesures que le gouvernement a prises avant le référendum au Québec que depuis ce référendum.

Je parlerai de trois aspects de la question: l'objet du projet de loi, le processus qui entoure ce projet de loi et les deux autres éléments du plan, puis le contenu. Enfin, comme les bons néo-démocrates le font toujours, je présenterai des suggestions précises concernant le projet de loi.

J'ai écouté très attentivement les députés, tout particulièrement le ministre de la Justice, qui sont allés devant le comité expliquer pourquoi le projet de loi était important. Je me demande encore s'il n'y avait pas quelqu'un de caché derrière un certain roc, prêt à nous surprendre avec une proposition constitutionnelle dont il aurait fallu protéger le gouvernement fédéral et qu'il fallait inclure dans un projet de loi comme le projet de loi C-110 pour que le gouvernement sache quoi faire. C'est peut-être là un objectif du projet de loi, mais cela a été une surprise pour la plupart d'entre nous.

Le projet de loi C-110 dit au gouvernement comment il utilisera son pouvoir d'accepter ou de rejeter les modifications constitutionnelles. Cela ne change pas la Constitution. Par conséquent, ce n'était évidemment pas l'objectif du projet de loi.

Le chef du Parti libéral du Yukon, toujours de manière constructive, dit, d'après le Whitehorse Star du 5 décembre, que le premier ministre tente de remplir sa promesse de présenter un plan qui satisfera la population du Québec. Il est évident qu'il ne l'a pas fait.

Quel pourrait être l'autre objectif? Le ministre de la Justice l'a dit aux audiences du comité: «Ce projet de loi n'est qu'une mesure prise en attendant la conférence constitutionnelle d'avril 1997 sur la formule de modification. Elle peut être modifiée. Elle n'est là que temporairement.» Encore une fois, il faut se demander pourquoi. Si cette mesure n'est que temporaire, si elle ne satisfait personne, quel est le véritable objectif visé par le gouvernement?

La leader du Nouveau Parti démocratique, Alexa McDonough, l'a dit, a dit que cette offre constitutionnelle n'étit qu'une réaction improvisée aux sondages d'hier et aux éditoriaux d'aujourd'hui. Voilà qui résume l'objet de cette offre et, plus particulièrement, de ce projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Le ministre de la Justice a répété qu'il fallait agir puisque le Québec agissait. Je suppose que si on observe cette logique, si quelqu'un se jette du haut d'un immeuble, ils vont l'imiter. Tout ce que le premier ministre a voulu faire en présentant cette offre, c'est sauver la face. Il n'a pas réussi. C'est toute une manière de gouverner un pays que le premier ministre fasse des propositions simplement pour tenir une promesse. Ces propositions ne remplissent même pas les promesses, mais aliènent non seulement la province à laquelle les promesses ont été faites, mais toutes les autres provinces et tous les territoires aussi.

(1515)

Que dire de la façon dont cela s'est fait? D'abord, on n'a pas consulté les provinces, les territoires ni les peuples autochtones. Il semble qu'on n'est même pas vraiment consulté les députés libéraux de la Colombie-Britannique.

Il est juste de dire qu'on a complètement contourné le processus généralement en place pour les discussions constitutionnelles. Ceux d'entre nous qui ont participé ici à bien des tentatives constitutionnelles savent à quel point c'est difficile. Nous comprenons cela. Toutefois, ce n'est pas mieux de faire fi de tout processus. Car c'est alors faire fi de la démocratie et on ne peut pas fonder une modification constitutionnelle là-dessus.

Le premier ministre dit qu'il a répondu à la Colombie-Britannique, que cette province aura désormais le veto qu'elle veut. Il ajoute, lorsqu'il l'a fait récemment au cours d'une entrevue télévisée, qu'il connaît bien le Canada, qu'il le parcourt depuis 32 ans. Si le premier ministre connaît si bien le Canada et les Canadiens, pourquoi n'écoute-t-il pas ceux-ci avant d'agir au lieu de le faire après coup d'une façon très spéciale?

Pour être juste envers le gouvernement, je dois dire qu'il n'y a pas eu absence totale de consultations. En fait, selon ce même article publié le 5 décembre dans le Whitehorse Star, la présidente de l'Association libérale fédérale aurait dit qu'elle avait reçu des appels du bureau du premier ministre qui l'avaient rassurée sur l'innocuité de ces changements pour le Yukon. La présidente se serait sentie très rassurée après s'être entretenue avec de hauts fonctionnaires fédéraux.

Je voudrais bien que les choses soient aussi simples que cela. S'il suffit que des Canadiens et des membres du Parti libéral dans d'autres régions du pays se fassent dire au téléphone par le gouvernement libéral d'Ottawa que tout va bien et qu'il ne faut pas s'inquiéter, nous avons de gros ennuis.

Je tiens à dire aux Canadiens du Yukon et d'ailleurs qu'il ne suffit pas de se faire rassurer. Cela n'a pas suffi dans l'offre qui nous occupe. Cela n'a pas suffi dans le projet de loi C-110. Le ministre de la Justice a manifestement du mal à dire aux députés et aux Canadiens en général à quoi ce projet de loi va servir au juste. On n'a clairement pas suivi le processus habituel dans la mise au point de ce projet de loi.

Enfin, le Parti libéral a évidemment recouru à la clôture. Nous avons beaucoup de mal avec cela, car nous estimons que, en démocratie, tout le monde devrait avoir l'occasion de s'exprimer. Qu'importe que mon parti et moi-même n'ayons pas été en faveur de la clôture, les libéraux n'écoutent pas les autres de toutes façons. On peut donc douter du sérieux de l'exercice.


17585

Parlons maintenant du contenu. Comment cette mesure, le projet de loi C-110, est-elle liée à l'article 38 de la Constitution? Voilà la vraie question. L'article 38 est la disposition qui traite de la formule de modification nécessitant l'accord de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population. En vertu du projet de loi à l'étude, il faudrait évidemment plus de 80 p. 100 de la population pour apporter une modification. Le but du projet de loi est visiblement très différent de celui de la Constitution.

Le ministre de la Justice dit que cela n'a pas d'importance, que la situation n'est que temporaire. Je me pose encore une fois la question de savoir s'il y a quelqu'un qui essaie de nous passer en douce une chose contre laquelle nous devrions nous protéger. Pourquoi ne pouvons-nous mettre en place un processus prévoyant la tenue de consultations en bonne et due forme, un processus auquel participeront la population, toutes les provinces et tous les territoires ainsi que les autochtones?

La formule proposée dans le projet de loi C-110 sera-t-elle celle que le gouvernement fédéral préconisera lors des pourparlers d'avril 1997 qui porteront sur la Constitution et la formule de modification? Le gouvernement a été très nébuleux à ce sujet et n'a pas annoncé ce qu'il ferait.

Vu l'esprit de générosité qui caractérise notre parti, je voudrais faire certaines recommandations. Premièrement, il faudrait retirer le projet de loi. C'est une mesure inopportune. Elle n'atteint aucun objectif. Le processus a été illégitime, et, en fait, la teneur du projet de loi ne règle pas les problèmes réels des Canadiens, à l'heure actuelle.

Deuxièmement, il faudrait entreprendre des consultations avec les provinces, les territoires et les autochtones. Il faudrait se réunir et arriver à un consensus.

(1520)

Troisièmement, et c'est là le plus important, si la raison d'être de ce projet de loi, c'est simplement de permettre au premier ministre de sauver la face et de donner l'impression qu'il tient ses promesses, il devrait vraiment respecter ses engagements et créer des emplois comme il l'a promis. Le mois dernier, 44 000 Canadiens ont perdu leur emploi. Si le premier ministre veut tenir ses promesses, qu'il crée des emplois. Qu'il aide les jeunes à participer à l'économie. Le taux de participation des jeunes à notre économie est le plus bas depuis 20 ans. Qu'il crée les 50 000 places en garderie promises par le Parti libéral. Qu'il veille à maintenir les paiements de transfert de manière à nous permettre de préserver notre système de soins de santé national.

En d'autres termes, c'est en prenant des mesures pour garantir la stabilité de l'économie et la sécurité de nos collectivités et pour protéger les droits des citoyens canadiens, ce qui doit sûrement se traduire par de bons soins de santé, des emplois, la sécurité de la vieillesse et l'élimination de la pauvreté chez les enfants, que nous assurerons l'unité de notre pays. Au lieu d'essayer d'imaginer des formules prévoyant 50 façons d'opposer un refus, le premier ministre doit favoriser l'unité nationale en créant un pays où tous les Canadiens voudront dire oui.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt cet après-midi que je vais parler sur le projet de loi C-110 qui traite du droit de veto pour le Québec.

Vous savez que pendant le dernier référendum, le premier ministre a parlé de promesses de changements très importants. C'est bizarre, tout de suite après le référendum, le premier ministre dit qu'il a fait de petites promesses et qu'il vient de répondre à ses petites promesses.

En parlant de droit de veto et de société distincte du Québec, il faudrait peut-être rappeler que le peuple du Québec a une devise et elle est: «Je me souviens». Souvent il faut rappeler, particulièrement au premier ministre du Canada, qui est un Québécois, de se souvenir un peu de sa petite histoire. Il faut rappeler aussi aux Québécois que nous avons une petite histoire qu'il ne faut jamais oublier.

Depuis la Confédération, les Québécois revendiquent leurs droits et privilèges, car dès lors il se sont fait tromper. On a décidé de cette Confédération sans demander l'opinion des Québécois et sans faire de référendum, et probablement avec quelques Québécois qu'on a bien nourris après. Dès 1936-1940, M. Duplessis disait déjà à ce moment-là qu'il fallait bien sûr «rapatrier son butin». Dès lors, on a créé l'Union nationale, un parti de nationalistes québécois, et ce n'est pas d'hier, c'est en 1936 environ. M. Duplessis s'est fait élire presque une vingtaine d'années toujours en répétant qu'il ne fallait pas laisser les pouvoirs du fédéral envahir le Québec. Après cela, dans les années 1960, M. Lesage s'est fait élire en parlant de «Maîtres chez nous».

Il faut se rappeler que ces slogans furent très importants, car M. Lesage qui était un ancien sous-ministre à Ottawa, est venu à Québec en se rendant bien compte qu'on se faisait avoir. Il s'est fait élire au sein du Parti libéral du Québec avec un slogan comme celui-là: «Maîtres chez nous». Un peu plus tard, M. Johnson, le père, s'est fait élire aussi avec le parti de l'Union nationale en disant: «Égalité ou indépendance». M. Lévesque, en 1976, s'est fait élire en se servant d'un projet de souveraineté-association. Vous voyez que cela fait très longtemps.

(1525)

Je tiens aujourd'hui à lui rappeler que ce n'est pas d'hier et que ce n'est pas l'affaire du Parti québécois, ce n'est pas l'affaire du Bloc québécois si on a eu un référendum dernièrement. C'est une longue histoire. En 1980, on a perdu le référendum de M. Lévesque sur les promesses de M. Trudeau, qui disait: «On va rapatrier la Constitution et on va l'amender pour qu'elle corresponde aux besoins légitimes des Québécois.»

On se souvient encore une fois que cette promesse n'a pas été tenue, car on l'a rapatriée sans le consentement du Québec, on l'a amendée sans le consentement du Québec. Ça ressemble un peu aux promesses que le premier ministre a faites durant ce dernier référendum.

En 1984, j'ai été élu pour la première fois ici, dans cette Chambre, et nous avions comme mandat la réconciliation nationale. On voulait réconcilier tout cela. Du début de 1985 jusqu'en 1987, on a travaillé très fort sur ce qu'on a appelé le projet de Meech, qui a été accepté en 1987 par les premiers ministres des provinces. Mais comme pour amender la Constitution on avait décidé d'un consente-


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ment de sept provinces et de 50 p. 100 de la population, il fallait que ce soit entériné. On avait donné trois ans aux provinces pour entériner cet accord, qui avait été signé par les premiers ministres en 1987.

Vous vous souvenez qu'en 1990, cet accord de Meech a été rejeté, particulièrement par le Canada anglais, encore une fois appuyé par le premier ministre actuel qui a tout fait pour que cet accord de Meech ne fonctionne pas, en collaboration avec M. Wells, le premier ministre de Terre-Neuve, et Mme Carstairs qui était à ce moment-là chef du Parti libéral de la Saskatchewan et qui, depuis, a été récompensée pour cela en étant nommée au Sénat.

Tout ça pour dire, encore une fois, que le premier ministre actuel était là, en opposition, parce que son seul but, alors, était de devenir premier ministre du Canada. Il a tout fait pour que le projet Meech ne fonctionne pas, parce que les conservateurs en seraient ressortis glorieux. Comme on ne voulait pas que les conservateurs en ressortent glorieux, le premier ministre actuel, qui était, à ce moment-là, en voie de devenir chef du Parti libéral, a tout fait pour que ce projet ne fonctionne pas pour qu'il ait la chance de devenir premier ministre du Canada. Donc, c'est de cette histoire qu'il faut se rappeler.

Quand l'Accord du lac Meech a été rejeté, c'était un peu la panique, parce qu'on se demandait quoi faire. Là, on a mis en place des commissions, comme la commission Castonguay-Dobbie et d'autres. Il y a aussi eu la commission itinérante de M. Keith Spicer. Tout cela a coûté plusieurs millions de dollars. Pendant ce temps-là, on s'est également mis à l'oeuvre au Québec et on a créé la commission Bélanger-Campeau. Celle-ci a été l'exercice le plus sérieux que le Québec ait fait dans toute son histoire depuis la Confédération.

On a reçu, par exemple, plus de 600 mémoires à cette commission. Plus de 200 témoins ont témoigné à cette commission et 55 experts ont été engagés par le gouvernement libéral du Québec d'alors, pour en arriver à la conclusion qu'il fallait au Québec, pour s'épanouir et grandir avec sa culture et sa langue, beaucoup de pouvoirs, plus de 20 pouvoirs réels, pour être capable de se réaliser comme peuple.

Pendant toute cette période, les commissions fédérales, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, Castonguay-Dobbie et Spicer, préparaient une proposition qu'on a appelée la proposition de Charlottetown. Il y eu un référendum en 1992 et, malheureusement, le projet n'était pas encore tout à fait complet; on a qualifié cela de brouillon et c'en était vraiment un.

(1530)

Malgré tout cela, le Canada anglais a refusé parce qu'il trouvait que les Québécois en avaient trop à l'intérieur de ce projet-là. Et les Québécois, eux, pensaient qu'on en avait pas assez. Alors tout le monde a voté non. Pas pour les mêmes raisons, mais tout le monde a voté non.

Alors vous voyez que ce n'est pas possible de s'entendre. Il y a deux extrémités inconciliables dans ce pays qu'il faut reconnaître. Aujourd'hui, après cela, le peuple du Québec a élu un parti à Ottawa, le Bloc québécois, un parti souverainiste, en 1993. Ils ont élu 53 députés sur 75. Il ne faut pas oublier cela. Et le Parti québécois a été élu, l'année suivante, à Québec, un autre parti souverainiste. On a eu un référendum au Québec, en 1995. C'est là que M. le premier ministre est venu faire des promesses, des grandes promesses de changement. Aujourd'hui, on nous arrive avec des petits changements. Il a lui-même le culot de dire: «Les petits changements que je vous avais promis, je viens de les réaliser.» Pendant le référendum c'était supposé être des grands changements, c'est ce que les Québécois et les Québécoises avaient compris.

Malheureusement, ce référendum-là au Québec, en 1995, on l'a perdu. Le peuple du Québec a voté à 49,4 p. 100 en faveur. Vous savez, c'est presque nez à nez. Par contre, 60 p. 100 des francophones au Québec ont voté en faveur, ce qui n'est pas suffisant pour réaliser notre pays.

Encore une fois, je le répète, comme M. Trudeau l'avait fait en 1980, il avait promis des changements constitutionnels énormes, les Québécois ont cru en M. Trudeau et, après cela, il a fait exactement le contraire. Alors M. le premier ministre actuel, durant le référendum de 1995, a promis de grandes choses, de grands changements. Tout le monde s'attendait à de grands changements constitutionnels. Mais non, on arrive avec des changements, même pas des changements, un projet de loi de la Chambre des communes, le projet de loi C-110, qui dit qu'il va permettre le droit de veto et qu'il reconnaît le Québec comme une société distincte. Cela est vraiment loin des changements constitutionnels.

On sait très bien qu'un projet de loi peut être changé n'importe quand. Même le gouvernement actuel pourra amender cette loi demain matin, la semaine prochaine, dans un mois. Le gouvernement libéral pourrait changer, un autre gouvernement prend la place et il décide de changer cet amendement constitutionnel. Alors cela ne veut rien dire. Cela ne veut absolument rien dire. C'est ridiculiser les Québécois.

D'autre part, on donne un droit de veto à cinq régions: la Colombie-Britannique, l'Ouest, l'Ontario, le Québec et les Maritimes. Un droit de veto pour le Québec voudrait dire, par exemple, que le Québec a un droit de veto parce qu'il est un peuple et parce que ce peuple est minoritaire au Canada. C'est au peuple québécois à avoir un droit de veto. Mais si on donne un droit de veto à tout le monde, il ne signifie plus rien.

Ou bien le premier ministre, encore une fois, essaie de tricher les Québécois, essaie de les tromper parce que, quand on écoute le premier ministre, il dit toujours: «On veut donner un droit de veto aux Québécois, on veut reconnaître le Québec comme une société distincte», mais, en même temps, il ne dit pas qu'il donne un droit de veto aux autres, dans ses discours.

Alors ce que cela veut dire, dans le fond, c'est que le premier ministre et le Parti libéral actuel ont décidé qu'il n'y aurait jamais de changement constitutionnel. En donnant un droit de veto à cinq régions du Canada, cela veut dire qu'il y a toujours une région qui ne serait pas d'accord avec les amendements que pourra apporter le gouvernement ou quelqu'un d'autre. Il y aurait toujours des empêchements, et le premier ministre trompe la population du Québec actuellement en lui faisant accroire qu'il est en train de leur remettre le droit de veto. En donnant le droit de veto à tout le monde, il vient


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en même temps de dire qu'il ne veut pas de changement constitutionnel. C'est aussi simple que cela.

(1535)

C'est un piège, et je dis aux Québécois que le premier ministre et le Parti libéral du Canada, actuellement, tendent un piège aux Québécois. Si on vote contre ce droit de veto et contre cette société distincte, c'est parce que c'est un piège qu'on tend aux Québécois. Je veux le dire aux Québécois aujourd'hui, de façon très nette et précise.

C'est une insulte aux Québécois, parce que la petite histoire que je viens de vous raconter, il faut bien s'en souvenir. Il faut bien s'en souvenir, parce qu'on a tendance à l'oublier.

Le premier ministre, actuellement, ridiculise les Québécois. Il prend les Québécois pour des gens pas intelligents. Il essaie de faire accroire aux Québécois qu'ils n'ont pas de mémoire.

Je rappellerai au premier ministre et au Parti libéral qu'au Québec, on n'a pas oublié d'écrire sur les plaques d'immatriculation de nos voitures «Je me souviens». Je dis souvent à mes commettants: «N'oubliez jamais de regarder l'auto que vous avez en face, car c'est écrit sur sa plaque d'immatriculation «Je me souviens». Il faut toujours se souvenir de cette petite histoire que nous avons vécue, qui n'est pas si longue. Peut-être qu'à ce moment-là, on ne se laissera pas avoir facilement.

Au dernier référendum, le peuple du Canada anglais était paniqué parce que les sondages donnaient une avance au oui. Il était complètement paniqué. Pourquoi? Parce que le premier ministre du Canada avait fait accroire à ces gens-là qu'il n'y avait aucune espèce de danger, que les Québécois ne voteraient jamais pour la souveraineté. Mais, au contraire, ça a passé tout près. Ça a passé tout près et je trouve cela malheureux que le premier ministre ait caché cette réalité québécoise.

Monsieur le Président, je vois que vous me signalez que j'ai terminé. Est-ce que j'ai terminé?

Le vice-président: C'est la faute de la Présidence, vous avez terminé il y a quatre minutes.

M. Leblanc (Longueuil): Je vous remercie beaucoup, monsieur le Président. J'en aurais encore beaucoup à dire, mais je pense que ce que je viens de mentionner va certainement éclairer les Québécois.

[Traduction]

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, plus j'entends le gouvernement et en particulier le Bloc québécois et son chef, plus je me demande pourquoi nous perdons notre temps à essayer de régler les problèmes de la Confédération au Québec lorsque le chef du Bloc, l'héritier manifeste du poste de chef du Parti québécois séparatiste au Québec, a déclaré que cette province n'acceptera absolument rien de ce qu'on lui offrira. Pourquoi ne pas essayer plutôt de régler les problèmes qui touchent l'ensemble du Canada, y compris le Québec? Quand le gouvernement du Québec sera prêt à s'asseoir à la table et à discuter de ses préoccupations, ce sera alors le temps de se concentrer sur les problèmes particuliers de cette province.

Jetons un coup d'oeil sur les humbles débuts de notre pays. Ce qui est maintenant le Québec et l'Ontario formait le coeur du pays. Les autres régions étaient considérées comme des colonies. La région de l'Atlantique était principalement considérée comme un accès à la côte est, les Prairies comme une région agricole et la Colombie-Britannique comme un accès à la côte ouest. On s'attendait à ce que chacune des régions éloignées exploite ses matières premières ou récolte ses produits agricoles et les envoie dans la région du centre pour le traitement et la consommation. Ce n'est en fait que dans les années 30 que les Prairies ont assumé le contrôle de leurs propres réserves pétrolières et gazières.

Le gouvernement du jour représentait essentiellement le Canada central et s'occupait surtout des questions concernant cette région. Le reste du pays était simple, sous-développé et relativement indifférent à la concentration du pouvoir dans la région du centre, cela malgré une certaine hésitation à entrer dans la Confédération de la part de beaucoup de gens en Colombie-Britannique et malgré le fait que ce n'est que plus tard au siècle présent que Terre-Neuve, sur l'autre côte, a enfin accepté d'entrer dans la Confédération.

En général, cet arrangement fonctionnait de façon acceptable à l'époque, mais les temps ont changé. Regardons comment fonctionne une famille ordinaire. Le chef de cette famille établit certaines règles qui conviennent selon la situation. Lorsque les jeunes membres de la famille deviennent adolescents, si les parents continuent de les traiter comme des enfants d'âge préscolaire, cela créera beaucoup de problèmes au sein de cette famille.

(1540)

Pendant que les adolescents deviennent des adultes, que les choses changent, qu'ils évoluent sur le plan personnel, ils devront un jour s'assumer en tant qu'adultes à part entière et voler de leurs propres ailes. S'ils ont conservé les règles familiales, ils maintiendront aussi les liens familiaux et une interdépendance avec les membres de leur famille. Si, toutefois, le chef de famille s'est montré intraitable et déraisonnable, les plus jeunes s'éloigneront de la famille pour n'y plus revenir. Cette analogie illustre bien la situation actuelle du Canada.

Le Québec est distinct. Personne ne le niera. Toutefois, les provinces de l'Atlantique sont elles aussi distinctes par leur patrimoine et leur culture. Les Prairies ont dû lutter bien davantage que le Canada central pour survivre et se développer et elles sont de ce fait uniques ou, pour employer un mot à la mode, distinctes. Du point de vue géographique et culturel, la Colombie-Britannique est distincte du reste du Canada. La région la plus distincte est sans doute celle des territoires qui est dans une catégorie à part en raison de sa géographie et de son climat. Il faut des personnes spéciales pour développer les territoires. Cette région et sa population sont indiscutablement distincts.

La seule façon d'appliquer équitablement le concept de société distincte est de reconnaître que le Canada tout entier est constitué de sociétés distinctes dont chacune a ses qualités propres. Cela ne diminue en rien le fait que le Québec est unique par sa langue et sa culture, mais aucune province, aucun territoire, aucune région ou aucun groupe ne doit posséder de droits que ne possèdent pas les autres.


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Chaque province devrait jouir d'une plus grande autonomie pour répondre à ses besoins. La plupart des choses que la province de Québec semble vouloir devraient être accordées à toutes les provinces. Quand le gouvernement fédéral se sera enfin rendu compte que non seulement le XIXe siècle est révolu, mais aussi le XXe en grande partie, peut-être commencera-t-il à s'intéresser aux besoins qui seront ceux de notre pays au XXIe siècle. Il est temps de réaliser que le Canada n'est plus constitué d'un corps central avec des colonies de chaque côté pour l'appuyer.

Tout le concept du veto constitutionnel n'est pas bon. Ce qu'il faut, c'est la ratification de la Constitution comme nous la connaissons maintenant selon la règle des sept provinces représentant 50 p. 100 de la population. Le droit de veto proposé dans cette mesure législative n'est autre qu'un réflexe du gouvernement qui a senti qu'il devait faire quelque chose, mais qui ne savait franchement pas quoi.

Il a d'abord été question d'accorder un droit de veto au Québec. Quand ça n'a pas marché, on a fait intervenir le concept d'un veto régional. Là encore, ça n'a pas pris et on a donc dû repenser un peu les choses. À présent, nous nous retrouvons avec des provinces de moindre et de plus grande importance. Le Parti réformiste a toujours été de l'avis que s'il existe un droit de veto, c'est aux habitants des diverses provinces ou régions qu'il revient.

Quand le gouvernement a proposé cette idée pour la première fois, il n'aurait pu faire pire s'il avait essayé. Parfois, je pense qu'il a essayé. Premièrement, et ce qui est le plus important, il a conféré ce droit de veto non pas au peuple, mais aux gouvernements régionaux. Deuxièmement, il n'avait même pas une idée correcte des régions. Il a essayé de corriger son erreur, mais, ce faisant, il a conféré le droit de veto aux gouvernements au lieu de le conférer au peuple.

Imaginez la réaction horrifiée des gens: un droit de veto sur la Constitution de ce pays qui est accordé à un gouvernement séparatiste. Le projet de loi C-110 n'est pas un projet de loi visant à renforcer l'unité. C'est un projet de loi visant à désunir le pays.

Le premier ministre a pensé qu'il pourrait s'en sortir avec sa stratégie habituelle durant le référendum du Québec. Sa stratégie n'a absolument rien donné. Qu'importe, comme elle leur a permis de se maintenir à un niveau artificiellement élevé dans les sondages depuis les élections, pourquoi ne pas continuer? La montée des appuis au camp du oui dans les jours précédant le référendum a apporté la réponse à cette question. Le manque de leadership du premier ministre, qui avait si bien travaillé pour lui dans le passé, s'est révélé être le problème qui a failli nous coûter le pays.

Son manque constant de véritable plan et son peu d'empressement à s'occuper des véritables problèmes du Canada risquent encore de détruire le pays. Les dissensions constituent depuis trop longtemps un grand problème au Canada: l'anglais contre le français; les autochtones contre les non-autochtones, de même que les dossiers culturels.

(1545)

Au lieu de s'efforcer de concilier les différences et de rendre tous les Canadiens égaux, le gouvernement a agi selon le principe consistant à diviser pour régner. On dirait qu'il croit qu'un gouvernement n'est vraiment nécessaire que là où il y a confrontation. Il est temps que le gouvernement se rende compte qu'il n'est pas la solution, mais plutôt le problème.

Cette dernière mesure que le gouvernement nous propose et dont on dit souvent qu'elle a été griffonnée sur une serviette de table, obéit au même vieux principe consistant à diviser pour régner. Le gouvernement perd cependant de son habileté à régner. Quand cela arrive, tout ce qui reste de la vieille formule, c'est diviser.

Le Bloc Québécois et le Parti Québécois, qui ne forment en réalité qu'un seul et même parti, doivent prendre un secret plaisir à observer la toute dernière stratégie bancale du gouvernement. Les deux partis veulent briser le pays à tout prix, et le premier ministre fait leur jeu. On ne peut pas résoudre les problèmes du pays en jouant les uns contre les autres. C'est pourtant exactement ce que fait le projet de loi C-110.

Le premier ministre savait que faire une proposition au Québec seulement ne serait pas accepté. Il a donc inclus une autre province, l'Ontario. Quand cela n'a pas semblé marcher, il en a ajouté une autre, la Colombie-Britannique. Quand l'Alberta a protesté, il a fait valoir qu'elle avait effectivement un droit de veto par rapport au reste des provinces des Prairies en raison de la masse de sa population.

Les Indiens contre les Blancs, les immigrants contre les citoyens, l'anglais contre le français, l'Est contre l'Ouest et maintenant une province contre une autre province. Quand le gouvernement va-t-il donc comprendre que, loin de sauver et de protéger le pays, il le détruit?

Le projet de loi C-110 n'est pas la réponse au problème du pays. C'est un symptôme des problèmes. Il faudrait non seulement ne pas adopter le projet de loi, mais encore ne pas même le mettre aux voix. Si le gouvernement était le moindrement intègre, il retirerait le projet de loi et procéderait plutôt à une décentralisation.

Non seulement je ne donnerai pas mon appui au projet de loi, mais parce que je suis député de la Colombie-Britannique et que je suis fidèle à ma province, je voterai aussi contre la proposition d'amendement visant à donner un droit de veto à la Colombie-Britannique. En agissant autrement, je donnerais l'impression d'appuyer un concept qui est inacceptable pour la nation.

Au lieu de continuer de diviser pour régner, il est grand temps que le gouvernement pratique une politique d'égalité de tous les Canadiens et de toutes les provinces. C'est peut-être beaucoup demander, mais, comme Noël approche, je puis peut-être espérer un miracle. Quel cadeau de Noël ce serait pour le Canada!

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, nous débattons aujourd'hui à la hâte du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles.

Je dis à la hâte, parce que le gouvernement libéral, comme on le sait, tente depuis quelques jours de précipiter l'agenda politique afin d'accélérer l'adoption du projet de loi C-110.

Voyons tout d'abord le contexte général de ce véritable panier de crabes dans lequel le premier ministre s'est lui-même fait pincer au dire de certaines analystes, ce que nous pensons nous aussi, il va sans dire.


17589

D'abord, quelques jours avant le référendum québécois du 30 octobre dernier, dans une volte-face motivée par la panique, le premier ministre fédéral a promis des changements majeurs au fédéralisme canadien. À ces fins, au début de novembre, il créait deux comités composés de ministre fédéraux afin d'étudier la question des changements constitutionnels et administratifs. Je vous ferai remarquer que depuis ce temps, on ne les a jamais revus dans le portrait.

Puis le 27 novembre, il y a deux semaines, avant même de connaître les propositions de ces comités, le gouvernement canadien annonçait ses intentions en matière constitutionnelle. D'une part, une résolution reconnaissant symboliquement le caractère distinct du Québec, puis un projet de loi où le fédéral s'engage à ne jamais adopter d'amendement constitutionnel auquel s'opposerait une des quatre régions du Canada, soit le Québec, l'Ontario, les Maritimes et l'Ouest.

Finalement, la troisième mesure manifestait l'intention d'Ottawa de se retirer partiellement des programmes de formation de la main-d'oeuvre tout en gardant le contrôle des fonds et des normes nationales, bien sûr. On peut comprendre le gouvernement fédéral de vouloir bâillonner l'opposition sur ces propositions de réforme constitutionnelle. Le capharnaüm dans lequel s'est empêtré le gouvernement fédéral et dont il ne sait plus comment sortir, frôle le cynisme ubuesque.

(1550)

Les Québécois et les Québécoises, malgré tout, y ont vu clair. Un sondage SOM rendu public vendredi dernier nous apprenait que 53 p. 100 des Québécois considèrent les propositions fédérales insuffisantes, alors qu'un maigre 24 p. 100 les estiment correctes.

Les entrevues de ce sondage ont été réalisées entre le 2 et le 5 décembre, soit 48 heures avant les derniers cafouillages gouvernementaux relativement au prêt du droit de veto à la Colombie-Britannique et à l'Alberta. Les résultats d'un tel sondage seraient encore plus critiques s'il avait eu lieu aujourd'hui.

En matière d'improvisation et d'inconséquence, dans un domaine aussi fondamental que celui des changements constitutionnels, le gouvernement libéral remporte la palme. En effet, avant même que les Québécois n'aient eu le temps de rappeler que ces propositions sont irrecevables, le fédéral cédait déjà aux pressions de l'Ouest et accordait un veto à la Colombie-Britannique et un veto négatif à l'Alberta.

Là toutefois ne s'arrêtait pas le spectacle. Toujours la semaine dernière, les libéraux fédéraux s'empressaient de nous rappeler que le Québec n'a pas de culture distincte et qu'il n'y a qu'une seule culture, Canadian from coast to coast.

Nous nous retrouvons donc devant un gouvernement qui dit vouloir reconnaître un symbolique caractère distinctif au Québec, tout en ajoutant du même souffle que cela ne veut rien dire et en concluant que les Québécois n'ont pas de culture distincte. Je l'ai dit plus tôt, ces contorsions intellectuelles ont un caractère dramatiquement drôle et roublard, hélas.

Avec le projet de loi C-110, les zigzags gouvernementaux sont tout aussi difficiles à suivre. Tout d'abord, le projet de loi, affirme-t-on, donne au Québec un droit de veto, droit de veto que le Québec croyait avoir mais que la Cour suprême, en 1982, a jugé qu'il n'avait pas. Parce que le Québec est un des deux peuples fondateurs, il a toujours cru que pour maintenir de bonnes relations, il fallait qu'il y ait consentement des deux partenaires avant d'effectuer des changements majeurs. Or, le projet de loi C-110 réussit à faire tout le contraire et en arrive à l'invraisemblable tour de force de mécontenter tout le monde d'un océan à l'autre.

Les Québécois ont toujours considéré qu'un droit de veto était par définition une protection constitutionnelle. Ceci, afin de ne jamais plus revivre 1982 et être exclu d'un processus de modifications et de réformes constitutionnelles. Or, le projet de loi C-110 n'est qu'un projet de loi. Il suffira d'une majorité de députés en cette Chambre, et pouf! il n'y aura plus de veto pour le Québec.

On est loin d'un enchâssement de ce droit dans la loi fondamentale du Canada. Ce veto non constitutionnalisé ne sera cependant pas accordé simplement aux deux peuples fondateurs.

Initialement, le projet de loi C-110 prévoyait qu'en plus du Québec, l'Ontario, les Maritimes et l'Ouest jouissaient également de ce droit de veto. Une semaine plus tard, après une conférence de presse des premiers ministres de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, les deux provinces se retrouvaient également avec un veto. À la fin de mon discours, le gouvernement fédéral aura peut-être accordé un veto à la Nouvelle-Écosse et au Manitoba.

Comme le soulignait si bien dans un langage imagé mon collègue de Bellechasse, c'est le droit de veto du colonel Sanders: un gros poulet avec des cuisses pour tout le monde.

Le message du gouvernement libéral est simple: le Québec n'est qu'une province parmi tant d'autres et si elle a un veto, c'est simplement en raison de son poids démographique. Avec les dernières distributions du Père Noël fédéral en cette période des Fêtes, il faudra l'appui d'au moins sept provinces, représentant au moins 91,8 p. 100 de la population canadienne pour effectuer des changements.

En d'autres mots, ce n'est pas un veto que le Québec obtient, mais la garantie que toutes les négociations constitutionnelles futures se termineront comme celle de Meech ou de Charlottetown. C'est le blocage constitutionnel complet, total, ad infinitum. Nous nageons dans le virtuellement impossible.

Il faut être particulièrement déconnecté de la réalité, dont nous pensions que Charlottetown constituait le summum, pour ajouter l'injure à l'insulte.

(1555)

Dans un communiqué de presse daté du 27 novembre dernier, le gouvernement libéral dit, et je cite: «Ce n'est pas le moment de tenir une série de pourparlers constitutionnels, puisque le gouvernement du Québec est voué sans équivoque à son option sécessionniste. Si ces conditions changeaient, c'est-à-dire si le Québec et les autres régions du pays consentaient, la proposition de veto avancée par le projet de loi pourrait être constitutionnalisée».


17590

Ainsi donc, en plus, le gouvernement fédéral impose ses règles constitutionnelles sans obtenir au préalable l'accord des quatre ou cinq régions du Canada, enfin, cela varie selon les jours, comme on le sait bien. Déjà, il ne respecte pas les principes du projet de loi C-110 dans sa présente démarche. Comme Trudeau en 1982, le gouvernement libéral d'aujourd'hui tente d'imposer une formule d'amendement constitutionnel par un processus qui viole le principe même des formules qu'il propose.

En terminant, j'invite les parlementaires libéraux à s'objecter au projet de loi C-110-Oh! je sais, je rêve, mais nous n'en sommes pas à un cauchemar près-pour la bonne et simple raison que si les députés libéraux aiment tant le Québec, comme ils sont venus nous le dire avant le référendum, ils devraient comprendre que les Québécois et les Québécoises ne se contenteront jamais de coquilles vides et de hochets constitutionnels dont l'absence de crédibilité n'a d'égale qu'une improvisation cacophonique sans précédent. Le moins qu'on puisse dire, c'est que, dans le meilleur pays au monde, les crabes sont morts de rire.

L'hon. Alfonso Gagliano (secrétaire d'État (Affaires parlementaires) et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir aujourd'hui de prendre part à ce débat, un débat très important qui, comme vous le savez, découle du débat référendaire que nous avons eu il n'y a pas longtemps. En effet, le 30 octobre dernier, le Canada a remporté une victoire encore plus grande que le résultat référendaire.

L'histoire se rappellera de ce référendum comme celui où non seulement des Québécois, mais aussi des millions de Canadiens, ont renouvelé leur allégeance à notre pays et proclamé leur fierté d'être Canadiens. D'un océan à l'autre, des millions de Canadiens ont réalisé plus clairement que jamais à quel point il était important pour eux de vivre dans ce grand pays plein de ressources et de promesses qu'est le Canada.

Partout aussi on a pris conscience que l'unité de notre grand pays est plus importante que beaucoup de revendications individuelles. Partout, on s'est dit que garder ce pays uni valait bien quelque chose, quelques concessions et quelques compromis. Le premier ministre a très bien compris l'état d'esprit des Canadiens et des Canadiennes à la veille du référendum. Il a vu notre volonté et notre détermination de continuer à faire progresser le meilleur pays du monde. Il a aussi reconnu le désir largement répandu de procéder à des changements concrets et progressifs à l'intérieur du Canada.

Le premier ministre a tenu promesse. À peine un mois après avoir promis aux Québécois et aux Québécoises de reconnaître la société distincte, de donner au Québec un droit de veto et de procéder à une décentralisation des pouvoirs, voilà qui est fait. Lundi passé, nous avons adopté la motion que le premier ministre a promise et qui reconnaissait le Québec comme société distincte. Aujourd'hui, nous étudions le projet de loi C-110 sur le droit de veto.

Il y a quelques jours, mon collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, a proposé un nouveau régime d'assurance-emploi, qui donne aux provinces entière juridiction sur le programme de formation de la main-d'oeuvre. Voilà une façon concrète et efficace de rapprocher des citoyens les services et la prise de décision.

(1600)

L'initiative de changement du premier ministre marque un point saillant dans la reconnaissance des revendications traditionnelles du Québec.

Ces trois éléments, la société distincte, le droit de veto et la décentralisation des pouvoirs sont au coeur de tout ce que le Québec a voulu et réclamé depuis 30 ans.

Nous avons maintenant la preuve qu'il n'est pas nécessaire de tout chambarder, ni de renoncer à notre pays, à notre citoyenneté et à notre avenir pour que notre identité soit dignement reconnue, pour que notre place soit fièrement confirmée dans la confédération canadienne.

Évidemment, je ne me fais pas d'illusion. Les partis d'opposition ne reconnaissent pas l'immense valeur des propositions du premier ministre. Pour les députés du Parti réformiste, tout ça va bien trop loin. Pour eux, le Québec n'est pas différent, il est insupportable. Il n'est pas distinct, il est incompréhensible. Il n'a pas besoin d'un droit de veto mais plutôt d'un ultimatum.

De fait, il faut le répéter, ce que les réformistes veulent, c'est séparer le Canada du Québec et ainsi détruire l'une des fibres les plus nobles, les plus essentielles à la définition du Canada comme pays indépendant, autonome et unique.

Pour les députés d'en face, ceux du Bloc québécois, l'initiative du premier ministre ne va pas assez loin. Ils en parlent avec mépris et condescendance. Le chef et les députés du Bloc québécois devraient se souvenir que le 30 octobre dernier, une majorité de Québécoises et de Québécois ont rejeté leur option de souveraineté. Ils ont dit non à leur plan de séparer le Québec du Canada. Ils ont dit non aux promesses farfelues qui leur ont été faites. Ils ont dit non aux énormes risques économiques que le Bloc québécois voulait leur faire courir.

Nos amis d'en face devraient humblement se souvenir que, le 30 octobre dernier, les Québécoises et les Québécois ont choisi le Canada. Ils ont choisi de conserver leur citoyenneté canadienne. Ils ont choisi de conserver leur passeport canadien, très précieux quand on voyage. Ils ont dit qu'ils voulaient continuer à vivre dans le meilleur pays du monde.

Le 30 octobre, les Québécois ont choisi de continuer à vivre dans le pays qui leur donne la meilleure assurance de progrès, de succès et de prospérité. Et le 30 octobre, les Québécois et Québécoises ont choisi de vivre au Canada.

Bien sûr, les Québécois et aussi les Canadiens ont indiqué qu'ils voulaient des changements, mais des changements à l'intérieur du Canada. Voilà justement ce que nous leur proposons. Le Bloc québécois soutient que ce n'est pas assez et le Parti réformiste soutient que c'est trop. Il ne faut pas s'étonner si nous avons une vision totalement différente des partis de l'opposition. Les bloquistes veulent isoler le Québec. Nous encourageons son rayonnement à travers le monde. Les bloquistes rejettent tout ce que nous avons


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construit depuis 127 ans. Nous nous servons de notre expérience pour aller plus loin socialement et économiquement. Les bloquistes veulent détruire notre pays. Nous travaillons à le rendre notre encore plus prospère, plus juste et plus équitable.

Ce que nous proposons aujourd'hui au Québec et dont nous débattons depuis quelques semaines, c'est une nouvelle façon d'aborder les modifications constitutionnelles qui pourraient influencer les pouvoirs, les droits et les privilèges de l'Assemblée nationale et du gouvernement du Québec. De fait, ce que nous proposons aux Québécois, c'est l'assurance que jamais nous ne modifierons la Constitution sans leur consentement. Ce que nous proposons aux Québécois, c'est un authentique partenariat, respectueux des droits et responsabilités de chaque partenaire.

(1605)

Nous avons souvent dit au cours de la campagne référendaire que le fédéralisme représente une formule souple et dynamique. Nous avons dit que nous sommes ouverts au changement et que le changement peut s'opérer à l'intérieur du fédéralisme canadien.

Le premier ministre est un homme de parole à la tête d'un gouvernement qui tient ses promesses. Nous en avons encore une autre preuve aujourd'hui. Grâce aux initiatives de changement du premier ministre, le Canada et le Québec ouvrent une nouvelle page de notre histoire. Cette page et les suivantes s'inspireront de l'ouverture, du respect et de la fierté que tant de Québécois et de Canadiens ont manifestés lors de la campagne référendaire.

Fidèles à la volonté exprimée par la majorité des Québécoises et des Québécois le 30 octobre dernier, nous sommes désormais des partenaires à part entière. C'est grâce à ce partenariat moderne et dynamique que nous entrerons dans le prochain siècle, une fois de plus en tête de file, et que nous y resterons.

[Traduction]

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec des sentiments partagés que je participe à ce débat puisque j'éprouve à la fois de la joie et de la tristesse. Cela me rappelle beaucoup un roman, A Tale of Two Cities, qui commençait par la phrase suivante: «C'était la plus belle des époques, mais aussi la pire des époques.» Le Canada se trouve aujourd'hui dans cette situation ambiguë.

Ces trois dernières semaines et pendant les semaines qui ont précédé le référendum du 30 octobre, nous avons été témoins des choses les plus terribles, mais aussi d'événements magnifiques. Nous avons vu les gens divisés, mais nous les avons aussi vu s'unir. Le rassemblement de Montréal était sans doute un événement sans précédent dans l'histoire canadienne. Il s'est cependant produit dans un contexte négatif, celui de la division.

Notre pays est une démocratie. Contrairement à ce qui a été dit il y a seulement un instant sur le respect mutuel, le malheur est que trop souvent nous prêtons des intentions aux gens. Ainsi, on prête au Parti réformiste l'intention de déchirer le Canada. Rien n'est plus faux.

Je m'adresse aujourd'hui à vous, fier d'être Canadien, fier d'être né dans ce pays, fier de mon grand-père et de mon père qui ont quitté un pays passé sous le régime d'un gouvernement qui n'était pas démocratique. En fait, c'est la révolution bolchevique qui a été à l'origine de cette vague d'émigration de Russie.

Mon grand-père est venu au Canada avec ses enfants. Ils sont devenus des citoyens canadiens. Ils sont enterrés ici. Maintenant, je siège ici et je peux dire que je suis fier de vivre au Canada. C'est un privilège de pouvoir dire ce qu'on pense sans avoir peur de se faire abattre, de se faire tuer pour ses opinions.

Il y a beaucoup de différences et d'écarts dans ce pays, mais la vraie raison pour laquelle nous avons choisi de vivre au sein de cette nation, c'est que c'est un pays libre. Chacun peut exprimer ses croyances religieuses, ses convictions politiques, avancer dans la vie et participer à la construction d'un pays fort, d'un pays uni.

Nous avons vu, il y a quelques jours, combien la paix peut être fragile. Cela me rappelle une conversation que j'ai eue avec un de mes électeurs, une personne venue au Canada en quête de liberté, en quête d'un domicile où ses enfants pourraient grandir dans la paix et l'harmonie. Cette personne a de la famille dans l'ex-Yougoslavie.

(1610)

Cette personne de ma circonscription m'a dit: «Je veux que vous sachiez que ce qui m'inquiète, ce n'est pas tant ce qui se produit actuellement en Bosnie, où mon peuple est dévasté par ce qu'on a appelé le nettoyage ethnique. Je suis pourtant très inquiet. Il y a deux ans, quand vous avez été élu, j'étais incapable de parler d'autre chose que de la façon dont le pays de mes ancêtres et son patrimoine étaient réduits en morceaux. Maintenant, je voudrais que vous portiez attention à ce qui se passe au Canada. Les choses qui se produisent aujourd'hui, au Canada, en octobre 1995, correspondent exactement à ce qui a entraîné les divisions et la terreur qui caractérisent le conflit bosniaque, dans l'ancienne Yougoslavie.»

C'est très grave. Pourquoi n'écoutons-nous pas ces gens? Comment pouvons-nous croire qu'il faut faire une différence et créer une société distincte pour la simple raison qu'un peuple vit à un certain endroit, parle une certaine langue ou encore a une race ou une culture qui lui est propre? C'est une erreur. Non seulement c'est une erreur, mais cela pourrait entraîner la désintégration de ce qui est actuellement un beau pays. Nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour éviter cela et pour favoriser le développement d'un respect mutuel qui ne soit pas associé à la peur et qui nous amène même parfois à nous dire que nous nous aimons. Je voudrais que nous puissions le faire en tout temps.

Je veux aussi parler de l'Ouest. L'Ouest est une région du pays très intéressante. Je suis né en Alberta et j'ai déménagé de l'autre côté des montagnes, en Colombie-Britannique. Les gens qui sont nés en Alberta peuvent sentir la différence. Il se passe quelque chose en nous, les gens de l'Ouest. Nous sommes grandement indépendants, mais aussi très, très patients. Nous savons combien c'est difficile de gagner sa vie dans les Prairies. Le Québec et l'Ontario croient tout savoir et pouvoir même montrer aux gens de l'Ouest comment vivre. Ils ne le peuvent pas. Ils ne le savent pas, mais les Ontariens disent: «Nous vous dirons comment faire.»


17592

M. Harris a publié, dans l'un de nos quotidiens locaux, un article qui résume assez bien la situation, à mon avis. En ce qui concerne l'unité, il écrit: «Le géant endormi dans toute cette affaire pourrait bien être l'Ouest de Preston Manning.» Pourquoi l'Ouest de Preston Manning? Je ne le sais pas. À mon avis, l'Ouest appartient tout autant à Schmidt ou à quelqu'un d'autre. Quoi qu'il en soit, c'est ainsi que l'article est rédigé.

Il poursuit ainsi:

Cette magnifique et incroyablement loyale partie du Canada attend depuis plus de 100 ans le moment de prendre la place qui lui revient au sein de la Confédération et elle attend toujours.
Le Parti progressiste-conservateur s'est éteint dans les Prairies parce qu'il a tenté de vendre l'idée d'un Canada fort et égal dans le but de gagner le Québec, tout comme le Parti libéral l'a fait pendant des générations.
Si Ottawa continue à négliger l'Ouest et à courtiser le Québec en lui offrant un statut spécial, le pays pourrait bien se défaire comme un vieux casse-tête humide, mais le mouvement viendra des Rocheuses et non des Laurentides.
C'est l'opinion d'un journaliste.

Si les députés avaient été dans ma circonscription au cours des quatre derniers jours et s'ils avaient pu entendre les commentaires, surtout lorsque le premier ministre a présenté la motion qui nous a amenés à voter hier et le projet de loi que nous devrons étudier sous le coup de la clôture aujourd'hui, ils auraient entendu les gens demander: «Pendant combien de temps devrons-nous encore endurer tout cela?» Ils ne veulent plus supporter cette situation. Veulent-ils demeurer au sein du Canada? Mais bien sûr, ils veulent désespérément faire partie du Canada, mais d'un Canada uni, d'un Canada qui dit que les citoyens sont égaux, que les provinces sont égales et que personne ne peut prétendre à un statut particulier, que ce soit en raison de sa langue ou de sa situation géographique. C'est ce qu'ils veulent, et c'est aussi ce que je veux.

À mon avis, il n'y a personne en cette enceinte qui soit meilleur qu'un autre. À mon avis, il n'y a aucun député de ce côté-ci de la Chambre qui soit meilleur que quelqu'un d'autre d'en face, et vice-versa.

Nous cherchons à unifier ce pays. Certains de mes collègues diront peut-être: «Les gens d'en face ne sont assurément pas aussi bons que nous.» Certes, en fait et dans notre for intérieur, nous essayons vraiment de faire de notre mieux pour nos électeurs. Oui, nous ne sommes pas d'accord sur certains points. En l'occurrence, nous ne sommes pas d'accord sur ce qui s'est passé hier.

(1615)

Hier, le gouvernement a eu l'occasion de reconnaître qu'un statut spécial ne signifie pas des pouvoirs particuliers. Or, qu'a-t-il fait? Il a refusé d'accepter certains amendements qui disaient que, si on accordait un statut spécial, celui-ci ne devrait pas conférer ou être interprété comme conférant au gouvernement du Québec de nouveaux pouvoirs législatifs ou exécutifs, des droits de priorité, un statut ou d'autres droits ou privilèges qui ne soient pas conférés à l'assemblée législative ou au gouvernement de toute autre province.

Il s'agissait d'une bonne initiative, mais elle a été rejetée. Elle aurait été facteur d'unité. Or, le gouvernement a fait tout le contraire. Il a dit essentiellement ceci: «Vous avez des pouvoirs spéciaux et vous pouvez avoir des pouvoirs que n'ont pas d'autres provinces.» Je trouve cela tout à fait inacceptable, tout comme d'ailleurs mes électeurs me l'ont répété à qui mieux mieux.

Le gouvernement s'est vu offrir une autre occasion. Il aurait pu dire que cette disposition ne devait pas être interprétée comme une tentative pour atténuer en quoi que ce soit les droits et les libertés que possèdent tous les citoyens du Canada en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, selon leur province de résidence. Cette deuxième occasion, le gouvernement l'a repoussée. Pourtant, l'occasion était belle. Cette initiative allait dans le sens de l'unité. Elle a été rejetée.

Restait encore une chance: déclarer qu'il ne s'agissait pas de nier ou que la motion ne pouvait pas être interprétée comme niant que le Canada constitue une seule et même nation. Cette autre initiative a été rejetée. Hier soir, je suis rentré à la maison tout triste parce qu'on avait refusé cette occasion d'adopter un amendement et une mesure susceptibles de guérir ce pays du mal dont il souffre. C'était une bien triste journée.

On nous dit maintenant qu'il faut non seulement reconnaître le Québec comme société distincte, mais qu'on doit aussi lui accorder un droit de veto. Il est tout à fait contraire aux principes démocratiques qu'un groupe en particulier au sein d'une démocratie ait un droit de veto, s'il ne peut constituer la majorité. C'est répréhensible en principe.

Nous risquons de prendre l'une des pires mesures possible qu'on ait vues au Canada depuis longtemps. Cependant, nous avons également l'occasion de dire une chose très constructive. Si notre premier ministre veut vraiment unir notre pays, il devrait retirer le projet de loi C-110. S'il prenait cette décision, cela compenserait certaines des pertes qu'il subit depuis quelque temps. Nous pourrions alors le respecter en tant que leader.

M. Milliken: Il voudrait bien cela, car nous gagnerions alors les élections avec 70 p. 100 des voix au lieu de 60 p. 100.

M. Schmidt: Même s'il a une forte majorité, le premier ministre peut commettre une erreur. Ce n'est pas un signe de faiblesse que de reconnaître ses erreurs. Ce n'est pas un signe de faiblesse non plus de cesser de crier d'un bord à l'autre de la Chambre.

Il est important pour nous de reconnaître que nous pouvons, au Canada, favoriser l'unité canadienne de façon constructive. Nous demandons au premier ministre de retirer le projet de loi. Il redeviendrait alors un premier ministre bien avisé et unificateur, au lieu de forcer l'adoption d'une mesure comme celle-ci que nous ne pouvons même pas débattre autant que nous le souhaiterions.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, c'est avec un grand plaisir que je participe à mon tour, comme membre de l'opposition officielle, à ce débat sur le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, et plus précisément, la loi mettant en force ce qu'il est convenu d'appeler un droit de veto symbolique.


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(1620)

Je suis très heureux de participer au débat sur ce projet de loi, parce qu'il me frappe, dès le départ, à deux égards, soit sur la forme et sur le fond. Quant à la forme du projet de loi, c'est de toute beauté.

Compte tenu de l'importance historique normalement de ce projet de loi qui fut une réponse à l'élan démocratique du peuple québécois, parce qu'on sait qu'il y a un problème constitutionnel au Canada qui provient surtout du Québec, c'est un projet de loi qui se veut une réponse à cet élan.

Le projet de loi a effectivement six pages, dont trois pages blanches. Si on compte la page frontispice, nous avons à peu près l'équivalent d'une page et quart de texte pour ce qui se veut une réponse ou un semblant de réponse au débat constitutionnel qui meurtrit le Canada, comme on le sait, depuis une bonne trentaine d'années.

Quant au fond du projet de loi, là aussi, c'est de toute beauté. Quand on parle du droit de veto symbolique, c'est à se demander si ce n'est pas une de nos grandes vedettes du milieu sportif du hockey, Guy Lafleur, qui, à un moment donné, interrogé suite à son adhésion au non en 1992, si ma mémoire est bonne, avait interprété que le droit de veto comme le droit de voter. C'est à peu près ce que ça maintiendra. Quand on dit qu'il est symbolique, le droit de veto, c'est qu'il va permettre aux Québécois, et très bientôt, de voter en faveur de la souveraineté.

Là où ce document et cette démarche tout à fait improvisés, un peu comme les manifestations d'amour dites spontanées mais à rabais dont les Québécois ont fait l'objet dans les dernières semaines, dans les derniers jours de la campagne référendaire, ça sent l'improvisation, le manque de profondeur. Cela me semble, et là plus sérieusement, lamentable sur le plan de la perspective historique où se situe ce non-événement historique.

Il faut être conscient que la démarche actuelle du gouvernement libéral se veut une réponse aux revendications historiques du gouvernement du Québec et du peuple du Québec au sein de la Confédération canadienne. Pour moi, comme électeur, comme citoyen québécois qui suit cela un peu depuis quelques années, je me reporte, pour essayer de comprendre un peu ce qui se passe, de façon contemporaine, au débat où le premier ministre Duplessis, en 1954, a mené le combat contre les intrusions anticonstitutionnelles du gouvernement fédéral dans des champs de juridiction provinciale et a gagné, de haute lutte, le droit pour le gouvernement du Québec d'avoir un impôt direct sur les particuliers.

C'est déjà un événement historique qui se situe dans cette foulée où les Québécois sont devenus de plus en plus fiers, de plus en plus revendicateurs, de plus en plus cohérents et de plus en plus déterminés à atteindre la quintessence de la dignité quant au peuple, celui de la souveraineté.

À la suite de cela, on a eu, en 1956, la Commission royale d'enquête Tremblay sur les relations fédérales-provinciales au Canada et au Québec. Après cela, il y a eu, dès 1960, suite au décès de M. Duplessis, l'avènement des libéraux au pouvoir et toute la Révolution tranquille, avec ce qu'elle a drainé de bonnes choses et de prises en charge de leur destinée pour les Québécois: la nationalisation de l'électricité, la mise sur pied de la Caisse de dépôt, la création de la Régie des rentes, etc.

Il y a eu, en 1964, un événement révélateur, la visite de la reine d'Angleterre. J'étais présent, mais il y avait plus de policiers que de manifestants. Cet événement a été décrit comme la «journée de la visite de la honte», la ville de la honte, la ville de Québec, parce que les citoyens s'étaient montrés indifférents à l'événement qui avait fini, malheureusement, par ce qu'on a appelé le «samedi de la matraque» en 1964.

En 1966, il y a eu, toujours dans cette perspective historique et c'est ce qu'on ne comprend pas de ce côté-là de la Chambre, et encore moins de ce côté-là, on ne comprend pas qu'il s'est agi d'un élan collectif. Il y a eu, dès 1956, apparition sur la scène, ayant été établi en 1959, du mouvement souverainiste qui s'est présenté en 1966, en la personne de Pierre Bourgault, dans le comté de Duplessis. M. Bourgault a obtenu, il y a peu de gens qui le savent, 39 p. 100 des voix dans le comté de Duplessis. M. Bourgault était alors chef du Rassemblement pour l'indépendance nationale.

(1625)

Vous vous souvenez, on a eu de la grande visite dès 1967, lors du centenaire de la Confédération canadienne. Le général de Gaulle a lancé un message à toute la planète pour dire que le peuple du Québec existait, quand il a dit: «Vive le Québec libre!».

L'année suivante naissait le Parti québécois, fondé par René Lévesque. Ce fut un événement très déterminant dans notre histoire contemporaine. Il obtenait deux ans plus tard 23 p. 100 du vote, avec sept députés à l'Assemblée nationale. Trois ans plus tard, en 1973, 30 p. 100 du vote, 6 députés, avec les incongruités de notre système parlementaire britannique que l'on connaît. Trois ans plus tard, en 1976, pour la première fois dans l'histoire du Québec et du Canada, un parti souverainiste est officiellement et démocratiquement élu au Québec. On a ensuite eu le référendum de 1980 où déjà 41 p. 100 des Québécois avaient donné un mandat au gouvernement du Québec de procéder à des négociations, mais malheureusement la majorité en a décidé autrement.

Parallèlement à cela, il faut être conscients qu'il y avait du côté canadien une prise de conscience comme quoi cela ne tournait pas rond. Dès 1963, on a la Commission Laurendeau-Dunton qui parle des deux solitudes. Je suis convaincu qu'on aurait pu prendre de larges extraits du rapport Laurendeau-Dunton, le lire ici aujourd'hui, et cela aurait été d'une pertinence extraordinaire.

On a donc eu comme effort la Commission Laurendeau-Dunton, ensuite, la Commission Macdonald à la fin des années 1980. On a eu ensuite la Commission Pepin-Robarts, événement important sur le plan constitutionnel mais qui n'a pas eu de suite parce que le premier ministre de l'époque, M. Trudeau, n'y croyait pas à cette vision. Ensuite on arrive au marécage constitutionnel des années 1990 avec la Commission Spicer et la Commission Castonguay-Beaudoin-Dobbie-Edwards.

Ces gens, et M. Castonguay va s'en souvenir, ont été ébranlés-cela devrait faire réfléchir les fédéralistes québécois-de ce qu'il a constaté comme ouverture d'esprit quant à la reconnaissance de l'existence d'un peuple québécois au Canada. M. Castonguay s'est même retiré de la commission à ce moment-là. Et vous avez vu, lors de la dernière campagne, très fidèle et très logique avec lui-même, il


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avait averti qui de droit qu'il ne pouvait pas essayer de convaincre ses concitoyens et concitoyennes du Québec du maintien du Québec dans la Confédération, ébranlé qu'il était dans ses convictions profondes.

Je poursuis quant aux grands événements qui ont marqué l'histoire du Québec. On arrive tranquillement au lendemain du non référendaire, aux grandes démarches, aux grandes initiatives de M. Trudeau, des initiatives unilatérales qui ont été condamnées dans son esprit par la Cour suprême. M. Trudeau a dû convoquer les provinces. Tous les Québécois s'en souviennent, on a eu la nuit des longs couteaux et on a eu à ce moment-là le rapatriement de la Constitution dont un des principaux instigateurs a été le ministre de la Justice de l'époque, toujours député de Saint-Maurice, qui ne peut pas plaider l'ignorance quant aux torts qui ont été faits historiquement au peuple du Québec par ce genre de démarche, et qui ne reconnaît pas, on ne le dira jamais trop dans cette Chambre, ou n'ait pas reconnu l'existence du peuple québécois, qui pourtant existe et a sa culture, n'en déplaise au premier ministre. La culture québécoise existe, il faut le mentionner.

Tout l'effort actuel représente une des trois petites promesses, c'est le premier ministre lui-même qui le dit, trois petites promesses qu'il a faites aux Québécois et au Canada dans le cadre de la campagne référendaire, l'une étant la reconnaissance de la société distincte, coquille vide, l'autre étant un droit de veto symbolique, et l'autre étant le cadeau de la réforme du ministre du Développement des ressources humaines qui va faire en sorte que les pauvres vont s'appauvrir et que les riches vont s'enrichir.

C'est un beau pays auquel sont conviés les Québécois. C'est pour cela que tout le monde au Québec sait, n'en déplaise encore une fois à nos amis fédéralistes, qu'il s'agit là d'un peuple qui est en progression démocratique, qui s'en va vers la fierté collective et qui va dire oui à son existence.

[Traduction]

Le Président: J'ai commis une erreur. J'aurais dû donner la parole à la députée de Vancouver-Est avant le député de Trois-Rivières. La parole est donc à la députée de Vancouver-Est.

(1630)

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, je veux parler aujourd'hui du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles. On a récemment apporté des modifications à ce projet de loi qui accorde un droit de veto à diverses régions du pays, pour faire de la Colombie-Britannique la cinquième région qui peut exercer un droit de veto et bloquer ainsi tout changement constitutionnel.

[Français]

Ce veto peut seulement s'appliquer en cas de désaccord avec un changement constitutionnel qui peut être présenté par sept provinces représentant 50 p. 100 de la population du pays.

Ce changement dans le projet de loi a été demandé par la population de la Colombie-Britannique qui a exercé beaucoup de pressions pour obtenir ce droit.

[Traduction]

Cette modification est la bienvenue et elle donne à la Colombie-Britannique une autonomie bien méritée dans l'exercice du droit de veto. Le gouvernement reconnaît ainsi que la Colombie-Britannique est une région distincte à tous les égards. La Colombie-Britannique, qui a une économie puissante et des liens très forts avec l'Asie et le Pacifique, se perçoit comme une région, du fait de sa situation géographique et de son énorme potentiel de croissance sur les plans économique et humain.

De plus, depuis de nombreuses années, beaucoup de ministères et autres organismes gouvernementaux appellent déjà la Colombie-Britannique, la région du Pacifique. En Colombie-Britannique, au-delà des Rocheuses, nous avons une population dynamique qui demande de plus en plus qu'on reconnaisse son caractère distinct. Sa population supérieure à 3,7 millions d'habitants, ce qui représente près de 13 p. 100 de la population canadienne, est de plus en plus fière de ses réalisations et de ses réussites.

La Colombie-Britannique a radicalement changé avec les années pour devenir la terre d'accueil d'une multitude d'immigrants, dont un grand nombre viennent des pays côtiers du Pacifique qui forment la région la plus rapprochée. Pendant longtemps, la province a semblé isolée, loin de l'Europe et de l'est du Canada. Elle semblait exercer moins d'attrait que l'Ontario et le Québec. Aujourd'hui, c'est l'un des endroits où l'on voudrait le plus habiter au Canada et dans le monde.

La croissance de la population et sa diversité expliquent la prospérité de la Colombie-Britannique. En 1997, Vancouver sera l'hôte de l'APEC, ou l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique, dix ans après l'Expo 1986 qui aura permis au monde entier de découvrir Vancouver et la Colombie-Britannique.

Même les membres de ma famille en Italie parlent souvent de Vancouver. Souvent , ils regardent des reportages télévisés ou lisent des articles de journaux sur la ville. Ce fait est très récent et nous aimons bien attirer l'attention.

Je me suis installée en Colombie-Britannique en 1966 et j'ai depuis été témoin de nombreux changements. J'ai assisté à la métamorphose de la ville. J'ai vu sa population se modifier constamment pour finalement composer une mosaïque de cultures et de croyances; j'ai vu ces cultures se rassembler pour célébrer une province qui est de plus en plus consciente de sa géographie extraordinaire et de son attrait.

[Français]

Je voudrais remercier le premier ministre et le ministre de la Justice du changement qu'ils ont apporté au projet de loi. Cet amendement donne à la Colombie-Britannique une place importante dans l'histoire et le futur du pays.


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On sait que le Canada est un pays remarquable où les gens se respectent et où la compréhension les uns des autres est unique.

[Traduction]

La Colombie-Britannique fait toujours partie de l'Ouest. Nous sommes dans l'Ouest, mais il y a une différence entre une province des Prairies et celle qui borde l'océan Pacifique et qui prend une part croissante au commerce international.

Au moyen de missions en Orient, le premier ministre a renforcé le rôle commercial du Canada. La Colombie-Britannique, la province côtière, en a beaucoup bénéficié et continue de le faire.

Grâce à cet amendement, les habitants de la Colombie-Britannique sauront mieux que leurs droits sont respectés et que leur voix est entendue, parce que le droit de veto qu'ils ont voulu, ils l'ont eu.

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Monsieur le Président, je félicite mon collègue, le député d'Okanagan-Centre, d'être heureux et triste à la fois.

(1635)

Je suis tout simplement écoeuré par le projet de loi C-110 proposant un droit de veto en matière constitutionnelle. Je suis cependant heureux comme toujours d'honorer mon engagement à représenter les habitants de la belle circonscription de Yellowhead. Ils sont contre le projet de loi, et moi aussi. Je suis fier de le dénoncer ici aujourd'hui en leur nom.

Les gens de Yellowhead ne sont certainement pas contre l'unité nationale. Ils ne sont pas des «ennemis du Canada» comme certains premiers ministres les ont stupidement appelés. À l'occasion d'un sondage scientifique que j'ai fait effectuer il y a quelques mois dans ma circonscription, environ 70 p. 100 des répondants ont dit qu'ils voulaient que le Canada demeure uni.

Ce à quoi ils s'opposent cependant, et cela est apparu clairement dans les résultats du sondage, c'est la stratégie consistant à sauver le Canada par des mesures d'apaisement, visant à apaiser les séparatistes du Québec. Une majorité écrasante d'entre eux s'opposent à la notion du Québec comme société distincte et à la souveraineté-association.

En tant que député d'un parti qui écoute les gens au lieu de leur faire des sermons, j'ai fait plus que mener simplement des sondages. Je parcours ma circonscription en tous sens pour entendre par moi-même ce que mes électeurs ont à dire et comment ils le disent. Je viens encore une fois de le faire. Je tiens à dire à tout le monde ici ce qu'ils ont dit. C'est mon travail. Certains des députés d'en face feraient mieux de se rappeler que c'est leur travail à eux aussi.

Une majorité écrasante de mes électeurs m'ont dit qu'ils ne comprennent pas, pas plus que moi d'ailleurs, je l'avoue franchement, pourquoi même on parle de céder au Québec, pourquoi même on discute de mesures reconnaissant la société distincte et le droit de veto. Les gens de ma circonscription en ont vraiment assez de ce débat interminable. Il y en a même qui se demandent s'il y a quoi que ce soit qu'on puisse faire pour expulser le Québec du Canada. Cela montre à quel point ils sont fâchés et combien ils se sentent frustrés.

Ce n'est pas des Québécois ordinaires qu'ils ont assez, mais du fait qu'on cède constamment aux lamentations et aux pleurnicheries des politiciens québécois, tant séparatistes que fédéralistes de la vieille école. Cette politique de mollesse qui consiste à donner tout ce qu'il veut à l'enfant gâté de la Confédération fait le désespoir de mes électeurs. J'exhorte mes collègues d'en face à écouter la population et à mettre un terme à cette politique de conciliation avant qu'il ne soit trop tard.

Mes électeurs demandent, exigent en fait, qu'on fixe des limites de telle sorte qu'il n'y ait plus de faveurs ni de tentatives d'apaisement et qu'il y ait dix provinces égales et non neuf provinces plus le Québec.

Je ne crois pas flatter tellement mes électeurs en disant qu'ils sont plus brillants que la plupart des politiciens, surtout si j'en juge par les députés ministériels d'en face. Les gens disent que 30 années de tentatives d'apaisement du Québec ont mené à un échec lamentable. Ils disent que, après 30 années de gouvernement par et pour les politiciens, les électeurs de Yellowhead sont tout aussi dégoûtés que les Québécois de la façon dont les choses se passent ici.

Les gens disent ceci: «Arrêtez! Assez, c'est assez! Traitez tout le monde en égaux! Traitez tout le monde en adultes et non comme des enfants gâtés, avec justice et de la même façon!»

Ce sont les libéraux de Trudeau, les conservateurs de Mulroney et l'actuel gouvernement libéral à la dérive qui ont presque ruiné notre pays autrefois magnifique. On fait très couramment remarquer, dans ma circonscription, que les premiers ministres responsables de cette catastrophe viennent tous trois du Québec. Oui, il leur a fallu seulement 25 ans pour ruiner, pour détruire ou presque notre pays, seulement 25 ans pour démolir ce que de vrais constructeurs de pays ont mis des siècles à édifier dans la sueur et les larmes, 25 ans pour que tout cela s'envole en fumée.

Ce qui revient le plus souvent dans la plupart des régions du pays, c'est que les contribuables ordinaires, la population qui paie la note pour ces gros gouvernements oppressifs, en ont ras le bol. Ils ne toléreront plus cela désormais. Les gens ne resteront plus assis sans rien faire pendant que l'on fait des concessions et que l'on accorde des faveurs et des cadeaux d'apaisement aux séparatistes québécois.

(1640)

Le gouvernement actuel continue de faire des concessions au Québec. Je ne parle pas seulement de la motion sur la société distincte et du droit de veto pour le Québec, qui sont en ce moment devant la Chambre. Je parle aussi du projet de loi C-89, censé avoir privatisé le Canadien National, et qui contient deux grandes concessions au Québec: le siège social du CN doit demeurer à Montréal et les dispositions rigoureuses de la très antidémocratique Loi sur les langues officielles doivent s'appliquer.

Je n'énumérerai pas la liste des faveurs accordées au Québec pendant les années Trudeau-Mulroney ou, ce qui convient mieux, les années Trudoney. L'exemple du contrat des CF-18, qui reste en travers de la gorge des habitants de l'Ouest, vient tout de suite à


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l'esprit. Ce contrat avait été accordé à Winnipeg, mais il est allé au Québec. Air Canada est un autre exemple.

Le projet de loi C-110 est vraiment la cerise sur le sundae. Ce sera la plus grande concession faite depuis la confédération. Le projet de loi, et je ne dis pas cela à brûle pourpoint ou simplement pour parler, est la pire folie législative jamais vue. Il est encore pire que le projet de loi C-68 sur les armes à feu.

Ce projet de loi donne sur un plateau d'argent au gouvernement séparatiste du Québec le droit de veto sur toute modification constitutionnelle future. Il ne pourra plus y avoir de modification constitutionnelle. Ce projet de loi coule la Constitution actuelle dans le béton parce que le premier ministre a l'intention d'y inclure un jour son projet de loi détestable.

Le gouvernement libéral manque tellement de leadership que c'en est triste. C'était d'ailleurs très évident hier soir lors de l'assemblée publique tenue par le premier ministre. Même l'institution fédérale subventionnée à hauteur d'un milliard de dollars, la SRC, n'a pu bien faire paraître le premier ministre.

Les libéraux sont coincés avec un Chamberlain, alors que c'est un Churchill qu'il leur faut. Il suffit de regarder dans les rangs des libéraux pour se convaincre qu'il n'y a pas de Churchill parmi eux, mais uniquement de minables Chamberlain.

En raison de ce projet de loi et d'une douzaine d'autres, les libéraux seront emportés aux prochaines élections, ce qui ne sera pas trop tôt pour bien des Canadiens.

Le Président: En conformité de l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qui seront soulevées ce soir à l'heure de l'ajournement: le député de Burnaby-Kingsway-le Code criminel; la députée d'Edmonton-Est-l'assurance-maladie; la députée d'Ottawa-Ouest-les pensions de retraite.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, c'est avec un sentiment très profond de déjà vu que j'interviens aujourd'hui dans le débat sur le projet de loi C-110 intitulé Loi concernant les modifications constitutionnelles. J'interviens pour dénoncer à nouveau la position constitutionnelle du gouvernement Chrétien.

J'ai parfois l'impression de mettre en application une technique pédagogique bien connue, soit la répétition du même message sous toutes les formes possibles; l'objectif visé étant, bien sûr, que le contenu soit éventuellement compris et intégré.

À la suite des résultats du référendum, les députés du Bloc québécois ont décidé unanimement de continuer à défendre les intérêts des Québécoises et des Québécois au Parlement canadien. De plus, puisque les députés ont décidé de poursuivre le dialogue avec les représentants du Canada anglais, il importe de répéter le message afin qu'il puisse enfin être compris un jour et que nos amis Canadiens acceptent notre décision prochaine de façon calme, posée et respectueuse, dans une volonté de collaborer, mais dans un tout autre contexte.

Je trouve un peu triste que le premier ministre actuel ne comprenne toujours rien à la réalité et à la volonté surtout de ses concitoyens et concitoyennes du Québec.

(1645)

En effet, comment peut-on ne pas s'inquiéter devant des déclarations aussi insipides que celles de la semaine dernière à l'effet que la culture québécoise n'existe pas? Comment peut-on s'attendre à ce que nos amis canadiens comprennent notre position si le premier ministre lui-même et sa cohorte québécoise ne sont même pas capables d'expliquer la réalité québécoise à leurs collègues? Sur ce plan, c'est vraiment un désastre. Que de temps et d'argent perdus à ressasser les mêmes idées.

Contrairement au premier ministre, nous, les députés du Bloc québécois, avons à coeur les bonnes relations avec nos amis canadiens. C'est pourquoi je tenterai encore une fois d'expliquer la position québécoise en cette Chambre. Ce projet de loi C-110 est inacceptable pour le Québec. Il est inacceptable pour plusieurs raisons.

En premier lieu, le droit de veto n'est pas accordé aux provinces. Il leur est prêté. A-t-on déjà vu une telle chose en matière constitutionnelle? Un droit de veto qui ne nous appartient pas en propre, mais qui nous est prêté. Dans la vie de tous les jours, quand on prête quelque chose, on s'attend à le reprendre. On sait très bien, autant le prêteur que l'emprunteur, qu'il n'y a aucun caractère définitif à la transaction. Prêter veut dire «céder pour un temps à charge de restitution», tel que le définit Le Petit Larousse.

Le premier ministre croit-il un instant que les Québécois seront satisfaits d'un prêt? Je crois que c'est rire des Québécois et ça ne réglera absolument rien. N'importe quel gouvernement pourrait décider de reprendre ses billes et les provinces n'auraient rien à dire, puisque les billes ne leur appartiennent pas. C'est une pure aberration.

Est-ce là ce que le premier ministre avait en tête, quand il a promis au peuple québécois, et j'aimerais le citer: «Tout changement des compétences constitutionnelles ne se fera qu'avec le consentement des Québécois et Québécoises»? Un droit de veto prêté n'offre aucune garantie, ça on le sait, aucune sécurité au peuple québécois. Il est donc totalement inacceptable.

Un autre problème qui se greffe au premier, c'est que, apparemment, le droit de veto pourrait être exercé soit par l'Assemblée nationale, soit par référendum, au choix du fédéral. Je dis bien «apparemment», puisqu'il semble y avoir une certaine confusion au sein même du gouvernement. En effet, le texte du projet de loi C-110 fait uniquement référence aux provinces. On n'y précise pas s'il s'agit des assemblées législatives des provinces ou de leur population.

De même, le premier ministre, lorsqu'il a présenté son projet de loi devant cette Chambre, le 29 novembre dernier, disait: «Ce projet de loi exige que le gouvernement du Canada obtienne, au préalable, le consentement du Québec, de l'Ontario, de deux provinces de


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l'Ouest et de deux provinces de l'Atlantique représentant 50 p. 100 de la population dans chacune de ces deux régions, avant de proposer une modification constitutionnelle au Parlement».

On peut donc constater qu'il ne précisait pas non plus le mode de consentement, alors qu'on prenait pour acquis qu'il s'agissait de l'Assemblée législative des provinces. Or, surprise. En parcourant les documents préparés par le ministre de la Justice, on y lit, dans la section intitulée Comment le projet de loi s'applique par rapport aux modifications constitutionnelles: «Lorsqu'au moins six provinces auront fait connaître leur consentement (par l'entremise des résolutions, des référendums ou de l'approbation gouvernementale) le gouvernement fédéral sera libéré de procéder avec des résolutions au Sénat ou à la Chambre des communes».

Voilà, le tour est joué et le chat sort enfin du sac. En plus de ne faire que prêter son droit de veto, le fédéral s'apprête à s'assurer le contrôle absolu du processus, puisqu'il prévoit s'adresser directement au peuple s'il pense que le gouvernement provincial en place risque de ne pas aller dans le sens que lui, le tout-puissant gouvernement central, croit qu'il devrait aller. Je pense que c'est encore rire des Québécois.

D'ailleurs, je désire souligner à cette Chambre que mes soupçons ont été confirmés pas plus tard que ce matin, alors qu'on rapportait les paroles du premier ministre à l'effet que le processus référendaire est un processus frustrant, tenu dans le cadre d'une loi provinciale et mené par des politiciens provinciaux. Le premier ministre ne se cache pas du tout pour laisser savoir à tous et chacun qu'il a bien l'intention de s'immiscer dans les affaires provinciales quand bon lui semble et de passer ainsi par-dessus la tête des politiciens des provinces.

(1650)

Voilà qui n'augure pas très bien pour le respect de la démocratie et de la Constitution. On peut cependant dire que cette approche antidémocratique est stable, quand on se rappelle les admissions répétées qu'a faites le premier ministre à l'effet qu'il n'aurait nullement respecté le choix des Québécois et Québécoises s'ils s'étaient avérés majoritairement en faveur de la souveraineté.

Je pourrais continuer et parler des autres raisons qui font que le projet de loi sur le droit de veto est complètement inacceptable pour le Québec, mais le temps me manque.

Même si, de sa propre admission, les promesses faites aux Québécois et Québécoises n'étaient que trois petites promesses, on sait maintenant, et tous les Québécois et Québécoises savent maintenant qu'il s'agit d'attrape-nigaud et de fausses représentations. Les beaux discours et les fausses larmes n'y changeront rien.

Le gouvernement Chrétien n'a rien compris encore une fois et je crois qu'il n'a aucune intention de modifier le régime fédéral à la mesure des aspirations du Québec. Ça, tout le monde le sait maintenant. Le temps de la duperie est maintenant terminé. J'invite donc nos amis canadiens à discuter d'un nouveau partenariat qui tienne compte enfin des aspirations des Québécoises et des Québécois.

Le Président: Ma chère collègue, je ne voulais pas intervenir, mais dans le futur, au lieu de dire «le gouvernement Chrétien» on pourrait peut-être dire plutôt «le gouvernement libéral» ou quelque chose de semblable.

[Traduction]

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion d'intervenir sur le projet de loi C-110 aujourd'hui. J'étais la prochaine à parler quand le temps a manqué à la deuxième lecture. Par conséquent, je me réjouis que la clôture n'ait aucun effet sur mon temps de parole aujourd'hui.

Depuis lors, le gouvernement a jugé bon de modifier le projet de loi en reconnaissant la Colombie-Britannique comme une région et en lui accordant un droit de veto. Il est intéressant que le gouvernement libéral semble surpris de la réaction des habitants de la Colombie-Britannique. Puisque ce projet de loi et la modification ont eu pour effet d'unir les habitants de la Colombie-Britannique, il semble bien que ces derniers soient tous contre le projet de loi et la modification en cause.

Ce que le gouvernement libéral ne semble pas comprendre, c'est que les habitants de la Colombie-Britannique ne veulent pas qu'une province, quelle qu'elle soit, ait un droit de veto. Ils ne veulent pas du droit de veto et ils ne veulent pas que les autres provinces en aient un non plus. Ils comprennent très clairement que le droit de veto officialisera le statu quo.

Ce que les gens de la Colombie-Britannique refusent et ce à quoi ils s'opposent, c'est l'établissement du statu quo et son officialisation. Ils veulent une Constitution qui évoluera, qui se modifiera et qui reconnaîtra les changements survenus dans notre pays depuis 1867. Ils ne veulent pas que la Colombie-Britannique reste dans la situation où elle se trouve actuellement.

Les Britanno-Colombiens sont mécontents de ce que près de 13 p. 100 de la population canadienne vivent en Colombie-Britannique, alors que cette province a moins de 11 p. 100 des sièges à la Chambre et moins de 6 p. 100 de ceux à l'autre endroit. Voilà les changements que souhaitent les Britanno-Colombiens. Ils veulent une Constitution qui permettra ces changements. Si l'amendement visant à considérer leur province comme une région distincte leur importe peu, c'est parce qu'ils ne veulent pas d'un droit de veto. Ils n'en veulent pour personne.

Ce que la Colombie-Britannique veut, c'est avoir la place qui lui revient dans la Confédération. Pour cela, une des parties à la Confédération devra renoncer à quelque chose. Si le projet de loi C-110 est adopté et que nous avons un droit de veto, cela sous-entendra que les provinces, qui doivent faire des concessions en renonçant à quelque chose pour donner à la Colombie-Britannique la place qui lui revient, obtiendront un droit de veto et l'empêcheront d'avoir cette place à laquelle elle aspire.

Le projet de loi privera la Colombie-Britannique de la place qui lui revient dans le Canada. Le projet de loi C-110 a toutefois rallié la Colombie-Britannique. Les libéraux, les réformistes et les néo-démocrates de la province sont tous opposés à cette mesure. Il est


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dangereux que le gouvernement libéral crée ce genre d'unanimité entre différents partis politiques qui, autrement, sont divisés.

(1655)

Je rappelle à la Chambre que, à la fin des années 1870, l'assemblée législative de la Colombie-Britannique a tenu deux votes sur la séparation de cette province du reste du Canada. J'ai bien peur qu'en présentant le projet de loi C-110, le gouvernement libéral n'ait réveillé un géant qui sommeillait et qu'il n'ait pas la moindre idée de l'issue que connaîtra le ressentiment que commencent à manifester les gens de la Colombie-Britannique.

En associant tout d'abord la Colombie-Britannique aux autres provinces de l'Ouest, le gouvernement n'a pas tenu compte de notre population, de notre histoire et de notre situation géographique. Je me demande pourquoi les députés du parti ministériel n'ont pas lu les articles figurant dans le livre sur les symboles du Canada qu'ils ont rendu public la semaine dernière. Je voudrais partager avec le gouvernement libéral de ce que dit le livre qu'il a publié:

La Colombie-Britannique comptait une plus grande diversité de tribus indiennes que toute autre province ou tout autre territoire au Canada. Ces tribus étaient non seulement différentes les unes des autres, mais elles se distinguaient également des tribus indiennes qui vivaient ailleurs au Canada.
À la différence de l'est du Canada, où les Français et les Anglais se sont disputés le contrôle du territoire, les deux premiers pays à se disputer la possession de la Colombie-Britannique furent l'Espagne et la Russie.
En 1778, le capitaine James Cook, un britannique, a été le premier à cartographier le territoire. Après avoir fermement établi ses droits sur la région, la Grande-Bretagne a entrepris de régler les différends qui l'opposaient à l'Espagne et à la Russie.
La découverte d'or dans la vallée du bas Fraser en 1857 a amené des milliers de personnes à venir y faire fortune rapidement. Afin de maintenir la paix et l'ordre dans la région, le gouvernement britannique décida d'établir une colonie distincte, la Colombie-Britannique. Cette colonie était distante de milliers de kilomètres du reste de l'Amérique du Nord britannique et séparée par une chaîne de montagnes.
Selon ce livre publié par les libéraux eux-mêmes, c'est très clair que la Colombie-Britannique est une région distincte et que le gouvernement déformait les faits en faisant totalement fi de ce caractère distinct et en nous confondant avec les autres provinces de l'Ouest.

Le ministre des Ressources humaines a ensuite réduit de 47 millions de dollars les paiements de transfert à la Colombie-Britannique. Il semble croire que c'est normal de financer à 33 p. 100 les dépenses d'aide sociale de cette province, alors que toutes les autres provinces obtiennent 50 p. 100. Ce n'est qu'un exemple de la manière dont la Colombie-Britannique se fait avoir.

Le mois denier, le bureau provincial du Programme de développement industriel et commercial a publié les résultats d'une étude qu'il avait commandée à Peat Marwick. Cette étude montre que non seulement la Colombie-Britannique ne reçoit pas sa part des dépenses fédérales, mais que ce qu'elle reçoit diminue constamment. Cette province ne reçoit que les deux tiers des dépenses fédérales, si l'on se fie à l'indice composé de sa population, de son PIB et de ce qu'elle verse en impôt sur le revenu fédéral. Alors qu'il injecte en Colombie-Britannique moins des deux tiers de l'argent qu'il lui doit, le gouvernement fédéral y prend 10 p. 100 de plus en impôt sur le revenu.

Voilà le statu quo que le gouvernement fédéral veut imposer à la Colombie-Britannique. Le message que je reçois de mes électeurs et de l'ensemble de la population de la Colombie-Britannique, c'est qu'ils sont très en colère, qu'ils ne le prendront plus et qu'ils vont commencer à se battre.

En adoptant le projet de loi C-110, le gouvernement libéral enverra un message aux Britanno-Colombiens. Ce message, c'est qu'ils feraient mieux, étant donné tous ces droits de veto qu'il a accordés généreusement d'un bout à l'autre du pays, en particulier au gouvernement séparatiste de la province de Québec, de se faire à l'idée qu'on ne changera pas la Constitution, le fonctionnement du Parlement et la façon de faire du gouvernement.

On dit aux habitants de la Colombie-Britannique de se taire et d'être reconnaissants pour les miettes qu'on leur laisse. Les députés d'en face seront peut-être surpris de constater que cette façon de faire ne prendra plus avec les habitants de la Colombie-Britanniques. Nous ne nous laisserons plus refuser la place qui nous est due au sein du Canada.

Je joins mes efforts à ceux d'autres habitants de la Colombie-Britannique pour veiller à ce que le gouvernement ne fasse pas ce que d'autres gouvernements ont essayé de faire. Autrement, les habitants de la Colombie-Britannique ne verront d'autre option que d'emboîter le pas à la province de Québec.

(1700)

Le Président: Ce n'est pas souvent que nous avons un nouveau greffier au Bureau. En principe, les greffiers restent avec nous pendant plusieurs décennies. Je voudrais donc, au nom des députés, prendre un moment pour accueillir notre nouveau greffier.

Je prie notre nouveau greffier au Bureau, M. Tranquillo Marrocco, de bien vouloir se lever. Je vous souhaite la bienvenue à la Chambre des communes. Je vous adresse tous mes voeux et vous souhaite de rester de nombreuses années parmi nous.

Des voix: Bravo!

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, je me joins à vous pour souhaiter la bienvenue au nouveau membre du personnel de la Chambre.

J'aimerais participer aujourd'hui au débat en deuxième lecture du projet de loi C-110 intitulé Loi concernant les modifications constitutionnelles.

Ce projet de loi est la réponse aux engagements pris par le premier ministre durant la campagne référendaire au Québec, plus particulièrement lors de son discours prononcé le 27 octobre à Verdun.

La réponse du premier ministre au résultat du référendum est clairement moins que ce que proposaient les accords de Meech et de Charlottetown.


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D'autre part, la motion déposée par le gouvernement reconnaissant le Québec comme société distincte n'est qu'une reconnaissance symbolique, vide de sens, sans aucun contenu concret. Cette motion adoptée hier se limite à décrire la réalité du Québec: sa majorité d'expression française, sa culture unique, sa tradition de droit civil.

Cependant, quelques jours après le dépôt de sa motion, le premier ministre refusait de reconnaître l'existence d'une culture québécoise. Quelle contradiction.

Le projet de loi C-110 sur un prétendu droit de veto pour le Québec ne répond pas plus aux attentes du peuple québécois. C'est un mauvais projet de loi, précipité, rédigé à la hâte et sans contenu. Même certains libéraux québécois commencent à le critiquer. Ce n'est pas une proposition acceptable pour les Québécois. Les résultats du référendum montrent que les gens souhaitent un changement réel.

Avec ce projet de loi, le gouvernement voulait nous mettre dans l'embarras en nous forçant, nous du Bloc québécois, à dire non au droit de veto et à la société distincte. Mais nous avons l'appui de la population québécoise.

Ces derniers jours, j'ai rencontré beaucoup d'électeurs de mon comté de Bourassa, à Montréal-Nord. Je leur ai demandé leur avis. Dans sa vaste majorité, ils n'approuvent pas les propositions du gouvernement fédéral. Ils m'ont dit: «Pourquoi accepterions-nous un projet qui contient moins que l'entente de Charlottetown qui a été rejetée par 56 p. 100 des Québécois au référendum de 1992?»

Comme je l'ai déjà mentionné, la notion de société distincte est encore moins que l'Accord du lac Meech.

D'abord, ni le concept de société distincte ni le droit de veto ne seront enchâssés dans la Constitution. La reconnaissance de la société distincte ne sera qu'une simple déclaration de la Chambre des communes.

Le projet de loi C-110, s'il devient loi, pourra facilement être abrogé ou modifié par le présent gouvernement ou par n'importe quel autre gouvernement à venir. Le Parti réformiste s'est prononcé clairement contre ce projet de loi. Si jamais il gagnait les élections-ce que je ne souhaite pas-à coup sûr, cette loi disparaîtrait.

Certaines provinces, telles que la Colombie-Britannique et l'Alberta, ont déjà manifesté leur opposition à la notion de société distincte pour le Québec.

Je disais que ce projet de loi sur le veto régional était mal préparé. Initialement, le gouvernement fédéral s'engageait à ne pas proposer de modifications constitutionnelles sans s'obliger lui-même à obtenir le consentement des quatre grandes régions du Canada: le Québec, l'Ontario, deux provinces de l'Atlantique et deux provinces de l'Ouest, pourvu que ces deux provinces, dans chaque cas, représentent plus de 50 p. 100 de la population de leur région.

(1705)

Or, 24 heures après avoir fermé la porte à une telle possibilité, le gouvernement fédéral prévoit maintenant le droit de veto pour la Colombie-Britannique. Ottawa se laisse guider dans ce dossier par la plus totale improvisation. En pratique, cette décision donne aussi un veto à l'Alberta, puisque deux provinces de la nouvelle région des Prairies comprenant au moins 50 p. 100 de la population devront donner leur accord pour qu'une modification à la Constitution puisse aller de l'avant.

Or, selon le recensement de 1991, l'Alberta compte 54,6 p. 100 de la population des Prairies. L'octroi de ce double veto fait en sorte que toute modification constitutionnelle devient désormais virtuellement impossible. Demain, le gouvernement fédéral accordera ce droit à toutes les provinces, y compris à l'Île-du-Prince-Édouard. Je me demande quel est le critère démographique ou autre pour obtenir le droit de veto. Où est le sérieux de ce projet de loi?

Depuis 35 ans, les différents gouvernements qui se sont succédé au Québec demandent le rapatriement des pouvoirs législatifs essentiels pour son développement économique, social et culturel. Depuis mon arrivée à Montréal, en 1974, j'ai constaté que tous les gouvernements, aussi bien du Parti québécois que du Parti libéral, réclament un droit de veto constitutionnel réel pour le Québec et non une simple mesure législative qui peut être facilement changée ou abrogée plus tard.

Il est certain qu'en cas de conflit important opposant le Canada anglais au Québec, le Parlement fédéral passera outre le droit de veto du Québec prévu dans ce projet de loi. C'est pour cela que ce droit de veto insignifiant est même rejeté par beaucoup de personnes qui ont voté non lors du référendum du 30 octobre dernier.

De plus, le projet de loi C-110 ne garantit pas que l'Assemblée nationale du Québec sera la seule dépositaire de ce veto, comme l'ont exigé tous les gouvernements québécois. Le gouvernement fédéral se réserve le droit de chercher le consentement des provinces par la voie d'un référendum pancanadien ou régional au besoin. Il pourra consulter directement les citoyens, en passant par-dessus les provinces.

La carence majeure de ce projet de loi est son refus de reconnaissance du peuple québécois et du statut et des pouvoirs qui accompagneraient cette reconnaissance. Le projet refuse de reconnaître l'un des peuples fondateurs de la Confédération.

Ce projet de loi rallie contre lui presque tous les partis, le Bloc québécois, naturellement, le Parti réformiste, même le Parti conservateur, un allié docile du gouvernement fédéral durant la campagne référendaire.

Le gouvernement a fait une volte-face en catastrophe pour accorder le droit de veto à la Colombie-Britannique et indirectement à l'Alberta. Il cherche ainsi à plaire à tout le monde. Mais c'est exactement le contraire qui se produit.

Un sondage récent montre qu'une majorité de Québécois considèrent que les propositions d'Ottawa sont insuffisantes. Déjà, la formule d'amendement constitutionnel prévoyant l'accord de sept provinces formant 50 p. 100 de la population canadienne était considérée comme particulièrement contraignante. Or, avec ce projet de loi, on aura besoin du consentement préalable de sept provinces comprenant 92 p. 100 de la population.


17600

Pour toutes ces raisons, tous les députés du Bloc québécois et moi-même voteront contre le projet de loi C-110.

M. Milliken: Oh, je suis déçu.

M. Nunez: J'espère que mon honorable collègue s'attendait à cela.

Une voix: C'est une coquille vide.

M. Nunez: C'est une coquille vide et je serai heureux de voter contre ce projet de loi, comme tous mes collègues du Bloc québécois.

(1710)

[Traduction]

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part aujourd'hui au débat et de dire que je suis contre le projet de loi C-110.

M. Milliken: Pas un autre.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Eh, si.

Ce qui est en train de se passer ici est important pour l'Ontario que je suis heureux de représenter ici. Ce que nous sommes en train de faire ici, c'est à cause d'une promesse faite dans un moment de panique, par réaction instinctive. C'était en réaction à une question malhonnête. C'était une question malhonnête à laquelle on n'a jamais répondu du point de vue du Canada. Quelle a été la réponse du Canada à la question malhonnête qui a été posée par les séparatistes?

Que la Colombie-Britannique ait à l'origine été exclue de ce projet de loi donne une idée de l'état de panique dans lequel se trouve le gouvernement; c'est absolument incroyable. Cela en dit long sur le manque total de préparation et de discernement avec lequel il a abordé le dossier et sur le fait que tout cela n'est qu'une réaction irréfléchie d'un gouvernement qui, au lieu de tenir tête aux séparatistes, s'en laisse imposer par ces derniers.

J'aimerais faire un petit rappel historique qui explique comment nous en sommes arrivés là. Je remonterai au mois de juin 1994. Le Parti réformiste avait alors écrit au premier ministre lui posant les 20 questions auxquelles il fallait répondre avant tout référendum séparatiste. Le premier ministre n'a jamais répondu à ces 20 questions et lorsque nous les avons posées à la Chambre, nous nous sommes fait dire que c'était de la pure spéculation. «Ne vous en faites pas, tout va bien se passer.»

M. Milliken: Et ça s'est bien passé.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Ce n'est pas grâce au gouvernement; c'est grâce aux Canadiens. Mais si on avait répondu à ces 20 questions, les Québécois qui ont voté non pensant qu'ils obtiendraient la lune auraient su que ce n'était pas possible.

Fait intéressant, aujourd'hui encore, le premier ministre nous a dit de ne pas nous en faire, que tout aller bien se passer. Il répondait à la question du chef de mon parti qui voulait savoir comment le gouvernement allait s'assurer que la prochaine question référendaire serait claire, et à quel pouvoir il aurait recours. Cette même question a été posée au moins trois fois à la Chambre aujourd'hui avec comme même réponse le conseil de ne pas s'en faire.

À force de ne pas s'en faire, les Canadiens ont bien failli perdre leur pays. J'ignore à quel moment il faut commencer à s'en faire, mais à mon avis, on aurait dû commencer il y a belle lurette.

Non seulement le gouvernement n'a-t-il pas répondu aux questions concernant le partage de la dette, les frontières, la double citoyenneté, les passeports, mais il n'a jamais relevé notre défi qui l'enjoignait de présenter un plan positif, de donner aux gens du Québec désireux de rejeter le séparatisme une raison de le faire, au lieu de combattre le rêve du chef du Bloc québécois par toute une série de réfutations.

Je suis fier de dire que nous avons proposé vingt idées de changements positifs qui auraient dissipé une grande partie des craintes des Canadiens du Québec et de l'extérieur du Québec.

L'autre tragédie de la campagne référendaire fut le refus du gouvernement de réagir à la proposition du 50 p. 100 plus un, présentée en premier par M. Johnson au Québec. Il était prêt à accepter la volonté démocratique du peuple du Québec et la majorité de 50 p. 100 plus un, tout comme la ministre du Travail, fer de lance du gouvernement dans la campagne référendaire. Ils étaient tous deux disposés à accepter la majorité de 50 p. 100 plus un comme l'expression de la volonté démocratique des votants du Québec.

Le premier ministre du pays a refusé d'accepter cela et, puisqu'il n'a pas indiqué ce qu'il était disposé à accepter, les gens ont plus facilement voté non en croyant qu'une meilleure offre leur serait faite. Voilà une des tragédies du référendum que le gouvernement n'a pas su prévenir. Le premier ministre a joué le jeu des séparatistes en n'adoptant pas une position ferme, en n'expliquant pas clairement les conséquences de la séparation. À cause de cette tactique ratée, 30 p. 100, le tiers des Québécois, ont voté en pensant qu'ils pourraient profiter de tous les avantages.

Le Canada est un pays choyé. Un article du Globe and Mail en faisait état il y a quelques semaines. Le titre disait que le Canada est un pays choyé, mais stressé. De fait, tous les Canadiens sont stressés, tant au Québec que dans les autres provinces. Ce projet de loi va simplement accentuer le stress. Il ne fait rien pour y remédier. Ce n'est pas un projet d'unité, mais plutôt un projet de division. Ne vous y trompez pas, il nous faut changer parce que les Canadiens exigent que ça change. Les élections de 1993, à l'issue desquelles 205 nouveaux députés ont été élus à la Chambre, ainsi que le référendum du 30 octobre se voulaient un message on ne peut plus clair: les Canadiens veulent que ça change. Plus encore, les Canadiens veulent se prononcer sur la nature des changements à apporter. Or, ce projet de loi leur nie la possibilité d'exprimer leurs points de vue.

Les séparatistes ont eu 30 jours pour répandre leur message en faveur de la destruction du Canada. À cause du recours à la clôture, les Canadiens n'ont eu que trois jours pour se faire entendre. Les séparatistes ont disposé de 30 jours. À cause du recours à la clôture, après seulement trois jours de débat, le gouvernement cherche à faire ratifier à toute vapeur une disposition que la population canadienne a déjà rejetée. Les libéraux ont annoncé clairement leur intention et les Canadiens leur ont répondu qu'ils ne voulaient pas en entendre parler. Voilà que les libéraux reviennent à la charge,


17601

mais en catimini. C'est ça qu'ils appellent offrir un gouvernement transparent, écouter les gens, accorder plus de votes libres à la Chambre des communes et représenter les électeurs de sa circonscription.

La plupart des Canadiens ne veulent pas entendre parler de ce projet de loi. Le Québec rejette ce projet de loi. Pour qui travaillons-nous ici? Ce projet de loi ne va pas nous unir. Ce projet de loi confère un veto à un gouvernement séparatiste. Il est incroyable que le gouvernement agisse ainsi. Quant à donner un veto, donnons-le à la population de cette province. Faisons confiance aux électeurs. C'est ce qui a manqué ici. Il nous faut rétablir la confiance que nous avions jadis. Or, ce projet de loi ne contribuera aucunement au rétablissement de cette confiance. Au contraire, il aliène les électeurs.

Le vice-président: Je regrette, mais le temps du député est écoulé.

[Français]

Comme il est 17 h 15, en vertu de l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, il est de mon devoir d'interrompre les délibérations et de mettre aux voix sur-le-champ toute question nécessaire pour disposer de l'étape du rapport du projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie.

[Traduction]

Le premier vote porte sur la motion no 1. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Conformément à l'article 76 du Règlement, le vote par appel nominal sur la motion no 1 est différé.

Le vote suivant porte sur la motion no 2. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Conformément à l'article 76 du Règlement, le vote par appel nominal sur la motion no 2 est différé.

La Chambre passera maintenant aux votes différés sur le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles. Le premier vote porte sur la motion no 1.

Convoquez les députés.

(La motion no 1, mise aux voix, est rejetée.)

(Vote no 397)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Chatters
Cummins
Duncan
Epp
Forseth
Gilmour
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West/Ouest)
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jennings
Johnston
Kerpan
Manning
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Penson
Ramsay
Ringma
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams -45

CONTRE

Députés
Adams
Alcock
Althouse
Anderson
Assad
Assadourian
Asselin
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Bachand
Bakopanos
Barnes
Bélair
Bélanger
Bélisle
Bellehumeur
Bergeron
Bernier (Beauce)
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Blaikie
Bodnar
Bonin
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Calder
Campbell
Cannis
Caron
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chan
Chrétien (Frontenac)
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Crête
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky


17602

Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Fillion
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier
Gerrard
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Gray (Windsor West/Ouest)
Grose
Guarnieri
Guay
Guimond
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Keyes
Kirkby
Knutson
Lalonde
Landry
Langlois
Lastewka
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lee
Lefebvre
Leroux (Shefford)
Lincoln
Loney
Loubier
MacDonald
Maclaren
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manley
Marleau
Massé
McCormick
McKinnon
McLaughlin
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McTeague
McWhinney
Ménard
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
Nunez
Nunziata
O'Brien
O'Reilly
Ouellet
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Picard (Drummond)
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Riis
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robinson
Rocheleau
Rock
Sauvageau
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Speller
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Taylor
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Ur
Valeri
Vanclief
Venne
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Wood
Young
Zed-196

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Blondin-Andrew
Bouchard
Canuel
Copps
Culbert
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leroux (Richmond-Wolfe)
MacAulay
Marchand
Mercier
Paré
Pomerleau
Skoke
St-Laurent
St. Denis
Szabo

(1745)

Le vice-président: Je déclare la motion no 1 rejetée.

(La motion no 1 est rejetée.)

Le vice-président: Le vote suivant porte sur la motion no 2.

M. Boudria: Monsieur le Président, si vous demandiez le consentement unanime, peut-être que vous constateriez que les députés. . .

Des voix: Non.

Le vice-président: Il ne semble pas y avoir consentement unanime.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 398)

POUR

Députés
Abbott
Adams
Alcock
Althouse
Anderson
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Bakopanos
Barnes
Bélair
Bélanger
Bernier (Beauce)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Blaikie
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chan
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Forseth
Fry
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West/Ouest)
Grose
Grubel
Guarnieri
Harb
Harper (Calgary West/Ouest)
Harper (Churchill)
Harper (Simcoe Centre)
Harvard
Hickey
Hill (Macleod)
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Kerpan
Keyes
Kirkby
Knutson
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)


17603

Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
Maclaren
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manley
Marleau
Massé
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McCormick
McKinnon
McLaughlin
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
Nunziata
O'Brien
O'Reilly
Ouellet
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Riis
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robinson
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Speaker
Speller
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Taylor
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Valeri
Vanclief
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
White (Fraser Valley West/Ouest)
Wood
Young
Zed-164

CONTRE

Députés
Ablonczy
Asselin
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brien
Caron
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Gagnon (Québec)
Gauthier
Gilmour
Godin
Gouk
Grey (Beaver River)
Guay
Guimond
Hanger
Hanrahan
Hart
Hayes
Hermanson
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Ménard
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Penson
Picard (Drummond)
Plamondon
Ramsay
Ringma
Rocheleau
Sauvageau
Schmidt

Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Stinson
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Venne
Williams-77

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Blondin-Andrew
Bouchard
Canuel
Copps
Culbert
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leroux (Richmond-Wolfe)
MacAulay
Marchand
Mercier
Paré
Pomerleau
Skoke
St-Laurent
St. Denis
Szabo

(1755)

[Français]

Le vice-président: Je déclare la motion no 2 adoptée.

(La motion est adoptée.)

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, tel que modifié, soit agréé à l'étape du rapport.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 399)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Anderson
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Bakopanos
Barnes
Bélair
Bélanger
Bernier (Beauce)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chan
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy


17604

Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West/Ouest)
Grose
Guarnieri
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Keyes
Kirkby
Knutson
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
Maclaren
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manley
Marleau
Massé
McCormick
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
Nunziata
O'Brien
O'Reilly
Ouellet
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Speller
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Valeri
Vanclief
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Wood
Young
Zed-147

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Asselin
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Blaikie
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brien
Caron
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Gagnon (Québec)
Gauthier
Gilmour
Godin
Gouk

Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West/Ouest)
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Kerpan
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McLaughlin
Ménard
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Penson
Picard (Drummond)
Plamondon
Ramsay
Riis
Ringma
Robinson
Rocheleau
Sauvageau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Taylor
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Venne
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams -95

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Blondin-Andrew
Bouchard
Canuel
Copps
Culbert
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leroux (Richmond-Wolfe)
MacAulay
Marchand
Mercier
Paré
Pomerleau
Skoke
St-Laurent
St. Denis
Szabo

(1800)

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

M. Williams: J'invoque le Règlement. Je comprends que la motion vient d'être adoptée, mais je me demandais si l'intention de la Chambre était de conserver le compte ouvert pour une autre journée, jusqu'à ce que nous ayons entendu le leader du Parti conservateur. . .

Des voix: Oh, oh!

Le vice-président: Ce n'est pas un rappel au Règlement.

* * *

LA LOI NATIONALE SUR L'HABITATION

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, Lib.) propose: Que le projet de loi C-108, Loi modifiant la Loi nationale sur l'habitation, soit lu pour la troisième fois et adopté.

(1805)

M. Réginald Bélair (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Mon-


17605

sieur le Président, je suis heureux d'avoir la possibilité d'appuyer le projet de loi C-108, Loi modifiant la Loi nationale sur l'habitation.

[Français]

Pour commencer, j'aimerais préciser que le projet de loi C-108 porte sur une question purement administrative. Il vise essentiellement à fixer le montant maximal de l'encours des polices garanties par le Fonds d'assurance hypothécaire.

Ce projet de loi modifiera le passage de la Loi nationale sur l'habitation concernant la limite autorisée de l'encours de l'assurance, pour faire passer cette limite de 100 à 150 milliards de dollars et ainsi permettre à la SCHL de continuer à offrir des services d'assurance hypothécaire partout au Canada.

Je tiens à préciser que cette augmentation de 50 milliards de dollars ne constitue pas une dépense et qu'elle ne coûte rien au gouvernement. Le projet de loi stipule en outre que toute augmentation future de la limite de l'encours de l'assurance est assujettie à l'approbation du Parlement.

[Traduction]

Même si les modifications contenues dans ce projet de loi représentent des questions administratives, l'adoption de ce projet de loi est essentielle au programme d'assurance-prêt hypothécaire de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

Le gouvernement fédéral offre ce type d'assurance à tous les Canadiens, peu importe où ils vivent, au coût le plus bas possible, en exigeant le versement initial le plus faible possible. Du fait du succès de ce type d'assurance, il faut accroître le plafond actuel pour donner à la SCHL la possibilité de continuer à assurer de nouvelles hypothèques.

En 1994, la SCHL a assuré, au total, des hypothèques valant plus de 24,7 milliards de dollars, qui représentaient plus de 300 000 logements. Environ 40 p. 100 des hypothèques au Canada ont été assurées par la SCHL. De plus, environ un tiers des mises en chantier au Canada ont été rendues possibles grâce à un financement garanti au titre de la Loi nationale sur l'habitation.

Permettez-moi de prendre un instant pour expliquer pourquoi ce projet de loi est si important pour les Canadiens.

[Français]

Se loger est un besoin fondamental. Il est généralement admis que l'accès à un logement abordable et de qualité est une condition préalable au bien-être individuel et donc à une société saine et productive. Il va sans dire que lorsqu'une personne est bien logée elle est mieux disposée à participer à la vie sociale.

Pour ces raisons, le désir d'accéder à la propriété demeure vif au sein de la population canadienne.

[Traduction]

Le programme d'assurance-prêt hypothécaire de la SCHL donne aux Canadiens l'accès à des logements abordables. Les acheteurs de maison peuvent obtenir jusqu'à 95 p. 100 du financement auprès d'un prêteur approuvé, parce que la SCHL assure les prêts consentis par ce dernier. Du fait que la SCHL assume les risques au cas où un emprunteur manquerait à son engagement de payer, les prêteurs hypothécaires sont en mesure de débloquer davantage d'argent pour financer des hypothèques pour les Canadiens à un coût moindre qu'il ne serait autrement possible, ce qui facilite l'achat d'une maison.

Étant donné que la SCHL assume les risques, les prêteurs peuvent réduire les taux de financement. Des taux hypothécaires moindres rendent les maisons plus abordables pour les Canadiens.

Un des aspects les plus importants du programme d'assurance-prêt hypothécaire de la SCHL, c'est son mandat de politique publique qui consiste à offrir à tous les citoyens où qu'ils vivent au Canada, un accès égal à du financement hypothécaire au coût le plus bas possible. Cette égalité d'accès est rendue possible grâce à la mise en commun d'activités à haut risque et à faible risque.

À défaut de l'accès à l'assurance-prêt hypothécaire de la SCHL, les Canadiens de certaines régions du pays devraient verser le paiement initial habituel, soit 25 p. 100 de la valeur de la maison.

Il va sans dire que beaucoup de Canadiens ne seraient pratiquement jamais en mesure d'acheter une maison si tel était le cas. L'assurance hypothécaire de la SCHL est donc cruciale pour aider les Canadiens à accéder à la propriété.

[Français]

Le Fonds d'assurance hypothécaire de la SCHL s'autofinance. Par conséquent, il n'en coûte rien au gouvernement. Conformément à la politique de la SCHL, le Fonds est tenu de s'autofinancer à long terme, uniquement au moyen de primes et des droits payés par les emprunteurs.

Les primes équivalent à un pourcentage du prêt qui varie selon le montant emprunté et le rapport entre celui-ci et la valeur de la propriété. On fixe les primes de manière à s'assurer que le Fonds est toujours suffisant pour couvrir les demandes d'indemnité éventuelles.

(1810)

[Traduction]

Le gouvernement a présenté la première initiative d'assurance-prêt hypothécaire en 1992 et a réduit à 5 p. 100 le paiement initial minimum qu'il fallait pour acheter une première maison. Cette initiative a connu un énorme succès pour aider à accroître l'accès à la propriété au Canada.

Depuis novembre 1993, plus de 235 000 ménages canadiens ont tiré parti du paiement initial réduit pour devenir les fiers propriétaires d'une maison neuve ou déjà construite. L'assurance-prêt pour accédants à la propriété est un excellent exemple de la capacité de la SCHL d'adapter son activité d'assurance-prêt hypothécaire pour que les Canadiens puissent profiter des avantages que procure la propriété d'une maison.


17606

[Français]

Certains ont laissé entendre que le gouvernement devrait se retirer du domaine de l'assurance-prêt hypothécaire et laisser le champ libre au secteur privé. Or, il est important de savoir que si l'assurance-prêt de la SCHL devait disparaître, les Canadiens seraient obligés de faire affaire avec un monopole privé, ce qui occasionnerait forcément une augmentation des prix et une diminution du choix.

Il faut également se rappeler que l'assurance hypothécaire LNH offre aux Canadiens une relative égalité d'accès au crédit hypothécaire, quelle que soit la région du pays où ils vivent.

Notre concurrent, G.E. Capital Assurance Hypothèque Canada, n'offre ses services que dans 18 régions du pays. La concurrence est la meilleure façon de maintenir les prix aussi bas que possible et d'encourager le secteur du crédit hypothécaire à faire preuve d'innovation pour répondre aux besoins nouveaux des consommateurs canadiens.

[Traduction]

Certains ont également laissé entendre que la SCHL devrait se retirer du domaine de l'assurance-prêt hypothécaire et laisser le champ libre aux provinces. Je souligne que le gouvernement fédéral a une responsabilité constitutionnelle en matière bancaire et financière. Les prêts assurés et garantis par la SCHL prouvent que le gouvernement fédéral assume cette responsabilité.

Sans la SCHL, la politique fédérale serait absente du système de financement hypothécaire. Il en résulterait que l'accès à des prêts hypothécaires ne serait pas uniforme dans tout le pays. En outre, les petits emprunteurs risqueraient de payer plus cher pour des hypothèques accompagnées d'un paiement initial faible ou de se voir refuser complètement un tel financement. L'habitation est un élément de la croissance économique qui permet de créer de nombreux milliers d'emplois et d'offrir des possibilités d'affaires dans les collectivités de tout le Canada.

L'habitation, c'est environ 7 p. 100 du produit intérieur des pays du monde, plus de la moitié de la construction et un emploi sur deux au Canada. La construction et la rénovation domiciliaires créent des emplois et des possibilités d'affaires. Pour chaque tranche de 100 millions de dollars consacrés à la construction, il y a 2 310 années-personnes d'emploi qui sont créées sur des chantiers ou qui sont directement liées aux industries de matériaux et de services.

Depuis quatre décennies, par l'intermédiaire de la SCHL, le gouvernement canadien fournit une assurance hypothèque nationale. Pendant tout ce temps, la SCHL a été un partenaire important chargé par le gouvernement fédéral d'offrir une assurance hypothèque, afin de conforter les prêts des acquéreurs de propriétés, peu importe l'endroit qu'ils habitent au Canada, au plus petit versement initial possible et au coût le plus bas possible.

Bref, le marché de l'habitation peut aujourd'hui répondre aux besoins de la grande majorité des ménages canadiens. Il ne fait aucun doute que l'assurance hypothèque de la SCHL a joué un rôle prédominant dans cette réalisation.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui dans le débat sur le projet de loi C-108 pour rappeler à cette Chambre l'importance du logement social.

Le logement social est un dossier qui me tient à coeur, car je sais combien il est essentiel pour une partie de la population de mon comté qui vit en dessous du seuil de pauvreté; 50 p. 100 de la population de mon comté vit sous le seuil de la pauvreté et 28 p. 100 reçoit des prestations d'aide sociale.

C'est pourquoi j'avais présenté à cette Chambre, en avril 1994, une motion qui réclamait des mesures importantes, telles la conclusion d'ententes avec le gouvernement du Québec pour réactiver le Programme de coopératives d'habitation, la mise en place d'un programme d'aide à la rénovation de logements locatifs et la réinstauration d'un programme de logements sociaux, le tout, bien sûr, en accordant la maîtrise d'oeuvre complète de ces programmes au gouvernement du Québec.

(1815)

En réponse à ma motion, les représentants du côté gouvernemental m'assuraient de la beauté du principe du logement social et de son importance. Plus particulièrement, le secrétaire parlementaire du solliciteur général me soulignait, la main sur le coeur, la majestueuse coopération ayant régné entre le Québec et son grand frère, le fédéral. Il me reprochait même, narquois, de vouloir rapatrier au Québec les fonds consacrés au logement social, puisqu'il régnait, n'est-ce pas, une si belle entente.

Rien n'est encore réglé. Pire encore, pour un gouvernement qui a été élu sur la base de promesses de justice sociale, de dignité, on n'a rien fait. Rien du tout. Comme on dit en anglais: «Nothing not». Bien sûr, les beaux principes demeurent très beaux. Ils servent encore à l'occasion à illustrer les vertus de certaines politiques, du fédéralisme surtout. On n'y croit plus. Mais pour les gens de mon comté, pour les autres Québécois et Québécoises, pour les Canadiens, même, rien n'a changé.

Les chiffres ne mentent pas. Ils ne font pas de haute voltige sémantique. Ils ne reflètent pas la grandeur des sentiments qui habitent les âmes pures. Les chiffres sont là et parlent tout simplement. Que nous disent-ils, ces chiffres? Ou plutôt que nous redisent les données les plus récentes? Elles nous disent que rien n'a changé. L'an dernier, le fédéral avait construit zéro unité de logement social. Cette année, le taux de construction est le même, on le devine, zéro. Oui, j'ai bien dit zéro. On ne construit plus au fédéral. On n'a que de grands émois.

Les chiffres nous disent également que, de 1989-1990 à 1993-1994, le Québec a reçu d'Ottawa à peine 19 p. 100 des dépenses totales de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Pourtant, le Québec représentait 25 p. 100 de la population. De plus, dans la même période, le Québec comptait près de 30 p. 100 des mal-logés du Canada.


17607

On viendra nous dire que la fédération est bonne pour les Québécois et Québécoises. On tentera de nous faire sentir coupables de vouloir quitter cette belle grande famille qui traite de façon si équitable l'un de ses enfants. Les faits sont là et parlent. Ils sont éloquents. Pendant cinq ans, le gouvernement fédéral a agi de façon absolument injuste envers les mal-logés du Québec. Après cela, il s'est tout simplement désengagé du logement social. Il s'en est lavé les mains. Le bilan pour le Québec est monstrueux: un manque à gagner estimé à 1,3 milliard de dollars, si on tient compte des besoins.

Pendant ce temps, nos voisins de l'Ontario qui nous aimaient tant, tout juste avant le référendum, avaient, eux, bien profité de la manne fédérale. Maintenant, comparons les chiffres. En 1991-1992, le Québec recevait 19,3 p. 100 des dépenses de la Société si canadienne d'hypothèques et de logement. Or, l'Ontario en recevait 34 p. 100. On constate un écart de 14,7 p. 100. Je ne l'invente pas, ce sont les chiffres qui parlent.

En 1992-1993, l'écart entre le Québec et l'Ontario était de 16,8 p. 100 et, en 1993-1994, il était de 14,1 p. 100. Comme je le disais il y a quelques instants, les chiffres sont très éloquents. Pour les mal-logés de mon comté, les chiffres importent peu. Ce qui importe, ce sont les résultats. Ce qu'ils et elles savent et ont à vivre, c'est que le logement social est une denrée qui se fait très rare, et surtout au Québec.

Les gens de mon comté savent que, pour bon nombre d'entre eux, le logement social est souvent le seul moyen d'avoir accès à un logement décent et abordable. Les 4 300 femmes chefs de famille monoparentales et en attente de logement social dans mon comté le savent aussi et elles ne trouvent pas la situation drôle. Le fédéral s'est désengagé du logement social sans transfert de points d'impôt en compensation. Le Québec est donc maintenant aux prises, comme ça se passe dans un nombre de plus en plus grand de dossiers, avec des besoins à combler et des ressources insuffisantes. Ça, c'est le beau fédéralisme et nous n'en avons que faire.

(1820)

[Traduction]

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer au débat sur le projet de loi C-108, Loi modifiant la Loi nationale sur l'habitation.

Le projet de loi C-108 fait passer de 100 à 150 milliards de dollars le plafond de l'assurance qu'offre la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, et ce montant peut être augmenté sur autorisation du Parlement. Cela signifie, en termes plus simples, que le projet de loi C-108 fait augmenter de 50 milliards de dollars le plafond de l'assurance.

Bien des députés ministériels semblent croire que 50 milliards de dollars en assurance ne représentent pas une grande responsabilité et sont insultés de voir que le Parti réformiste remet en question ce projet de loi. Les libéraux sont si pressés qu'ils ont réduit à 30 secondes l'étude, article par article, du projet de loi C-108 qu'a effectuée le comité permanent. C'est un nouveau record, 30 secondes pour 50 milliards de dollars. C'est loin de la démarche financièrement responsable à laquelle les Canadiens s'attendent de la part de leur gouvernement.

Notre déficit ne disparaîtra pas, à moins que nous prenions des mesures constructives. La dette que doit assumer chaque contribuable tend à immobiliser le pays. Pourtant, les libéraux continuent de trop dépenser. Au lieu de réduire leurs dépenses, ils les augmentent. Par exemple, l'an dernier seulement, leurs dépenses se sont accrues de 2,8 milliards de dollars.

La dette nationale s'élève actuellement à 566 milliards de dollars et croît sans cesse. Les Canadiens sont si endettés qu'ils ne peuvent plus progresser. Il n'est pas donc surprenant que le marché de l'immobilier roule au ralenti au Canada. Le contribuable type n'a tout simplement pas l'argent ou la sécurité financière nécessaire pour contracter une hypothèque à long terme. Accroître les engagements de la SCHL à l'égard des prêts ne changera rien aux difficultés financières que beaucoup de Canadiens connaissent de nos jours.

Le gouvernement a promis des emplois, et il a promis de réduire le déficit. Pourtant, les Canadiens sont aux prises avec un chômage plus élevé et une fiscalité plus lourde. La situation ne s'améliore pas, et le gouvernement se refuse aux changements nécessaires pour opérer un redressement.

Les libéraux appliquent toujours les vieilles politiques qui ont plongé le Canada dans les déficits. Ils dépensent, créent des emplois à coup de dollars, soutiennent artificiellement des industries privées et faussent les marchés. Tout cela fait c'est alourdir notre endettement.

Relever le montant maximum des prêts que la SCHL peut garantir, ce n'est rien d'autre que se livrer à de la spéculation sans avoir d'argent. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement agit de la sorte. Ainsi, le projet de loi C-91 a fait passer de 4 à 22 milliards de dollars le montant des prêts dont la Banque fédérale de développement assume la responsabilité.

Le projet de loi C-75 a porté de 1,5 à 3 milliards de dollars la garantie gouvernementale de prêts pour les améliorations agricoles et les coopératives de commercialisation. Les prêts en cours consentis en vertu de la Loi sur les prêts aux petites entreprises sont passés de 3 à 6 milliards de dollars en 1995, et nous en sommes maintenant à 12 milliards. Ce n'est là qu'une infime partie des initiatives des libéraux qui ont alourdi les engagements du gouvernement fédéral.

Bien que ces engagements n'obligent pas à emprunter de l'argent, ils constituent un risque et, s'il y a défaut de paiement, ce sont les contribuables qui paient. Le gouvernement a contracté l'habitude de distribuer les subventions à gauche et à droite. Ses engagements accroissent simplement les risques de nous enfoncer encore davantage dans les dettes.

De plus, les Canadiens doivent s'inquiéter plus particulièrement du fait que le gouvernement ne connaît pas au juste l'ampleur de ses engagements à l'heure qu'il est. Les représentants de la SCHL ont été incapables de me dire quels étaient les engagements en cours de la société en ce moment, ni ce qu'ils seraient dans 10 ou 15 ans. C'est inacceptable.

Les engagements sont des risques. Lorsque des prêts hypothécaires ne sont pas remboursés, ce sont les contribuables qui doivent payer. Lorsque le projet de loi a été lu pour la deuxième fois à la Chambre, il y a quelques semaines, les députés réformistes ont demandé encore et encore aux libéraux qui payait pour les prêts hypothécaires non remboursés.


17608

M. Forseth: Qui paie?

M. Gilmour: Ce sont les contribuables. Que cela soit parfaitement clair pour les députés ministériels, car il semblait y avoir beaucoup de confusion parmi ceux-ci quant à la position du Parti réformiste à l'égard de ce projet de loi. Nous ne préconisons pas de mettre un terme à l'assurance hypothèque de la SCHL. Nous disons que 100 milliards de dollars de responsabilité, c'est assez. Le gouvernement n'a pas à y ajouter encore 50 milliards de dollars.

(1825)

Le fait que le gouvernement demande que cette responsabilité additionnelle soit rétroactive à 1994 montre que la SCHL a déjà dépassé ses limites. Les Canadiens devraient être inquiets que la SCHL ait besoin d'accroître sa responsabilité, non seulement parce que rien ne garantit que les prêts en souffrance ne coûteront rien aux contribuables, mais aussi parce qu'il y a manifestement des problèmes dans la gestion gouvernementale des programmes et des fonds de la SCHL.

J'ai signalé tout à l'heure que la SCHL ne sait pas quel est son passif en cours. Cela devrait inquiéter bien des Canadiens, car la SCHL ne semble pas savoir où en sont des prêts en cours venant à terme dans 10, 15 ou 20 ans.

Par exemple, des démarches faites conformément à la Loi sur l'accès à l'information révèlent que: premièrement, la SCHL ne tient aucun compte des dettes dont elle a fait grâce dans le cadre du Programme d'aide à la remise en état des logements; deuxièmement, elle ne tient de dossiers que des contrats actuels et non des contrats passés; troisièmement, elle ne tient aucun registre centralisé des subventions et des accords d'exploitation de nombre de ses programmes, y compris le Programme de logements sociaux; et, quatrièmement, elle ne tient aucun registre centralisé des sommes qui vont aux programmes à l'intention des autochtones, qui constituent un élément important de la SCHL. Ce n'est là que la pointe de l'iceberg.

Si le gouvernement est pour allouer des fonds et assurer des prêts par l'intermédiaire de la SCHL, il devrait certes tenir un compte de ce qu'il dépense, de ce qu'il doit et des prêts dont il est responsable. Si la société ne peut rester au courant de ses activités financières, nous ne devrions pas accroître ses obligations, certainement pas de 50 milliards de dollars de plus. C'est non seulement irresponsable, mais c'est aussi tout à fait ridicule, notamment quand on songe à notre dette.

Ce projet de loi mène non seulement à une plus grande incertitude financière, mais il constitue clairement un pas dans la mauvaise direction. Le gouvernement ne devrait pas tenter d'élargir son rôle en matière d'habitation; il devrait plutôt chercher à décentraliser ses responsabilités.

Qu'est-il advenu de la décentralisation des pouvoirs fédéraux promise par le premier ministre? De toute évidence, elle s'est volatilisée, comme de nombreuses promesses faites par les libéraux.

Les Canadiens ne veulent pas d'un gouvernement fédéral omnipuissant qui intervient dans toutes les affaires relevant des provinces, des municipalités et du secteur privé. Ils veulent un appareil gouvernemental fédéral plus modeste et plus efficace.

Le ministre responsable de la SCHL dit que son ministère est en voie de devenir une plus petite organisation. Or, si le gouvernement procède à la réduction de ses effectifs et qu'il se retire du marché de l'habitation, pourquoi demande-t-il encore 50 milliards de dollars de fonds hypothécaires? Cela n'a pas de sens.

Cela n'entraînera pas une réduction des responsabilités fédérales. Au contraire, cela renforcera et élargira le rôle du gouvernement fédéral. Le moment est clairement venu, pour les autorités fédérales, d'aligner de nouveau leurs responsabilités par rapport à celles des autres gouvernements. Les Canadiens sont imposés d'une manière inimaginable par tous les paliers de gouvernement et ils en ont tout simplement assez.

Il est grand temps que le gouvernement fédéral renonce à un certain nombre de ses responsabilités qui donnent lieu à des chevauchements avec les provinces. Les Canadiens veulent un partage des responsabilités qui soit clair entre les différents paliers de gouvernement. Ils veulent réorienter les pouvoirs des fonctionnaires vers les gens qui, au premier chef, financent les programmes. Les Canadiens veulent que le gouvernement fédéral cesse de s'immiscer dans les affaires du secteur privé. Ils ne veulent pas et n'ont pas besoin que Big Brother se mêle de leurs affaires, et le projet de loi C-108 permet à la SCHL d'accroître sensiblement sa présence sur le marché hypothécaire.

Il est temps que le gouvernement permette au secteur privé de faire ce qu'il fait le mieux: offrir aux consommateurs des taux hypothécaires concurrentiels. Il est temps que le gouvernement cesse de perturber le secteur du logement. Les Canadiens veulent une séparation claire des responsabilités entre les paliers de gouvernement. Ils veulent des gouvernements responsables.

(1830)

Il est temps que le gouvernement cesse de nuire au secteur privé. Les réformistes ne veulent pas de cette augmentation de 50 milliards de dollars. Nous ne disons pas que la SCHL doit se retirer du marché, mais 50 milliards de dollars, c'est trop et c'est pour cela que nous nous opposons au projet de loi.

[Français]

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Monsieur le Président, depuis l'élection du gouvernement, plusieurs pétitions ont été déposées dans cette Chambre et plusieurs d'entre elles portaient sur le logement social et provenaient de tous les coins du Canada.

Personnellement, j'en ai déposé plusieurs. L'ancien gouvernement conservateur s'est retiré graduellement du domaine du logement social en adoptant différentes mesures.

En 1989, il se retire du Programme d'aide à la remise en état des logements locatifs. En 1992, autre mesure dévastatrice dans ce domaine, il réduit de 21 p. 100 le nombre des nouvelles unités d'habitation. Et en 1993, il met fin au financement à long terme des nouvelles unités de logement dites HLM. Également, le programme PAREL qui s'occupait de la remise en état des logements sociaux a été aboli. Le Québec a, à ce moment-là, subi un manque à gagner important.


17609

Ce gouvernement, depuis son élection en 1993, a fait des promesses lors de sa dernière campagne électorale. En octobre 1993, lors d'une rencontre avec des responsables de Confédération des coopératives d'habitation de la grande région de Montréal, rencontre où étaient présents plusieurs candidats libéraux, dont le ministre actuel des Affaires extérieures, ils ont pris des engagements en matière de logement social. Ils devaient, entre autres, dégeler le budget de la Société centrale d'hypothèques et de logement pour rendre réalisable la construction de 5 800 nouveaux logements coopératifs au Canada. Ils devaient également revoir le pourcentage d'investissement exigé de la part des municipalités. Bravo, pour ce beau programme! Mais comme par magie, on s'aperçoit, le 25 octobre 1993, que le gouvernement libéral a oublié ses engagements.

Regardons ce qu'il a fait après son accession au pouvoir. Ils ont mis fin à l'espoir de voir de nouvelles unités de logement se construire. Ils ont effectivement exigé de la SCHL qu'elle retourne au gouvernement des économies réalisées au niveau de la gestion courante, tout près de 270 millions qui auraient pu être injectés dans le milieu.

En 1995, ce gouvernement a fait pression auprès des provinces pour qu'elles haussent le loyer des locataires de logements sociaux. Six provinces ont cédé. Le Québec, quant à lui, a clairement indiqué qu'il n'accéderait pas à la demande fédérale. Le gouvernement actuel continue, tout simplement, la politique des conservateurs.

Pourtant, lors de la dernière campagne, le parti avait dénoncé les coupures brutales dans le domaine du logement social. Même le ministre des Finances, celui-là même qui a prédit la disparition de un million d'emplois si le Québec votait oui au référendum, ce ministre s'est engagé lui-même à assurer un financement garanti et sécuritaire pour le logement social. Il n'en est rien actuellement. Au Québec, on évalue à tout près de un milliard de dollars les pertes encourues depuis les cinq dernières années.

Le Bloc québécois, quant à lui, ne peut tolérer une telle situation. Le logement social, c'est plus qu'un toit. Le logement social, c'est aussi un élément important d'une politique économique et sociale. Un bon programme de logement doit permettre aux gens d'acquérir un sentiment d'identité sociale et de leur offrir des occasions d'exercer un contrôle sur un des facteurs qui influencent leur vie.

Un édifice à logements coopératifs, par exemple, permet à ses membres d'avoir une vie axée sur la collaboration: des loisirs bien souvent s'organisent et en plus, les membres ont à s'impliquer, à administrer leur coopérative. Sans leur logement social, plusieurs d'entre eux vivraient dans la solitude. Donc, en laissant tomber le logement social, le gouvernement aggrave les conditions de logement qui contribuent de manière importante à l'augmentation d'autres problèmes, comme la pauvreté et la faim. Pauvreté, faim et logement sont intimement liés.

(1835)

Voyons ce qui se passe dans mon comté. À Chicoutimi, au-delà de 9 000 ménages, soit 44 p. 100 de l'ensemble des ménages, sont locataires. De ce nombre, 3 000 doivent mois après mois consacrer plus de 30 p. 100 de leur revenu au logement. C'est inacceptable. C'est une norme qui est critique. Trente-cinq pour cent des locataires se retrouvent dans cette situation. Pire encore, pour plus de 16 p. 100 des locataires, c'est la moitié des revenus qui passe uniquement au logement.

Donc, c'est une situation qui a des conséquences dramatiques, qu'il faut corriger. Pour arriver à payer leur loyer, des locataires de plus en plus nombreux doivent couper dans d'autres besoins aussi essentiels que la nourriture. Pour un nombre grandissant de ménages, ces sacrifices ne suffisent même plus. Les statistiques de la Régie du logement montrent que le phénomène de non-paiement de loyers prend de l'ampleur, et ce n'est pas parce que les locataires sont moins bon payeurs qu'auparavant. Simplement c'est que la proportion pour payer le logement est trop élevée.

Dans sa politique de la santé et du bien-être, le gouvernement du Québec affirmait en 1992: «Le coût du logement apparaît capital pour l'organisation familiale. Si l'alimentation, l'habillement et les loisirs subissent continuellement des coupures radicales à cause du prix du logement, la qualité de la santé physique et mentale en sera affectée.»

En 1993, le Comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies publiait un rapport sur la pauvreté au Canada. Dans ce rapport, c'est un portrait accablant de la situation du logement qui primait. Ce comité s'étonnait que les dépenses consacrées au logement social ne soient pas supérieures à 1,3 p. 100 des dépenses publiques.

Dans la période actuelle marquée par le manque de travail permanent, le manque de droits sociaux élémentaires, le logement social se pose et se posera de plus en plus comme une problématique importante. La santé même des mal-logés est mise en cause. Et on sait qui sont les mal-logés: bien souvent des femmes qui sont le principal soutien financier, les personnes seules, les familles monoparentales.

Pour s'attaquer au problème, le gouvernement doit accroître de manière importante les investissements en habitation, ce qui se solderait par des économies très appréciables dans les domaines de la santé et des services sociaux. Il faut également penser qu'il y aurait un impact non négligeable sur l'emploi, ce qui serait très bénéfique par les temps qui courent.

Une ambitieuse politique d'habitation axée entre autres sur la réalisation de nouveaux logements sociaux d'ici l'an 2000, avec comme base d'offrir du logement de qualité et intégré au milieu environnant, des logements qui doivent disposer de services de qualité et d'équipements suffisants, y compris pour les personnes handicapées où à mobilité réduite, voilà le programme que le gouvernement devrait se donner.

[Traduction]

Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui à l'unanimité, le vote est réputé avoir été demandé et un vote par appel nominal est réputé avoir été reporté à 17 h 15 demain.


17610

LOI SUR LES PRÊTS AUX PETITES ENTREPRISES

L'hon. Sheila Finestone (au nom du ministre de l'Industrie) propose: Que le projet de loi C-99, Loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises, soit lu pour la troisième fois et adopté.

[Français]

Le vice-président: Encore une fois, avec l'entente passée, un député de chaque parti est reconnu pour parler sur ce projet de loi, pendant dix minutes.

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir la possibilité d'intervenir dans le débat de troisième et dernière lecture sur le projet de loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises.

Je voudrais prendre le temps de parler de certains des accomplissements du Comité de l'industrie au cours de l'année dernière. C'est important de le faire parce qu'à la Chambre, ce soir, je vois le député d'Okanagan et le député de Trois-Rivières, qui dirigé le débat au nom de leur parti.

(1840)

Le comité de l'industrie est, depuis un an, unique en son genre sur la colline du Parlement. Je le dis parce que le public, je le sais, pense que les députés passent leur temps à s'engueuler, à la Chambre surtout. Comme, de façon générale, ils ne voient que la période des questions, ils ont une fausse image du Parlement.

Le présent discours sera sûrement le dernier que je prononcerai cette année sur les questions liées à l'industrie, celles notamment qui portent sur l'accès au capital. Il convient de dire au député de Trois-Rivières et à celui d'Okanagan que ce fut un réel plaisir de travailler avec eux.

Quand je quitterai le Parlement pour de bon afin d'aller vaquer à mes occupations et que je repenserai à mon expérience à Ottawa, je pourrai dire que l'une des années les plus productives de ma vie à Ottawa aura été celle où j'ai siégé à ce comité, dont tous les membres partageaient le même point de vue sur toute la question de l'accès au capital pour les petites et moyennes entreprises.

S'il est une foule de questions où nous divergeons d'opinion, comme celles de la société distincte et du droit de veto et bien d'autres, il en est une sur laquelle tous les députés sont d'accord, soit que la petite entreprise représente notre plus grand espoir de remettre les Canadiens au travail.

La première difficulté que le secteur de la petite entreprise doit surmonter, c'est toute la question de l'accès à des capitaux suffisants pour appuyer ses activités commerciales fondamentales. Si nous avons réussi à faire avancer les banques d'un pouce-et je dirais que nous les avons fait avancer seulement d'un pouce-c'est qu'elles n'ont pas été capables de diviser le Comité permanent de l'industrie. Nous avons fait un vrai travail d'équipe.

Je dois avouer aux Canadiens que ce sont les institutions financières qui ont le meilleur système de lobbying sur la colline du Parlement. Elles peuvent être vraiment intimidantes, mais nous avons réussi à tenir notre bout au cours de la dernière année. J'espère que nous pourrons maintenir cet engagement au cours de la prochaine année et que ceux qui feront partie du comité continueront de faire avancer cette cause.

Je suis optimiste à cet égard parce que, hier soir, j'ai regardé le premier ministre du Canada à l'occasion de la deuxième assemblée publique nationale. Beaucoup de questions lui ont été posées par des Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Je me souviens très bien d'avoir entendu le propriétaire d'un petit commerce dans le secteur de l'alimentation demander au premier ministre quand il allait affronter les banques comme il s'est engagé à le faire.

(1845)

J'étais heureux qu'on pose cette question au premier ministre, qui a semblé pris au dépourvu pendant un instant. Il sait bien que nous travaillons fort sur la question. Comme nous faisons du vrai travail d'équipe, on s'attendrait à ce que nous arrivions à faire bouger les banques. Nous avons réussi à les faire bouger, mais si peu que l'impact ne s'est pas vraiment encore fait sentir. Le premier ministre a dit que nous nous penchons sur cette question.

Le député de Trinity-Spadina a proposé qu'environ 30 p. 100 du total des prêts consentis aux entreprises par les banques du Canada aillent aux petites entreprises, idée qu'il défend ardemment depuis un an et demi. Je dois dire que j'ai été étonné d'entendre le premier ministre mentionner cet objectif. Beaucoup de membres du comité étaient d'avis que le député de Trinity-Spadina allait trop loin en disant aux banques à qui elles devraient prêter de l'argent. Je me suis opposé à ce que ces objectifs soient consignés par écrit.

Je commence cependant à penser que le député de Trinity-Spadina avait raison lorsqu'il nous a dit il y a un an que les banques n'allaient pas vraiment bouger à cet égard à moins que nous leur donnions des objectifs précis. Le député d'Okanagan se souvient que nous nous sommes presque tous dressés contre notre collègue en disant que nous ne pouvions pas aller aussi loin, que nous ne pouvions pas exiger que les banques consentent aux petites entreprises 30 p. 100 du total de leurs prêts.

Le vice-président: À l'ordre. Mon collègue ne semble pas se souvenir de l'accord qui fixe à 10 minutes la durée maximale des discours pour tous les députés des trois partis prenant la parole sur ce projet de loi.

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, en résumé, le projet de loi que nous avons devant nous ce soir renforce les engagements du gouvernement à l'égard des prêts aux petites entreprises. Nous avons accepté des amendements au projet de loi présentés par le Parti réformiste.


17611

J'espère que l'an prochain, ce qui n'est plus bien loin maintenant, le signal que tous les députés ont envoyé aux institutions financières, en permettant l'adoption rapide des projets de loi et la mise en oeuvre rapide des recommandations qui figurent dans le rapport «Pour financer le succès de la PME», sera noté.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'interviens à ce stade de la présentation de ce projet de loi C-99, Loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises, à l'étape de la troisième lecture.

Avant d'aller plus loin, je voudrais commenter un peu les propos de notre collègue, le secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie. Si j'ai bien compris, notre collègue nous annonce qu'il va quitter, à tout le moins-à moins que j'aie mal compris-le Comité permanent de l'industrie, si ce n'est la Chambre elle-même.

(1850)

Quoi qu'il en soit, si jamais il devait quitter le Comité de l'industrie, je voudrais lui redire, parce qu'on a déjà eu l'occasion de s'en parler par le biais de la Présidence, combien j'ai apprécié travailler avec lui, combien le député de Broadview-Greenwood est un parlementaire émérite. J'ai pu apprécier aussi ses grandes qualités, sa très grande contribution dans le cadre des travaux du comité et comme homme, j'ai toujours perçu ce député comme un libéral dans le sens le plus noble du terme et comme un humanisme. J'espère pourvoir continuer de le côtoyer.

M. Mills (Broadview-Greenwood): A true liberal.

M. Rocheleau: A true liberal. Une vraie société distincte incarnée.

Je m'imposerai, pour ma part, de discuter du projet de loi C-99 que nous avons devant nous et d'y apporter la critique la plus constructive possible. Il faut avoir à l'esprit que la présentation du projet de loi C-99 découle de l'application d'une des modalités du dernier discours du budget du ministre des Finances, où celui-ci souhaitait que les petites entreprises visées par la Loi sur les prêts aux petites entreprises s'autofinancent. On sait qu'en 1993, l'application de cette loi aurait coûté au Trésor public, en termes de couverture-appelons ça des mauvaises créances pour les besoins de la cause-à peu près 32 millions de dollars sur une enveloppe, à ce moment-là, d'environ 4 milliards de dollars qui étaient à la disposition des petites et moyennes entreprises.

On s'attend à ce que ces 32 millions deviennent, cette année, environ 100 millions de dollars en pertes pour le gouvernement sur une enveloppe qui, elle, est passée à 12 milliards de dollars en possibilité de prêts aux petites entreprises, de par le biais des institutions prêteuses.

Nous sommes d'accord qu'il s'agit là d'un fardeau qu'il faut avoir à l'esprit, d'un fardeau pour les contribuables, mais nous sommes d'avis qu'avant de restreindre de quelque façon que ce soit cette loi, qui est une bonne loi, le gouvernement devrait procéder-et c'était là une recommandation de l'opposition officielle qui a été quasi entérinée par le Comité de l'industrie-donc, avant de procéder à toute restriction que ce soit, le gouvernement devrait procéder à une étude coût-bénéfice quant à l'application de cette loi. Si on prend les 32 millions ou les 100 millions de dollars en question et qu'on les reconnaît comme un investissement du gouvernement dans l'économie, là, on est moins gênés de parler de ce manque à gagner.

En parlant non seulement des coûts, qu'ils s'appellent 32 ou 100 millions, mais en parlant aussi des bénéfices, là, on pourrait avoir à l'esprit davantage ce qui en est des emplois créés, des impôts directs, des impôts indirects qu'a reçus le gouvernement de par la création de ces emplois, de par le maintien ou l'expansion des entreprises qui ont été encouragées par l'application de la loi.

Quand on connaît l'importance sur le plan socio-économique d'avoir un emploi-il y a des effets et on ne le dira jamais trop, et je pense que c'est une tribune extraordinaire ici pour le mentionner-et d'avoir un taux de chômage moins élevé, c'est peut-être une meilleure éducation des enfants, c'est peut-être moins de violence familiale, moins de violence faite aux femmes, moins de violence faite aux enfants. C'est peut-être une diminution de la consommation de médicaments; c'est peut-être des gens qui vont faire mieux tourner l'économie, c'est évident.

Donc, quant à l'application de cette loi, il faudrait, avant de la charcuter d'une quelconque façon, avoir à l'esprit les effets bénéfiques qui découlent de son application et, malheureusement, le gouvernement n'a pas retenu, dans la pratique, la recommandation de l'opposition officielle, qui avait pourtant été retenue par le Comité de l'industrie.

Nous en arrivons donc aux modalités précises auxquelles nous nous objectons. Il y en a trois. La première, bien sûr, est la couverture elle-même, où le gouvernement garantit, protège 90 p. 100 du prêt qui est effectué par une institution prêteuse. Ça va descendre de 90 p. 100 à 85 p. 100. C'est le premier élément d'objection. Le deuxième élément est celui qui porte sur le fait qu'on exige encore une garantie personnelle. Troisièmement, ça porte sur le fait qu'on pourra dorénavant exiger des droits d'administration qui seront refilés aux emprunteurs sous forme de taux d'intérêt.

(1855)

Donc, notre première critique porte sur la diminution de la couverture de 90 à 85 p. 100. Nous prétendons qu'elle affectera notamment les petites institutions prêteuses. Pour le Québec, on parle des caisses populaires qui sont dans chacun de nos petits villages, qui font peut-être quelques dizaines de prêts par année et qui, voyant leur protection diminuée, seront davantage portées à diminuer leur risque, donc à prêter à des entreprises qui représentent moins de risque. Donc, l'effet chez les petites institutions prêteuses se fera probablement sentir rapidement.

Notre autre objection encore plus importante, c'est que cela va discréditer et compliquer la vie des entreprises de haute technologie, qui représentent l'avenir du développement économique, ces entreprises étant basées sur le savoir, sur l'expertise et sur les connaissances de l'employeur, du propriétaire dirigeant qui ne peut pas offrir à la société prêteuse des garanties tangibles. Tout ce qu'il a à présenter, ce sont ses connaissances, qui sont impalpables,


17612

intangibles. Il y a donc un risque accru pour la société prêteuse, de même que pour les entreprises en démarrage qui n'ont pas de «background», comme on dit en anglais, qui n'ont rien à offrir quant à leur passé.

Le passé étant garant de l'avenir, ces entreprises n'ont rien à démontrer pour sécuriser le banquier. Donc le risque du banquier étant plus élevé, on s'attend à ce que ce soit les entreprises de haute technologie sur lesquelles nous comptons de plus en plus ainsi que les nouvelles entreprises qui écoperont de l'application de ces nouvelles dispositions de la loi.

D'autant plus que le gouvernement, s'il s'aperçoit, au cours des années qui viennent, que la couverture à 85 p. 100 n'est pas encore suffisante, il pourra diminuer encore son risque. Il pourra le diminuer à 80 ou à 75 ou à 70 p. 100, et ce, par règlement, sans qu'il y ait débat ici, sans qu'on puisse invoquer l'intérêt des emprunteurs, sans qu'on puisse, face à l'exécutif, défendre ou dénoncer les politiques du gouvernement. Donc agir par règlement dans un domaine semblable ne nous paraît pas tellement sympathique.

La deuxième grande objection, celle qui maintient la garantie personnelle qui pourrait être exigée par le prêteur, était un engagement du livre rouge du Parti libéral du Canada que l'on a oubliée, comme par hasard. Nous sommes attristés parce que nous considérons que, compte tenu de la garantie dont le prêteur bénéficie par la présence du gouvernement au dossier, on aurait pu libérer les garanties personnelles et faire en sorte que celles-ci soient affectées à une autre intervention, une autre transaction entre le banquier et l'emprunteur, celui-ci pouvant donner sa maison ou son auto ou une partie de son patrimoine personnel en garantie pour développer un autre type de projet qui ne serait pas couvert, notamment le fonds de roulement, par la Loi sur les prêts aux petites entreprises.

Enfin, nous sommes inquiets de voir qu'on établit dorénavant des droits d'administration dont le pourcentage pourrait être établi par règlement, encore une fois sans débat, en catimini, arbitrairement, par le gouvernement et, deuxièmement, qu'on puisse refiler à l'emprunter, par le biais des taux d'intérêt, pour mieux remplir les coffres du prêteurs, ces droits d'administration qui apparaissent maintenant dans la loi.

Donc, pour ces trois raisons, nous voterons quand même contre ce projet de loi.

[Traduction]

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, c'est un plaisir de pouvoir prendre la parole sur le projet de loi C-99, une Loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises.

J'ai, moi aussi, été impressionné les commentaires du secrétaire parlementaire sur le fonctionnement du Comité de l'industrie. D'après sa description de ce comité, je ne peux pas m'empêcher de dire que je dois être parmi les députés les plus fortunés de la Chambre. Pour ma première expérience à Ottawa j'ai été nommé au meilleur comité de la Colline. C'est vraiment impressionnant. Mon collègue a siégé à d'autres comités et si celui-ci est le meilleur, c'est formidable. Le comité a effectivement bien travaillé.

(1900)

Ce qui s'est produit, en ce qui concerne le projet de loi C-99, est un exemple de ce que l'on peut faire et de la façon dont le Parlement peut fonctionner, car nous avons su mettre de côté nos différences politiques pour parvenir à un accord sur des choses très importantes qui figurent dans les dispositions de ce projet de loi.

En tant que Parti réformiste, nous allons appuyer ce projet de loi et cela en dépit du fait que nous avons de graves réserves au sujet du principe même de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Le but de cette loi est de fournir, sous forme de subventions d'un certain type, un financement à l'industrie privée. La raison pour laquelle nous pouvons appuyer ce projet de loi c'est que les amendements assureront la responsabilité comptable du programme, lequel est censé faire ses frais à 100 p. 100. Si c'est réellement ce qui se produit, alors cela réduira, peut-être jusqu'à zéro, certaines des objections de principe que nous avons.

Nous voulons également appuyer ce projet de loi parce que les motions que nous avons présentées au comité ont été acceptées par le comité et également par le ministre. Il est nécessaire de reconnaître le rôle que le ministre de l'Industrie a joué dans cette décision. Nous avons eu des échanges sur certaines dispositions, surtout celles qui enlevaient le pouvoir à la Chambre des communes, au Parlement, pour le céder plutôt au cabinet, qui retiraient ce pouvoir aux représentants du peuple pour le donner au comité du Conseil privé, qui était en mesure de prendre des décisions à huis clos.

Le comité, ainsi que le ministre, ont vu que ce n'était probablement pas la chose la plus démocratique à faire et sont allés jusqu'à dire que nous devrions supprimer ces dispositions. Le Parti réformiste a présenté un amendement à cet effet au comité et il a été accepté.

Nous devons reconnaître que c'est ainsi que le Parlement devrait fonctionner, en fait, en mettant de côté, dans certains cas, les différences politiques et partisanes et en disant que pour le bien des Canadiens, pour assurer l'essor des entreprises canadiennes, nous devons prendre des mesures qui vont nous aider tous. Dans ce cas-ci, on y est parvenu et c'est tout à l'honneur de ceux qui ont eu leur mot à dire là-dedans.

Je voudrais parler de la notion qui sous-tend la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Nous, au Parti réformiste, ne pensons pas que le gouvernement devrait prendre des risques au nom du contribuable, mais nous croyons plutôt que c'est le secteur privé qui devrait assumer cette responsabilité. C'est pourquoi nous nous opposons au principe à la base de la Loi sur les prêts aux petites entreprises, mais ce n'est pas notre préoccupation à ce stade-ci. Nous voulons plutôt améliorer la loi et y apporter des amendements à cette fin. Cela devrait montrer à tout le monde que notre parti est raisonnable.

Nous sommes conscients du fait qu'il y a certaines lacunes qu'on doit combler de temps à autre et nous l'avons fait maintenant. Cela s'est produit dans ce cas particulier. Je veux rendre hommage au comité, ainsi qu'au ministre de l'Industrie et à son secrétaire parlementaire, qui ont reconnu cela, qui se sont mis au travail et ont apporté les améliorations nécessaires.

17613

La Chambre doit reconnaître que le secteur financier en particulier est l'un des plus difficiles à faire bouger. Le secrétaire parlementaire a laissé entendre que nous avions peut-être fait bouger les banques d'un pouce. Je ne suis pas certain. Je pense presque que c'est un peu optimiste de sa part.

M. Mills (Broadview-Greenwood): J'exagérais.

M. Schmidt: Il se peut que nous ayons réussi à les faire bouger d'un quart de pouce à peine. Ce qui importe, c'est qu'elles aient bougé.

Je me rappelle du premier jour où je l'ai rencontré à une séance du comité. Le comité décidait alors ce sur quoi il devait se pencher plus précisément. Je me souviens si clairement de l'engagement absolu que ce député a pris quand il a dit: «Monsieur le président, ce comité ne devrait s'occuper que d'une chose, soit l'accès au capital pour les petites entreprises. Cela doit changer et cela doit être amélioré. Si nous ne réalisons rien d'autre au cours de la 35e législature, c'est cela que nous devons réaliser.» Il s'est tourné vers le président du comité et lui a dit: «Monsieur le président, c'est votre devoir, en tant que président, que de veiller à ce que le comité atteigne cet objectif.» Le président ne s'est jamais écarté de cet objectif. Il a communiqué son enthousiasme aux autres membres du comité, lesquels ont dit aussi: «Oui, c'est ça que nous voulons faire.»

(1905)

Il a réussi. Nous avons fait progresser les banques peut-être qu'un quart de pouce. J'espère que, dans un an, nous pourrons nous vanter de les avoir fait progresser d'un demi-pouce ou même de trois quarts de pouce. Je voudrais les faire avancer d'un mille. Si les bonnes idées, les innovations d'entrepreneurs voulant s'établir recevaient l'appui de nos institutions financières, ce serait un immense progrès.

Je sais qu'on utilise toutes sortes de termes. Une banque a récemment annoncé la création d'un fonds de capital de risque de 300 millions de dollars pour favoriser le développement d'idées innovatrices et d'entreprises. Trois cents millions de dollars. Cette banque a affiché des bénéfices de près d'un milliard de dollars l'an dernier. Les trois cents millions ne représentent même pas le tiers de ses bénéfices. Ce n'est pas là une bien grande concession de la part de l'institution en cause.

Nous devons aller beaucoup plus loin, et je crois que nous pouvons le faire. Si les institutions financières s'inquiétaient autant de la création de petites entreprises et de l'aide aux industries de haute technologie que du lobbying auprès des députés, l'économie canadienne s'en porterait mieux. Les Canadiens commenceraient à faire ce que nous avons imaginé et ce que les banques nous ont souvent empêché de faire.

Quand verrons-nous, de la part des institutions financières, le genre de coopération dont ont fait preuve les diverses parties qui se sont présentées devant le comité? Les membres du comité ne se sont sûrement pas les seuls à avoir de l'imagination. Les institutions financières peuvent sûrement aussi faire preuve d'imagination en disant: «Si 85 p. 100 des emplois sont créés par la petite entreprise, nous devrions prendre part au jeu. Nous ferons alors encore plus de bénéfices que maintenant.» Parfois, les institutions financières ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Cela me laisse pantois.

D'autre part, il faut admettre que les banques ont bien accepté de faire quelque chose. En effet, elles ont promis de fournir au comité des données trimestrielles pour lui permettre de comparer leur rendement d'un trimestre à l'autre. C'est merveilleux. Si cela les fait avancer d'un pouce de plus pour que nous puissions favoriser la croissance des petites entreprises, alors les efforts de notre comité auront été récompensés.

Le comité a montré que cela peut se faire. Les amendements au projet de loi prouvent que les parties peuvent collaborer. Les réformistes appuient le projet de loi. Cependant, je tiens à dire clairement que cela ne veut pas dire que nous approuvons l'idée de subventionner les petites entreprises, que ce soit par l'intermédiaire des banques ou autrement. Cela étant dit, nous allons voter en faveur de ce projet de loi pour les raisons que j'ai mentionnées.

[Français]

Le vice-président: Chers collègues, conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la motion est réputée avoir été mise aux voix et adoptée.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

Conformément au même ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton.

______________________________________________


17613

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS RECUEILLIS PAR CERTAINES PERSONNES MORALES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 30 novembre, de la motion: Que le projet de loi C-315, Loi visant à compléter la législation canadienne en matière de protection des renseignements personnels recueillis par certaines personnes morales, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, le projet de loi C-315, présenté par le député de Cariboo-Chilcotin, propose d'améliorer la protection de la vie privée des individus relativement aux renseignements personnels recueillis par les personnes morales. Je me demande pourquoi il s'intéresse à cette question. La protection de la vie privée est-elle importante?

À mesure que notre société évolue, il y a de nouvelles technologies à notre disposition. Je veux parler de deux de ces nouvelles technologies. Une de ces technologies que je favorise est la carte à puce. Une carte à puce peut contenir beaucoup de renseignements codés qui empêcheraient les abus contre notre système de santé. La


17614

plupart des Canadiens aimeraient que nous mettions fin à ces abus. Les patients se présenteraient chez leur médecin avec cette carte sur laquelle leur dossier médical serait encodé, ce qui permettrait d'éviter les doubles diagnostics et les tests faits en double, d'où d'importantes économies d'argent. La carte à puce aurait certainement d'excellentes applications dans notre système de santé.

(1910)

Poussons l'idée un peu plus loin. J'ai vu des gens se servir de cartes à débit automatique dans les épiceries. J'ai entendu dire qu'il serait possible de miniaturiser ces cartes, qui pourraient contenir beaucoup de renseignements personnels, et de les implanter sous la peau. Avec le lecteur nécessaire et un code secret, on pourrait alors payer ses comptes avec cette carte.

J'ai aussi entendu dire qu'une puce implantée sous la peau permettrait de savoir en tout temps où se trouve quelqu'un grâce à un système de localisation par satellite. Les gens ayant cet implant ne pourraient jamais se perdre. Peut-être est-ce là l'application ultime de la carte à puce pour ceux d'entre nous qui sont trop bêtes pour savoir où ils se trouvent.

Les nouvelles applications informatiques ont-elles des répercussions sur notre vie privée? Les gens connaissent-ils ces applications et les trouvent-ils inquiétantes? Je crois qu'elles le sont. Je peux donner deux exemples récents. L'Ontario a présenté un projet de loi omnibus dont un élément porte sur les renseignements personnels. Apparemment, le but des nouvelles mesures serait de rendre ces renseignements plus facilement accessibles aux législateurs. Cela a soulevé un tollé.

Le projet de loi C-7, qui a aussi été adopté récemment par la Chambre, comportait des éléments importants qui concernaient la vie privée. Il a soulevé des inquiétudes très publiques au sujet des renseignements rendus accessibles. Je crois que ce projet de loi comporte des éléments d'intérêt public et l'intérêt qu'on y porte est raisonnable.

Quand va-t-on trop loin dans le cas de renseignements qui ne devraient pas devenir publics? C'est la question que je me pose. Quand va-t-on trop loin?

Je tiens également à dire, en retour, qu'il arrive que certains renseignements ne soient pas communiqués au public alors qu'ils devraient l'être. Je prends deux exemples.

Il y a en face d'une école primaire, dans ma circonscription, une maison appelée la maison de la drogue. Les enseignants affirment qu'on y vend de la drogue. Ils surveillent ce qui s'y passe de puis huit ans.

J'ai rencontré des agents de la GRC, le maire et des activistes de la communauté pour voir ce qu'on pouvait faire au sujet de cette maison. Apparemment, des individus y entrent et en repartent aussitôt qu'ils ont effectué leur transaction de drogue. Les services de police, le directeur de l'école et la GRC sont au courant de la situation. On pourrait sûrement mettre fin à cette activité. Ce genre d'établissement en face d'une école primaire n'est pas très souhaitable. En outre, une école secondaire de premier cycle se trouve à peu de distance de là.

Les agents de la GRC m'ont dit qu'ils avaient les mains liées. Je leur ai répondu qu'ils pouvaient certainement s'adresser au juge de paix et lui dire qu'ils ont des motifs raisonnables de soupçonner l'existence d'activités illégales dans cette maison et d'y effectuer une perquisition. Ils m'ont répondu qu'ils violeraient les droits de l'occupant de la maison s'ils agissaient de la sorte. J'ai rétorqué que les droits des enfants de l'école primaire prévaudraient certainement, mais les agents m'ont dit que ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent et que notre système judiciaire reconnaît des droits égaux à tout le monde, aussi bien les occupants de la maison que les enfants. J'ai été stupéfait. Je ne suis pas d'accord avec ce principe.

(1915)

J'ai un autre exemple. Un violeur viole une jeune femme, est pris et condamné à la prison. Dans sa grande sagesse, la jeune femme se demande si le violeur lui a transmis une maladie. Elle dit au tribunal qu'elle souhaite que le violeur subisse un test sanguin parce qu'elle a peur d'avoir contracté le SIDA. Le violeur répond: «Pas question! Mon droit à la protection des renseignements personnels interdit que vous me touchiez.»

Un instant. Si les droits de la victime sont incompatibles avec ceux du criminel, comme dans ce cas-ci, elle a tout de même besoin de savoir et pour de bonnes raisons. Qui devrait avoir la priorité? Les droits de la victime devraient l'emporter sur ceux du criminel.

Quand je pose cette question à des élèves du niveau secondaire, vous devriez voir à quel point ils sont bouleversés. Je défie les députés d'en face de demander à des élèves du secondaire qui devrait avoir la priorité, du violeur et de sa victime. Ils s'empresseront de répondre.

C'est le revers de la médaille du droit à la protection des renseignements personnels, la Charte des droits et libertés. Aujourd'hui, on ne parle pas de responsabilités et on compare ces deux types de droits. Il faut un rajustement quelque part.

On a parlé tout à l'heure des banques. Les banques possèdent des renseignements qui sont très personnels. Elles veulent maintenant se lancer dans l'assurance. On a fait pas mal de lobbying à ce sujet. Elles ont le monopole des intérêts bancaires et veulent maintenant se tailler une place sur le marché de l'assurance. Comme les réformistes défendent la libre entreprise, pourquoi devraient-ils s'inquiéter de l'ingérence des banques dans le monde de l'assurance?

Si elles ont l'intention d'intervenir dans les entreprises d'assurance, elles feraient mieux d'être prêtes à abandonner le monopole qu'elles ont dans d'autres secteurs. Elles feraient mieux de laisser entrer les compagnies d'assurance. Elles feraient mieux de permettre aux compagnies d'assurance d'avoir accès à Interac. Elles feraient mieux de permettre aux compagnies d'assurance d'avoir accès aux renseignements sur les comptes de particuliers, pour savoir où ils dépensent leur argent, comment ils le dépensent. C'est un avantage commercial très déloyal si elles font concurrence aux compagnies d'assurance privées.


17615

Pour ce qui est de la question de la protection de renseignements personnels, il faut faire très attention dans le cas des banques. Le projet de loi C-315 proposé par le député de Cariboo-Chilcotin est nécessaire. Il faut examiner la question de la protection des renseignements personnels en regard de l'ère électronique dans laquelle nous vivons. Je voudrais qu'on examine cette question très soigneusement.

Je suppose que le gouvernement devrait introduire son propre projet de loi qui aurait sa sanction. Le député de Cariboo-Chilcotin risque d'être quelque peu déçu que son projet de loi soit rejeté, mais il se rendra probablement compte que des changements sont nécessaires. Je suivrai la situation de près afin de voir s'ils sont apportés.

M. Boudria: Monsieur le Président, vous constaterez qu'il y a unanimité pour proposer la motion suivante. Je propose:

Que dans l'éventualité où un vote par appel nominal serait demandé, ce vote soit différé jusqu'au 13 décembre 1995, à 17h15.
Le vice-président: Les députés ont entendu la demande du député et la motion. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat d'aujourd'hui sur le projet de loi C-315. Je tiens à souligner l'initiative du député de Cariboo-Chilcotin soucieux d'assurer la protection des renseignements personnels touchant les citoyens canadiens. Néanmoins, je relève plusieurs lacunes dans ce projet de loi. Il s'ensuit que je n'appuierai pas cette mesure législative.

La protection des renseignements personnels est sans doute quelque chose de fondamental dans notre société technologique. Mais il faut se garder de confondre le grand enjeu qu'est la protection des renseignements personnels, un thème que nous sommes heureux de voir débattre à la Chambre à l'occasion de l'étude de ce projet de loi, avec le contenu du projet de loi C-315. Même s'il vise à protéger les renseignements personnels dans le cas de vente de listes de compagnies, il n'atteindra pas les résultats escomptés parce que sa portée est trop étroite.

(1920)

Je rappelle brièvement le contenu du projet de loi. Il vise à empêcher la vente de listes de compagnies sans le consentement des personnes dont les noms y figurent. Avant de vendre une liste contenant les noms de citoyens et des renseignements personnels les concernant, une entreprise fédérale doit envoyer un avis à l'intéressé pour obtenir son consentement à la vente.

L'entreprise doit s'assurer qu'elle a bien reçu le consentement de l'intéressé et non pas une demande pour faire retirer son nom de la liste. Dans le cas contraire, elle a dix jours pour rayer le nom ou les renseignements personnels en question.

Une entreprise qui achète une telle liste doit également envoyer un avis à la personne pour l'informer de la présence de son nom sur la liste, de la provenance de celle-ci et de la possibilité qu'elle a de faire rayer de la liste son nom ou les renseignements la concernant. Les demandes de retrait de noms ou de données doivent être traitées dans les dix jours qui suivent leur réception et les entreprises doivent faire parvenir par écrit une confirmation du retrait à la personne qui l'a demandé.

Quiconque contrevient à la loi encourt, en cas de première infraction, une amende maximale de 5 000 $ et, en cas de récidive, une amende maximale de 10 000 $.

[Français]

Je n'appuie pas l'adoption du projet de loi C-315, parce que j'estime que celui-ci comporte plusieurs lacunes. La définition de «renseignements personnels» n'est pas exhaustive et ne respecte pas les normes actuelles des lois fédérales et provinciales connexes. Les listes de marketing ne sont pas vendues, elles sont louées. Dans sa forme actuelle, ce projet de loi ne toucherait pas les pratiques commerciales courantes.

Il serait incompatible avec la Loi québécoise sur la protection des renseignements personnels qui comprend un article soigneusement rédigé au sujet de l'utilisation des listes nominatives. Il ne s'applique qu'à un groupe restreint de sociétés assujetties à la réglementation fédérale. Il n'empêcherait pas la vaste majorité des ventes de listes et ne toucherait qu'à une fraction de la question de la protection des données personnelles, ce qui donnerait aux consommateurs une fausse impression de sécurité.

Le fardeau imposé aux entreprises serait prohibitif et les consommateurs percevraient les avis de consentement comme une autre vague de publicité inopportune.

Le gouvernement envisage la protection des renseignements personnels de différents points de vue. Les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par ce que deviendront leurs renseignements personnels dans le monde «réseauté» de l'autoroute de l'information. Ils veulent que le gouvernement réagisse et qu'il légifère.

Les entreprises canadiennes veulent aller de l'avant dans le monde du commerce électronique où la bureaucratie et la paperasserie peuvent être réduites, où ils peuvent créer des liens plus étroits avec leurs clients et leurs partenaires d'affaires et où les formalités administratives peuvent être simplifiées et informatisées.

S'il doit exister des règles sur l'utilisation et la protection des renseignements personnels, les entreprises veulent que ces règles soient cohérentes et prévisibles.

[Traduction]

Dans son rapport final, le Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information présente un certain nombre de recommandations et demande notamment au gouvernement fédéral de déposer une loi-cadre souple sur le modèle du code type de protection de la vie privée de l'Association canadienne de normalisation. Ce code type a été mis au point par un comité composé de représentants des consommateurs, d'intervenants industriels clés comme les banques, les entreprises de télécommunication et la Direct Marketing Association, et de représentants des gouvernements fédéral et provinciaux. C'est là une base solide sur laquelle on peut s'appuyer lorsqu'il est question de protection de la vie privée.

Nous sommes à examiner ces recommandations dans l'intention de prendre des mesures et de présenter une façon vraiment complète


17616

d'aborder le problème. Le ministre de l'Industrie va faire une annonce concernant la protection des renseignements personnels dans le contexte de la réponse du gouvernement au rapport du Conseil consultation sur l'autoroute de l'information.

J'approuve l'esprit du projet de loi C-315, mais, comme le montrent clairement les points que j'ai exposés, sa portée est trop restreinte et il ne saurait être aussi efficace que le souhaite le député.

(1925)

M. Paul Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, je remercie le député de Caribou-Chilcotin d'avoir présenté son projet de loi d'initiative parlementaire, le C-315.

Le projet de loi va protéger les renseignements personnels recueillis par certaines personnes morales. Il arrive souvent que ma boîte aux lettres, à la maison, soit littéralement pleine de publicité importune prétendument personnalisée. Nous en recevons tous et, pour la plupart, à notre corps défendant. La plupart du temps, on nous demande de l'argent pour une organisation obscure ou on nous vante un produit qui, nous le savons, n'est pas tout à fait comme le montre la photo.

Ce courrier va directement à la poubelle, comme il se doit. Toutefois, qu'est-ce que je jette au juste à ce moment-là? S'agit-il simplement d'une lettre ou d'un avis d'une organisation qui a obtenu mon nom et mon adresse dans l'annuaire téléphonique? Il y a fort à parier qu'elle ne les a pas obtenus dans l'annuaire téléphonique, mais d'une société qui a mes coordonnées inscrites sur une liste informatique et qui les a probablement vendues avec une liste d'envoi à des groupes qui m'ont ciblé et qui s'intéressent à moi personnellement, dans le cadre de leur programme de commercialisation.

Quels renseignements personnels pourraient-ils avoir sur moi? Une foule de renseignements qui peuvent avoir été recueillis à partir de plusieurs sources différentes. Il peut s'agir de l'adresse de ma résidence ou de mon entreprise, de mes numéros de téléphone confidentiels, de mes caractéristiques physiques, de renseignements sur ma santé, ma scolarité, mon emploi, ma situation financière, mon numéro d'assurance sociale, les magazines que je lis ou même mon appartenance à un parti politique.

La cote de solvabilité et les renseignements connexes qui concernent chaque Canadien à qui l'on fait crédit sont emmagasinés dans des ordinateurs américains et sont classés sous son numéro d'assurance sociale du Canada.

Les députés devraient se rappeler ce que le gouvernement a dit à la Chambre le jour où le numéro d'assurance sociale a été adopté dans notre pays. Le gouvernement de l'époque nous a induits en erreur. Comme le signalent maintenant couramment les observateurs, on a menti aux Canadiens sur la portée, l'utilisation et les répercussions du numéro d'assurance sociale. Nous ne pouvons toutefois pas changer l'histoire. Nous pouvons cependant nous rappeler quel groupe a trahi la confiance des Canadiens dans ce dossier. Il s'agissait des libéraux.

Le débat sur le numéro d'assurance sociale qui a eu lieu à la Chambre et les promesses solennelles qui ont alors été faites et qui contrastent de manière flagrante avec la situation actuelle sont de l'histoire ancienne. Sommes-nous plus avisés à l'ère de la technologie? Les libéraux le sont-ils davantage? Voilà pourquoi nous avons besoin d'une protection accrue dans ce domaine général. Ce projet de loi d'initiative parlementaire est un outil de sensibilisation utile.

Ceux qui s'y opposent pourraient dire qu'il n'y a rien de grave à diffuser de tels renseignements. Je veux donner quelques exemples qui me portent à croire que les conséquences sont assez graves. Dans un récent article du Globe and Mail, on raconte qu'une entreprise informatique a fait parvenir des échantillons gratuits de son logiciel de navigation sur Internet à quatre millions de personnes. Cependant, lorsqu'on l'utilisait, le logiciel composait automatiquement le numéro de la page d'entrée de l'entreprise et compilait des données sur les utilisateurs sans leur permission, par exemple leur adresse Internet, le genre de logiciel employé sur leur ordinateur et quoi encore.

Il existe de véritables petits génies de l'informatique. Ils peuvent déchiffrer des codes et avoir accès aux renseignements secrets du gouvernement. S'ils peuvent réaliser facilement ce genre d'exploit, qui sait toutes les informations qu'ils peuvent recueillir sur mon compte, sans ma permission et tout en demeurant dans la plus stricte légalité.

Ceci m'inquiète et je suis convaincu que lorsque plus de Canadiens seront mis au courant de cette possibilité, ils seront inquiets aussi.

Le réseau Internet est entièrement nouveau pour la plupart des députés en cette Chambre, très certainement. La technologie informatique semble évoluer d'heure en heure, beaucoup trop rapidement pour que je puisse suivre. L'année dernière, j'ai acheté un nouvel ordinateur portable, à la fine pointe de la technologie pour l'époque. Une semaine plus tard, un nouveau modèle plus perfectionné était offert sur le marché. Il en va de même pour Internet. Chaque jour, quelqu'un découvre une nouvelle façon d'avoir accès aux renseignements des autres utilisateurs.

Le contrôle de l'accès à Internet est un problème qui demeure entier. Le nombre d'utilisateurs augmente quotidiennement et les inquiétudes aussi. Des gens m'ont fait part de leurs craintes et je crois donc qu'il faut agir. Nous ne pouvons simplement attendre et ne rien faire car nous serons bientôt dépassés par la technologie et il deviendra impossible de mettre en place quelque mesure de protection que ce soit.

L'ordinateur est un moyen parmi d'autres d'obtenir des renseignements confidentiels. J'ai entendu parler, par exemple, d'un employé d'hôpital qui fournissait, sur disquette, à une maison funéraire le noms des malades en phase terminale. Il n'existe aucune règle précise en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. Il en découle un manque très clair de sécurité personnelle.

Le plus gros problème que posent des lois provinciales parallèles sur la protection de la vie privée, c'est qu'elles ne visent absolument pas les institutions réglementées au niveau fédéral. Le projet de loi C-315 touche toutes les entreprises au sens de l'article 2 du Code


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canadien du travail, comme les compagnies aériennes, les stations de radio peut-être ou les banques ou toute autre entreprise relevant du Code canadien du travail.

Aujourd'hui, je me suis arrêté à la Banque de Montréal et j'ai ramassé une demande de carte MasterCard «Air miles», afin de vérifier les conditions exigées. Au bas de la demande, il y a une clause en petits caractères qu'on devrait lire avant de signer.

(1930)

On y dit ce qui suit:

En signant la présente, je reconnais avoir reçu avis par écrit et avoir autorisé la banque à obtenir, en tout temps, tout renseignement sur moi d'une agence d'évaluation du crédit, de mon employeur ou de toute autre personne en ce qui concerne les relations entre moi et la banque ou celles que nous souhaiterions établir, ou à échanger de tels renseignements.
C'est incroyable. Cette clause autorise l'institution financière à échanger des renseignements personnels sur moi, ce qui revient à dire que d'autres entreprises pourraient savoir ce que j'ai acheté lors de mon dernier voyage. Si une transaction porte un nom ou un numéro, elle est dans l'ordinateur. On ne précise pas dans cette clause le type de renseignements qu'on peut échanger. Il est simplement question de n'importe quel type de renseignements. Pour obtenir une carte de crédit, il faut généralement signer la formule de demande et l'envoyer. Il n'y a pas à sortir de là. En d'autres termes, nous sommes dans l'impasse face aux banques. Il faut une carte de crédit pour évoluer dans le monde des affaires, mais le prix à payer, c'est l'absence de protection des renseignements personnels. Tout cela doit évidemment changer.

Cependant, les banques s'opposent à toute modification imposée par le gouvernement fédéral, pour des raisons évidentes. Elles ont leur propre code de protection des renseignements personnels. Linda Routledge, directrice de la consommation pour l'Association des banquiers canadiens, a déclaré:

Le code de protection volontaire de l'Association est déjà utilisé par les banques comme base pour garder rigoureusement les renseignements personnels.
Les banques demandent pourquoi réglementer. Nous avons un code qui fonctionne à merveille. Le problème, c'est qu'à cause de ce code, les recours juridiques ne sont pas à la portée de tous les consommateurs. Les banques jouissent d'un vaste pouvoir et, de toute évidence, elles feront tout leur possible pour empêcher le fédéral d'imposer des règlements.

Les Canadiens devraient avoir le droit de contrôler l'utilisation de leurs renseignements personnels. Je sais que j'ai l'appui de mes électeurs à cet égard. Bien sûr, certains se moquent éperdument que l'on connaisse leur identité, leur salaire, le nom de leurs créanciers ou le montant de leurs dettes. Mais je crois que la majorité des Canadiens apprécient peu que ces renseignements circulent librement. Il semble que toute une vie puisse être enregistrée sur une puce qui permet de confirmer qui nous sommes. Nous devons cela à l'ordinateur. Au cinéma, un film porte justement sur une situation où des renseignements personnels tombent entre les mains de vilains qui s'en servent à mauvais escient.

Le projet de loi parrainé par mon collègue pourrait constituer une excellente base. Il faut absolument que cette mesure franchisse l'étape de la deuxième lecture et soit renvoyée au comité. Les députés qui ont des réserves à l'égard du projet de loi auront la possibilité de le modifier en comité. Nous savons que les projets de loi ne sont pas toujours parfaits. C'est la raison pour laquelle nous avons des comités dans cet endroit, pour améliorer les mesures législatives et pour les passer au peigne fin.

Mon collègue de Cariboo-Chicotin a fait ses recherches et nous offre un bon projet de loi. Comme mes collègues qui ont pris la parole avant moi, j'appuie ce projet de loi et j'exhorte mes amis d'en face à en faire autant, si non pour eux-mêmes, du moins pour la sécurité personnelle de la collectivité qui nous a envoyés ici pour la représenter.

M. Jerry Pickard (Essex-Kent, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député d'avoir attiré l'attention de la Chambre sur ce dossier. Même si, pour le moment, je ne suis pas en mesure d'appuyer son initiative, la protection des renseignements personnels est une question qui touche tous les Canadiens et qui mérite une approche globale.

Le projet de loi du député ne va pas assez loin pour protéger les Canadiens contre le genre d'invasion de leur vie privée dont ils se plaignent. Bien que partageant les préoccupations exprimées par le Parti réformiste en ce qui concerne l'exploitation des renseignements personnels dans le cadre du marketing direct, j'estime que si le Parlement intervient avec une nouvelle mesure législative, il doit le faire de façon à régler le problème plus large que pose les pratiques concernant l'utilisation des renseignements personnels.

Voici quelques changements qui me semblent nécessaires. Le projet de loi ne s'applique qu'aux personnes morales. Les entreprises qui s'adonnent à ce genre de pratiques sont souvent des particuliers travaillant seuls ou en association avec quelques partenaires et ne tomberaient donc pas sous le coup de cette mesure législative. Cela s'applique seulement à un groupe limité de sociétés dont les activités sont réglementées par le gouvernement fédéral. Cela comprend le secteur des banques, des télécommunications et de la radiodiffusion, mais pas les petits entrepreneurs. Les consommateurs veulent une protection semblable dans toute une gamme de secteurs de compétence provinciale et fédérale. Ils ne veulent pas savoir qui est responsable.

Ce projet de loi ne ressemble à rien qui existe déjà dans les provinces. Il ne nous donne aucun modèle de base à suggérer aux provinces et viendrait simplement s'ajouter à toutes les autres mesures disparates en matière de protection de la vie privée. Il ne fait rien pour régler le problème des entreprises qui s'installent en dehors de notre secteur de compétence, par exemple aux États-Unis. Les technologies évoluent rapidement ces temps-ci, et l'information est recueillie et transmise de bien des façons nouvelles et différentes.

(1935)

Ce projet de loi traite uniquement de la question des noms de personnes qui figurent sur des listes, ou des listes nominatives


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comme on les appelle dans la législation québécoise sur la protection de la vie privée qui couvre le secteur privé. Avec l'évolution quotidienne des systèmes de gestion de l'information, il sera peut-être bientôt dépassé de parler de listes.

L'information voyage partout et peut maintenant être recueillie automatiquement. Il n'est plus nécessaire de remettre un bande informatique à quelqu'un pour lui transmettre des renseignements. On peut simplement configurer son ordinateur pour faire les liens requis.

Lorsque l'on parle de protection des renseignements personnels, on veut parler de l'utilisation de ces renseignements dans le sens le plus large possible. Les règles que nous élaborons devraient toucher tous les secteurs de l'économie, et pas seulement le marketing direct. Les renseignements personnels sont précieux dans presque tous les secteurs, allant des banques aux soins de santé, en passant par les télécommunications.

Pour chacun des secteurs, il faut établir des règles conçues en fonction des besoins spéciaux du secteur. Au lieu de travailler sur ce projet de loi, nous devrions appuyer les travaux qu'effectue depuis plusieurs années l'Association canadienne de normalisation, l'ACNOR. En septembre de cette année, un comité de consensus a adopté un code type en matière de protection de la vie privée après trois années de travaux auxquels ont participé des représentants de l'industrie et des consommateurs ainsi que des fonctionnaires fédéraux et provinciaux.

Ce code modèle repose sur le concept que tous les secteurs appliqueraient cette série de pratiques justes en matière d'information à leurs propres fonds de renseignements. Ils seraient responsables de l'utilisation qu'ils font des renseignements personnels, mais pourraient aussi contribuer à l'élaboration et au perfectionnement du processus.

Le Conseil canadien des normes publiera prochainement ce code de pratiques justes en matière d'information comme norme nationale pour le Canada. C'est la première fois qu'un pays industrialisé se penche sur la question de la protection des données. C'est également la première fois que la protection des renseignements personnels fait l'objet d'une étude en vue de l'élaboration de normes et cela me semble une démarche fort utile en cette ère de l'information.

Le code de protection des renseignements personnels de l'ACNOR a reçu l'appui d'un large éventail d'organismes du secteur privé, notamment de l'Association canadienne du marketing direct. Le 3 octobre dernier, le président de cette association a demandé au ministre de l'Industrie de présenter à la Chambre un projet de loi fondé sur la norme de l'ACNOR. Il a aussi exhorté le gouvernement fédéral à encourager les provinces à en faire autant dans leur sphère de compétence.

La majeure partie des renseignements qui préoccupent le plus les Canadiens sont les renseignements sur lesquels les provinces ont directement un droit de regard. Par exemple, les dossiers médicaux et scolaires relèvent des provinces. La semaine dernière, le commissaire à la protection de la vie privée de l'Ontario a adressé à la ministre de la Santé une lettre dans laquelle il se disait vivement préoccupé par les dispositions du projet de loi omnibus 26, dont l'assemblée législative de l'Ontario est actuellement saisie. Ce projet de loi permettrait d'ouvrir des dossiers médicaux privés et dégagerait les fonctionnaires de la responsabilité de leur divulgation.

Comme le commissaire l'a souligné dans sa lettre, lorsque 92 p. 100 des Canadiens se disent préoccupés par l'usage abusif de leurs renseignements personnels, ce sont le genre de renseignements qui les préoccupent le plus. Malheureusement, ces renseignements ne sont pas tous protégés par la loi. Nous, le gouvernement fédéral, devons faire notre part pour protéger les renseignements personnels des Canadiens, mais nous devons également amorcer une discussion beaucoup plus vaste avec les provinces sur cette question. Comme le député du Bloc l'a souligné, seul le Québec a agi pour protéger les renseignements personnels que détient le secteur privé.

Les Canadiens méritent et veulent une plus grande protection de leurs renseignements personnels que celle qu'offre ce projet de loi. Je crois savoir que la question est étudiée par les ministères de l'Industrie et de la Justice, en vue de trouver des solutions qui permettront de protéger les renseignements personnels dans tous les secteurs de l'économie, partout au Canada.

(1940)

C'est un sujet assez vaste et complexe. L'utilisation de renseignements personnels et de dossiers sur les consommateurs à des fins de marketing se fait de plus en plus dans pratiquement tous les secteurs de l'économie. La protection de la vie privée constitue un élément capital du monde réseauté vers lequel nous nous dirigeons.

Le ministre de l'Industrie a créé un conseil consultatif de l'autoroute de l'information pour le conseiller sur le moyen de tirer le maximum des nouvelles possibilités des réseaux de communication. Ce comité a mis l'accent sur la question et Industrie Canada a produit des études. Le conseil a consulté des spécialistes et a formulé des recommandations sur la protection de la vie privée.

Le gouvernement devrait prendre des mesures pour garantir la protection de la vie privée sur l'inforoute. Cette protection devrait tenir compte de tous les principes des pratiques d'information justes contenues dans l'ébauche de code sur la protection des renseignements personnels produite par l'Association canadienne de normalisation. Le gouvernement devrait continuer de participer aux travaux d'élaboration de normes volontaires nationales efficaces basées sur cette ébauche de code.

Le gouvernement fédéral devrait donner l'exemple dans l'application des principes en prenant certaines mesures.

En collaboration avec d'autres paliers de gouvernement qui partagent la responsabilité de différents secteurs d'activité sur l'inforoute, il devrait créer un groupe de travail fédéral-provincial-territorial pour mettre en oeuvre les principes applicables à la protection de la vie privée d'un bout à l'autre du Canada.

Il devrait établir un cadre législatif souple applicable autant au secteur public qu'au secteur privé pour protéger les renseignements personnels sur l'inforoute. Le projet de loi obligerait les secteurs ou les organismes à répondre à la norme du code modèle de l'ACNOR


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tout en leur laissant une certaine latitude pour déterminer comment ils raffineront leurs codes.

En coopération avec le groupe de travail de l'ACNOR sur la protection des renseignements personnels et avec d'autres parties intéressées, le gouvernement devrait étudier le développement d'une vue d'ensemble conséquente et de mécanismes d'application.

Le gouvernement devrait établir un groupe de travail pour coordonner le développement, la démonstration et la mise en oeuvre de technologies favorisant la protection des renseignements personnels quand il s'agit pour lui de fournir des services et de l'information.

Le gouvernement devrait mettre à jour et harmoniser les politiques, lois et lignes directrices en matière de protection des renseignements personnels applicables à ses activités et à la prestation de services et d'information de sa part.

Le ministère de l'Industrie devrait établir un groupe de travail. . .

Le vice-président: Je me permets de faire remarquer au député de Lincoln qu'il ne nous reste plus que dix minutes. Il voudra peut-être partager son temps de parole avec un de ses collègues.

M. Tony Valeri (Lincoln, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler de la question de la protection des renseignements personnels. C'est une question à laquelle nous sommes confrontés chaque fois que nous ouvrons un journal ou la télévision. Il est tout à fait indiqué de revoir nos lois à ce sujet.

Quand nous avons présenté la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels en 1982, il avait été décidé de nous occuper d'abord de la question des renseignements personnels que détient le gouvernement; c'est pourquoi cette loi ne s'appliquait qu'aux organismes fédéraux. Lorsque les provinces ont adopté leur propre loi à cet égard, elles ont fait la même chose.

Le temps est maintenant venu de réexaminer la question. Le travail progresse bien. Lorsque mon collègue, le ministre de l'Industrie, a institué le conseil consultatif sur l'autoroute de l'information pour le conseiller, il a précisé que la protection des renseignements personnels devait constituer l'un des quatre principes directeurs. Le conseil a été établi pour conseiller le ministre sur la façon dont le Canada devrait s'y prendre pour relever les défis et saisir les débouchés qui nous attendent dans le cadre des réseaux mondiaux de l'avenir.

Industrie Canada a publié un document de travail afin de sonder l'opinion publique et de savoir ce que veulent les Canadiens et les entreprises canadiennes. La réponse a été écrasante. On reconnaît le problème. Cependant, les consommateurs et l'industrie n'étaient pas nécessairement d'accord sur la solution. Les entreprises sont en faveur de codes volontaires, soulignant le bon travail accompli dans le cas du code modèle de protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation, alors que les consommateurs demandent au gouvernement d'agir et de légiférer.

Le Conseil consultatif de l'autoroute de l'information a combiné les résultats de cette enquête et recommandé une loi-cadre fondée sur la norme de l'ACNOR. L'Association canadienne de marketing direct a joint sa voix au débat, demandant au ministre de l'Industrie de déposer une loi-cadre fondée sur la norme de l'ACNOR et demandant aux provinces d'en faire autant.

(1945)

Cette position de compromis flexible est bon pour les entreprises et pour les consommateurs. Les entreprises et les consommateurs veulent participer à l'élaboration des règles du marché. Nous devrions en tenir compte et travailler sur la base du consensus qui a été établi autour du code modèle de protection des renseignements personnels de l'ACNOR qui sera bientôt publié comme la norme nationale par le Conseil canadien des normes.

Aussi bonnes soient ses intentions, le projet de loi C-315 n'a rien à voir avec une loi-cadre. Je crains que ce ne soit pas ce dont nous avons besoin. Toutefois, le débat que nous avons tenu à la Chambre, grâce au député réformiste qui a proposé ce projet de loi et l'a si bien défendu, a été très utile, car il nous a donné un aperçu de ce qui sera une question fort importante et complexe lorsqu'elle sera abordée à la Chambre.

Je recommande d'exhorter le ministre à nous faire rapport des progrès effectués dans ce domaine. J'attends avec impatience ses comptes rendus et l'occasion de garantir aux Canadiens la protection généralisée des renseignements personnels à laquelle ils s'attendent de la part du gouvernement.

Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je profite des quelques minutes qu'il reste à ce débat pour féliciter le député de Cariboo-Chilcotin d'avoir présenté le projet de loi C-315, une initiative parlementaire.

Je regrette, mais il m'est impossible d'appuyer ce projet de loi qui aborde une question importante, mais de façon trop étroite. Si nous devions renvoyer ce projet de loi à un comité pour tenter de le corriger, nous perdrions un temps précieux à réorienter une initiative qui n'apaise pas les craintes des Canadiens en ce qui concerne la protection de leur vie privée.

Chaque fois que nous ouvrons le journal, nous pouvons lire un autre article sur l'utilisation excessive des renseignements personnels et sur les nouvelles technologies qui portent atteinte à notre vie privée et qui permettent à leur utilisateur de surveiller nos moindres gestes.

Dans un article paru le 20 septembre dernier dans le Sun d'Ottawa, le président de Microsoft lui-même, M. Bill Gates, insistait sur la nécessité que le gouvernement agisse et légifère pour protéger les renseignements personnels contre les nouvelles technologies. Il a utilisé l'exemple des programmes de logiciel qui remplaceraient les agents de voyage et surveilleraient les goûts et préférences des clients pour fournir le meilleur service possible.

Je félicite le député d'avoir porté la question de la protection des renseignements personnels à l'attention du Parlement, mais je crois cependant que nous devrions suivre l'avis de M. Gates et entamer un débat à tête reposée qui nous permettrait d'élaborer des politiques éclairées. Nous ne devrions pas adopter ce projet de loi, mais améliorer ce qui existe déjà chez nous. Le Canada a déjà adopté, entre autres, la première loi de protection des données dans le

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secteur privé en Amérique du Nord. Je fais ici référence au projet de loi 68 adopté par la province de Québec.

Nous devons adopter une approche beaucoup plus globale au sujet de ces questions. Le gouvernement actuel a déjà entrepris le travail de base nécessaire pour assurer une meilleure protection des renseignements personnels.

J'invite mon collègue à tenir compte de ce qui ce fait actuellement. Il est important de tenir compte du mordant qu'il faut donner aux projets de loi dont la Chambre sera saisie, déterminer qui sera responsable de recueillir les plaintes et d'y donner suite et quelles ressources seront mises à la disposition des autorités responsables. Ce projet de loi est valable dans la mesure où il met l'accent sur la question fondamentale du consentement libre et éclairé de la personne comme élément clé de la protection des renseignements personnels, mais il reste à voir comment tout cela fonctionnerait pour d'autres genres de renseignements et d'autres types d'entreprises.

Je félicite le député. Il est peu fréquent que l'industrie elle-même demande l'adoption d'une loi, mais elle vient de demander au ministre compétent d'examiner certains aspects de la question.

Le vice-président: Le député a deux ou trois minutes pour conclure.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de pouvoir le faire. Je veux d'abord remercier les députés qui ont pris part au débat sur mon initiative parlementaire concernant la protection des renseignements personnels. Ce débat m'a appris beaucoup de choses utiles, puisque je continue à étudier cette question très importante. À la lumière du débat, je me rends compte que ce projet de loi mériterait d'être modifié sur certains points, surtout en ce qui a trait aux ventes. Il ne fait par ailleurs aucune mention des baux.

Compte tenu du cadre étroit du projet de loi C-315, je crois que, si les députés avaient fait autant de recherches que moi, ils auraient constaté qu'il est limité dans son champ d'application par les champs de compétence fédéraux et provinciaux. C'est volontairement que je me suis imposé un cadre aussi étroit, afin qu'il n'empiète pas sur les champs de compétence des provinces. Selon moi, si ce projet de loi était adopté, il pourrait constituer un précurseur et un modèle pour les provinces désireuses de présenter leurs propres mesures législatives pour la protection des renseignements personnels.

Je demande à mes collègues qui souhaitent rester justes pour les commerces de ne pas oublier non plus ce qui est juste pour les gens dont les noms et divers autres éléments d'information seront utilisés à des fins commerciales sans qu'ils le sachent, sans qu'ils y consentent et, souvent, à leur détriment-quand cela ne les met pas carrément en danger. Ça semble peut-être une lourde exigence pour une entreprise commerciale que d'avoir à demander une autorisation à chaque personne qu'elle enregistre, à tout acheteur ou vendeur ou locataire avec qui elle fait affaire. D'un autre côté, pourquoi les entreprises devraient-elles avoir le droit d'utiliser cette information simplement parce que les personnes directement concernées ne peuvent pas l'en empêcher?

En résumé, je demande à mes collègues de prendre d'abord en considération les besoins de leurs électeurs sur le plan de la protection et les leurs et d'appuyer le projet de loi C-315 à l'étape de la deuxième lecture.

[Français]

Le vice-président: Comme il est 19 h 50, conformément à nos règlements, la période réservée aux débats est expirée.

Plait-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

[Traduction]

Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté à l'unanimité ce soir, le vote est reporté à 17 h 15, demain.

______________________________________________


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MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LE CODE CRIMINEL

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, le 16 février dernier, quatre jour après la mort de Sue Rodriguez, le ministre de la Justice promettait aux Canadiens que la Chambre des communes aurait l'occasion de se prononcer librement sur l'importante question de l'éventuelle modification de l'article 241 du Code criminel.

Le ministre de la Justice avait dit qu'il allait rencontrer le leader du gouvernement à la Chambre pour voir quand un débat pourrait avoir lieu et il avait ajouté que les choses ne traîneraient pas. Il concluait en disant: «Nous trouverons une façon de tenir à la Chambre un débat significatif et non simplement des discussions purement théoriques. S'il nous faut, à cette fin, proposer une modification à la loi et tenir un vote libre, c'est exactement ce que nous ferons.»

Il avait souligné que la Cour suprême du Canada avait décidé à l'unanimité, bien qu'étant divisée sur la nature des modifications à apporter à l'article 241, que c'était une question que devaient

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trancher les représentants élus. Le 16 février, le ministre de la Justice a dit qu'il ferait en sorte que la Chambre ait l'occasion de régler ce dossier. Quelques mois plus tard, les délégués au congrès national du Parti libéral du Canada votaient massivement en faveur d'une résolution exhortant le gouvernement à permettre la tenue d'un vote libre sur la question de l'euthanasie et de l'aide au suicide par un médecin.

(1955)

En septembre de l'année dernière, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, qui répondra aujourd'hui au nom du gouvernement, a déclaré ce qui suit au cours du débat sur mon projet de loi d'initiative parlementaire ayant pour objectif de modifier le Code criminel: «Le ministre de la Justice nous a assurés que tous les parlementaires auront l'occasion d'examiner sérieusement ces questions. Je suis persuadé qu'on nous donnera l'occasion de le faire en temps opportun.»

Le 16 février de l'année dernière, le ministre de la Justice a également dit ceci: «En ce qui concerne l'urgence de la question, je suis persuadé que les médecins pourraient nous dire s'il y a un certain nombre de personnes qui sont confrontés à une maladie mortelle et qui veulent obtenir des éclaircissements.» Il avait raison à l'époque et c'est toujours vrai.

Il est tout à fait déraisonnable que, presque deux ans après avoir promis de laisser la Chambre délibérer sérieusement sur cette question et se prononcer dans le cadre d'un vote libre, le gouvernement ne soit toujours pas disposé à ce que cette décision soit prise.

M. Austin Bastable est un de ceux qui cherchent à ce qu'on modifie la loi. Il a écrit deux fois à tous les députés. Il a écrit à la fin de septembre et il l'a fait à nouveau à la fin du mois dernier, en signalant que sa qualité de vie ne cesse de se détériorer. Il ne veut pas endurer la lente mort naturelle qui l'attend.

Il signale que les soins palliatifs ne sont pas une bonne solution pour lui. Il prie la Chambre et le gouvernement de respecter l'engagement qu'on a pris de permettre un vote libre et la tenue d'un débat sur cette question fondamentale.

La députée de Vancouver-Centre a assuré elle aussi aux Canadiens et à ses propres électeurs qu'il y aurait un vote libre. J'exhorte le secrétaire parlementaire à respecter l'engagement qui a été pris par le premier ministre, par le ministre de la Justice et même par le secrétaire parlementaire lui-même pour que les Canadiens aient leur mot à dire sur cette question fondamentale de vie et de mort.

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté le député de Burnaby-Kingsway, et il n'a rien dit à quoi je trouverais à redire quant à mes paroles ou à celles du ministre de la Justice. Le ministre a toujours l'intention de permettre la tenue d'un tel débat.

Le député a demandé au ministre de la Justice de dire à la Chambre quand les députés auront l'occasion d'examiner la question de l'aide au suicide par un médecin, de même que les dispositions de l'article 241 du Code criminel.

Le député et le ministre de la Justice ont tous deux fait allusion au travail important entrepris par le Comité spécial du Sénat chargé d'étudier l'euthanasie et l'aide au suicide, qui a déposé son rapport en juin de l'an dernier. Le mandat du comité spécial chargeait le comité d'examiner, pour en faire rapport, les problèmes juridiques, sociaux et éthiques entourant l'euthanasie et l'aide au suicide.

Le rapport est long et renferme des recommandations concernant les soins palliatifs, les pratiques en matière de traitement de la douleur et de sédation, l'abstention et l'interruption de traitement de survie, les directives préalables, l'aide au suicide et l'euthanasie.

Les membres du comité se sont entendus à l'unanimité sur un certain nombre de répercussions juridiques des recommandations qui figurent dans le rapport. Cela n'a pas été le cas pour leurs recommandations concernant l'aide au suicide.

Si les sénateurs ont été unanimes à penser que le fait de conseiller le suicide, l'alinéa 241a), devrait demeurer une infraction, ils n'ont pas été unanimes au sujet de la disposition prévue dans l'alinéa 241b). Comme le ministre de la Justice l'a indiqué, ils ont eu du mal à s'entendre au sujet de quelques-unes des questions les plus fondamentales qui ont surgi au cours de l'étude du comité.

À propos notamment de l'aide au suicide, la majorité des membres du comité ont recommandé que l'alinéa 241b) du. . .

Le vice-président: La députée d'Edmonton-Est a la parole.

L'ASSURANCE-MALADIE

Mme Judy Bethel (Edmonton-Est, Lib.): Monsieur le Président, au cours des discussions que j'ai eues avec des gens d'Edmonton-Est depuis quelques mois, une question préoccupante revient de plus en plus sur le tapis: où s'en va l'assurance-maladie au Canada?

Les Canadiens apprécient à sa juste valeur le régime de santé universel. L'assurance-maladie est un des éléments fondamentaux de notre identité canadienne et de notre engagement commun envers la justice, l'équité et la compassion.

(2000)

Cependant, les Canadiens sont conscients que le système de services de santé doit s'adapter et évoluer dans le respect des principes directeurs de la Loi canadienne sur la santé. Il est inacceptable que nous consacrons 72 milliards de dollars aux services de santé sans savoir si nous affectons ces ressources aux domaines qui comptent le plus pour les Canadiens.

Les habitants d'Edmonton-Est veulent que les gouvernements, aux niveaux fédéral et provincial, collaborent pour assurer l'accessibilité aux services et leur qualité et maintenir un système qui respecte les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé: universalité, accessibilité, intégralité, transférabilité et administration publique.

Comment pouvons-nous renouveler notre système pour répondre aux besoins de manière rentable et efficace? Quelles seront les

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conséquences, si nous permettons un apport accru de fonds privés dans le système?

On craint, à Edmonton-Est, que le financement privé, concurrençant le système public, ne fasse apparaître un système à deux vitesses dans lequel l'accès et la qualité dépendront de la capacité de payer plutôt que des besoins d'ordre médical.

Pour ceux qui ont une idéologie à défendre, en Alberta, une présence plus forte du secteur privé dans le financement et la prestation des services est la solution qui permettra de contrôler les coûts et d'améliorer l'accès, mais est-ce bien vrai? Dans le monde industrialisé, les États-Unis offrent le meilleur exemple d'un système qui fait largement appel au financement du secteur privé.

Examinons de plus près ce qui se passe aux États-Unis en matière de santé. Comme il y a davantage de capitaux privés dans le système américain, les citoyens devraient avoir droit à des services de qualité supérieure. C'est évidemment un mythe. Une bonne partie des dépenses dans le domaine de la santé est absorbée par la lourde bureaucratie qui a proliféré à cause d'un système où il y a plusieurs intervenants. L'Américain moyen qui souscrit à un régime d'assurance privé paie 150 $ par an au seul titre des frais administratifs, contre 23 $ dans le cas du Canadien moyen.

Un économiste canadien spécialisé dans les soins de santé,M. Robert Evans, a ce propos succinct: «Les Canadiens prodiguent des soins. Les Américains brassent du papier.» Le régime de soins de santé américain est confronté non seulement à des frais administratifs qui montent en flèche et à une jungle bureaucratique, mais également aux iniquités qu'il recèle et à son peu d'accessibilité.

Pour les Américains de 65 ans et plus, les frais remboursables représentent 23 p. 100 du revenu du ménage. Pour les Américains dont le revenu familial est inférieur au seuil de la pauvreté, les frais remboursables représentaient 37 p. 100 de ce revenu. Pire, le nombre des Américains qui ne sont pas assurés continue d'augmenter à un rythme alarmant. Près de 40 millions d'Américains, soit 15,3 p. 100 de la population américaine, ne jouissent d'aucune protection en matière de soins de santé. Aux États-Unis, le nombre total des enfants âgés de moins de 18 ans qui ne sont pas assurés s'élève à9,5 millions, ce qui représente 24 p. 100 de l'ensemble des enfants américains de moins de 18 ans. Le nombre total des Américains non assurés qui touchent un revenu familial de 15 700 $ atteint près de 15 millions.

Cela m'amène à faire valoir un deuxième argument que les tenants du secteur privé n'a pas réussi à défendre convenablement: la capacité de maîtriser convenablement les coûts des soins de santé. Certes, tout le monde sait qu'il faut limiter les coûts si l'on veut assurer le maintien de notre régime d'assurance-maladie en dépit du contexte financier actuel, mais on n'y parviendra pas en refilant la note au consommateur canadien, c'est-à-dire par des mesures de radiation ou d'exclusion de certains services ou le recours aux frais d'utilisation.

Le vice-président: Le temps de parole de la députée est écoulé.

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse que la députée ait posé cette question. Comme elle l'a dit, le régime d'assurance-maladie est une valeur canadienne et c'est même l'un des éléments fondamentaux de notre identité canadienne. Quatre-vingt-neuf pour cent des Canadiens appuient ce régime. Tous les ministres de la Santé provinciaux l'appuient, sauf celui de l'Alberta.

Notre régime d'assurance-maladie est unique en ce sens que les soins dépendent des besoins cliniques et non de l'épaisseur du porte-monnaie. C'est une valeur libérale. Le régime a été instauré par un premier ministre libéral et une ministre de la Santé libérale, Mme Monique Bégin, a promulgué la Loi canadienne sur la santé qui définit les cinq principes et fixe les limites à leur mise en pratique.

L'un des aspects importants de notre régime d'assurance-maladie, c'est que le gouvernement, puisqu'il est libéral, est aussi engagé à l'égard de ce régime. Nous nous sommes engagés, dans le nouveau transfert canadien en matière de santé et de services sociaux, à assurer un financement prévisible au régime. Nous voulons collaborer avec les provinces pour trouver des moyens innovateurs et créatifs de soulager les pressions que subit maintenant le régime.

Nous travaillerons de façon constante, cohésive et cohérente pour trouver toutes les réponses dans le cadre de la Loi canadienne sur la santé.

Le député doit savoir que, depuis l'entrée en vigueur de la Loi canadienne sur la santé, notre gouvernement est le premier à avoir pris des déductions non remboursables des provinces, soit la Colombie-Britannique, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et enfin l'Alberta.

Nous sommes préoccupés par la croissance d'une médecine à deux niveaux. Notre gouvernement s'oppose à l'imposition de frais d'utilisateur. Nous continuons à fonder notre programme sur les besoins cliniques. Si nous tenons toujours à l'assurance-maladie, nous devrons envisager notamment de consentir à l'assurance-maladie basée sur des preuves, de mettre de côté l'aspect préventif et de lier l'assurance-maladie au mode de vie et. . .

Le vice-président: La motion d'ajournement est adoptée d'office. En conséquence, la Chambre s'ajourne à 14 heures, demain.

(La séance est levée à 20 h 04.)