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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 9 mai 1996

RECOURS AU RÈGLEMENT

LES INITIATIVES PARLEMENTAIRES

    M. Speaker (Lethbridge) 2523
    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais) 2524

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

    Projet de loi C-35. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 2524

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

    Projet de loi C-281. Adoption des motions de présentationet de première lecture 2524

LOI SUR LE TRAITEMENT ÉGAL DES PERSONNES VIVANT DANSUNE SITUATION ASSIMILABLE À UNE UNION CONJUGALE

    Projet de loi C-282. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 2525

LOI SUR LE MINISTÈRE DU TRAVAIL

    Projet de loi C-283. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 2525

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

    Motion d'adoption du premier rapport 2525
    Adoption de la motion 2525

PÉTITIONS

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE TIMOR ORIENTAL

LA JUSTICE

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 2526

LE CONSENTEMENT

    M. Harper (Simcoe-Centre) 2526

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. O'Brien (London-Middlesex) 2526

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

    Projet de loi C-33. Motion de troisième lecture 2526
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 2553

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES FORÊTS

LE PATINAGE ARTISTIQUE

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

L'UNITÉ NATIONALE

LES POMPIERS

LE PROJET DE LOI C-33

LA VILLE DE MONTRÉAL

LA SEMAINE NATIONALE DES SOINS INFIRMIERS

LA SEMAINE NATIONALE DE L'ARBRE ET DES FORÊTS

LA RÉFORME PÉNITENTIAIRE

LA TRAGÉDIE DE LA MINE DE WESTRAY

LE PARTI QUÉBÉCOIS

LES CRIMES DE GUERRE

LA TRAGÉDIE DE LA MINE DE WESTRAY

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE VIH ET LE SIDA

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

QUESTIONS ORALES

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2558
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2559
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2559
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2559
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2559

LE SÉNAT

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2560
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2560
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2560

LA FISCALITÉ

    Mme Stewart (Brant) 2561

LA FISCALITÉ

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2561

LES RESSOURCES NATURELLES

LES AVANTAGES SOCIAUX

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2562
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2563

LA GARDE CÔTIÈRE

    M. Bernier (Gaspé) 2563

LA PAUVRETÉ

    Mme Stewart (Northumberland) 2563

AVANTAGES SOCIAUX

    M. Harper (Calgary-Ouest) 2564
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2564
    M. Harper (Calgary-Ouest) 2564

LA GARDE CÔTIÈRE

LES AVANTAGES SOCIAUX

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2565
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2565

LE COSMODÔME DE LAVAL

CUBA

LES PÊCHES

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

    Le président suppléant (M. Kilger) 2566

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

RECOURS AU RÈGLEMENT

LES SERVICES POSTAUX DE LA CHAMBRE

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

LE DÉPUTÉ DE WINNIPEG-SUD

LE DÉCORUM À LA CHAMBRE

LE PROJET DE LOI C-33

LE SÉNAT

LA PRÉSENTATION DES PÉTITIONS

AFFAIRES COURANTES

PÉTITIONS

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. TRAN TRIEU QUAN

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 2569

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

    Projet de loi C-33. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture et de l'amendement 2569
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 2569
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 2570
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 2571
    M. Peric
    2575
    M. O'Brien (London-Middlesex) 2584
    Rejet de l'amendement par 164 voix contre 48 2586
    Adoption de la motion par 153 voix contre 76 2586
    Adoption de la motion; troisième lecture et adoptiondu projet de loi 2587

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LES CONSULTANTS EN IMMIGRATION

    Adoption de l'amendement 2595
    Adoption de la motion modifiée 2595

2523


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 9 mai 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

[Traduction]

RECOURS AU RÈGLEMENT

LES INITIATIVES PARLEMENTAIRES

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Madame la Présidente, je voudrais faire un bref rappel au Règlement. Je sais qu'il y a un important débat à la Chambre au sujet du projet de loi C-33.

Mon rappel au Règlement concerne les travaux de la Chambre de demain, plus précisément la motion d'initiative parlementaireno M-2 inscrite au nom du député de Glengarry-Prescott-Russell dans le Feuilleton d'aujourd'hui. Cette motion doit être débattue demain pendant l'heure réservée aux initiatives parlementaires. Je crois que vous devriez la déclarer irrecevable.

La sixième édition de Beauchesne dit que la Chambre des communes ne peut être saisie de la conduite d'un député qu'au moyen d'une motion de fond ou d'une motion distincte, c'est-à-dire une motion indépendante qui propose à la Chambre le texte d'une décision qu'elle pourrait prendre.

C'est un élément crucial. C'est la première fois qu'une motion d'accusation d'outrage contre un député doit être débattue conformément aux nouvelles règles applicables aux initiatives parlementaires.

Avant les nouvelles règles, toutes les initiatives parlementaires pouvaient faire l'objet d'un vote. Si un député tentait d'utiliser une motion d'initiative parlementaire pour accuser un autre député d'outrage en vertu des anciennes règles, la motion faisait automatiquement l'objet d'un vote.

Le cas dont il s'agit aujourd'hui constitue un première. La Chambre sera saisie pour la première fois d'une motion d'accusation d'outrage contre un député qui ne fera pas l'objet d'un vote. Si cette motion est déclarée recevable, elle créera un dangereux précédent car le débat n'aboutira à aucune conclusion.

Si un député entend porter une accusation contre un autre député, il doit présenter une motion pouvant faire l'objet d'un vote. Il doit être disposé à joindre l'acte à la parole, sinon ce serait injuste, irrégulier et contraire aux usages de la Chambre.

Si cette motion est acceptée, elle nous entraînera dans une attaque injuste, malhonnête et déloyale contre un député. Ce genre de tactique est antiparlementaire et immoral parce qu'il profite d'une échappatoire.

Lorsque les règles ont été modifiées, personne n'a songé à la question que je soulève actuellement au sujet d'une accusation d'outrage. Ni le sous-comité des affaires émanant des députés, ni le comité dont il relève n'ont le pouvoir de refuser la tenue d'un débat sur cette motion. De plus, le sous-comité n'est pas obligé de considérer automatiquement ce genre de motion comme pouvant être mise aux voix. C'est pourquoi il vous appartient, madame la Présidente, de décider s'il est opportun de débattre cette motion. Je m'en remets à vous.

Une accusation d'outrage au Parlement contre un député n'est pas une chose que nous prenons à légère. Tous les cas d'accusation d'outrage contre un député mentionnés dans Erskine May, Beauchesne et dans Le privilège parlementaire au Canada de Maingot donnent lieu, sans exception, à une motion pouvant faire l'objet d'un vote. Nous ne devons pas rompre avec cette pratique et permettre le débat d'une motion portant accusation d'outrage contre un député si nous ne sommes pas prêts à prendre des mesures.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Ce que nous venons d'entendre n'est pas tout à fait exact.

Il s'agit de savoir si notre discussion porte entièrement sur la motion concernant le Parti réformiste qui veut être reconnu comme l'opposition officielle. Je n'ai pas entendu ce parti, notamment cette semaine, demander à être reconnu comme l'opposition officielle.

Cette question sera débattue une autre fois. Voici les faits. Premièrement, le greffier du sous-comité des affaires émanant des députés a été informé hier-on peut le vérifier-que je ne serais pas disponible demain pour le débat sur la motion. C'est officiel. L'avis a été envoyé hier et on peut le vérifier.

Deuxièmement, la proposition sur laquelle on a attiré ce matin votre intention, Madame la Présidente, par un rappel au Règlement est irrecevable, la Chambre n'en étant pas saisie de cette affaire au moment où nous avons cette discussion.

Troisièmement, je trouve plutôt ironique que quelqu'un se plaigne du fait qu'un comité dont je ne suis pas membre ait décrété que cette motion ne pouvait pas faire l'objet d'un vote.


2524

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Si je comprends bien, la motion en question ne pourra être débattue demain parce que le greffier a été informé que le député ne serait pas disponible. Je prendrai le rappel au Règlement en délibéré et je ferai part de ma décision à la Chambre.

______________________________________________


2524

AFFAIRES COURANTES

(1010)

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 16 pétitions.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales concernant l'examen du Budget des dépenses principal du Sénat de 1996-1997.

Le rapport demande qu'un message soit envoyé au Sénat, invitant les sénateurs à autoriser le président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration à comparaître devant notre comité relativement au Budget des dépenses principal du Sénat.

Si la Chambre y consent, j'ai l'intention de proposer l'adoption de ce rapport plus tard aujourd'hui.

[Français]

CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration sur l'Entente canado-américaine en matière d'examen des revendications du statut de réfugié.

[Traduction]

C'est la première fois que le gouvernement permet qu'on fasse circuler des copies d'un accord avant sa ratification finale. Au nom de la majorité des membres du comité, je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir permis à des parties intéressées de se présenter au comité pour discuter de l'accord avant sa ratification finale.

Je suis sûre que le ministre tiendra compte de nos 12 recommandations.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Madame la Présidente, le Bloc québécois, par mon entremise, dépose également le rapport dissident concernant ce projet d'entente sur les réfugiés entre le Canada et les États-Unis.

Je vous souligne que les libéraux, lors de la précédente législature, s'étaient prononcés contre ce projet d'entente et presque tous les organismes qui ont comparu devant le Comité ont adressé des critiques très sévères à l'égard de ce projet d'entente, y compris le représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Je pense qu'elle va à l'encontre des principes d'ouverture du Canada.

* * *

LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) demande la permission de déposer le projet de loi C-35, Loi modifiant le Code canadien du travail (salaire minimum).

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

[Traduction]

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-281, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues et la Loi sur les stupéfiants (trafic de drogues contrôlées, de drogues à usage restreint ou de stupéfiants à moins d'un demi-kilomètre d'une école primaire ou secondaire).

-Monsieur le Président, l'impact de l'usage de la drogue sur les jeunes pose un problème grave et constant pour les Canadiens, et il faut s'y attaquer. Il est primordial de protéger nos jeunes. En augmentant les peines imposées aux revendeurs de drogues qui ont conclu des transactions près d'une école, nous dissuaderons ces criminels de s'adonner à leur commerce à proximité des écoles ou à l'intérieur de celles-ci.

(1015)

Ce projet de loi modifie la Loi sur les aliments et drogues et la Loi sur les stupéfiants pour imposer des peines de prison d'un minimum d'un an à la première infraction, et de deux ans en cas de récidive, lorsqu'une personne a été trouvée coupable de trafic de drogues contrôlées, de drogues à usage restreint ou de stupéfiants à moins d'un demi-kilomètre d'une école primaire ou secondaire.

Selon les estimations, la criminalité liée à la drogue a été à l'origine de 85 p. 100 de tous les actes criminels commis au Canada en 1992. Ce projet de loi vise à apporter un élément de solution à cette préoccupation. J'espère que la Chambre appuiera le projet de loi.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)


2525

[Français]

LOI SUR LE TRAITEMENT ÉGAL DES PERSONNES VIVANT DANS UNE SITUATION ASSIMILABLE À UNE UNION CONJUGALE

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ) demande à présenter le projet de loi C-282, Loi prévoyant le traitement égal des personnes vivant dans une situation assimilable à une union conjugale.

-Madame la Présidente, pour la deuxième fois en cette Chambre, j'ai le plaisir de déposer un projet de loi qui vise à reconnaître les conjoints de même sexe. Si ce projet de loi était adopté, 53 définitions, à l'intérieur des lois canadiennes, seraient modifiées pour y voir inscrire une définition homosexiste de l'union conjugale.

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

LOI SUR LE MINISTÈRE DU TRAVAIL

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ) demande à présenter le projet de loi C-283, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Travail (admissibilité aux allocations aux anciens employés).

-Madame la Présidente, je présente un projet de loi qui vise à modifier le programme PATA, le Programme d'aide aux travailleurs âgés, pour modifier la règle des 100 qui s'adresse aux villes de plus de 500 000 personnes.

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Madame la Présidente, si la Chambre y consent, je propose, avec l'appui du député de Kent:

Que le premier rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales, présenté à la Chambre plus tôt aujourd'hui, soit adopté.
(La motion est adoptée.)

* * *

PÉTITIONS

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Bob Kilger (Stormont-Dundas, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, j'aimerais présenter une pétition au nom d'habitants de Winchester, Williamsburg et Chesterville.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe, ou l'homosexualité, et, notamment, de ne pas modifier le code canadien des droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Madame la Présidente, j'ai des pétitions à présenter au nom d'électeurs du Lac du Bonnet et de la région de Steinbach.

Étant donné que les privilèges que la société accorde aux couples hétérosexuels ne devraient pas être octroyés aux couples de même sexe et que, si le code des droits de la personne était modifié, ces couples bénéficieraient de l'approbation de la société et de l'octroi de ces privilèges, les pétitionnaires demandent que le Parlement ne modifie pas la Loi canadienne sur les droits de la personne d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe et, notamment, de ne pas insérer l'expression non définie «orientation sexuelle» dans les modifications proposées à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

(1020)

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Madame la Présidente, j'ai deux pétitions à présenter. La première provient d'électeurs de ma circonscription et des alentours, qui demandent au Parlement de ne pas ajouter la phrase «orientation sexuelle» à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Ils prient le Parlement de s'opposer à toute modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de toute autre loi fédérale qui viserait à inclure dans la législation la phrase «orientation sexuelle».

La deuxième pétition porte sur le même sujet. Des gens de ma circonscription et des alentours demandent au Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe, ou l'homosexualité, et, notamment, de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

LE TIMOR ORIENTAL

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Madame la Présidente, je désire présenter deux pétitions.

La première porte la signature de citoyens de Peterborough, qui désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que, malgré les résolutions qu'ont adoptées les Nations Unies et qui affirment les droits des habitants du Timor oriental à l'autodétermination, les militaires indonésiens continuent d'occuper le Timor oriental, de propager la violence et de causer la mort de centaines de milliers de Timorais.

Par conséquent, les pétitionnaires prient le Parlement d'appuyer un embargo sur les armes contre l'Indonésie, de demander au gouvernement indonésien de libérer tous les prisonniers politiques et de demander au gouvernement canadien de mettre fin à tout financement visant à promouvoir le commerce avec l'Indonésie.

2526

LA JUSTICE

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Madame la Présidente, la deuxième pétition est signée par des électeurs de Peterborough qui font observer que le gouvernement du Canada est intervenu dans l'extradition de M. Leonard Peltier vers les États-Unis. Selon des données récentes, il se pourrait bien que l'extradition de Leonard Peltier ait été illégale puisque des témoins se sont rétractés.

Dès le début de 1994, le ministère de la Justice a annoncé que l'on se penchait sur la question de savoir si cette extradition était légale ou non. Ainsi donc, les pétitionnaires prient le Parlement de leur communiquer les résultats de cette démarche.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai deux pétitions que j'aimerais présenter aujourd'hui au nom d'électeurs de Simcoe-Centre.

Les signataires de la première pétition prient le gouvernement du Canada de ne pas modifier la Loi sur les droits de la personne en y ajoutant l'expression «orientation sexuelle». Ils craignent que cet ajout ne donne l'impression que la société approuve l'homosexualité.

Les pétitionnaires croient que le gouvernement ne devrait pas légitimer ce comportement contre la volonté évidente de la majorité.

LE CONSENTEMENT

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Madame la Présidente, la deuxième pétition se rapporte à l'âge requis pour consentir. Les pétitionnaires demandent au Parlement d'établir l'âge du consentement à 18 ans afin de protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle et les abus.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter cinq pétitions portant les signatures de quelques centaines de noms d'électeurs de la circonscription de London-Middlexe que je représente et des circonscriptions environnantes.

Les pétitionnaires craignent fortement que des modifications à des lois fédérales ne donnent l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe.

Ils prient donc le Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte canadienne des droits et libertés en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite. Je partage leurs préoccupations.

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureuse de présenter une pétition signée par mes électeurs de Port Moody-Coquitlam et ceux de la circonscription voisine de Burnaby.

Étant donné que la majorité des Canadiens estiment que les privilèges que la société accorde aux couples hétérosexuels ne devraient pas être octroyés aux couples du même sexe et que la société approuverait les relations entre personnes de même sexe et accorderait des privilèges à ces personnes, si on modifiait la Loi canadienne sur les droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite, les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte des droits et libertés d'une manière qui laisserait entendre que la société approuve les relations entre personnes de même sexe, ou l'homosexualité, et de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

(1025)

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, je désire présenter une pétition au nom de 265 Néo-Écossais qui demandent au Parlement de modifier immédiatement la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'interdire toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


2526

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Martin Cauchon (au nom du ministre de la Justice et procureur général du Canada) propose: Que le projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux aujourd'hui d'intervenir à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.

En proposant cette modification, nous tenons une promesse politique que nous avions faite aux Canadiens et nous mettons en oeuvre une politique de longue date du Parti libéral du Canada. Grâce à cette mesure, la Loi canadienne sur les droits de la personne sera conforme aux décisions des tribunaux, à la Charte canadienne des droits et libertés et aux lois sur les droits de la personne de la majorité des provinces qui ont déjà une mesure législative de ce genre. On appliquera ainsi le principe fondamental qui veut que l'on traite tous les gens de façon équitable, ce qui est une valeur essentielle dans notre société.


2527

L'engagement est clair. Le premier ministre a déclaré, durant la dernière campagne électorale, qu'on allait présenter cette mesure législative. Dans le discours du Trône de 1994, le gouvernement a promis de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne. Depuis, le ministre de la Justice a répété cet engagement.

La position du Parti libéral du Canada est claire et elle l'est depuis bien longtemps. Cette mesure reflète la politique du Parti libéral depuis près de 20 ans.

[Français]

Il y a presque vingt ans, le Parti libéral a adopté une résolution appuyant la protection contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

[Traduction]

On a adopté d'autres résolutions à cet égard, dont la plus récente remonte à il y a deux semaines, à l'occasion de la réunion du Parti libéral à Windsor, en Ontario. En 1985, un comité tripartite de la Chambre a adopté à l'unanimité une résolution réclamant cette modification.

Depuis de nombreuses années, la position du Parti libéral du Canada consiste à interdire toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Maintenant que nous sommes au pouvoir, nous donnons suite à cet engagement.

Je voudrais maintenant parler du projet de loi C-33, de son objet et de ses répercussions. Il est important d'examiner cette question de façon attentive et objective pour que nous comprenions bien ce que le projet de loi fait et ne fait pas. J'ai suivi le débat sur cette mesure et je veux me pencher sur les idées fausses et les mauvaises perceptions que certains pourraient avoir à son sujet.

Parlons tout d'abord de la portée de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je pense que, jusqu'à maintenant, on a parfois perdu cela de vue dans le débat. Il est important de se rappeler la véritable portée de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

(1030)

Premièrement, la loi s'applique uniquement à l'emploi et à la prestation de biens et de services qui relèvent du fédéral.

[Français]

Ce sont le gouvernement fédéral et les entreprises réglementées par le gouvernement fédéral comme les banques, les chemins de fer, les entreprises de transport aérien et de télécommunications qui sont de compétence fédérale.

[Traduction]

Deuxièmement, cela signifie que seulement 10 p. 100 environ des travailleurs canadiens sont assujettis à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le reste des travailleurs doivent se soumettre aux codes sur les droits de la personne des territoires et des provinces. La grande majorité des employeurs et des fournisseurs de services doivent observer les lois provinciales. Les institutions confessionnelles, culturelles et éducatives sont de compétence provinciale et, par conséquent, elles sont régies par les codes provinciaux, et non fédéraux.

La portée de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de ce projet de loi se limite à ce que j'en ai entendu dire à ce sujet. Ce qui m'amène à un autre point très important. On peut difficilement qualifier cette modification de révolutionnaire et nouvelle, non seulement en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais aussi tous les domaines où, comme je l'ai dit, cette loi ne s'applique pas, mais où les lois provinciales et la Charte des droits et libertés s'appliquent.

L'orientation sexuelle figure déjà dans la majorité des lois sur les droits de la personne, soit en vertu d'une ordonnance d'un tribunal ou d'une mesure législative. Huit provinces ou territoires, qui représentent 90 p. 100 de la population canadienne, ont déjà inscrit l'orientation sexuelle dans leurs lois sur les droits de la personne afin d'interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Les provinces et les territoires sont les suivants: le Québec, l'Ontario, le Manitoba, le Yukon, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, la Colombie-Britannique et ma propre province, la Saskatchewan. Il y a même 20 ans que certaines provinces ont mis cette mesure en application.

La Cour suprême du Canada a jugé que l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la Constitution, c'est-à-dire la première loi du pays, interdit la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

En 1992, la Cour d'appel de l'Ontario a ordonné, dans l'affaire Haig c. le Canada, que la Loi canadienne sur les droits de la personne devrait être interprétée comme si l'orientation sexuelle était déjà un motif de discrimination illicite. Depuis cette décision, des causes ont fait l'objet de décisions juridiques rendues aux termes de cette loi, peu importe cette modification.

Le projet de loi confirme simplement la décision des tribunaux. La modification que prévoit le projet de loi C-33 rendra la Loi canadienne sur les droits de la personne conforme à la décision des tribunaux et à la Charte canadienne des droits et libertés.

Il est temps que les parlementaires se prononcent sur cette question. Dans des causes qui portent sur la discrimination ou sur la protection contre la discrimination, les Canadiens ne devraient pas avoir à se demander ce que prévoit la loi. La loi devrait renfermer une disposition claire et évidente pour tout le monde.

La loi, c'est l'ensemble des mesures législatives, des décisions des tribunaux et de la common law. Quand une décision judiciaire a pour effet de changer ou de modifier une loi, il est important qu'elle le fasse d'une manière qui reflète la décision du tribunal de sorte que la loi soit bien claire.

(1035)

Les tribunaux rendent ce genre de décisions depuis de nombreuses années et l'ont fait même avant que la Charte des droits et libertés n'entre en vigueur. Les assemblées législatives partout au


2528

Canada ont depuis abordé cette loi, qui avait été ainsi changée et modifiée par des décisions judiciaires, afin de la rendre plus claire.

Il incombe au Parlement d'exprimer clairement les principes d'égalité et de les codifier. On ne devrait pas en laisser le soin aux tribunaux. Certains ont prétendu que nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour discuter de cette question, mais il n'en est rien, car elle est dans l'air depuis 20 ans. Elle a fait l'objet de discussions et de débats. Le Parlement l'a abordée à maintes reprises.

De nombreuses mesures d'initiative parlementaire lui ont été consacrées. Le gouvernement précédent a présenté une mesure législative à ce sujet. Un comité parlementaire a déposé un rapport adopté par des représentants de tous les partis après avoir tenu des audiences d'un bout à l'autre du pays. La Cour suprême du Canada s'est penchée sur la question. Le gouvernement a reçu un nombre incalculable de lettres et de mémoires à ce sujet. Les assemblées législatives de huit des provinces et territoires du Canada, regroupant près de 90 p. 100 de la population, se sont prononcées en faveur de telles modifications.

On a donc beaucoup parlé de la question et on lui a déjà consacré beaucoup de temps. Les enjeux sont clairs et le temps est maintenant venu de prendre une décision. Je sais que les gens éprouvent à l'égard de cette question des convictions et des sentiments profonds, que je respecte. En toute équité et en toute justice, nous devons aborder cette question concernant la façon dont nous traitons les gens dans le milieu de travail et sur le marché. Nous avons tâché de l'expliquer.

Je voudrais profiter de l'occasion pour dire ce que cette modification fait et ne fait pas. Cette modification interdira des formes élémentaires de discrimination. Elle vise à interdire ce qui, nous en convenons tous, est injuste: congédier quelqu'un, ou lui refuser, par exemple, des services bancaires parce qu'il est gai ou parce qu'elle est lesbienne. Il s'agit d'une affaire de simple justice. Les Canadiens ne pensent pas qu'il est juste de congédier quelqu'un ou de lui refuser des services uniquement parce qu'il est gai ou parce qu'elle est lesbienne.

Certains prétendent que la mesure à l'étude accorde des droits spéciaux. Rien n'est plus faux. Le projet de loi C-33 n'accorde des droits spéciaux à personne. Si quelqu'un est victime de discrimination fondée sur la couleur, qu'il soit noir ou blanc, il est protégé par la loi sur les droits de la personne. Si quelqu'un est victime de discrimination fondée sur la religion, qu'il soit protestant, catholique, juif, musulman ou d'une autre confession, il est protégé par la loi sur les droits de la personne. De même, si quelqu'un est victime de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel, la loi sur les droits de la personne lui accorde protection.

[Français]

La protection au niveau fédéral contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle signifie qu'une personne qui a été congédiée par un transporteur aérien ou une compagnie de chemins de fer, ou qui s'est vu refuser un service par une banque, a un recours en vertu de la législation sur les droits de la personne.

(1040)

[Traduction]

Les lois sur les droits de la personne ont pour but de faire en sorte que chacun puisse être engagé, employé et recevoir des services comme n'importe qui d'autre, et ne puisse être congédié ni se faire refuser des services à cause de la couleur de sa peau, de sa religion, de son sexe ou de son orientation sexuelle. Il ne s'agit pas là d'un traitement de faveur. C'est tout le contraire. La loi vise à empêcher les employeurs et les entreprises de services d'exclure les homosexuels, les noirs ou les membres des minorités religieuses et à les obliger à traiter ces personnes comme tout le monde. Il ne s'agit pas d'accorder des droits spéciaux, mais un traitement égal.

La loi protège aussi bien les hétérosexuels que les homosexuels, mais il est évident qu'elle protégera ceux qui ont le plus besoin de protection, ceux qui, dont notre société, ont été défavorisés par le passé, victimes de représentations stéréotypées, de discrimination ou pis encore. Les faits sont clairs. Passages à tabac d'homosexuels, discrimination en milieu de travail, discrimination en matière de biens et de services, les tribunaux sont débordés d'exemples de discrimination, et nous devons remédier à cette situation.

Le comité parlementaire qui a examiné la question a écrit ce qui suit:

Nous avons été frappés par le nombre d'expériences de traitement injuste qui nous ont été relatées par des homosexuels des différentes régions du pays. On nous a parlé de harcèlement et de violence contre les homosexuels. On nous a exposé avec des détails choquants les mauvais traitements physiques et l'oppression psychologique dont les homosexuels ont été victimes.
Les modifications à l'étude feront comprendre plus clairement que les Canadiens ne tolèrent pas les préjugés et la discrimination. Nous ne permettrons pas que nos collègues, nos amis, nos parents, nos fils ou nos filles, nos concitoyens aient à souffrir à cause de leur orientation sexuelle.

Quelles seront les répercussions sur la famille, le mariage, nos autres institutions sociales? Le projet de loi n'enlève rien au mariage ni à la famille. Le mariage, qu'il soit célébré officiellement selon les lois provinciales ou qu'il s'agisse d'une union de fait, et la famille sont des éléments fondamentaux dans notre société. Rien ne va changer à cet égard. Par nos lois, nos politiques et nos pratiques, nous continuerons à soutenir ces institutions. Cela ne changera ni maintenant, ni jamais.

Le préambule du projet de loi C-33 le dit on ne peut plus clairement. Il reconnaît que la famille est le fondement de la société canadienne. Il ajoute que cette mesure ne modifiera pas le rôle fondamental de la famille dans notre société.

Il est bon de répéter que la Loi canadienne sur les droits de la personne traite de la discrimination en fonction de l'emploi et de la fourniture de biens et de services. Elle ne va pas plus loin ni au-delà de cela. Je le répète, parce que certains ne semblent pas avoir compris. La Loi canadienne sur les droits de la personne et la modification dont nous sommes saisis portent uniquement sur la discrimination par rapport à l'emploi et à la fourniture de biens et de


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services. L'objectif du préambule consiste d'ailleurs à mettre en relief cet aspect de la question et à bien préciser que la modification ne diminue en rien l'importance de la famille.

Que dire du mariage? La modification à l'étude ne peut pas changer la définition du mariage, parce que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s'applique pas du tout au mariage. La loi ne s'applique qu'à l'emploi et à la fourniture de biens et de services. Comme Maxwell Yalden, président de la Commission canadienne des droits de la personne, l'a dit le mois dernier devant le comité sénatorial chargé d'étudier le projet de loi S-2: «Nous ne parlons pas des personnes mariées ou non. Notre commission n'a rien à faire là-dedans.»

(1045)

C'est exact. La Loi canadienne sur les droits de la personne ne s'applique tout simplement pas au mariage. La common law a toujours prévu que le mariage est l'union entre un homme et un femme. La common law a autant de force qu'une mesure législative.

Lorsqu'un plaignant a contesté cette loi, en invoquant l'article 15 de la Charte et en posant qu'il s'agissait d'un cas de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, le tribunal a conclu: «Le fait que la common law restreigne le mariage à des personnes de sexe opposé ne constitue pas une forme de discrimination.» Voilà la loi qui est en vigueur partout au Canada.

L'inscription de l'orientation sexuelle dans la Charte et dans la majorité des lois provinciales sur les droits de la personne n'a rien changé à ce fait. Je répète que la Loi canadienne sur les droits de la personne et ce projet de loi ne peuvent rien changer à cela, car ils ne s'appliquent absolument pas à la législation du mariage.

J'ai aussi entendu des gens s'inquiéter du motif illicite de distinction que constitue l'état matrimonial. En 1993, dans l'affaire Mossop, la Cour suprême du Canada a décidé que l'état matrimonial ne comprend pas les relations entre personnes de même sexe. C'est ce que la cour a décidé alors et c'est ce que la loi prévoit aujourd'hui.

Certains ont exprimé des inquiétudes sur la possibilité que le tribunal se penche encore là-dessus, mais les inquiétudes ont été dissipées. Dans l'affaire Egan et Nesbit, l'an dernier, la Cour suprême du Canada a précisé que les questions de prestations, pour ce qui concerne les couples de même sexe, seront traitées comme des questions d'orientation sexuelle. Cela fait désormais partie de la loi, par ordonnance du tribunal.

Les motifs que constituent la situation de famille et l'état matrimonial n'ont pas été invoqués. Il est manifestement inutile que les tribunaux redéfinissent la situation de famille ou que la définition d'état matrimonial soit prévue dans une loi.

J'ai aussi entendu dire que le projet de loi changeait des choses pour ce qui est de l'adoption. C'est manifestement et carrément faux. Il s'agit là d'une simple question de répartition des pouvoirs constitutionnels entre le gouvernement fédéral et les provinces. L'adoption relève de la compétence provinciale.

On m'a interrogé au sujet des prestations pour les partenaires de même sexe. Qu'il soit bien clair que le projet de loi ne vise qu'à apporter une petite modification à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il ne change rien à la législation régissant les prestations. Quoique nous décidions ici, la question des prestations est déjà devant les tribunaux. Que nous adoptions ou non cette modification ne changera rien à l'affaire.

Les tribunaux sont déjà saisis de la question des prestations. Cette modification ne changera rien à cela ni à la loi. En outre, l'an dernier, dans l'affaire Egan, la Cour suprême du Canada a jugé à l'unanimité que l'orientation sexuelle est un motif illicite de distinction conformément à la disposition sur l'égalité, soit à l'article 15 de la Charte. La cour a jugé aussi que la discrimination fondée sur ce motif ne justifie pas que l'on étende le bénéfice des pensions de retraite aux partenaires de même sexe. C'est la question qui avait suscité cette affaire.

Je le répète, parmi les dix provinces et les deux territoires, huit interdisent la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Et même s'ils l'interdisent depuis un certain temps, cela n'a pas entraîné l'octroi des prestations aux partenaires de même sexe.

L'orientation sexuelle figure dans les lois provinciales sur les droits de la personne depuis aussi longtemps que 1977. Les tribunaux l'ont aussi fait inclure à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et des libertés, la disposition concernant le droit à l'égalité.

Il s'ensuit que les tribunaux se sont penchés un nombre considérable de fois sur des cas de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Ils ont interprété l'orientation sexuelle comme englobant l'homosexualité, l'hétérosexualité et la bisexualité. L'interprétation des cours et des tribunaux est claire. Leur compréhension de la question ne prête pas à équivoque. La définition est limpide.

(1050)

De plus, les sept provinces qui ont ajouté l'orientation sexuelle dans leur loi sur les droits de la personne ne l'ont pas définie. Même la Cour suprême du Canada, qui a examiné la question de l'orientation sexuelle aux termes de la Charte dans l'affaire Egan et Nesbit l'an dernier, n'a pas jugé nécessaire de définir l'expression.

Il est évident que le projet de loi protège la conduite respectueuse des lois, rien d'autre et rien de plus.

[Français]

Tous les comportements illégaux le demeureront en vertu du Code criminel et ne seront pas protégés par cette modification.

[Traduction]

Pour dissiper tout doute, le préambule du projet de loi prévoit que la loi ne s'applique que dans le respect de la légalité.

Certains prétendent qu'il vaudrait mieux supprimer la liste des motifs de la Loi canadienne sur les droits de la personne au lieu d'y ajouter l'orientation sexuelle. Encore une fois, je ne suis pas certain de bien saisir cet argument. Si nous supprimions la liste des motifs, par quoi la remplacerait-on? Comment protégerions-nous les personnes contre la discrimination fondée sur la race, la religion, le sexe et l'orientation sexuelle? Comment saurions-nous quelles formes de discrimination sont interdites et lesquelles ne le sont pas? Je


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ne vois vraiment pas où cela mènerait. Ou bien nous protégeons les personnes contre la discrimination fondée sur la race, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle et les autres motifs énoncés dans la liste, ou bien nous ne les protégeons pas.

À mon avis, il est malveillant de vouloir supprimer la liste. Je pense en fin de compte que cette proposition est insensée. Elle vise simplement à aggraver la controverse, le malaise et la confusion. Elle vise à escamoter la véritable question.

Si nous voulons établir une protection contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, c'est ce que fera la modification proposée dans le projet de loi. Il n'y a pas d'autre façon d'y parvenir.

J'ai essayé de répondre aux questions que j'ai entendues et de dissiper les craintes et les malentendus. Quand on examine la modification dans le détail, point par point, on peut mieux comprendre ce que le projet de loi permet d'accomplir et ce qu'il ne fait pas. On comprend alors mieux la teneur de la modification. Elle traite des droits de la personne. C'est tout simplement une question de justice et d'équité.

[Français]

Il s'agit d'une question d'équité et d'égalité.

[Traduction]

Le débat d'aujourd'hui se résume à une question fondamentale. Est-il bien d'exercer une discrimination contre les gais ou les lesbiennes, de les congédier ou de refuser de les embaucher à cause de leur orientation sexuelle? À notre avis, la réponse est non. La tradition canadienne de tolérance et d'équité nous fournit la réponse.

[Français]

Nous sommes fiers de cette tradition.

[Traduction]

Ce sont des valeurs qui nous sont chères.

[Français]

Ces principes sont fondamentalement associés à notre identité en tant que Canadiens.

[Traduction]

Après avoir réfléchi à cette question mûrement et attentivement, je pense que la voie à suivre est claire. À mon avis, le projet de loi mérite l'appui de la Chambre des communes.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, je remercie le secrétaire parlementaire de son discours. J'ai apprécié les efforts qu'il a déployés pour nous livrer quelques mots en français et je tiens à lui dire que son français est excellent et que je ne doute pas que les choses vont aller en s'améliorant, tout comme pour moi qui fais un effort pour parler en anglais, le député le sait. Je suis des cours d'anglais trois jours par semaine, à huit heures le matin, avec l'objectif très ferme d'être parfaitement bilingue d'ici deux ans. Mais ce n'est pas le propos du débat aujourd'hui.

(1055)

On ne peut pas ne pas se rappeler que, depuis que le débat s'est engagé en cette Chambre, depuis déjà deux semaines, toutes sortes de propos ont été tenus, au sujet du projet de loi C-33. Certains propos nous ont fait grandir, d'autres nous ont fait blanchir et certains nous ont outragés.

Je veux aller dans le même sens que l'honorable secrétaire parlementaire et tenter aujourd'hui de demeurer très généreux, très ouvert dans mes propos, mais surtout d'essayer de replacer un certain nombre de choses dans leur contexte.

Je veux rappeler que ce dont nous discutons aujourd'hui, c'est en fait d'apporter une modification à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Alors, on ne parle pas de la Charte. Quelquefois, il arrive que les journalistes et peut-être quelques-uns de nos concitoyens confondent la Loi canadienne, qui est une loi organique qui a le même statut que l'ensemble des lois que nous adoptons dans ce Parlement. Vous comprenez que ce qui différencie la Loi canadienne de la Charte canadienne des droits de la personne, c'est que la Charte est enchâssée dans la Constitution et qu'on ne peut pas la modifier sans passer par une ronde de négociations constitutionnelles et sans se rendre à la formule d'amendement 750 qui nécessite que sept provinces, représentant 50 p. 100 de la population, donnent leur aval à l'une ou l'autre des modifications qui pourraient être apportées à la Loi constitutionnelle de 1982, qui est la loi suprême du pays.

Cela étant dit, la Loi canadienne sur les droits de la personne, je veux le rappeler, est une loi extrêmement importante, parce que des véhicules qui nous sont accessibles en tant que parlementaires pour mettre fin à l'une ou l'autre des discriminations potentielles au pays, il y en a trois grands: la Charte, bien sûr, dont on a parlé, la déclaration de Diefenbaker, qui a été adoptée au début des années 1960 et qui continue de s'appliquer, et la Loi canadienne sur les droits de la personne qui, elle, et on ne le dira jamais assez clairement, s'applique aux entreprises de juridiction fédérale et aux individus qui reçoivent des services du gouvernement fédéral. Donc, on parle d'à peu près 10 p. 100 des travailleurs canadiens.

Alors, la Loi canadienne sur les droits de la personne existe depuis 1977. Il est intéressant de se rappeler que, d'abord, dès l'entrée en vigueur-je relisais les Débats de 1977-de la Loi canadienne sur les droits de la personne, certains parlementaires ont suggéré d'y inclure, outre les neuf motifs de distinction illicites qui existaient à ce moment-là, l'orientation sexuelle. Pour toutes sortes de raisons qu'il n'a pas lieu de reprendre ce matin, cela n'a pas été possible. Et ce que l'on vient faire aujourd'hui, en tant que parlementaires, et ce que l'on fera un peu plus tard en cours de journée, à 17 h 30, si mes informations sont exactes, c'est modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y inclure un onzième motif illicite de discrimination.

Donc, voyons ça de plus près. Qu'est-ce que la discrimination, selon la Loi canadienne sur les droits de la personne qui s'applique aux entreprises de juridiction fédérale et à ceux qui reçoivent des


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services de ce même gouvernement? La discrimination est définie de la façon suivante, et je pense que c'est important qu'on l'ait présente à l'esprit dans ce débat. La discrimination est le fait de réserver à quelqu'un un traitement différent, négatif ou défavorable sans raison valable. Lorsque les tribunaux ont interprété la discrimination, bien sûr qu'ils ont accroché sur deux notions: «réserver» et «sans raison valable».

Alors, à l'instant où on se parle, il y a des motifs illicites de discrimination, et je voudrais les citer une fois en cours de discours. Il y a bien sûr la race: on sait que la race, poussée à son exacerbation, peut conduire à des situations d'intolérance dont on a évidemment eu trop d'exemples dans le présent siècle. L'origine nationale ou ethnique: nul ne pourra se voir privé de services ou nul ne pourra être discriminé en emploi sur la base de la race, de l'origine nationale ou ethnique, de la couleur. Et ce n'est pas sans nous renvoyer à certains propos qu'ont tenus nos collègues qui sont, évidemment, vous le partagez tout comme moi, absolument intolérables dans un Parlement et dans une société en général. Et il y a aussi la religion: on ne peut pas discriminer en vertu de la religion, selon la Loi canadienne sur les droits de la personne.

(1100)

Il y a également l'âge: rappelons, pour les fins de la discussion, que c'est parce qu'on y a inclus le motif de l'âge, par exemple, que le gouvernement ne peut pas obliger un individu à prendre sa retraite à 65 ans. Vous-même, madame la Présidente, si les électeurs le souhaitent et si vous le souhaitez, vous pourriez occuper le fauteuil de la Présidence au-delà de 65 ans.

Il y a de plus le sexe: cela comprend aussi l'état de grossesse, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état des personnes graciées. Ceux qui ont fait de la prison, qui ont été condamnés devant les tribunaux et qui ont obtenu un pardon, selon une façon de faire établie par notre système judiciaire, ne peuvent pas être discriminés sur la base de leur état de personne graciée. Un autre motif important est la déficience physique ou mentale, bien sûr.

Maintenant, ce que l'on va faire, c'est ajouter l'orientation sexuelle. Le secrétaire parlementaire l'a rappelé, je pense qu'il faut le dire, et je suis d'accord avec le gouvernement. Il y a certains débats où je m'identifie à ce point au gouvernement que je l'inclus quand je parle de moi. Évidemment, il y a certains débats où je prends mes distances, mais cette fois-ci, je l'ai dit et je continue de le dire, je crois que cela aurait été une erreur très grave pour le gouvernement de vouloir définir l'orientation sexuelle.

Pourquoi ne pas définir l'orientation sexuelle? Parce que d'abord, dans les huit lois où on offre cette protection, sept provinces et un territoire offrent cette protection, de 1977 à 1993, les provinces en question ont inclus dans leurs Codes des droits de la personne la protection sur la base de l'orientation sexuelle et aucune ne l'a fait. Aucune province n'a défini l'orientation sexuelle parce que c'est clair, s'agissant de la jurisprudence déjà constituée, que lorsque l'on parle de l'orientation sexuelle, on fait référence à trois notions: l'homosexualité, l'hétérosexualité, bien sûr, et la bisexualité.

La chose la plus triste qui se soit passée dans ce débat, les excès les plus impardonnables qui ont été commis par certains députés, de qui la politesse la plus élémentaire m'oblige à taire le nom, sont bien sûr les rapprochements absolument imbéciles, absolument idiots, absolument confus, absolument non fondés qui ont été faits entre la protection que l'on veut donner sur la base de l'orientation sexuelle, ou l'inclinaison sexuelle, comme disent les Européens, et la pédophilie.

Je veux utiliser toute la force de mes convictions pour vous dire et pour dire à ceux qui nous écoutent qu'il n'y a aucune espèce de rapprochement possible entre ce dont on parle présentement et la pédophilie. Vous savez pourquoi il n'y a aucun rapprochement possible? Pour deux raisons. D'abord, parce que c'est très clair, et le secrétaire parlementaire l'a dit, tout comme le ministre de la Justice, que ce qui est prohibé en vertu du Code criminel le demeurera, en toutes circonstances.

Il est très clair, en vertu du Code criminel, en vertu des conventions, en vertu de la jurisprudence, que la pédophilie, c'est une infraction. Il n'y a pas un esprit, et surtout pas celui qui vous parle, qui pour libéral qu'il soit, pourra nous dire aujourd'hui que de vouloir protéger la discrimination en milieu de travail ou dans la prestation de services du gouvernement fédéral sur la base de l'orientation sexuelle peut nous mener à reconnaître la pédophilie.

La pédophilie, c'est criminel. Non seulement c'est criminel, mais, statistiques à l'appui, et je mets au défi, je ne sais pas si je peux le faire par votre intermédiaire, mais je mets au défi l'un ou l'autre des collègues du Parti réformiste de se lever en cette Chambre et de mettre son siège en jeu et de déposer des études et des jugements où, par le passé, la magistrature des tribunaux administratifs comme des tribunaux de droit commun a offert cette protection en vertu de l'orientation sexuelle aux personnes pédophiles. Ce n'est jamais arrivé et ça ne peut pas arriver, parce que la pédophilie, c'est criminel et ça doit le demeurer.

Ça doit le demeurer, parce que ça suppose, entre un adulte et un enfant, un rapport d'exploitation. Dès qu'il y a un rapport d'exploitation, dès qu'il y a non-consentement, et c'est vrai pour la question du viol, il est très clair qu'on est en présence de dispositions du Code criminel. Je trouve tout à fait malhonnête, et je suis poli, de faire des rapprochements comme ceux qui ont été suggérés par certains députés du Parti réformiste.

(1105)

Non seulement c'est malhonnête, mais c'est irresponsable. C'est irresponsable parce que ça donne à penser que quand on est homosexuel, on est pédophile. Et plus que cela, les études rigoureuses qui existent nous révèlent que 98 p. 100 des accusations de pédophilie qui ont été portées au cours des 20 dernières années, pas de l'an passé, pas d'il y a deux ans, des 20 dernières années, ont été le lot de personnes hétérosexuelles. Alors que l'on se comprenne bien, quand on parle de pédophilie, on est en présence de gens qui commettent des actes criminels comme celui-là, et dans 9,8 cas sur dix, c'est le lot de personnes hétérosexuelles.

Je ne dis pas que comme société, nous ne devons pas offrir des dispositions de réhabilitation à ceux qui sont pédophiles. Il est très clair que c'est une déviation, il est très clair qu'il y a là quelque chose d'absolument pathologique dans le sens de la racine étymologique de ce qu'est la pathologie, mais de grâce, soyons responsables


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et cessons de faire des rapprochements qui ne sont soutenus ni par la jurisprudence, ni par la psychologie, ni par le droit criminel.

Sans doute le gouvernement aurait-il dû le faire avant, mais je veux me réjouir quand même qu'il l'ait fait et l'important c'est le résultat. Le gouvernement sait bien qu'il n'aura pas de meilleur allié dans ce débat que celui qui vous parle. Mais pourquoi le gouvernement est-il tenu de déposer un projet de loi comme le projet de loi C-33? On l'oublie, et je ne veux pas vous inquiéter avec cela parce que je sais que vous avez beaucoup d'autres motifs de préoccupation, mais dans les faits, à l'instant où on se parle, la Loi canadienne sur les droits de la personne est inconstitutionnelle. C'est cela la réalité.

La Cour d'appel de l'Ontario a déclaré, en 1992, que la Loi canadienne sur les droits de la personne doit être déclarée, dans certaines de ses dispositions, inconstitutionnelle.

Laissez-moi vous rappeler comment tout cela est arrivé. En 1990, un officier des Forces armées canadiennes-«si la vie vous intéresse»-est allé voir son supérieur hiérarchique et lui a dit qu'il était homosexuel. À ce moment-là, reportez-vous dans le contexte, on est en 1990 et l'officier applique une directive. L'officier a fait son devoir, il a appliqué la directive qui était en vigueur dans les forces armées. Je précise qu'elle ne l'est plus, mais en 1990, il y avait une directive, dans les Forces armées canadiennes, qui disait que lorsqu'on était ouvertement ou réputé homosexuel, nous devions être démobilisés. C'est l'expression employée dans la directive.

L'officier en question, qui s'appelait M. Haig, d'où le cas Haig qui a été porté devant les tribunaux. À ce moment-là, l'officier Haig a été démobilisé. Il a voulu se prévaloir d'une disposition, il a voulu porter plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne. Cette Commission n'a pas pu accueillir la requête parce qu'il n'y avait pas de possibilité de porter plainte en vertu de l'orientation sexuelle.

L'officier en question, M. Haig, a tenté de porter plainte en vertu de la protection qu'on offre sur la base de l'état matrimonial, mais cela n'a pas été accepté. La Commission canadienne des droits de la personne qui est, en définitive, un tribunal administratif, a suggéré à M. Haig, qui a été démobilisé parce qu'il avait avoué son homosexualité, de s'adresser à un tribunal de droit commun.

C'est comme cela que chemin faisant, des tribunaux subalternes jusqu'au tribunal d'appel de la Cour de l'Ontario, on s'est retrouvé dans une saga juridique qui a fait en sorte que la Loi canadienne sur les droits de la personne, dans certaines de ses dispositions, a été déclarée inconstitutionnelle.

Je ne me rappelle pas si c'est à l'unanimité ou avec dissidence, mais le fait est que la Cour d'appel de l'Ontario a déclaré, en vertu de l'article 15, et c'est pour cela que le secrétaire parlementaire référait à l'article 15-vous vous rappellerez que l'article 15 est entré en vigueur en 1985-l'article 15 de la Charte canadienne des droits de la personne, qui a donc une valeur constitutionnelle, prévoit l'égalité de traitement pour tous.

(1110)

C'est pour cela que depuis 1992, non seulement la Loi canadienne sur les droits de la personne est-elle inconstitutionnelle, mais en plus, on a eu le réflexe d'interpréter que la Charte canadienne et la Loi canadienne sur les droits de la personne devaient se lire comme incluant, dans les motifs illicites de discrimination, l'orientation sexuelle.

En 1992, c'est Mme Kim Campbell qui était ministre de la Justice, je ne sais pas si ça fait partie des bons ou des mauvais souvenirs de cette Chambre, mais historiquement, un fait demeure, c'est Mme Kim Campbell qui était ministre de la Justice. Donc, Mme Kim Campbell n'a pas voulu-et je pense que c'est un geste à l'égard duquel il faut lui être reconnaissant-en tant que ministre de la Justice, n'a pas voulu porter la cause en appel. Ce qui a voulu dire que non seulement le jugement rendu à la Cour de l'Ontario a-t-il été exécutoire en Ontario, mais Mme Campbell a décidé qu'il serait exécutoire à travers le Canada.

C'est pour cela que le gouvernement, non seulement a-t-il eu la générosité d'inclure l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais je dirais que sur le plan du droit, et je sais que le secrétaire parlementaire a entre autres qualités celle d'être avocat, sur le plan du droit, nous n'avions pas le choix que de procéder à cette révision.

J'ai été assidu aux débats sur le projet de loi C-33, vous le savez, j'ai été ici tout le temps et jamais les députés réformistes n'ont rappelé cette obligation impérative, jamais ils n'ont fait ce raisonnement logique que de dire qu'au-delà de la volonté des parlementaires, ce que nous ferons dans quelques heures-et nous ne doutons pas que nous allons gagner cette bataille-ce que nous ferons dans quelques heures, c'est actualiser la loi en vertu d'un jugement qui a été rendu par un tribunal, un tribunal d'appel, un tribunal de droit commun qui est la Cour d'appel de l'Ontario.

Je crois que nos auditeurs, les gens qui s'intéressent aux droits de la personne, doivent avoir ces références historiques en mémoire.

Et là, nous nous sommes installés sur la pente sablonneuse du désarroi quand vous avez accepté, comme ceux qui vous ont précédée, de donner la parole aux députés du Parti réformiste. Là, tout y est passé. Un peu plus et on ne pouvait plus manger nos Corn Flakes avec du lait, si nous adoptions cette loi. Le Liberia était pour s'installer au Canada et nous étions dans une situation potentielle d'anarchie.

Heureusement, nous allons profiter de ce débat pour rétablir les faits. Premièrement, je pense qu'il faut être très clair. C'est avec un espèce d'obsession un peu freudienne que tous les députés réformistes nous ont dit que si on adoptait cette loi, on allait changer la définition du mariage. Je suis près à vous parier une grosse bière de votre choix, madame la Présidente, que celui ou celle qui va me succéder va également rappeler cela.

Je pense qu'il faut rappeler deux faits: tout d'abord, la célébration du mariage est de juridiction provinciale; deuxièmement, dans le libellé, il y a trois articles dans ce projet de loi, ce n'est quand même pas trop difficile à lire, rien dans ce projet de loi, ni de près ni de loin, ni indirectement ni directement, va changer la définition du mariage.


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Même, et là je suis dubitatif, même si le gouvernement avait suggéré un changement à la notion de mariage, cela aurait probablement été invalidé. Savez-vous pourquoi cela aurait été invalidé? Parce qu'en 1995, donc l'an passé, un jugement a été rendu en vertu du common law. Ce jugement, je veux le dédier à mes amis réformistes, mes amis avec un petit «a».

Dans l'affaire Layland et Beaulne c. l'Ontario, les demandeurs ont contesté, en vertu de l'article 15-dont je parlais, et qui prévoit l'égalité de traitement pour tous-l'article 15 de la Charte relatif à la protection contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, l'exigence du common law selon laquelle le mariage doit constituer en une union entre un homme et une femme.

La Charte, qui fait partie de la Constitution, a préséance sur toutes les autres lois. Dans l'arrêt rendu dans Layland et Beaulne, voici ce qu'on a dit: «La restriction imposée par la common law, à savoir que le mariage doit mettre en présence des personnes de sexe opposé ne constitue pas de la discrimination contre les requérants qui violent l'article 15 de la loi.»

(1115)

En fait, aucune cour de justice, à ce jour, et je ne crois pas qu'on est très susceptibles d'y assister, n'a rendu un jugement où, en vertu de l'article 15, elle voudrait changer la définition de mariage. Bien sûr, certains autres pays à travers le monde, comme le Danemark et la Norvège, ont permis, non pas le mariage entre conjoints de même sexe, ils ont permis des déclaration d'union civile. Ce n'est donc pas un sacrement, c'est une déclaration d'union civile qui offre comme possibilité de faire un contrat où les conjoints s'avantageront mutuellement.

Cet éclaircissement étant apporté, j'ai essayé d'être le plus clair possible, j'espère que les gens qui nous écoutent ainsi que mes collègues du Parti réformiste vont bien comprendre que le projet de loi ne modifie pas la notion de mariage. Nous avons des garanties que de la jurisprudence a été créée dans ces pays et nous savons très bien que, même si un concitoyen au Canada, quel qu'il soit, de Terre-Neuve, de l'Ontario, du Québec ou de la Saskatchewan voulait, en vertu de la Loi canadienne ou de la Charte, changer la notion de mariage, je crois, sans prédire l'avenir, que nous serions dans une situation où il y a des garanties assez fermes que le mariage, en vertu de la common law, s'entend de deux personnes de sexe opposé.

Cela étant dit, ça ne veut pas dire que je ne suis pas favorable, à titre personnel, à ce que l'on donne des garanties aux conjoints de même sexe; j'ai même déposé un projet de loi à cet effet. Mais c'est une autre question et, de grâce, ça n'implique pas un mariage. Voilà pour les mises au point qu'il fallait faire sur le plan de la jurisprudence et de la justice.

Une autre notion aussi qui a été abondamment galvaudée, c'est cette idée que si nous adoptons ce projet de loi, la famille, tout d'un coup, par magie, un peu partout à travers le pays, sera ébranlée dans ses fondements les plus établis.

Premièrement, nous sommes ici en présence d'un projet de loi qui s'adresse à des individus. Les requérants qui déposent des plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne, et au cours des dernières années, c'est entre 4 p. 100 et 10 p. 100 des plaintes qui ont été déposées à la Commission canadienne des droits de la personne en vertu de contestations possibles sur la base de l'orientation sexuelle, les requérants, bien sûr, sont des individus.

Deuxièmement, il n'y a pas de signes annonciateurs qu'un projet de loi comme celui-là nous permettra de redéfinir ou d'ébranler la famille dans ses fondements. Le ministre de la Justice, à mon point de vue, jouant de sécurité bien que ce n'était pas nécessaire, a mis un préambule dans lequel il dit que la famille demeure la base, le fondement, l'assise de la société canadienne.

Je ne suis pas nécessairement plus heureux qu'il le faut que ce préambule soit là, parce que je pense que ce n'est pas nécessaire. Mais soit, il y est, et nous n'allons pas l'amender, nous allons vivre avec.

Donc, on confond les couples et la famille. Il est vrai que, par le passé, la Loi canadienne sur les droits de la personne a obligé-pas juste la Loi canadienne sur les droits de la personne, en fait, différents tribunaux administratifs, dont certaines commissions de relations de travail-des employeurs à reconnaître certains avantages à des conjoints de même sexe.

Vous me faites signe qu'il ne me reste que dix minutes, madame la Présidente. Vous voyez comme le temps passe vite. Je ne sais pas si j'obtiendrais le consentement pour prolonger. J'aurais tendance à parier que non. Aussi, je vais tenter de me diriger vers ma conclusion, mais dix minutes, c'est plus de temps qu'il ne m'en faut.

Le fait est que certains jugements ont été rendus par des tribunaux à travers le pays, surtout des tribunaux administratifs, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, pour reconnaître, s'agissant par exemple d'assurance dentaire ou d'assurance-maladie, certains bénéfices à des conjoints de même sexe. C'est vrai, je serais malhonnête de ne pas le rappeler, mais ça ne change rien à la notion de famille.

Un couple, c'est un couple. Il est vrai que, moi, je pense qu'un couple peut être constitué d'un homme et d'une femme, d'un homme et d'un homme, d'une femme et d'un femme, mais ça ne constitue pas une famille.

(1120)

Tout militant que je sois, la reconnaissance des conjoints de même sexe ne va pas m'amener à dire que je considère que deux lesbiennes ou deux homosexuels forment une famille, ce n'est pas vrai et ce n'est pas ce dont on parle dans ce projet de loi.

Il y a une autre distinction qu'il me semble important de rappeler. Vous vous rappellerez qu'en 1985, un comité parlementaire, dont la députée de Mont-Royal était membre, et je veux la saluer parce qu'elle a été très engagée au cours des dernières années dans la promotion des droits de la personne, ce comité parlementaire s'est promené à travers le Canada. En 1985, c'est l'année même où est entré en vigueur l'article 15 de la Charte canadienne des droits de la personne. Il a recensé les différents scénarios de discrimination qui existaient et qui existent toujours.

Encore en 1995 et 1996, il y a des gens qui sont privés de promotion parce qu'ils sont gais. Il y a des gens qui sont privés de services dans l'appareil fédéral parce qu'ils sont gais. Il y a des gens qui sont privés de services. Il n'y a pas tellement longtemps, un groupe est venu chez moi et m'a rappelé que le curé de la paroisse, une paroisse que je ne nommerai pas, avait refusé à cette association la location d'une salle parce qu'il s'agissait en fait d'un groupe ouvertement identifié à la promotion des droits des homosexuels.


2534

Ce que l'on fait ajourd'hui, c'est non seulement d'actualiser la loi, mais c'est aussi envoyer un message extrêmement clair à toutes les composantes de la société canadienne que nous n'acceptons pas, comme législateurs, que nous puissions perpétuer des scénarios de discrimination.

Ce qui est le plus important, c'est que nous puissions travailler à ce que dans dix ans, par exemple, si nous nous retrouvons au cours d'un débat, que les choses aient changé, que la personne qui a 14, 15 ou 16 ans et se découvre homosexuelle, sache que non seulement il y a des garanties juridiques, mais que les législateurs, ceux qui ont une voix publique, dans le respect de la famille, dans le respect de la majorité constituée, vont s'assurer que nous puissions dire aux gens qui sont homosexuels qu'ils ont une place à part entière dans la société. Ils ont une place à part entière comme payeurs de taxes. Ils ont une place à part entière comme producteurs. Ils ont une place à part entière comme créateurs. Ils ont une place à part entière comme citoyens.

C'est cela le plus important dans le projet de loi. Nous allons, aujourd'hui, comme législateurs, des deux côtés de la Chambre, dire que nous prenons nos responsabilités et que nous n'acceptons pas que des gens puissent vivre la discrimination et que nous voulons que sur le plan des services, sur le plan des droits, ils soient protégés dans l'appareil fédéral. Nous n'accepterons pas qu'il y ait de la discrimination.

Laissez-moi terminer en vous disant une chose. Nous avons eu une journée d'audition de témoins en comité parlementaire. Il y a eu un pédiatre de la ville de Calgary, représentée par le Parti réformiste-je vais enfreindre le Règlement pour m'adresser directement aux réformistes-le pédiatre en question est un professeur d'université. Il a conduit une étude longitudinale, donc une étude sur plusieurs années. Ce pédiatre nous rappelait qu'il y a au Canada deux millions de jeunes qui se suicident chaque année, pour diverses raisons bien sûr. Du nombre de jeunes qui se suicident, selon l'étude de ce professeur de Calgary, 60 p. 100 d'entre eux le font sur la base d'un inconfort avec la découverte de leur homosexualité.

C'est cela ce projet de loi, c'est cela C-33. Le projet de loi C-33, avec un certain nombre d'outils, bien sûr, car tout n'est pas réglé, va nous permettre de dire aux jeunes qui sont homosexuels-parce que pensez-vous un seul instant qu'il s'agit d'un choix, qu'on se lève le matin en se disant: «Aujourd'hui, je suis homosexuel, demain je serai hétérosexuel, et en fin de semaine, on verra»?

(1125)

Mais ce n'est pas de cela dont il s'agit. Quand on est homosexuel, et vous savez bien que je parle en connaissance de cause, quand on est homosexuel et qu'on se découvre homosexuel, on sait bien que cela ne procède pas d'un choix, que ça procède d'une prédétermination. C'est pour cela que le projet de loi C-33 est important, parce qu'il dira aux jeunes de tout le pays, qu'ils soient en milieu rural ou en milieu urbain, qu'ils soient étudiants ou travailleurs, qu'ils se destinent à devenir professionnels ou techniciens, que nous leur reconnaissons le droit d'être citoyens à part entière.

Non seulement nous leur reconnaissons le droit d'être citoyens à part entière, mais nous ne souffrirons pas de discrimination. Non seulement nous ne souffrirons pas de discrimination, mais nous souhaitons qu'ils puissent s'épanouir sur la base de ce qu'ils sont dans leur milieu professionnel. Sincèrement, je crois que tous ceux qui, dans cette Chambre, se lèveront dans les prochaines heures pour voter contre le projet de loi feront un manquement important, un manquement irréparable, un manquement dont ils auront un jour à s'expliquer, s'agissant des droits de la personne.

Je termine en disant que le secrétaire parlementaire a été très éloquent à cet égard, le ministre de la Justice aussi a été très éloquent et j'espère l'avoir été un peu. Ce dont nous parlons aujourd'hui, c'est d'une protection législative. Rien, dans le projet de loi, ne modifiera la famille. Rien, dans le projet de loi, ne fera en sorte qu'un hétérosexuel fier de l'être, tolérant au fond de son âme, sera inhibé dans des services qu'il pourrait recevoir du gouvernement fédéral ou dans la façon dont lui-même entend vivre sa sexualité.

Permettez-moi un dernier cri du coeur envers les gens du Parti réformiste, je sais qu'il y a au sein du Parti réformiste des gens généreux. Je sais que, tout comme nous, tout comme moi, ils ont été élus, ils ont le même mandat, ils sont les mêmes mandataires que nous tous en cette Chambre, et je leur lance un dernier cri du coeur pour qu'ils puissent revoir leur position et voter en faveur de ce projet de loi.

On aura toujours le loisir de ne pas être d'accord sur le plan des politiques économiques, on aura toujours le loisir de ne pas être d'accord sur le plan de la question nationale, et moi, je vais continuer à défendre mes idées sur le plan de l'économie qui, quelquefois, seront en confrontation avec le gouvernement. Je vais demeurer souverainiste, mais nous n'avons pas le droit, lorsque nous sommes des parlementaires et que nous avons connaissance de situations de discrimination ouverte, de ne pas encourager la fin de ces pratiques. Je lance un dernier cri du coeur aux députés du Parti réformiste pour qu'ils puissent revoir leur position et voter généreusement en faveur du projet de loi.

[Traduction]

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre part au débat sur le projet de loi C-33, qui vise à ajouter l'orientation sexuelle aux motifs illicites de discrimination aux termes de la Loi sur les droits de la personne.

Je voudrais expliquer nos sentiments quant à l'inclusion de l'orientation sexuelle aux motifs de discrimination contre les groupes protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Nous avons examiné le pour et le contre de l'inclusion de ce terme et nous en sommes venus aux positions suivantes. Nous affirmons que tous les Canadiens, y compris les homosexuels, ont droit à la vie, à la liberté, à la sécurité personnelle, à n'être victimes d'aucune forme de discrimination, quelles que soient leurs caractéristiques personnelles, et que ces droits devraient être strictement respectés.

Nous affirmons que ces droits ne devraient pas être fondés sur la personne, ni sur l'orientation sexuelle ni sur toute autre caractéristique personnelle.

Nous nous opposons à la tendance qu'ont les tribunaux et le Parlement à créer ou à reconnaître différentes catégories de personnes au Canada aux fins de la définition ou de l'ajout de droits dans la


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Charte des droits et libertés ou la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous nous opposons à la pratique d'accorder des droits illimités ou non définis dans la Charte ou la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Nous nous opposons à l'intention déclarée du gouvernement d'inclure spécifiquement l'orientation sexuelle aux motifs illicites de discrimination dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, car nous estimons que cela n'est ni nécessaire ni souhaitable.

Je voudrais tout d'abord remercier les députés qui ont résisté à la vague. Depuis une semaine et demie, des efforts gigantesques sont déployés pour élaborer des stratégies, une bataille d'information se livre entre le gouvernement et la presse et une campagne de désinformation ou de détournement des vraies questions fait rage.

(1130)

Je déclare aujourd'hui que le gouvernement n'a plus aucune crédibilité quant au programme qu'il a proposé à la population canadienne. Il a été forcé de dissimuler son propre déficit d'intégrité à cause de ses agissements.

Nous assistons à des jeux de coulisses bassement politiques, à des insinuations et à des tentatives faites avec les médias et visant à provoquer la controverse plutôt qu'à faire ce qui doit être fait. Nous assistons à des tentatives de camouflage du fait que les libéraux n'ont pas tenu leur promesse relativement à la TPS. Ils ont échoué dans le traitement de l'affaire de la Somalie, de la commission Krever et de la mine Westray. Les familles et les gens touchés regardent ce qui se passe à la Chambre des communes et se demandent ce que nous faisons. Qu'avons-nous fait avec le débat sur l'unité? Le gouvernement actuel a laissé tomber le peuple canadien de bien des manières.

Je ne suis pas arrivée à la Chambre des communes il y a deux ans et demi pour sauver le Canada. Beaucoup de députés ont voulu se faire élire pour leurs propres raisons. Personnellement, je suis venue ici, entre autres, pour m'occuper de la dégradation de la structure des familles canadiennes. Je le dis du fond du coeur. Il n'est pas très éblouissant ou racoleur de dire «je défends la famille», mais nos familles et les institutions qui les entourent sont fondamentales à beaucoup d'égards au Canada.

Établir l'importance de la famille au sein de la société canadienne, c'est comme ériger un mur de défense autour du pays. On ne peut construire ce mur que brique par brique et il n'a que la force des briques qui le constituent. Si ces briques sont fendues, brisées ou remplacées par autre chose, les matériaux mêmes affaibliront le mur de défense. Ce mur se dégradera et cédera aux attaques, réduisant ainsi la sécurité du pays lui-même.

Aujourd'hui, le mur érigé avec les briques que sont les familles s'écroule. Nous le voyons dans notre système de justice et notre système économique. Les familles sont en détresse. Nous voyons les Canadiens perdre espoir.

Les héros d'aujourd'hui sont ceux qui investissent temps et efforts dans la fabrication des briques, c'est-à-dire ceux qui fondent des familles fortes et saines pour édifier le pays. Ces gens sont dans nos foyers, dans nos collectivités, dans nos églises, partout au Canada. Ces gens se retrouvent des deux côtés de la Chambre. Ils résistent bravement.

Aujourd'hui, je suis heureuse d'exprimer les inquiétudes que suscite chez moi le projet de loi C-33 et de faire état de mes convictions. Tout d'abord, je crois en l'égalité de tous les Canadiens.

Le principe fondamental selon lequel tous les Canadiens sont égaux devant la loi est un principe fondateur de la politique et de l'attitude du Parti réformiste. Il est à la base de beaucoup de nos positions, notamment de celle selon laquelle la grande confédération canadienne est composée de dix provinces égales. Aucune province n'a de droits spéciaux. Le principe de l'égalité s'étend aux définitions fondamentales des droits et des privilèges de chaque Canadienne et chaque Canadien.

Le Parti réformiste et moi rejetons carrément la définition de l'égalité qui repose sur une liste de groupes et sur la promotion et la protection de certaines catégories tout simplement parce que, historiquement, elles ont été désavantagées. Comment concilier une telle position avec la véritable égalité aujourd'hui?

La mentalité des libéraux veut qu'ils dressent une liste de catégories, qu'ils examinent les différents droits de différents groupes et élèvent les droits d'un groupe précis, ce qui se fait nécessairement au détriment d'un autre groupe.

Nous avons vu, par exemple, les Canadiens rejeter l'équité en matière d'emploi, c'est-à-dire le droit d'embaucher et d'accorder des promotions en se basant non pas sur la capacité des gens ou sur leur mérite, mais sur leur appartenance à une des catégories de la liste. Cette mentalité est une honte. Cela donne à ces personnes des droits et privilèges inégaux. En fait, certains membres de notre société deviennent plus égaux que d'autres.

(1135)

Le Parti réformiste rejette l'idée d'énumérer des catégories dans la Loi canadienne des droits de la personne et dans la charte.

Si nous jetons un coup d'oeil sur l'histoire, nous voyons que notre charte des droits a vu le jour lors du rapatriement de la Constitution par M. Trudeau. C'est dans cette charte que la première liste a été établie. La charte des droits est venue remplacer la déclaration des droits qui existait auparavant et qui ne contenait pas une telle liste. Cependant, un homme a établi une liste et a créé l'impression de l'égalité par catégorie.

J'ai appris au cours de ce débat qu'il n'y avait pas de telle liste dans la déclaration américaine des droits ni, antérieurement, dans la déclaration française des droits de l'homme et du citoyen du XVIIIe siècle. Il y est simplement énoncé que l'égalité est le droit universel de chaque individu. C'est le modèle utilisé dans bien des pays du monde.

Cependant, pour une raison ou une autre, notre premier ministre des années passées a décidé qu'il fallait établir une liste. Cela a permis aux tribunaux d'accorder la priorité aux droits de certains Canadiens par rapport à ceux d'autres Canadiens. Cela a introduit un système de droits spéciaux pour ceux qui sont inclus dans la liste et de droits moindres pour ceux qui en sont exclus.


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Un député a demandé plus tôt comment nous pouvons nous opposer à une liste. Les grands penseurs de notre histoire ont très bien fait sans liste. Cette modification proposée à la Loi canadienne sur les droits de la personne est encore une fois fondée sur cette liste. Les groupes d'intérêt font la file pour se faire inclure.

Notre parti a dit qu'il éliminerait complètement cette liste, qui, au départ, est une mauvaise idée, au lieu d'y ajouter une autre catégorie. Nous croyons, comme le prévoit la charte, que la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection de la loi indépendamment de toute discrimination. Nous croyons que les droits de tous les Canadiens devraient être protégés, y compris le droit dont nous parlons aujourd'hui, celui de n'être victime d'aucune forme de discrimination. Ma première conviction, c'est que l'égalité de tous les Canadiens est un droit fondamental.

La deuxième conviction que je présente à la Chambre aujourd'hui, c'est que le gouvernement a abandonné les familles canadiennes. La famille est le fondement de la société. Notre société se portera comme nos familles se portent. Les libéraux essaient de redéfinir la famille pour suivre l'évolution de notre société, et c'est tout à fait insensé. Nous devrions plutôt chercher des façons de renforcer cette institution. C'est la pierre angulaire de notre société. Elle a été définie par le temps et la tradition. Lorsque des gens essaient de diminuer son importance dans la société, il ne faut pas prendre cela à la légère. Ce sont nos familles qui ont bâti ce monde. La vitalité de la famille est garante de celle de notre pays.

J'entends démontrer aujourd'hui comment le gouvernement a abandonné la famille. Sous le couvert des droits de la personne, il favorisera le remodelage des définitions et de la conception fondamentales de l'élément de base de notre société. Il ouvrira une porte à l'interprétation judiciaire et celle-ci conduira à une reconstruction sociale qui touchera davantage de Canadiens, dans un plus grand nombre d'aspects de leur existence, que nous ne pouvons l'imaginer.

Le gouvernement a abusé de sa majorité. Il a imposé ce projet de loi. Afin de prendre les gens de court, le gouvernement a forcé l'adoption du projet de loi en deux jours et demi de débat à la Chambre et un jour et demi d'étude au comité. Et encore, le comité était rempli de témoins et de députés pro-gouvernementaux. En agissant ainsi, le gouvernement a commis un abus de pouvoir et il a trompé la population canadienne. Il a porté atteinte à l'intégrité du processus d'examen de cette question de première importance.

(1140)

L'étape de l'étude en comité a été intéressante. Deux de ses membres ont siégé en 1985 au comité multipartite, qui a si souvent été cité à la Chambre. Ce même comité avait recommandé pour la première fois d'ajouter l'orientation sexuelle aux motifs de discrimination interdits par la Loi canadienne des droits de la personne. Fait intéressant, le président du comité actuel, qui était aussi membre du comité en 1985, a admis que le rapport de ce comité avait été rédigé par le député de Burnaby-Kingsway.

Dans l'exposé que j'ai fait au comité actuel, j'ai dit que le comité en place en 1985, avait outrepassé son mandat. Qu'on dise à la Chambre qui rédige les rapports des comités dans cet endroit. Pourquoi a-t-on confié à un député d'un troisième ou quatrième parti-ce que c'était à l'époque-la responsabilité de rédiger ce rapport? On cite ce rapport à tout bout de champ pour justifier ce que nous sommes en train de faire aujourd'hui.

La plupart des députés étaient à la Chambre hier soir. Nous avons très clairement été témoins du manque d'engagement à l'égard de certaines promesses. Encore une fois, on a esquivé la question. Le ministre de la Justice a, à plusieurs reprises, fait des déclarations qui, à mon avis, sont trompeuses, ou refusé de répondre à certaines questions. Hier soir, on a vu l'importance que l'on accordait à ces enjeux.

Nous avons demandé au ministre de faire certaines promesses ou de préciser où l'on voulait en venir avec ce projet de loi. En comité, dans cette Chambre et au cours des entretiens que nous avons eus avec lui, nous lui avons demandé quelles étaient les implications de ce projet de loi. Hier soir, les députés qui avaient certaines réserves à l'égard de ce projet de loi les ont expliquées clairement et les ont exprimées sous forme d'amendements. Ces réserves ne sont pas seulement celles des gens de cet endroit, ce sont aussi celles des Canadiens d'un océan à l'autre. Nous disposions seulement de quelques jours pour poser ces questions et nous l'avons fait. Nous avons demandé au gouvernement quelles seraient les conséquences de ce projet de loi. Nos craintes, tous les Canadiens devraient les partager et je crois que c'est le cas.

Qu'a fait ce gouvernement? Le ministre de la Justice a déclaré que cette mesure législative ne fait qu'ajouter deux mots à un projet de loi très simple, comportant seulement deux articles; ces deux mots empêcheraient la discrimination et n'auraient aucun effet sur d'autres mesures législatives. Il nous a dit aussi que huit provinces avaient adopté une mesure législative similaire et qu'il n'y avait pas eu de problème, alors, pourquoi diable, une telle chose devrait-elle nous inquiéter. Je passerai en revue quatre sujets de préoccupation qui ont été abordés hier.

L'une des questions que les Canadiens se posent est de savoir si ce projet de loi signifie que les conjoints de même sexe auront droit à des avantages sociaux. Le projet de loi leur accordera-t-il les mêmes avantages? La motion no 14 présentée à l'étape du rapport avait pour but de veiller à ce qu'il n'y ait dans ce projet de loi aucun changement implicite à l'égard des avantages consentis. Il consistait à ajouter une nouvelle disposition afin de bien préciser que rien dans ce projet de loi n'avait pour effet d'étendre les avantages matrimoniaux aux conjoints de même sexe, un amendement très simple. Cet amendement a été rejeté par le gouvernement, qui l'a emporté par 166 voix contre 50. Le gouvernement n'était pas prêt à prendre d'engagement à cet égard, même si c'est ce qu'il semblait vouloir dire à tous les intéressés.

(1145)

Quand le projet de loi 167 a été présenté à l'Assemblée législative de l'Ontario et soumis à un vote libre, comme c'est censé être le cas de celui-ci, on avait au moins été assez honnête pour dire explicitement que cela allait entraîner une modification des avantages sociaux et de certaines autres choses. L'an dernier, l'Assemblée


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législative du gouvernement ontarien a rejeté ce projet de loi à l'occasion d'un vote libre.

Le projet de loi C-33 ne précise pas qu'une telle conséquence en découlerait. On n'a pas eu le temps non plus de tenir des discussions ou des débats publics. Encore une fois, le ministre affirme que le projet de loi ne présente qu'une simple protection contre la discrimination.

Le ministre de la Justice a récemment envoyé une note de service aux députés libéraux pour leur dire que: «Cette modification n'entraînera pas la reconnaissance des conjoints homosexuels aux fins des avantages sociaux.» Je suis sûre que les députés libéraux se sont dit: «Très bien, je peux retourner chez nous et dire à mes électeurs qu'ils n'ont rien à craindre.»

Les fonctionnaires et le ministre de la Justice ont admis que cette modification entraînera logiquement l'adoption d'une disposition sur les avantages consentis aux conjoints. Je cite M. Max Yalden, président de la Commission canadienne des droits de la personne, qui disait, le 15 mars 1994: «Nous sommes fortement en faveur d'une modification de la Loi sur les droits de la personne en vue d'interdire toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Cela signifie que, si un couple hétérosexuel a droit à certains avantages, ces mêmes avantages devraient être consentis à un couple qui se trouve dans la même situation sauf pour le fait qu'il est formé de deux hommes ou de deux femmes.»

Également en mars 1994, le ministre de la Justice a donné une interview exclusive à un journal voué à la cause des homosexuels. Le journal rapporte ainsi ses propos: «Si le gouvernement adopte la position que la discrimination est inacceptable, il s'ensuit logiquement que vous avez droit aux avantages consentis aux conjoints.» Le ministre et M. Yalden semblent être d'accord-du moins, ils l'étaient à ce moment-là. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne veut l'admettre aujourd'hui, ni à la Chambre ni à la population canadienne.

Si la Loi canadienne sur les droits de la personne n'a rien à voir avec les avantages de conjoint, pourquoi la majorité des plaintes soumises à la Commission canadienne des droits de la personne pour des questions d'homosexualité ont-elles trait aux avantages de conjoint? Ces plaintes sont simplement en attente qu'une décision soit prise ici, et cela se fera.

La deuxième question que posent tous les Canadiens est la suivante: ce changement entraînera-t-il une redéfinition de la famille, du statut de la famille, du mariage ou du mot conjoint? Plusieurs de nos amendements visaient à régler cette question, hier soir. La motion no 11 ajoutait simplement au projet de loi une disposition affirmant que la mention de l'orientation sexuelle ne modifiait pas les notions de mariage, de famille ou de conjoint dans toute autre loi du Parlement. Cet amendement était très clair.

La motion no 21 proposait l'ajout d'une disposition présentant une définition du mot famille que la majorité des Canadiens aurait pu comprendre. Une famille se définissait comme des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption. Le mariage est défini comme l'union d'un homme et d'une femme, selon le sens donné à ces mots dans la loi. C'est la définition que la plupart des Canadiens approuveraient.

Devant le comité, le ministre de la Justice a fermement refusé d'inclure une définition ou une proposition de définition de la famille dans le préambule du projet de loi. Dans un communiqué publié en avril 1996, le ministre a déclaré que la modification proposée n'aurait aucune incidence sur la définition des mots «mariage», «famille» et «conjoint» et que son seul objectif était d'assurer le respect des droits de la personne.

(1150)

Au comité, le député de Burnaby-Kingsway et moi-même, pour des motifs bien différents, j'en suis convaincue, avons tous deux interpellé le ministre à cet égard. Nous lui avons demandé si la définition allait inclure aussi les unions de conjoints de même sexe et de quelle définition du mot «famille» il était question au juste. Nous n'avons obtenu aucune réponse du ministre de la Justice.

J'ai lu le résumé du 25 février 1993 de la cause Canada c. Mossup. Cette cause portait sur les avantages sociaux, comme bien d'autres causes. Je voudrais citer un extrait de ce résumé, qui se rapporte justement aux définitions que renferme la législation. À cette époque, il s'agissait de définir l'expression «situation de famille». Voici ce que dit le document: «La décision du Parlement de ne pas définir l'expression en question est une preuve que le législateur avait clairement l'intention de laisser à la commission et aux tribunaux le soin de la définir. Les motifs de distinction illicite énumérés doivent être examinés dans le contexte des valeurs contemporaines[. . .] Leur sens n'est pas établi une fois pour toutes et la portée de chacun peut évoluer.»

On reconnaît là que l'absence de définition de l'expression «situation de famille» vise précisément à laisser aux tribunaux le loisir de modifier cette définition.

Il en découle logiquement que l'absence de définition du mot «famille» dans la loi laisse aux tribunaux le loisir non seulement d'établir la définition, mais aussi de la modifier éventuellement. En ne définissant pas le mot, on laisse aux tribunaux la possibilité de le redéfinir.

En 1993, le juge en chef Lamer de la Cour suprême du Canada s'est prononcé sur l'incidence de l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il a dit que si l'orientation sexuelle avait figuré dans cette loi, celle dont nous étudions la modification aujourd'hui, son interprétation de l'affaire qu'il venait de revoir aurait pu être ou aurait été que les couples homosexuels pouvaient être légalement considérés comme une famille.

Je suggère à la Chambre que le fait d'ajouter l'orientation sexuelle à la Loi canadienne sur les droits de la personne changerait la définition du mot famille. Cela changerait la définition du mot conjoint. Cela changerait du même coup leur interprétation dans plus de 50 lois fédérales.

Est-ce que cela va conduire à des programmes d'action positive pour les homosexuels? C'est une question qui préoccupe de nombreux Canadiens. La motion no 18, d'hier soir, précise que l'insertion de l'expression «orientation sexuelle» dans les deux articles n'aboutira pas à l'insertion de ces termes dans l'article 16. C'est l'article qui traite des programmes spéciaux, autrement dit de l'action positive.

Bien que ces mots ne soient pas spécifiquement inclus dans l'article 16 par la modification proposée par le gouvernement, ils apparaissent dans l'article 3. Ce dernier commence par «Pour l'application de la présente loi,» puis mentionne l'orientation sexuelle.


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Par conséquent, il est non seulement possible et vraisemblable, mais peut-être même certain que l'orientation sexuelle sera considérée comme figurant à l'article 16. Hier soir, le gouvernement a de nouveau rejeté l'amendement qui aurait dissipé toute inquiétude à ce sujet.

Comment se fait-il que l'expression orientation sexuelle apparaisse maintenant sur les demandes d'inscription d'établissements postsecondaires? Comment se fait-il que sur le formulaire du prochain recensement s'adressant à tous les Canadiens, un recensement qui fournira au gouvernement les données nécessaires pour calculer les proportions à utiliser dans le cadre des programmes d'action positive et d'équité en matière d'emploi, il y ait des questions sur l'orientation sexuelle? Il semblerait effectivement que les programmes gouvernementaux soient appelés à en tenir compte.

Une délégation de la police d'Ottawa a comparu devant le comité. Elle a admis que sa politique d'embauche et de promotion tenait compte de l'équité en matière d'emploi. À l'heure actuelle, elle recherche activement à recruter des homosexuels et des lesbiennes. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour voir que cela pourrait devenir un élément du programme général d'équité en matière d'emploi.

(1155)

Est-ce que les libertés individuelles, comme les libertés de religion, d'expression et d'association seront touchées? C'est une chose qui inquiète tous les Canadiens.

Le ministre de la Justice, dans son discours de présentation du projet de loi, a très mal cité le catéchisme catholique. Au sujet de la liberté de religion, il disait que le projet de loi ne porte pas atteinte aux religions. En disant cela, le ministre de la Justice, pour de nombreux Canadiens, se livrait à une grossière distorsion. Il a abusé des pouvoirs que lui donne son portefeuille.

J'ai reçu des lettres provenant de différentes organisations religieuses qui s'opposent résolument à ce qui se passe ici aujourd'hui: l'association des familles catholiques de l'Ontario, la Conférence des évêques catholiques du Canada, l'association des ministres chrétiens, le district de Colombie-Britannique et du Yukon des Assemblées de la Pentecôte du Canada, la First Baptist Church de Nanaïmo, le Vancouver Chinese Evangelical Ministerial Fellow-ship, le Bureau de l'évêque du district de Kamloops, pour n'en nommer que quelques-unes.

Comment le ministre de la Justice peut-il être tellement dans l'erreur en faisant cette déclaration? Le ministre de la Justice a dit également que l'expérience provinciale montre qu'il n'y a pas eu de conflit résultant de l'addition de l'orientation sexuelle dans les lois provinciales sur les droits de la personne.

J'ai ici quelques exemples. Il y a eu un cas au Québec, en 1980, qui a été devant les tribunaux. La Commission des écoles catholiques de Montréal a été contrainte de louer ses installations une association homosexuelle du Québec. La Commission des écoles catholiques de Montréal a prétendu que l'homosexualité était condamnée par l'église et que, en tant qu'établissement d'enseignement et en tant qu'église, elle avait le droit de refuser de louer ses installations. Les tribunaux n'ont pas été de cet avis.

Le deuxième exemple est en Alberta, à la cour du Banc de la Reine, en 1994. L'employé d'une institution religieuse a été licencié parce qu'il ne respectait pas la politique de l'institution en ce qui concerne la pratique homosexuelle. Son droit à un emploi a été annulé en appel. On a dit que le mouvement, au niveau fédéral, pour ajouter cette expression à la Loi canadienne des droits de la personne, avait été précipité par le fait que ce tribunal provincial ayant jugé ainsi, il fallait agir le plus vite possible pour que le fédéral ne suive pas la même voie.

Toutefois, la question demeure que les institutions religieuses se voient contraintes dans leur choix des personnes qui devraient travailler pour elles.

Un troisième exemple est celui de la Commission des droits de la personne du Manitoba, mars 1993, à Winnipeg. Dans l'affaire Kripen c. the Big Brothers Association of Winnipeg, cette association est accusée de discrimination en refusant de jumeler Kripen à un petit frère parce qu'il était gai. Cette association avait pour politique de ne pas jumeler un gai avec un petit frère à moins que les parents précisent bien qu'ils étaient d'accord. Cependant, cette disposition était inacceptable. On l'a contestée devant la Commission des droits de la personne du Manitoba.

On a considéré que cela tombait dans la catégorie de la fourniture de services qui est visée par la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais la décision a été défavorable à l'association.

(1200)

Un quatrième exemple est une décision du Conseil des droits de la personne de la Colombie-Britannique en date du 4 août 1995. Dans cette décision, on a jugé qu'un médecin avait discriminé contre un couple de lesbiennes en refusant de leur offrir des services d'insémination artificielle du fait de leur orientation sexuelle.

Il est intéressant de noter que ce médecin avait offert ce type de service à un autre couple de lesbiennes, s'était retrouvé mêlé à un litige, et avait donc décidé de ne plus pratiquer ce type d'intervention pour ses propres raisons. Le médecin, qui avait déjà été mêlé à un litige sur l'insémination artificielle, a prétendu que les membres des professions libérales devraient avoir le droit d'offrir leurs services à qui bon leur semble. Cependant, le Conseil ne lui a pas donné raison et il a perdu sa cause.

Les deux personnes en cause, Tracy Potter et Sandra Benson, comptent parmi mes électrices et je les ai rencontrées. L'année dernière, elles m'ont annoncé la naissance de leur enfant et il est donc évident qu'elles ont trouvé quelqu'un pour répondre à leur besoin. Entre-temps, une plainte contre le médecin est en instance devant le Conseil des droits de la personne.

Un cinquième exemple concerne les effets des décisions provinciales. Le ministre de la Justice a prétendu que ce qui se passe dans les provinces n'a aucune répercussion dans le reste du pays.

L'affaire Leshner a été examinée par la commission d'enquête de l'Ontario, et le numéro de septembre 1992 du Babillard canadien des droits de la personne rapporte que la majorité des commissaires concluait qu'on devrait modifier la définition de l'état matrimonial


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pour empêcher toute plainte basée sur l'état matrimonial en supprimant l'expression «du sexe opposé». L'article ajoute que la commission a exhorté le gouvernement de l'Ontario à faire tous les efforts possibles pour persuader le gouvernement du Canada de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu, et à s'adresser aux tribunaux si les démarches politiques n'aboutissaient pas.

En plus de ces affaires devant les tribunaux, je voudrais dire aux Canadiens et aux députés que, quand il s'agit des listes et des catégories, je pense en particulier à l'expérience avec les minorités visibles en Ontario. Je sais que des corps policiers ne sont pas autorisés à tenir des statistiques criminelles par catégories de minorités visibles.

Hier, on a dit qu'il s'agissait de faits qui pourraient aider la société, non pas à faire de la discrimination contre un groupe, mais à aider l'ensemble de la population. Si un problème se pose au sein d'un groupe, on devrait s'y attaquer et ne pas le nier sous prétexte de ne pas vouloir discriminer contre un groupe.

Cependant, hier soir, un député de mon propre parti s'est fait attaquer lorsqu'il a présenté des statistiques sur la santé. Qu'adviendra-t-il si les statistiques, si les faits, si tous les éléments qui entrent dans l'élaboration des processus décisionnels ne peuvent plus être évoqués, que ce soit à des fins de traitement, de financement ou autre? Qu'adviendra-t-il si l'on ne peut plus parler de ces faits, si des groupes n'ont plus de compte à rendre à personne à cause de cette protection que leur accorde le terme discrimination?

Que fait-on de la liberté d'expression? Je sais que dans nos écoles on enseigne déjà que le mode de vie des homosexuels vaut celui des hétérosexuels. Je sais aussi que le gouvernement fédéral, par le truchement de Santé Canada, intervient dans nos écoles. Il influence les programmes d'enseignement en finançant l'initiative de lutte contre la violence.

Le gouvernement a imposé des lignes directrices en matière de santé sexuelle à l'ensemble des provinces. Il a proposé des programmes d'enseignement en matière de santé sexuelle pour les élèves de la maternelle à la 12e année.

Les Canadiens sont-ils au courant des faits? J'ai plutôt l'impression que non. Les parents ont-ils eu toute liberté pour s'exprimer et décider du contenu de l'enseignement dispensé à leurs enfants, toute liberté pour se renseigner sur ce que fait le gouvernement dans ce domaine, sur ce qu'il enseigne ou raconte à leurs enfants?

(1205)

Selon moi, le projet de loi C-33 est une concession faite à un puissant groupe d'intérêts spéciaux. Son objet, ce n'est pas la discrimination individuelle; il confère des droits spéciaux. Il empiète sur les droits et privilèges de la famille.

J'estime que la famille doit être reconnue de façon spéciale par notre société. On ne saurait tolérer qu'elle soit laissée-pour-compte par un gouvernement qui a déjà tant contribué à son déclin. Au nom du progrès, de la transparence et du respect des droits, la famille est de plus en plus une innocente victime.

Voici les propos scandaleux qu'un témoin du gouvernement a tenus devant le comité chargé d'étudier le projet de loi C-33. La semaine dernière, le premier vice-président de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire a déclaré ceci: «Alors que d'aucuns prétendent que la famille traditionnelle est en perte de vitesse, il nous faut reconnaître que bon nombre des changements survenus ont été bénéfiques pour les femmes, les enfants et l'ensemble de la société». Cela semble être la mentalité du gouvernement actuel. Cela semble être la mentalité de nos bureaucrates. Mais ce n'est assurément pas la mentalité de la plupart des Canadiens.

Je me rappelle une des expériences que j'ai vécues en Chine. J'étais allé visiter la grande muraille. Les Chinois construisirent ces fortifications pour contrer les invasions barbares du nord. La muraille était si élevée qu'ils étaient persuadés que personne ne pourrait la franchir. Elle était si large qu'ils étaient convaincus que personne ne pourrait la renverser. De là on avait une vue imprenable sur les environs puisque la muraille se dresse sur le sommet des montagnes. Un chariot pouvait y circuler aisément. De nos jours encore on dit que c'est le seul ouvrage érigé par l'homme qui soit visible de l'espace. Il n'est pas étonnant que les Chinois se soient installés derrière cette muraille, leur réalisation les laissant sans inquiétude.

Au cours des 100 premières années d'existence de cette muraille, la Chine a été envahie à trois reprises. Pas une fois les barbares n'ont enfoncé la muraille ni grimpé par-dessus. Chaque fois, ils ont soudoyé le gardien et sont passés directement par les portes. Les Chinois étaient occupés à compter sur leur sagesse et sur leur exploit et avaient oublié combien l'intégrité était importante.

Le processus dont nous avons été témoins ces derniers jours est dénué de cette intégrité. Il est vrai que l'intégrité découle ni de décrets ni de lois. Malgré tous leurs efforts, les gouvernements ne peuvent pas légiférer sur la fibre morale du pays, mais les gouvernements et les lois qu'ils adoptent peuvent avoir et ont effectivement un profond effet sur les institutions qui sont le fondement de la société. L'intégrité est la qualité la plus importante d'une personne ou d'un pays. Elle naît et grandit au coeur même des foyers du pays. Réorganiser avec insouciance le fondement de la société, c'est menacer l'avenir du pays.

Notre avenir réside dans l'institution de la famille, dans la foi et dans les cultures. Les législateurs qui nient ou tentent d'écarter la nécessité fondamentale de protéger ces institutions historiques auront tôt fait de détruire le tissu du pays.

Je propose:

Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «Que» et en les remplaçant par ce qui suit:
«le projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, ne soit pas maintenant lu une troisième fois étant donné qu'en attribuant, dans la loi, des catégories spéciales à certains groupes, ce projet de loi ne cherche pas à soutenir le principe de l'égalité de tous les Canadiens et, parallèlement, ne

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garantit pas que l'on ne modifiera pas la définition juridique actuelle du mariage, de la famille et du conjoint dans les lois et les règlements fédéraux et que l'on n'empiétera pas sur les libertés fondamentales dans la société.»
(1210)

Le vice-président: La députée a dit «soit» au lieu de «ne soit pas» dans son amendement. Je présume qu'elle a voulu dire «ne soit pas». Pourrait-elle le confirmer?

Mme Hayes: Oui, je crois que vous avez raison.

M. Allmand: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement précisément sur ce point et sur le reste du libellé de l'amendement. Je crois savoir que seul un amendement motivé peut être présenté à cette étape-ci. Je me demande si l'amendement tel que libellé répond aux critères d'un amendement motivé.

Nous en sommes à la troisième lecture. Nous ne pouvons pas, à ce stade-ci, modifier les articles du projet de loi. On peut présenter un amendement motivé de type traditionnel, mais-le leader parlementaire et le whip ne sont pas ici-il me semble que le libellé de cet amendement ne respecte pas les critères d'un amendement motivé.

Le vice-président: La députée a omis la négation, qui est bien indiquée dans le texte. Le texte de l'amendement a été fourni à l'avance. Des gens qui connaissent ces questions beaucoup mieux que moi ont jugé cet amendement acceptable. Par conséquent, il est recevable.

M. John Godfrey (secrétaire parlementaire du ministre de la Coopération internationale, Lib.): Monsieur le Président, je partage mon temps de parole avec le député d'Hamilton-Ouest. Je prends la parole pour appuyer sans réserve le projet de loi C-33.

Au départ, je n'avais pas l'intention d'intervenir au sujet de cette mesure. Comme la député de Port Moody-Coquitlam, je suis venu au Parlement pour diverses raisons. La liste de mes raisons est longue. Je voulais notamment promouvoir l'unité canadienne, stimuler la richesse et la création d'emplois, m'occuper de la participation du Canada à un ALENA étendu, faire valoir les programmes d'aide aux jeunes enfants, ce qui, en plus d'élever un enfant de deux ans, devait me permettre de promouvoir la cellule familiale, favoriser les questions touchant la science et la technologie, défendre la culture canadienne et protéger l'environnement.

Je ne pensais vraiment pas avoir à défendre une motion comme celle dont la Chambre est saisie aujourd'hui. Au départ, j'ai pensé que le projet de loi C-33 avait une portée tellement limitée, qu'il était tellement nécessaire et qu'il correspondait tellement aux principes de mon parti qu'il serait pratiquement inutile d'en débattre ou d'en discuter. Or, c'est précisément ce débat et cette division, ou cette passion, à la Chambre et même au sein de mon parti, qui m'ont convaincu, non seulement d'appuyer le projet de loi, ce que j'ai toujours eu l'intention de faire, mais de prendre la parole aujourd'hui.

Quel est l'objet du projet de loi? Il s'agit simplement d'ajouter l'orientation sexuelle à une liste de motifs de discrimination illicite. Il est question des droits de la personne, ici. Nous ne parlons pas du choix d'un mode de vie. Nous voulons interdire la discrimination contre 10 p. 100 des Canadiens qui travaillent dans des institutions assujetties aux lois fédérales.

La mesure n'a rien à voir avec les cinq exemples que la députée de Port Moody-Coquitlam a cités et qui concernaient notamment l'Ontario, le Québec, le Manitoba et la Colombie-Britannique. Ce sont tous des cas qui relèvent de la compétence des provinces. Les lois provinciales régissent les 90 p. 100 de la population qui n'est pas visée par le projet de loi. La mesure n'a rien à voir avec la compétence des provinces, peu importe les exemples de la députée.

Le projet de loi n'a rien à voir avec 90 p. 100 des Canadiens qui vivent et travaillent à l'extérieur des institutions fédérales. Il ne s'applique ni au mariage ni à l'adoption, qui sont de compétence provinciale. Je signale à la députée de Port Moody-Coquitlam que le projet de loi n'a rien à voir avec la famille. D'ailleurs, le préambule «proclame l'importance de la famille comme fondement de la société canadienne».

Aussi étrange que cela paraisse, le projet de loi n'a même rien à voir avec la religion. Ceux qui le laissent entendre lisent vraiment dans ce texte des choses qui n'y sont pas. Nous pourrions ajouter un certain nombre d'autres choses qui ne font pas l'objet du projet de loi. Il n'a rien à voir avec la Commission canadienne du blé. Il n'a rien à voir non plus avec l'aéroport Pearson. Il n'a même rien à voir avec la grande muraille de Chine. Les termes grande muraille de Chine ne figurent nulle part dans le texte.

(1215)

Je voudrais passer en revue certains des arguments exposés par la députée de Port Moody-Coquitlam. Elle se demandait tout d'abord pourquoi dresser une liste et pourquoi mentionner précisément cette catégorie de personnes victimes de discrimination. C'est évident. Faute d'une mention précise de l'orientation sexuelle, on ne peut pas affirmer catégoriquement qu'il y a eu des cas de discrimination flagrante au sein des institutions fédérales, et des forces armées notamment.

Deuxièmement, l'argument de la famille, auquel j'ai déjà fait allusion. La mesure n'a rien à voir avec la famille, même si nous avons réaffirmé dans le préambule qu'elle constitue le fondement de la société. La députée se demande pourquoi la mesure ne définit pas la famille. Elle a répondu elle-même à sa question en ne réussissant pas à en formuler une définition quand on l'a pressée de le faire, sans l'aide de ses notes. Si c'est tellement compliqué, pourquoi donc devrions-nous inclure dans le projet de loi la définition de famille qu'elle ne pouvait pas fournir sous pression?

Troisièmement, la députée a soutenu que l'on faisait adopter cette mesure de force. Qui agit donc ainsi? Je croyais que nous avions déclaré que la mesure faisait l'objet d'un vote libre. J'ai constaté qu'il y avait de notre côté un certaine divergence d'opinions hier soir et qu'il y en aura peut-être encore plus tard aujourd'hui. Je n'ai constaté aucun signe de vote libre de l'autre côté de la Chambre, et notamment de la part de la députée qui a fait valoir cet argument. Ceux qui avaient des opinions pour ou contre semblent avoir été exclus, peu importe la modération ou l'extrémisme de leurs points de vue. Qui fait adopter quoi de force?


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La députée a déploré que le projet de loi ne fasse aucune allusion aux prestations dont pourraient bénéficier les partenaires de même sexe. Sa logique me paraît bien curieuse. D'une part, la députée nous a demandé d'ajouter toutes sortes de détails pour définir la famille, de parler de mariage, de prestations et ainsi de suite. Mais de l'autre, elle demande de supprimer toute allusion aux catégories de personnes victimes de discrimination. En toute logique, ou bien on croit qu'il faudrait tout inclure dans le projet de loi, c'est-à-dire et la liste des personnes victimes de discrimination et les exemptions et les exceptions et toutes les préoccupations qu'elle a exprimées, ou bien on est pour la simplicité dans la loi. Mais être à moitié pour la simplicité et à moitié pour la complexité, je trouve cela un peu déconcertant.

Étant donné l'objet du projet de loi, qui est bien modeste, et étant donné ce qui n'en fait pas l'objet, qui est bien vaste, qu'est-ce qui explique réellement cette passion dont le débat est empreint? Sans vouloir faire une analyse psychologique détaillée de tous ceux qui sont présents, ce qui ne serait probablement pas apprécié par personne, il me semble que le projet de loi porte sur ses frêles épaules le poids d'un énorme fardeau. C'est-à-dire le fardeau de tous les changements qui sont survenus dans la société canadienne depuis 1950, sans parler de celui de la grande muraille de Chine.

C'est tout simplement une expression de la crainte du changement, de la crainte des différences qui émergent dans notre nouvelle société canadienne. Voilà ce qui inspire cette passion. Ce n'est pas l'objet du projet de loi. Par conséquent, c'est pour ces raisons que je m'exprime en faveur du projet de loi et que je m'apprête à voter pour, mais c'est cette passion et cette crainte qui m'ont convaincu que nous avions besoin d'un tel projet de loi.

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, ce débat a dégénéré en grande controverse, mais mes électeurs, à Hamilton-Ouest, savent que je n'ai jamais refusé d'aborder les questions importantes comme celle-ci.

Mes électeurs savent que j'ai consulté un grand nombre d'entre eux et que j'ai lu leurs lettres. Ils connaissent ma position.

Mes électeurs ont le droit de savoir ce que je pense du projet de loi C-33. J'estime donc que c'est pour moi un honneur de prendre aujourd'hui la parole pour préciser les raisons qui me poussent à appuyer cette modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Au milieu de l'inquiétude que suscitent les relations entre personnes de même sexe et d'autres questions analogues, il semble que les considérations rationnelles aient été éclipsées par les déclarations bornées et parfois même arrogantes de certains députés. Contrairement de souscrire aux positions toutes faites, comme les manchettes criardes qui parlent d'homophobie fondamentaliste de droite ou de militants des droits des gais, il vaut la peine d'examiner le projet de loi C-33 pour ce qu'il est. Il modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne.

(1220)

Il est vraiment regrettable que des questions accessoires aient détourné l'attention de l'objet principal du projet de loi. Comme beaucoup d'autres députés, j'ai reçu ces derniers jours des appels et des lettres d'électeurs qui ont parfois des idées très arrêtées sur la question, mais sont souvent mal informés.

À titre de député, je me préoccupe du bien-être général de mes électeurs. C'est pourquoi il m'arrive à l'occasion, comme à beaucoup de mes collègues de ce côté-ci, de faire tout mon possible pour aider mes électeurs aux prises avec divers besoins ou lacunes relativement à des services fédéraux ou régis par les autorités fédérales.

C'est dans cette optique que je cherche avant tout à voir comment le projet de loi à l'étude nous aidera à faire régner la tolérance et à éliminer la discrimination dans les milieux de travail de ressort fédéral.

Je saisis l'occasion pour revenir sur des inquiétudes exprimées dans des lettres que j'ai reçues au sujet du projet de loi C-33. Voici par exemple ce que m'ont écrit John et Judy: «Il ne sert aujourd'hui qu'à promouvoir la tolérance à l'égard d'un mode de vie particulier, mais que protégera-t-il demain? La pédophilie? L'inceste? Nous avons aussi l'impression qu'il détruira la famille, que Dieu a instituée dès le départ. Pourquoi verser les avantages sociaux aux couples de même sexe alors que notre pays est déjà endetté?»

La pédophilie n'est pas une orientation sexuelle. C'est un crime. C'est vrai, que le délinquant soit hétérosexuel ou homosexuel. Il n'existe aucun fondement juridique pour insinuer que l'expression «orientation sexuelle» englobe la pédophilie.

Dans sept provinces, les lois sur les droits de la personne renferment depuis près de deux décennies une disposition semblable à la modification dont nous sommes saisis. Jamais l'orientation sexuelle n'a été utilisée par la défense comme motif dans des causes de pédophilie. Il est clair que la pédophilie ne serait en aucune circonstance protégée par la législation sur les droits de la personne.

En ce qui concerne la définition de la famille, aucun changement n'est prévu ou ne sera nécessaire à la suite de l'adoption de cette modification.

Par ailleurs, la modification ne signifie pas que les avantages sociaux seront accordés aux conjoints de même sexe. Sur ce point, il convient de noter que, dans l'affaire Egan c. Canada, la Cour suprême du Canada a conclu à l'unanimité que l'orientation sexuelle était un motif de distinction illicite aux termes de la disposition de la charte qui porte sur l'égalité, soit l'article 15. Toujours dans cette cause, la Cour a établi que l'interdiction de cette forme de discrimination n'entraînait pas l'élargissement du droit aux avantages sociaux aux conjoints de même sexe.

Dans une autre lettre, Ruth écrit: «Je ne veux pas que le Parlement adopte un projet de loi qui donne aux homosexuels le droit de se marier et d'adopter des enfants.»

Premièrement, le mariage et l'adoption sont des questions qui relèvent des provinces. La modification à l'étude ne traite que de la discrimination en matière d'emploi, de logement et de fourniture de services, rien de plus. Elle n'approuve ni ne réprouve l'homosexualité ou l'hétérosexualité.


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Dans sa lettre, Norman dit: «Cet ajout retire aux citoyens probes et honnêtes le droit d'enseigner et de pratiquer des convictions morales fondées sur la vérité que l'on trouve dans la Sainte Bible simplement pour plaire à ceux qui pratiquent le style de vie le plus répugnant, le plus pervers et le plus dégoûtant qui soit.»

Toujours à ce sujet, Paul écrit: «Selon toute probabilité, il sera illégal d'enseigner, même dans les édifices consacrés au culte, que l'homosexualité est immorale, même si c'est l'une des grandes doctrines de nombreuses religions, y compris le christianisme.»

Il convient de noter cependant que les Églises, les organisations religieuses et les écoles ne relèvent pas du gouvernement fédéral. C'est donc dire que cette modification à la Loi canadienne sur les droits de la personne ne touchera ni leurs enseignements ni leurs activités.

Tout au long du présent débat, on a confondu l'octroi de droits ou de privilèges spéciaux et l'interdiction de la discrimination. Ce projet de loi vise cette dernière et non le premier. La Loi canadienne sur les droits de la personne et la modification dont il est question aujourd'hui ont pour objet d'interdire toute discrimination fondée, notamment, sur l'âge, la race, la religion, la couleur et l'orientation sexuelle.

Comme le prouvent les observations racistes et homophobes que plusieurs députés réformistes ont proférées récemment, nous avons besoin, semble-t-il, d'une loi comme celle-ci pour montrer très clairement à quel point toute discrimination nous répugne et le fait que nous ne voulons pas d'attitudes racistes et homophobes dans notre société.

(1225)

Pour que ce soit bien clair, je répète que ce projet de loi a pour objet d'assurer que les milieux de travail des secteurs visés par la réglementation fédérale soient tolérants et libres de toute discrimination injustifiée. Une nette majorité de Canadiens appuient cette modification et cela, depuis de nombreuses années, si l'on en juge par divers sondages d'opinion. La plupart ne considèrent même pas cette question comme extrêmement controversée.

Je suis fier que mes collègues de ce côté-ci de la Chambre et quelques-uns des députés les plus progressistes d'en face aient aussi vigoureusement appuyé le gouvernement dans ses tentatives pour protéger les droits humains fondamentaux de nos concitoyens.

Au cours de la première session de la 35e législature, le gouvernement a adopté un projet de loi visant à prévoir des peines plus lourdes en cas de crimes haineux et s'est arrangé pour répondre aux besoins des collectivités les plus vulnérables de notre société. Notre gouvernement est non seulement conscient de la discrimination qui existe dans notre société, mais il est disposé et en mesure de s'y attaquer directement au moyen du processus législatif.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, je continue d'entendre des députés du parti ministériel faire l'éloge du projet de loi et dire à quel point il constituera un progrès pour la société.

Il y a une loi qui traite de la sexualité au travail, la loi sur le harcèlement sexuel. En vertu de cette loi, les insinuations, les prouesses, les aventures ou les frasques sexuelles et tout ce qui est à caractère sexuel ne doivent absolument pas être tolérés dans le milieu de travail. Les tribunaux se sont prononcés là-dessus. Le Conseil du Trésor a publié des lignes directrices à ce sujet. Le Conseil du Trésor enquête sur de nombreuses plaintes reçues de fonctionnaires qui estiment être victimes de harcèlement sexuel au travail.

Le ministre de la Justice présente maintenant un projet de loi qui sanctionne toute orientation sexuelle au travail. Je me demande quelle loi aura préséance. Le harcèlement sexuel sera-t-il dorénavant toléré au travail si quelqu'un peut démontrer que son orientation sexuelle est, pour une raison ou une autre, importante et doit être protégée? Ou alors, le harcèlement sexuel restera-t-il formellement interdit?

Le député appuie-t-il les dispositions législatives sur le harcèlement sexuel? Le cas échéant, s'il dit que rien de ce qui est à caractère sexuel ne doit être toléré au travail, que va-t-il autoriser et quel effet aura le projet de loi à l'étude sur le harcèlement sexuel? Ce dernier sera-t-il autorisé ou interdit?

M. Keyes: Monsieur le Président, j'ai entendu les observations du député d'en face et d'une foule de ses collègues. Force est de conclure que nous avons entendu des propos malintentionnés de la part de députés mal informés. C'est justement pourquoi nous présentons un tel projet de loi.

Le projet de loi dont nous sommes saisis n'a rien à voir avec les sujets très peu pertinents que les députés d'en face et les personnes mal informées tentent de faire valoir. Ils tentent de faire dire au projet de loi et à la modification proposée ce qu'ils ne disent pas.

Pourquoi ne pas accepter cette modification pour ce qu'elle est? Pourquoi ne pas reconnaître que, dans la société d'aujourd'hui, nous devons nous occuper de différents groupes de manière équitable et franche. C'est ce que fait ce projet de loi, rien de plus, rien de moins.

Les députés d'en face peuvent bien avancer toutes sortes d'arguments, comme celui qui porte sur la définition de la famille. Le député d'en face peut-il me dire quelle est la définition de famille? Le député de Port Moody-Coquitlam nous l'a dit, c'est un homme et une femme, avec un ou des enfants.

(1230)

M. Williams: Un homme et une femme mariés.

M. Keyes: Et mariés, ajoute fièrement le député.

Mon meilleur ami dans ma circonscription a déjà été marié et a divorcé. Il en va de même de la femme avec qui il vit maintenant. Ils ont tous deux eu deux enfants au cours de leurs unions précédentes. Ils ont décidé de vivre ensemble et d'élever ces enfants depuis l'âge de 10 ans jusqu'à leur départ. Ces enfants ont maintenant quitté le nid familial, comme on dit, pour devenir des membres productifs de la société. Ils sont partis pour s'instruire afin de pouvoir trouver du travail. Mon meilleur ami, qui a divorcé et n'est pas marié, vit maintenant avec son amie de coeur. Est-ce qu'ils forment moins une


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famille aux yeux du député? Ce couple, qui a élevé des enfants d'unions précédentes et qui a vécu sous le même toit pendant plus de dix ans, ne forme-t-il pas une famille?

On peut imaginer les difficultés que l'on aurait si l'on tentait de définir ce qu'est la famille. Une mère célibataire et sa fille qui vivent ensemble ne forment-elles pas une famille? Je peux comprendre les problèmes que l'on aurait si l'on tentait d'en arriver à la définition du mot famille.

Mais je m'écarte encore du point principal, à savoir que l'objet du projet de loi est une proposition de modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Discutons-en pour ce qu'il est et non pour ce que les députés d'en face voudraient qu'il soit.

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, c'est il y a seize ans, au Comité spécial sur la Constitution du Canada, que j'ai présenté pour la première fois un amendement à la Charte canadienne des droits et libertés, plus précisément à l'article 15 de la Constitution du Canada, qui porte sur l'égalité des droits. J'étais alors un nouveau député qui venait d'être élu en 1979.

Cet amendement visait à inclure deux mots, soit les mots «orientation sexuelle», dans cet article. Il a été rejeté en masse. Je n'oublierai jamais les paroles d'un des membres du comité qui parlaient contre cet amendement. Il a dit: «Une famille ne peut pas inclure n'importe quel énergumène dans la Constitution du Canada.»

J'étais à ce moment-là ce qu'il appelait un énergumène. Je suis gai, mais ce n'est qu'au printemps de 1988 que j'ai affirmé publiquement que cela faisait partie de qui j'étais comme être humain.

Nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis 16 ans. Je me souviens d'un autre comité auquel j'ai siégé en 1985. C'était le Comité spécial sur l'égalité des droits. Ce comité a tenu des audiences d'un bout à l'autre du Canada sur la signification de l'égalité au Canada aux termes de l'article 15 de la Charte des droits et libertés. Il était composé de cinq députés conservateurs, d'une députée libérale, la députée de Mont-Royal, et de moi-même.

Nous avons parcouru le pays. Nous avons tenu des audiences sur mon projet de loi d'initiative parlementaire visant à inclure l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce comité a été frappé par l'intensité et l'éloquence des témoins que nous avons entendus, dans certains cas à huis clos, et qui imploraient leurs représentants élus de faire ce qui s'imposait et de reconnaître enfin que les gais, les lesbiennes et les bisexuels du Canada avaient des droits fondamentaux égaux.

(1235)

J'ai dit des droits fondamentaux égaux et non pas des droits spéciaux. Combien de fois avons-nous entendu des gens prétendre que cette modification porte sur des droits spéciaux? Cette modification n'a absolument rien à voir avec des droits ou des privilèges spéciaux. Elle ne fait qu'envoyer un message de la part du Parlement du Canada qui dit que les gais et les lesbiennes ont le droit d'être traités de façon égale en vertu de la loi. Ce n'est pas un changement révolutionnaire.

[Français]

Cela fait presque vingt ans que la province de Québec a apporté ces changements; c'était en 1977. Québec fut la première province à inclure dans sa Charte des droits et libertés l'orientation sexuelle comme motif de non-discrimination.

[Traduction]

Depuis, sept provinces et le territoire du Yukon ont fait la même chose. Les tribunaux ont bougé. En 1991, la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'affaire Graham Haig et Joshua Birch, a déclaré que les mots «orientation sexuelle» figuraient implicitement dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle a déclaré que, si le Parlement n'était pas prêt à garantir l'égalité, les tribunaux le feraient à sa place.

Aujourd'hui, cinq ans plus tard, nous avons un projet de loi qui confirme cette décision. Je trouve incroyable que les deux mots «orientation sexuelle» suscitent encore une telle commotion. Les gais et les lesbiennes du Canada ne viennent pas d'une autre planète. Nous sommes des frères et des soeurs, des fils et des filles, des voisins, des amis, des pères et des mères et des collègues de travail. Nous disons que notre temps est venu. D'ailleurs nous avons trop attendu.

Je voudrais qu'il soit bien clair que nous n'aurions pas vu ce jour sans l'immense courage, la grande force et le dévouement de beaucoup de gais et de lesbiennes canadiens comme Jim Egan et son partenaire, Jack Nesbit. Ils sont ensemble depuis plus de 40 ans. Ils se sont battus jusque devant le plus haut tribunal du Canada, la Cour suprême, pour le droit de faire confirmer l'égalité de leur relation, pour qu'elle soit confirmée en droit.

Je pense aussi à des gens comme Doug Sanders, qui était actif dans les années 1960, au sein de l'un des premiers groupes, l'Association for Social Knowledge, à se battre avec courage pour sensibiliser la population et obtenir l'égalité. Je pense à Michelle Douglas, qui a été capitaine dans les Forces armées canadiennes. Elle était l'un des meilleurs jeunes officiers de l'armée, mais un jour, elle a perdu son emploi parce qu'elle était lesbienne. Elle s'est battue contre cette décision et elle a gagné. Je pense à des gens comme Jane Rule, Timothy Findley et à d'autres qui ont décrit dans des textes beaux, puissants et éloquents la lutte de notre groupe pour l'égalité et la justice.

Il y en a tant d'autres que je ne peux pas nommer, mais qui ont fait qu'il m'a été possible, en 1988, de déclarer publiquement que j'étais homosexuel, à une époque où beaucoup de mes collègues me disaient que ce serait un suicide politique. La population de Burnaby-Kingsway m'a réélu à deux reprises depuis, affirmant clairement que l'important ce n'était pas l'orientation sexuelle, mais la


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capacité de faire le travail. C'est à cela que se résume le projet de loi, rien de plus, rien de moins.

(1240)

Le projet de loi envoie un message aux Canadiens. Si on ne peut pas forcer les gens à changer d'attitude, les employeurs qui veulent envoyer leurs employés homosexuels dans l'arrière-boutique ou les congédier, ceux qui veulent refuser des emplois, des services ou des logements à des homosexuels ne pourront pas le faire du simple fait de l'orientation sexuelle des gens. Contrairement à ce que certaines personnes peuvent penser, ce genre de chose se produit et se produit trop souvent. En adoptant ce projet de loi, le Parlement canadien fera comprendre que ce genre d'attitude n'est pas acceptable et que la loi permet de porter plainte à la Commission des droits de la personne.

La peur de perdre son emploi ou son logement a des répercussions profondes dans d'autres aspects de l'existence. Le comité chargé d'examiner ce projet de loi a entendu le chef du Service de la police d'Ottawa, M. Brian Ford. Je tiens à rendre hommage àM. Ford et aux membres de la section des crimes fondés sur la haine, notamment M. Dan Dunlop, M. David Pepper et les autres. Ils ont déclaré qu'une personne qui craint de perdre son emploi et qui se fait battre à cause de son orientation sexuelle s'abstient généralement de porter plainte.

Il y a deux semaines, je me trouvais à Red Deer, en Alberta. On m'a parlé du cas d'un homosexuel qui a été battu à Calgary le mois précédent. Il a eu les deux bras fracturés, une oreille sectionnée et il est tombé dans le coma. Pourquoi? Parce qu'il est homosexuel. Les homosexuels victimes de violence craignent parfois de porter plainte, de peur de perdre leur emploi. C'est inacceptable.

Je trouve scandaleux qu'aujourd'hui encore la peur règne dans certaines régions du Canada, notamment l'Alberta, l'Île-du-Prince-Edouard, les Territoires du Nord-Ouest et Terre-Neuve et le Labrador, parce que ces provinces et territoires n'ont pas encore prévu de mesures de protection des droits de la personne. Une des raisons d'adopter ce projet de loi est de faire comprendre que cette situation est inacceptable.

Certains députés se sont inquiétés de la possibilité que ce projet de loi ait pour effet de reconnaître les familles homosexuelles. Permettez-moi de vous dire que quand des homosexuels, gais ou lesbiennes, entretiennent une relation amoureuse, une relation affectueuse sérieuse qui résiste alors que tout est contre eux, nous-en tant que communautés, en tant que pays-devrions affirmer ces rapports et nous en réjouir, non pas refuser de les admettre. Si ce projet de loi contribue un tant soit peu à affirmer et à reconnaître ces rapports, alors je dis que c'est une bonne chose.

Le tribunaux se sont prononcés sur la discrimination. Le juge Cory, de la Cour suprême du Canada, appuyé par le juge Sopinka et une majorité de la Cour, a déclaré ceci: «Traiter des personnes de même sexe qui se présentent comme conjoints de fait différemment des personnes de sexe opposé qui se présentent comme conjoints de fait revient à établir une distinction qui ne peut qu'être fondée sur l'orientation sexuelle.» Il a raison.

J'espère que cette mesure législative, cette modeste modification sera pour la Commission des droits de la personne et les tribunaux un autre moyen de veiller à ce que les familles homosexuelles sérieuses soient traitées de façon égale. S'il est des personnes qui ont besoin d'une preuve de cet amour et de cet engagement, qu'elles regardent ce qui se passe dans le service des sidéens d'un hôpital de Toronto, de Montréal ou de Vancouver, ma ville. Qu'elles regardent un peu la compassion et l'amour manifestés par les gens face à cette épidémie qui s'abat sur nous, homosexuels. Si ce ne sont pas là des valeurs familiales traditionnelles, si ce ne sont pas là des valeurs que nous devrions affirmer et dont nous devrions nous réjouir, je ne sais pas ce que c'est.

Ce projet de loi est une réponse à l'appel lancé par mon regretté ami, Kevin Brown, l'un des fondateurs de la B.C. Persons with Aids Society. Il a dit que les gais et les lesbiennes ont à faire face au virus qu'on appelle le VIH, mais ne devraient pas avoir à faire face à un autre virus, le virus de l'homophobie, de la haine ou de la peur. Ce projet de loi est un petit pas en avant dans la lutte contre cet autre virus.

Ce projet de loi n'est pas le dernier mot. Cette modification de la loi vise en bout de ligne à changer une société qui permet la haine et la discrimination à grande échelle, et c'est doublement grave et inquiétant pour ceux qui doivent déjà faire face au racisme, au sexisme et à l'antisémitisme. Finalement, ce projet de loi ne sera pas une libération-ce qui constitue, je crois, l'objectif ultime des gais, des lesbiennes et des bisexuels-parce qu'il y a encore beaucoup d'étapes à franchir avant d'en arriver là.

(1245)

Il nous reste à reconnaître le combat des transsexuels, qui sont trop souvent invisibles et dont les difficultés ne sont pas reconnues, pas même dans les communautés gaies et lesbiennes, pour certains d'entre eux.

Nous ne pouvons parler de liberté ni de justice entières tant que les jeunes gais, lesbiennes et bisexuels se distingueront par un taux de tentatives de suicide et de suicides effroyablement élevé. Un taux aussi élevé ne se retrouve que chez les jeunes autochtones.

Trop de jeunes gais, lesbiennes et bisexuels vivent quotidiennement dans la peur et l'aliénation. Ils ont peur de sortir. Nous avons entendu des psychiatres de l'enfant présenter au comité des preuves très concluantes des conséquences néfastes de cette situation.

Je rappelle à la Chambre que, de tous les groupes minoritaires, les jeunes gais, lesbiennes et bisexuels sont les seuls, pour certains d'entre eux, qui ne peuvent même pas compter sur leur famille pour trouver de l'amour et du soutien. Leur plus grande crainte, c'est que leur famille puisse découvrir leur orientation sexuelle. Ils se débrouillent donc seuls et en silence. Parfois, ils ne peuvent même pas s'en remettre à l'Église, parce que trop de confessions les condamnent comme autant de pécheurs.

Je veux quand même souligner le travail de ceux qui cherchent à faire changer ces attitudes aux sein des Églises, et leur rendre hommage. Des gens comme Bill Siksay de l'Église unie, la Metropolitan Community Church, des groupes comme Dignity, Affirm, Integrity et beaucoup d'autres prient leur Église de reconnaître la réalité et de s'en réjouir.


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Je voudrais me reporter à ce qu'un prêtre catholique a écrit au Sun de Vancouver à l'époque où la députée de Central Nova parlait de cette question en termes particulièrement haineux. Dans sa lettre, le père Norman Birch parlait d'un jeune paroissien homosexuel qui avait été rejeté par sa famille. Son père lui avait dit: «Si j'étais là, je te tuerais.» Sa mère avait ajouté: «Ne remets pas les pieds à la maison.» Le père Birch a dit au jeune homme que Dieu l'aimait et que Jésus ne rejetait personne. Il a raconté que, le lendemain de sa rencontre avec lui, le jeune homme s'était suicidé.

Au moment des prières, avant les funérailles, ses deux soeurs et son amant étaient là, mais pas les parents. Le père Birch ajoute que, lorsque le cercueil a été ouvert, il s'est fait la remarque suivante: «J'ai regardé ce jeune homme et je me suis rendu compte que c'était l'homophobie et la haine qui l'avaient placé là. Nous avons enterré Eddie à un bel endroit, dans le jardin de Gethsémani. Puisse-t-il reposer en paix.»

Le père Birch a dit: «J'ai lu que la députée de Central Nova disait que les gens comme Eddie souillaient l'humanité, détruisaient les familles et annihilaient l'humanité. En l'occurrence, c'est l'inverse qui s'est produit. Eddie a été annihilé par l'humanité, celle qui était représentée par de bons chrétiens comme la députée de Central Nova. Peu importe ce qui s'est passé, ``aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés''.» Je pose la question. Qu'est-il arrivé au précepte «Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés»?

Je me sens extrêmement privilégié de pouvoir prendre la parole à la Chambre, aujourd'hui, en tant qu'homosexuel fier de l'être et de pouvoir réclamer l'égalité, la justice, la dignité et le respect pour une communauté qui en a trop souvent été privée.

Ce projet de loi n'est pas le dernier mot, mais c'est un mot important. Il est important que les députés de tous les partis affirment que nous, gais et lesbiennes, avons droit à l'égalité. C'est important parce que cela pourrait sauver la vie d'un certain nombre de jeunes. Cela pourrait empêcher que certains perdent leur emploi. Cela pourrait en encourager d'autres à cesser de se cacher. Cela pourrait signifier que nos communautés, nos quartiers, notre pays seraient des endroits où vivre dans une plus grande décence et une plus grande égalité.

(1250)

Nous sommes des citoyens du monde et, bien entendu, il reste beaucoup à faire au niveau international. Il y a beaucoup de pays où c'est encore un crime que d'être ouvertement homosexuel. Comme notre gouvernement l'a reconnu à de nombreuses tribunes internationales, nous devons faire beaucoup plus au niveau international. Je félicite le ministre des Affaires étrangères du leadership dont il a fait preuve sur cette question au niveau international.

Je remercie le ministre de la Justice d'avoir présenté cette mesure législative. C'est un grand pas en avant. Je me suis battu pour cette cause pendant 16 longues années. Le premier projet de loi que j'ai déposé date de presque 16 ans. J'ai siégé à de nombreux comités et questionné de nombreux ministres.

Pour moi, en tant qu'individu, en tant qu'homosexuel et en tant que membre d'une communauté qui s'est battu pendant de nombreuses années, c'est un jour important. Tant que les gais et les lesbiennes continueront d'être victimes d'agressions délibérées, tant que les jeunes homosexuels se suicideront ou essaieront de se suicider, tant que des gens perdront leur emploi et ne seront pas traités en citoyens égaux et à part entière, tant que nos familles ne seront pas reconnues et célébrées, il restera du travail à faire.

Aujourd'hui, célébrons cette très importante étape.

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, comme d'habitude, j'ai écouté très attentivement le député de Burnaby-Kingsway car je sais qu'il se passionne depuis toujours pour cette question et qu'il ne ménage pas les efforts pour promouvoir son point de vue.

Je trouve très intéressant que si on défend le même point de vue que le député, on peut citer toutes sortes de personnes de confessions diverses. Si on présente un point de vue opposé au sien et qu'on cite la moindre autorité religieuse, on se fait tout à coup accuser d'être sectaire et homophobe.

Mon collègue a cité un extrait d'une lettre écrite par un prêtre catholique. J'aimerais lui poser la question suivante qui est fondée sur le catéchisme de l'église catholique. C'est lui qui a soulevé la question, pas moi.

Selon le catéchisme de l'église catholique: «L'homosexualité désigne les relations entre des hommes ou des femmes qui éprouvent une attirance sexuelle, exclusive ou prédominante, envers des personnes su même sexe. S'appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations graves, la Tradition a toujours déclaré que les actes d'homosexualité sont intrinsèquement désordonnés. Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l'acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d'une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir l'approbation en aucun cas. Les personnes homosexuelles sont appelées à la chasteté».

C'est clairement contraire au point de vue du député.

Vu qu'il s'agit là d'une doctrine fondamentale d'une religion reconnue dans ce pays, le député considère-t-il que cette déclaration est homophobe et, dans l'affirmative, est-ce que les gens qui croient que c'est un principe fondamental de leur religion devraient être classés comme homophobes et est-ce que ce genre de religion devrait être interdit au Canada?

M. Robinson: Monsieur le Président, je pense que dans le débat actuel, les étiquettes ne sont pas souhaitables. On en a déjà trop vu.

Ce qui est important, c'est de reconnaître qu'il y a dans ce pays une variété de croyances religieuses profondes. Il est certain que la croyance citée par le député de Scarborough est partagée par un certain nombre de catholiques.

L'une des choses que nous célébrons dans ce pays est non seulement, j'espère, la protection contre la discrimination mais également la liberté de religion. Je me bats depuis longtemps et avec ardeur en faveur de la liberté de religion dans ce pays et je continuerai à le faire.


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J'aimerais par ailleurs saisir cette occasion pour souligner que la campagne de distorsion menée par le député de Scarborough-Ouest et autres contre cette mesure législative fait croire, entre autres, que cette modification ouvrirait la porte, en quelque sorte, à une variété de pratiques criminelles. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité. Il est absolument ignoble de lier l'homosexualité à des pratiques illégales telles que la pédophilie.

(1255)

La réalité est, comme l'a prouvé magistralement une étude publiée en juillet 1994 par l'Académie américaine de pédiatrie que je me ferai un plaisir de déposer à la Chambre. . .

M. Wappel: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je suis forcé de conclure que les propos du député laissent entendre que j'ai associé la pédophilie à l'homosexualité. C'est absolument faux. Je lui demande de s'excuser, car c'est une atteinte. . .

Le vice-président: Le député de Scarborough-Ouest aura probablement le temps de faire valoir son point dans un moment, dans le contexte du débat, car son intervention est de l'ordre du débat, à mon avis.

M. Robinson: Monsieur le Président, je veux brièvement souligner les résultats de cette étude qui porte sur 269 cas d'agressions sexuelles d'enfants. Cette étude a été publiée dans le Journal of Paediatrics sous le titre «Sexual Abuse by homosexuals?». Sur ces 269 cas, deux délinquants ont été identifiés comme étant homosexuels. Dans 82 p. 100 des cas, l'agresseur présumé était le partenaire hétérosexuel d'un proche parent de l'enfant.

Je suis soulagé de voir que le député ne veut pas établir un tel lien. Ce n'est certes pas clair dans la documentation qu'il a distribuée à la Chambre. Je serai bien heureux de l'entendre nous confirmer son point de vue durant le débat.

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le député ne pourrait montrer à quiconque aucun document portant mon nom et indiquant que j'ai établi un lien entre la pédophilie et l'homosexualité. C'est tout à fait absurde.

C'est un moyen de propagande qu'ont utilisé ceux qui s'opposent aux vues que je préconise, pour tenter de me faire passer pour ce que je ne suis pas. Je continuerai de dire ce que j'ai dit: l'expression «orientation sexuelle» englobe beaucoup plus que l'hétérosexualité, l'homosexualité et la bisexualité. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont des experts reconnus dans les domaines du droit, de la médecine et de la psychiatrie qui ont comparu et témoigné devant divers comités de la Chambre des communes. Ce n'est pas moi, mais eux.

Aucun d'eux n'a établi un lien entre l'homosexualité et la pédophilie. Ce qu'ils ont dit, c'est que cette expression englobe diverses formes d'orientation sexuelle. Ils ont dit que la pédophilie est une forme d'orientation sexuelle. C'est cela qui fait l'objet du débat, et le député et d'autres déforment constamment les faits pour tenter de faire croire que j'ai établi un lien entre la pédophilie et l'homosexualité. C'est totalement et complètement faux.

Je demande au député s'il convient avec moi que le Dr Stephen J. Wormith, président, et le Dr Howard Barbaree, membre de la section de psychologie en justice pénale de la Société canadienne de psychologie, ont dit que l'orientation sexuelle est une composante importante et fondamentale de la pédophilie.

John Conroy, président du comité de la détention et de la libération, section nationale du droit pénal de l'Association du Barreau canadien, a dit: «J'accepterais la définition que vous avez donnée il y a un instant. C'est assurément celle que j'ai toujours comprise: homosexualité, hétérosexualité ou d'autres formes d'orientation sexuelle. Cela pourrait comprendre toute forme d'orientation sexuelle, y compris les formes illégales.»

Là où je veux en venir, c'est qu'il est très bien de tenir un débat là-dessus, mais restons-en aux faits au lieu de répandre des mensonges.

M. Robinson: Monsieur le Président, je suis persuadé qu'à la fin de mon discours, vous voudrez attirer l'attention du député sur son langage non parlementaire.

En ce qui concerne la définition de l'orientation sexuelle, le député ignore peut-être que ces mots figurent dans la législation canadienne, ainsi que celle du Québec, depuis 1977, et dans celle de sept provinces et d'un territoire. On la retrouve dans les lois partout dans le monde et pas une seule fois elle n'a servi à défendre une conduite illégale.

Il est tout à fait faux de prétendre, comme le député le fait, qu'on pourrait interpréter l'orientation sexuelle d'une façon qui permettrait une conduite illégale quelconque. Si cela devait se produire, je crois que quelque part dans le monde, au cours des 20 dernières années, quelqu'un aurait peut-être soulevé cette question. Or, personne ne l'a fait.

(1300)

C'est un peu comme lorsque nous parlons de la définition de famille. Là encore, le député a déclaré que ce projet de loi pouvait conduire à la reconnaissance de familles gaies et lesbiennes.

Le fait est que les gais et les lesbiennes ont des relations amoureuses stables. Il est vrai également qu'au Canada, de nos jours, la famille est une notion qui dépasse certes la définition que le député réformiste d'Edmonton a proposée hier, lorsqu'il a dit qu'une famille consistait en un couple hétérosexuel avec des enfants.

Une voix: C'est vrai.

M. Robinson: Un député réformiste affirme que c'est le cas. Les réformistes prétendent-ils que les familles monoparentales ne sont pas des familles? C'est absolument incroyable. Je ne peux croire que le parti qui dit croire à la famille puisse affirmer que les seules familles qu'il reconnaît sont celles où il y a un père, une mère et des enfants. C'est pourtant la position des réformistes.


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Il est ironique que la famille canadienne la plus connue dans le monde entier soit composée d'un frère et d'une soeur, Matthew et Marilla Cuthbert, un frère aîné et une soeur qui n'ont jamais été mariés, et de leur fille adoptive, Anne Shirley, mieux connue sous le nom de Anne de la maison aux pignons verts. Lorsque Matthew est mort, l'amie de Marilla, Rachel, est venue vivre avec la famille et les deux femmes ont adopté des jumeaux.

À Dieu ne plaise, la famille d'Anne de la maison aux pignons verts n'est pas la famille traditionnelle. Lorsque j'entends le député de Scarborough-Ouest et les députés réformistes affirmer que nous devrions définir la famille de façon à exclure les familles gaies et lesbiennes, je dis alors qu'ils devraient se réveiller et voir la réalité parmi leurs électeurs, car ils s'apercevraient alors qu'il y a des familles gaies et lesbiennes.

Le vice-président: Le député a soulevé la question de l'utilisation du mot «mensonges». La présidence n'a pas pensé que le député utilisait ce mot pour accuser son collègue de mentir. Le député de Scarborough-Ouest souhaiterait-il clarifier cette question?

M. Wappel: Monsieur le Président, bien entendu, je ne faisais pas allusion au député. J'ai déjà dit que beaucoup avaient déjà essayé d'établir ce lien. Quoi qu'il en soit, je ne voulais absolument pas calomnier le député, et il le sait.

[Français]

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais aviser la Chambre que je partagerai mon temps de parole avec la députée de Vancouver-Est.

À titre de député de Vaudreuil, je suis particulièrement fier du dépôt du présent projet de loi par ce gouvernement. Ce projet de loi vise à faire reconnaître l'orientation sexuelle comme un motif de discrimination prohibé au Canada.

Ce projet de loi a pour effet d'amender la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'y inclure un autre motif de distinction illicite, soit l'orientation sexuelle, à ceux déjà existant dans la loi tels que la race, la couleur, la religion et le sexe.

Ainsi, le libellé de la loi sera désormais conforme aux décisions des tribunaux ayant ordonné que l'orientation sexuelle soit intégrée ou ajoutée à la liste des motifs de distinction illicite contenus dans la loi pour la rendre conforme à la Constitution canadienne.

La Cour suprême du Canada a reconnu, à l'unanimité, que l'orientation sexuelle constituait un motif de discrimination analogue aux motifs figurant à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. La Charte s'applique à toutes les lois adoptées par ce Parlement, notamment la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Cet amendement permet ainsi à cette loi d'être conforme aux droits qui sont protégés dans la Charte et aussi avec les décisions judiciaires qui ont accordé aux gais et aux lesbiennes la même protection contre la discrimination dont bénéficient tous les autres Canadiens.

Ceux qui s'opposent à ce que l'orientation sexuelle soit considérée comme un motif de distinction illicite s'appuient sur des valeurs morales, alors qu'il s'agit principalement d'une question de droit. Personne dans ce pays ne devrait être victime de discrimination à cause de son orientation sexuelle. Il s'agit d'une question d'équité et de justice fondamentale. Nous n'avons pas à juger l'homosexualité ou l'hétérosexualité des gens, mais nous nous devons de protéger tous les Canadiens contre la discrimination dans notre société.

Tant les tribunaux que les Canadiens ont reconnu que les gais et les lesbiennes constitutent un groupe vulnérable. Ils ont été victimes de désavantages historiques, de stéréotypes, de préjugés sociaux et de discrimination considérable dans notre société.

(1305)

Aucun individu, en raison de son homosexualité, ne devrait être considéré moins digne d'être reconnu en tant que membre à part entière de la société canadienne. Tous méritent le même respect, la même considération et la même protection de la loi de ce pays.

D'après les résultats des sondages récemment effectués, la plupart des Canadiens croient que dans les domaines de l'emploi et des services, les gais et lesbiennes devraient bénéficier d'une protection juridique contre la discrimination. Les Canadiens et Canadiennes appuient la modification à la Loi canadienne sur les droits de la personne en vue d'interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Tous reconnaissent que l'orientation sexuelle, pas plus que le sexe, la race ou la religion, ne devrait influer sur le droit d'occuper un emploi ou de recevoir certains services. La Loi canadienne sur les droits de la personne vise à contrer la discrimination au niveau fédéral dans les domaines de l'emploi, la fourniture des biens et la prestation de services. Elle s'applique strictement aux ministères, organismes et entreprises réglementées par le gouvernement fédéral. Elle accorde à toute personne un recours contre l'employeur qui la congédie ou qui la traite de façon inéquitable au travail, ou lorsqu'on lui refuse des biens et des services sur la base d'un des motifs de distinction illicite prévus dans la loi.

Les gais et lesbiennes doivent, comme tous les Canadiens, bénéficier d'une protection égale de la loi afin que personne au Canada ne puisse être victime de discrimination sur la base de son orientation sexuelle. Cette modification offre à ceux qui sont victimes un moyen rapide et peu onéreux d'engager le processus de conciliation et de règlement.

Huit provinces et territoire interdisent déjà la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle dans leurs propres lois respectives en matière des droits de la personne. Il s'agit du Québec qui, depuis déjà 1977, a une telle loi, également l'Ontario, le Manitoba, le Yukon, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan.

Cette modification permet de rattraper les provinces à ce sujet et assure que la loi fédérale dans ce domaine accorde la même protection à toute personne victime de discrimination fondée sur l'orienta-


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tion sexuelle. Cet amendement favorise une plus grande justice et une équité fondamentale pour tous les Canadiens et Canadiennes.

Certaines personnes ont également soulevé différentes craintes par rapport à cet amendement. Je pense qu'il est important de répondre à ces inquiétudes. Tout d'abord, il faut préciser que la protection accordée aux homosexuels n'englobe pas la pédophilie. Les tribunaux judiciaires et administratifs ont interprété l'expression «orientation sexuelle» comme signifiant l'homosexualité, l'hétérosexualité et la bisexualité. La pédophilie est un crime spécifiquement énoncé dans le Code criminel, peu importe que l'auteur soit hétérosexuel ou homosexuel; elle n'a rien avoir l'orientation sexuelle d'une personne.

De plus, cet amendement ne remet pas en question la notion de famille, de mariage ou de conjoint, ni le rôle fondamental de la famille dans la société canadienne. Cet amendement ne mène pas non plus à la reconnaissance automatique d'avantages sociaux pour les partenaires de même sexe et n'ouvre pas la porte aux mariages homosexuels ou à l'adoption d'enfants par les couples homosexuels.

Le seul but de cet amendement est d'offrir une protection pour les gais et lesbiennes contre la discrimination en matière d'emploi et de fourniture des biens et la prestation des services dans les domaines de compétence fédérale. Il faut également souligner que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s'applique pas aux institutions religieuses, culturelles ou éducatives qui sont sous la réglementation provinciale. Le présent amendement n'affectera donc pas ces institutions. Les craintes soulevées par cette modification ne tiennent généralement pas suffisamment compte du contexte et de la portée véritable de cet amendement.

Nous croyons que cet amendement est nécessaire pour assurer une certaine équité fondamentale visant à protéger tous les Canadiens des types de discrimination auxquels ils sont confrontés dans leur quotidien.

(1310)

La Loi sur les droits de la personne, plus que tout autre genre de loi, reflète les valeurs d'un pays et d'un peuple. La tolérance, l'équité, la justice sont les principes fondamentaux de notre identité canadienne. Le Canada est reconnu sur la scène internationale comme l'un des pays au monde où les droits de la personne sont les mieux respectés. Nous ne pouvons pas accepter que des gens dans ce pays continuent d'être victimes de discrimination dans leur emploi à cause de leur orientation sexuelle. Cet amendement vise justement à corriger cette situation et à assurer une plus grande équité pour tous les Canadiens dans notre société.

La société canadienne reconnaît l'importance de chacun dans son droit d'être respecté. Chaque individu est unique et distinct et il doit pouvoir bénéficier d'une même protection dans la loi. Toute personne a une orientation sexuelle, qu'elle soit hétérosexuelle ou homosexuelle et cette différence ne doit pas justifier une protection différente de celle dont bénéficient la majorité des Canadiens contre des pratiques discriminatoires. Cette modification permet de mettre fin à la discrimination contre les gais et lesbiennes dans les lieux de travail fédéraux ou dans les entreprises sous réglementation fédérale, comme les banques et les compagnies aériennes.

L'exclusion de l'orientation sexuelle dans la loi canadienne offre une protection de base contre la discrimination, tel que dans le cas d'un congédiement ou d'un refus de services parce qu'une personne est gaie ou lesbienne.

Bien qu'il s'agisse d'un amendement mineur à la loi, j'aimerais conclure en disant que ce projet de loi constitue néanmoins une modification essentielle pour assurer un traitement des possibilités équitables pour tous les Canadiens. Ce projet de loi contribue à édifier une société où la discrimination n'est pas tolérée et dans laquelle tous les individus sont également protégés. Cet amendement permet d'assurer que les gais et lesbiennes reçoivent la même protection de base contre la discrimination dont bénéficient tous les autres Canadiens. C'est une question de droit, de justice et d'équité fondamentale.

[Traduction]

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, en raison du grand intérêt que suscite ce projet de loi et du grand nombre de députés qui sont désireux de prendre la parole, certains d'entre nous ne pourront pas nous prononcer sur la question. J'espère donc pouvoir exprimer quelques-uns de mes points de vue sous forme de questions et d'observations.

J'ai prêté une oreille très attentive aux propos de mon collègue. Je voudrais formuler deux observations, puis lui poser deux questions très simples.

Il a déclaré-et il a tout à fait raison-que l'expression «orientation sexuelle» figure dans les codes des droits de la personne de plusieurs provinces. Je me demande s'il sait, par exemple, que l'expression «orientation sexuelle» est inscrite dans le code des droits de la personne du Territoire du Yukon et qu'elle y est définie en ces termes: «L'orientation sexuelle s'entend de l'hétérosexualité, de l'homosexualité et de la bisexualité et ne s'applique qu'à des adultes consentants qui se conforment à la loi.» Si le député le sait, je lui demande si, à son avis, on a eu tort de définir l'expression dans le code des droits de la personne du Yukon.

Deuxièmement, j'ai ici le Code criminel du Canada. Nulle part dans cet ouvrage on ne trouve le terme «pédophilie». Le crime de pédophilie n'existe pas dans le Code criminel du Canada. Si quelqu'un se livre à certains actes sexuels sur un enfant, c'est un crime. La pédophilie n'est pas davantage un crime que ne l'est le fait de songer à planifier un meurtre. Planifier un meurtre, ce n'est pas un crime. Le crime, c'est de passer aux actes.

Je me demande si le député est d'accord avec moi pour dire que le présumé crime de pédophilie ne figure pas dans cet ouvrage, mais que c'est la réalisation de ces désirs qui est explicitement interdite.

M. Discepola: Monsieur le Président, nous devons finalement décider si c'est une question de sens moral ou de discrimination. J'ai soigneusement étudié toutes les possibilités. J'ai une famille.


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J'élève quatre enfants. Je crois qu'il s'agit fondamentalement d'une question de discrimination.

À titre de catholique pratiquant, je refuse d'intervenir pour déterminer si une personne est plus religieuse qu'une autre. Aucune religion ne tolère la discrimination. Voilà toute la question. Nous ajoutons deux simples mots à la loi et, si cela suscite des différences d'opinions, je respecte le point de vue de chacun.

(1315)

J'ai la chance aujourd'hui d'être député. Si c'était ma fille ou mon garçon qui était victime de discrimination, quel est le traitement que je voudrais qu'on lui accorde?

J'ai un employé homosexuel depuis 15 ans. Je n'ai jamais eu à le cacher dans l'arrière-boutique. C'est grâce à lui que mes activités commerciales prospèrent.

Quand j'ai abordé la question avec lui, il m'a posé une question à laquelle je n'ai pu répondre et c'est ce qui m'a convaincu. Sa question était la suivante: «Pourquoi serait-il mal pour un être humain d'aimer un autre être humain?» Je ne peux toujours pas répondre et tant que j'en serai incapable, je dirai que la discrimination ne peut être tolérée dans notre société.

Je respecte ceux qui ne sont pas d'accord avec moi, mais c'est comme cela que je vois la question et c'est pourquoi je vais me prononcer en faveur du projet de loi, ce soir. Je remercie le ministre de la Justice d'avoir proposé cette mesure.

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de rappeler tout d'abord que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s'applique qu'au gouvernement fédéral et aux entreprises de ressort fédéral comme les banques, les compagnies ferroviaires, les lignes aériennes, les compagnies de télécommunication, ainsi qu'à l'emploi et à la fourniture de biens et services dans chacun de ces secteurs, ce qui ne représente en somme que 10 p. 100 de la population active canadienne.

Le reste de la main-d'oeuvre est régie par les codes provinciaux et territoriaux des droits de la personne. Je suis convaincue également que la loi ne s'applique pas non plus aux institutions religieuses, culturelles ou d'enseignement, car ces domaines ne sont pas de ressort fédéral.

En 1995, le projet de loi C-41, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, a reçu la sanction royale. À l'article 718.2 du Code criminel, nous avons ajouté les mots «orientation sexuelle». La loi prévoyait de nombreuses modifications bénéfiques, mais toute l'attention a porté sur les termes «orientation sexuelle», dans la liste des motifs de discrimination. Beaucoup se sont inquiétés de ces deux mots et, cela se comprend, ont exprimé leurs préoccupations par divers moyens.

Ce débat-ci porte encore sur l'ajout de ces mots, au moyen du projet de loi C-33, afin de protéger ceux qui travaillent dans des domaines où s'applique la Loi canadienne sur les droits de la personne. Comme nous le savons, la discrimination contre les gais et les lesbiennes sera ainsi interdite, ce qui est déjà chose faite dans un territoire et dans sept provinces, dont la Colombie-Britannique.

Bien des Canadiens craignent que la modification ne fraye la voie à d'autres demandes comme l'octroi des avantages sociaux aux conjoints de même sexe. Je ferai remarquer qu'aucun bouleversement ne s'est produit dans les provinces qui ont déjà adopté ce genre de mesure. Aucune demande n'a été formulée au sujet des avantages sociaux.

[Français]

Pour moi, c'est une question de droits de la personne. Je crois que tout le monde doit être traité de la même manière. Je crois aussi que je dois protéger, entre autres, ceux qui souffrent de discrimination et, tout à la faois, qui n'ont pas de voix. Mon rôle de parlementaire est de leur donner une voix. Je ne crois pas que c'est à moi de juger les personnes ou leur comportement.

On parle aussi de famille et je désire dire que je crois dans la grande famille. Une famille qui comprend tous ceux avec qui on trouve du confort et de la compatibilité. Ceux avec qui on est compatibles ne sont pas nécessairement ceux qui sont les plus proches de nous.

La famille a changé à travers les dernières décennies. Quand j'étais en Italie, j'appartenais à une grande famille. J'ai seulement un frère, mais ma grand-mère, mon arrière-grand-mère, mes oncles et mes tantes, mes cousins et mes amis étaient partie de la famille. Je trouvais beaucoup de compatibilité avec beaucoup d'entre eux.

[Traduction]

Mon père et ma mère étaient toujours là. Au Canada, je n'ai comme famille qu'un fils aujourd'hui âgé de 28 ans. Le reste de ma famille est en Italie et je trouve souvent du réconfort auprès de mes amis. Croyez-moi, bien des gens de ma circonscription sont dans la même situation que moi. Alors, qu'est-ce qu'une famille? Un noyau de personnes avec qui vous choisissez de vous associer et de célébrer la vie.

Si nous nous préoccupons de la famille, c'est que nous manquons de confiance en elle, parce que la famille a toujours trouvé le moyen de traverser les épreuves et de survivre. En fait, rien n'est plus important ou réconfortant qu'une famille et les membres qui la composent et ceux que nous avons choisis d'y intégrer. Les familles sont fortes. Elles sont aussi fortes que les membres qui la composent.

(1320)

Permettez-moi d'ajouter que le dictionnaire nous donne de nombreux synonymes de la famille: foyer, bercail, descendance, lignage, race, sang, souche; un très beau choix de synonymes. Le monde entier ne forme-t-il pas une grande famille?

Le projet de loi dont nous sommes saisis ne changera pas la définition de la famille, du mariage ou du conjoint. Il fera cependant quelque chose de très important.


2550

Il enverra un message, à savoir que la discrimination est inadmissible, peu importe les circonstances, message que les Canadiens ont toujours appuyé et qui a été transmis très clairement en octobre 1994, lorsqu'un sondage de la firme Angus Reid nous a appris que 81 p. 100 des répondants seraient peinés si l'un de leurs collègues homosexuels devait être victime de discrimination au travail; que 81 p. 100 croyaient que les homosexuels étaient victimes de discrimination au travail; que 48 p. 100 des Canadiens connaissaient personnellement un homosexuel; que 36 p. 100 reconnaissaient qu'un de leurs amis était homosexuel; que 12 p. 100 savaient qu'un de leurs collègues était homosexuel; et que 12 p. 100 admettaient qu'un membre de leur famille était homosexuel.

[Français]

En vue de ces statistiques et de mes convictions, je crois dans ce projet de loi qui respecte les droits de l'individu. Après tout, on parle d'êtres humains, de personnes qui font face à des difficultés très sérieuses et souvent dangereuses, et qui, en même temps, doivent feindre d'être différents de ce qu'ils sont à cause des conséquences.

Pourquoi permettons-nous cette hypocrisie dans un pays comme le nôtre où les familles sont séparées à cause de l'immigration, des cas de la vie ou d'autres raisons? On doit être capables d'accepter et de comprendre tout le monde sans discrimination. Il faut défendre les droits de tous nos concitoyens et concitoyennes et il faut comprendre que le lendemain de l'adoption de ce projet de loi, rien ne changera, mais on pourra compter sur une loi qui va nous donner la faculté de faire cesser tout cas de discrimination et d'aider ceux qui ont besoin d'aide. Dommage qu'il y aura encore des personnes qui ne pourront pas compter sur les mêmes droits.

[Traduction]

En terminant, je dirai que, à mon avis, les amendements proposés au projet de loi ne sont que des parodies, puisque la loi tend seulement à protéger les victimes de la discrimination, rien de plus. Par conséquent, j'appuie le projet de loi et je continuerai de voter en sa faveur.

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je le répète, je prends la parole en cette période de questions et d'observations parce que, compte tenu de la longue liste d'intervenants inscrits, je n'aurai pas la possibilité de présenter une allocution. Je veux donc profiter de cette occasion pour faire valoir certains points.

Je tiens à féliciter la députée pour ses observations et son opinion. Toutefois, il y a une chose qu'elle a dite, et je me demande si elle est consciente de quelque chose. Elle a fait savoir que les modifications apportées aux codes des droits de la personnes des autres provinces n'avaient pas poussé les couples de même sexe à réclamer le bénéfice des prestations.

A-t-elle lu l'aide-mémoire de la procureure générale de l'Ontario, Marion Boyd? Celle-ci a présenté au Parlement ontarien le projet de loi 167 qui, d'après moi, découle des modifications apportées à la Loi ontarienne sur les droits de la personne. Le 19 mai 1994, elle a dit ceci: «Je présente aujourd'hui un projet de loi qui va faire que les couples de même sexe auront les même droits et devoirs que les couples de fait de sexe opposé». Comment justifiait-elle cela? «Notre gouvernement, a-t-elle déclaré, considère que cette question touche aux droits humains fondamentaux», soit exactement le même argument que celui invoqué ici aujourd'hui.

Compte tenu de la controverse que cela a suscitée en Ontario, la députée ne croit-elle pas possible qu'on se serve des modifications que nous allons apporter aujourd'hui à la législation des droits de la personne pour demander aux tribunaux, en invoquant l'argument des droits humains fondamentaux, que les couples de même sexe aient les mêmes droits et devoirs que les couples de fait de sexe opposé? Pourquoi pas?

Mme Terrana: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de prendre cette question à coeur. Il importe que nous puissions exprimer au Canada nos sentiments et notre opinion. Nous devrions tous proposer ce en quoi nous croyons.

Oui, en un certain sens, je m'excuse. En fait, j'aurais dû me rappeler que l'Ontario a adopté un tel projet de loi. À mon avis, il peut avoir découlé de la Loi sur les droits de la personne, mais pas nécessairement non plus.

(1325)

Ce n'est pas ce dont il s'agit à l'heure actuelle. Ce dont il est question ici et ce sur quoi nous devons nous concentrer, c'est l'absence de droits de certaines personnes qui travaillent pour le gouvernement fédéral ou pour des entreprises qui relèvent de la compétence fédérale. Voilà ce qui a retenu mon attention et ce qui m'intéresse. Si d'autres problèmes se présentent, je leur accorderai l'attention qu'ils méritent lorsqu'ils se présenteront.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, c'est la deuxième fois que j'ai l'occasion de dire quelques mots sur le projet de loi C-33.

Ce projet de loi, comme les députés le savent, a soulevé bien des passions chez les députés des deux côtés de la Chambre. Certains mots et certaines actions feront sentir leurs effets longtemps après que ce projet de loi aura sombré dans l'oubli et que la Chambre sera passée à autre chose, car c'est ainsi que vont les choses à la Chambre. Le sujet de préoccupation du jour n'est pas le même que celui de demain.

Ce qui inquiète nombre de Canadiens relativement à ce projet de loi, c'est la méthode utilisée par le gouvernement pour présenter le projet de loi, l'étudier à la Chambre, le renvoyer au comité et le ramener à la Chambre. Pareille méthode n'est pas de nature à rehausser la réputation de la Chambre et du pays.

Elle ne donne pas le bénéfice du doute aux Canadiens selon lequel nous pourrions prendre une décision sensée, vivre en harmonie, faire, en tant que citoyens, ce qui doit être fait pour tous les intéressés dans cette affaire. Les gais et les lesbiennes estiment que


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cela n'est qu'un petit, mais important, pas qui se fait attendre depuis longtemps et qui leur conférerait l'égalité devant la loi, comme le reste des Canadiens, dont la plupart ne prennent parti ni pour les uns ni pour les autres. D'autre part, il y a ceux qui estiment que ce serait un changement radical dans la morale sociale du pays et qu'il importe d'y regarder à deux fois avant d'aller de l'avant.

La tragédie de ce débat, dans ces efforts désordonnés pour faire adopter le projet de loi, c'est que, de chaque côté, des députés s'estiment quelque peu bousculés; c'est le cas en particulier des députés qui s'opposent au projet de loi et qu'on accuse, d'une certaine façon, de faire de la discrimination, d'être homophobes, peu aimables et mal intentionnés. Si certains Canadiens ne peuvent exprimer leur opinion au Parlement, pourquoi devraient-ils avoir l'impression qu'ils font partie intégrante de celui-ci? Pourquoi devraient-ils avoir l'impression d'y être représentés?

Nous ne sommes pas des meneurs de claque. Notre travail ne consiste pas à prendre la parole pour louer tout ce que propose le gouvernement ou tout autre groupe. Notre travail consiste à évaluer, à analyser et à modérer les mesures législatives proposées.

Lorsque le gouvernement d'un pays est majoritaire, nous savons qu'au bout du compte, le pays aura une loi qui reflète parfaitement la volonté du gouvernement, même si celui-ci est élu avec 43 p. 100 du vote populaire. C'est le cas du gouvernement actuel, et c'est ainsi que les choses fonctionnent. Nous devons l'accepter.

Je sais que de nombreux membres de la communauté homosexuelle croient vraiment que le simple fait de mettre en doute le bien-fondé du projet de loi ou la sincérité des motifs invoqués pour le présenter constitue une forme de désapprobation verbale de nos concitoyens gais ou lesbiennes.

Je sais que, pendant le débat à la Chambre, certains ont tenté d'associer des activités illégales à l'homosexualité. Cela n'est absolument pas fondé, cependant. C'est inacceptable. C'est injuste. Nous devons faire la distinction entre ce qui est légal au Canada et ce qui ne l'est pas. On ne sanctionne pas ce qui est illégal en ajoutant les deux mots «orientation sexuelle» à la Loi sur les droits de la personne.

(1330)

Je parle en mon nom personnel, mais il y a de nombreux députés qui comprennent que la nature de la famille a changé considérablement ces dernières années, dans notre pays. Nous savons qu'il y a des familles qui revêtent des formes très différentes.

Au sein du comité, le député de Hochelaga-Maisonneuve a expliqué sa définition de la famille. Elle est particulièrement belle. Il définit la famille comme étant un groupe de personnes unies par des liens communs d'amour, d'entraide et de protection mutuelle. Cette description décrit parfaitement la famille nucléaire. On souhaiterait qu'il s'agisse là des valeurs sur lesquelles s'appuie la famille.

Comme bien des députés le savent, les familles changent. Ma famille n'est pas de type nucléaire. J'ai divorcé deux fois et je me suis marié trois fois. Je ne m'en glorifie pas. Nous ne formons pas une famille traditionnelle, mais nous formons une famille unie où il y a de l'amour, une famille dont les membres s'entraident et se protègent mutuellement. Notre famille élargie présente aussi ces caractéristiques.

Notre fille aînée a été adoptée. À 21 ans, ses parents adoptifs l'ont appuyée dans ses démarches pour retrouver sa mère biologique. Nous avons fait connaissance. Nous visitions ses parents adoptifs et, comme cela devait arriver, des amis de ses parents ont demandé: «Qui sont ces gens?» Greg, un peu pris au dépourvu, a répondu qu'ils étaient des parents spéciaux. Nous avons réfléchi à cela et à nos rapports familiaux, ainsi qu'à la force démontrée par Nancy, la mère de Kate, pour la soutenir dans la recherche de sa mère naturelle. Nancy a déclaré qu'il ne lui avait pas fallu beaucoup de force et de courage.

Comment peut-on blesser quelqu'un en l'aimant? Comment peut-on trop aimer quelqu'un? Comment peut-on être blessés qu'une autre famille aime l'un des nôtres?

Personne ne peut rien m'apprendre sur la nature de la famille, sur le soutien mutuel, ni sur l'importance, pour notre société, de faire preuve de souplesse, d'ouverture et de compassion, même si nous ne nous sentons pas à l'aise devant certains rapports. Cela ne nous regarde pas. D'un autre côté, le mariage et la famille revêtent une grande importance sociale et religieuse. Cela ne doit pas être pris à la légère non plus. C'est l'essence même de notre débat.

À mon avis, il aurait été beaucoup plus difficile pour moi d'arriver à la décision-et cela a été très difficile pour moi-de voter contre le projet de loi s'il avait été présenté honnêtement et s'il avait porté sur les véritables enjeux. Ces enjeux, ne sont pas, à mon avis, ceux qui entourent la discrimination. La Charte canadienne des droits et libertés nous protège tous de la discrimination. Nous sommes tous protégés de la discrimination du seul fait que nous sommes des êtres humains.

(1335)

Cependant, le projet de loi introduit les mots «orientation sexuelle» dans les lois du Canada. Cela amènera les tribunaux à élargir l'interprétation des lois jusqu'à placer les couples homosexuels sur le même plan que les couples hétérosexuels.

Si c'est ce que le Canada veut faire, faisons-le. Présentons un projet de loi qui le dit clairement et étudions-en les mérites. N'employons pas la tactique du cheval de Troie en disant que cette mesure législative vise à empêcher la discrimination et que quiconque vote contre cette mesure est manifestement en faveur de la discrimination, sans reconnaître que les conséquences inévitables de cette mesure n'ont pas été exposées honnêtement au cours de ce débat.


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Si ce débat avait été plus ouvert, la Chambre aurait peut-être pu trouver un compromis satisfaisant pour les deux côtés. J'ai déjà mentionné à la Chambre la notion d'un partenariat domestique enregistré. Si ce n'est pas là l'intention du gouvernement, il aurait pu dès le départ rédiger le projet de loi de manière à apaiser les inquiétudes de ceux qui se sentent menacés. Il aurait pu limiter, de façon explicite, la portée de cette mesure législative aux questions liées aux droits de la personne ou il aurait pu accepter des amendements motivés qui auraient eu cet effet.

Si ces amendements avaient été acceptés, cela aurait permis à beaucoup plus de Canadiens d'appuyer ce projet de loi. Je crois que la plupart des Canadiens sont charitables et ne veulent pas qu'on fasse de discrimination contre qui que soit, y compris pour des motifs fondés sur l'orientation sexuelle.

Un projet de loi d'initiative parlementaire a été déposé aujourd'hui à la Chambre. Il s'intitule «Loi prévoyant le traitement égal des personnes vivant dans une situation assimilable à une union conjugale». Il n'y a rien de mal à ce qu'on présente une telle mesure législative. Cependant, cela prouve que ce débat est loin d'être terminé.

Les gens avec qui je me suis entretenu au sein de la communauté gaie et lesbienne seraient les premiers à dire que ce n'est pas terminé. Ils vont faire valoir leurs arguments le plus énergiquement possible, comme ils en ont le droit, jusqu'à ce qu'ils aient gagné la bataille. Je tiens à dire clairement que, de mon point de vue, les membres de la communauté gaie et lesbienne avec qui j'ai eu l'occasion de parler ont été absolument francs et honnêtes quant à leur intention. Ils n'ont jamais essayé de cacher ce qu'ils essaient de faire ni pourquoi. Il n'y a absolument rien qui nous laissait croire le contraire.

Comme c'est le cas de nombreux députés, je ne me sens pas à l'aise de voter contre ce projet de loi. Aucun de nous ne veut être accusé de discrimination contre des gens pour des motifs fondés sur l'orientation sexuelle ou pour tout autre motif, bien qu'il soit spécifiquement question ici d'orientation sexuelle.

(1340)

Parallèlement, il m'incombe de représenter non seulement mes électeurs, mais également l'ensemble des Canadiens qui se préoccupent des répercussions de ce projet de loi. Ce soir, je voterai contre le projet de loi et je n'éprouverai ni satisfaction ni joie à le faire, mais beaucoup de tristesse.

Des gens auront l'impression que je les répudie en tant qu'êtres humains ou que je porte sur eux un jugement de valeur. Ce ne sera pas le cas. Je reconnais et j'accepte le fait que les gens sont nés comme ils sont. Nous sommes ce que nous sommes. Je suis pour l'amour et la camaraderie. De quel droit puis-je dire à quelqu'un qui aimer ou comment se comporter en amour? Cela ne m'autorise cependant pas à oublier mes responsabilités envers ceux qui m'ont élu, ni les obligations inhérentes à ma charge.

Dans quelques heures, nous allons voter sur ce projet de loi. Je crois que beaucoup de gens diront, au cours des prochains mois, que nous aurions mieux fait de réfléchir plus longuement avant d'agir. La Chambre a consacré autant de temps à la pièce de deux dollars qu'à cette question fondamentale. Cette question revêt une importance fondamentale pour de nombreux Canadiens, qu'il soient pour ou contre le projet de loi.

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, je remercie le député de ses commentaires. Je sais qu'il s'est personnellement débattu avec cette question. Il a fait un discours, plus tôt cette semaine, à une réception organisée par le groupe EGALE. Je tiens à signaler l'extraordinaire contribution de ce groupe, de John Fisher, de la regrettée Les McAfee et de bien d'autres qui ont fait tant d'efforts.

Le député a fait part à la Chambre, de façon très personnelle, du fait que son fils, J.R., est homosexuel. L'un des points importants de cette mesure législative est de veiller à ce que les personnes qui sollicitent un poste relevant de la compétence fédérale ne fassent pas l'objet de discrimination en raison de leur orientation sexuelle. Le fils du député d'Edmonton-Sud-Ouest pourrait faire une demande d'emploi dans une banque, dans une compagnie de chemins de fer, dans une société de télécommunications ou dans un organisme relevant de la compétence fédérale et voir sa candidature rejetée. L'employeur pourrait dire qu'il ne veut pas de lui parce qu'il est homosexuel et que cela peut faire du tort à son entreprise. Peut-être qu'il le laisserait travailler dans l'arrière-boutique, mais pas au service de la clientèle.

J'implore le député. Ne comprend-il pas? Ne reconnaît-il pas que si ce projet de loi est rejeté, son fils, sa chair et son sang, n'aura aucun recours en droit, autre que celui qui fera suite à une décision judiciare, laquelle pourra être en contradiction avec une autre décision judiciaire rendue en Alberta? Ne reconnaît-il pas que nous avons besoin de cette mesure législative pour interdire au moins ce genre de discrimination, pas seulement contre son fils, mais contre tous les gais et lesbiennes de notre pays?

M. McClelland: Monsieur le Président, avant de répondre à la question du député de Burnaby-Kingsway, je veux souligner le courage dont il a fait preuve en étant le premier homme à se manifester à la Chambre des communes. Je souligne aussi le courage du député de Hochelaga-Maisonneuve. Ce n'est pas une chose facile à faire. Je le reconnais.

(1345)

La question que mon collègue m'a posée est évidemment fondamentale dans la torture que je me suis infligée personnellement en tentant de déterminer comment j'allais voter sur cette question. Si l'essentiel de la question de mon collègue était la discrimination, si je croyais que c'était le cas, alors rien ne devrait m'empêcher de voter en faveur de ce projet de loi.

Or, ce n'est pas le cas. Comme tous les Canadiens, mon fils est déjà protégé par la Charte des droits et libertés. Il a un recours. Je signale que j'ai reçu une liste d'entreprises qui reconnaissent l'admissibilité des couples de même sexe aux fins des prestations de conjoint. La liste est longue comme mon bras.


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La société a déjà dépassé cette question, mais ce n'est pas une raison de dire que la question est sans fondement. Il y a seulement 10 ou 20 ans, aurait-on pu imaginer que le gala du groupe EGALE puisse se tenir sur la colline du Parlement? Il n'y a pas même 20 ans, on voyait des équipes chargées d'inspecter le gouvernement fédéral et les forces armées. C'était la police anti-homosexuels, chargée de dépister les personnes incriminées et de les forcer à quitter leur emploi. Ces gens de la communauté gaie, ces citoyens canadiens qui sont gais-oublions la communauté gaie-ou lesbiennes ont une base sur laquelle ils peuvent s'appuyer s'ils sentent le besoin d'une telle loi.

Si le projet de loi se limitait à l'idée de prévenir la discrimination, même si ce n'est pas nécessaire, même si c'est redondant, je l'appuierais. On peut alors se demander pourquoi le ministre de la Justice n'accepte pas de modifications qui limiteraient précisément le projet de loi à ce qu'il est réellement, selon lui, afin que beaucoup de députés à la Chambre et moi-même puissions y donner notre appui.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le député déclare que si certains amendements avaient été adoptés, ce projet de loi aurait été acceptable à ses yeux.

Je voudrais revenir sur l'un des amendements qu'il a présentés. Il proposait d'ajouter au projet de loi une phrase qui aurait défini la famille comme un «couple hétérosexuel avec sa descendance naturelle ou adoptive».

Comme je l'ai fait remarquer au député par écrit, est-ce que cela signifie, par exemple, que si je suis une mère de quatre jeunes enfants et que je deviens veuve, je ne forme plus une famille en vertu de la législation canadienne? Si je vis avec mon époux, que mes enfants sont maintenant adultes, que ma mère habite avec nous, que nous partageons nos repas, notre baignoire et notre machine à laver et que nous prenons soin les uns des autres, ne constituons-nous pas une famille?

Selon cette définition, la réponse est non. Je voudrais que le député explique pourquoi cet amendement est logique, selon lui. Sait-il que la Loi canadienne sur les droits de la personne est maintenant interprétée comme si l'orientation sexuelle se trouvait déjà parmi les motifs de distinction illicite?

Ne croit-il pas que les employeurs, les fournisseurs de services, ont le droit de savoir qu'ils ne peuvent pas exercer de discrimination? Pour le moment, ils ne le savent pas, s'ils se fient au texte de la loi.

(1350)

M. McClelland: Monsieur le Président, je remercie la députée de soulever ces points, car elle me donne l'occasion d'apporter une clarification.

Nous avons échangé des notes hier soir durant le vote. Si j'avais eu la possibilité de retirer les amendements présentés en mon nom, je l'aurais fait. Je crois que l'explication était claire. Lorsque les amendements ont été présentés, ils demandaient la définition des mots «mariage» et «famille». Cependant, lorsqu'ils ont été imprimés, il ne restait que le mot «famille». J'aurais dû repérer cette erreur, mais elle m'a échappé, et je m'en excuse.

Voilà une des raisons de la bonne foi des députés réunis ici. Ils peuvent examiner un projet de loi, dire qu'il n'a aucun sens et affirmer qu'il méritait d'être rejeté.

Cependant, d'autres députés ont présenté des amendements qui auraient produit les mêmes résultats et ils ont aussi été rejetés.

M. Robinson: Monsieur le Président, je comprends ce que dit le député. Une motion a été présentée en son nom, mais elle ne reflétait pas sa position.

Ma question est simple. Si tel est le cas, pourquoi a-t-il voté en faveur de l'amendement, qui excluait toutes les familles monoparentales? Pourquoi a-t-il voté en faveur de cet amendement?

M. McClelland: Monsieur le Président, en retournant à la maison, je marchais en silence en songeant aux événements de la journée et je me suis dis que j'avais peut-être commis une erreur.

M. Francis G. LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mes 20 minutes avec la députée de Burlington.

Je suis heureux que le premier ministre ait permis un vote libre sur cette mesure législative. L'objet du projet de loi C-33 est une question de droits de la personne. C'est également une question morale. De ce fait, il est important que les députés puissent voter selon leur conscience.

Je ne veux pas que l'on pense que j'ai été forcé d'appuyer cette mesure législative. Je me rends compte que beaucoup de mes électeurs ont des points de vue diamétralement opposés sur la question. Je sais que leurs points de vue sont le fruit de convictions sincères et inébranlables. Je respecte le point de vue de chacun. J'aimerais expliquer comment je suis parvenu à ma décision.

Ceux qui s'opposent au projet de loi craignent qu'il ait pour effet de signifier l'approbation de la société à l'égard des relations homosexuelles, des mariages entre conjoints de même sexe et de l'octroi par les tribunaux d'avantages sociaux aux conjoints de même sexe, ou encore qu'il fasse en sorte que les crimes tels que la pédophilie soient autorisés en vertu de la législation sur les droits de la personne. Ils prétendent que le projet de loi C-33 accordera des droits spéciaux aux gais et lesbiennes.

Ces inquiétudes sont-elles légitimes? Rappelons ce que fait le projet de loi C-33. Le projet de loi C-33 modifie légèrement la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Loi canadienne sur les droits de la personne est une loi fédérale qui interdit les pratiques discriminatoires dans le milieu de travail et au niveau de l'accès aux produits et services offerts dans le cadre d'activités relevant législativement du Parlement canadien. Pour l'application de cette mesure législative, ces activités comprennent le gouvernement canadien, les banques, les compagnies aériennes, les compagnies de chemin de fer et les compagnies de télécommunications.

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La Loi canadienne sur les droits de la personne porte sur la discrimination en rapport avec l'emploi et l'accès aux produits et services offerts dasn ces secteurs de l'économie. Elle établit ce qu'est la discrimination et propose les recours et les remèdes qui existent à l'intention des personnes qui en sont l'objet.

En vertu de la législation actuelle, les motifs de distinction illicite sont la race, l'origine nationale ou ethnique, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, un handicap et une condamnation pour laquelle une personne a été obtenu le pardon. Le projet de loi C-33 ajoute l'orientation sexuelle à ces catégories.

Il est important de rappeler que les mots sont «orientation sexuelle». Cela devrait rassurer les catholiques, dont je suis. Je voudrais citer une lettre que la Conférence des évêques catholiques du Canada a récemment envoyée au premier ministre, sous la signature du Très révérend Francis J. Spence, évêque de Kingston.

(1355)

Cette lettre, que j'ai obtenue grâce à la courtoisie du Très révérend Colin Campbell, évêque d'Antigonish, m'a aidé à définir ma position à l'égard de cette mesure législative. Dans sa lettre, l'évêque Spence fait remarquer que l'Église fait une distinction qui, dit-il, «n'est pas souvent faite dans les débats publics entre l'orientation-ou l'inclination-et le comportement».

Le projet de loi C-33 porte exclusivement sur l'orientation. Il ne vise absolument pas le comportement. Le terme est entièrement neutre. Il s'applique tout aussi bien aux personnes qui sont victimes de discrimination parce qu'elles sont hétérosexuels qu'à ceux et celles qui sont victimes de discrimination parce qu'ils sont homosexuels.

Cela n'a rien à voir avec le fait que la personne soit sexuellement active ou non. L'homosexuel abstinent obtient la même protection en vertu du projet de loi C-33 que l'hétérosexuel actif qui change constamment de partenaire sexuel. Ce qui compte, c'est de savoir si l'individu est victime de discrimination dans le milieu de travail ou au niveau de l'accès aux services, du simple fait de son orientation sexuelle. Ce projet de loi ne dit rien de positif ou de négatif à l'égard du comportement lui-même.

En même temps, le projet de loi C-33 n'est certainement pas une invitation ou un encouragement à exprimer, pratiquer ou témoigner de son orientation ou de ses désirs sexuels dans le milieu de travail. Cela ne change absolument rien à ce qui constitue la norme sociale acceptable en matière de comportement. Si un employé ou un client, dans un établissement réglementé au niveau fédéral, choisit de se comporter d'une façon obscène, sexuellement agressive ou inappropriée, il ne sera pas protégé par le projet de loi C-33. Il encourt les mêmes peines que les lois actuelles prévoient dans les cas de harcèlement sexuel, d'agression sexuelle, de conduite immorale, etc. Même alors, l'individu a le droit de se défendre selon la procédure habituelle et ne saurait être l'objet d'une discrimination systématique.

Le projet de loi C-33 mène-t-il à la légalisation de crimes comme la pédophilie? La réponse est non. La pédophilie n'a rien à voir avec l'orientation sexuelle. C'est un crime. C'est un crime, peu importe que son auteur soit hétérosexuel ou homosexuel. C'est une infraction en vertu du Code criminel, un texte législatif distinct, sur lequel ce projet de loi n'a absolument aucune prise.

Est-ce que le projet de loi C-33 va aboutir à la reconnaissance des mariages entre personnes de même sexe ou à l'octroi des prestations de conjoint à ces partenaires? Non. Ce sont des enjeux qui n'ont rien à voir avec la Loi canadienne des droits de la personne. La Loi canadienne des droits de la personne a trait à la discrimination dans l'emploi et la fourniture de produits et services. Elle ne s'applique pas au mariage. Elle n'accorde pas de prestations de conjoint aux partenaires de même sexe.

Le projet de loi C-33 ne prône pas l'union entre homosexuels. Il n'accorde pas de prestations de conjoint aux partenaires de même sexe. C'est une question de droits de la personne. Le projet de loi C-33 pose le point de vue moral suivant: c'est violer les droits de la personne que de refuser à une personne l'accès à des services ou de faire de la discrimination à son égard par rapport à l'emploi en se fondant simplement sur son orientation sexuelle.

Le président suppléant (M. Kilger): Je demande la collaboration du député et je verrai à ce qu'il puisse poursuivre son intervention après la période des questions.

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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LES FORÊTS

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, la semaine du 5 au 11 mai est la Semaine de l'arbre et des forêts, un temps de l'année où les associations forestières provinciales du Canada essaient de sensibiliser davantage le public à l'importance de nos ressources forestières.

Le Canada possède 10 p. 100 des forêts du monde. Ces forêts sont un élément essentiel de notre économie puisqu'elles font vivre plus de 350 collectivités et donnent de l'emploi à plus de 800 000 Canadiens. Le Canada, qui exporte pour 50 milliards de dollars de produits forestiers chaque année, est l'un des plus grands fournisseurs du monde. Dans ma circonscription de Thunder Bay-Atikokan, l'industrie de la forêt et du bois-d'oeuvre est un employeur important.

Cette année, on a choisi pour thème de cette semaine «Les régions forestières: des trésors variés». Ce thème reflète le fait que, dans diverses régions du pays, on retrouve divers types d'écosystèmes forestiers. Au Canada, nous avons dix régions forestières distinctes, chacune offrant ses propres trésors.


2555

[Français]

LE PATINAGE ARTISTIQUE

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je voudrais souligner en cette Chambre le travail acharné et vigoureux dont ne cesse de faire preuve Josiane Fréchette, de Sainte-Perpétue de Drummond.

Josiane évolue brillamment dans la discipline du patinage artistique. Médaillée d'or au Championnat canadien, division Atlantique, catégorie prénovice, Josiane s'est également classée première en programme court, catégorie novice, en compétition internationale, lors de la compétition Invitation «Coupe de la ville résidentielle», tenue en Hollande cette année.

(1400)

Sélectionnée par la Fédération de patinage artistique du Québec pour une quatrième année consécutive, Josiane participera à un séminaire provincial dans cette discipline.

Josianne, merci pour cet exemple de persévérance et cette conviction que tu dégages autour de toi. Nous sommes de tout coeur avec toi.

Le Québec a, une fois de plus, raison d'être fier de ses jeunes.

* * *

[Traduction]

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Justice entoure le projet de loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne pour inclure l'orientation sexuelle de toute une campagne de désinformation délibérée.

Le ministre essaie de noyer le poisson afin de nier la vérité et les conséquences du projet de loi C-33. Il dit que cette mesure ne fait qu'ajouter deux mots à une loi, que c'est simplement un projet de loi de deux articles que la Chambre devrait adopter rapidement puisqu'il s'agit seulement de faire disparaître la discrimination. Il n'en est rien.

La vérité, c'est que ce projet de loi va avoir de graves conséquences qui se répercuteront sur la famille canadienne en la redéfinissant et qui vont miner les principes fondamentaux de l'égalité.

Le ministre continue d'induire les Canadiens en erreur et d'éviter la vérité, alors que le gouvernement fait adopter envers et contre tous ce projet de loi en un temps record. Sous un faux prétexte, le gouvernement sape les fondements de la démocratie.

L'histoire jugera ces neufs jours durant lesquels on s'est moqué du Parlement et des Canadiens.

* * *

L'UNITÉ NATIONALE

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour féliciter deux étudiants du niveau secondaire de ma circonscription pour leurs contributions à la quête de l'unité nationale. Je dis bravo à Sarah Boyd et à Michael Holmes, tous deux étudiants de l'école secondaire de Parry Sound.

Ces deux jeunes membres de ma circonscription se sont classés premiers ex aequo lors d'un concours de dissertations que j'ai lancé dans toutes les écoles secondaires de ma circonscription pour promouvoir la fierté envers le Canada.

Dans sa dissertation, Sarah exhorte les Canadiens à parler franchement et à offrir leurs compétences pour aider le Canada à rester fort et uni. Elle propose de jumeler des villes de tailles semblables pour favoriser l'entente et renforcer les liens communautaires.

Dans la sienne, Michael préconise d'encourager les entreprises à faire de l'unité nationale leur responsabilité. Il propose de jumeler des journaux communautaires pour faciliter l'échange des lettres envoyées au rédacteur en chef et ainsi favoriser la fraternité et l'entente.

Je suis fier des efforts qu'ont faits tous ceux qui se sont inscrits à mon concours de dissertation sur l'unité nationale. Aujourd'hui, je demande à mes collègues de se joindre à moi pour saluer Sarah Boyd et Michael Holmes.

* * *

LES POMPIERS

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, cette semaine, l'Association internationale des pompiers est en ville.

Un certain nombre de déclarations ont été faites à la Chambre pour faire l'éloge des pompiers, qui courent des risques pour nous protéger tous. Je voudrais me faire l'écho de ces louanges.

Toutefois, la meilleure façon pour le gouvernement de rendre hommage aux pompiers, c'est de prendre au sérieux ses recommandations concernant l'opération Respond, une proposition qu'ils ont faite pour traiter les matières dangereuses. Ils voudraient que cette opération devienne un projet pilote à Winnipeg. J'encourage le gouvernement à agir en ce sens, ainsi qu'à mettre en oeuvre la proposition concernant un régime public à l'intention des pompiers et d'autres personnes au service de la population qui perdent la vie dans l'exercice de leurs fonctions. Je l'encourage aussi à mettre en oeuvre les recommandations au sujet du Régime de pensions du Canada.

Le gouvernement devrait prendre toutes ces recommandations à coeur pour qu'elles se concrétisent dans les plus brefs délais.

* * *

LE PROJET DE LOI C-33

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, tous les Canadiens veulent que les représentants qu'ils envoient au Parlement aient davantage l'occasion de défendre leurs opinions.

Je remarque que le système britannique prévoit une discipline de parti de rigueur variable qui permet une certaine indépendance. Je suis ravi que mon chef ait prévu un vote libre sur le projet de loi C-33.


2556

En conséquence, chaque député devra faire encore plus d'efforts pour bien comprendre et bien faire valoir les opinions de ses électeurs. C'est pourquoi j'ai commandé un sondage professionnel dans ma circonscription de Durham. Je tenais à connaître les attitudes de mes électeurs à l'égard de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Il est clairement apparu que la majorité de mes électeurs sont en faveur du projet de loi, parce qu'ils sont d'avis qu'il porte sur les droits de la personne. J'espère que nous assistons à un libéralisation de la discipline de parti à la Chambre, qui permettra aux députés de mieux représenter leurs électeurs.

Cette plus grande liberté exige que les députés se montrent plus diligents afin de garantir qu'ils saisissent parfaitement les opinions de leurs électeurs. J'ai hâte que le régime parlementaire se libéralise.

* * *

(1405)

[Français]

LA VILLE DE MONTRÉAL

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, mardi dernier, à Montréal, on a procédé au lancement de la campagne publicitaire ayant pour thème «Montréal, c'est toi ma ville».

Cette opération, qui s'étalera sur une période de deux ans, a vu le jour grâce aux efforts concertés de la ville de Montréal, du gouvernement du Canada, de onze sociétés privées, ainsi que de la grande majorité des médias de la métropole.

Cette opération multimédias est une preuve tangible que le climat est en train de changer à Montréal et que tous travailleront maintenant vers l'atteinte d'un but commun.

Le député fédéral d'Outremont et secrétaire d'État au Bureau fédéral de développement régional du Québec était heureux d'annoncer, au nom du gouvernement du Canada, une contribution financière de un million de dollars.

Voici un autre bel exemple de l'engagement de notre gouvernement à travailler en partenariat avec les autres intervenants socio-économiques pour le mieux-être de Montréal et du Québec.

* * *

LA SEMAINE NATIONALE DES SOINS INFIRMIERS

M. Bernard Deshaies (Abitibi, BQ): Monsieur le Président, la célébration de la Semaine nationale des soins infirmiers, sous le thème «Demandez à une infirmière», me donne l'occasion de souligner l'importance du rôle des infirmières et des infirmiers dans le maintien de la santé de tous.

Je tiens à leur rendre, en cette Chambre, un hommage particulier pour que ces professionnels sachent que nous n'ignorons pas la période mouvementée que traverse leur profession: réduction des postes en milieu hospitalier, déplacement d'une partie du travail vers le domicile des patients, révision des tâches et de la formation requise pour exercer son métier dans ce nouvel environnement. C'est beaucoup.

Je veux donc souligner leur force de caractère, leur volonté et leur dévouement à assurer des soins de qualité malgré l'incertitude du lendemain.

Voici une classe de professionnels exemplaires. En mon nom et au nom de tous mes collègues, je tiens à adresser toutes nos félicitations aux infirmières d'Abitibi, du Québec et du Canada pour leur professionalisme et leur grand dévouement à leur communauté.

* * *

[Traduction]

LA SEMAINE NATIONALE DE L'ARBRE ETDES FORÊTS

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à remercier M. Ed MacDonald, sylviculteur de l'île de Vancouver, qui a fait un don de 300 semis de cèdres de la côte, dans le cadre des célébrations de la Semaine de l'arbre et des forêts. On peut voir ce don aujourd'hui dans le couloir de l'opposition.

Ces semis nous rappellent que les arbres purifient l'air et protègent les cours d'eau en plus d'abriter la faune et de procurer des loisirs et du travail aux Canadiens. Au Canada, l'industrie forestière emploie directement et indirectement 880 000 travailleurs et, en 1995, elle a contribué à l'économie 49 milliards de dollars, dont plus de la moitié dans le secteur des exportations. À ce chapitre, nous sommes au premier rang dans le monde.

Malgré les contraintes du nouvel accord sur le bois d'oeuvre avec les États-Unis, la sylviculture contribue davantage à notre équilibre commercial que l'agriculture, les pêches, les mines et les ressources énergétiques réunies. Le Canadiens, surtout par l'intermédiaire de leurs gouvernements provinciaux, ont leur mot à dire sur l'avenir de leurs forêts parce que la plupart d'entre elles font partie du domaine public.

Par conséquent, nous devons prendre des décisions judicieuses sur l'utilisation du sol, y compris en ce qui concerne les revendications territoriales des autochtones, afin de protéger les forêts, qui sont le nerf de l'économie canadienne.

* * *

LA RÉFORME PÉNITENTIAIRE

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Monsieur le Président, le Canada a perdu ces dernières semaines deux grands champions de la réforme pénitentiaire et de la réinsertion sociale des criminels. Le sénateur Earl Hastings, de l'Alberta, décédé dimanche dernier, était un grand libéral et un grand apôtre de la réforme sociale. Jusqu'à la fin, il est demeuré en relations étroites avec les prisons et avec les nombreux détenus qu'il aidait à redémarrer dans la vie. Il a reçu de nombreuses distinctions pour le travail remarquable qu'il a accompli en matière de services correctionnels et de justice pénale.

Claire Culhane était elle aussi une militante engagée en faveur d'un système correctionnel humain. Elle a, durant de nombreuses années, mené campagne et écrit contre les abus du système pénitentiaire. Nous devrions comprendre que la véritable réinsertion sociale fait diminuer la criminalité et rend les rues plus sûres.


2557

Le sénateur Hastings et Claire Culhane devraient nous servir d'exemple à tous.

* * *

LA TRAGÉDIE DE LA MINE DE WESTRAY

Mme Roseanne Skoke (Central Nova, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole pour sympathiser avec les familles en deuil et commémorer les 26 mineurs qui ont perdu la vie dans la tragédie survenue le 9 mai 1992 à la mine de charbon Westray, dans la circonscription de Central Nova.

Nous rappelons le souvenir de John Thomas Bates, Larry Arthur Bell, Bennie Joseph Benoit, Wayne Michael Conway, Ferris Todd Dewan, Adonis J. Dollimont, Robert Steven Doyle, Rémi Joseph Drolet, Roy Edward Feltmate, Charles Robert Fraser, Myles Gillis, John Philip Halloran, Randolph Brian House, Trevor Jahn, Laurence Elwyn James, Eugene W. Johnson, Stephen Paul Lilley, Michael Frederick MacKay, Angus Joseph MacNeil, Glenn David Martin, Harry A. McCallum, Eric Earl McIssac, George Munroe, Danny James Poplar, Romeo Andrew Short et Peter Francis Vickers.

Nous nous souviendrons d'eux.

* * *

(1410)

LE PARTI QUÉBÉCOIS

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, les séparatistes remettent ça. Ils se sont plaints des conditions de vote pour les non-résidents du Québec. Ils se sont plaints d'avoir perdu le référendum à cause des puissances d'argent et des votes ethniques. Ils se sont plaints de ce que trop de gens aient obtenu leur citoyenneté au cours des quelques mois précédant le référendum. Voilà qu'ils se plaignent encore, cette fois-ci du fait que le directeur général des élections a produit des dépliants en d'autres langues que le français.

[Français]

En effet, M. Landry, et le député péquiste de Vachon, M. Payne, ont tour à tour critiqué le Directeur général des élections pour avoir fait distribuer dans les comtés à forte concentration de Canadiens d'autre origine, des instructions sur le scrutin dans 19 langues différentes.

L'obsession des séparatistes envers tous ceux qui ne portent pas l'étiquette «pure laine» sur leur certificat de citoyenneté les a toujours conduits à commettre des énormités et, à voir ce qui s'est passé hier, cela n'est pas prêt de s'arrêter.

* * *

LES CRIMES DE GUERRE

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, le premier procès pour crimes de guerre commis en ex-Yougoslavie s'est ouvert cette semaine à La Haye avec la comparution d'un Serbe de Bosnie accusé, par le Tribunal pénal international, de meurtres et de tortures.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, c'est la première fois qu'une cour internationale entame des auditions pour juger des personnes soupçonnées de crimes contre l'humanité et de génocide.

Alors que plus d'une cinquantaine de criminels de guerre ont été inculpés, seulement une dizaine d'entre eux sont actuellement détenus. Les autres courent encore au large, dont les chefs politiques et militaires des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et le général Ratko Mladic.

Le Canada doit exiger que tous ceux qui sont inculpés soient livrés à la justice, et ce, avant la fin du mandat de la force multinationale, en décembre prochain. Il en va de la crédibilité des travaux du Tribunal.

* * *

[Traduction]

LA TRAGÉDIE DE LA MINE DE WESTRAY

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui le quatrième anniversaire de la mort de 26 mineurs qui ont perdu la vie à la mine de Westray de Nouvelle-Écosse, un mélange de poussière de charbon et de méthane ayant provoqué une explosion souterraine.

Avec toutes les manchettes au sujet de l'enquête en cours et avec toutes les difficultés à surmonter pour établir la vérité, il arrive souvent que nous oubliions cette tragédie et ces pertes de vie. Si quelque chose de bon peut venir de cette terrible tragédie, c'est la prise de conscience que nous ne devons jamais négliger la sécurité en milieu de travail.

C'est pourquoi il est absolument nécessaire que la réglementation gouvernementale en matière de sécurité ne soit jamais assouplie et que les inspecteurs qui doivent nous protéger soient à l'abri de toute ingérence politique si nous voulons qu'ils soient efficaces. Si nous pouvons y parvenir, nous pourrons au moins nous consoler en espérant que ce genre de tragédie ne se reproduise plus jamais.

Aujourd'hui, les Canadiens honorent la mémoire des 26 mineurs qui ont perdu la vie il y a quatre ans. À leurs familles et à leurs amis, je tiens à dire notre sympathie et notre solidarité.

* * *

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Monsieur le Président, mardi dernier, le député de Lisgar-Marquette a déclaré à la Chambre: «Si nous voulons savoir ce que l'homosexualité et la permissivité ont causé dans certains pays, voyons ce qui se passe en Afrique et les problèmes dont souffre ce continent.» Il a poursuivi en établissant un lien entre la guerre civile au Libéria et l'homosexualité et la permissivité.

Sur quoi le député fonde-t-il ces affirmations? Quelle preuve a-t-il qu'il existe un lien entre l'homosexualité et les difficultés que connaît le Libéria?

La situation libérienne est tragique. Beaucoup d'innocents perdent la vie. Des familles sont littéralement anéanties. On tue des enfants. C'est une situation que tous les Canadiens déplorent, et je suis sûr que les députés d'en face la déplorent aussi. Mais établir un lien entre cette situation et la tolérance de l'homosexualité, c'est

2558

faire insulte aux souffrances des Libériens et à l'intelligence des Canadiens.

Les électeurs de Lisgar-Marquette méritent mieux de ce parti. . .

Le président suppléant (M. Kilger): La députée de Windsor-Sainte-Claire.

* * *

LE VIH ET LE SIDA

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, le député de Macleod a prétendu l'autre jour que le projet de loi C-33 allait promouvoir un mode de vie qui favorise la propagation de certaines maladies, dont le sida, et la transmission du VIH. Au lieu de s'élever contre de telles déclarations, le chef du Parti réformiste les a appuyées, alléguant qu'elles représentaient l'avis du corps médical.

En tant que parlementaire, le député de Macleod a le devoir de veiller à ce que la politique de notre pays se fonde sur des faits, et non sur des renseignements erronés ou sur des craintes. En tant que médecin, il a le devoir de nous parler de recherche.

Selon les recherches effectuées, cette maladie frappe les hommes, les femmes et les enfants. Il s'agit d'une maladie d'origine connue qui peut être évitée. On peut se protéger contre le sida et la tansmission du VIH en adoptant un comportement responsable. Le député d'Esquimalt-Juan de Fuca, qui est également médecin, semble comprendre la situation.

Les renseignements erronés que diffuse le député de Macleod auront plus de répercussions sur la transmission du VIH que pourrait en avoir, selon lui, le projet de loi C-33.

Le VIH et le sida constituent de graves problèmes de santé publique. Les Canadiens sont en droit de s'attendre à ce que leurs députés fassent des observations responsables et constructives dans le cadre de la lutte contre la propagation du sida. Les Canadiens méritent mieux. . .

* * *

(1415)

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, je veux exhorter le premier ministre à recevoir les cent représentants de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent qui, à coup de ponts payants et de contributions personnelles totalisant 7 000 $, se sont déplacés jusqu'à Ottawa aujourd'hui pour lui dire, ainsi qu'au ministre des Finances et à celui du Développement des ressources humaines, qu'ils ne laisseront pas mourir leur région en acceptant bêtement une réforme de l'assurance-chômage qui équivaut à vider nos coins de pays.

Ils sont les porte-parole de 30 000 personnes qui ont manifesté leur opposition à la réforme partout dans l'est du Québec, et de l'ensemble des municipalités régionales de comté du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. L'ensemble de ces régions, dont l'économie dépend de l'industrie saisonnière, souhaite que vous en veniez à comprendre leur message.

Monsieur le premier ministre, vous ne pouvez pas refuser de recevoir ces porte-parole qui ont dû faire 32 heures d'autobus pour venir vous faire entendre leur cri du coeur.

______________________________________________


2558

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA FISCALITÉ

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, dans son rapport déposé cette semaine, le vérificateur général affirme, et je cite: «Revenu Canada a peut-être garanti pour l'avenir l'élimination complète de l'impôt canadien sur les gains en capital relatif à des biens d'une valeur énorme.» Et devant les membres du Comité permanent des comptes publics, il a confirmé que tous les gains en capital réalisés sur des actions de sociétés publiques pouvaient quitter le Canada en franchise d'impôt.

Ma question s'adresse au ministre des Finances, puisqu'il est le responsable des politiques fiscales de ce gouvernement. Le ministre des Finances est-il d'accord avec les propos du vérificateur général, à savoir qu'en plus des gains en capital dans les fiducies familiales, ce sont tous les gains en capital sur les actions des sociétés publiques qui peuvent maintenant être exportés, sans que Revenu Canada ne puisse prélever sur ceux-ci un seul sou d'impôt?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a pas de doute que lorsque nous avons pris le pouvoir, nous avons énoncé très clairement qu'il y avait certainement des lacunes dans le système de taxation qu'il fallait combler. Nous avons certainement appuyé les démarches du vérificateur général dans ce domaine et nous allons continuer de le faire. D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles nous avons demandé que le Comité permanent des finances examine tout cela, parce qu'il est très important que ce soit fait de façon transparente.

Cela étant dit, dès le début, lorsque nous avons pris le pouvoir, nous avons établi des mesures spécifiques pour interdire l'utilisation de paradis fiscaux ou de sociétés étrangères pour contourner la loi.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, pour être bien clair, au-delà des fiducies familiales, toutes les actions de sociétés publiques peuvent maintenant être transférées hors du pays sans que Revenu Canada ne puisse percevoir un seul sou d'impôt. Cela, le ministre n'en a pas parlé.

Puisque la décision de Revenu Canada a été publiée le 21 mars et que, depuis, une course à l'évitement fiscal est probablement engagée, pourquoi le ministre n'a-t-il pas déjà suspendu la décision de Revenu Canada pour faire cesser ce risque énorme d'une fuite de milliards de dollars à l'étranger?


2559

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je crois qu'il vaut la peine de lire ce que nous avons fait pour que ce soit très clair. Il faut dire que, dès le début, nous avons lancé une offensive à trois volets pour réduire l'utilisation des paradis fiscaux par les entreprises canadiennes ou réduire les fuites d'argent, ce dont le chef de l'opposition est en train de parler.

Premièrement, par exemple, dans le budget de 1995, nous avons proposé de vastes exigences de déclarations en ce qui concerne les intérêts dans les sociétés étrangères. Deuxièmement, dans le budget de 1994, des modifications ont été apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu pour empêcher plus particulièrement le recours à des sociétés situées dans les paradis fiscaux pour transférer à l'étranger des bénéfices réalisés au Canada.

(1420)

Troisièmement, le gouvernement a renforcé les efforts d'exclusion en ce qui concerne les sociétés étrangères, en particulier en ce qui concerne l'utilisation de la méthode du bris de cession interne par les particuliers.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais rappeler respectueusement au ministre des Finances et à tous ses collègues que tout ce qu'il vient d'énumérer, tout ce qu'il vient de dire maintenant ne change strictement rien à la situation qui est déplorée par le vérificateur général.

Puisque les fonctionnaires du ministère des Finances, cela a été mis en lumière par le vérificateur général, ont agi avec beaucoup de rapidité un 23 décembre, au terme d'une série de réunions le 23 décembre, pour permettre que cette échappatoire fiscale soit utilisée, est-ce que le ministre des Finances ne pourrait pas dire à la population qui nous écoute que ses fonctionnaires vont se mettre au travail, agir avec autant de rapidité pour empêcher une fuite de capitaux hors du Canada qui coûte cher au gouvernement du Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je viens d'énumérer des mesures que nous avons mises en place immédiatement après avoir pris le pouvoir. C'est très clair. D'ailleurs, une des raisons pour lesquelles nous avons soumis cette matière au Comité des finances, c'est parce qu'on était inquiets et qu'on voulait vraiment que tout soit examiné.

Maintenant, le chef de l'opposition parle des fonctionnaires. Je rappelle au chef de l'opposition que nous sommes en train de parler d'un événement qui est arrivé en 1991, sous le gouvernement précédent et, dans la grande majorité des cas, les fonctionnaires qui ont pris ces décisions n'occupent pas le même poste aujourd'hui.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, nous le soupçonnions depuis deux ans et demi, nous demandions sans succès au ministre des Finances d'agir, et voilà que le scandale éclate.

Ce matin, le Financial Post révélait, sur la base d'un rapport confidentiel de Revenu Canada, que pas moins de 60 milliards de dollars de capitaux canadiens ont quitté secrètement le Canada, en 1991, une pure évasion fiscale rendue possible par les lois fédérales permissives et lâches.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Le ministre des Finances peut-il confirmer ces faits, peut-il confirmer que 60 milliards de dollars de capitaux de très riches Canadiens ont quitté secrètement le Canada sans être imposés?

[Traduction]

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme les mêmes questions ont tendance à revenir, je change de langue pour leur répondre.

Nous nous attaquons à ce problème et, d'ailleurs, nous prenons des mesures à cet égard depuis notre arrivée au pouvoir. Nous avons essentiellement reconnu qu'il y avait un problème. Nous avons renvoyé la question au Comité des finances. Nous avons pris une série de mesures pour veiller à ce que les impôts soient payés en totalité et à temps. De plus, nous appuyons le vérificateur général dans cette démarche comme dans toutes ses autres initiatives.

Je tiens à préciser une chose. La ministre du Revenu national a renvoyé la question au Comité des comptes publics. Nous, au ministère des Finances, l'avons renvoyée au Comité des finances. S'il y a un problème qui découle des décisions prises par le gouvernement précédent en 1991, j'espère qu'on l'exposera devant le Comité des finances.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, ça va faire! Il faut que la population sache que c'est le ministre des Finances qui est responsable de la révision de la fiscalité, que ça fait deux ans et demi qu'on lui demande de réviser la fiscalité et qu'il nous rie en pleine face.

Je lui demande, maintenant que le scandale lui éclate en plein visage, s'il va agir ou s'il va continuer à favoriser l'hémorragie de capitaux en dehors du Canada et même à s'en faire le complice.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, lorsqu'on a pris le pouvoir, on a agi. On a fermé plus d'échappatoires et de lacunes que le Comité des finances avait recommandé. On est allés beaucoup plus loin que les recommandations du critique des finances du Bloc québécois.

(1425)

Maintenant, la ministre du Revenu national vient d'embaucher d'autres vérificateurs au coût de 50 millions de dollars. On a dépensé plus d'argent dans son ministère exactement pour arrêter ces échappatoires. Mais la question qui se pose est la suivante: Pour quelles raisons le député, le critique des finances du Bloc québécois, a-t-il peur d'avoir un examen public dans ce domaine? A-t-il peur de la transparence? A-t-il peur d'avoir des discussions?

* * *

[Traduction]

LE SÉNAT

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, il va sans dire que les Canadiens réclament une plus grande participation au processus politique.

Des voix: Oh, oh!


2560

M. Manning: Dans notre société démocratique, il n'est plus acceptable pour les Canadiens que des sénateurs non élus, qui n'ont de comptes à rendre à personne, aient quoi que ce soit à voir avec l'adoption des lois du pays et l'autorisation des dépenses publiques.

L'Alberta a une loi prévoyant l'élection des sénateurs, et le premier ministre Klein veut tenir une élection pour combler le dernier siège vacant au Sénat. Le premier ministre acceptera-t-il de nommer au Sénat la personne qui aura été élue en vertu de la Senate Selection Act de l'Alberta?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il y a quelques années, nous avons eu un vote à la Chambre et dans tout le pays pour avoir un Sénat élu. Le chef du troisième parti a voté contre la possibilité d'avoir un Sénat élu. Comme je suis tenu de le faire aux termes de la Constitution du Canada, je nommerai un sénateur de mon choix qui représentera mon parti.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le point de vue des Albertains sur la représentation au Sénat est fondamentalement différent de celui du premier ministre. Les Albertains sont d'avis que les sénateurs devraient représenter la population de l'Alberta et non le parti du premier ministre.

Le premier ministre sait aussi bien que moi que les propositions contenues dans les accords du lac Meech et de Charlottetown en ce qui concerne la réforme du Sénat n'avaient rien à voir avec la notion du Sénat triple E que préconise notre parti. Le premier ministre sait qu'il peut démocratiser le Sénat sans modification constitutionnelle.

Lorsque le premier ministre Klein tiendra une élection pour remplir le siège vacant de l'Alberta au Sénat et que des centaines de milliers d'Albertains participeront à cette élection, comme ils l'ont fait la dernière fois, le premier ministre reconnaîtra-t-il le droit de ces gens de choisir leur propre représentant au Sénat du Canada?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, depuis 1867, nous avons un système où les sénateurs sont nommés sur la recommandation du premier ministre. Certains sénateurs ont très bien servi notre pays, comme le sénateur Hastings, qui a fait du travail de première qualité pendant de nombreuses années. J'ai également eu des discussions intéressantes avec un sénateur du nom de Manning, qui avait été nommé par Pierre Trudeau.

Je crois que le député était en faveur d'un Sénat élu, et voilà qu'il essaie de cacher le mauvais jugement dont il a fait preuve lorsqu'il a voté contre l'accord de Charlottetown. Lorsqu'on rejette quelque chose à cause d'un élément qu'on n'aime pas, on détruit tout. Si le député avait fait preuve de jugement, nous aurions des sénateurs élus aujourd'hui. Cependant, ce n'est pas ce qu'il a fait.

Ce même homme réclame des votes libres depuis le début de la session, et voilà qu'il force ses députés à voter selon la ligne du parti, sinon ils seront expulsés. Au moins, au sein de mon parti, nous laissons certains députés voter librement.

(1430)

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, nous connaissons bien la conception qu'on avait du Sénat au XIXe siècle, mais nous parlons aujourd'hui du Sénat du XXIe siècle.

J'ai également apprécié l'hommage à mon défunt père, mais nous devons nous rappeler cette remarque célèbre qu'il avait faite au sujet du Sénat, soit que ses trois priorités étaient l'alcool, le protocole et le Geritol. C'est pourquoi une réforme s'impose.

Il a fallu neuf mois à Brian Mulroney, mais au moins il a fini par reconnaître la volonté démocratique des Albertains en nommant Stan Waters au Sénat.

Le premier ministre n'a pas besoin de modification constitutionnelle pour faire ce qui s'impose. Pourquoi le premier ministre a-t-il changé son fusil d'épaule au sujet de l'élection des sénateurs? Est-il prêt à rompre la promesse d'un Sénat élu que son parti et lui ont faite en 1992?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai lutté pour avoir un Sénat élu pendant que le chef du troisième parti faisait campagne d'un bout à l'autre du pays pour que l'accord de Charlottetown soit rejeté. Son geste revient maintenant le hanter. Parce qu'il n'a pas eu assez de jugement pour examiner l'ensemble des propositions, il a décidé de tout rejeter et il doit maintenant subir les conséquences de cette décision.

À un moment où le Sénat est majoritairement conservateur et où la Chambre des communes veut faire adopter des mesures législatives, je vais exercer mon privilège de nommer un sénateur qui respectera la volonté de la Chambre des communes.

* * *

[Français]

LA FISCALITÉ

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Et dès le départ, j'aimerais rappeler au ministre des Finances qui nous accuse d'avoir peur dans le dossier des évasions fiscales, lui rappeler que depuis deux ans et demi le Bloc québécois a. . .

Le président suppléant (M. Kilger): J'invite l'honorable député à poser sa question.

M. Guimond: Quand vient le moment d'imposer des particuliers, Revenu Canada n'y va pas avec le dos de la cuillère, mais quand vient le moment de toucher aux fiducies familiales, aux gains en capital ou à l'évasion. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je prie le député de poser sa question.

M. Guimond: Le ministre des Finances réalise-t-il que parce qu'il n'agit pas tout de suite en matière d'évasion fiscale, ce sont des milliards de dollars qui sont transférés aux États-Unis sans payer d'impôt, et ce, par sa faute?


2561

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je rappellerai très calmement à la Chambre ce que nous faisons dans ce dossier très important.

Le ministre des Finances a modifié la loi concernant les fiducies familiales. Nous avons aussi adopté une loi qui exige non seulement des sociétés, mais encore des fiducies individuelles et des partenariats, qu'ils notent et déclarent leurs revenus et actifs de provenance étrangère.

Par ailleurs, nous avons dans ce dossier des vérificateurs extrêmement compétents qui, l'an dernier, ont récupéré plus de 500 millions de dollars de recettes pour le gouvernement. Et je remercie le ministre des Finances de nous avoir accordé une somme additionnelle de 50 millions de dollars pour accroître nos efforts à cet égard.

Enfin, nous sommes à mettre au point avec d'autres pays des conventions fiscales qui nous permettront d'échanger des renseignements dans ce dossier très important.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question supplémentaire s'adresse au ministre des Finances.

Comment le ministre des Finances explique-t-il que quand vient le temps de taper sur le dos des contribuables à faible revenu, là, ça va vite, mais quand c'est le temps de s'attaquer aux grosses compagnies et aux grosses fortunes, ça prend du temps à bouger? C'est indécent!

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je me contenterai de réitérer notre engagement, à savoir assurer une fiscalité juste et équitable.

(1435)

J'ajouterai un autre point, maintenant que j'ai le temps. Je suis très fière des gens de mon ministère qui, par leurs efforts, veillent à assurer, non seulement ici, au Canada, mais de concert avec leurs homologues dans le monde entier, l'établissement de normes internationales et l'échange de renseignements dans diverses banques.

C'est très important. Nous prenons ce dossier extrêmement au sérieux. Je félicite le ministre des Finances pour tout ce qu'il a fait ces deux dernières années. Et ce n'est qu'un début.

* * *

LA FISCALITÉ

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, les insinuations de corruption qui ont terni la réputation du gouvernement précédent commencent à toucher le gouvernement actuel.

Hier, le vérificateur général a dit que la décision fiscale qui a accordé à une famille un allégement de centaines de millions de dollars est demeurée confidentielle, alors que le ministère du Revenu a rendu publique une décision qui va tout à fait dans l'autre sens et qui refuse ce même allégement fiscal à tous les autres Canadiens. Cette décision, elle, a été rendue publique.

Le ministre des Finances peut-il expliquer pourquoi le gouvernement a continué de jouer double jeu depuis deux ans et demi? Va-t-il dire à la population si la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique à tous les Canadiens ou si les amis du gouvernement sont soustraits à son application?

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, il convient de rappeler que les décisions dont il est question datent de 1985 et de 1991, une époque où ni le député ni moi n'étions à la Chambre. C'était il y a un certain temps.

Dans son dernier rapport, le vérificateur général a porté cela à notre attention, et nous avons pris immédiatement des mesures. Le ministre des Finances a demandé au Comité des finances d'examiner ces aspects de la Loi de l'impôt sur le revenu et de faire rapport sur l'intégrité des parties de la loi qui sont visées.

De notre côté, nous savons que le Comité des comptes publics étudiera le rapport du vérificateur général. J'ai encouragé les membres du comité à poser des questions à ce sujet.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, il est question des insinuations de corruption qui pèsent contre le gouvernement actuel. La ministre est ici, tout comme moi.

Ce matin, le commissaire aux langues officielles a dit que le greffier du Conseil privé a approuvé à son intention une allocation de 15 000 $ non imposable, pour qu'il se loge à Ottawa, et un voyage hebdomadaire non imposable, en limousine, avec chauffeur, entre Ottawa et Montréal.

Tous les autres Canadiens doivent payer de l'impôt. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Votre question je vous prie.

M. Williams: Monsieur le Président, tous les autres Canadiens doivent payer de l'impôt pour ce genre d'avantages. La ministre peut-elle expliquer pourquoi le gouvernement n'assujettit pas aux exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu ceux qu'il a nommés par favoritisme?

[Français]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le commissaire aux langues officielles est un représentant responsable de la Chambre des communes et le débat peut se faire devant les comités, mais ce n'est pas la responsabilité du gouvernement en ce moment. Ce dossier est bien connu. Je pense que lorsqu'il a été engagé, cette situation était prévue et, pour ma part, je n'ai pas d'autre commentaire à ajouter.

* * *

LES RESSOURCES NATURELLES

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, la ministre des Ressources naturelles déclarait hier, et je cite:

[Traduction]

«Si vous aviez lu le discours du Trône, vous sauriez que nous n'avons jamais dit que nous nous retirions des forêts et des mines.»


2562

[Français]

On l'a lu, le discours du Trône, et le gouverneur général disait, et je le cite:

Le gouvernement est disposé à se retirer des fonctions qu'il exerce dans des domaines tels que la formation professionnelle, les forêts, les mines et les loisirs, dont la responsabilité convient mieux à d'autres instances, qu'il s'agisse des provinces, des municipalités ou du secteur privé.
La ministre peut-elle nous dire aujourd'hui si le gouvernement entend respecter les promesses faites dans le discours du Trône ou si le gouvernement, une autre fois, s'apprête à trahir ses propres promesses?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à donner l'assurance au député que notre gouvernement a l'intention de remplir sa promesse faite dans le discours du Trône.

M. Penson: Qu'en est-il des sénateurs élus?

Mme McLellan: Je dirai au député que. . .

M. Mills (Red Deer): Des sénateurs élus?

Mme McLellan: Taisez-vous donc.

Des voix: Bravo!

(1440)

Le président suppléant (M. Kilger): Que je sache, c'est toujours moi qui mène ici. La parole est à la ministre.

Mme McLellan: Monsieur le Président, je m'excuse, mais je pense que le député a soulevé une très importante question et que celle-ci mérite une réponse. C'est ce que je voulais dire.

Je voudrais assurer au député que nous avons l'intention de donner suite à notre promesse faite dans le discours du Trône. Cette promesse consiste à mettre de l'ordre dans les responsabilités fédérales et provinciales et à déterminer quel ordre de gouvernement est le plus apte à s'occuper de telle ou telle fonction dans le domaine des forêts et des mines.

Mon ministère travaille très fort là-dessus depuis deux ans et demi et il continuera de le faire.

Je signale au député que, d'ici 1997-1998, mon ministère sera réduit de quelque 60 p. 100 et perdra 1 500 employés. Il me semble assez évident que. . .

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, la ministre avait bien raison de rappeler le Parti réformiste à l'ordre, mais elle aurait pu prendre le temps de répondre à la question, et surtout, de lire le discours du Trône qui précise «se retirer des fonctions». Elle en rajoutait, hier, la ministre, un peu comme l'ex-vice-première ministre, et je la cite encore une fois:

[Traduction]

«Qu'on ne s'y trompe pas, il y a des domaines fédéraux clés où nous continuerons d'être présents tant en ce qui concerne les forêts que les mines.»

[Français]

Cela contredit point par point ce qui a été dit dans le discours du Trône.

Pour éviter de faire des erreurs, est-ce que la ministre et ce gouvernement pourraient être clairs sur le sujet? Va-t-elle admettre que la promesse faite dans le discours du Trône n'a pas plus de valeur que celle faite dans le livre rouge au sujet de la TPS? Va-t-elle se rendre compte qu'elle n'a pas plus de crédibilité que Sheila Copps, elle non plus?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je réitère au député que nous avons l'intention de remplir cette promesse et, plus encore, que nous la respectons.

Cette promesse a trait à la répartition des responsabilités. Je puis donner l'assurance au député que les domaines où nous continuons d'être présents, en ce qui concerne les forêts, sont ceux qui relèvent de la compétence fédérale. C'est le cas, par exemple, du quart des forêts qui se trouvent sur des terres de la Couronne fédérale, des premières nations et de leurs terres-les forêts constituent un important élément de l'auto-suffisance de ces dernières-, des questions nationales liées aux sciences et à la technologie. . .

Le président suppléant (M. Kilger): La parole est au député de Calgary Nord-Est.

* * *

LES AVANTAGES SOCIAUX

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, hier, le ministre de la Justice a été contraint de reconnaître l'existence d'un programme à long terme secret comportant plusieurs initiatives concernant la famille, les prestations pour personnes à charge pour les couples de même sexe et des modifications à l'état matrimonial et au statut de la famille.

Les Canadiens ont droit à la franchise et à un débat ouvert sur ces questions. Pourtant, les programmes politiques sont cachés dans les tiroirs du ministre, hors de la vue des Canadiens et même des membres de son propre caucus.

Ma question au ministre est directe: déposera-t-il tous les documents de travail et les documents sur les projets concernant les prestations aux conjoints de même sexe ou déclarera-t-il dès aujourd'hui qu'il n'a pas l'intention de prendre de telles initiatives, qui suscitent des dissensions?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre a répondu très clairement à cette question hier. Nous voterons tout à l'heure sur le projet de loi C-33, qui vise à éviter toute forme de discrimination au sein de notre société.

Quant au reste, le ministre a expliqué que des causes seraient portées devant les tribunaux. Les citoyens peuvent faire appel aux


2563

tribunaux et, bien sûr, le ministre de la Justice doit défendre la position canadienne, c'est-à-dire la Loi sur les droits de la personne. Les tribunaux rendent leurs décisions en s'appuyant sur les lois du Parlement. Le ministre a déclaré hier qu'il était prêt à défendre la position du gouvernement devant n'importe quel tribunal.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, nous parlons du ministre de la Justice et des intentions à long terme du Parti libéral.

Les couples homosexuels, l'état matrimonial et le statut de la famille n'étaient pas mentionnés dans le livre rouge ni dans le discours du Trône. Le ministre de la Justice a nié avoir l'intention de prendre des mesures sur ces sujets. La Chambre des communes a rejeté, dans le cadre d'un vote, les prestations aux conjoints de même sexe. C'est une question d'intégrité et de démocratie. Le ministre a fait montre d'un grave manque de respect pour les deux.

(1445)

Le ministre s'engage-t-il aujourd'hui à contester toute décision d'un tribunal qui accorderait les prestations de conjoints aux couples homosexuels en s'appuyant sur une interprétation qu'il aurait faite de la modification à la Loi sur les droits de la personne, oui ou non?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre de la Justice et procureur général du Canada remplira toujours les fonctions de procureur général du Canada devant les tribunaux. Nous avons un ministre très compétent et nous sommes privilégiés d'avoir à ce poste un homme possédant autant de connaissances et une telle stature.

* * *

[Français]

LA GARDE CÔTIÈRE

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le ministre des Pêches et des Océans dévoilera, cet après-midi, sa nouvelle politique de tarification des services de la Garde côtière. En plus de la quasi-majorité des intervenants canadiens, la Great Lake Commission, un organisme américain représentant les huit États côtiers des Grands Lacs, a envoyé une lettre à M. Raymond Chrétien, ambassadeur du Canada à Washington, pour demander au gouvernement canadien de reporter l'implantation de sa tarification des services de la Garde côtière.

Puisque l'imposition unilatérale d'une tarification de la Garde côtière pourrait avoir de graves répercussions sur le commerce avec ces États américains, le premier ministre donnera-t-il suite à cette demande américaine et demandera-t-il à son ministre de reporter sa décision?

[Traduction]

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le député sait que cette tarification n'a pas été imposée unilatéralement. Elle a fait l'objet d'un vote à la Chambre des communes. Elle a été proposée dans une étude effectuée l'an dernier. Le Conseil consultatif du transport maritime, qui représente des membres de l'industrie à la grandeur du Canada, en avait fait la proposition. Cette tarification a été étudiée et a été précédée de consultations auprès de 850 organisations et particuliers de toutes les régions du pays. Elle a été mise à l'assai en quatre versions différentes. Nous l'avons réorganisée, reprise et perfectionnée.

Tout a été fait pour que cette tarification soit juste et équitable. Une fois qu'elle aura été appliquée, des études seront effectuées pour s'assurer qu'elle soit appliquée de façon équitable en ce qui a trait aux services maritimes.

Cela équivaut à 11 p.100 de l'ensemble des droits pour les services de la Garde côtière et des aides à la navigation et à moins de 3 p. 100 en moyenne de l'ensemble des droits de port.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, j'adresse encore ma question complémentaire au premier ministre, parce que le ministre des Pêches et des Océans vient encore de le dire, il va charger d'abord et faire l'étude après. Ça n'a pas de bon sens.

Je voudrais rappeler au premier ministre que les intervenants qui ont comparu devant le Comité des pêches et des océans, comme la Great Lake Commission, soutiennent que la tarification aura de graves conséquences.

Le premier ministre est-il conscient qu'en laissant son ministre des Pêches et des Océans aller de l'avant aveuglément avec sa tarification, il met en péril des milliers d'emplois et risque de «disloquer» l'économie régionale du Saint-Laurent et des Grands Lacs?

[Traduction]

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, avant que la structure tarifaire de base ne soit annoncée en janvier, des experts-conseils d'IBI ont effectué une étude pour démontrer que l'industrie pouvait absorber la tarification.

L'étude a donné des résultats positifs et a montré que des tarifs de 20 millions de dollars, répartis selon une utilisation au prorata des services maritimes, pouvaient aisément être absorbés.

Le député doit savoir que je n'agis pas à l'aveuglette. J'ai préalablement consulté quelque 850 organisations et particuliers. La tarification sera appliquée comme prévu.

* * *

LA PAUVRETÉ

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, 1996 a été officiellement déclarée par les Nations Unies Année internationale pour l'éradication de la pauvreté dans le monde. La secrétaire d'État peut-elle dire à la Chambre ce que fait le Canada sur la scène internationale pour aider à éradiquer la pauvreté dans le monde?

L'hon. Christine Stewart (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Je me fais un plaisir de répondre à la question de ma collègue au nom de notre ministre de la Coopération internatio-


2564

nale, qui est, au sein du gouvernement, le principal responsable des questions concernant la pauvreté dans le monde.

Le Canada est très engagé à l'égard de ces questions et travaille avec la communauté internationale afin que des progrès soient réalisés dans ce domaine. Certains progrès ont déjà été faits. Nous espérons pouvoir, avec l'aide de la communauté internationale, faire d'autres progrès importants d'ici l'an 2015.

Le Canada consacre 25 p. 100 des fonds alloués à l'aide au développement à divers programmes en matière de santé, d'éducation, d'alimentation en eau potable, d'hygiène, de micro-entreprises et à des programmes qui profiteront aux femmes. Nous continuerons de travailler avec la communauté internationale pour faire d'autres progrès dans ce domaine.

* * *

(1450)

AVANTAGES SOCIAUX

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Je sais bien que les libéraux voudraient un nouveau chef, mais c'est leur problème. Je pose quand même ma question au premier ministre.

M. Max Yalden, ancien président de la Commission des droits de la personne, a témoigné devant un comité parlementaire en 1994. Il avait dit alors: «Nous croyons que, si les tribunaux considèrent l'orientation sexuelle comme un élément de la loi, et à plus forte raison si le Parlement l'inscrit dans la loi, ce serait de la discrimination pour motif d'orientation sexuelle que d'accorder un avantage quelconque à un couple vivant en union de fait et de le refuser à un couple homosexuel.»

Pourquoi le premier ministre et le gouvernement affirment-ils que c'est exactement le contraire alors que la commission chargée d'administrer la loi n'est pas de leur avis?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes en voie d'adopter un projet de loi à la Chambre des communes qui garantira que personne ne puisse être victime de discrimination pour des motifs d'orientation sexuelle. En complétant cette loi sur les droits de la personne, nous faisons du Canada un pays où les gens peuvent vivre avec leurs langues différentes, leurs différentes couleurs, leurs différentes religions et, pour certains, avec une orientation sexuelle différente. C'est une société de tolérance que nous avons au Canada, et c'est en faveur de cela que nous voterons cet après-midi.

Laissons aux juges le soin de rendre leurs décisions. Si le Parlement doit adopter des lois, c'est ce qu'il fera. Nous reconnaîtrons officiellement une disposition de non-discrimination à l'endroit des personnes qui se trouvent à être homosexuelles dans la société canadienne.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre n'a pas répondu à la question.

La Commission canadienne des droits de la personne n'est pas d'accord avec son interprétation. Le ministre de la Justice est en désaccord sur cette position, d'après des déclarations qu'il a faites par le passé. Le juge Lamer a rendu une décision qui allait à l'encontre de cette position, dans l'affaire Mossop. Même des députés de son parti sont en désaccord sur ce point. Le député d'Ontario a dit que. . .

Le président suppléant (M. Kilger): La question, s'il vous plaît.

M. Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, si le premier ministre croit vraiment que ce n'est pas de la discrimination que de refuser d'accorder des avantages de conjoint aux couples homosexuels, modifiera-t-il la loi sur les droits de la personne pour que ce soit absolument clair?

Le président suppléant (M. Kilger): La question est irrecevable. Le député de Matapédia-Matane.

* * *

[Français]

LA GARDE CÔTIÈRE

M. René Canuel (Matapédia-Matane, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

Le 7 mai 1996, la Garde côtière informait les employés de la région laurentienne qu'elle s'apprêtait à transférer le brise-glace Wilfrid-Laurier dans la région de la côte ouest, et ce, malgré que le comité consultatif de la Garde côtière étudie actuellement le déglaçage dans le fleuve Saint-Laurent.

Comment le ministre des Pêches peut-il expliquer qu'avant même la fin des travaux du comité sur le déglaçage, on retire l'un des cinq brise-glace de la flotte laurentienne située au Québec-encore une fois au Québec-alors qu'il y a toujours neuf brise-glace stationnés en Nouvelle-Écosse, où il n'y a même pas de glace en hiver?

[Traduction]

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, ce dont parle le député, c'est la réduction des services maritimes.

Le Bloc aimerait avoir le beurre et l'argent du beurre. Il veut que les services maritimes soient gratuits et que ce soit les contribuables, les petits contribuables, qui paient. Il veut qu'on réduise les droits mais pas les services.

Le député doit choisir entre les deux. Il ne peut avoir les deux.

[Français]

M. René Canuel (Matapédia-Matane, BQ): Monsieur le Président, à la suite de cette coupure sans consultation où 50 employés sont menacés de perdre leur emploi, le ministre des Pêches peut-il s'engager à ne pas transférer de brise-glace avant la fin des travaux de ce comité consultatif?

(1455)

[Traduction]

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, l'un des commentaires et l'une des remarques qui ont été faits lorsque nous avons revu les droits des services maritimes était que l'aide à la navigation fournie par la garde côtière et les services maritimes coûtaient trop cher. Nous avons


2565

pris les gens au sérieux. Nous avons étudié la façon de réduire et nous réduisons.

L'an dernier, ces réductions se sont élevées à 27 millions de dollars. Cette année, elles seront de 30 millions. À la fin du siècle, nous ferons économiser 200 millions de dollars par an aux contribuables et au gouvernement canadien, ce qui est une bonne nouvelle pour tous les contribuables.

* * *

LES AVANTAGES SOCIAUX

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, hier et aujourd'hui encore, les députés réformistes ont interrogé le gouvernement quant à son intention d'accorder des avantages de conjoints, peu importe l'orientation sexuelle. Nous savons que la note MC sur les documents distribués signifie mémoire au Cabinet. Nous savons aussi que la question a fait l'objet de discussions au Cabinet.

Je me demande si le premier ministre accepterait de dire aux Canadiens exactement ce qui a été décidé quant à l'attribution éventuelle d'avantages sociaux aux gais et aux lesbiennes.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, les seules discussions qui ont eu lieu ont porté sur le projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie. C'est le seul projet de loi. Ce qui se passe au Cabinet appartient au Cabinet. Les résultats de ses travaux sont présentés à la Chambre des communes sous forme de projets de loi. Voilà tout.

Pour le moment, nous étudions un projet de loi qui sera adopté et cela représentera un progrès pour la société canadienne.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, ce n'est pas du tout ce que dit le document qui a circulé, du moins parmi les députés libéraux d'arrière-ban, comme le ministre l'a avoué, et qui s'est rendu jusqu'aux médias.

Si ces projets font partie des priorités du gouvernement libéral, comme l'indiquent la liste des initiatives et le mémoire au Cabinet, pourquoi le premier ministre refuse-t-il de reconnaître qu'ils ont fait l'objet de discussions? Pourquoi n'avoue-t-il pas franchement aux Canadiens que le gouvernement envisage de telles mesures?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la Chambre est saisie d'un projet de loi et bien entendu le Cabinet et le caucus en discutent. Contrairement à ce qui se passe au sein du Parti réformiste, dans notre parti nous discutons, nous consultons les membres du caucus et nous écoutons ce qu'ils ont à dire.

Dans le présent cas, grâce aux efforts du parti, nous voterons cet après-midi sur un projet de loi mentionné dans les résolutions de plusieurs partis depuis 15 ans. Je suis très fier. Pour enfin voir ce projet de loi adopté, j'ai même accordé le vote libre aux députés de mon parti.

On a annoncé hier aux informations que les députés du Bloc québécois se plaignent parce qu'ils ne peuvent voter librement à l'égard de ce projet de loi. Depuis que la Chambre des communes a été saisie de cette question, la presse rapporte quotidiennement des déclarations ridicules des députés du Parti réformiste.

* * *

[Français]

LE COSMODÔME DE LAVAL

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État responsable du Développement régional au Québec.

De nombreux articles de presse, ces dernières semaines, ont critiqué le gouvernement fédéral d'avoir versé directement au Cosmodôme de Laval des fonds du Programme national d'infrastructures. D'une façon très claire, est-ce que le gouvernement fédéral s'apprête à verser directement de l'argent du Programme national d'infracstructures au Cosmodôme, oui ou non?

L'hon. Martin Cauchon (secrétaire d'État (Bureau fédéral de développement régional (Québec)), Lib.): Monsieur le Président, la réponse est non. Évidemment, la ville de Laval a contemplé la possibilité de soumettre une demande pour le Cosmodôme dans le cadre du Programme d'infrastructures. La demande n'aurait pas rencontré les critères du programme, puisqu'il s'agissait essentiellement d'une demande de refinancement.

Cependant, avant la date du 31 mars, date limite du Programme d'infrastructures, la ville de Laval a changé le projet du complexe multifonctionnel. . .

* * *

CUBA

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, la semaine dernière, des fonctionnaires américains, canadiens et mexicains se sont rencontrés à Washington pour discuter de la loi Helms-Burton, loi qui resserre les sanctions économiques américaines envers Cuba. De plus, le ministre évoquait à Washington la possibilité d'utiliser des mesures de représailles.

(1500)

Ma question s'adresse au ministre du Commerce international. Peut-il informer la Chambre s'il a l'intention de proposer une loi contenant des mesures de représailles visant à contrer les effets de la loi Helms-Burton?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, nous suivons la situation de très près. Des consultations sont actuellement en cours avec les États-Unis et suivant le résultat de cette démarche, nous irons de l'avant avec ce dossier dans le cadre de l'ALENA.


2566

Nous voulons protéger le droit canadien, nous voulons protéger les intérêts canadiens et les entreprises canadiennes qui font affaire légalement à Cuba.

Nous continuerons de nous opposer aux mesures que prévoit la loi Helms-Burton et nous examinerons différents scénarios possibles pour protéger les intérêts canadiens.

* * *

LES PÊCHES

M. John Cummins (Delta, Réf.): Monsieur le Président, aujourd'hui, un économiste réputé de Colombie-Britannique,M. Peter Pearse, a qualifié le plan du ministre des pêches de douche froide. Pour sûr! C'est un choc pour l'industrie tout entière. Le plan bouleverse à tout jamais le mode de vie de milliers d'habitants de la Colombie-Britannique.

Face à une opposition croissante, pourquoi cette précipitation? Pourquoi ne pas mettre en oeuvre des pans de ce plan là où les personnes intéressées sont d'accord et ne pas attendre, pour le reste, que l'on ait répondu aux principales préoccupations de la population de cette province?

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je ne mets pas en doute la parole du député, même si je suis très étonné d'entendre ces propos. M. Pearse était à mon bureau à 8 heures ce matin. Comme il m'a dit alors qu'il était très en faveur du plan, j'ai du mal à comprendre ce que le député vient de dire.

Le plan repose sur des choix. Il offre trois choix. Les pêcheurs peuvent décider d'abandonner ce champ d'activité; ils peuvent continuer de pêcher avec les moyens dont ils disposent actuellement; ou bien ils peuvent investir dans l'achat d'un permis auprès d'un pêcheur qui se retire du marché et augmenter ainsi le nombre de leurs permis. Voilà les choix qui s'offrent aux pêcheurs pour atténuer les pressions qui s'exercent sur les stocks de poisson, dynamiser l'économie et rendre l'industrie plus viable.

* * *

[Français]

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le président suppléant (M. Kilger): Nous avons aujourd'hui l'honneur d'accueillir en cette Chambre de nouveaux récipiendaires de l'Ordre du Canada.

[Traduction]

Ces hommes et ces femmes de tout le Canada ont apporté une contribution remarquable à notre pays. Je vous demande de ne pas applaudir tant que je ne les aurai pas tous nommés: Donald Baxter, André Bérard, l'honorable Sidney Buckwold, Jean Davignon, Norman Inkster, Mme Jean Pigott, John Roberts, Verna Huffman Splane, Richard Splane, Denis St-Onge, le docteur Bryce Weir, Abel Diamond, Nabil N. Antaki, Luc Beauregard, Jack Bell, Gordon Brown, Eugène Bussière, Louis Collins, Walter Curlook, Omer Deslauriers, Soeur Lorette Gallant, Calvin Gotlieb, Roy Lindseth, Bob Lowery, l'honorable Jack Marshall, Judith Maxwell, John McKellar, David Smith, Donald Smith et Armand Viau.

Veuillez vous joindre à moi pour leur souhaiter la bienvenue et saluer leurs réalisations.

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, je demanderais à un futur récipiendaire de l'Ordre du Canada de nous faire part du menu législatif de la semaine prochaine.

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, aujourd'hui, nous allons compléter l'étude du projet de loi C-33. Demain, nous allons reprendre le débat à l'étape du rapport du projet de loi C-12, Loi sur l'assurance-emploi.

[Traduction]

Lundi, nous terminerons l'étude en deuxième lecture et à l'étape du rapport de ce projet de loi. Si le temps le permet, nous passerons ensuite à l'étude du projet de loi C-19, sur le commerce intérieur, puis au projet de loi C-20, sur la navigation aérienne. Mardi, nous poursuivrons la troisième lecture du projet de loi C-12. Mercredi, en fonction de ce que nous aurons réalisé lundi, nous nous pencherons sur les projets de loi C-19, C-20, C-4 et C-5. Jeudi prochain va être une journée d'opposition. Vendredi prochain, nous reprendrons là où nous avons laissé mercredi. Si nous progressons plus rapidement que ce à quoi je m'attends, nous ajouterons à la liste.

(1505)

M. Speaker: Monsieur le Président, le secrétaire parlementaire pourrait-il préciser s'il y aura oui ou non un vote libre sur le projet de loi C-33, rangée par rangée?

Le président suppléant (M. Kilger): En toute déférence, je ne crois pas que cela concerne la question initiale.

* * *

[Français]

RECOURS AU RÈGLEMENT

LES SERVICES POSTAUX DE LA CHAMBRE

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement en ce qui a trait à l'utilisation des services offerts aux députés par la Chambre dans le cadre de leur travail parlementaire.

Les faits sont les suivants: on a déposé hier dans mon casier postal des documents dans une enveloppe de la Chambre portant la mention «Pour les yeux du député seulement», qui faisaient état de la position de la Ligue catholique des droits de l'homme sur le projet de loi C-33.

Cette enveloppe n'indique pas la provenance de ces documents et l'envoi ne contient aucune lettre de transmission. Bref, les documents m'ont été transmis de façon anonyme.


2567

Il m'apparaît qu'une telle utilisation des services postaux de la Chambre n'est pas compatible avec les règles qui régissent la Chambre.

Certes, les députés ont le droit strict d'expédier du courrier à leurs pairs afin de véhiculer leurs idées sur les questions à l'étude en Chambre. Pour ce faire, ils doivent utiliser leur franc ou, tout au moins, s'identifier lorsqu'ils envoient des documents.

Mais expédier du courrier anonymement, par l'entremise des services postaux de la Chambre, au bénéfice de la Ligue catholique des droits de l'homme, c'est faire du lobbying pour cet organisme. Cela contrevient clairement aux règles qui régissent les services postaux de la Chambre, puisque c'est utiliser ces derniers à des fins autres que celles pour lesquelles ces services sont prévus.

Comment expliquer que les fonctionnaires de la Chambre aient jugé bon de mettre dans les casiers postaux une telle enveloppe, alors qu'elle est anonyme?

Je vous demande donc de référer cette question au Bureau de régie interne afin qu'il fasse enquête et qu'il fasse toute la lumière sur ces événements dont la gravité n'est certes pas négligeable.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Je vais donner la parole au whip en chef du gouvernement. Je reviendrai au député de Winnipeg-Transcona.

Je regrette, mais je n'étais pas en mesure de savoir s'il s'agissait d'un rappel au Règlement général ou si nous en étions à nouveaux aux travaux de la Chambre. J'aurais dû lui donner la parole. Cependant, je vais terminer cette question des travaux de la Chambre et je lui donnerai ensuite la parole sur cette question.

[Français]

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le whip en chef de l'opposition de m'avoir alerté, ce matin, concernant ce dossier. J'ai aussi pris connaissance de la même plainte, d'une part, parce que j'ai reçu un document semblable, et dans un deuxième temps, parce que mes collègues m'en ont fait part également.

À titre de porte-parole du Bureau de régie interne, j'ai référé le dossier aux services du greffe de la Chambre des communes pour fins d'enquête. J'ai l'intention de soulever la question auprès du Bureau de régie interne lorsque l'enquête sera complétée.

Je termine en disant que moi aussi, je déplore que, pour la deuxième fois en deux jours, cette Chambre semble être utilisée à des fins de lobbying ou du moins ses services semblent être utilisés à ces fins.

Le président suppléant (M. Kilger): Alors, puisqu'il n'y a pas d'autres commentaires à ce sujet, je crois que le sujet sera renvoyé au Bureau de régie interne.

[Traduction]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question porte sur les travaux de la Chambre.

La Chambre se rappellera que, immédiatement après que la Cour suprême eut rendu une décision à l'égard de la publicité sur le tabac, le gouvernement s'était engagé à déposer une mesure législative qui rétablirait sa capacité de réglementer l'industrie du tabac.

Comme l'été approche, le leader adjoint du gouvernement à la Chambre pourrait-il nous dire si une mesure législative sera déposée avant les vacances d'été?

(1510)

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je la prends en note. Au cours des prochaines heures ou des prochains jours, j'informerai le député de notre position au sujet de cette question importante et du programme de la Chambre à cet égard.

LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, pendant la période de questions, le député de Calgary-Ouest a posé une question complémentaire dans laquelle il a interrogé le gouvernement, non pas au sujet du projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui, mais au sujet d'amendements pouvant être apportés à un autre projet de loi à un moment donné.

Vous avez jugé la question irrecevable, monsieur le Président. Le député ne faisait pas référence à la question à l'étude. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi cela serait irrecevable?

Le président suppléant (M. Kilger): Je vais donner un bref éclaircissement. Je suis d'accord avec le député au sujet de la première question. À mon avis, la question complémentaire portait directement sur la question à l'étude aujourd'hui. C'est pourquoi je l'ai jugée irrecevable. Je considère l'incident clos.

LE DÉPUTÉ DE WINNIPEG-SUD

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement au sujet d'une déclaration de député.

Après avoir examiné le hansard, je soulèverai peut-être la question de privilège, demain matin, au sujet de la déclaration qu'a faite le député de Winnipeg-Sud.

Le président suppléant (M. Kilger): La présidence en prend note.

LE DÉCORUM À LA CHAMBRE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, depuis deux jours, le député de Winnipeg et moi-même demandons l'autorisation de poser une question à la Chambre.

Monsieur le Président, je sais que votre tâche est difficile, mais si tous les députés, des deux côtés de la Chambre, adoptaient une conduite plus professionnelle, en évitant d'applaudir à tout rompre, de crier et de chahuter comme des écoliers, vous auriez plus de temps pour accepter nos questions.

2568

Le président suppléant (M. Kilger): La députée de Saint John soulève une question qui concerne tous les députés. Je demande respectueusement la collaboration de tous les députés, soit au moment de poser une question ou de fournir une réponse. De toute évidence, en étant plus brefs, nous pourrions poser plus de questions et répondre à plus de questions. C'est un objectif que nous poursuivons quotidiennement. Il ne s'agit pas d'un recours au Règlement, mais d'un élément d'information.

LE PROJET DE LOI C-33

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais savoir si le whip du gouvernement qualifie le vote de ce soir de vote libre et si vous allez demander aux députés de se prononcer rangée par rangée.

Sauf erreur, aux termes du Règlement de la Chambre, un vote libre, tel que la mise aux voix d'une mesure d'initiative parlementaire, est pris rangée par rangée, alors que, sur une mesure d'initiative ministérielle et un vote dirigé, les partis se prononcent à tour de rôle. Je voudrais que vous précisiez ce point. Des renseignements contradictoires circulent sur la question de savoir si ce sera un vote libre ou non.

Le président suppléant (M. Kilger): Le Règlement de la Chambre ne prévoit que des votes rangée par rangée sur des questions découlant de motions d'initiative parlementaire, à moins qu'il y ait consentement unanime. Je suppose que la Chambre peut pratiquement tout faire, quand il y a consentement unanime.

Aux termes du Règlement, les votes rangée par rangée sont réservés aux mesures d'initiative parlementaire.

LE SÉNAT

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, je me demande si je pourrais obtenir le consentement unanime pour déposer une lettre que le premier ministre Ralph Klein m'a adressée et dans laquelle il confirme son intention de demander au premier ministre de nommer un sénateur de l'Alberta pour remplacer le regretté sénateur Earl Hastings.

Cette nomination doit être accordée au candidat qui aura remporté une élection sénatoriale tenue en conformité avec la Loi de 1989 sur les élections au Sénat.

Le président suppléant (M. Kilger): Je crois que le député de Kootenay-Est a dit ce qu'il avait à dire. Il n'est pas nécessaire de demander le consentement unanime.

(1515)

LA PRÉSENTATION DES PÉTITIONS

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, je demande la permission de la Chambre pour déposer une pétition. Je reconnais que ce n'est pas le moment prévu pour le faire, mais je viens tout juste de la recevoir. Elle provient d'un certain nombre de mes électeurs. Je viens de la recevoir du greffier des pétitions. Elle porte sur le projet de loi dont la Chambre est actuellement saisie.

Le président suppléant (M. Kilger): Le député et d'autres de ses collègues qui sont en possession de pétitions concernant la mesure dont la Chambre est saisie aujourd'hui ont demandé s'ils pouvaient les présenter. Y a-t-il consentement unanime pour revenir à l'étape de la présentation des pétitions afin qu'ils puissent déposer leurs pétitions?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Une voix: Elle est certifiée.

Une voix: Le whip du gouvernement a dit non.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. La discussion à la Chambre semble porter sur la question de savoir si les pétitions sont certifiées. Je vais proposer la chose autrement à la Chambre. Si des députés ont en leur possession des pétitions qui sont certifiées, accepterait-on de revenir à l'étape de la présentation des pétitions? La parole est au whip en chef du gouvernement.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais bien que les whips négocient cela à l'avance, de la façon habituelle.

Si le député a une pétition dûment certifiée, dans l'intérêt de ses électeurs, oui, nous donnerons notre consentement à la présentation d'une pétition. Je crois comprendre qu'un autre député a une pétition similaire, elle aussi certifiée. Nous consentons au dépôt de ces pétitions, étant donné l'importance de la question, à condition qu'elles soient certifiées.

Le président suppléant (M. Kilger): Chers collègues, notre institution est fondée sur l'honneur. Je crois savoir que les députés peuvent également déposer leurs pétitions en les envoyant directement au bureau de la Chambre. Cependant, en l'occurrence, on a fait une demande.

La Chambre fonctionne selon le régime de l'honneur. Si les pétitions sont certifiées, y a-t-il consentement unanime pour revenir à l'étape de la présentation des pétitions?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


2568

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

PÉTITIONS

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Monsieur le Président, je présente aujourd'hui deux pétitions signées par des habitants de Victoria-Haliburton, qui demandent au Parlement de ne pas apporter à la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la Charte des droits et libertés des modifications qui permettraient d'accorder les avantages sociaux au conjoint dans les couples de même sexe.

M. John Maloney (Erie, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une pétition à présenter au nom des électeurs de la circonscription d'Erie. La voici en partie:

Attendu que la majorité des Canadiens croient que les privilèges accordés par la société aux couples hétérosexuels ne devraient pas être consentis aux couples de même sexe, et attendu que l'approbation sociale serait accordée aux unions entre personnes de même sexe si des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne ajoutaient l'expression non définie «orientation sexuelle» aux motifs de discrimination interdits, vos pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte des droits et libertés d'une manière qui puisse s'interpréter comme une approbation sociale des unions entre personnes de même sexe.

2569

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions à présenter. La première porte 30 signatures et elle demande que l'expression «orientation sexuelle» ne soit pas ajoutée dans le texte de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

La deuxième porte 452 signatures et demande au contraire que cette expression soit ajoutée dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

M. Ovid L. Jackson (Bruce-Grey, Lib.): Monsieur le Président, les pétitions sont l'un des moyens les plus anciens que possèdent nos électeurs de nous dire ce qui les préoccupe.

Je suis heureux de présenter la pétition suivante au nom d'électeurs de ma circonscription. Dans la pétition, des citoyens du Canada attirent l'attention de la Chambre sur ce qui suit:

Attendu que la majorité des Canadiens croient que les privilèges accordés par la société aux couples hétérosexuels ne devraient pas être consentis aux couples de même sexe, et attendu que l'approbation sociale serait accordée aux unions entre personnes de même sexe si. . .
Je dépose la pétition, monsieur le Président.

[Français]

M. TRAN TRIEU QUAN

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, l'immobilisme du gouvernement canadien dans le dossier Tran Trieu Quan choque au plus haut point la population du Québec. Les pétitionnaires, au nombre de 5 000, sont révoltés par l'emprisonnement de ce. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît. Je veux simplement m'assurer qu'il était entendu qu'on ne revenait à la présentation de pétitions qu'en autant qu'elles portaient sur le sujet dont traite le projet de loi à l'étude devant la Chambre aujourd'hui. Alors, on reviendra à votre pétition une autre journée.

(1520)

[Traduction]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, au nom de certains de mes électeurs, dont 40 habitants de la localité de Kitimat, située dans ma circonscription, je suis heureux de présenter la pétition suivante: «Les soussignés, citoyens du Canada, souhaitent attirer l'attention de la Chambre sur la question suivante: Attendu que la majorité des Canadiens croient que les privilèges que la société accorde aux couples hétérosexuels ne doivent pas être consentis aux couples homosexuels, et attendu que la société donnerait son approbation aux couples homosexuels, leur reconnaissant ces privilèges, si des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne ajoutaient l'orientation sexuelle, sans définir cette expression, à la liste des motifs de distinction illicite, les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne, ni la Charte canadienne des droits et libertés, d'une manière qui indiquerait d'une façon quelconque que la société approuve les unions homosexuelles ou l'homosexualité, et notamment de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y ajouter aux motifs de distinction illicite l'expression non définie ``orientation sexuelle".»

Le président suppléant (M. Kilger): Je sais qu'il y a eu consentement pour revenir aux pétitions. Je demanderai toutefois la collaboration des députés pour qu'ils s'en tiennent à la teneur des pétitions.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je remercie la Chambre de me donner l'occasion de présenter une pétition, signée par 127 personnes, qui se joignent aux 100 000 autres qui se sont déjà prononcées à ce sujet. Permettez-moi de résumer le préambule. Il dit que les Saintes Écritures précisent très clairement que l'homosexualité et les modes de vie différents sont totalement inadmissibles et contraires à la vie de famille normale. Il est aussi évident que l'homosexualité et les modes de vie différents sont à l'origine d'un fléau médical au Canada. Par conséquent, les pétitionnaires prient humblement le Parlement de rejeter l'inclusion de l'expression «orientation sexuelle» dans toute loi, dans tout code et dans tout projet de loi.

______________________________________________


2569

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, soit lu pour la troisième fois et adopté, ainsi que de l'amendement.

M. Francis G. LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais reprendre mes observations sur ce projet de loi là où j'en étais ce matin. Avant la période des questions, j'étais en train de dire que le projet de loi C-33 ne porte pas sur les unions homosexuelles. Il ne parle pas de verser des prestations aux couples de même sexe. Il ne traite même pas de sexualité. Il porte sur les droits de la personne.

Le projet de loi C-33 avance la position morale qu'il est contraire aux droits humains fondamentaux de refuser des services ou un emploi à une personne simplement à cause de son orientation sexuelle. En fait, le projet de loi C-33 n'avance même pas cette position. Il se trouve simplement à exprimer dans la législation fédérale ce qui est déjà reconnu par les tribunaux et la plupart des lois provinciales sur les droits de la personne.

Le projet de loi ne confère aucun droit spécial aux gais et aux lesbiennes, pas plus que la mention de la religion comme motif


2570

illicite de distinction ne confère de droits spéciaux aux catholiques, par exemple. Il vise simplement à empêcher la discrimination fondée sur ces motifs. S'il n'y a pas de discrimination, la loi ne s'applique pas. Malheureusement, il y a beaucoup trop de cas de discrimination contre les gais et les lesbiennes dans notre société.

Les personnes qui contestent ce projet de loi, pour quelque raison que ce soit, doivent se poser la question morale. Est-il moralement acceptable de discriminer contre une personne parce qu'elle est homosexuelle? Dans l'affirmative, quelle forme ou portée cette discrimination peut-elle avoir? Garder des employés dans l'arrière-boutique? Refuser des services? Afficher dans sa fenêtre que les gais et les lesbiennes doivent s'abstenir de poser leur candidature? Ce sont là des questions qu'il faut se poser.

Ce sont les questions qu'on s'est peut-être posées à une autre époque et en un autre lieu au sujet des Juifs et des noirs. Si l'on suit la logique de ces questions, elles mènent rapidement aux ténèbres de l'intolérance. Ces questions nous mèneront tout droit à l'intolérance si nous refusons d'y répondre.

(1525)

Hier, par exemple, un député du Manitoba a dit que la loi canadienne entraînerait la création d'une société semblable à celles du Libéria ou de la Zambie, à savoir une société marquée par la violence et le désordre. Il a attribué cela en quelque sorte à la disposition visant à empêcher toute discrimination contre les gais et les lesbiennes.

Très franchement, je ne crois pas que les Canadiens veuillent aujourd'hui, en 1996, que leur gouvernement et leur Parlement empruntent cette voie. C'est après avoir fait cette réflexion que j'ai décidé d'appuyer ce projet de loi.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, il a été très difficile de prendre la parole aujourd'hui. À cause de l'attribution de temps, il est très difficile pour les députés qui désirent intervenir de le faire. Je voudrais faire deux observations à propos de ce qu'ont dit aujourd'hui le député et d'autres élus.

Ce matin, le député bloquiste de Hochelaga-Maisonneuve a donné l'exemple d'une paroisse du Québec qui a refusé à un groupe faisant ouvertement la promotion de l'homosexualité le droit d'utiliser ses installations. Le député semblait d'avis, du moins, c'est ce que j'ai compris à la lumière de l'interprétation, que les paroisses ne devraient pas pouvoir exercer ce choix.

Quels droits les Églises ont-elles? L'un des arguments que nous, les réformistes, faisons valoir, c'est justement le fait que la modification portera atteinte aux droits d'autres groupes de se prononcer sur des questions d'ordre moral. Pourront-ils choisir ceux avec qui ils s'associent? Il y a un aspect moral à cette question. Les Églises pourront-elles poser pareils jugements moraux après l'adoption du projet de loi? Ce qu'il faut se demander, c'est d'où nous tirons nos valeurs.

Le gouvernement a-t-il un motif secret dans tout cela? Les questions que nous avons posées montrent que nous ne sommes pas contre l'idée d'interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Ce que nous refusons, ce sont toutes les autres choses auxquelles cela ouvrira la porte.

Les homosexuels bénéficient actuellement de la même protection que tout le monde. Nous ne voulons pas de discrimination mais, comme aucun des amendements que nous avons proposés n'a été approuvé, il faut nous demander s'il n'y a pas des objectifs cachés. Y a-t-il des motifs secrets?

À l'étape de la deuxième lecture, nous avons approuvé le principe selon lequel il faut faire obstacle à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. J'invite les députés à réfléchir à la façon dont ils voteront à l'étape de la troisième lecture. Nous avons vraiment un choix. Étant donné qu'aucun des amendements n'a été accepté, j'espère que tous les députés prendront sérieusement en considération ce que nous faisons en incluant cette modification dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Bien des Canadiens craignent beaucoup ce que cela pourrait faire aux Églises, à la vie de famille ou aux établissements d'enseignement. Si le député a des observations à faire à ce sujet, je serais heureux de les écouter. Voilà nos principales préoccupations.

M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, il y a d'excellentes raisons, d'ordre juridique, pour lesquelles chacun des amendements a été rejeté. Et elles diffèrent pour chacun d'eux.

Le problème avec la question du député, le problème avec le thème qu'il a choisi pour attaquer le projet de loi, c'est qu'ils ne portent pas sur le projet de loi. Le député parle de ce qui pourrait arriver à d'autres lois si ce projet de loi est adopté. Il a dit, assez formellement, que si nous modifions la Loi canadienne sur les droits de la personne en interdisant la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, il ne s'y oppose pas. C'est là-dessus que porte la Loi canadienne sur les droits de la personne que nous voulons modifier dans ce cas-ci.

(1530)

Toutes les autres lois qui pourraient être touchées selon lui, soit le Code criminel, la Charte des droits et libertés, notamment, si le projet de loi est adopté, n'ont absolument rien à voir avec le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

S'il faut modifier d'autres lois plus tard pour répondre aux préoccupations soulevées par le député, ces modifications devront être débattues au Parlement. Si elles sont débattues au Parlement, tous pourront faire valoir leur point de vue.

Toutefois, en soulevant tous ces scénarios hypothétiques qui n'ont rien à voir avec le projet de loi à l'étude, comme le député l'admet, les députés d'en face tentent d'effrayer les Canadiens et de


2571

semer la confusion chez ces derniers alors qu'ils examinent sérieusement les questions d'éthique et de droits de la personne qui sont directement liées à ce projet de loi. Le thème choisi par le député est dangereux. La question est trop importante pour qu'on l'aborde de manière aussi floue, si je puis utiliser ce mot.

Le président suppléant (M. Jackson): La parole est au député de Yorkton-Melville. Je voudrais rappeler au député qu'il y a une autre période de quatre minutes pour les questions, de sorte que s'il veut obtenir une réponse, sa question devra être brève.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, ce que nous avons tenté de faire valoir tout au long du débat, c'est que ces gens sont déjà protégés par la loi. Il est inutile de créer une nouvelle catégorie pour eux.

S'il faut croire ce que dit le député, si la question est si importante, pourquoi forcer la Chambre des communes à l'étudier en huit ou neuf jours? S'il faut examiner toutes les répercussions, pourquoi limitons-nous le débat? Cela contredit les affirmations du député, à savoir que, dans une institution démocratique, toutes ces questions devraient être étudiées sérieusement pour voir quelles en sont les répercussions et pour garantir à la population qu'il n'y a pas de projets secrets. Nous avons déjà découvert des documents démontrant que d'autres mesures suivront, entraînant la modification d'environ 43 autres lois.

Si les gens sont préoccupés par la question, pourquoi forcer l'adoption du projet de loi sans débat? Cela contredit tout ce que le député affirme au sujet des préoccupations de la population.

M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, le débat sur la question n'a pas commencé il y a deux semaines avec la présentation du projet de loi. Il dure depuis des années. Le même débat a eu lieu dans les provinces qui ont adopté des lois sur le sujet dès les années 1970. Ce débat dure depuis longtemps et il n'est pas terminé.

Le député affirme que nous voulons forcer la Chambre à adopter le projet de loi et des modifications à environ 43 autres lois, mais le projet de loi est très simple et très clair. Si nous voulons modifier d'autres lois, nous devrons nécessairement passer par la Chambre des communes. Les députés auront donc l'occasion de discuter des autres changements.

Cependant, le projet de loi est très simple et très clair, et il n'apporte qu'une seule modification très précise à une seule loi.

Extrapoler et parler de toutes sortes de scénarios hypothétiques, c'est s'écarter du processus législatif que nous suivons à la Chambre.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, ce débat a suscité beaucoup d'émotions. De nombreux députés ont tenu des propos indignes tant à la Chambre qu'à l'extérieur de la Chambre pendant la durée du débat.

(1535)

Tous les députés doivent se rappeler que le public nous écoute et que nos propos affectent le personnel qui travaille pour nous. Des Canadiens ont été offensés par certaines choses qui ont été dites à la Chambre. Nous avons entendu de nombreuses prédictions apocalyptiques de ce qui allait se produire si le projet de loi était adopté.

Je suis d'avis, malgré l'image exagérée que nous nous faisons de nous-mêmes et de notre pouvoir, que nous sommes incapables de détruire la famille. Elle a survécu aux guerres, aux épidémies et aux famines tout au long de l'Histoire. Pensons plutôt à ce qui se produira si nous n'adoptons pas le projet de loi.

Je voudrais parler de ce que le projet de loi C-33 n'est pas. Il ne vise pas le mariage ou l'adoption, ni les organisations religieuses et leurs enseignements, qui ne sont pas des domaines de juridiction fédérale. Ce projet de loi n'accorde pas les avantages de conjoint aux personnes de même sexe qui vivent en couple. Il ne donne pas aux homosexuels le droit d'avoir des relations sexuelles avec des mineurs et ne confère pas de droits particuliers.

Les droits de la personne sont indissociables des humains. Cette réalité doit se refléter dans nos lois, dans notre système juridique et dans la manière dont nous façonnons notre pays. Comme Canadiens, nous admettons qu'il est mal de pratiquer la discrimination envers les femmes ou envers les catholiques. Nous devons également reconnaître que les homosexuels se heurtent à des difficultés au Canada. Ils sont notamment victimes de discrimination en ce qui a trait à la fourniture de biens et services et dans le domaine de l'emploi.

En 1985, un comité multipartite a adopté à l'unanimité une résolution tendant à l'adoption de cette modification. Onze ans plus tard, nous en sommes encore là. Cette modification n'est pas encore en vigueur pour la population canadienne. Je félicite le ministre d'avoir eu le courage de présenter cette proposition.

Les Canadiens disent que la discrimination ne devrait pas exister. Que les homosexuels ne devraient pas se voir refuser de promotions. Que les hétérosexuels ne devraient pas se voir refuser des emplois. Ils disent que la discrimination est mauvaise. Les Canadiens affirment aussi connaître des gens, leurs pères, leurs frères ou leurs filles, qui ont été victimes de discrimination.

Nous savons, par exemple, que des jeunes se livrent à une pratique qui consiste à traquer des homosexuels pour les battre. Pouvons-nous approuver cela au Canada?

Les services de police canadiens ont des sections de lutte contre la criminalité fondée sur la haine. À Ottawa, ces deux dernières années, on a dénombré 387 actes criminels fondés sur la haine, dont 45 étaient fondés sur l'orientation sexuelle. Nous pouvons dénoncer tous ensemble les 215 cas d'agression fondés sur la race. Il est encore plus aisé de s'élever contre les 210 cas d'actes criminels fondés sur la religion. Tous ces actes sont mauvais et nous ne les acceptons pas.

Il nous est plus difficile, cependant, de prendre position contre les crimes haineux dont sont victimes les gais et les lesbiennes. En fait, un grand nombre de députés ont voté en faveur du projet de loi


2572

C-41. Ils se sont faits les défenseurs des personnes battues mais, on ne sait pas pourquoi, ils ne peuvent appuyer ce projet de loi. Dans notre société, je crois que par l'intolérance dont nous faisons preuve en milieu de travail et dans d'autres endroits, nous laissons entendre que nous acceptons la violence contre d'autres personnes.

Que dira-t-on si nous n'adoptons pas ce projet de loi, si nous n'appuyons pas l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la loi? Je rappelle à mes collègues que nous appartenons tous à un sexe, à une race, à une religion, que nous avons tous un état matrimonial et tous une orientation sexuelle. Le fait d'inclure l'orientation sexuelle dans cette disposition n'encourage pas un mode de vie. Il est absurde de suggérer que le fait d'inclure la religion encourage les gens à se convertir à la religion orthodoxe grecque ou encore que le fait d'inclure le sexe encouragerait soudain les hommes à devenir des femmes.

Si nous n'adoptons pas ce projet de loi, ce sera dire qu'en tant que nation, nous acceptons la discrimination fondée sur certains motifs. Ce serait dire que certains Canadiens, des citoyens qui paient leurs impôts, qui élèvent des enfants, qui fréquentent des lieux de culte, qui travaillent pour des oeuvres de bienfaisance, ne sont pas en quelque sorte égaux par rapport au reste de la population, aux hétérosexuels.

Ce serait dire aux parents et aux grands-parents que leurs enfants ne sont pas égaux, que leurs et leurs filles ne méritent pas d'être jugés sur la base de leurs compétences, de leur niveau d'instruction, de leur capacité de piloter un avion ou d'effectuer des opérations bancaires. Ce serait dire que leurs fils ou leurs filles méritent seulement d'être jugés sur ce qu'on croit être leur orientation sexuelle.

(1540)

Tous les Canadiens, quelle que soit la région ou la province où ils vivent, quelle que soit la façon dont ils votent aux référendums, ne sont-ils pas d'accord sur le fait que la tolérance est une valeur qui leur est commune? N'est-il pas nécessaire d'adresser aux Canadiens un message important à ce sujet?

Après avoir suivi ce débat, je suis sûre que c'est nécessaire. Les gens devraient le savoir, les représentants élus du troisième parti en particulier, ne semblent pas être au courant du fait que dans sept provinces et un territoire-qui représentent plus de 90 p. 100 de la population canadienne-il est illégal de confiner une personne à l'arrière-boutique ou de la renvoyer en raison de sa couleur, de sa religion ou de son orientation sexuelle.

Le député de Nanaïmo-Cowichan devrait le savoir. Pour ce qui est de la suggestion du député de Lisgar-Marquette, voulant que ce soit une incitation à la guerre civile comme au Libéria et en Zambie, elle est totalement idiote. Elle n'a aucun sens et, honnêtement, c'est minimiser le triste sort des gens au Libéria et en Zambie.

Après avoir suivi ce débat, je suis tout à fait convaincue que cette modification est nécessaire et doit être apportée immédiatement. Nous n'avons pas de temps à perdre. C'est une question de droits de la personne les plus fondamentaux, des droits dont nous jouissons tous dès l'instant où nous sommes nés. Tous les Canadiens méritent que cette loi soit adoptée aujourd'hui dans l'intérêt de leurs enfants et de leurs petits-enfants.

La tolérance ou les valeurs ne sont pas une question de plaisir ou de convenance. Nous devons défendre les gens, nous devons défendre les gens que personne d'autre ne semble vouloir défendre. C'est un défi que je lance à tous les députés de cette Chambre.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir faire quelques observations. Je remercie ma collègue de son intervention.

Il y a quelques jours, la députée de Halifax a affirmé, au sujet des amendements présentés par d'autres députés, que c'étaient des amendements «qui sèment la peur, qui préconisent l'intolérance et qui sont anticanadiens».

Le député de Cap-Breton Highlands-Canso a aussi parlé d'amendements qui sèment la peur pour décrire les propositions présentées quelques jours auparavant par ses collègues et rejetées hier.

Je suis de ceux qui ont présenté des amendements et je veux que mes collègues sachent que mon geste n'était pas anticanadien et qu'il n'était pas motivé par la peur. J'ai présenté un amendement parce que je crois que le projet de loi C-33 inquiète réellement certains Canadiens. Cela les inquiète non pas parce qu'ils sont contre la discrimination, mais parce que le projet de loi C-33 est vague et imprécis dans son application.

Les Canadiens ne savent pas quelles en seront les conséquences. Le ministre de la Justice nous a assurés que le projet de loi était conçu pour s'appliquer uniquement aux lieux de travail, mais beaucoup de Canadiens craignent vraiment qu'il influe sur l'interprétation des notions de famille et d'état civil dans le contexte de l'admissibilité des couples de même sexe aux régimes offrant des prestations de conjoint.

Mon amendement, comme ceux de plusieurs autres députés des deux côtés de la Chambre, visait à définir des paramètres qui auraient limité l'application du projet de loi au sens exact que lui donne le ministre de la Justice. Le ministre a dit que le projet de loi ne devrait s'appliquer qu'à la discrimination sur les lieux de travail. Je crois que 90 p. 100 des Canadiens seraient d'accord pour dire que c'est une très bonne chose.

Je peux assurer aux députés que, si je croyais vraiment que le projet de loi ne s'applique qu'à la discrimination en matière d'emploi, je l'appuierais de tout mon coeur. Malheureusement, pour une raison que j'ignore, le gouvernement a refusé de faire ce qui aurait pourtant été très facile, c'est-à-dire de stipuler en quelques phrases que le projet de loi ne doit pas être invoqué dans un contexte portant redéfinition de la famille ou de la situation de famille ou dans tout autre contexte concernant les relations entre personnes du même sexe. Le gouvernement aurait pu procéder ainsi. Ces réserves étaient contenues dans les amendements présentés, qui ont tous été rejetés à la Chambre.

Je conviens avec la députée de Burlington, qui a tenu des propos for éloquents, qu'il faut déplorer toute forme de discrimination en matière d'emploi pour des motifs d'orientation sexuelle.


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Cependant, ne croit-elle pas que le gouvernement aurait pu faire bien davantage, qu'il aurait pu calmer les inquiétudes des Canadiens si seulement il avait défini plus précisément ce qu'il entend par famille et s'il avait incorporé cette définition dans le corps d'une loi au lieu de laisser les choses dans leur état actuel?

Mme Torsney: Monsieur le Président, si nous demandions à quiconque dans cette salle de nous dire qui est sa famille, il n'aurait aucune difficulté à décrire les personnes qui la composent.

(1545)

Chacun d'entre nous aurait une définition différente. Chacun d'entre nous saurait exactement de qui il s'agit, qui sont ces personnes. Et pourtant tous les jours on me dit que je n'ai pas de famille parce que je n'ai ni enfant ni conjoint.

Les gens tiennent à définir la famille traditionnelle, hétérosexuelle, comme étant composée de parents et de deux ou trois enfants. Je ne correspond pas à cette définition parce que je n'ai ni conjoint ni enfant.

Je ne suis pas arrivée sur terre comme par enchantement. J'ai une famille. J'ai des parents. J'ai des frères et des soeurs. J'ai cinq nièces. J'ai des amis. J'ai une famille. Je vais continuer à avoir des oncles, des tantes, des cousins, qui font tous partie de ma famille.

Est-il vraiment nécessaire que nous nous essayons à ce jeu ridicule qui consiste à trouver une définition englobant tout le monde. Une des définitions veut que la famille soit hétérosexuelle. Si ma famille ne se composait que de ma mère et de ma nièce, est-ce que je n'aurais plus de famille parce que nous serions toutes du sexe féminin?

Est-ce que ça nous regarde qui couche avec qui? Quand il s'agit d'enfants, oui. Quand il s'agit d'activités illégales, oui. Quant à savoir qui forme une cellule économique forte, qui se soutient mutuellement d'autres façons, ce ne sont pas des questions qui regardent la Chambre.

Les Canadiens savent ce qu'est une famille. Chacun d'entre nous ici présent pourrait définir ce qu'est une famille. J'ai une famille.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-33 dont l'objectif est d'ajouter l'orientation sexuelle aux motifs de distinction illicite prévus à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Je répète l'objectif de la loi, parce qu'à écouter les débats de cette Chambre, on est portés à penser que l'objectif de la loi est tout différent de celui-là. L'objectif de la loi est d'ajouter un motif, disons-le en d'autres termes, de non-discrimination. On dira désormais qu'en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il sera interdit de discriminer à cause de l'orientation sexuelle.

La vérité, c'est que le Canada est très en retard. C'est cela la vérité. Le scandale, s'il est quelque part, est que le Canada traîne de la patte. Le Québec qui, en 1977, a adopté sa Charte des droits et libertés, au moment où la loi canadienne a été adoptée, y incluait, dès 1977, l'orientation sexuelle. Depuis, sept autres provinces se sont donné cette même disposition.

Est-ce qu'on a vu, au Québec ou dans ces provinces, la moralité et la famille détruites? Mais non. Il est bon de rappeler, et il faut le faire, comme le dit d'ailleurs la Commission canadienne des droits de la personne, année après année, que l'orientation sexuelle doit être incluse dans les motifs de distinction illicite.

La Déclaration universelle des droits de l'homme, il faut le rappeler, stipule que tous les êtres humains naissent égaux, avec les mêmes droits, tous les êtres humains. Max Yalden disait ceci à l'émission Morningside, le 19 mars 1996: «Tout ce que je dis, c'est que cela doit être fait.» C'est avant que le gouvernement ne se décide. Il poursuivait: «Les tribunaux ont dit que cela doit être fait. Dans certains pays auxquels nous aimons nous comparer, c'est déjà fait. Le gouvernement actuel-il parlait avant le dépôt du projet de loi-et ses prédécesseurs ont promis de le faire; ce que nous disons, c'est qu'il est temps de s'y mettre.»

(1550)

Il est bon de rappeler les motifs de discrimination illicite inscrits dans la loi. Il y a la race; et pourtant, les préjugés sont tenaces, et c'est parce que ces préjugés sont tenaces, qu'on a dit qu'il fallait aider la société à être tolérante. Une bonne façon d'aider la société à être tolérante, c'est de dire, d'inscrire clairement qu'il ne pourra pas y avoir de discrimination à cause de la race.

Il y a ensuite l'origine nationale ou ethnique. Je pourrais rappeler que des «Canadiens français» ont vécu dans leur chair la discrimination. Je pourrais dire qu'ils continuent à le faire, mais dans la Charte, pour aider la société canadienne à être tolérante, on a inscrit que c'est interdit, que c'est une discrimination illicite.

Je continue avec la couleur, la religion, l'âge, le sexe. Les femmes savent qu'elles ne sont pas au bout de leur peine, que les conditions réelles d'accès à l'égalité ne sont pas toutes là. Cependant, si, dans la loi canadienne, la non-discrimination à cause du sexe n'était pas inscrite, où serions-nous? Pourtant, ce n'est pas parce qu'elle est là, cette non-discrimination illicite, que toutes les conditions économiques de l'égalité des femmes sont réunies, et nous le savons. Nous le savons dans toutes sortes de domaines.

Je continue avec l'état matrimonial. Je me souviens d'un temps où le fait d'être divorcé encourait les préjugés les plus grands. C'est devenu l'interdiction d'une discrimination. Il est illicite de discriminer quelqu'un à cause de son statut matrimonial, et heureusement. Est-ce que cela veut dire que, dans toutes les familles, cette considération différente qu'on peut accorder à quelqu'un qui est divorcé est terminée? Non. Ce n'est pas terminé.

Cependant, en tant que société, on dit qu'il est interdit, dans l'emploi, de refuser l'emploi à quelqu'un parce qu'il serait divorcé. C'est vrai de la situation de famille, de l'état de personnes graciées et de la déficience, oui, parce que la déficience entraîne le regard de l'autre qui peut être un regard méprisant. Est-ce que ça veut dire que toutes les déficiences sont pour autant dans la situation d'être comblées, que les gens qui subissent, qui vivent l'épreuve d'une déficience ont toutes les conditions pour vivre l'égalité? Non.


2574

La vérité, c'est que les sociétés apprennent très lentement la tolérance et que des situations font que parfois, une tolérance qu'on pensait acquise montre que, en tout cas, si elle était acquise, son épaisseur n'était pas grande.

Dans huit provinces, et au Québec depuis 1977, fait partie de l'interdiction de discrimination, l'orientation sexuelle. Je le répète, il est temps que le Canada se mette au pas des provinces, se mette au pas des pays, se mette au pas de la Commission canadienne des droits de la personne. C'est ça, la vraie question.

J'ai été troublée de voir que le gouvernement, jusqu'à très récemment, ne manifestait pas l'intention de donner suite à une promesse qui avait été faite en bonne et due forme.

(1555)

J'ai personnellement entendu, dans cette Chambre, le ministre de la Justice dire que le gouvernement avait bien des priorités et que ce n'était pas certain qu'il pourrait, avant les prochaines élections, donner suite à cet engagement.

Je me demande comment il se fait qu'en catastrophe, disons-le, de façon non annoncée, le gouvernement soit arrivé avec ce projet de loi tant attendu, tant désiré, un projet de loi qui ne fait que mettre les pendules fédérales à l'heure de la très grande majorité des provinces. Comment se fait-il que ce projet de loi soit arrivé, alors que le gouvernement était en très grande difficulté, disons-le, par sa propre turpitude, et qu'il était en situation de perdre la face, qu'il l'était presque complètement, et soudain, d'un seul coup, ce projet de loi dont on ne «savait pas si» arrive? Deuxième lecture, étape du rapport, troisième lecture et motion d'attribution de temps.

Mon interprétation, c'est que le gouvernement s'est sorti d'un mauvais pas en changeant les motions de côté de la Chambre. Cependant, je ne voudrais pas qu'il s'en tire si facilement. J'interviens sur cette motion et je suis heureuse de le faire. Je pense que le Canada se remet à l'heure. Cependant, je suis peinée des propos que j'ai entendus dans cette Chambre. Peinée, parce que l'image globale que je me plais à garder de la société canadienne est une image de tolérance. Or, les propos que nous avons entendus dans cette Chambre, y compris du côté gouvernemental, ne permettent pas de traduire parfaitement cette tolérance.

Je pense que les collègues du parti au pouvoir qui sont extrêmement sévères, et je partage leur sévérité à l'endroit de propos qu'on entend de collègues réformistes, devraient tourner leur canon vers les députés de leur propre parti qui ont souvent tenu des propos encore plus dévastateurs que ceux que j'ai entendus chez les réformistes, et il faut le faire. J'en veux pour exemple la députée de Central Nova que j'ai entendue dire que, pour elle, l'homosexualité était contre nature.

Je trouve en effet qu'il est urgent que cette motion soit adoptée. Je trouve qu'il est urgent que cette motion soit adoptée parce qu'elle ne fait qu'aider la société à développer une nécessaire tolérance. J'ai entendu des craintes relativement à la famille. Je n'ai pas vu de rapport entre les craintes et l'actuel projet de loi qui dit que c'est une interdiction illicite que de discriminer.

Le sentiment contraire voudrait-il qu'il soit licite de discriminer quelqu'un dans l'emploi parce que cette personne est homosexuelle ou lesbienne? Parce qu'il faut bien voir où ces dispositions, actuellement et même de façon dynamique, peuvent s'exercer.

Depuis presque 20 ans, depuis 1977, au Québec, on vit sous l'empire d'une telle disposition, je le répète, et je n'ai pas vu se dégrader la situation familiale, mais je l'ai vue se recomposer. Il faut constater qu'en effet, la famille se transforme. Je suis de celles qui pensent que la famille s'est transformée au fil de l'évolution économique et sociale, depuis des siècles. La famille s'est transformée au gré des contraintes économiques et sociales et également au gré-je peux entrer la religion à l'intérieur de cela-des idées, des comportements qui se sont développés. La famille s'est transformée suivant les besoins.

(1600)

À partir du moment où la révolution industrielle a chassé un grand nombre de personnes de la terre, où la grande famille avec de nombreux enfants était non seulement l'effet du respect de la religion, mais était nécessitée par le besoin de bras nombreux pour la culture de la terre, depuis que les familles sont venues en ville, elles se sont transformées lourdement, largement.

Les femmes sont allées travailler, pas parce qu'un soudain besoin d'aller dans les manufactures les a prises, mais parce qu'au contraire, le travail qui était le seul disponible pour elles était, dans la plupart des cas, un travail odieux, pénible, qui les tuait à petit feu.

La famille s'est transformée au gré des conditions économiques et sociales. La famille continue à se transformer. Je suis pleine d'espoir dans l'avenir, mais je sais une chose, c'est qu'il est extrêmement difficile de codifier la famille en ce moment. Je me suis donnée la peine de regarder les amendements qu'on avait soumis, et j'ai trouvé que dans tout ce que j'ai vu, on laissait de côté des familles réelles, que moi j'estime être des familles réelles, où il y a ce soutien entre les êtres, cette responsabilité, cet amour, cet apprentissage de la vie en société, cette réponse aux besoins des enfants ou de personnes qui ont besoin qu'on les aide, qu'elles soient malades ou vieillissantes.

Même dans la religion catholique-j'ai été professeur de religion déjà, il y a longtemps-le mariage est un sacrement où les deux êtres, c'est ça le principe, les deux qui veulent se marier volontairement sont ceux qui font le sacrement. L'Église n'est là que comme témoin, dans cet esprit. Ce qui est important dans la famille, c'est, au-delà de la consigne de l'État, la volonté des êtres d'assumer ensemble une responsabilité.

Je pense qu'il est tôt pour codifier une situation en mouvement et quand cette situation est en mouvement, je pense que ce qu'il faut faire, c'est regarder où sont les besoins, et pour moi, les besoins, ce sont les besoins des enfants qui sont prioritaires. Quand ces besoins peuvent être satisfaits, même quand ce n'est pas dans une famille traditionnelle, je dis bravo pour les enfants.

Il est urgent que le Canada se donne le signal, à savoir qu'il ne convient pas, pour l'avenir de la tolérance dans cette société, qu'il est légal, interdit de discriminer quelqu'un à cause de son orientation sexuelle. Ce n'est pas le lieu de faire l'analyse des sources de l'homosexualité ou du lesbianisme, mais il est extrêmement important de se dire ensemble que c'est un fait de société, ce sont des citoyens et des citoyennes honnêtes et respectables qui sont, comme tous les autres, soumis au même code relativement à la moralité.

En conséquence, se baser sur cette orientation, qui est un fait dont on pourrait discuter de la source mais qui est présente, cette réalité, pour peu qu'on ait fait un peu d'histoire, qui a existé de tout temps, n'est pas du tout comparable à ce que j'ai entendu, par exemple, la pédophilie. Ça n'a rien à voir. La pédophilie est une déviation.


2575

(1605)

L'orientation sexuelle est un fait avec lequel des personnes peuvent se réveiller, à un certain âge, troublées, et le reconnaître dans certains cas et ne pas le reconnaître dans d'autres cas. Mais c'est un fait.

Alors, est-ce que le Canada va, oui ou non, continuer à laisser de côté la reconnaissance des droits de ces personnes qui se retrouvent avec ce fait, quel que soit l'âge?

J'aurais préféré que le parti au pouvoir amène de plein gré et volontairement dans son plan législatif le projet de loi C-33. J'aurais préféré que ce ne soit pas à l'occasion d'une crise qu'il a atteint, alors que le projet de loi C-33 lui permet de changer la chaleur de côté, de déplacer le chaudron du rond d'en avant vers le rond d'en arrière. Mais je suis quand même contente qu'enfin, le Canada se mette à la bonne heure.

Je ne peux faire autrement que de dire que toutes les personnes qui sont inquiètes ne devraient pas l'être, parce que ce n'est pas parce qu'on va inscrire la non-discrimination dans la Loi canadienne sur les droits de la personne que, comme dans le cas du sexe par exemple, de ce fait, ni les mentalités ni les conditions économiques et sociales vont se transformer immédiatement. Non, c'est un signal que le pays se donne, et ce signal, il me semble, doit être impérieux et clair.

[Traduction]

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Monsieur le Président, j'apprécie les observations de ma collègue de Mercier. Je suis d'accord avec elle qu'en tant qu'être humain, nous sommes tous nés égaux. Est-ce que la députée n'est pas d'accord que nous devrions avoir une loi protégeant tous les êtres humains en tant que tels, indépendamment de leur appartenance à un groupe quelconque?

Je pense que la grande majorité de Canadiens sont contre la discrimination, mais en particulier les Canadiens de ma circonscription de Cambridge. Ils sont contre toute forme de discrimination. Je suis moi-même contre la discrimination. Dans un être humain je ne vois que cela. En divisant la société canadienne en petits groupes d'intérêt, nous finissons toujours par faire de la discrimination contre quelqu'un d'autre.

Je pense que la grande majorité de Canadiens ont le droit de s'inquiéter. Que va-t-il arriver à ce pays? Il a été construit sur la famille traditionnelle. Je pense qu'à l'avenir, le Canada deviendra encore meilleur et plus fort avec les mêmes valeurs, sans discrimination.

[Français]

Mme Lalonde: Monsieur le Président, ma réponse a deux volets. Premièrement, si, depuis sans doute après la Deuxième Guerre mondiale, un mouvement croissant, qui a commencé avant, mais un mouvement croissant en faveur de la reconnaissance explicite dans les lois des pays d'interdiction de discrimination à l'endroit de certains groupes, a gagné les États, c'est parce que cet objectif, cet idéal de l'égalité entre tous les hommes est un objectif difficile à atteindre. C'est difficile à atteindre même à l'intérieur d'un couple qui s'aime. Alors, c'est un objectif difficile à atteindre, et il est un fait qu'il faut regarder: il y a des discriminations systémiques.

(1610)

Il y a des groupes qui, au fil des années, ont été discriminés, et le fait qu'on en ait parlé, le fait qu'on ait inscrit l'interdiction de discriminer dans la loi a aidé. Je ne dis pas que cela a complètement enlevé la discrimination, je l'ai dit tantôt dans mon exposé, je pense que c'est un signal que chaque société se donne. C'est un signal de tolérance.

Parfois, ce signal s'exprime à l'envers. C'est un signal qui passe par le fait qu'il faut s'empêcher de discriminer. Il faut se dire qu'il est facile, dans un groupe, de rire de l'autre, mais il faut, comme société se dire: «Non, il ne faut pas faire cela.» Essentiellement, ce que vous regardez, ce sont les différences qui ont été exprimées.

Non, ce n'est pas suffisant. Il faut l'objectif mais il faut reconnaître qu'il y a discrimination systémique et il faut que les États s'interdisent et interdisent aux citoyens la discrimination à l'endroit des groupes contre lesquels s'exerce une discrimination systémique.

J'ajouterai une chose par rapport à la crainte. Cette interdiction existe dans huit provinces; je n'ai pas calculé le pourcentage de la population canadienne qui vit au niveau provincial sous l'empire de cette interdiction de discrimination. Dites-moi seulement: Est-ce que vous avez vu, depuis ce temps-là, les colonnes du temple s'effondrer? Mais non! Est-ce que cela a interdit même la discrimination dans les rapports? Non. Mais encore une fois, c'est un signal qu'on se donne et je pense que le Canada, comme pays qui est déjà en retard sur les provinces, doit se donner ce signal-là.

[Traduction]

Mme Roseanne Skoke (Central Nova, Lib.): Monsieur le Président, la députée a soulevé la question de la religion dans son discours. Par conséquent, c'est de cela que je voudrais parler.

Je voudrais attirer son attention sur le hansard du 30 avril où le ministre de la Justice disait: «Ce projet de loi va dans le sens des enseignements les plus fondamentaux de la religion.» Puis il a dit qu'il était catholique: «J'ai développé le plus grand respect pour les principes de la foi catholique. Je prétends que cette modification est tout à fait conforme à ces principes.»

Je prétends que le ministre de la Justice a excédé ses pouvoirs en parlant au nom de l'Église. Je voudrais demander à la députée si le ministre de la Justice parlait au nom de l'Église de la province de Québec?

[Français]

Mme Lalonde: Monsieur le Président, je lui dirai que je ne pense pas, mais il faut savoir qu'au Canada, il y a plusieurs Églises. Toutes les Églises ne pensent pas de la même manière sur ces questions-là. Il y a des Églises qui acceptent le divorce, d'autres, comme l'Église catholique, ont de la difficulté à composer avec cela, même si les citoyens pratiquants, parfois cherchent à faire évoluer l'Église.


2576

Quand j'étais professeur de religion, il m'est arrivé de m'intéresser au sens des mots. Vous savez, Église cela peut vouloir dire deux choses: ecclesia en latin, peut vouloir dire la hiérarchie, mais cela peut vouloir dire aussi le peuple pratiquant. Au fil des années, souvent, la hiérarchie est arrivée avec une codification de ce qui devait être la morale et ce qui permettait d'aller voir le bon Dieu, mais parfois, les citoyens de l'Église, quels qu'ils aient été, ont cherché à faire évoluer et les conciles de l'Église catholique et les équivalents dans les autres Églises ont fait changer cela.

Sur cette question, je conclurai par une phrase prononcée par l'ex-premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, à propos de la question du libre choix. Il avait dit ceci: «La religion des uns ne doit pas devenir la loi des autres.»

[Traduction]

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, la députée de Mercier a dit à quel point elle, et nous tous, nous sommes contre la discrimination.

Un des motifs de discrimination qu'elle a mentionné et qu'elle a vivement déploré, c'est l'âge. Elle a dit précisément que la discrimination fondée sur l'âge devrait être interdite. J'espère qu'elle est d'accord avec moi.

(1615)

J'ai lu récemment que le Québec était une des premières provinces à avoir modifié sa charte des droits de la personne pour interdire toute discrimination fondée sur l'âge, qu'on appelle par euphémisme l'âge de la retraite.

Beaucoup de provinces autorisent la discrimination fondée sur l'âge. Autrement dit, le fait qu'une personne puisse être congédiée lorsqu'elle atteint l'âge de 65 ans, c'est de la discrimination fondée sur l'âge. Je n'ai pas entendu tellement de gens affirmer qu'ils sont contre ce genre de discrimination, mais le Québec l'interdit.

Le nouveau premier ministre du Québec songe, pour des raisons économiques, à rétablir la discrimination fondée sur l'âge. Le Bloc québécois et la députée de Mercier ont-ils approuvé l'idée du premier ministre du Québec d'exercer une discrimination fondée sur l'âge?

[Français]

Mme Lalonde: Monsieur le Président, je me souviens de l'amendement qui avait été fait, parce qu'avant qu'on permette à quelqu'un de travailler au-delà de 65 ans, il y avait la barrière des 65 ans et c'est sous le gouvernement de René Lévesque que cette barrière a été levée.

La disposition de la loi canadienne dit qu'il est interdit de faire une distinction sur cette base-là. Vous comprenez comme moi, cependant, que dans le cas du travail, il y a à pondérer concrètement dans l'emploi la situation des jeunes et la situation des personnes qui vieillissent.

Je suis certaine qu'aujourd'hui, en 1996, la situation des jeunes n'est pas celle qu'elle était en 1985. La situation démographique, la situation économique, la rapidité des changements technologiques font que la situation des jeunes, aujourd'hui, d'une façon générale-j'ai trois enfants-est difficile. Je pense que ce que le gouvernement cherche à faire, c'est de créer un équilibre, concrètement par rapport au travail, entre le droit des jeunes d'avoir un emploi et le droit des personnes qui vieillissent dont je fais partie de continuer. . .

Le vice-président: Malheureusement, le temps de parole de la députée est expiré.

[Traduction]

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec la députée de London-Ouest.

Les Canadiens sont protégés contre toute discrimination au niveau fédéral de deux principales façons, à savoir, tout d'abord, par la Charte canadienne des droits et libertés et ensuite par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le projet de loi C-33 modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne en ajoutant les mots «orientation sexuelle», ainsi qu'un préambule à la loi.

L'objet de cette loi est d'interdire toute discrimination en matière d'emploi, de logement, ainsi que de fourniture de biens et de services, dans le cas des entreprises sous réglementation fédérale. La loi énumère les motifs de discrimination qui sont contraires à la loi.

Depuis deux semaines, je consacre beaucoup de temps et d'énergie à comprendre ce projet de loi. J'ai écouté de nombreux débats et j'ai posé un grand nombre de questions.Étant donné que je n'ai pas de formation juridique, je dois me fier au jugement de ceux qui en ont.

J'ai été très satisfaite la semaine dernière lorsque le ministre de la Justice a inclus le préambule qui reconnaît l'importance de la famille. Cependant, on me dit qu'un préambule précédant le corps d'une loi n'a aucun poids sur le plan juridique. Ainsi, le préambule ne me donne pas la confiance dans cette mesure que j'aurais espéré avoir.

Je ne souscris absolument pas à la discrimination. Je crois que la dignité humaine et le respect de tous les gens dépassent largement le cadre du débat que nous pouvons tenir à la Chambre.

Je pense également que personne n'a le droit de juger les croyances ou les styles de vie de quiconque. Un Canadien est un Canadien, quels que soient sa race, sa religion, son sexe, sa langue ou son orientation sexuelle. On devrait traiter tous les Canadiens avec la dignité et le respect que tous les êtres humains méritent.

(1620)

Samedi dernier, j'ai prononcé un discours dans le cadre d'un événement qui s'est tenu à Truro et qui avait pour objectif de promouvoir l'unité raciale. Dans mon bureau de comté, au-dessus de mon pupitre, il y a, bien à la vue, accroché au mur, un prix que m'a remis la communauté locale Baha'ie pour souligner mes efforts en vue de promouvoir l'unité raciale et les liens qui unissent toute l'humanité. Je considère cette plaque comme la plus belle récompense qu'on m'ait jamais remise.

Un pays moderne et multiculturel comme le Canada, le meilleur pays du monde où vivre, n'a pas besoin de listes ou de catégories pour interdire la discrimination. Je pense que le Canada a besoin d'une nouvelle loi sur les droits de la personne, une loi qui précise


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qu'on ne tolérera pas la discrimination au Canada et que tous les citoyens sont égaux aux yeux de la loi.

Les listes sont une chose du passé. Elles nous ramènent aux années 60 et 70. Sans le vouloir, on fait de la discrimination en dressant des listes.

Certains de mes électeurs ont déjà commencé à me demander d'ajouter d'autres mots à la liste, comme le terme «pauvreté». Y-a-t-il des gens qui voudraient voter contre la discrimination fondée sur le fait qu'un enfant soit pauvre? Je ne le crois pas. Certains de mes électeurs seraient plus à l'aise face à la loi sur les droits de la personne si on ajoutait l'expression «séropositif» à la liste des motifs de distinction illicite.

Notre pays n'a que faire des listes. Les listes ne sont jamais exhaustives et, cela saute aux yeux, une loi sur les droits de la personne doit protéger tout le monde. Elle doit s'appliquer à tous, ce qui n'est jamais possible quand on dresse une liste ou qu'on crée une catégorie. Ce n'est pas en rangeant les Canadiens dans diverses catégories et en opposant un groupe à un autre que l'on va protéger les citoyens contre la discrimination. Au contraire, on ne réussira qu'à susciter dissensions, colère et ressentiment.

Il nous faut élaborer une meilleure mesure législative qui s'applique également à tous les citoyens et qui vise à ce que chacun soit traité selon son mérite, pas en fonction de la couleur de sa peau ou de son orientation sexuelle.

La circonscription de Cumberland-Colchester que je représente est une grande circonscription rurale du nord de la Nouvelle-Écosse. Quatre Pères de la Confédération sont venus de cette région et d'aucuns parlent même d'un cinquième qui y a séjourné quelque temps. Les électeurs de cette circonscription se sont prononcés sur presque toutes les mesures législatives présentées à la Chambre, et le projet de loi C-33 ne fait pas exception.

Dans un premier temps, bon nombre de mes électeurs me disent que l'on ne devrait exercer aucune discrimination à l'égard de personne et, dans un deuxième temps, ils me disent que tout texte législatif doit protéger les valeurs chères à la famille traditionnelle. Je suis l'unique porte-parole de ces contribuables. Ils ne sont représentés par aucun groupe de pression rémunéré et rares sont ceux qui font partie d'une organisation nationale ayant quelque influence politique.

Ces gens m'ont élue et ils craignent que l'adoption du projet de loi C-33 ne nuise aux valeurs de la famille traditionnelle. Ils craignent que les tribunaux ne se servent de cette mesure à l'avenir pour interpréter la loi autrement qu'elle devrait l'être.

Il serait naïf de croire que les tribunaux ne tenteront pas d'utiliser le projet de loi pour donner une définition plus large de l'expression «orientation sexuelle». La crainte est que l'expression «orientation sexuelle», que l'on propose d'ajouter à la liste des motifs de discrimination illicite, pourrait être utilisée par les tribunaux pour modifier la définition traditionnelle de la famille.

Il serait plus appropriée d'adopter actuellement une nouvelle loi sur les droits de la personne, qui protégerait clairement tous les Canadiens contre la discrimination, mais ne laisserait aucune possibilité aux tribunaux de l'interpréter plus largement.

Incidemment, je voudrais rendre hommage au premier ministre pour sa sagesse, son amour pour le Canada et pour sa grande compassion. Il a permis que son équipe se prononce librement sur ce projet de loi. Il reconnaît aussi bien la géographie variée du Canada que la diversité de sa population. En raison de sa grande confiance dans l'avenir du pays et de son immense respect à l'égard de la dignité de tous ses concitoyens, il mérite l'hommage que je lui rends à la Chambre aujourd'hui.

Alors que le débat s'achève, je dois dire que le projet de loi n'est pas construit de manière à servir la société sans faire naître la méfiance et la crainte et je ne peux l'approuver.

(1625)

[Français]

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, je veux tout simplement poser quelques questions très brèves. J'aimerais féliciter la députée d'une circonscription de la Nouvelle-Écosse qui vient de parler.

Je veux simplement dire que je pense que ses réflexions et la façon avec laquelle elle a pu arriver à la décision de ne pas appuyer ce projet de loi reflètent bien les inquiétudes de la grande majorité des gens du pays.

[Traduction]

En constatant que seulement dix jours ont été consacrés à l'étude de ce projet de loi et qu'il ne se passe pas un jour sans que de nouveaux indices viennent démontrer que cette mesure ne se résume pas uniquement à l'honorable tâche de lutter contre la discrimination, on se demande si ce projet de loi ne pourrait pas un jour ouvrir la porte à quelque chose que très peu de députés approuveraient.

La députée n'est-elle pas d'accord avec la position prise par la Conférence canadienne des évêques catholiques qui se sont dits étonnés par les propos que le ministre de la Justice a tenus en ouvrant le débat de deuxième lecture quand il a dit que l'Église catholique était en quelque sorte favorable au projet de loi?

Pourrait-elle dire ce qu'elle pense de la déclaration où les évêques disent craindre qu'une redéfinition importante du statut de conjoint et de l'état matrimonial ne soit en cours sous le couvert d'initiatives par ailleurs valables visant à protéger des personnes qui ont été par le passé victimes d'une discrimination injuste?

S'il doit se produire une redéfinition et un changement social aussi importants en matière de politique gouvernementale, cela devrait se faire uniquement après de vastes consultations.

La députée nous dirait-elle ce qu'elle pense de ce que les évêques avaient à dire à ce sujet?

Mme Brushett: Monsieur le Président, je suis ici pour étudier un projet de loi. L'Église a un rôle à jouer dans la société, mais nous, les députés, avons été élus pour servir tous les habitants du pays aussi équitablement et avec autant de dignité humaine que possible. Je préfère ne pas répondre à cette question, car l'opinion des évêques n'a rien à voir avec ma décision.

J'ai décidé d'examiner le projet de loi et de voir quelle valeur il avait pour la société et pour tout le monde. Je suis convaincue de la justesse de ma décision. Je voterai en faveur du projet de loi parce que je suis contre la discrimination. En même temps, je suis contre


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les mesures législatives qui ne me paraissent pas progressistes, qui ne vont pas dans le sens des mesures qui feront entrer notre grand pays dans le XXIe siècle.

Je me suis présentée devant des jeunes dans des écoles secondaires. Ils sont très sages, comme la plupart des jeunes partout au Canada. Ils estiment que la loi est presque désuète et qu'il est temps que notre pays aille de l'avant. Nous sommes tous des citoyens de notre grand pays multiculturel où se côtoient des gens de races et de langues différentes. C'est cela le Canada. Il faut parler au nom de tous ses habitants.

Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire de la ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec le sentiment de la grande responsabilité qui est la mienne que je prends part au débat, à l'étape de la troisième lecture, sur le projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le projet de loi modifie la loi pour y ajouter l'orientation sexuelle aux motifs de discrimination interdits. Par conséquent, nos concitoyens homosexuels seront protégés contre toute discrimination en ce qui concerne les produits et les services offerts par le gouvernement fédéral et les entreprises de ressort fédéral comme les banques et les compagnies aériennes. Les Canadiens qui travaillent dans les domaines de compétence fédérale seront désormais protégés contre l'homophobie en milieu de travail.

Le projet de loi C-33 vise toutes les orientations sexuelles, y compris l'hétérosexualité et la bisexualité. Mais il me semble juste de dire qu'aujourd'hui, au Canada, la discrimination ne s'exerce pas contre les hétérosexuels.

Je suis en politique active au niveau fédéral depuis la fin des années 70, et cette question a eu sa place dans ma conception de la protection des minorités pendant toute ma carrière politique.

En 1977, le Québec a été la première province canadienne a interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. En 1978, le Parti libéral du Canada a adopté une résolution proposant d'apporter une modification en ce sens à la Loi canadienne sur les droits de la personne. En 1979, et chaque année par la suite, la Commission canadienne des droits de la personne a recommandé l'adoption de cette modification.

En 1985, un comité formé de représentants de tous les partis a unanimement appuyé cet amendement, affirmant que les Canadiens voulaient que justice soit faite en cette matière. L'une après l'autre, les provinces ont modifié leurs propres lois sur les droits de la personne, si bien que, aujourd'hui, huit provinces et territoires garantissent cette protection à leurs administrés.

(1630)

En 1995, dans une décision unanime, la Cour suprême du Canada a conclu que l'égalité garantie dans la Charte canadienne des droits et libertés visait également l'orientation sexuelle. Le plus haut tribunal de l'Ontario a établi en 1992 que la Loi canadienne sur les droits de la personne était anticonstitutionnelle, parce qu'elle n'incluait pas expressément l'orientation sexuelle. Comme il a été jugé, dans des décisions ultérieures, que la loi englobait l'orientation sexuelles, le gouvernement a décidé d'agir pour rendre la loi explicite.

Voilà donc les aspects juridique et politique d'une période importante de notre histoire en vue de la promotion des droits de la personne. Il y a aussi une histoire parallèle à tout cela, la démarche sociale et très personnelle faite par bien des gens en marge du processus législatif. Une histoire marquée par un niveau plus élevé de tolérance, lui-même fondé sur la compréhension et l'humble reconnaissance de nos différences dans un esprit de bon voisinage, dans le respect et dans la dignité.

En tant que Canadiens, nous avons la chance de vivre dans une des sociétés les plus tolérantes et pacifiques du monde entier. Qui au Canada n'est pas fier de la société libre, ouverte et généreuse que nous avons créée? Malgré tout, nous sommes tous les jours témoins d'actes de violence fondés sur des préjugés. Nous lisons des articles à ce sujet dans les journaux et nous voyons des reportages à la télé. Trop de Canadiens, de toutes les couches de la société, ont personnellement été victimes de discrimination, parfois de façon subtile et parfois de façon très peu subtile, et même grossière, injurieuse et avilissante.

En tant que parlementaire, je rencontre bien des gens, des personnes très bien, de sorte que, lorsque j'entends des propos fanatiques, je ne peux que hocher la tête et me demander, avec tristesse, d'où viennent ces idées. Elles sont, à mon avis, issues de l'ignorance et de sa proche cousine, la peur.

Cette opinion est confirmée par les études sur les attitudes des Canadiens à l'égard des gais et des lesbiennes. Selon un sondage Angus Reid mené en 1993 dans l'ensemble du Canada, au moins les deux tiers des Canadiens sont d'accord pour que l'orientation sexuelle figure au nombre des motifs prévus dans la loi. En 1994, la société Angus Reid a sondé l'opinion publique canadienne concernant la discrimination au travail. J'ai constaté avec plaisir que les Canadiens comprennent très bien les préjugés que les gais et les lesbiennes doivent affronter tous les jours.

Il y a deux semaines, un autre sondage a confirmé que 60 p. 100 des Canadiens appuient la modification. Dans tous les sondages dont les résultats ont été publiés, aucun n'a montré qu'une majorité de Canadiens contestaient une telle modification.

Permettez-moi de citer des statistiques qui me semblent importantes. Huit Canadiens sur dix croient que les gais et les lesbiennes sont victimes de discrimination au travail et 4 sur 10 croient que cette discrimination est considérable. Les Canadiens estiment d'habitude que cette discrimination se manifeste par de l'hostilité envers la personne et des ennuis pour sa carrière. Heureusement, un Canadien sur deux dit que, s'il était témoin d'une telle discrimination au travail, il défendrait la victime. Un Canadien sur trois compte un gai ou une lesbienne parmi ses amis, un sur quatre travaille avec des homosexuels et un sur dix est aimé par des amis ou des parents gais.

En considérant ces statistiques, il ne faut pas oublier que beaucoup de gais et de lesbiennes se sentent souvent tenus de dissimuler leur orientation sexuelle afin de se garder de la possibilité bien réelle d'être insultés et maltraités.


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Bref, le rapport Angus Reid révèle que 57 p. 100 des Canadiens ont au moins un ami, un parent ou un collègue homosexuel. Il conclut que les personnes les plus tolérantes sont celles qui sont le plus susceptibles d'avoir un ami, un collègue ou un parent homosexuel.

Lors du débat à l'étape de la deuxième lecture, un député réformiste a demandé si le projet de loi C-33 serait conforme à la volonté d'une population canadienne parfaitement informée. À mon avis, le rapport de la firme Angus Reid, que les opposants au projet de loi ont délibérément ignoré, répond à la question du député. Le rapport révèle que les Canadiens sont déjà bien informés au sujet de la discrimination dont sont victimes quotidiennement les gais et les lesbiennes. Ce sont justement les Canadiens le mieux et le plus directement informés qui sont le plus favorables à la modification.

Comme je l'ai dit la semaine dernière à la Chambre, il est question, en l'occurrence, de nos frères et soeurs, de nos fils et filles, de nos voisins et de nos amis. Les députés qui s'opposent au projet de loi feront-ils obstacle à la volonté des Canadiens et à leur empathie pour leurs concitoyens? Feront-ils fi de la tolérance et de la compréhension qu'éprouvent ceux qui connaissent personnellement des êtres qui bénéficieront de cette modification?

Je le répète, presque toutes les provinces canadiennes ont déjà adopté des dispositions législatives en ce sens, tout comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Danemark, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Afrique du Sud. Les détracteurs du projet de loi au Canada peulent-ils signaler les terribles conséquences qui ont suivi l'adoption de telles dispositions ailleurs? Non, ils ne le peuvent pas.

(1635)

De plus, en 1994, la Communauté européenne a adopté des résolutions officielles qui invitent ses États membres à mettre un terme à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, le principal organisme surveillant le respect des droits de la personne dans le monde, appuie l'inclusion de l'orientation sexuelle parmi les motifs de distinction illicite. Le monde entier a toujours vu dans le Canada un chef de file et l'a toujours respecté pour ses initiatives en matière de protection des droits de la personne.

L'homophobie qui a accablé les sociétés pendant des siècles est reconnue pour ce qu'elle est: une injustice gratuite et malveillante.

Dans ma province, l'Ontario, la loi provinciale sur les droits de la personne comporte une protection à cet égard depuis plus de dix ans, et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête.

Certains des opposants au projet de loi préconisent de rayer de la loi les caractéristiques dont celle-ci donne la liste: la race, l'origine ethnique ou nationale, le sexe, la couleur, la religion, etc. Ils prétendent que cette énumération crée des minorités spécialement privilégiées. Ils prétendent que c'est une fausse logique et une mauvaise loi. Je trouve qu'ils font ainsi preuve d'un flagrant manque de respect envers les tragiques réalités historiques qui ont inspiré l'adoption de lois sur les droits de la personne ailleurs dans le monde. Cette liste qu'ils décrient a trait à des millions d'êtres humains qui avaient ces caractéristiques et qui ont cruellement souffert à cause d'elles.

Le député du troisième parti demande: «Quand cesseront les ajouts à la liste?» À cela, je réponds: «Quand cesseront la discrimination et l'injustice?»

Les tribunaux ont déjà dit que la loi comprenait la protection de l'orientation sexuelle. Pourquoi ne pas laisser les choses telles quelles? Parce qu'il y a va de notre responsabilité et de notre imputabilité parlementaires. Les principes d'égalité fondamentaux doivent être explicités et clarifiés. Ce n'est pas une question à laisser simplement aux juristes. Au niveau des principes fondamentaux, il importe d'énoncer dans nos lois, que tous les Canadiens peuvent facilement consulter, les fondements éthiques de notre société.

Au cours de ce débat, on nous a rappelé la proportion élevée de gais et de lesbiennes parmi les jeunes sans-abri dans nos grandes villes. Quels facteurs contribuent à cela? Ce peut être, sans doute, les mauvais traitements qu'ils ont subis dans leur famille et le rejet par celle-ci, l'aliénation par rapport à leurs pairs, les niveaux plus élevés de suicide et de consommation excessives de drogues. Selon certaines études, le tiers de tous les suicides chez les adolescents seraient liés à des conflits d'orientation sexuelle, ce qui constitue un taux tragique et alarmant.

On a fait beaucoup de bruit au sujet de la possibilité que cette modification ait pour effet que les couples de même sexe jouissent des mêmes avantages que les couples hétérosexuels, mais le fait est qu'ils jouissent déjà des mêmes avantages sans que la loi ne le rende obligatoire. Sans bruit, des centaines d'organismes canadiens, grands et petits, accordent aux couples de même sexe les avantages dont jouissent les couples hétérosexuels. Dans ma circonscription, London-Ouest, je peux citer l'exemple de la London Life, Compagnie d'Assurance-Vie, de la University of Western Ontario, du London Health Sciences Centre, de la Banque Toronto-Dominion, de la Banque de Nouvelle-Écosse, de la Banque royale, de la Banque de Montréal, du Fanshawe College, du Canada Trust, et la liste continue. D'un bout à l'autre du pays, des hôpitaux, des universités, des collèges, des municipalités, des services publics, des organismes communautaires, des organismes de services sociaux, des entreprises privées, des journaux, des sociétés d'État et des Églises ont pris cette mesure.

Le gouvernement a promis de travailler pour protéger et promouvoir la prospérité et la sécurité du pays. Mettre fin aux préjugés et à la violence dont les gais et les lesbiennes souffrent depuis longtemps faisait partie de ce plan, et nous avons agi en conséquence. L'orientation sexuelle, quelle qu'elle soit, ne devrait pas être un motif de discrimination.

L'enjeu va au-delà de la nécessité de faire disparaître de vieilles habitudes de crainte et de discrimination à l'égard de nos concitoyens, même si cela doit être notre but premier. Soyez assurés que le rejet de cette modification contribuera à enraciner l'intolérance dans notre société.

En rejetant. . .

Le vice-président: Je regrette, mais le temps de parole de la députée est écoulé.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'ai toujours cru que le Parlement était ici pour diriger et gérer le pays, pour nous faire avancer en nous montrant la voie à suivre. Cependant, la députée a dit que la Chambre emboîtait le pas du tribunal de


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l'Ontario, qui croit avoir inscrit l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle a aussi expliqué comment le changement s'était fait dans d'autres pays et a ajouté que nous devrions suivre le mouvement. Je ne dirais pas que c'est là faire preuve de leadership.

Je voudrais que quelque chose soit bien clair. Il y a au Canada d'autres tribunaux, notamment la Cour d'appel de l'Alberta, soit la plus haute cour de cette province, et un tribunal de même niveau que la cour ontarienne dont la députée a parlé. Elle est au dernier palier avant la Cour suprême du Canada. La tribunal albertain a clairement déclaré, dans une décision très bien raisonnée de 86 pages rendue il y a deux mois, que ce n'est pas aux tribunaux qu'il incombe de faire les lois. Il y a un court passage de cette assez longue décision dont tous les tribunaux du Canada devraient s'inspirer. Le tribunal a déclaré que si le pouvoir judiciaire voulait jouer dans les plates-bandes du Parlement, c'était à ses propres risques. Les juges expliquaient ensuite que les tribunaux n'ont pas le droit d'ajouter aux lois ni de les écrire.

(1640)

Donc, si la députée croit donner du poids à ses arguments en déclarant qu'un tribunal ontarien a dit que l'orientation sexuelle devait être inscrite dans la loi, je lui fais remarquer qu'un autre tribunal canadien soutient le contraire.

Je suggère que la décision du tribunal soit débattue à la Chambre des communes et obtienne l'attention qu'elle mérite avant que le gouvernement pense qu'il doit présenter et adopter ce projet de loi.

Mme Barnes: Monsieur le Président, je veux répondre à cette question. Je respecte l'opinion des autres députés, mais j'ai une formation juridique et la récente décision de la Cour d'appel de l'Alberta dans l'affaire Vriend a ajouté à l'ambiguïté de la question.

La décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Haig a tracé la voie à ce tribunal et a changé le droit, apparemment depuis 1992, soit l'année où la commission fédérale des droits de la personne a été modifiée.

En mai de l'année dernière, la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Egan et Nesbitt indiquait que la forme de discrimination dont nous discutons aujourd'hui devait être incluse au niveau fédéral.

Le député doit savoir que c'est la raison pour laquelle nous sommes ici présentement. Les gens ne devraient pas avoir à s'adresser aux tribunaux. Nous sommes en train de modifier les choses en profondeur en disant que la discrimination n'a pas sa place en milieu de travail ou dans les services.

Nous étudions une loi contre la discrimination. Elle est nécessaire car certains éléments de notre société, comme le tiers parti le sait bien, préféreraient que nous ne légiférions pas. Ils croient que la discrimination est une bonne chose. Ce ne l'est pas.

Je vais terminer mon discours sur cette question. . .

Le vice-président: La Chambre consent-elle à l'unanimité à laisser la députée terminer son discours?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: En conformité de notre Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qui seront soulevées ce soir à l'heure de l'ajournement: le député de Mackenzie-Les compagnies ferroviaires.

Le député de Glengarry-Prescott-Russell m'a avisé qu'il ne sera pas en mesure de présenter sa motion pendant l'heure réservée aux initiatives parlementaires vendredi.

[Français]

Comme il n'est pas possible de procéder à un échange de positions sur la liste de priorité, je demande au greffier de porter cette affaire au bas de la liste de priorité.

[Traduction]

L'heure réservée aux initiatives parlementaires est donc annulée; la Chambre poursuivra les travaux qu'elle avait entrepris avant cette période.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. La députée de London-Ouest a encore deux paragraphes. Quelqu'un dans notre assemblée a dit «go» et je crois que vous avez interprété cela comme «no».

Je voudrais que vous demandiez à nouveau s'il y a unanimité pour que la députée finisse son intervention.

Le vice-président: Le «no» n'est pas venu de ce côté-là de la Chambre.

Des voix: Oh, oh!

M. Wappel: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. C'est moi qui ai dit non et je l'ai fait parce que la même requête avait été faite hier à mon égard. Le député de Winnipeg St. James avait dit non. Toutefois, je retire mon non si le reste de la Chambre est d'accord.

Mme Barnes: Monsieur le Président, je remercie beaucoup les députés.

En désavouant la discrimination contre les homosexuels, nous tendons la main à ceux et celles qui ont souffert et reconnaissons la contribution de personnes qui ont fait fi des préjugés pour enrichir leur vie et celle des gens de leur entourage.

C'est avec respect que je demande à mes collègues dans cette Chambre d'agir en leur âme et conscience lorsqu'ils voteront sur cette question fondamentale des droits de la personne, sur un projet de loi qui mérite vraiment leur appui. Je remercie tous les députés de la Chambre de m'avoir permis de leur adresser cette prière.

(1645)

M. Harvard: Monsieur le Président, je voudrais préciser que ce à quoi j'ai refusé de donner mon consentement hier, c'était à ce qu'un député revienne sur une motion. Cela n'avait rien à voir avec


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le fait d'étendre le temps de parole. J'ai seulement refusé de donner mon consentement à ce qu'un député revienne sur une motion.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, nous ne voudrions pas semer la dissension dans les rangs du parti ministériel. Je vais donc faire mon intervention.

Je prends la parole pour participer au dernier débat sur le projet de loi C-33. Pour préparer mon intervention, j'ai lu la plupart des discours des députés des deux côtés de la Chambre. Je tiens à féliciter les députés de leur sincérité et de la qualité de leur contribution. Je tiens aussi à remercier plus particulièrement les députés de Port Moody-Coquitlam et d'Edmonton-Sud-Ouest d'avoir coordonné l'analyse réformiste du projet de loi et préparé les amendements que nous avons proposés pour en combler les lacunes.

Comme le débat touche à sa fin, il n'y a pas grand-chose que moi ou qui que ce soit d'autre puisse ajouter au débat sur les détails du projet de loi. Je vais donc m'en tenir à la conception d'ensemble, et je commencerai par l'intention qui sous-tend le projet de loi.

La discrimination a ses racines dans les préjugés, cette tendance trop humaine à juger les autres d'après leur apparence ou en fonction de critères injustes ou déraisonnables. Le préjugé devient discrimination lorsqu'il s'exprime dans des décisions ou des actes, notamment dans l'embauche et le congédiement d'employés, ou lorsqu'on refuse des services à cause d'idées reçues ou de critères injustes ou déraisonnables.

Je tiens donc à dire clairement dès le départ que le Parti réformiste appuie l'intention noble que traduit le projet de loi. Nous souhaitons ardemment, comme tous les députés, que notre société soit libre de préjugés et de discrimination. Notre engagement à cet égard découle de deux sources: les Canadiens que nous nous efforçons de représenter à la Chambre, et les principes de notre parti.

Au premier rang des caractéristiques dont les Canadiens veulent retrouver l'expression chez leurs dirigeants politiques et dans leurs institutions, il faut noter l'intégrité, la responsabilité, la liberté, l'égalité et la tolérance à l'égard des différences. Tout cela est fondamentale pour les Canadiens, qui aspirent à être l'une des sociétés les plus démocratiques, justes et pluralistes du monde.

Les principes du Parti réformiste sont également clair à ce sujet. Notre parti proclame l'égalité de tous les Canadiens devant la loi, l'importance fondamentale de la personne, et le droit à la différence. Il affirme le droit des Canadiens à être à l'abri de la discrimination, de la haine et de l'intolérance, quels qu'en soient les motifs.

Comme les déclarations que plusieurs de nos propres députés ont faites cette semaine ont pu jeter des doutes quant à cet engagement, j'ai dû prendre des mesures extraordinaires pour rassurer les Canadiens. Il n'est pas acceptable qu'un employeur congédie un employé simplement parce qu'un client intolérant se plaint de la couleur de sa peau ou de son mode de vie. Il n'est pas acceptable de justifier et de banaliser la discrimination ni de laisser entendre que certains Canadiens ont cherché la discrimination dont ils sont victimes. Ces opinions ne cadrent pas avec les grandes valeurs des Canadiens et des réformistes, ni avec les principes du Parti réformiste, et je tiens à le dire publiquement.

Puisqu'il en est ainsi, comment se fait-il que la majorité des réformistes s'opposent au projet de loi en principe? C'est d'abord et avant tout parce que nous croyons que l'approche choisie pour lutter contre la discrimination est mauvaise et inefficace.

L'approche fondamentale en matière de lutte contre la discrimination qui est inscrite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, que le projet de loi vise à modifier, consiste à définir les motifs de distinction illicite.

Avec l'article 16 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ce qui a débuté comme une catégorisation des Canadiens simplement pour définir les motifs de distinction illicite a pris l'allure de droits spéciaux accordés à des catégories de personnes défavorisées définies essentiellement selon la race, l'origine ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe et ainsi de suite et, si le projet de loi est adopté, l'orientation sexuelle.

Cette approche retenue pour lutter contre la discrimination et favoriser l'action positive me semble fondée sur le statut spécial. Ma principale objection à cela, c'est qu'elle n'a pas bien fonctionné et a eu des répercussions très négatives.

Depuis 30 ans, les gouvernements, surtout libéraux, ont adopté cette approche pour combattre la discrimination. Il existe cependant encore toutes sortes de discrimination dans notre pays, y compris de la discrimination systémique pratiquée par l'État en vertu de lois comme la Loi sur les Indiens. Un des effets secondaires regrettables de cette approche, c'est qu'elle exige et encourage cette catégorisation des Canadiens dont j'ai parlé et qui sème la discorde.

(1650)

Les réformistes veulent explorer de nouvelles façons de faire. Nous ne prétendons pas posséder toutes les réponses, mais nous voulons que le ministère de la Justice, les tribunaux et le Parlement cherchent à voir s'il existe ou non une meilleure façon de protéger les minorités de la discrimination et de fournir une aide spéciale aux Canadiens défavorisés.

L'approche que nous voulons voir explorer est celle qui fonderait le droit à une aide et à une protection spéciales non pas sur des caractéristiques personnelles ou sur l'appartenance à un groupe particulier, mais simplement sur le fait tout simple que ces gens sont des Canadiens qui ont droit à l'égalité devant la loi. Il s'agit d'une façon d'affirmer les droits et de prévenir la discrimination qui est fondée sur l'égalité. Son principal promoteur sur la scène fédérale est le Parti réformiste du Canada. À mon avis, notre démarche mènera à des résultats plus nobles et plus marqués que la vieille stratégie des libéraux, qui consiste à régler les questions de discrimination, de politique autochtone, de politique multiculturelle et d'unité nationale en accordant un statut spécial aux intéressés.

Les députés devraient se demander comment on peut protéger les gens contre la discrimination, disons en matière de logement, en se fondant sur l'égalité plutôt que l'octroi d'un statut spécial. C'est la question à laquelle le Parlement devrait répondre dans ce projet de loi, ce qu'il ne fait pas. Je serai heureux de répondre plus longuement à cette question si quelqu'un veut bien me la poser pendant la


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période des questions et des observations. Comment peut-on protéger les gens contre la discrimination? Le temps me presse, mais j'y reviendrai pendant la période des questions et des observations.

Il y a une deuxième raison fondamentale qui suscite chez nous de graves réserves au sujet de ce projet de loi et de ses répercussions. C'est une raison qui a déjà été mentionnée par bien des députés des deux côtés de la Chambre, soit les répercussions possibles de cette mesure législative sur la famille traditionnelle. De par ses principes fondamentaux, le Parti réformiste est tenu de renforcer et de protéger l'unité familiale qui est essentielle au bien-être des individus et de la société.

Si les réformistes et les Canadiens étaient convaincus que ce projet de loi n'apporte à la Loi canadienne sur les droits de la personne qu'une simple modification n'ayant aucune incidence ultérieure sur la famille, si nous étions convaincus que cette modification ne donne aux tribunaux ou au gouvernement aucun motif pour modifier la définition de la famille, sanctionner le mariage entre personnes de même sexe ou encore accorder des avantages aux conjoints de même sexe, nous nous opposerions quand même au projet de loi, mais surtout pour les raisons que j'ai énumérées précédemment. Si, toutefois, ce projet de loi ouvre la porte à d'autres changements en ce qui concerne la définition de la famille ou l'octroi d'avantages aux conjoints de même sexe, les réformistes, tout comme la vaste majorité des Canadiens, nous en sommes persuadés, refuseront de s'aventurer sur ce terrain glissant.

Je sais fort bien que le ministre a tenté de rassurer la Chambre, en affirmant que la modification proposée n'aurait aucune répercussion sur la famille. Toutefois, ses promesses et ses arguments n'ont pas réussi à nous convaincre.

Les ministériels ont rejeté tous les amendements visant à affirmer que l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne n'allait pas modifier la définition du mariage, de la famille ou du conjoint dans les autres lois canadiennes. Les ministériels ont rejeté tous les amendements qui avaient pour but de prévenir toute autre mesure découlant de ce projet de loi et visant à accorder des avantages aux conjoints de même sexe ou à ajouter l'orientation sexuelle aux motifs justifiant des mesures d'action positive. Le gouvernement s'oppose à ces amendements même lorsqu'ils sont proposés par des députés libéraux.

Le document du 8 mars sur la politique du ministère de la Justice, à propos duquel on a interrogé le ministre hier, énumère une série d'initiatives du ministère. Venait d'abord cette modification à la Loi canadienne sur les droits de la personne, puis immédiatement après, en dépit de l'assurance du ministre qu'il n'y avait là aucun lien ni aucune suite logique, les questions concernant la situation de famille, les couples de même sexe et les prestations aux personnes à charge.

Le député de Mississauga-Sud a raison de dire que le commissaire aux droits de la personne, Max Yalden, déclare dans son rapport de mars 1996 que le fait de refuser à un couple de même sexe un avantage que l'on accorde à un couple hétérosexuel est discriminatoire. C'est ce que dit le président de la commission qui va mettre en oeuvre le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui.

Le député libéral de Huron-Bruce a raison de dire que, en 1993, dans l'affaire Mossop, le juge Lamer a déclaré au nom de la majorité des membres de la Cour suprême du Canada que, si l'orientation sexuelle est incluse dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, on peut en conclure que la situation de famille comprend les couples homosexuels. C'est ce que dit le chef de l'institution qui va interpréter le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Comme l'a signalé le député de Medecine Hat, des représentants de groupes de défense des droits des gais comme le groupe EGALE ont bien précisé qu'ils considèrent cette modification simplement comme une première étape vers l'établissement d'une nouvelle série de droits et de privilèges pour les gais de tout le pays. Beaucoup de députée et, sans doute, une majorité de Canadiens, verraient probablement ce projet de loi d'un autre oeil s'ils croyaient vraiment qu'il s'agit d'une modification autonome. S'ils ont la moindre raison de croire qu'il s'agit d'un premier pas sur la pente glissante que j'ai décrite, ils ne peuvent pas l'appuyer.

(1655)

Les bureaucrates qui mettront en oeuvre la modification, le tribunal qui l'interprétera et les groupes d'intérêts qui en bénéficieront contribuent tous à rendre cette pente encore plus glissante et disent très clairement qu'ils ont l'intention de faire prendre cette pente au Canada. Lorsque le ministre et le gouvernement rejettent tout amendement visant à empêcher cela, les députés qui se portent à la défense de la famille ont une bonne raison de voter contre le projet de loi.

Enfin, je suis ravi qu'un certain nombre de députés, y compris le ministre, aient cru bon de faire des observations sur l'inopportunité de ce projet de loi d'un point de vue religieux. La rectitude politique actuelle et le risque que nos propos soient mal interprétés par les médias nous empêchent, à la Chambre, de discuter franchement de questions d'intérêt public, à la lumière de nos valeurs et de notre expérience spirituelles.

Nous devrions nous rappeler que le principe de la séparation de l'Église et de l'État, qui est essentiellement un principe constitutionnel américain, mais un principe auquel la plupart d'entre nous souscrivent, ne signifie pas qu'il faut faire abstraction de ses convictions religieuses ou de ses valeurs religieuses et spirituelles au moment d'étudier des questions d'intérêt public.

J'ai donc été heureux d'entendre le ministre de la Justice parler ouvertement de sa foi et de son éducation catholiques romaines, de l'entendre lire un extrait du catéchisme de son Église intitulé «La vie dans le Christ» et de l'entendre essayer d'établir un lien entre le principe de ce projet de loi et les enseignements du Seigneur. Le ministre de la Justice, peut-être mieux que quiconque à la Chambre, sait que le fait d'élargir un droit, y compris celui de ne pas être victime de discrimination, est assujetti, comme le prévoit notre


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Constitution, à des limites raisonnables prescrites par la loi et pouvant être clairement justifiées dans un société libre et démocratique.

La limite raisonnable de tout droit, y compris celui de ne pas être victime de discrimination, c'est le moment à partir duquel ce droit empiète sur d'autres qui sont garantis par la Charte. Ceux d'entre nous qui croient non seulement au droit de ne pas être victime de discrimination, mais aussi à la liberté de conscience et de religion veulent avoir l'assurance que l'adoption du projet de loi ne portera pas atteinte à la liberté de tout groupe religieux d'exprimer ou d'enseigner ses croyances sur la moralité ou l'immoralité de toute activité ou relation sexuelle, hétérosexuelle ou homosexuelle. C'est là le rôle de la religion dans la société. Si l'enseignement religieux est erroné, il importe de le corriger, mais en laissant les gens exercer leur liberté d'expression.

Le fait que le ministre et la majorité de ses collègues aient voté contre les amendements stipulant que l'inclusion de l'orientation sexuelle n'influe en rien sur la liberté de religion, d'expression et d'association, qui sont garanties par la Charte des droits et libertés, constitue pour les députés qui prennent la liberté de religion et autres valeurs religieuses au sérieux une autre bonne raison de voter contre le projet de loi.

En dernière analyse, je ne pense pas que la cause profonde des préjugés peut être extirpée de l'âme humaine par des lois, des règles d'un parti ou des remontrances des chefs. Cela requiert un changement interne qui est au-delà de la portée du Parlement.

Comme le ministre de la Justice a jugé bon de conclure ses remarques en citant son catéchisme et La vie du Christ, je pourrais peut-être terminer les miennes en citant une autre grande source sur la vie du Christ, l'apôtre saint Paul, un homme qui a d'abord cultivé les préjugés raciaux et systémiques profonds de son époque, pour ensuite les combattre.

Il a exposé son idéal en ces termes: Dans le Royaume de Dieu, il n'aura ni Grec ni Juif, ni discrimination ni distinction raciales fondées sur la race ou la religion, ni d'homme ni de femme, ni d'esclave ni d'homme libre, car tous nous serons un en Jésus Christ. L'idéal chrétien n'est pas seulement l'éradication complète des préjugés et de la discrimination, mais la suppression de toute conceptualisation et de toute catégorisation, la fin de toutes les catégories sur lesquelles sont fondés les préjugés.

Il s'agit là, évidemment, d'un idéal qui ne peut être pleinement atteint en ce bas monde, mais nous pouvons choisir d'aller dans ce sens ou dans l'autre. Ce projet de loi, à mon avis, ne nous fait pas aller dans ce sens, et cela constitue donc une autre bonne raison de voter contre.

J'invite par conséquent les députés à rejeter ce projet de loi pour le motif qu'il se fonde sur l'approche du statut spécial pour lutter contre la discrimination, qui ne donne pas de bons résultats, qui n'est pas de nature à soutenir la famille et la liberté de religion et qui ne renforce pas la vision d'une véritable égalité à laquelle une vaste majorité de Canadiens aspirent.

(1700)

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je remercie le chef réformiste d'avoir pris le temps de participer au débat. C'est très agréable de sa part. J'ai le goût de lui poser deux ou trois questions.

La première question est la suivante. Croit-il que l'homosexualité est quelque chose d'inné ou d'acquis? Deuxièmement, si l'un ou l'autre de ses collègues de cette Chambre dont il est le chef lui annonçait qu'il est gai, est-ce que le chef réformiste permettrait à ce collègue de demeurer en poste? Troisièmement, est-ce que le chef réformiste accepterait de faire la lumière et de nous dire la position qui est la sienne concernant les propos absolument discriminatoires tenus par le médecin, député de Macleod?

[Traduction]

M. Manning: Monsieur le Président, en un mot, la réponse à la deuxième question du député est oui.

La réponse à sa troisième question est que le député de Macleod exprimait une opinion médicale sur l'état de santé associé à l'activité homosexuelle. D'autres députés, qui sont aussi médecins, ont exprimé des opinions différentes. Le député de Macleod a droit à son opinion.

Quant à la première question, à savoir si l'homosexualité est innée, je dirai qu'elle n'a rien à voir avec le débat parce que la loi ne doit pas s'intéresser à ce qu'est une personne, mais bien à ce qu'elle fait. L'essence même du principe de l'égalité veut que la loi porte sur les actions des gens, pas sur leur nature.

M. Peter Thalheimer (Timmins-Chapleau, Lib.): Monsieur le Président, je me demande si le député peut m'éclairer.

Je suis convaincu que le député connaît la décision Egan et Nesbit, où la Cour suprême déclare à l'unanimité que l'orientation sexuelle constitue un motif illicite de distinction aux termes de la disposition sur l'égalité de l'article 15 de la Charte. Je suis convaincu que le député connaît cette décision et sait que la Charte ne s'applique pas aux entreprises privées et aux secteurs réglementés par le gouvernement fédéral, mais que la Loi canadienne sur les droits de la personne, elle, s'applique à ces entreprises et à ces secteurs.

Comment pouvons-nous invoquer la Charte pour protéger les gais et les lesbiennes qui travaillent dans le secteur privé sans modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne?

M. Manning: Monsieur le Président, la Charte des droits et libertés protège tout le monde. Cependant, je crois que le député ne me comprend pas.

Je ne parle pas d'une absence de protection en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je réprouve la démarche qui consiste à protéger de la discrimination ou à accorder un soutien particulier à des groupes particuliers. Je dis qu'il y a moyen de procéder différemment qu'en établissant des catégories comme cela se fait avec la Loi canadienne sur les droits de la personne et en partie avec la Charte. Il existe un autre moyen de procéder qui repose uniquement sur l'égalité.


2584

Je soutiens que la Chambre devrait au moins étudier cet autre moyen. Je ne crois pas qu'elle l'ait déjà fait.

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.): Monsieur le Président, j'ai ici une citation du député de Lisgar-Marquette, qui a dit ceci: «Si nous voulons savoir ce que l'homosexualité et la permissivité ont causé dans certains pays, voyons ce qui se passe en Afrique et les problèmes dont souffre ce continent. Songeons à ce qui se passe actuellement au Libéria. Voulons-nous ce genre de régime? Pas moi.» Cela laisse entendre, évidemment, que l'homosexualité conduira à la guerre civile.

En plus de cela, lors d'une assemblée publique tenue plus tôt cette semaine lorsque des déclarations dénotant de l'intolérance ont été faites, un député réformiste de la Colombie-Britannique a dit que le fleuve Fraser séparait la Chine de l'Inde.

Je me demande si le chef du Parti réformiste pourrait nous dire s'il appuie ces propos. S'il ne les appuie pas, dira-t-il à ces députés quoi faire?

(1705)

M. Manning: Monsieur le Président, j'ai énoncé clairement notre position à cet égard. Les propos auxquels le député fait allusion sont des citations partielles tirées d'articles de journaux et ne reflètent pas fidèlement notre façon de penser.

Ce que j'attends impatiemment de la part des dirigeants du gouvernement, c'est qu'ils règlent le problème des préjugés au sein de leur propre caucus. Nous avons entendu des députés libéraux, en commençant par le premier ministre, proclamer les uns après les autres leur indignation à l'égard des préjugés, de la discrimination et de la condamnation de groupes entiers de gens à cause des paroles ou des actes de quelques personnes. Pourtant, nous voyons certains de ces députés faire exactement la même chose sous une autre forme.

Pourquoi la députée de Central Nova peut-elle faire des déclarations incendiaires qui, si elles étaient faites par un membre de mon caucus, seraient dénoncées comme étant discriminatoires et homophobes par le député même qui a soulevé cette question?

Le député libéral de Mississauga-Sud a très bien décrit la situation durant ce débat lorsqu'il a dit ceci: «Pourquoi y a-t-il autant d'acrimonie à la Chambre? Pourquoi des gens ici qui étaient mes amis et mes collègues»-il parle de ses amis et collègues libéraux-«ne me parlent-ils plus? C'est parce que j'ai une position différente. Pourquoi tant de gens»-et il parle encore de ses amis et collègues libéraux-«ont-il fait preuve d'intolérance à l'égard de ma position?» Il parle de préjugés non pas au sein du caucus réformiste, mais au sein du caucus libéral. Il ne parle pas de préjugés fondés sur la race ou sur le sexe, il parle de préjugés politiques, mais ce sont quand même des préjugés.

Les réformistes posent la même question. Si les gouvernements veulent lancer la pierre aux intolérants, que le parti dont tous les membres sont sans préjugés lance la première pierre. Si le gouvernement tient désespérément à éliminer les préjugés de tous genres, et non seulement ceux à l'égard des catégories définies par le conformisme politique, il doit commencer par éliminer les préjugés politiques au sein de son propre caucus.

Des voix: Bravo!

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, je veux remercier le premier ministre d'avoir décidé de tenir un vote libre sur ce projet de loi litigieux. La plupart des Canadiens reconnaissent et apprécient la sagesse et l'intégrité qu'il manifeste en prenant la bonne décision.

Pour moi, le projet de loi C-33 est une mesure lourde d'incertitude et de risques inacceptables. C'est loin d'être une simple modification courante et définitive à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

En toute conscience, je ne peux pas appuyer ce projet de loi et je ne le ferai pas. Je suis totalement contre la discrimination ou la haine à l'endroit d'un être humain, quel qu'il soit, et c'est pour cette raison que j'ai appuyé le projet de loi C-41 en toute bonne conscience. Ce projet de loi assurait aux Canadiens gais ou lesbiennes, à titre individuel, la même protection accordée par la loi à l'ensemble des Canadiens contre les crimes haineux.

S'il était hors de tout doute que le projet de loi C-33 ne fait que prévenir la discrimination, je l'appuierais. Toutefois, pour moi, comme pour beaucoup d'autres Canadiens, les divers commentaires qu'on a entendus de la part de juges, de différents spécialistes et du ministre lui-même n'ont jeté aucune lumière sur ce débat, mais ont plutôt embrouillé les choses.

La seule certitude, c'est l'incertitude. Suis-je sûr que le projet de loi C-33 mènera à l'admissibilité des conjoints de même sexe, à la légalisation de ce qu'on appelle les mariages entre personnes de même sexe et les couples homosexuels aux fins de l'adoption légale? Non, je n'en suis pas sûr, mais surtout, je n'ai pas la certitude que ce projet de loi n'entraînera pas de changements nuisibles pour notre société, changements que je ne pourrais jamais ni accepter ni approuver, en tant que Canadien et député.

Ce qui est bien clair, c'est que les activistes gais et lesbiennes du Canada réclament ces changements. Qu'ils ne comptent pas sur moi ni sur la majorité des Canadiens pour appuyer de tels changements.

(1710)

C'est pour moi une affaire de morale et de conscience. Je respecte les droits des autres qui voient cela d'un autre oeil. Je respecte leurs droits. Je déplore vivement que le respect ne soit pas unanime en cette Chambre. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec les gens qui adoptent l'autre point de vue.

On m'a proposé de faire taire ma propre conscience et de voter comme la majorité des députés en faveur du projet de loi C-33. À cela, monsieur le Président, je dis non, absolument pas.


2585

Dans sa célèbre pièce A Man For All Seasons, Robert Bolt fait dire à Thomas More, devant un dilemme semblable: «Je crois que lorsqu'un homme n'écoute pas sa conscience dans l'exercice de ses fonctions publiques, il conduit son pays sur une route qui mène droit au chaos.»

Je refuse les propositions qui m'invitent à oublier ma conscience. Je refuse de ne pas tenir compte de mes convictions profondes. Je dois m'opposer et je m'oppose au projet de loi C-33. Ce faisant, je crois fermement que je défends une valeur supérieure, c'est-à-dire la famille hétérosexuelle traditionnelle.

On a beaucoup évoqué le fait que depuis de nombreuses années plusieurs congrès du Parti libéral ont appuyé une modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne comme celle qui fait l'objet du débat aujourd'hui. Permettez-moi de rappeler à la Chambre trois faits pertinents à cet égard.

Premièrement, l'engagement de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y ajoutant l'orientation sexuelle n'était pas dans le livre rouge des libéraux, qui a servi de programme lors de la campagne et a fait élire notre parti en 1993.

Deuxièmement, cet engagement n'a pas été mentionné dans le discours du Trône de février 1996, qui a présenté toutes les priorités du gouvernement aux Canadiens.

Troisièmement, lors de son plus récent congrès tenu à Windsor, l'aile ontarienne du Parti libéral du Canada a adopté une résolution demandant au gouvernement canadien de favoriser et de protéger la famille hétérosexuelle traditionnelle. À mon avis, et c'est aussi celui de bien des Canadiens, y compris des libéraux, le projet de loi C-33 n'est pas conforme à cette résolution.

J'ai fait connaître mon intention de voter contre le projet de loi C-33 dès le début de cet important débat, mes électeurs le savent. Ils ont répondu en grand nombre et en grande majorité dans le sens de ma position. En fait, ils se sont prononcés à dix contre un pour le rejet du projet de loi. Toute personne, tout groupe qui prétend que les Canadiens sont en faveur du projet de loi C-33 n'a pas consulté les gens de London, Ontario et de la région environnante.

Ces gens s'opposent à la discrimination tout comme moi, mais ils craignent, aussi comme moi, que ce projet de loi n'entraîne, dans notre société, toute une série de changements fâcheux et inacceptables à leurs yeux.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'ai remarqué que le député avait lourdement insisté sur le fait qu'il avait reçu beaucoup de courrier appuyant sa position, qui est contre le projet de loi. J'aimerais lui demander si ce genre de courrier est indicatif de tout le courrier que les députés reçoivent de tous les coins du pays et que ses collègues reçoivent actuellement.

M. O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question. La réponse est simplement oui. Je pense que c'est effectivement le cas.

Je dois dire en toute honnêteté que je pense que l'opinion des Canadiens, d'un océan à l'autre, est soit incomprise soit mal représentée. Je ne crois pas que, si les Canadiens prenaient en considération toutes les ramifications possibles de ce projet de loi, ils l'appuieraient dans la proportion que rapportent les sondeurs. Je ne le crois tout simplement pas.

Le vice-président: Sommes-nous d'accord pour dire qu'il est17 h 15?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté le merdredi 8 mai 1996, il est de mon devoir d'interrompre les délibérations et de mettre aux voix sur-le-champ toute question nécessaire pour disposer de l'étape de la troisième lecture du projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie.

[Traduction]

Le vote porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le Président: Convoquez les députés.

(L'amendement, mis au voix, est rejeté.)

(Vote no 75)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Bhaduria
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Cummins
Epp
Forseth
Frazer
Gilmour
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West/Ouest)
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Kerpan
Manning
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Penson
Ramsay
Ringma
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl
Thompson
Wayne
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams-48


2586

CONTRE

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Althouse
Anderson
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Bachand
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bellehumeur
Bergeron
Bernier (Beauce)
Bernier (Gaspé)
Bertrand
Bevilacqua
Blaikie
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Byrne
Caccia
Campbell
Canuel
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Charest
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Cowling
Crawford
Culbert
Cullen
Dalphond-Guiral
Daviault
DeVillers
Dhaliwal
Discepola
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Finestone
Finlay
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gerrard
Godin
Goodale
Graham
Grose
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jacob
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lalonde
Langlois
Lastewka
Laurin
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Lincoln
Loney
Loubier
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Maloney
Manley
Marchand
Marleau
Massé
McCormick
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McWhinney
Ménard
Mercier
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
Nunez
Pagtakhan
Paré
Parrish
Patry
Peric
Peters
Peterson
Pettigrew
Picard (Drummond)
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Plamondon
Pomerleau
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Robinson
Rock
Sauvageau
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Shepherd
Speller
St. Denis
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rosemont)
Ur
Valeri
Vanclief
Whelan
Wood
Young
Zed-164

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Assadourian
Asselin
Bélisle
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Brushett
Caron
Chrétien (Frontenac)
Collenette
Comuzzi
Crête
de Savoye
Debien
Deshaies
Fewchuk
Fillion
Gauthier
Godfrey
Graham
Guay
Guimond
Hopkins
Jordan
Landry
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lefebvre
Marchi
Martin (LaSalle-Émard)
Mitchell
Paradis
Phinney
Pillitteri
Rocheleau
Sheridan
St-Laurent
St. Denis
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Walker
Wells

(1745)

[Français]

Le vice-président: Je déclare l'amendement rejeté.

La prochaine mise aux voix porte sur la motion principale. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

(La motion, mise aux voix, est adoptée par le vote suivant:)

(Vote no 76)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Althouse
Anderson
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Bachand
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bellehumeur
Bergeron
Bernier (Beauce)
Bernier (Gaspé)
Bertrand
Bevilacqua
Blaikie
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Byrne
Caccia
Campbell
Canuel
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Charest
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Cowling
Cullen
Dalphond-Guiral
Daviault

2587

DeVillers
Dhaliwal
Discepola
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Finestone
Finlay
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gerrard
Godin
Goodale
Graham
Grose
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Ianno
Irwin
Jackson
Jacob
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lalonde
Langlois
Laurin
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Lincoln
Loney
Loubier
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Maloney
Manley
Marchand
Marleau
Massé
McCormick
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McWhinney
Ménard
Mercier
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Nault
Nunez
Pagtakhan
Paré
Parrish
Patry
Peters
Peterson
Pettigrew
Picard (Drummond)
Pickard (Essex-Kent)
Plamondon
Pomerleau
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Robinson
Rock
Sauvageau
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Shepherd
Silye
St. Denis
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rosemont)
Valeri
Vanclief
Whelan
Wood
Young
Zed-153

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Bhaduria
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Brushett
Bryden
Calder
Cannis
Collins
Comuzzi
Crawford
Culbert
Cummins
Epp
Forseth
Frazer
Gilmour
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Guarnieri
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West/Ouest)
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)

Hoeppner
Hubbard
Iftody
Karygiannis
Kerpan
Lastewka
Manning
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
McGuire
McTeague
Meredith
Mills (Broadview-Greenwood)
Mills (Red Deer)
Morrison
Murray
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Penson
Peric
Pillitteri
Ramsay
Ringma
Schmidt
Scott (Skeena)
Serré
Skoke
Solberg
Speaker
Speller
Steckle
Stinson
Strahl
Szabo
Thompson
Ur
Verran
Wappel
Wayne
White (Fraser Valley West/Ouest)
Williams-76

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Assadourian
Asselin
Bélisle
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Brushett
Caron
Chrétien (Frontenac)
Collenette
Comuzzi
Crête
de Savoye
Debien
Deshaies
Fewchuk
Fillion
Gauthier
Godfrey
Graham
Guay
Guimond
Hopkins
Jordan
Landry
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lefebvre
Marchi
Martin (LaSalle-Émard)
Mitchell
Paradis
Phinney
Pillitteri
Rocheleau
Sheridan
St-Laurent
St. Denis
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Walker
Wells

(1755)

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

______________________________________________


2587

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

(1800)

[Traduction]

LES CONSULTANTS EN IMMIGRATION

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait consulter les provinces et travailler en collaboration avec elles pour élaborer une mesure législative établissant des lignes directrices et des règlements sur la délivrance des licences applicables aux activités des consultants en immigration.
-Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord remercier les députés des deux côtés de la Chambre qui ont déclaré qu'ils appuieraient ma motion. Je leur en sais gré. J'exhorte tous les députés de la Chambre à songer à souscrire à cette initiative qui a sa raison d'être.


2588

La motion no 29 est la première étape vers la résolution d'un problème qui existe depuis plus de 20 ans, au Canada et ailleurs dans le monde. Il s'agit de l'absence de règlements régissant la fonction de consultant en immigration.

Je vais exposer quelques éléments d'information à l'intention de ceux et celles qui ne connaissent pas le milieu des consultants en immigration. Ces consultants viennent en aide aux immigrants, aux réfugiés parrainés, etc, dans une foule de domaines touchant l'immigration. Les services fournis peuvent aller du simple conseil sur la façon de remplir un formulaire pour monter une entreprise qui réponde aux exigences du programme d'immigration des gens d'affaires, à la comparution devant les tribunaux d'immigration pour représenter un client.

Bien des consultants sont d'anciens employés du ministère de la Citoyenneté et de l'immigration ou des traducteurs ayant travaillé à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La profession compte même dans ses rangs quelques ex-députés. Certains d'entre eux, bien qu'il possèdent des diplômes en droit qui leur ont été délivrés dans leur pays, ne sont pas autorisés à exercer leur profession au Canada.

Ceux qui travaillent dans ce domaine ne sont pas tous dépourvus d'éthique ou de morale. Néanmoins, il est un certain nombre de consultants en immigration qui, comme moi, sont d'avis que le temps est venu d'établir des lignes directrices et des règlements sur la délivrance des licences dans leur champ d'activité.

L'association des consultants professionnels en immigration, qui est basée à Toronto, représente un certain nombre de consultants en immigration qui essaient de promouvoir une industrie extrêmement intègre et compétente. À cette fin, les représentants de l'association se sont présentés devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration pour défendre leur cause. Ils ont déclaré que leurs membres n'étaient pas responsables du problème, mais qu'il était plutôt attribuable à des gens sans scrupules qui agissaient dans l'illégalité. Ce sont ces gens qui nuisent à leurs clients, ainsi qu'à la réputation du gouvernement et des professionnels de l'immigration dans leur ensemble.

J'ai entendu diverses plaintes d'électeurs et d'amis au sujet des consultants en immigration. Ces plaintes portent sur la prestation de façon incompétente de services ou l'inexécution complète du contrat. D'autres plaintes portent sur les frais astronomiques exigés. Les pires plaintes concernent des promesses tout à fait irréalistes que certains consultants font. Ces plaintes reflètent un comportement non éthique et portent sur des activités carrément frauduleuses aux termes du Code criminel et de la Loi sur l'immigration.

Pour avoir des preuves du comportement non éthique de certains consultants en immigration, il suffit de lire les journaux locaux. Une femme de Mississauga, qui se faisait passer pour une avocate spécialisée en immigration, a extorqué à ses clients plus de 8 600 $. On a appris un peu plus tard qu'elle aurait pu tromper ainsi jusqu'à 65 personnes qui ont répondu à son annonce dans le journal. Il semblerait qu'elle ait accepté des acomptes pour représenter des personnes, mais qu'en fait, elle n'ait jamais accompli le travail promis.

Dans d'autres cas, un homme travaillant comme consultant en immigration a fourni à de nombreux clients de fausses lettres d'emploi. Les gens qui cherchent à venir s'établir au Canada ont plus de chances d'être acceptés s'ils peuvent prouver qu'ils ont un emploi à temps plein qui les attend au Canada. Ce consultant en immigration a falsifié des documents et, en outre, il a aidé des gens à faire de fausses déclarations à des audiences d'immigration à l'extérieur du pays.

Ce cas met en lumière le problème croissant que posent des consultants en immigration sans scrupules qui mènent leurs activités à l'étranger. Un des principaux problèmes que nous avons aujourd'hui dans le secteur de l'immigration, ce sont les gens qui sont établis à l'étranger, mais qui, malheureusement, causent bien des difficultés au Canada.

(1805)

Lorsque des candidats à l'immigration ou des demandeurs du statut de réfugié sont invités à mentir et à tricher pour parvenir à leur but, c'est toute l'intégrité du système d'immigration qui est minée.

À une époque où l'appui de la population au processus de l'immigration n'a jamais été aussi bas, on ne peut et on ne doit pas tolérer ce type de comportement. Le moment est venu de mettre en place des lignes directrices strictes pour régir cette industrie.

Dans son neuvième rapport, à l'instar de la Law Society of British Columbia et du Barreau du Haut-Canada, le Comité de la citoyenneté et de l'immigration souscrit à la délivrance de licences et à la réglementation de cette industrie.

La Law Society of British Columbia s'est dite extrêmement préoccupée par le tort causé aux candidats à l'immigration par des consultants sans scrupules ou incompétents. Le procureur général de la Colombie-Britannique a appuyé la recommandation du comité et a dit estimer qu'elle aurait dû être mise en oeuvre depuis longtemps.

Le comité a entendu des témoins dire que bien des consultants en immigration ne subissent aucun examen de compétence pour exercer leurs fonctions, n'ont aucun code de déontologie, aucune assurance contre la négligence, ne font l'objet d'aucune mesure disciplinaire et ne disposent d'aucun fonds d'indemnisation des victimes de fraude.

Qui plus est, il n'est pas nécessaire de posséder un diplôme d'études ou une expérience pratique. Essentiellement, n'importe qui peut s'improviser consultant en immigration. Le comité de l'immigration a entendu des témoins dire qu'un avocat à l'immigration qui était radié un jour pourrait vraisemblablement devenir consultant en immigrant dès le lendemain. C'est incroyable.

Le nombre de consultants en immigration qui sont dénués de tout sens éthique ou moral ou qui profitent de personnes vulnérables augmente à un rythme alarmant. Je trouve les actes de ces consultants particulièrement méprisables. Ils s'en prennent aux personnes vulnérables, sans la moindre méfiance, qui ont vraiment besoin d'aide. Les consultants peuvent sembler très compétents pour ces personnes, qui voient en eux des amis qui les aideront à être admis dans le pays. La promesse qu'ils font semble trop belle pour être vraie. Souvent, elle n'est pas vraie.

Étant donné la nature des questions d'immigration, les enjeux peuvent être très élevés. Une personne ou une famille pourrait considérer le consultant comme son seul espoir. Elle est disposée à verser de grosses sommes et, parfois, à engager toutes ses économies pour être immigrant reçu. Les consultants sans scrupules sont tout disposés à accepter cet argent. Malheureusement, la majorité


2589

d'entre eux font des promesses en sachant parfaitement qu'ils ne pourront pas les tenir.

Prenons les cas signalés en Russie. Plusieurs consultants demandaient 5 000 $ US pour aider les gens à immigrer. Ils promettaient que leurs demandes seraient acceptées, sachant très bien que ces personnes n'avaient aucune chance d'être admises.

Non seulement ces consultants induisaient-ils en erreur des gens honnêtes qui ne cherchaient qu'à améliorer leur sort, mais ils aidaient sciemment des criminels qui cherchaient à étendre leur empire illégal à notre pays. Ils inscrivaient toutes les bonnes réponses dans les demandes de ces criminels et les aidaient à lancer des entreprises commerciales et à établir ainsi des contacts.

Toutes ces activités de consultants malhonnêtes empêchent le système canadien d'immigration de fonctionner comme il devrait.

Le comité de l'immigration a présenté de nombreuses recommandations concernant le secteur des consultants en immigration. Ceux-ci doivent tout d'abord obtenir une licence et se conformer à un règlement. Il reste à décider qui devrait superviser la délivrance des licences applicables à ce secteur.

Le comité ayant conclu qu'il serait irresponsable et peu pratique de recommander au gouvernement fédéral de constituer un organisme chargé d'administrer ces consultants, qu'allons-nous faire maintenant? De deux choses l'une: ou nous demandons aux provinces de prendre des mesures en ce sens, ou nous laissons ce secteur se réglementer lui-même. Malheureusement, les provinces ont été lentes à prendre des mesures concernant les consultants en immigration.

L'Ontario a examiné la question par le passé, mais elle a malheureusement refusé d'intervenir. À l'heure actuelle, les provinces étudient la possibilité de délivrer des licences applicables aux consultants en immigration, bien que plusieurs d'entre elles croient que le temps est venu de passer aux actes.

J'estime que des pressions suffisantes et des recommandations du gouvernement fédéral et du secteur même pourraient inciter les provinces à donner immédiatement suite à cette question.

C'est ce que j'espère accomplir au moyen de cette motion: faire clairement comprendre qu'il faut agir dès aujourd'hui parce que c'est nécessaire. Les provinces ont déjà le pouvoir de réglementer divers métiers et professions, mais elles se sont malheureusement montrées molles dans ce domaine.

(1810)

Si les provinces ne bougent pas, la seule autre avenue possible, dans le cas qui nous occupe, est l'auto-réglementation des entreprises. Il existe un certain nombre d'organismes au Canada. The Organization of Professional Immigration Consultants en est un exemple. Il compte un peu plus de 150 membres volontaires en Ontario et en Colombie-Britannique. Cet organisme aussi réclame depuis des années l'établissement de lignes directrices et de processus d'attribution des licences. Il en voit la nécessité, tout comme le comité et comme nos électeurs d'ailleurs.

Cet organisme craint fort que les gestes irresponsables de ces quelques personnes qui ont un comportement déplacé ait nui à l'industrie et entaché sa réputation. Je suis on ne peut plus en faveur d'un resserrement des règles et règlements se rapportant à cette industrie en particulier.

L'organisme canadien qu'est The Organization of Professional Immigration Consultants s'est donné son propre code de déontologie et ses propres règles et règlements, auxquels doivent se conformer ses membres.

Comme je le signalais plus tôt, l'adhésion à cet organisme est purement volontaire. On en devient membre parce qu'on le veut, pas parce qu'on y est forcé. Il serait irresponsable de penser que les experts-conseils en immigration dont le comportement est contraire à l'éthique voudraient appartenir à cet organisme.

Il nous faut exhorter les provinces à collaborer avec le gouvernement fédéral et avec de tels organismes afin d'élaborer des lignes directrices. Les personnes qui adhéreraient à l'organisme travailleraient en toute légalité, dans la mesure où elles respectent certaines lignes directrices.

Pourquoi ne pas prendre les barreaux provinciaux ou l'ordre des médecins et chirurgiens comme modèles. Ce sont des systèmes bien établis qui fonctionnent bien. Des règles et des lignes directrices précises régissent leurs membres en fonction des lois provinciales applicables. Dans un cas comme dans l'autre, il faut être membre de l'organisme de réglementation pour avoir le droit de pratiquer.

J'étais conseiller en ressources humaines avant d'entrer en politique. En Ontario, où j'avais établi mon entreprise, j'étais tenu de détenir une licence attribuée par un organisme autorisé. Il me fallait suivre des lignes directrices et des règles strictes dans ma pratique. Je devais en outre verser une cotisation annuelle pour prouver que je respectais lignes directrices de l'organisation et de la province. Mes clients pouvaient porter plainte devant l'organe compétent, s'ils jugeaient que mes services n'étaient pas satisfaisants.

Pourquoi cela ne s'applique-t-il pas aux consultants en immigration? On m'a constamment demandé de me perfectionner en suivant des cours dans des établissements gouvernementaux ou universitaires. Encore une fois, cela n'est pas nécessaire pour les consultants en immigration. Je ne comprends pas pourquoi.

Pourquoi ne fixe-t-on pas des frais, pour que ceux qui recourent aux services des consultants sachent à l'avance combien il leur en coûtera? Je dis que le système doit être transparent.

Je ne fais que répéter les questions que mes électeurs et mes amis me posent constamment. J'ai entendu des histoires tragiques concernant des individus qui avaient été dupes de ces consultants. Dans certains cas, leurs familles avaient été déchirées et ils avaient perdu des milliers de dollars. Malheureusement, lorsque les victimes viennent me voir, il est trop tard pour que j'intervienne. J'ai constaté bien souvent que les conseils que ces gens recherchaient étaient si simples à obtenir qu'il les auraient obtenu simplement en téléphonant à des fonctionnaires, sans engager la moindre dépense.


2590

À mon avis, l'individu qui veut travailler comme consultant en immigration devrait d'abord acquitter des frais annuels et s'enregistrer auprès d'un organisme administratif. Il devrait être tenu de suivre un cours de formation ou de subir des examens exhaustifs qui établissent sa compétence et sa capacité de remplir les fonctions d'un consultant en immigration. Une fois en poste, il devrait être obligé de rendre des comptes à l'organisme administratif. Je pense que ce sont des propositions raisonnables.

Je félicite les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration pour leur travail sur cette question. Leurs recommandations sont celles qu'on attendait depuis longtemps. Il ne reste plus qu'à les mettre en oeuvre.

(1815)

Je suis heureux de signaler que, la semaine dernière à peine, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a rendue publique sa réponse au rapport du comité sur les consultants en immigration.

La ministre appuie fermement un grand nombre des recommandations du comité, en particulier celle qui invite le gouvernement fédéral à collaborer avec les provinces. Dans sa réponse, la ministre a déclaré que le gouvernement fédéral élaborerait une stratégie exhaustive pour s'attaquer à cette grave question. Cette réponse donne à penser qu'un processus consultatif sera mis sur pied conjointement avec les provinces et les organismes intéressés pour étudier la possibilité d'avoir une industrie de consultants en immigration qui s'autoréglementerait.

Compte tenu de toutes ces recommandations, les provinces jugeront sûrement à-propos d'agir sans tarder. Autrement, nous, en tant que membres du gouvernement fédéral et de représentants de nos circonscriptions, aurons la responsabilité de faire en sorte qu'un processus de réglementation soit en place pour cette industrie. Il y va de la réputation du Canada. L'intégrité de notre système d'immigration en dépend aussi. Nous ne pouvons plus tolérer ces abus continus de notre système d'immigration.

C'est un fait que notre pays a été développé grâce à l'immigration, mais il l'a été grâce à des règles et à des politiques établies par et pour notre pays, en fonction de ses besoins et de ses engagements, et non pas par les paroles et les actes de certains consultants en immigration cupides. Les consultants en immigration travaillant à l'étranger sont l'un des plus importants problèmes que nous avons constaté. Ces consultants s'occupent de ceux qui veulent venir au Canada. Ils induisent en erreur nos fonctionnaires au Canada, de sorte que lorsque les intéressés présentent leurs demandes, il est très difficile pour nos agents d'immigration de ne pas les accepter. Nous devons aussi nous occuper de cette question.

Je m'exprime ici au nom de mes électeurs de Scarborough-Centre. La plupart des gens avec qui j'ai discuté de cette question sont d'accord qu'il faut s'occuper de cette question. Si nous n'agissons pas maintenant, la situation va empirer.

J'exhorte tous les députés de la Chambre à appuyer cette motion qui, selon moi, aidera à corriger cette lacune de notre système d'immigration.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de participer au débat sur la motion M-29 déposée le 27 février 1996 par le député de Scarborough-Centre qui se lit comme suit:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait consulter les provinces et travailler en collaboration avec elles pour élaborer une mesure législative établissant des lignes directrices et des règlements sur la délivrance des licences applicables aux activités des consultants en immigration.
Je tiens à féliciter le député pour cette initiative qui nous permet d'examiner un problème grave dans le domaine de l'immigration, soit l'absence de réglementation de la fonction de conseiller en immigration.

Je suis d'accord avec l'objectif général poursuivi par mon collègue. Cependant, je ne peux souscrire au libellé tel quel, et c'est la raison pour laquelle je proposerai un amendement plus tard.

Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, dont je suis vice-président, a mené des consultations en cette matière et a déposé un rapport en cette Chambre en décembre 1995.

Les conseillers en immigration sont des personnes qui ne sont pas membres d'un Barreau, mais qui, contre rémunération, conseillent ou représentent des personnes au sujet des questions d'immigration. Ils ne sont soumis à aucun critère de compétence pour exercer leurs fonctions. Ils n'ont aucun code de déontologie, aucun système d'assurance en cas de négligence, aucun fonds d'indemnisation pour les victimes de fraude, aucun mécanisme de plainte, aucune procédure disciplinaire en cas de manquement à la déontologie ou d'incompétence et aucune exigence en ce qui touche les études et l'expérience.

Il faut signaler que pas tous les conseillers en immigration sont incompétents ou peu scrupuleux. Beaucoup d'entre eux sont dignes de confiance, fiables et rendent de bons services à leurs clients. Ils fournissent une aide précieuse aux immigrants et réfugiés. Ils représentent des gens devant les tribunaux d'immigration dans le cadre d'enquêtes devant des arbitres ou d'audiences devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

(1820)

Je suis en faveur de l'objectif de cette motion. Il faut reconnaître qu'il existe des problèmes importants liés à la pratique des consultants en immigration et que certains d'entre eux abusent de la situation précaire dans laquelle se trouvent leurs clients.

Il faut protéger la clientèle immigrante. Plusieurs moyens peuvent être envisagés pour y arriver. Le Comité permanent a d'ailleurs recommandé au gouvernement de les adopter. Par exemple: augmenter la qualité et la quantité d'information disponible aux immigrants sur le processus d'immigration; faire connaître les services gratuits offerts aux immigrants; mettre en garde les immigrants


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contre certaines pratiques; publier un barème de tarifs raisonnables pour des services de base; fournir des renseignements à l'étranger dans la langue locale; aviser les demandeurs dans leur langue que leur cas ne sera pas traité plus rapidement parce qu'ils ont recours aux services d'un consultant; aviser les immigrants, lorsqu'ils ont recours aux services de consultants reconnus comme étant peu scrupuleux, de refuser à ces personnes l'accès aux bureaux du Canada à l'étranger.

Jusqu'à présent, le seul article de la Loi sur l'immigration qui traite des conseillers est l'article 30, qui se lit comme suit: «L'intéressé doit être informé qu'il a le droit de se faire représenter par un avocat ou un autre conseiller et se voir accorder la possibilité de le choisir, à ses frais.»

Nous nous demandons s'il n'y aurait pas, dans cet article, une possibilité de contester la validité d'un règlement qui viendrait limiter l'accès à un conseiller de son choix. Basé sur l'article 114(1)v) de la même loi, qui confère un pouvoir réglementaire au gouvernement, le rapport majoritaire du comité suggère de donner aux corporations professionnelles la compétence de réglementer les consultants en immigration qui comparaissent en qualité de procureur devant les tribunaux d'immigration fédéraux.

Il est utile de mentionner que la création d'une association professionnelle pancanadienne basée sur les dispositions légales mentionnées ne respecte pas la juridiction des provinces en matière de gestion des professions. C'est la raison pour laquelle nous avons préparé un rapport dissident en 1995 et aujourd'hui, nous soumettons un amendement à la motion M-29.

En ce qui concerne le Québec, nous considérons qu'il a fait ses preuves dans le domaine des corporations professionnelles et est à même de juger de la pertinence de créer ou non une association de consultants en immigration. Les professions sont régies au Québec par le Code des professions ainsi que par 22 autres lois de tous ordres. L'Office des professions gère depuis 20 ans un système qui fait l'unanimité, qui a la réputation d'être efficace et de protéger adéquatement le public et qui a la vertu de ne pas être onéreux pour l'État.

Les députés du Bloc québécois font confiance aux pratiques québécoises qui ont fait leurs preuves. Le gouvernement du Québec a déjà fait certains efforts pour encadrer la pratique des conseillers en immigration. Il s'est notamment doté de directives ministérielles et de procédures de services qui balisent le rapport du gouvernement avec les conseillers.

Nous reconnaissons cependant que le gouvernement fédéral doit, dans un premier temps, informer et sensibiliser les provinces pour s'assurer qu'elles sont conscientes que la situation actuelle permet des abus de tous ordres au détriment d'une clientèle vulnérable. De plus, certains conseillers peu scrupuleux ternissent la réputation d'un grand nombre de personnes qui sont très professionnelles.

Dans un deuxième temps, le gouvernement fédéral, après avoir lui-même mis en place toutes les mesures nécessaires pour mieux informer les immigrants qui ont recours aux services d'un consultant, pourrait considérer avec les provinces la possibilité qu'elles entreprennent la création de corporations professionnelles.

Le Bloc québécois est favorable au principe de la motion. Toutefois, il considère que la création des corporations professionnelles relève des provinces. C'est donc à elles d'agir si elles le jugent à propos.

Monsieur le Président, je propose l'amendement suivant:

Que l'on supprime tous les mots après le mot «devrait» jusqu'au mot qui précède le mot «établissant», en les remplaçant par ce qui suit:
«informer les provinces des problèmes liés à la pratique des consultants en immigration et travailler avec elles pour qu'elles élaborent».
(1825)

Le texte final se lirait donc comme suit:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait informer les provinces des problèmes liés à la pratique des consultants en immigration et travailler avec elles pour qu'elles élaborent des mesures législatives établissant des lignes directrices et des règlements sur la délivrance des licences applicables aux activités des consultants en immigration.
[Traduction]

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole au sujet de cette motion.

J'ai siégé au Comité de l'immigration qui a produit le rapport concernant les consultants en immigration. Ce fut intéressant d'entendre les témoignages des divers témoins. Nous avons entendu des personnes qui utilisaient les services de consultants en immigration, qui estimaient que ces services étaient nécessaires et qui étaient conscients du travail sérieux accompli par de nombreux consultants. D'autres témoins nous ont rapporté des cas d'abus, nous ont dit que certains consultants n'avaient peut-être pas les compétences nécessaires, qu'ils donnaient une fausse image du droit canadien et qu'ils mettaient en danger la vie des gens en leur cachant la réalité. Nous avons entendu parler de problèmes qui se produisent à l'étranger et ici même au Canada.

Le comité en est arrivé à la conclusion qu'il fallait réglementer l'activité des consultants et les obliger à avoir des licences pour qu'ils rendent compte de ce qu'ils font. Le comité estimait également que le ministère de l'Immigration pouvait prendre certaines mesures. Par exemple, il pouvait fournir des renseignements aux gens dans leur langue. Il pouvait expliquer en quoi consistent la loi et la réglementation canadiennes, et quelles sont nos exigences. Il pouvait aussi expliquer qu'il n'est pas absolument nécessaire d'avoir recours aux services d'un consultant.

Dans certains pays, les fonctionnaires ne sont pas considérés comme dignes de confiance et les gens hésitent à les laisser s'occuper de leurs demandes avec eux. Par conséquent, les services de consultants en immigration sont nécessaires. Le comité l'a reconnu et a recommandé qu'il y ait un certain niveau de contrôle, notamment par la délivrance de licences.


2592

Cette motion qui dit que les activités des consultants en immigration devraient être contrôlées et autorisées et qu'il est nécessaire que des négociations soient menées entre les provinces et le gouvernement fédéral pour établir des règlements sur la délivrance de licences aux consultants en immigration nous amène à l'étape suivante.

Avant de venir à la Chambre, j'étais courtier en immeubles. Je sais par expérience que des commissions provinciales peuvent être créées au moyen d'une mesure législative provinciale. Ces commissions peuvent délivrer des licences aux gens qui assurent des services à la communauté et contrôler leurs activités. Ces commissions peuvent s'autoréglementer et s'autofinancer. Les cotisations des membres peuvent couvrir les coûts de ces organisations. Je n'ai donc pas l'impression que cette motion est irréaliste.

Le collège de médecins exerce ce genre de contrôle sur les médecins. Le barreau exerce ce genre de contrôle sur les avocats. Les courtiers en immeubles sont également contrôlés. Il n'y a pas de raison que les consultants en immigration n'aient pas, au niveau provincial, le même genre de commission ou de conseil qui permettrait de contrôler les activités des consultants.

Les gens ont demandé pourquoi de tels contrôles étaient nécessaires. Les gens ne peuvent-ils pas être vigilants? Pourquoi ne pas laisser aux immigrants le soin de décider qui ils veulent recruter? C'est très bien de laisser au consommateur la responsabilité de faire le bon choix. Il n'y a pas de doute là-dessus.

(1830)

Toutefois, nous devons offrir une certaine protection aux personnes qui ont de la difficulté à s'exprimer ou qui risquent d'avoir peur de l'autorité. Je maintiens qu'il y aurait moyen d'offrir cette protection par l'intermédiaire d'un organisme de réglementation provincial autonome, c'est-à-dire autocontrôlé, autoréglementé et autofinancé. Je vais expliqeur ce que ce genre de commission pourrait faire.

Non seulement cette commission pourrait délivrer les licences, mais elle pourrait administrer une forme d'examen pour vérifier si les consultants sont compétents ou non. Elle pourrait aussi offrir aux clients de ces consultants un mécanisme d'acheminement des plaintes aux sujet des services reçus. Ce pourrait être un endroit où une personne pourrait se présenter si elle estimait qu'elle a payé trop cher pour le service reçu.

La commission pourrait fixer les honoraires appropriés ou établir des honoraires raisonnables pour certains types de procédures. Elle pourrait également prévoir des mesures disciplinaires pour ceux qui ne respectent pas les directives, contournent les lois du pays ou représentent mal le ministère de l'Immigration du Canada. Cet organisme pourrait administrer les mesures disciplinaires nécessaires pour contrôler ceux qui se prétendent consultants en immigration.

La commission pourrait avoir une certaine responsabilité financière. Elle pourrait percevoir des droits auprès de ceux qui veulent devenir consultants en immigration. Elle pourrait distribuer du matériel éducatif et distribuer également les modifications législatives à tous ceux qui fourniraient ce genre de services. Autrement dit, elle pourrait être l'organisme administratif qui ferait en sorte que ceux qui sont consultants en immigration sont tous au même niveau, ou tout au moins à un niveau acceptable.

La motion ne propose pas quelque chose qui soit impossible à atteindre ou à établir. Je pense, toutefois, que certaines provinces hésiteraient beaucoup à participer à ce genre de choses. Malheureusement, la délivrance de licences professionnelles relève de la compétence provinciale. Toutefois, si les provinces comprenaient qu'il ne leur en coûterait rien pour établir ce genre de commission ou d'organisme de réglementation, elles seraient peut-être davantage disposées à envisager cette possibilité.

Le comité a constaté qu'il serait bien difficile pour le gouvernement fédéral de prendre cette initiative. Le gouvernement fédéral n'est pas dans une position pour établir ce genre d'organisme de réglementation. Il ne peut s'occuper que des tribunaux qui relèvent de sa compétence.

Je pense que la motion se défend et qu'elle est raisonnable. Je n'ai aucune réserve à appuyer le député qui essaie de s'attaquer à ce très grave problème que nous avons au Canada.

[Français]

Le vice-président: L'amendement proposé par le député de Bourassa est recevable.

[Traduction]

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir au sujet de la motion no 29 que le député de Scarborough-Centre a présentée. Cette motion propose que le gouvernement consulte les provinces et travaille en collaboration avec elles pour élaborer une mesure législative établissant des lignes directrices et des règlements sur la délivrance des licences applicables aux activités des consultants en immigration.

(1835)

Les consultants peuvent jouer un rôle important dans le processus d'immigration. Normalement, ils conseillent les immigrants qui ont besoin de conseils spécialisés notamment sur la façon d'investir de l'argent au Canada, de transférer leurs entreprises dans leur nouveau pays, de parrainer leurs parents ou d'aider à faire venir au Canada un parent orphelin. Quoi qu'il en soit, ils peuvent avoir besoin de l'aide d'un spécialiste en immigration.

Beaucoup de nouveaux immigrants se tournent vers les consultants, qui sont généralement des gens qui ont une expérience pratique dans ce domaine. Ils peuvent être d'anciens fonctionnaires, des techniciens judiciaires ou des activistes communautaires. Ils peuvent avoir de l'expérience dans le traitement des demandes d'immigration ou la façon de conseiller de nouveaux immigrants, et parfois ils basent leurs compétences sur leur propre expérience en tant qu'immigrants.


2593

Malheureusement, depuis quelques années, il y a de nombreuses plaintes au sujet de pratiques pouvant être criminelles et de comportements non éthiques de la part de consultants en immigration. Les consultants ont une grande influence sur la vie des nouveaux immigrants. Ces derniers peuvent perdre de l'argent, leur entreprise et même leur statut de résident à cause des erreurs et des déclarations inexactes de consultants inexpérimentés ou malhonnêtes. Ils peuvent être les victimes de gens sans scrupules qui leur font des promesses extravagantes et exigent des honoraires astronomiques.

On pourrait remédier en partie à ces problèmes en s'attaquant à certaines lacunes dans ce secteur, dont l'absence d'examens de compétence pour exercer ses fonctions, l'absence d'un code de déontologie, d'une assurance en cas de négligence, d'un mécanisme officiel de traitement des plaintes et de mesures disciplinaires contre les consultants incompétents ou sans scrupules. La population demeure sans protection pour de nombreuses raisons.

Malgré les cas de fraude, il serait tout à fait injuste d'affirmer que tous les consultants ne sont pas dignes de confiance. La plupart d'entre eux respectent l'éthique et offrent de bons services. Néanmoins, c'est en raison des problèmes qui existent dans ce secteur qu'un sous-comité parlementaire de la Chambre des communes a été mis sur pied pour examiner la question des consultants en immigration.

En tant que membre du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, j'ai eu le plaisir de siéger à ce sous-comité. C'est par souci de la vulnérabilité des immigrants et autres que le sous-comité a été créé. Les objectifs du sous-comité consistaient à étudier les problèmes causés par l'absence totale de règlements applicables aux activités des consultants en immigration et à proposer des solutions au gouvernement du Canada.

Toute une brochette de témoins ont comparu devant le sous-comité, y compris des avocats de l'immigration et leurs associations, des représentants de barreaux provinciaux, des représentants d'organismes non gouvernementaux, des fonctionnaires de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et, bien sûr, des consultants en immigration.

Dans son rapport, le sous-comité fait ressortir que les problèmes auxquels est confronté le milieu des consultants en immigration sont liés au processus de délivrance des licences. Par ailleurs, il insiste sur la nécessité de consulter ceux qui sont en liaison étroite avec les éventuels immigrants. les groupes confessionnels, les organismes de services aux immigrants et les groupes de défense des réfugiés.

Ces groupes et organismes oeuvrent quotidiennement auprès des immigrants récents; ils connaissent bien le genre de problèmes auxquels se heurtent les immigrants. Ils ont leurs intérêts fondamentaux à coeur. De là toute l'importance de consulter ces groupes, d'écouter ce qu'ils ont à dire et de chercher de nouvelles façons de régler les problèmes avec lesquels le secteur de l'immigration est aux prises.

Cela fait plus de 20 ans qu'existe le problème que pose l'absence totale de réglementation régissant les consultants en immigration. Pourtant, aucune mesure concrète n'a été prise à quelque palier de gouvernement que ce soit durant toutes ces années. L'attribution de licences aux consultants en immigration en vertu des dispositions actuelles de la Loi sur l'immigration aiderait sûrement à remédier aux problèmes qui se posent actuellement dans ce domaine.

(1840)

Je suis d'accord avec l'intention qui sous-tend la motion. Je crois cependant que tous les intervenants du système qui n'ont pas été consultés auront l'occasion de se faire entendre avant que nous, en tant que gouvernement, ne présentions une nouvelle mesure législative.

Je le répète, la consultation comme la réglementation constitue une option importante, qu'il faut examiner. Ainsi, on pourra envisager d'autres possibilités, explorer d'autres avenues possibles. Il ne faut pas bloquer ces avenues. Vous pouvez êtres certains que le gouvernement fédéral fait des progrès dans ce domaine.

En terminant, je voudrais féliciter le député de Scarborough-Centre d'avoir présenté cette motion réfléchie et sérieuse. En faisant ressortir ce point important, il rend un grand service aux immigrants éventuels. Je suis sûr que les autorités compétentes mettront du zèle à donner suite à ses recommandations en temps et lieu.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir en faveur de la motion faisant l'objet d'un vote, que parraine le député de Scarborough-Centre.

L'objet principal de cette motion consiste à informer la Chambre et les Canadiens des problèmes qui existent dans l'industrie des consultants en immigration. Sans lire toute la motion, je pense que la plupart d'entre nous sommes au courant des incidents dont nos quotidiens font régulièrement état. Il est temps d'y voir.

Dans les journaux d'Ottawa, on a pu lire dans The Citizen, «Des consultants en immigration filoutent des Russes qui veulent absolument refaire leur vie au Canada» et dans The Sun, «Allégations de négligence, de fraude contre l'industrie des consultants en immigration». «Laissons le choix aux immigrants» a déclaré le barreau de la Colombie-Britannique. «Un consultant en immigration nie avoir recommandé à une cliente de dire, pour obtenir le statut de réfugié, qu'elle avait été violée par des soldats.» «Un expert en immigration admet avoir fraudé».

Le 6 décembre 1995, sous la rubrique «Darts and Laurels», le Toronto Star a déclaré: «N'étant pas tenus d'observer la moindre norme professionnelle, des consultants profitent de vulnérables immigrants et demandeurs du statut de réfugié». Vraiment, il faut féliciter le comité de l'immigration d'avoir recommandé la réglementation des consultants en immigration. Selon la Presse canadienne, le comité de l'immigration de la Chambre des communes aurait déclaré dans un projet de rapport qu'un consultant qui impose des frais devrait détenir une licence d'un organisme professionnel qui, pour sa part, devrait établir des normes minimales, un code de conduite, des programmes de perfectionnement, une procédure relative aux plaintes et un fonds d'indemnisation des victimes de fraude.

2594

Mes collègues qui sont intervenus aujourd'hui au sujet de cette motion seraient d'accord avec ces déclarations. Un grand nombre de ces consultants demandent apparemment des honoraires exorbitants pour aider les immigrants ou les candidats à l'immigration à entrer au Canada. Certains ne connaissent rien du processus d'immigration et ont tendance à faire aux immigrants des promesses qu'ils ne peuvent pas tenir.

Des consultants peu scrupuleux ternissent l'image de tous les consultants en immigration par leurs actions. Ils conseillent souvent des gens de l'extérieur du Canada qui, pour une raison ou une autre, se verraient normalement refuser immédiatement l'entrée au Canada. Ces consultants dressent des obstacles pour nos propres agents d'immigration. Ils préparent leurs clients en leur disant quoi dire, quand le dire et comment abuser du système. Ces dernières années, cela n'a fait qu'accroître la méfiance des Canadiens envers notre propre système d'immigration.

À mon avis, les consultants en immigration devraient acquérir une formation et des connaissances de base reconnues avant de pouvoir exercer leur profession au Canada. Des lignes directrices nationales pourraient être élaborées en consultation avec les provinces pour protéger les nouveaux arrivants des consultants peu scrupuleux.

Comme d'autres députés l'ont fait remarquer, je me rends bien compte que c'est un secteur de responsabilité provinciale, car ce sont les provinces qui accordent les permis aux entreprises, aux industries et aux organisations professionnelles qui opèrent sur leur territoire. Par conséquent, comme le parrain de la motion l'a déclaré, nous devons exercer des pressions sur les provinces pour les amener à adopter des règlements qui protégeront nos immigrants. Il existe apparemment très peu d'exigences imposées par les provinces pour l'octroi de licences, aucune exigence de garantie ni aucun règlement régissant ces consultants.

(1845)

Beaucoup de députés sont eux-mêmes des immigrants. J'en suis un. Nous savons tous ce que c'est qu'être Canadien. Il est vraiment déplorable que certains Canadiens et d'autres profitent du désir d'immigrants potentiels de venir s'établir dans notre pays en leur chargeant des honoraires énormes, en leur faisant souvent croire à tort qu'ils ont les qualités requises alors qu'il y a des obstacles dont il faut tenir compte.

Cela n'améliore pas notre réputation à l'étranger. Cela n'améliore pas l'image du ministère de l'immigration et de la citoyenneté auprès des citoyens de notre pays. Nous avons entendu un grand nombre de plaintes, dont bon nombre peuvent avoir été suscitées par ce genre de consultants sans scrupules.

J'espère que la Chambre appuiera la motion. Nous pourrions passer à l'action avec les provinces pour remédier à ce problème. Je constate que les provinces ont été lentes à réagir. On a exercé des pressions, mais pas suffisamment, de toute évidence.

Chaque province a des règles régissant les diverses professions, qu'il s'agisse des comptables, des avocats, des enseignants, des médecins, des travailleurs paramédicaux ou des consultants de toutes sortes. Il s'agit certainement d'un domaine où s'impose une loi raisonnable.

Je tiens à féliciter de son intervention le député de Bourassa qui a dit qu'il existait au Québec 22 lois régissant ces questions. Il existe là-bas une organisation professionnelle qui a apporté une contribution à cet égard. Puisque l'immigration relève maintenant de la compétence provinciale, nous devrions apprendre une leçon de notre province soeur, le Québec.

Je suis d'accord avec le député de Surrey-White Rock-South Langley, qui a dit que les immigrants ont souvent des difficultés à cause de la barrière linguistique. Ils viennent parfois de pays où on craint l'autorité. Ils s'inquiètent au sujet de leurs enfants, de ceux qui leur sont chers ou des membres de leur famille qu'ils ont laissés derrière eux. Ils doivent entrer en contact avec une personne qui incarne les qualités que notre pays préconise et non avec un filou qui va les rançonner et les abandonner à leur sort.

Il nous faut un organisme de réglementation. Je reconnais avec mon collègue que cet organisme doit faire plus que d'accorder des permis et percevoir des droits. Il doit faire oeuvre d'éducation. Il doit offrir un programme permanent de formation et de perfectionnement comme ce type d'organisme le fait normalement.

J'ajoute en guise de conclusion que l'auteur de la motion et sans doute aussi tous les députés qui l'ont appuyée accepteraient l'amendement. Je serais d'accord pour que, comme le propose le député de Bourassa, la motion soit modifiée en remplaçant les mots «consulter les provinces et travailler en collaboration avec elles pour élaborer une mesure législative établissant» par:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait consulter les provinces et travailler en collaboration avec elles pour élaborer une mesure législative établissant des lignes directrices et des règlements sur la délivrance des licences applicables aux activités des consultants en immigration.
Le vice-président: Je comprends que le député d'Oxford propose essentiellement le même amendement que le député de Bourassa.

M. Finlay: Je dis simplement que j'approuve l'amendement.

Le vice-président: En conséquence, comme personne d'autre ne demande la parole, le député de Scarborough-Centre est autorisé à clore le débat.

M. Cannis: Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de dire que je suis en faveur de l'amendement. Il va dans le sens de ma motion. Je profite de l'occasion pour vous remercier, vous, ainsi que les députés des deux côtés qui ont parlé de l'amendement. Il s'agit d'un problème très important. Il faut s'y attaquer dès maintenant pour les diverses raisons mentionnées par tous les intervenants. À cause de lui, certaines personnes qui veulent venir rejoindre d'autres membres de leur famille se font parfois exploiter.

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J'ai rencontré des consultants en immigration qui sont très professionnels, qui font de l'excellent travail et qui fournissent les services nécessaires. J'ai toutefois entendu parler de nombreux cas où des personnes ont été exploitées et ont dû verser des sommes faramineuses.

Il faut nous attaquer à ce problème dès maintenant. Il est à espérer qu'avec la coopération des provinces, nous pourrons élaborer un système transparent, juste, un système qui sert comme il se doit les intérêts de notre pays.

[Français]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: La mise aux voix porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: Oui.

Le vice-président: Je déclare l'amendement adopté à l'unanimité.

(L'amendement est adopté.)

Le vice-président: Le vote suivant porte sur la motion principale, telle qu'amendée. Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: Oui.

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée à l'unanimité.

(La motion, telle que modifiée, est adoptée.)

[Traduction]

Le vice-président: La Chambre s'ajourne à demain 10 heures.

(La séance est levée à 18 h 52.)