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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 16 septembre 1996

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE PROJET DE LOI C-234

    M. Speaker (Lethbridge) 4199
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 4201

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LA RADIODIFFUSION

    Projet de loi C-216. Étude à l'étape du rapport 4202

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

MOTIONS D'AMENDEMENT

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 4202

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-45. Étude à l'étape du rapport 4211

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

    Rejet de la motion par 150 voix contre 37 4218

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES JEUX OLYMPIQUES

LES INONDATIONS AU SAGUENAY

MARKHAM ELECTRIC

L'ÉCONOMIE DU MANITOBA

LES JEUX OLYMPIQUES D'ÉTÉ DE 1996

    M. O'Brien (London-Middlesex) 4219

LA CURE PASTORALE D'UPPER LONDONDERRY

LES ADDITIFS À BASE DE MANGANÈSE

LA COUR SUPÉRIEURE DU QUÉBEC

LA COMMISSION KREVER

L'ALPHABÉTISATION

LE PARTI QUÉBÉCOIS

LE PROJET TOKAMAK DE VARENNES

CLIFFORD OLSON

LE PROJET DÉFI-EMPLOI

LA DÉFENSE DU CANADA

L'EMPLOI

NOUVEAU DÉPUTÉ

PRÉSENTATION D'UN NOUVEAU DÉPUTÉ

    L'honorable Sheila Copps (Hamilton-Est) 4222

QUESTIONS ORALES

LA CRÉATION D'EMPLOIS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4222
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4223
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4223
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 4223
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 4223
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4224

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4224
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4224
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4224
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4225
    M. Leroux (Shefford) 4226
    M. Leroux (Shefford) 4226
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4226
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4227

LA CAUSE BERTRAND

LE COMMERCE INTERNATIONAL

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 4227

LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4228

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 4228
    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 4228

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

LA DÉFENSE NATIONALE

L'INDUSTRIE DE L'AMIANTE

    M. Chrétien (Frontenac) 4229
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4229

LES NOMINATIONS DU GOUVERNEMENT

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4230

LES TRANSPORTS

L'EMPLOI

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4230

LE DÉCÈS DE M. WILLIAM MARVIN HOWE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 4231

LE DÉCÈS DU DR VICTOR RAILTON

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE COMITÉ DE SURVEILLANCE DES ACTIVITÉS DU RENSEIGNEMENTS DE SÉCURITÉ-LA DÉCISION DU PRÉSIDENT

AFFAIRES COURANTES

LA SOCIÉTÉ POUR L'EXPANSION DES EXPORTATIONS

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LA LOI SUR LES MESURES EXTRATERRITORIALES ÉTRANGÈRES

    Projet de loi C-54. Adoption des motions de présentationet de première lecture 4234
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 4234

PÉTITIONS

LA FISCALITÉ

LA CONSOMMATION DE BOISSONS ALCOOLISÉES

LA LOI SUR LE JOUR DU PATRIMOINE NATIONAL

    Projet de loi C-323. Adoption des motions de présentationet de première lecture 4234

PÉTITIONS

LA JUSTICE

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 4235

LES SOINS DE SANTÉ

LE PROJET DE LOI C-205

LES DROITS DE LA PERSONNE

L'AIDE AU SUICIDE

L'AVORTEMENT

VICTORY HILL

LA CONDUITE AUTOMOBILE AVEC DES FACULTÉS AFFAIBLIES

TERRE-NEUVE

    M. Hill (Prince George-Peace River) 4236

LE PROJET DE LOI C-7

LES PROFESSIONNELS FORMÉS À L'ÉTRANGER

LA STRATÉGIE NATIONALE SUR LE SIDA

TAÏWAN

LE PROJET DE LOI C-205

LA STRATÉGIE NATIONALE SUR LE SIDA

LE CODE CRIMINEL

QUESTIONS AU FEUILLETON

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-45. Étude à l'étape du rapport 4241
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 4247
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 4261

4197


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 16 septembre 1996


La séance est ouverte à 11 heures.

_______________

Prière

_______________

[Traduction]

Le Président: J'ai reçu avis d'un certain nombre de points de privilège que je propose d'aborder immédiatement. Comme les députés le savent, la question de privilège étant de première importance, je parlerai des points soulevés tout de suite. Le premier point a été soulevé par le député de Crowfoot.

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE PROJET DE LOI C-234

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais que vous vous prononciez sur la question de privilège que je soulève ce matin.

Le commentaire 24 de la 6e édition de Beauchesne stipule:

On reconnaît le privilège à son caractère accessoire. Les privilèges du Parlement sont ceux qui sont absolument indispensables à l'exercice régulier de ses pouvoirs. Ils sont départis à chacun des députés, parce que la Chambre serait dans l'incapacité de fonctionner si elle ne pouvait disposer librement de leurs services.
Les membres des comités assurent un service aux députés de la Chambre. En omettant de faire rapport d'un projet de loi à la Chambre, un comité empêche les députés de s'acquitter de leurs responsabilités législatives.

Le 13 décembre 1993, le projet de loi C-234 a été renvoyé au Comité de la justice, à l'issue d'un vote majoritaire de la Chambre. Le ministre du Développement des ressources humaines, le député de Vancouver Quadra et quelque 72 de leurs collègues, ainsi que la députée de Saint John et le caucus réformiste ont voté en faveur du renvoi du projet de loi C-234 au comité, engageant ainsi ce dernier à faire une étude approfondie du projet de loi et à présenter ensuite son rapport à la Chambre.

Le comité devait faire rapport du projet de loi à la Chambre pour qu'elle puisse prendre la décision finale à ce sujet, et non pas laisser quelques-uns de ses membres prendre seuls cette décision au mépris de l'autorité de la Chambre.

La Chambre a donné forme à ce projet de loi et il lui appartient, à elle seule, de prendre la décision finale à son sujet. En étouffant un projet de loi auquel la Chambre a donné forme par un vote majoritaire, le comité a violé nos privilèges parlementaires.

Le comité a pris la décision de ne pas faire rapport à la Chambre du projet de loi C-234, qui est devenu le projet de loi C-226. En agissant de la sorte, il a porté atteinte à mes privilèges parlementaires.

Les députés libéraux membres du comité ont voté sur chacun des articles de ce projet de loi d'initiative parlementaire et ont décidé de ne pas en faire rapport à la Chambre. Ce faisant, ils ont torpillé le projet de loi C-226. Les membres du Comité de la justice ont commis un outrage au Parlement.

Le commentaire 639(1) de la 6e édition de Beauchesne stipule ce qui suit:

L'adoption d'un projet de loi par la Chambre comporte obligatoirement diverses étapes, abordées en des jours différents [. . . ].
Le commentaire 679(2) stipule:

Renvoyer ou déférer un projet de loi à un comité signifie charger ce comité de l'étudier et de présenter un rapport.
À mon avis, le comité doit faire rapport à la Chambre.

Monsieur le Président, si vous décidez que la question de privilège paraît fondée à première vue, je suis prêt à présenter la motion nécessaire.

(1105)

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement le point qu'a soulevé le député. Avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord avec lui lorsqu'il dit que le comité a eu tort d'agir ainsi, qu'il a violé ses privilèges et que certains députés ont fait outrage au Parlement.

Monsieur le Président, vous souviendrez, j'en suis sûr, qu'à la dernière session du Parlement, la Chambre s'est penchée sur le projet de loi C-203. À cette époque, le projet de loi a été examiné par le comité législatif H, en vertu de la structure qui existait, sous la présidence très compétente du député de Welland. Le projet de loi C-203 a été torpillé par certains membres du comité qui ont proposé d'ajourner sine die l'étude du projet de loi. Autrement dit, le comité a étouffé le projet de loi.

Le président du comité, le député de Welland, a alors examiné la question qui a ensuite été soulevée à la Chambre par un autre député. Le 26 février 1992, le député d'Edmonton-Strathcona a déclaré à la Chambre que l'affaire relevait de la question de privilège et que le comité avait eu tort d'agir ainsi.


4198

Dans une décision subséquente, le Président de la Chambre de l'époque a décidé qu'il n'y avait pas matière à soulever la question de privilège et on a laissé tomber l'affaire.

La position adoptée par le comité à l'égard du projet de loi C-203 a eu des conséquences beaucoup plus lourdes que celle que le député soulève aujourd'hui. Le problème n'est pas seulement qu'un comité a décidé de ne pas faire rapport du projet de loi, mais qu'une motion a été proposée pour étouffer le projet de loi au comité. À l'époque, même cela n'avait pas été jugé comme non parlementaire par le Président.

À ce propos, le député de Welland, qui était président de ce comité à l'époque, avait déclaré tout à fait recevable la motion du comité d'ajourner sine die l'étude du projet de loi.

Je suis sûr, monsieur le Président, que, à la lumière des deux excellentes décisions sur lesquelles je viens d'attirer votre attention, vous conviendrez avec moi qu'il n'y a pas matière à soulever la question de privilège.

Le Président: Le député de Welland est bien celui que je croyais. S'agit-il de la même question de privilège?

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais ajouter quelques points à cette question de privilège . . .

Le Président: À l'ordre. Le député peut-il répondre? S'agit-il de la même question de privilège?

M. Williams: Il s'agit de la même question, monsieur le Président, à laquelle je veux ajouter de l'information.

Avant de présenter mes arguments sur la question de privilège, j'aimerais commenter les arguments que le whip du gouvernement à la Chambre a présentés. On parlait alors de reporter l'affaire indéfiniment et on parle maintenant d'une situation entièrement différente.

Je crois que mes privilèges ont été violés, ainsi que ceux de la Chambre. Le Comité de la justice a violé le droit des députés de discuter d'un projet de loi d'initiative parlementaire . . .

[Français]

Le Président: Je regrette d'interrompre l'honorable député, mais on me signale qu'il n'y a pas d'interprétation. Il doit s'agir d'un problème technique.

[Traduction]

Le député peut-il s'asseoir jusqu'à ce que ce petit problème soit réglé?

[Français]

Nous pouvons poursuivre, tout semble fonctionner maintenant.

[Traduction]

Je suis désolé. Le député peut poursuivre.

M. Williams: Je vous remercie, monsieur le Président. Je veux répéter ce que j'ai déjà dit pour contrer les arguments présentés par le whip du gouvernement. Il a signalé des circonstances où un projet de loi avait été reporté sine die, sans qu'on fixe de date. On pouvait donc y revenir plus tard, à une date indéterminée. Il y a une différence majeure entre le fait de reporter quelque chose à plus tard et le fait de décider unilatéralement qu'on n'étudiera pas l'affaire. Remarquez bien cette différence.

(1110)

Je voudrais continuer en présentant mon argument au sujet de cette question de privilège. J'estime que l'on a porté atteinte à mes privilèges et à ceux de la Chambre.

Le Comité de la justice a fait fi des droits des députés de discuter d'un projet de loi d'initiative parlementaire sur le Code criminel et a donné priorité aux intérêts d'un projet de loi d'initiative ministérielle, le projet de loi C-45, sur le même sujet.

On a fait aucun cas de l'ordre de priorité et de la conclusion logique du débat sur le projet de loi C-234. Selon la sixième édition de Beauchesne, au commentaire 1010, il est dit que, après étude en comité et amendements éventuels, un projet de loi de ce genre est inscrit au bas de la liste de priorité en vue de sa prise en considération à l'étape du rapport.

Le projet de loi C-234 porte sur l'article 745 du Code criminel. En ne faisant pas rapport à la Chambre sur le projet de loi, le Comité de la justice est intervenu indûment dans les fonctions législatives des simples députés. Le comité a fait obstacle aux droits de tous les parlementaires. Il a également donné l'impression qu'il était favorable au ministre et au gouvernement.

On peut lire dans la 21e édition d'Erskine May que:

tout acte ou toute omission qui entrave ou gêne l'une ou l'autre Chambre du Parlement dans l'exercice de ses fonctions ou qui entrave ou gêne tout membre ou fonctionnaire de ces Chambres dans l'exercice de ses fonctions ou qui a tendance directement ou indirectement à produire ces résultats peut être traité comme un outrage, même s'il n'y a pas de précédents pour cette infraction.
En ne faisant pas rapport à la Chambre, le Comité de la justice est intervenu de deux façons. Tout d'abord, il a décidé que les initiatives d'un ministre étaient plus importantes que notre procédure habituelle ou que le travail d'un simple député. Deuxièmement, le comité, par sa décision, a porté atteinte à l'autorité de toute la Chambre. Sur une question aussi importante que celle-là, la décision aurait due être soumise à la Chambre.

Selon le commentaire 831(2) de Beauchesne:

Le comité doit s'en tenir à son ordre de renvoi et ne saurait y déroger (Bourinot, p. 469).
Dans ce cas, le comité a dérogé à son ordre de renvoi. Ce faisant, il a donné l'impression d'accorder un traitement préférentiel au gouvernement. Les députés ne peuvent pas remplir leurs fonctions si le comité ne fait pas rapport à la Chambre.

Dans Le privilège parlementaire au Canada de Joseph Maingot, à la page 17, on peut lire:


4199

Les privilèges individuels des sénateurs et des députés sont l'immunité absolue dont ils ont besoin pour s'acquitter de leur travail parlementaire. Les privilèges des Chambres sont les moyens indispensables à chacune d'elles pour s'acquitter efficacement de ses fonctions. Par conséquent, l'atteinte à un privilège quelconque constitue un outrage à la Chambre plutôt qu'à l'un de ses membres . . .
Monsieur le Président, si vous jugez que la question de privilège est fondée à première vue, je suis prêt à proposer une motion. Je me permets d'attirer à nouveau votre attention sur le fait que le comité avait décidé de ne pas faire rapport à la Chambre et non de reporter le projet de loi sine die comme le prétend le whip du gouvernement.

Le Président: À ce que je comprends, l'argument qui nous est présenté aujourd'hui est qu'une décision prise au comité devait être rapportée à la Chambre. Si je ne me trompe, c'est bien de ça dont il s'agit.

Une voix: Non.

Le Président: Je considère chaque point de privilège comme très important. Je veux qu'on en débatte, mais si un argument a déjà été présenté, je demanderais aux députés de ne pas intervenir, si c'est pour répéter le même argument.

Par contre, s'il y a des arguments nouveaux à invoquer au sujet de la question de privilège, je suis prêt à les écouter. Toutefois, les députés comprendront que, en ma qualité de Président, je me réserve le droit, si un nouveau sujet est abordé, d'interrompre la discussion.

Y a-t-il un autre intervenant sur la même question de privilège? Le député de Mission-Coquitlam.

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je crois avoir des renseignements additionnels à ce sujet.

J'interviens pour appuyer la question de privilège du député. Je suis aussi d'avis que le refus de retourner le projet de loi C-234 constitue une violation des privilèges de la Chambre. En notre qualité de députés, comment pouvons-nous jouer notre rôle de législateurs si les comités refusent de faire rapport des projets de loi à la Chambre?

(1115)

Dans Le privilège parlementaire au Canada, Joseph Maingot déclare, à la page 15:

Pour exercer ses fonctions législatives, une assemblée a absolument besoin de certains privilèges, droits ou immunités, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas travailler si elle ne les a pas. Nous verrons que le caractère accessoire ou subordonné est un trait distinctif du privilège-c'est le moyen d'atteindre un objectif ou de s'acquitter d'une fonction.
J'affirme que les membres du Comité de la justice sont coupables de mépris envers le Parlement s'ils refusent de retourner à la Chambre le projet de loi C-234, ainsi que mon propre projet de loi, le projet de loi C-245. Dans les deux cas, ces projets de loi ont été renvoyés au comité par une majorité de députés et par tous les députés à l'unanimité, dans le cas de mon projet de loi sur les droits des grands-parents, et nous avons le droit de savoir ce qui est ressorti des discussions du comité à leur sujet.

Un comité est une création de la Chambre; il ne constitue pas une instance suprême et il ne doit faire aucune conjecture quant à ce que la Chambre veut prendre en considération. Il devrait étudier tous les projets de loi qui lui sont renvoyés et faire rapport à ce sujet dans le cadre . . .

Le Président: Malgré tout le respect que je vous dois, chère collègue, je crois que vous faites valoir un point déjà soulevé antérieurement. Je prends note de ce qui a été dit. À mon avis, le point que soulève la députée de Mission-Coquitlam touche une question déjà traitée.

Y a-t-il de nouvelles informations dont les députés voudraient me faire part avant que je prenne ma décision? Je donne la parole au député de Fraser Valley-Est.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais ajouter un mot ou deux à propos de la question de privilège. Comme certains l'ont déjà mentionné et comme vous pouvez le constater aujourd'hui, bien des députés vous ont écrit et ont évoqué le problème touchant les privilèges de tous les députés de la Chambre, et ce, non seulement au sein du groupe réformiste, lequel, cela va s'en dire, l'a signalé à votre attention.

Monsieur le Président, on ne saurait trop insister sur la nécessité, pour vous, de prendre cette affaire très au sérieux, ce que vous ferez assurément. Chacun de nous consacre beaucoup d'efforts aux projets de loi d'initiative parlementaire. J'en ai deux autres qui sont issus d'une pétition portant 15 000 signatures, laquelle sera présentée à la Chambre sous peu. Voilà pourquoi nous devons les prendre au sérieux, ce que vous ferez, j'en suis persuadé.

La seule autre remarque que je ferai brièvement, vu qu'il en a déjà été question, c'est qu'il faut tenir compte de la pratique bien établie de la Chambre. Vous le savez, quand on vous présente deux amendements à l'étape du rapport, l'un proposant la suppression d'un article tout entier et l'autre, sa modification, vous les groupez, nous débattons les deux en même temps et c'est ainsi que nous réglons l'affaire.

Or, vous procédez toujours au vote sur la suppression avant celui portant sur la modification. Autrement dit, vous laissez la Chambre décider de la question de savoir s'il faut supprimer l'article ou le modifier. Dans ce cas-ci, à l'issue des travaux en comité nous ne sommes pas en mesure ici même de trancher la question de savoir si la Chambre entend supprimer l'article ou simplement le modifier. On ne nous a pas laissé la possibilité d'en débattre, d'en discuter et de voter là-dessus parce que l'article a été supprimé au stade du comité, sans que nous ayons pu nous exprimer par voie de scrutin.

Compte tenu de la pratique suivie depuis longtemps par les présidents, je vous prierais de considérer comme une question de privilège le fait que nous n'ayons pas pu traiter ces questions comme nous l'aurions dû dans cette enceinte. Nos privilèges ont été enfreints.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, j'aurais voulu vous citer un certain nombre de passages de Beauchesne et Maingot, mais je n'en ferai rien. Certains de mes collègues l'ont déjà fait.


4200

Cependant, je tiens à vous faire part d'une citation qui porte sur l'ancien projet de loi C-226, qui est maintenant le C-234, et la façon dont on l'a traité au comité. Je me reporte à la page 14 de l'ouvrage de Maingot intitulé Le privilège parlementaire au Canada qui décrit la fonction en question:

Le privilège parlementaire est l'indispensable immunité que le droit accorde aux membres du Parlement et aux députés des dix provinces et des deux territoires pour leur permettre d'effectuer leur travail législatif.
Selon nous, ce comité nous a retiré notre privilège parlementaire. C'est un groupe formé en majorité de ministériels, de députés libéraux, qui a décidé qu'il n'appréciait pas le contenu du projet de loi. Il a jugé bon de ne pas renvoyer cette mesure à la Chambre.

(1120)

Ainsi, il m'a retiré, à titre de simple député, mon privilège parlementaire, mon droit de parler d'un projet de loi, d'en débattre au nom des Canadiens et peut-être d'avoir la possibilité de garder les meurtriers en prison pendant 25 ans, au Canada.

Le Président: Là encore, c'est un argument qui a déjà été présenté et le député de Lethbridge nous assure avec force détails qu'il appuie un de ses aspects. Je l'ai laissé dire cela. Une fois de plus, je tiens à dire aux députés que s'ils veulent me présenter d'autres arguments, plutôt que de simplement dire qu'ils sont d'accord avec tel ou tel point, je serai disposé à entendre de nouveaux arguments sur cette question de privilège.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, mes collègues ont signalé les commentaires de Beauchesne qui s'appliquent à cette question de privilège. À mon avis, il s'agit bien d'une atteinte au privilège. Comme mes collègues l'ont dit, on a nui à ma capacité d'exercer mes fonctions de député.

Voici mon argument. Une poignée de membres du comité de la justice ne peuvent tout simplement pas décider arbitrairement de ne pas faire rapport d'un projet de loi à la Chambre et, ce faisant, priver les députés d'une occasion d'étudier le projet de loi à l'étape du rapport. C'est un fait.

Le comité de la justice n'est pas une entité distincte de cette assemblée législative. Il fait partie intégrante du processus législatif et du fonctionnement de la Chambre. Il a le devoir d'étudier les projets de loi qui lui ont envoyés par la Chambre et de les lui renvoyer avec ou sans propositions d'amendement.

Le commentaire 639(1) du Beauchesne, sixième édition, dit que l'adoption d'un projet de loi par la Chambre comporte obligatoirement diverses étapes, abordées en des jours différents.

Une de ces étapes doit être celle du rapport. Cependant, le comité de la justice a décidé unilatéralement de modifier le processus en ne renvoyant pas le projet de loi à la Chambre. Il a mal agi. Je cite le commentaire 679(2) du Beauchesne, sixième édition:

Renvoyer ou déférer un projet de loi à un comité signifie charger ce comité de l'étudier et de présenter un rapport.
Je crois aussi que le commentaire 831(2) du Beauchesne, sixième édition, vous sera peut-être également utile. Vous le comprenez sûrement:

Le comité doit s'en tenir à son ordre de renvoi et ne saurait y déroger. Dans le cas d'un comité chargé d'un projet de loi, ce projet de loi constitue par lui-même l'ordre de renvoi et le comité a pour seul mandat de faire rapport du projet de loi à la Chambre avec ou sans amendement.
Il est assez évident que le comité de la justice n'a pas agi comme il faut.

Le Président: Encore une fois, nous avons déjà entendu ces arguments. Si les députés ont de nouveaux arguments à présenter, ils peuvent le faire. Ils peuvent être certains que, si je prends la question en délibéré-je suis en train d'y réfléchir-je ferai une recherche sur toute cette question.

Je tiens à donner cette assurance au député de Prince George-Bulkley Valley.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, je vous signale le paragraphe 98(1) du Règlement:

Lorsqu'un comité [ . . . ] fait rapport d'un projet de loi émanant d'un député . . .
Le libellé du Règlement dit bien «lorsque» et non «si».

(1125)

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, comme des députés l'ont fait remarquer, nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une atteinte à notre privilège. Je souligne également que la Chambre a renvoyé cette mesure au comité à deux reprises. Comment pouvons-nous nous acquitter de nos responsabilités de députés et de législateurs quand un comité se considère supérieur au point de passer outre au jugement de la Chambre en supprimant tous les articles du projet de loi que la Chambre a voté, pas une, mais deux fois, plutôt que d'être le serviteur de la Chambre comme les comités devraient l'être, il me semble?

Le Président: Je remercie le député. Il reprend des arguments que j'ai déjà entendus ce matin.

J'aimerais que le député de Wild Rose soit très précis s'il a quelque chose de nouveau à ajouter à ce débat.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je serai très bref. C'est au sujet de la même question de privilège.

Comme tous mes collègues, j'ai été élu pour représenter les Canadiens et veiller à ce que des lois appropriées assurent leur protection. Les électeurs de ma circonscription de Wild Rose s'attendaient qu'au bout du compte, le projet de loi C-34 soit adopté par suite d'un vote par appel nominal. On me refuse cette possibilité et c'est regrettable.

Le Président: J'invite encore une fois tous les députés à faire valoir tout nouvel argument concernant cette question. Je voudrais


4201

entendre tous les nouveaux arguments, s'il y en a. Quant aux arguments déjà formulés, on peut s'abstenir de les répéter, ce qui nous permettra d'avancer un peu.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, comme on a déjà amplement exposé les arguments à ce sujet, je serai bref.

C'est moi qui avais appuyé la motion de présentation du projet de loi et j'en aurais présenté un autre si le projet de loi n'avait pas été étudié à la Chambre. J'estime par conséquent qu'il y a eu atteinte à mon privilège puisque cette possibilité est maintenant disparue et que cette question me paraît vraiment importante. Si vous jugez que la question de privilège est justifiée, je suis prêt à proposer la motion appropriée.

Le Président: Avant l'ajournement, le député de York-Sud-Weston s'était réservé le droit de soulever une question de privilège. Est-ce bien la question de privilège dont parlait le député?

M. John Nunziata (York-Sud-Weston, Lib.): Monsieur le Président, je n'avais pas l'intention de faire ce matin des observations concernant la question de privilège dont je vous ai parlé avant l'ajournement de la Chambre, le 19 juin 1996. Cependant, en tant qu'auteur du projet de loi, je me sens obligé de faire des observations à ce sujet.

La question dont est saisi la Chambre ce matin ne revêt aucun caractère partisan et mérite un examen très attentif de la part de la présidence.

Je ne veux pas prêter des motifs au comité de la justice ni à quelque autre comité que ce soit quant aux raisons pour lesquelles ils ont décidé ou non de faire rapport de mon projet de loi à la Chambre.

Le Président est le gardien des droits et des privilèges de tous les députés à la Chambre. C'est pourquoi je vous demande de ne pas examiner sommairement cette question et rendre une décision aujourd'hui, mais plutôt de réserver votre jugement sur cette question et d'examiner attentivement pas seulement les précédents, car, vous le savez, les précédents peuvent s'interpréter de bien des façons différentes, mais aussi, car il est important de le faire, d'examiner toute la question sous l'angle de ce qui se fait aujourd'hui.

Étant donné l'engagement de plusieurs comités de la Chambre ainsi que du gouvernement à l'égard de la réforme parlementaire, il est important d'examiner le processus d'étude des mesures d'initiative parlementaire. À mon humble avis, si l'on veut respecter le moindrement l'intégrité du processus d'étude des mesures d'initiative parlementaire, il ne devrait pas être possible pour la majorité des membres d'un comité représentant le gouvernement, qu'il s'agisse du gouvernement actuel ou de n'importe quel autre gouvernement, de miner le processus ou l'intégrité du processus de quelque façon que ce soit.

(1130)

Tous les députés se sont engagés à l'égard de la réforme parlementaire. Lorsque l'organe suprême du Parlement, la Chambre des communes, se prononce sur un projet de loi, j'estime, monsieur le Président, qu'il n'appartient pas à un comité, fut-ce un comité permanent, de contrecarrer sa volonté.

Les Communes ont adopté le projet de loi C-234, portant sur l'abrogation de l'article 745 du Code criminel, disposition qui permet à des personnes reconnues coupables de meurtre au premier degré de demander une libération anticipée. Dans sa sagesse, la Chambre a décidé, à l'étape de la deuxième lecture, d'appuyer le principe du projet de loi et de renvoyer ce projet au comité. Voilà ce qu'elle a décidé. Si vous maintenez la décision du Comité de la justice, vous autorisez celui-ci à contrecarrer la volonté de la Chambre.

Quel sort la Chambre envisageait-elle pour ce projet de loi? Elle voulait qu'il soit renvoyé au comité pour étude. Tous les députés, sans doute, s'attendaient à ce que le projet de loi, une fois mûrement étudié par ce comité, qui ferait une recommandation, serait rapporté à la Chambre pour y être de nouveau étudié et faire l'objet d'un dernier vote.

Il s'agit d'une question importante. Si nous, députés, tenons à ce que la réforme parlementaire se fasse et prenons au sérieux les mesures d'initiative parlementaire, je vous prierais, monsieur le Président, de déclarer que le comité n'avait pas compétence pour faire ce qu'il a fait.

En guise de conclusion, je signale également que mon bureau a été informé que cette pratique se répandait depuis quelque temps, c'est-à-dire la pratique selon laquelle des comités permanents décident de ne pas faire rapport à la Chambre de mesures qui leur ont été renvoyées. Monsieur le Président, j'estime que vous devez également tenir compte de ce fait.

Le Président: Je vais suivre le conseil du député de York-Sud-Weston et je suis convaincu que mes collègues m'accorderont du temps pour réfléchir.

J'ai l'intention d'analyser en détail tout ce qui s'est dit aujourd'hui, ainsi que tous les précédents. J'examinerai la question et je ferai rapport à la Chambre sous peu.

Si aucun autre député ne veut intervenir au sujet de cette question de privilège, je ferai certaines recherches et m'adresserai de nouveau à la Chambre pour rendre ma décision.

M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, je pourrais peut-être venir en aide à la présidence.

Je sais que cette question préoccupe beaucoup le gouvernement et les simples députés, qui voudraient qu'elle soit vite réglée. On vous demande de rendre une décision importante, monsieur le Président, au sujet des questions qui ont été soulevées ici, aujourd'hui, et je sais que vous le ferez.

Pour revenir à l'objection à propos de l'ordre des travaux, je me demandais, monsieur le Président, si vous pourriez, par l'entremise du gouvernement, prendre une décision au sujet du projet de loi C-45, dont l'étude est inscrite à l'ordre du jour d'aujourd'hui. Les leaders à la Chambre pourraient peut-être rencontrer les membres du Comité de la justice et leur demander de faire rapport du projet de loi C-234, afin que la Chambre puisse débattre de cette mesure législative. Ensuite, nous pourrions examiner le projet de loi C-45.


4202

Nous serions alors en mesure de porter un jugement en ce qui concerne le fond du projet de loi.

Le Président: Vous savez, bien sûr, que la présidence répugne à donner des directives aux leaders parlementaires. Vous avez bien fonctionné jusqu'ici et vous poursuivrez sûrement dans cette voie. Ce sont aux leaders parlementaires de négocier; quant à moi, je rendrai sous peu une décision au sujet de la question de privilège.

Y a-t-il d'autres députés qui veulent soulever la question de privilège?

(1135)

Mme Jennings: Monsieur le Président, je vous ai avisé par écrit de mon intention de soulever la question de privilège à propos de ce qui est arrivé à mon projet de loi. Je crois qu'on a porté atteinte à mon privilège et aux privilèges de la Chambre en cette matière.

Il n'est pas correct qu'un groupe de députés, dans ce cas-ci les membres du Comité de la justice, nie à la majorité, à savoir . . .

Le Président: J'ai le plus grand respect pour ma collègue, mais je crois qu'elle parle de la question de privilège dont je me propose de traiter, comme je l'ai dit tout à l'heure. Si ce n'est pas le cas et s'il s'agit d'une toute nouvelle question de privilège, la députée de Mission-Coquitlam voudra bien avoir l'obligeance de me le dire après qu'elle aura entendu ma décision et nous pourrons peut-être y revenir alors. D'accord?

Mme Jennings: D'accord.

______________________________________________


4202

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LA LOI SUR LA RADIODIFFUSION

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-216, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (politique canadienne de radiodiffusion), dont le comité a fait rapport avec une proposition d'amendement.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le vice-président: Chers collègues, il y a trois motions d'amendement inscrites au Feuilleton des Avis pour ce qui concerne l'étape du rapport du projet de loi C-216, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (politique canadienne de radiodiffusion).

À la demande écrite de l'honorable député d'Ottawa-Vanier, la motion no 3 ne sera pas proposée.

[Traduction]

Par conséquent, les motions nos 1 et 2 seront regroupées aux fins du débat et mises aux voix comme ceci. La motion no 1 sera mise aux voix séparément. Si les oui l'emportent alors, il ne sera pas nécessaire de mettre la motion no 2 aux voix. Par contre, si les non l'emportent pour la motion no 1, il faudra que la motion no 2 soit mise aux voix.

[Français]

Je vais maintenant soumettre les motions nos 1 et 2 à la Chambre.

MOTIONS D'AMENDEMENT

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ) propose:

Motion no 1
Que le projet de loi C-216 soit modifié par suppression de l'article 1.
M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton, Lib.): propose:

Motion no 2
Que le projet de loi C-216, à l'article 1, soit modifié par substitution, aux lignes 11 et 12, page 1, de ce qui suit:
«télévision payante ou spécialisé, à moins que».
M. Leroux (Richmond-Wolfe): Monsieur le Président, tout d'abord, si vous me le permettez, au nom de l'opposition officielle et de tous mes collègues parlementaires du Bloc québécois, je voudrais témoigner ici, en ce début de session, puisque nous nous retrouvons, de notre compassion et de notre solidarité envers toutes les personnes qui, au Québec, au Saguenay, sur la Côte-Nord et en Estrie, ont dû vivre des moments très difficiles cet été lors des sinistres qui s'y sont produits.

Je voudrais également témoigner de cette compassion et de cette solidarité envers les personnes qui viennent tout juste de subir un peu le même sort en Nouvelle-Écosse et à St. John's, Terre-Neuve, à la suite du passage de cette tornade.

Donc, il est important de témoigner de notre solidarité humaine envers nos concitoyens, et c'est ce que j'ai voulu faire.

Dans la même lancée, nous avons vécu des drames importants au Québec cet été, entre autres, l'assassinat de quelques femmes au Québec. Donc, on est témoins d'une violence croissante dans la société et l'opposition officielle voudrait inviter ce gouvernement à créer des conditions de plus grande justice dans la société afin que nos concitoyens ne se retrouvent pas dans des situations de désespoir, de drame et de tragédie.

L'opposition officielle offre toute sa compassion et sa solidarité à toutes les victimes.

Le projet de loi C-216 présenté par mon collègue de Sarnia-Lambton vise à interdire aux radiodiffuseurs, c'est-à-dire aux câblodistributeurs, la facturation par défaut, ce qui signifie d'offrir un service de postes ou d'émissions de télévision sur câble en incitant le consommateur à réagir lui-même s'il veut retenir ou pas le service que la compagnie facture.

(1140)

Si elle ne reçoit pas d'avis négatif, à ce moment-là, elle procède et facture les clients. On appelle ça une facturation par défaut. Il faut dire que notre collègue de Sarnia vise un fondement qui est réel dans notre société, c'est-à-dire qu'on ne doit pas permettre à des compagnies d'avoir des pratiques commerciales au détriment des consom-


4203

mateurs. Dans ce sens, notre collègue de Sarnia propose un projet de loi qui vise effectivement la protection des consommateurs.

Il y a un problème au-delà de la proposition de protection du consommateur, c'est que la loi proposée en cette Chambre vient jouer dans les juridictions déjà assumées par les provinces au chapitre de la commercialisation.

Deuxièmement, le projet de loi tel que déposé en Chambre aura pour conséquence d'augmenter la difficulté d'offre de services francophones dans les communautés francophones et au Québec. Au Québec, le marché étant plus petit, nous aurons une pratique commerciale à bien cerner qui veut que lorsqu'un service est offert pour joindre le niveau de rentabilité, nous devons avoir une pénétration beaucoup plus grande. Troisièmement, dans ce projet de loi il n'y a aucune résonance, aucune compatibilité avec la structure de l'industrie de la câblodistribution.

Je voudrais revenir sur ces aspects, mais replacer un peu le contexte de ce projet de loi. Il faut se souvenir que ce projet de loi fait suite à une révolte des consommateurs et des consommatrices du Canada anglais, particulièrement de la région de Vancouver-et la région de Toronto, mon collègue a raison-survenue en janvier 1995 contre le nouvel agencement des blocs de services mis en onde par la compagnie Rogers.

Rogers en a profité pour refaire ses blocs de services et offrir aux consommateurs des blocs totalement différents de ce qu'ils avaient, en augmentant les coûts et en mettant sur les épaules des consommateurs le fardeau de décider ou non s'ils les retenaient, après quoi, après tant de jours, ils les facturaient.

La responsabilité d'informer les câblodistributeurs de son intention de ne pas abandonner ces nouveaux canaux était donc une facturation par défaut, ce qui est déjà interdit au Québec et dans quelques autres provinces selon la Loi de la protection du consommateur.

Je vous donne l'exemple du Québec. Comment cela s'est-il fait? Vidéotron, par exemple, n'a pas offert de services étagés. La compagnie n'a pas modifié ses services, elle a inséré les nouveaux canaux dans son service de base sans augmenter les tarifs. Quant à Cogeco et CF Cable, eux, ils en sont venus à une entente avec l'Office de la protection du consommateur. Ils ont démontré l'importance et la nécessité de la pénétration du marché francophone pour faire en sorte que l'offre de services soit rentable. Cela a été une pratique de négociation et de respect de la loi dans la juridiction du Québec.

Il faut ajouter que cela ne s'est pas produit de cette façon ailleurs, donc il y a eu révolte surtout au Canada anglais là où il n'y avait pas de loi de protection du consommateur. Comment est-ce que cela affecte les provinces dans leur propre juridiction? Pour bien situer le débat, je voudrais citer qu'en vertu de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, les relations commerciales qui ont cours entre un consommateur et un distributeur de services sont définies comme suit:

Dans chaque province, la législature pourra exclusivement faire les lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujet ci-dessous énumérés, à savoir: la propriété et les droits civils.
Donc, toute la pratique commerciale dans laquelle il existe un contrat entre quelqu'un qui offre un service et quelqu'un qui achète un service. Cet article de la Constitution s'applique à toutes les entreprises y inclus celles qui relèvent du gouvernement fédéral.

Même si le CRTC a l'autorité d'accorder des licences aux entreprises de radiodiffusion, le gouvernement du Québec, comme toutes les autres provinces, a pour sa part l'autorité de légiférer dans les relations commerciales entre ces institutions et les consommateurs.

(1145)

Cette juridiction exclusive au Québec et dans les autres provinces dans le domaine a été d'ailleurs reconnue par l'ex-ministre du Patrimoine, M. Dupuy, en janvier 1995. Mais pour être plus fiable que cette simple reconnaissance, il faut faire référence déjà à un jugement rendu par la Cour suprême.

La Loi québécoise sur la protection du consommateur interdit la pratique de la facturation par défaut, et je la définis en quelques articles: aucun commerçant, manufacturier ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, premièrement, exiger quelque somme que ce soit pour un bien ou un service qu'il a fait parvenir ou rendu à un consommateur, sans que ce dernier l'ait demandé.

Donc, la Loi sur la protection du consommateur s'applique même à une entreprise sous la juridiction fédérale puisqu'elle concerne la pratique commerciale d'un contrat. Ainsi, dans l'arrêt Kellogg's Company of Canada, le juge Martland écrit, et c'est très important pour délimiter les juridictions:

Les Kellogg ne sont pas dispensées de l'application des restrictions imposées aux pratiques publicitaires parce qu'elles choisissent un support publicitaire soumis au contrôle fédéral.
J'ai déjà mis en garde le député et le comité sur cette question parce qu'un tel projet de loi au fédéral relance tout le débat des juridictions fédérales-provinciales sur la question de la pratique commerciale. Kellogg s'est essayée, elle.

On voit bien que par cette pratique, les compagnies essayeraient de contester la Loi sur la protection du consommateur du Québec en demandant à la Cour suprême de qui relève la juridiction. Ce jugement de Kellogg's Company déclare que «l'objet du règlement sur la publicité adoptée sous l'autorité de la Loi de la protection du consommateur du Québec vise la protection de l'enfant contre les effets préjudiciables de certaines annonces publicitaires. La province peut réglementer la publicité d'une entreprise commerciale à l'intérieur d'une province, même si celle-ci est de juridiction fédérale. Donc, les Kellogg ne sauraient être dispensées de l'application des restrictions imposées aux pratiques publicitaires parce qu'elles choisissent un support publicitaire soumis au contrôle fédéral».

C'est très clair. La juridiction relève de la province et c'est la province qui régit la question des relations commerciales.

En conclusion, monsieur le Président, puisque vous vous apprêtez à me dire que mon temps est écoulé, je voudrais dire que le Bloc québécois s'est opposé à ce projet de loi, premièrement, à cause de la juridiction, et deuxièmement, à cause de la grande difficulté qu'auront les nouveaux services en français à être offerts partout, parce qu'on dit dans ce projet de loi que pour que la compagnie offre un service nouveau, il faut qu'elle ait le consentement de tous ses abonnés.


4204

Je vois très mal, dans une situation où la communauté francophone est minoritaire dans une province, obtenir des services en français. On l'a vu dans le passé. Cela devient un danger très grand pour l'ensemble de la francophonie. Troisièmement, la pénétration d'un service, pour qu'elle soit rentable, doit être d'une grande proportion au Québec, c'est-à-dire de l'ordre de 80 à 85 p. 100. Or, ce projet de loi empêche les câblodistributeurs de faire leur travail et de donner les services en français à de nouveaux postes au Québec.

Sur ce, le Bloc québécois présente cet amendement dans le but de retirer ce projet de loi.

[Traduction]

M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer, à l'étape du rapport, au débat sur la mesure d'initiative parlementaire que j'ai présentée, le projet de loi C-216.

Cette mesure a un objectif précis, celui d'interdire aux câblodistributeurs la facturation par défaut. Cette interdiction viserait aussi les autres entreprises de distribution telles que définies dans la Loi sur la radiodiffusion, par exemple celles de radiodiffusion directe par satellite.

Dans la motion no 1, le député de Richmond-Wolfe propose un amendement que je ne puis appuyer. Celui-ci aurait pour effet de rendre le projet de loi tout à fait inopérant. En d'autres termes, nous ne pouvons laisser tomber les consommateurs et permettre que se reproduise le fiasco de l'an dernier en matière de câblodistribution.

Je sais que le porte-parole du Bloc croit qu'au Québec la Loi sur la protection du consommateur interdit aux câblodistributeurs de pratiquer la facturation par défaut. Je dois toutefois dire que je m'y perds un peu, car j'ai entendu cet argument, mais j'en ai aussi entendu un autre selon lequel si les dispositions s'appliquent au Québec, elles ne devraient pas s'appliquer à l'extérieur de cette province.

En réalité, au Québec, tous les nouveaux services de programmation sont commercialisés selon le mode de facturation par défaut. En fait, les consommateurs québécois se voient généralement offrir moins de choix par les câblodistributeurs que ceux d'ailleurs au Canada. Au Québec, les nouveaux services s'ajoutent simplement au service de base et le prix augmente. Il n'y a pas d'autres volets de services spécialisés.

(1150)

L'industrie de la câblodistribution joue un rôle unique et a de vastes pouvoirs lorsqu'il s'agit d'offrir des services de programmation aux Canadiens. Rares sont les industries qui peuvent fournir un service directement dans nos foyers, 24 heures par jour, 365 jours par année.

Mais ce qu'il importe surtout de souligner, c'est qu'au Canada, l'industrie de la câblodistribution a le monopole des services qu'elle offre. Elle a abusé de ses pouvoirs et de ses relations uniques avec les consommateurs en recourant à une pratique scandaleuse, celle de la facturation par défaut, pour commercialiser la dernière série de canaux spécialisés.

Avec la bénédiction du CRTC, les monopoles que sont les câblodistributeurs ont ajouté de nouvelles chaînes spécialisées à leurs services actuels et ont, du même coup, augmenté leurs tarifs, mais il semble que personne n'a ressenti le besoin de demander aux consommateurs et aux clients s'ils voulaient les nouvelles chaînes. C'était aux clients de communiquer avec leur câblodistributeur pour annuler le service avant qu'il ne soit facturé. Pis encore, certains des plus gros câblodistributeurs ont offert les nouvelles chaînes de telle manière qu'en les annulant le client perdait en même temps des chaînes déjà offertes.

Vers la mi-janvier 1995, les câblodistributeurs ont enfin renoncé à forcer les clients à annuler des chaînes auxquelles ils sont maintenant abonnés pour éviter de payer pour les nouvelles. Ils se sont excusés. Ils ont allongé la période d'écoute gratuite. Cependant, il incombait toujours aux clients d'annuler les nouveaux services avant qu'ils ne figurent sur leur compte. Le mode d'abonnement par défaut existe toujours et demeure une menace à l'heure actuelle.

Ce projet de loi a d'abord été déposé en février 1995 en réponse aux consommateurs canadiens qui demandaient que l'on mette fin à cette pratique. Il a été présenté de nouveau pendant la session actuelle du Parlement et a été adopté en deuxième lecture le 30 avril 1996, et par une écrasante majorité d'ailleurs. Il a ensuite été renvoyé au Comité permanent du patrimoine canadien.

En mai, le comité a entendu des témoignages de divers groupes de consommateurs, de représentants de l'industrie de la câblodistribution et de porte-parole du CRTC. Le 30 mai dernier, à une séance du comité, le secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien a proposé un amendement au projet de loi C-216. L'amendement a été accepté par le comité et le projet de loi modifié a été renvoyé à la Chambre.

L'amendement du secrétaire parlementaire venait améliorer et préciser le projet de loi. Je voudrais remercier le député ainsi que tous les membres du comité des efforts qu'ils ont déployés à cet égard.

La Chambre doit aussi se rappeler que le secrétaire parlementaire a proposé une modification au projet de loi C-216 après le témoignage du CRTC. Les agents du CRTC avaient proposé une formulation différente pour améliorer le projet de loi.

Certains pensent qu'il n'est pas nécessaire de légiférer pour mettre fin à la facturation par défaut pratiquée par les câblodistributeurs, car ceux-ci ont appris leur leçon.

La semaine dernière, nous avons entendu la déclaration de la nouvelle présidente du CRTC. Elle a annoncé l'autorisation de 23 nouveaux canaux spécialisés. Nous avons aussi entendu l'ancien président, M. Spicer, devant le comité du patrimoine. Il a déclaré qu'il n'y avait plus à s'en faire, mais il réclamait des assurances. Il a également déclaré que l'adoption du projet de loi C-216 ne ferait aucun mal. C'est ce que recommandait l'ancien président du CRTC.

Le président de l'Association canadienne de télévision par câble, M. Stursberg, a déclaré devant le comité que les câblodistributeurs n'auraient plus recours à la facturation par défaut. Ils ont affirmé qu'ils n'y reviendraient plus. Je suis prêt à les prendre en défaut là-dessus. La semaine dernière, j'ai obtenu confirmation que, contrairement à ce qu'ils nous ont laissé croire, les câblodistribu-


4205

teurs ont l'intention de recourir à la facturation par défaut pour commercialiser les nouveaux canaux spécialisés.

J'ai reçu un appel de Pauline Couture, une lobbyiste qui représente un des 23 canaux spécialisés. Elle a franchement admis que la facturation par défaut était prévue dans la stratégie de commercialisation de son client. Lorsque je lui ai demandé comment cela se pouvait étant donné les engagements pris par les câblodistributeurs, elle a affirmé que, à son avis, il existait plusieurs formes de facturation par options.

Nous voyons bien comment l'industrie a l'intention de tenir l'engagement qu'elle a pris envers les consommateurs. Elle aura recours à la facturation par défaut, mais en lui donnant un autre nom. Cela est inacceptable. Les câblodistributeurs ont déclaré qu'ils ne le feraient plus. Pourquoi essaient-ils donc de faire échec du projet de loi C-216?

La semaine dernière, des journalistes ont affirmé que André Bureau faisait du lobbying auprès des députés pour les convaincre de dénoncer le projet de loi C-216. Il est intéressant de souligner que, jusqu'en 1989, le même André Bureau était président du CRTC et pourrait probablement être décrit comme étant le parrain de la facturation par défaut. Il a été le premier à approuver cette pratique. Il est maintenant PDG d'Astral Broadcasting, un groupe qui oeuvre dans le domaine de la commercialisation des canaux spécialisés.

En ce qui concerne l'amendement proposé par le porte-parole du Bloc, je tiens à dire à mon collègue que je suis en désaccord avec lui sur la question de compétence. Je signale que les compagnies de câblodistribution, les compagnies de téléphone et les compagnies de radiodiffusion directe à domicile par satellite sont toutes assujetties à la réglementation fédérale. Elles sont donc exclues des lois provinciales, spécialement des lois sur la protection du consommateur. Si mon collègue prenait le temps d'examiner attentivement la loi québécoise sur la protection du consommateur, il verrait que certains services en sont exclus de façon précise à l'article 5, soit les contrats relatifs à tout service de télécommunication offert par une société exploitante.

(1155)

Enfin, je demanderais à mon collègue du Bloc pourquoi, si son parti maintient que le Québec a déjà résolu le problème de la facturation par défaut par l'industrie de la câblodistribution, nous, à la Chambre, ne devrions pas faire la même chose pour le reste des consommateurs au Canada.no

Au sujet de la motion no 2, celle que j'ai proposée, je veux expliquer brièvement pourquoi j'ai proposé cette petite modification au projet de loi C-216. Mon amendement propose de supprimer les mots «que le titulaire n'ait été autorisé et», à la ligne 12 du projet de loi C-216.

Ces mots qui ont été ajoutés dans le cadre de l'amendement adopté à l'étape de l'étude en comité sont redondants. Ils sont absolument inutiles parce que l'alinéa 3(1)t) de la Loi sur la radiodiffusion, que mon projet de loi vise à modifier, dit déjà clairement que nous parlons d'entreprises de distribution ou, autrement dit, de câblodistributeurs autorisés à offrir des services de programmation.

Comme cela est déjà précisé de façon très claire dans la Loi sur la radiodiffusion, il est inutile d'ajouter ces mots dans le projet de loi C-216. Par conséquent, j'encourage tous les députés à appuyer la motion no 2, qui correspond essentiellement à la motion qui a été présentée par le secrétaire parlementaire et à la modification qui a été proposée par le CRTC lui-même.

[Français]

M. Guy H. Arseneault (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je me lève aujourd'hui pour me prononcer sur le projet de loi de l'honorable député. J'aimerais également saisir l'occasion pour féliciter le député pour le travail qu'il y a consacré.

Comme, me semble-t-il, la plupart des députés de cette Chambre, je partage l'objectif recherché par l'honorable député de Sarnia-Lambton qui présente ce projet de loi. Nous sommes tous d'accord pour dire que les Canadiens doivent pouvoir s'exprimer pleinement sur les émissions qui sont reçues dans leur foyer. Nous voulons tous nous assurer que les consommateurs canadiens obtiennent les programmes qu'ils désirent à un prix raisonnable. À cet effet, je félicite l'honorable député de son initiative.

Tout en appuyant les motifs sous-jacents à ce projet de loi, j'ai eu l'occasion de discuter et de revoir ce projet de loi avec d'autres parlementaires, et en vue des questions qui ont été soulevées, j'en conclus que ce projet de loi aurait des effets inattendus et dramatiques.

Sans l'avoir voulu, le projet de loi limiterait la capacité du Canada de garantir un contenu canadien et la disponibilité de programmes francophones hors Québec. En tant que francophone hors Québec, je crois que l'accès des régions hors Québec à une programmation en français est essentielle. À titre d'exemple, si la loi présentement proposée avait été en vigueur il y a quelques années, il aurait été fort possible que nous n'ayons pas aujourd'hui Newsworld et RDI. Bien que je considère l'honorable intention de ce projet de loi, je crois que ses conséquences inattendues seraient dévastatrices.

En présentant ce projet de loi, l'honorable député souhaitait garantir que tous les Canadiens soient traités de façon juste et équitable. Malheureusement, ce projet de loi supprimerait la souplesse dont le CRTC a besoin pour assurer la justice et l'équité en question.

Comme tel, tout en félicitant le député de ses intentions en proposant ce projet de loi, les conséquences inattendues de ce projet de loi m'obligent à voter en sa défaveur.

(1200)

[Traduction]

En somme, le projet de loi repose sur une intention louable. Si l'on étudie les observations faites par les députés de tous les partis, on voit qu'ils appuient l'intention sous-jacente au projet de loi, qui est de protéger les consommateurs en empêchant l'abonnement par défaut.

Or, le projet de loi à l'étude nous semble aller plus loin encore car il réduit sensiblement la marge de manoeuvre du CRTC et celle du gouvernement. Je puis en donner un exemple, comme je le disais. Si


4206

ce projet de loi avait eu force de loi il y a déjà plusieurs années, nous n'aurions peut-être pas «Newsworld» ou son équivalent français, RDI.

Je me vois donc dans l'impossibilité d'appuyer ce projet de loi car il limiterait la liberté d'action du gouvernement canadien. Il aurait également des effets négatifs sur le contenu canadien et sur les régions rurales. En fait, ce projet de loi aurait des répercussions négatives à la grandeur du Canada.

Les députés sont clairement opposés à l'abonnement par défaut. La nouvelle présidente du CRTC a indiqué sa préférence pour l'abonnement volontaire. Les cablôdistributeurs se sont prononcés contre l'abonnement par défaut et ont indiqué qu'ils n'avaient pas l'intention d'avoir recours à cette pratique.

Le député qui a parrainé ce projet de loi mérite des félicitations. Compte tenu de la créativité qui le caractérise et de sa maîtrise du sujet, je ne doute pas qu'il saura proposer à l'avenir à la Chambre une nouvelle mesure qui traite directement de l'abonnement par défaut.

Je conseille aux députés d'examiner le projet de loi avant de voter. Il pourrait avoir des répercussions sérieuses dans leurs régions respectives, sur le contenu canadien et sur la liberté d'action du CRTC en ce qui concerne la distribution de la programmation au Canada.

[Français]

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux d'apprendre du porte-parole de Patrimoine Canada qu'on s'oppose au projet de loi C-216 parce qu'effectivement c'est un très mauvais projet de loi.

Il est sûr que ce un projet de loi est un peu comme le char d'assaut à la poursuite d'un moustique. On essaye de camoufler un problème qui va peut-être se régler lui-même. On sait que c'est à la suite d'un cas plutôt scandaleux à Vancouver où la compagnie Rogers a trouvé une façon de passer des canaux qui étaient déjà payés, de repasser ces canaux à des abonnés en utilisant cette facturation par défaut.

D'ailleurs, cela a été tellement scandaleux que les compagnies de câblodistribution ont été assez intelligentes pour apprendre que ce n'est peut-être pas la façon d'agir avec leurs abonnés. Cela a fait un tel tollé à Vancouver, même à Toronto et à travers le Canada anglais que les compagnies de câblodistribution vont bien sûr se surveiller à l'avenir.

Non seulement cela, mais aussi parce que, éventuellement sans doute, le gouvernement va présenter un projet de loi concernant la concurrence dans la câblodistribution. De plus on va voir les câbles par satellite ou la télévision par satellite qui ajouteront encore plus de pression sur les compagnies de câblodistribution.

Tout cela pour vous dire que le problème, bien sûr, existe jusqu'à un certain point, qu'une compagnie et pas la moindre en a abusé. Il y a sûrement de l'espoir pour que cela se corrige de façon naturelle, sans que le gouvernement soit nécessairement obligé d'intervenir avec autant de force, comme un char d'assaut à la poursuite d'un moustique.

D'ailleurs il y a plusieurs raisons pour s'opposer à ce projet de loi. D'abord il viole la juridiction provinciale en matière de relations commerciales. On sait très bien que dans le cas du Québec, le Québec a déjà adopté une loi, a déjà des ententes avec les compagnies au Québec sur la question.

(1205)

Donc, c'est déjà un mauvais projet de loi parce qu'il ne respecte pas la juridiction provinciale. On sait aussi, sans entrer dans les détails parce que ce serait ennuyeux peut-être, que la façon dont le projet de loi est formulé et amené démontre clairement que le député en question ne connaît pas l'industrie de la câblodistribution parce que cela ne concorde pas du tout avec le fonctionnement de cette industrie. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle les industries elles-mêmes d'opposent à ce projet de loi.

Mais surtout, la raison pour laquelle le Bloc s'oppose à ce projet de loi c'est que, dans le fond, il empêche la mise en place de nouveaux canaux, spécialisés ou autres, sans qu'il y ait d'avance une approbation de la majorité des abonnés du secteur. Autrement dit, chaque fois qu'une compagnie de câblodistribution cherche à offrir un nouveau canal à ses abonnés, elle doit s'assurer que la majorité d'entre eux l'approuvent.

Évidemment, d'emblée, c'est presque impossible, sachant et connaissant, comme l'ancien ministre du Patrimoine le sait, que c'est une chose, sur le plan pratique, qui ne peut se faire, mais aussi, pire encore, ça désavantage tous les canaux francophones au Canada, bien sûr, encore une fois.

C'est assurément un frein au développement de l'industrie de la télévision française au Canada. Par exemple, si ce projet de loi était en force actuellement, il est fort à parier que TVA ne serait peut-être même pas disponible à Hull actuellement.

De toute façon, les preuves sont faites, RDI, un poste spécialisé que j'adore, qui apporte beaucoup d'information sur les politiques canadienne et étrangère, est disponible seulement à 40 p. 100 des francophones canadiens. Seulement 40 p. 100 des canadiens francophones ont accès à RDI. Pourtant, malgré toutes les promesses du gouvernement selon lesquelles ce réseau, ce canal devait être rendu disponible à tous les francophones, autant au Manitoba qu'ailleurs, il ne l'est pas actuellement.

Et ce projet de loi ferait en sorte que les francophones hors Québec n'auraient absolument aucun espoir de voir RDI ou d'autres canaux francophones.

Il y en a plusieurs, mais le problème central qui fait que ce projet de loi est mauvais, c'est qu'il trahit une mauvaise compréhension du Canada et qu'il ne respecte pas la réalité actuelle, surtout celle de mettre de l'avant un principe, même dans la câblodistribution, que la majorité doit approuver les canaux ou les services offerts à la minorité.

Encore une fois, c'est significatif. Cela démontre la grande différence entre le Canada anglais et le Québec. Du moins, ça soulève un autre exemple de l'incompréhension et de l'oubli du fait qu'il se trouve y avoir une province francophone, le Québec, mais il y a également des francophones au Canada, ce qu'on oublie carrément. C'est comme s'ils n'existaient même pas.

En plus, le Québec a déjà adopté une loi en cette matière. Le gouvernement du Québec est déjà arrivé à une entente. Donc il est regrettable que ce projet de loi soit même considéré. On perd notre temps, en fait, malgré que je sois quand même content de voir que le député porte-parole en matière du patrimoine canadien s'y soit


4207

opposé. J'espère que le député d'Ottawa-Vanier fera de même, parce qu'étant lui-même un franco-Ontarien il a suggéré un amendement au projet de loi, sans qu'il ne s'agisse d'un amendement qui fait en sorte que le projet de loi aille à la poubelle, comme ce devrait être le cas.

(1210)

[Traduction]

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole sur le projet de loi C-216.

J'ai écouté ceux qui ont pris la parole avant moi, soit le secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, ainsi que le député du parti séparatiste. Je crois qu'ils passent à côté de la véritable intention du projet de loi. Cette mesure n'a pas pour but de protéger un canal en particulier ou encore le contenu canadien ou francophone. Il s'agit simplement de protéger le consommateur.

Je ne peux pas comprendre que les députés puissent avoir aussi mal interprété l'affaire. Leurs arguments vont complètement dans le sens contraire de celui que voulait donner à ce projet de loi le député de Sarnia-Lambton.

Nous commençons le premier jour de cette session d'automne avec un projet de loi qui, selon moi, est une bonne mesure législative. Qu'on le considère valide ou non parce qu'il empiète sur les compétences provinciales, c'est une autre histoire. Ça reste une bonne mesure législative, tout comme le projet de loi d'initiative parlementaire présenté par le député de York-Sud-Weston. J'espère seulement que les libéraux ne réservent pas le même sort à ce projet de loi qu'au C-226.

Je suis sûr que beaucoup de députés de la Chambre se souviennent de la grande révolte du câble de janvier 1995. À cette époque, les Canadiens de tout le pays se sont affirmés. Ils nous ont dit: «Nous n'apprécions pas ce que les câblodistributeurs nous font. Nous n'aimons pas la manière dont ils facturent leurs services. Nous disons non. Nous voulons avoir la possibilité de passer commande si ça nous plaît. Si nous voulons des canaux supplémentaires, nous les commanderons. Merci beaucoup.»

Les câblodistributeurs avaient cru avoir trouvé une technique de commercialisation brillante en offrant les canaux, puis en demandant aux gens de leur faire savoir qu'ils n'en voulaient pas, plutôt que le contraire.

Beaucoup de bureaux de députés ont été submergés d'appels et leurs télécopieurs sont restés passablement occupés au cours de cette période. Je me souviens d'avoir lu que le bureau du député d'Ontario avait reçu assez de messages par télécopieur pour que la machine tombe en panne.

Cette grande révolte des consommateurs a été déclenchée par une technique de commercialisation créée par les câblodistributeurs. Les députés se souviendront que sept nouveaux canaux spécialisés sont diffusés à la télévision par câble depuis le 1er janvier 1995 et que les abonnés du câble ont reçu ces canaux gratuitement pour un certain temps. À la fin de la période d'essai, c'est l'abonné qui devait téléphoner au câblodistributeur pour l'aviser qu'il ne voulait pas être facturé pour ces canaux. C'est un peu différent de ce qu'on faisait avant-on laissait les abonnés commander le service qu'ils voulaient. Voilà qu'ils doivent maintenant dire qu'ils n'en veulent pas pour ne pas avoir à les payer.

C'est ainsi qu'on en est venu à appeler cela abonnement par défaut. Les consommateurs doivent exercer leur option de refuser le service, faute de quoi ils devront le payer.

La plupart des Canadiens ou bien ne savaient pas que cette responsabilité leur incombait ou bien ne voulaient tout simplement pas s'embêter à téléphoner pour refuser les nouveaux canaux. Résultat, beaucoup de Canadiens ont été facturés pour un service dont ils ne voulaient pas et comprennent encore moins la méthode de facturation qu'essayaient de leur imposer les câblodistributeurs.

Quoi qu'il en soit, l'abonnement par défaut est une vache à lait pour les câblodistributeurs et c'est pourquoi ils préfèrent cette méthode. Ils savent qu'il règne une certaine confusion dans l'esprit des consommateurs.

Comment, autrement, facturer un service non requis au départ? L'abonnement par défaut est le seul moyen.

On devrait donner aux consommateurs la possibilité de choisir ce qu'ils veulent. Ce n'est que juste. L'abonnement par défaut renverse cette notion en exigeant du consommateur qu'il refuse un service s'il ne veut pas que ce dernier lui soit facturé.

(1215)

C'est là toute la question derrière le projet de loi d'initiative parlementaire dont nous sommes saisis et non ce prétexte qui consiste à se demander si cela va nuire à un certain groupe de canaux en particulier. La protection des canaux de langue française est seulement un prétexte.

Il semble que les adeptes de ces canaux aient réussi à convaincre les députés du Bloc et le secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien. Il y a seulement quelques mois, le gouvernement disait que ce projet de loi était bon. Et voilà que tout à coup, à la fin de l'été-peut-être des magnats d'une compagnie de câblodistribution sont-ils allés à la pêche une fin de semaine en compagnie de certains ministres-certains ministres reviennent avec une tout autre idée de ce projet de loi. C'est étonnant ce qui peut se passer au cours d'un été.

Récemment, le CRTC a accordé des permis à toute une nouvelle série de canaux. Les consommateurs se demandent s'ils devront subir un autre matraquage publicitaire comme celui de janvier 1995 en faveur de l'abonnement par défaut. Il s'agit de protéger les consommateurs et j'espère que la Chambre posera le bon geste en ce sens, en adoptant le projet de loi C-216 avant l'arrivée de ces nouveaux canaux. Malheureusement, c'est rarement ce qu'elle fait.

De plus, à l'avenir, de nouveaux compétiteurs envahiront le marché pour faire concurrence aux entreprises de câblodistribution. Auront-ils, eux aussi, le droit d'avoir recours à l'abonnement par défaut comme méthode de marketing? Quel sera donc le sort du pauvre consommateur dans tout cela? Nous avons vu le tollé de protestations l'année dernière, alors que les consommateurs se sont prononcés franchement contre ce genre de facturation. À titre de parlementaires, nous devons agir pour protéger les consommateurs.


4208

Voilà l'objet du projet de loi. Oublions ces magnats de la câblodistribution qui ont réussi à persuader certains libéraux et oublions ces entreprises de câblodistribution francophones qui ont convaincu les députés du Bloc durant l'été. Posons le geste approprié et protégeons les consommateurs du pays.

Si nous adoptons le projet de loi C-216, nous pouvons être assurés que les nouveaux câblodistributeurs ne pourront pas avoir recours à l'abonnement par défaut et facturer les consommateurs pour un abonnement implicite. Nous pouvons être assurés que les Canadiens recevront uniquement les services qu'ils auront vraiment commandés et qu'ils seront disposés à payer.

Certaines assemblées législatives provinciales ont déjà pris l'heureuse initiative d'adopter une mesure semblable pour interdire toute facturation pour abonnement par défaut dans leur province, ce qui est excellent. Si, en bout de ligne, nous constatons que c'est à ce palier que cette compétence se situe, nous aurons au moins fait savoir aux consommateurs canadiens que la Chambre des communes prend leurs intérêts à coeur.

Je crois que les Canadiens veulent que soit interdite cette forme de marketing et qu'ils se sont exprimés clairement à ce sujet. Tous les députés savent à quel point leurs électeurs sont résolus à cet égard.

Les entreprises de câblodistribution méritent une bonne partie du blâme pour ce genre de marketing rusé et douteux, mais le CRTC est aussi à blâmer. L'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion stipule que le CRTC doit demeurer réceptif à l'évolution de la demande du public. A-t-il vraiment été réceptif? Je crains que non. A-t-il été à l'écoute des Canadiens? La réponse est non.

Les Canadiens ne veulent plus de l'abonnement par défaut. Le CRTC affirme que c'est un mal nécessaire lorsque de nouveaux services de programmation sont mis en place. Cependant, lorsque le président du CRTC a témoigné devant le comité du patrimoine en mai, il a déclaré qu'il n'y avait pas de mal à adopter le projet de loi C-216.

Il me semble que les membres du CRTC tiennent un double langage. L'un d'entre eux dit que l'on peut adopter le projet de loi et un autre déclare le contraire. Les Canadiens en sont venus à la conclusion que le CRTC ne répond pas à leurs préoccupations et qu'il ne les protège pas de cette forme de commercialisation.

Les Canadiens veulent avoir accès aux services de transmission directe par satellite qui existent dans tous les autres pays industrialisés, mais le CRTC dit non, car ce serait une menace pour la culture canadienne. Le CRTC préfère refuser aux consommateurs ce qu'ils veulent vraiment, c'est-à-dire la possibilité ou le privilège de choisir ce qu'ils veulent voir.

(1220)

Avec cette forme d'abonnement tacite, les câblodistributeurs en profitent grassement et le CRTC peut faire injecter de l'argent dans la programmation canadienne.

C'est répréhensible et cela doit cesser. Le Québec, la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique ont pris des mesures pour interdire les abonnements tacites, pour des biens et certains services de câblodistribution, parce que les gens ont fait clairement savoir à leurs premiers ministres qu'ils n'en veulent pas.

La Chambre se doit d'appuyer ce projet de loi. En ce qui me concerne, je n'ai aucune réserve à l'appuyer, car c'est un projet de loi de protection. Un projet de loi visant à protéger le consommateur canadien.

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, cette mesure législative aurait pour effet d'interdire la pratique de l'abonnement par défaut à laquelle ont recours les câblodistributeurs. Je veux présenter à mes collègues les aspects positifs et les aspects soi-disant négatifs de ce projet de loi.

Ce qui importe, et je crois que là-dessus nous sommes tous d'accord, c'est que si l'abonnement par défaut est malcommode ou injuste pour les Canadiens, nous n'en voulons pas. Nous voulons protéger les consommateurs canadiens.

Toutefois, nous ne le ferons pas à n'importe quel prix. Par conséquent, notre rôle en tant que parlementaires est de considérer les avantages et s'il y a des inconvénients, de les éliminer afin d'assurer la protection des consommateurs canadiens.

J'aimerais faire un bref historique. Le 1er janvier 1995, les câblodistributeurs du pays ont commencé à offrir à leurs 7,5 millions d'abonnés sept nouveaux canaux canadiens spécialisés.

[Français]

La controverse: les abonnés du câble sont facturés automatiquement à moins qu'ils annulent le service. Cette pratique s'appelle l'abonnement par défaut ou en anglais «negative option billing».

L'introduction des nouveaux services en janvier 1995 a soulevé une forte réaction publique. Au CRTC, par exemple, on a reçu près de 9 000 plaintes dans trois semaines. En comparaison, durant toute l'année 1993, le conseil n'a reçu que 1 300 lettres au sujet des services de câbles.

Dans mon bureau, nous avons vivement ressenti la colère publique.

[Traduction]

Nous avons été inondés de lettres et d'appels d'électeurs opposés à cette pratique considérée comme une exploitation inacceptable des consommateurs canadiens.

[Français]

Après la réaction de janvier 1995, il est clair que les Canadiens et Canadiennes s'opposent à être forcés de s'abonner aux services de câble par la pratique de l'abonnement par défaut.

[Traduction]

Ce projet de loi reflète le désir des Canadiens de ne pas voir ce genre d'incident se reproduire. À l'heure actuelle, l'abonnement par défaut est autorisé pour les services de câble discrétionnaires ne relevant pas du CRTC. On m'a dit toutefois que le CRTC pourrait le faire s'il le voulait.


4209

[Français]

Si ce projet de loi est adopté, le CRTC serait obligé de régler et de surveiller l'utilisation de l'abonnement par défaut.

[Traduction]

Il faudrait l'accord des consommateurs pour qu'un nouveau service soit ajouté aux canaux qu'ils reçoivent déjà.

[Français]

Les services reçus par les consommateurs seraient ceux qu'ils veulent recevoir.

[Traduction]

Les députés aimeront peut-être savoir que l'Association des consommateurs du Canada et le Centre pour la promotion de l'intérêt public ont demandé aux députés d'appuyer l'interdiction de cette pratique. Ce projet de loi respecterait le fait que le gouvernement a toujours reconnu que les consommateurs ne devraient pas avoir à payer pour quelque chose qu'ils n'ont pas demandé.

Autre fait intéressant, alors que 92 p. 100 des abonnés canadiens reçoivent le service de base élargi, soit plus que le minimum absolu, en 1993, 66 p. 100 d'entre eux pensaient qu'ils recevaient le service de base et qu'ils payaient le minimum.

Les gens peuvent se poser les deux questions suivantes:

[Français]

Pourquoi faut-il agir dans ce domaine maintenant? Est-ce qu'on devrait agir?

[Traduction]

Le gouvernement fédéral devrait-il s'occuper de cette question?

Pourquoi le faire maintenant? Certains font remarquer que le CRTC a récemment étudié des demandes de licences pour quelque 40 canaux.

[Français]

Le CRTC continue à soutenir l'abonnement par défaut et ce, malgré le fait que le public a clairement indiqué son opposition à cette pratique. Il faut absolument trouver une solution qui est acceptable aux Canadiens.

[Traduction]

L'abonnement par défaut est injuste car il oblige en quelque sorte les consommateurs à annuler le nouveau service avant même qu'il n'apparaisse sur leur facture. À moins qu'ils ne sachent qu'ils peuvent demander de ne pas avoir le service élargi, tous les clients, y compris les nouveaux, recevront les canaux spécialisés et seront obligés de payer leur abonnement plus cher.

(1225)

[Français]

Dans cette situation, on devrait aussi poser la question suivante:

[Traduction]

Le gouvernement fédéral devrait-il se pencher sur cette question? Nous devrions également nous demander si elle relève de la sphère de compétence du gouvernement fédéral. Habituellement, les questions de commerce et de protection des consommateurs incombent aux provinces. Certaines d'entre elles ont déjà interdit l'abonnement par défaut.

[Français]

Mais la télédiffusion est fédérale. Si une compagnie de câble se sert de l'abonnement par défaut dans une province où la pratique est interdite par la loi provinciale, il y a de fortes chances qu'elle réussira à s'en exempter.

[Traduction]

Le gouvernement fédéral doit donc faire preuve de leadership dans ce domaine. Les provinces ne sont peut-être pas en mesure d'agir pour empêcher les abus dans l'abonnement par défaut en ce qui concerne la câblodistribution. Étant donné cette éventuelle porte de sortie, nous devons examiner la question très attentivement.

[Français]

J'ai tiré des conclusions que je vais partager avec mes collègues. La première est que nous avons l'occasion de mettre fin à l'abus de l'abonnement par défaut aux nouveaux services, c'est-à-dire nous à titre de parlementaires. Je crois qu'un nombre de points soulevés indiquent que ce projet de loi n'a peut-être pas été suffisamment sensible et donc c'est à nous à le corriger soit avec un nouveau projet de loi ou simplement en changeant celui-ci. Les Canadiens se sont clairement opposés à cette pratique.

[Traduction]

En continuant de souscrire à l'abonnement par défaut, le CRTC a montré, il me semble, qu'il est déphasé par rapport à un certain nombre de Canadiens. Cette pratique est tellement impopulaire qu'elle risque en fait de nuire à de nouvelles entreprises. Il est abondamment clair que nous devons agir.

[Français]

Il est clair que le temps est maintenant venu de mettre fin à l'abonnement par défaut pour des nouveaux services de câble, mais est-ce que ce projet de loi est la façon de le faire? On me dit que ce projet de loi pourrait malheureusement empêcher l'ajout de nouveaux services comme les chaînes RDI et Newsworld, des services en français. Évidemment, ce n'était pas l'intention de mon collègue. Si c'est le cas, il faudrait que cela soit corrigé.

Est-ce que ce projet de loi limiterait la capacité du Canada de garantir un contenu canadien et la disponibilité de programmes francophones hors Québec? Si c'est le cas, évidemment ce n'était pas son intention, il faudrait changer cela. En présentant ce projet de loi, l'honorable député souhaiterait garantir que tous les Canadiens soient traités de façon équitable. Mais est-ce le cas? Dans la négative, changeons-le.

La concurrence sera plus féroce quand les Canadiens et les Canadiennes recevront directement chez eux les services par satellite. Est-ce qu'ils bénéficieront de nouvelles options de programma-


4210

tion par téléphone et de radiodiffusion sans câble? Mes chers collègues, lorsque nous légiférons pour protéger les droits des Canadiens, nous devons faire attention à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Ce projet de loi contrevient-il au principe de protection du contenu canadien en tant que pierre angulaire de la programmation canadienne de base? C'est une question que je pose. Donc même si j'appuie le principe, et je l'appuie fortement, sur lequel repose le projet de loi présenté par l'honorable député, je voudrais souligner l'importance d'intégrer les points qui ont été soulevés par mes collègues, d'essayer de s'assurer que nous ne limitons aucunement le progrès dans ces domaines et que nous ne faisons aucun mal à quiconque pourrait être visé.

Donc si le projet de loi protège en effet les consommateurs de la façon que certains réclament, c'est à nous d'aller de l'avant. D'un autre côté, s'il protège les consommateurs mais en même temps empêche certains progrès, certaines initiatives que nous ne pouvons pas accepter en tant que parlementaires, nous avons deux choix: le mettre de côté et arriver avec un autre projet de loi qui corrige ces problèmes ou simplement proposer des amendements qui pourraient le rendre acceptable à la Chambre des communes.

Je termine en disant que nous voulons tous protéger les consommateurs canadiens, mais c'est à nous de trouver la solution pour le faire.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi qui est devant nous est plein d'un mérite absolument essentiel pour les consommateurs. C'est un projet de loi qui vise à faire en sorte que le consommateur ne se fera pas facturer pour quelque chose qu'il ne veut pas acheter.

(1230)

On a vu il y a quelques mois une compagnie de câblodistribution facturer à ses consommateurs le coût de canaux d'émissions de télévision pour lesquels les consommateurs n'avaient pas souscrit. Les consommateurs se sont fait dire par ladite compagnie: «Mes chers amis, vous auriez dû nous avertir que vous ne vouliez pas que je vous facture pour quelque chose que vous n'aviez pas commandé.» Dieu merci, les chaînes alimentaires ne font pas cela parce que le panier d'épicerie commencerait à coûter pas mal cher.

L'attitude de cette compagnie de câblodistribution était inacceptable. La pression des consommateurs qui se sont sentis outrés a été telle que la compagnie a été obligée de revenir sur sa position. C'était une excellente chose. On ne veut pas que cette situation se répète, jamais, ni dans la câblodistribution ni dans quelque autre service.

En même temps, il faut s'assurer que si législation il doit y avoir sur le sujet, telle législation soit adoptée par la bonne législature. La question qui se pose tout naturellement est la suivante: la Chambre des communes, le Parlement du Canada, le gouvernement fédéral est-il l'institution qui a la responsabilité en matière de consommation de régler ce genre de problème?

Le proposeur, le député de Sarnia-Lambton, soutient que parce que les télécommunications s'ont d'ordre fédéral, alors nécessairement il s'ensuit que la consommation d'un produit qui relève au niveau de sa production, de sa distribution, de sa diffusion d'une législation fédérale, que sa consommation suit le même chemin et relève de la compétence fédérale.

Si cela était, le gouvernement fédéral pourrait construire des édifices dans toute municipalité de ce pays sans égard aux lois de zonage. Si cela était, les employés d'un gouvernement fédéral n'auraient plus besoin de payer d'impôt au provincial ou de taxes foncières aux municipalités.

Il faut savoir tracer les lignes là où elles sont, là où elles doivent être. Dans ce cas-ci, nul ne conteste que les questions de radiodiffusion et de télécommunication soient de juridiction fédérale. Hélas, cette question a été tranchée il y a quelques années alors que le Québec s'est fait priver du droit qu'il avait jusque alors assumé en matière de télécommunications. Hélas, cela est maintenant du passé.

Est-ce que le Québec doit maintenant aussi se priver, comme l'ensemble des autres provinces, de son droit de légiférer en matière de consommation? Il y a quelques mois, en cette Chambre, j'avais l'occasion d'interroger le ministre de l'Industrie, justement sur des questions de radiodiffusion et de protection du consommateur. Le ministre m'a déclaré en cette Chambre que cela relevait de la compétence des provinces. Si le ministre l'a dit, je comprends mal qu'un député de son gouvernement ne prenne pas la parole de son ministre pour acquis.

Par ailleurs, j'ai bien compris le député de Sarnia-Lambton qui disait:

[Traduction]

«Si le Québec a déjà réglé cette question au nom de ses consommateurs, pourquoi la Chambre ne pourrait-elle pas faire la même chose pour les autres consommateurs du Canada?»

[Français]

En effet, pourquoi cette Chambre ne pourrait-elle pas s'occuper du reste du Canada, puisque le Québec peut s'occuper de lui-même. J'apprécie la clairvoyance de mon collègue de Sarnia-Lambton mais il précède peut-être les événements de quelques mois ou quelques années. Le Québec fait encore partie du Canada.

Cependant, s'il était prêt à amender sa proposition dans le sens qu'elle ne s'applique qu'au reste du Canada, à l'exclusion spécifique du Québec, alors qu'on lui reconnaîtrait et confirmerait cette juridiction qu'il a de par la Constitution, peut-être qu'un tel amendement trouverait chez moi une certaine sympathie.

(1235)

Il est une autre réflexion que j'aimerais relever ici en cette Chambre. Tantôt le député de Saint-Boniface disait que si une compagnie pratiquait la facturation par défaut dans une province où cela est interdit par les lois de cette province, probablement que

4211

cette compagnie qui opérerait dans un champ de juridiction fédérale aurait de fortes chances de s'en tirer.

Quand j'entends un député de cette Chambre prétendre qu'une corporation à charte fédérale oeuvrant dans un domaine de juridiction fédéral pourrait se permettre de bafouer les lois d'une province et aurait des chances de s'en tirer, je dis qu'il y a quelque chose dans le système qui ne va plus.

Que ce député dise qu'il faudrait faire en sorte que la constitution et les lois soient appliquées de manière à ce que les provinces voient leur champ de juridiction respecté, voilà qui me semblerait être des propos responsables de la part d'un député de cette Chambre. Mais oser prétendre que parce que les lois d'une province pourraient être bafouées et que c'est pour cette raison que le fédéral devrait s'immiscer dans un champ de compétence provincial, cela relève de l'irresponsabilité la plus totale.

Malheureusement, je dois dire que nous ne sommes pas à un exemple près de gestes peu responsables, parfois même irresponsables, posés au niveau fédéral vis-à-vis les provinces. Je ne mentionnerai pas les problèmes que nous connaissons concernant l'assurance-maladie et qui frustrent un certain nombre de provinces de l'Ouest. Je ne mentionnerai pas le fait que certains députés d'en face appuient des gestes qui ont été posés en contravention des lois provinciales lors du dernier référendum. Je ne mentionnerai pas le fait que de manière constante, par son pouvoir de dépenser, le fédéral joue dans les plates-bandes des provinces à qui mieux mieux. S'il fallait que je fasse des énumérations, je n'en sortirais plus.

En conclusion, les intentions du député de Sarnia-Lambton sont louables. Le consommateur doit être protégé et j'en suis, mais alors adressons-nous aux législatures qui ont l'autorité en cette matière, c'est-à-dire aux législatures provinciales. Je vous assure qu'au Québec, puisque je suis Québécois, je m'assurerai que le consommateur reçoive toute la protection à laquelle il a droit. Compte tenu que le Québec a déjà pris les devants, j'engage les autres provinces à suivre l'exemple du Québec et non pas ce gouvernement à se substituer à l'inertie des autres provinces.

Le vice-président: Il nous reste une minute et demie, est-ce qu'il y a un autre orateur ou peut-on dire que le débat est terminé?

[Traduction]

Le député de York-Sud-Weston a environ une minute.

M. John Nunziata (York-Sud-Weston, Lib.): Monsieur le Président, je saisirai toutes les occasions qui me sont offertes de prendre la parole, et je suis heureux de pouvoir le faire maintenant.

Je tiens à féliciter le député de Sarnia-Lampton qui a présenté ce projet de loi. Il est important que la Chambre adopte le projet de loi. À mon humble avis, ce texte législatif ne va pas assez loin. Néanmoins il y a tout lieu de l'appuyer.

Le projet de loi vise à apporter à la Loi sur la radiodiffusion une modification qui ne concerne que les compagnies de câblodistribution. À mon avis, ce qu'il nous faudrait, c'est un projet de loi qui interdise ce genre de marketing ou de facturation partout à l'échelle fédérale. Pour tout ce qui relève de la compétence du gouvernement fédéral, ce genre de facturation ou de marketing devrait être interdit.

Il va de soi que les Canadiens se sont fait de la bile en apprenant ce qui arrivait avec les compagnies de câblodistribution. Le débat se résume à se demander si les consommateurs doivent payer un service dont ils ne veulent pas ou n'ont pas besoin.

Les compagnies de câblodistribution ont fait preuve d'arrogance et de présomption en s'imaginant pouvoir refiler aux consommateurs quelque chose dont ils ne voulaient pas et leur envoyer la facture après. S'ils n'en voulaient pas, elles supprimeraient un service qu'ils possédaient déjà grâce à la câblodistribution.

(1240)

J'ose espérer que dans un très proche avenir tout ce débat sera devenu purement académique. Il me semble qu'au rythme où se développe la technologie moderne, le jour n'est pas loin où les Canadiens pourront payer uniquement ce qu'il en coûte pour avoir accès aux chaînes qu'ils souhaitent voir. Si la technologie nécessaire à la télévision payante existe, je me demande pourquoi les consommateurs seraient dans l'obligation d'acheter un paquet de chaînes au lieu de payer seulement celles qu'ils veulent capter.

Je vais intervenir de nouveau quand le projet de loi refera surface.

Le vice-président: Le temps réservé à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulé et l'ordre est rayé du Feuilleton.

______________________________________________


4211

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LE CODE CRIMINEL

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence, dont le comité a fait rapport sans proposition d'amendement.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le vice-président: Chers collègues, il y a six motions d'amendement inscrites au Feuilleton des Avis pour ce qui concerne l'étape du rapport du projet de loi C-45.

[Traduction]

Les motions nos 1, 2, 3, 4, 5 et 6 seront regroupées pour les fins du débat et mises aux voix de la façon suivante: Le vote sur la motion no 1 s'appliquera aux motions nos 3 et 5. Si la motion no 1 est adoptée, il ne sera pas nécessaire de mettre aux voix les motions nos 2, 4 et 6. Par contre, si la motion no 1 est rejetée, la Chambre devra se prononcer sur la motion no 2. Le vote sur la motion no 2 s'appliquera aux motions nos 4 et 6.

[Français]

Je vais maintenant soumettre les motions nos 1, 2, 3, 4, 5 et 6 à la Chambre.

M. François Langlois (Bellechasse, BQ) propose:


4212

Motion no 1

Que le projet de loi C-45, à l'article 1, soit modifié par substitution, aux lignes 25 à 40, page 4, de ce qui suit:
«(3) Le jury peut décider qu'il y a lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant. La décision est prise à la majorité des trois quarts au moins de ses membres.
(4) Le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant n'est pas réduit si, selon le cas:
a) le jury décide qu'il n'y a pas lieu de le réduire;
b) il conclut qu'il n'est pas en mesure de décider par décision des trois quarts au moins de ses membres qu'il y a lieu de le réduire;
c) le juge qui préside conclut que le jury, après une période suffisante de délibérations, n'est pas en mesure de décider par décision des trois quarts au moins de ses membres qu'il y a lieu de le réduire.»
M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.) propose:

Motion no 2
Que le projet de loi C-45, à l'article 1, soit modifié par substitution, aux lignes 25 à 40, page 4, de ce qui suit:
«(3) Le jury peut décider qu'il y a lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant. La décision est prise à la majorité d'au moins dix des douze membres.
(4) Le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant n'est pas réduit si, selon le cas:
a) le jury décide qu'il n'y a pas lieu de le réduire;
b) il conclut qu'il n'est pas en mesure de décider par décision d'au moins dix des douze membres qu'il y a lieu de le réduire;
c) le juge qui préside conclut que le jury, après une période suffisante de délibérations, n'est pas en mesure de décider par décision d'au moins dix des douze membres qu'il y a lieu de le réduire.»
M. François Langlois (Bellechasse, BQ) propose:

Motion no 3
Que le projet de loi C-45, à l'article 2, soit modifié par substitution, aux lignes 11 à 26, page 9, de ce qui suit:
«(3) Le jury peut décider qu'il y a lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant. La décision est prise à la majorité des trois quarts au moins de ses membres qu'il y a lieu de le réduire;
(4) Le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant n'est pas réduit si, selon le cas:
a) le jury décide qu'il n'y a pas lieu de le réduire;
b) il conclut qu'il n'est pas en mesure de décider par décision des trois quarts au moins de ses membres qu'il y a lieu de le réduire;
c) le juge qui préside conclut que le jury, après une période suffisante de délibérations, n'est pas en mesure de décider par décision des trois quarts au moins de ses membres qu'il y a lieu de le réduire.»
[Traduction]

M. Nunziata: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Nous discutons du projet de loi C-45. Même si je comprends que les leaders parlementaires ont peut-être eu l'occasion de se rencontrer et de s'entendre sur la façon de procéder dans le cas du projet de loi C-45, je peux vous dire qu'on ne m'a pas consulté sur la procédure qu'on entend suivre aujourd'hui.

Vous cherchez à obtenir le consentement unanime. Je vais peut-être, pour le moment, m'abstenir d'accorder ce consentement unanime jusqu'à ce qu'un membre des partis traditionnels m'explique ce qui se passe en ce qui concerne ces amendements.

Le vice-président: Comme les députés le savent, le député a tout à fait le droit de refuser son consentement unanime au sujet de la lecture de ces motions. Ce sera tout à fait ennuyeux pour les députés de devoir m'écouter lire six pages, mais je reconnais que le député a parfaitement le droit de réclamer cela.

M. Nunziata: Monsieur le Président, je ne refuse pas le consentement unanime pour qu'on se dispense de la lecture des motions, et il est vrai qu'il serait plutôt ennuyeux pour le Président de devoir lire tous les amendements. Cependant, il semble y avoir un certain accord entre les leaders parlementaires sur les motions sur lesquelles on s'entend. Le whip du gouvernement hoche la tête. Il pourrait peut-être me fournir une explication. Entre-temps, je n'ai rien contre le fait qu'on ne lise pas chaque motion.

Le vice-président: La présidence remercie vivement le député de York-Sud-Weston. J'en conclus donc qu'il y a consentement unanime pour se dispenser de la lecture de la motion no 4.

Des voix: D'accord.

M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.) propose:

Motion no 4
Que le projet de loi C-45, à l'article 2, soit modifié par substitution, aux lignes 11 à 26, page 9, de ce qui suit:
«(3) Le jury peut décider qu'il y a lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant. La décision est prise à la majorité d'au moins dix des douze membres.
(4) Le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant n'est pas réduit si, selon le cas:
a) le jury décide qu'il n'y a pas lieu de le réduire;

4213

b) il conclut qu'il n'est pas en mesure de décider par décision d'au moins dix des douze membres qu'il y a lieu de le réduire;
c) le juge qui préside conclut que le jury, après une période suffisante de délibérations, n'est pas en mesure de décider par décision d'au moins dix des douze membres qu'il y a lieu de le réduire.»
M. François Langlois (Bellechasse, BQ) propose:

Motion no 5
Que le projet de loi C-45, à l'article 2, soit modifié par substitution, aux lignes 26 à 41, page 13, de ce qui suit:
«(3) Le jury peut décider qu'il y a lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant. La décision est prise à la majorité des trois quarts au moins de ses membres.
(4) Le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant n'est pas réduit si, selon le cas:
a) le jury décide qu'il n'y a pas lieu de le réduire;
b) il conclut qu'il n'est pas en mesure de décider par décision des trois quarts au moins de ses membres qu'il y a lieu de le réduire;
c) le juge qui préside conclut que le jury, après une période suffisante de délibérations, n'est pas en mesure de décider par décision des trois quarts au moins de ses membres qu'il y a lieu de le réduire.»
M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.) propose:

Motion no 6
Que le projet de loi C-45, à l'article 2, soit modifié par substitution, aux lignes 26 à 41, page 13, de ce qui suit:
«(3) Le jury peut décider qu'il y a lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant. La décision est prise à la majorité d'au moins dix des douze membres.
(4) Le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant n'est pas réduit si, selon le cas:
a) le jury décide qu'il n'y a pas lieu de le réduire;
b) il conclut qu'il n'est pas en mesure de décider par décision d'au moins dix des douze membres qu'il y a lieu de le réduire;
c) le juge qui préside conclut que le jury, après une période suffisante de délibérations, n'est pas en mesure de décider par décision d'au moins dix des douze membres qu'il y a lieu de le réduire.»
Le vice-président: Les motions sont toutes réputées avoir été lues.

(1245)

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, on va d'abord tirer les choses au clair. Pendant l'été certaines rumeurs venant du côté libéral ont laissé croire que le projet de loi C-45 avait été torpillé par l'opposition officielle, par le Bloc québécois, que nous ne voulions pas de ce projet de loi, que nous étions du

côté de la société qui croyait un peu trop à la réhabilitation. Toutes sortes de rumeur ont couru.

Notre position en deuxième lecture a été très claire. Nous avons appuyé le projet de loi tout en disant qu'après 20 ans d'application il était temps de revoir l'article 745 du Code criminel qui permet à une personne condamnée à l'emprisonnement à perpétuité pour meurtre de demander après 15 ans la convocation d'un jury et que son cas soit revu.

Cet article qui a 20 ans depuis juillet dernier méritait d'être revu, mais pas dans une journée et demie. C'est ce qui a été fait: motion d'attribution de temps sur C-45 et en comité nous discutions pratiquement jour et nuit pour faire un rapport extrêmement rapide à la Chambre et finalement le projet de loi n'a pas pu être pris en considération, faute de temps à l'époque.

Une des grandes préoccupations de l'opposition officielle et du Bloc québécois était justement de situer où était l'intérêt des victimes dans tout ce dossier. Le député de Crowfoot l'a rappelé en comité à plusieurs reprises. Nous avons nous aussi bien sûr confiance en l'institution du jury en matière d'application de l'article 745, c'est-à-dire de remise en liberté exceptionnelle d'une personne condamnée à perpétuité. Nous faisons confiance au jury, mais à condition que ce dernier ait les faits devant lui. Un des éléments qui manquait, à notre avis, c'était les observations que les victimes, les proches, les personnes, le milieu même avaient pu subir une perte suite au décès criminel d'une personne.

Que ce soit fait par des psychologues, par des sociologues, il y a toujours une démarcation qui vient s'installer. C'est la raison fondamentale pour laquelle nous avons appuyé ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. À partir du moment où on veut amener le bulldozer et non pas la discussion logique, une discussion intéressante partout au Canada sur l'application de l'article 745 du Code criminel, un article qui a fait ses preuves à certains égards, un article qui a démontré que le taux de récidive lorsqu'une personne condamnée à perpétuité est libérée après 15 ans ou un peu plus, le taux de récidive est à toutes fins pratiques inexistant. Cet article-là a fait ses preuves.

On veut le changer aujourd'hui, et en toute rapidité, sans étude. Il y a trois modifications majeures: d'abord le jury qui actuellement prend sa décision ou fait sa recommandation aux deux tiers serait obligé, avec le projet de loi qui est devant nous de rendre une décision unanime.

On veut donner aux jurés, dans ce cas-ci, le même rôle qu'un jury qui a à rendre un verdict au niveau d'un procès. Au niveau d'un procès, on juge au-delà de tout doute raisonnable. Il est tout à fait normal que 12 citoyens et citoyennes réunis en jury doivent être unanimes pour rendre un verdict de culpabilité ou de non-culpabilité. Mais le jury dont parle l'article 745 n'est pas du tout le même type de jury que le jury que l'on connaissait de temps immémoriaux dans le régime de droit criminel britannique. On a le droit d'être jugé par ses pairs et de voir la détermination du verdict être faite par ses pairs.


4214

Le jury prévu depuis 1976, c'est court 20 ans dans l'histoire, ce jury est un jury spécial qui n'a pas un verdict à rendre mais qui a une opinion à émettre. Est-ce qu'un détenu condamné à perpétuité pour meurtre-la loi prévoit aussi pour haute trahison, je pense que depuis Louis Riel on n'a pas eu l'audace d'en condamner d'autre, mais c'est essentiellement pour meurtre-est-ce qu'une personne dans des cas exceptionnels devrait être éligible à une libération après 15 ans? Le jury ne rend même pas la décision. Il autorise la ou le détenu à présenter sa demande ou non à la Commission nationale des libérations conditionnelles qui tiendra des audiences. C'est là qu'on dit: bien sûr les victimes devraient pouvoir être entendues.

(1250)

Ce jury ne juge pas sur une preuve qui requiert les mêmes critères d'appréciation que la preuve lors d'un procès. C'est une opinion qu'un jury émet. Il est normal qu'il puisse y avoir des dissensions, des dissidences. La règle des deux tiers établie en 1976 nous apparaissait être une règle sage et permettant l'application uniforme du droit partout au Canada en matière criminelle.

Il est évident que si le projet de loi devait être adopté dans les termes dans lesquels il est rédigé aujourd'hui, il y aura une application différente de l'article 745 du Code criminel suivant la province de résidence des détenus. Il est évident que les jurys constitués en vertu de l'article 745 du Code criminel au Québec sont généralement plus libéraux, plus socialement ouverts face à cette application, alors que dans d'autres provinces il suffira d'une seule personne pour empêcher la libération.

Un des principes de base pour lesquels nous avons un seul code criminel pour l'ensemble du territoire, c'est qu'il doit y avoir une application uniforme des règles de droit. En pratique, nous n'aurons pas l'application uniforme des règles de droit dans tout le Canada.

Le gouvernement nous présente un projet de loi, le projet de loi C-45, qui est un projet de loi à double langage. D'un côté, il pourra dire dans les parties du Canada où ça l'intéressera de tenir ce discours: «Regardez, nous avons rendu à toutes fins utiles impossible la libération d'une personne détenue à perpétuité.» Et dans d'autres parties du Canada plus libérales, le gouvernement dira: «Regardez, nous n'avons pas aboli l'article 745», même si la Chambre des communes avait adopté le projet de loi C-226 présenté par notre collègue de York-Sud-Weston qui abrogeait l'article 745.

Là on l'a fait, le débat de fond. Est-ce que l'article doit rester ou disparaître? C'est une bonne question, c'est une question claire qui amenait une réponse claire. Je suis en total désaccord avec les points de vue qu'amenait mon collègue, mais au moins il avait posé la bonne question: est-ce qu'on le laisse ou non dans le Code criminel?

Il est bien certain que pour nous, l'opposition officielle, une condamnation à perpétuité est une condamnation à perpétuité. Cela

veut dire qu'une personne remise en liberté en cours de mandat, permettez l'expression en cours de mandat carcéral, cette personne est toujours en liberté suspendue, elle pourra être réincarcérée si elle viole les conditions de sa remise en libération.

Mais il ne faut pas faire en sorte que cette espèce de faux espoir qu'était l'article 745 devienne tout simplement un espoir qui se sera évanoui parce que d'autres aspects du projet de loi C-45 rendent l'application de l'article 745 du Code criminel encore plus aléatoire. Désormais, il faudra une approbation judiciaire d'une cour supérieure ou d'une cour suprême d'une province pour que le détenu soit admissible même à présenter sa demande. Pourquoi a-t-on fait cela? Pourquoi a-t-on agi si rapidement dans les dernières heures de la session? Parce qu'un meurtrier en série au Canada devenait admissible cet été à présenter une demande.

Il y en a qui se sont plus à faire croire à l'opinion publique que ce criminel allait automatiquement être remis en liberté. Le seul droit qu'il a obtenu cet été a été celui de présenter sa demande au juge en chef de sa province. Un jury sera convoqué et celui-ci aura à déterminer, probablement aux deux tiers des voix, s'il doit être remis en liberté ou non. C'est une bonne façon de le tester, le système. Est-ce que le jury, dans ce cas-là, permettra qu'un meurtrier en série soit remis en liberté? Est-ce qu'un jury en possession des faits le permettra, et si d'aventure, deuxième question, il devait le permettre, est-ce que la Commission nationale des libérations conditionnelles qui comparaît devant nos comités sera à l'aise de venir justifier la remise en liberté? Quant à moi, je n'ai pas de craintes pour la remise en liberté, même si C-45 n'est pas adopté.

J'ai beaucoup plus peur d'un gouvernement qui se précipite en matière de droit criminel pour modifier à l'aveuglette les droits et libertés de chacun, alors que c'est un domaine, le domaine juridique, où on doit avancer à petits pas, parce que les effets parallèles ou secondaires sont souvent des effets qu'on n'avait pas prévu.

C'est pourquoi nous proposons que la règle de l'unanimité que propose le gouvernement dans C-45 soit ramenée à la règle des trois quarts, c'est-à-dire neuf jurés sur 12 qui devraient être en faveur de la remise en liberté du détenu plutôt que la règle actuelle des deux tiers, pour un motif tout simplement technique, c'est que le maintien du statu quo a déjà été défait en comité et qu'il n'était pas possible de le réintroduire à ce stade-ci, à l'étape du rapport.

(1255)

Pour ces motifs, nous voterons bien sûr pour la motion visant à établir la règle des trois quarts en matière de décision du jury lorsqu'on en vient à l'application de l'article 745.

M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Monsieur le Président, je veux indiquer au début de mon discours que j'appuie la motion proposée par l'honorable député de Bellechasse. C'est un amendement que je préfère au mien, donc je l'appuierai lors de la


4215

mise aux voix. J'espère qu'il votera en faveur de mon amendement si le sien était rejeté par la Chambre.

[Traduction]

Je tiens à préciser que si je suis opposé à tout ce projet de loi, comme je l'ai indiqué par la façon dont j'ai voté à l'étape de la deuxième lecture, c'est parce que je suis contre les modifications proposées à l'article 745. Personnellement, je me débarrasserais de l'article 745, non pas comme les gens d'en face le proposent, mais en supprimant les sentences minimales en cas de meurtre pour les remplacer par une peine d'emprisonnement à vie et je laisserais la Commission nationale des libérations conditionnelles décider d'une mise en liberté selon le processus établi, comme c'était le cas au Canada avant l'adoption de l'article 745.

J'admets que ce serait parfait, mais il est peu probable qu'on en arrive à cela. Par conséquent, je me contente de proposer des modifications très modestes à ce projet de loi que les gens d'en face appuieront, j'espère. Je suis très optimiste, mais le jeu en vaut tout de même la chandelle.

Le projet de loi C-45 comporte trois éléments principaux. Il retire aux personnes déclarées coupables de plus d'un meurtre le droit de demander une révision judiciaire. Je pourrais être d'accord avec cette modification. Le projet de loi introduit aussi un mécanisme d'examen de toutes les demandes devant un juge seul. Avec réticence, je pourrais toujours accepter cette modification. Le projet de loi supprime la disposition de la loi actuelle voulant qu'un jury soit tenu de recommander une mise en liberté anticipée dès que huit des 12 membres en conviennent. S'il est adopté, les 12 membres doivent être d'accord. À mon avis et comme le député de Bellechasse l'a mentionné, la modification proposée fera en sorte qu'il n'y aura aucune libération en vertu de cet article dans la plupart des régions canadiennes. Je considère que c'est une modification indûment punitive qui est inutile pour bien administrer la justice au Canada.

Je voudrais qu'on se penche sur ce que notre système devrait faire quand il s'agit de punir les contrevenants ou d'appliquer une sentence rendue par suite d'une accusation grave comme dans le cas d'un meurtre, qui est l'accusation la plus grave.

Il me semble que le but visé lorsqu'on impose une sentence, c'est d'abord et avant tout la protection de la population. Deuxièmement, elle devrait comporter un élément de réinsertion sociale du délinquant. Et, troisièmement, elle devrait comporter un élément de châtiment du crime. Un élément qui ne figure pas dans notre loi et qui ne devrait pas s'y trouver, c'est la vengeance. Je soutiens que c'est ce qui inspire la modification proposée en l'occurrence.

La loi vise à protéger le public. Je le demande à la Chambre. Comment le public est-il protégé par les longues peines imposées pour ces délits? À mon avis, la peine minimale de 25 ans deviendra la peine normale si le projet de loi est adopté.

De 1968 à 1974, la durée moyenne de la peine de prison purgée par un meurtrier dont la peine de mort, qui avait cours à l'époque, avait été commuée en peine d'emprisonnement à perpétuité était de 13,2 années. Toutes les peines de mort ont été commuées au cours de cette période. Comment se fait-il que, si 13,2 années d'emprisonnement étaient alors satisfaisantes, il faut maintenant doubler cette peine de prison pour la porter à 25 ans afin d'imposer une peine convenable? Je soutiens qu'elle ne convient pas du tout.

Pendant la période où se faisaient ces commutations de peine, 200 personnes environ-je regrette de ne pas avoir aujourd'hui les chiffres exacts à cet égard-ont été remises en liberté sous l'égide de la Commission de libération conditionnelle, et avec le consentement du gouverneur-en-conseil dans la plupart des cas. De ce nombre, je crois qu'une ou deux personnes seulement ont récidivé et ont par la suite été arrêtées pour divers délits et ramenées en prison.

(1300)

Autrement dit, en ce qui concerne la sécurité du public, le risque qu'il y a à remettre en liberté des personnes condamnées à de longues peines, surtout des meurtriers, est minime. Je le sais, les gens ont tendance à être craintifs, en se disant qu'une personne qui a tué une fois tuera probablement de nouveau. Or c'est le contraire qui est vrai, comme le montrent tous les chiffres et tous les faits. Habituellement, les meurtriers ne récidivent pas.

Cette peine très lourde, c'est-à-dire la peine minimale de 15 ans de prison sous réserve d'une demande de libération anticipée adressée à un jury, a été instituée lorsque la peine de mort a été abolie. À mon avis, elle a été instituée uniquement pour apaiser les gens qui étaient en faveur de la pendaison. Elle devait les convaincre qu'une longue peine d'emprisonnement compenserait l'abolition de la peine de mort.

Cette loi est en vigueur depuis une vingtaine d'années, comme le député de Bellechasse l'a fait remarquer. Aucune demande n'a pu être faite pendant une longue période, après quoi des détenus ont commencé à en présenter. Au 31 décembre l'an dernier, 63 demandes de réduction de peine avaient été entendues. Cinquante de ces 63 demandes ont reçu une réponse favorable quelconque. Les réductions ont été minimes dans certains cas, mais appréciables dans d'autres. Parmi les 50 personnes en cause, deux sont en difficulté avec la loi. L'une est illégalement en liberté et l'autre a récidivé. Je signale qu'il ne s'agit pas d'un meurtre.

Il n'y a pas la moindre preuve que la loi actuelle ne marche pas comme prévu. La loi actuelle, telle qu'elle s'applique, ne présente que des risques minimes pour le public, et le député le sait. Il fait l'autruche et refuse de tenir compte des faits.

Le projet de loi C-45, qui est maintenant à l'étude, ne garantit pas une plus grande sécurité à la société. Il propose simplement d'imposer des peines d'emprisonnement plus draconiennes à des personnes déjà condamnés à perpétuité. Il fait en sorte qu'elles restent en prison plus longtemps.

Voyons maintenant la deuxième partie, qui porte sur la réadaptation des délinquants. Est-ce qu'on aide ces délinquants à se réadapter en les gardant en prison plus longtemps? Les spécialistes en science pénitentiaire disent que non. Les peines plus longues ne favorisent pas la réadaptation. Habituellement, mais pas toujours, la


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réadaptation peut se faire en une période plus brève et, habituellement, il est possible de libérer le détenu en toute sécurité. Il peut toujours y avoir des cas où la libération présente des dangers et n'est pas dans l'intérêt public parce qu'il n'y a pas eu réadaptation.

Nous avons toutefois une Commission nationale des libérations conditionnelles qui compte des membres extrêmement compétents, nommés par un ministre très compétent, le solliciteur général du Canada, avec l'aide d'une autre ministre très compétent, celui de la Justice. Je suis heureux de le rappeler, ces deux ministres ont donné l'exemple de nominations de qualité à cette commission, qui s'acquitte très bien de son travail, l'examen des possibilités de libération des détenus.

J'estime qu'une peine de 25 ans sans espoir de libération est excessive. Aux États-Unis, même les meurtriers ne sont pas condamnés à des peines aussi longues. Il y a bien des condamnations à perpétuité, mais la période normale de libération est inférieure à 25 ans. C'est une peine excessive, une peine très lourde, peu importe le point de vue où on se place. Je dirais même que c'est l'une des peines les plus lourdes dans le monde, pour les meurtriers.

Je suis estomaqué que le gouvernement envisage pareille modification, lorsque je songe au coût de l'incarcération, et plus estomaqué encore que des députés réformistes, si préoccupés par les problèmes budgétaires, appuient ce type de mesure. Selon les données publiées par le Service correctionnel du Canada, il faut entre 60 000 $ et 70 000 $ par année pour garder un prisonnier dans un établissement à sécurité maximale. Ces condamnés à perpétuité demeurent emprisonnés bien plus longtemps qu'auparavant, même si cela est inutile dans bien des cas, parce que la loi prévoit leur emprisonnement pour une durée de 15 ans et plus. Tout le monde sait qu'ils sont détenus au-delà de 15 ans. La durée moyenne est passée de 13,2 années à . . .

M. Hanger: Ce n'est pas tout le monde qui est au courant.

M. Milliken: Le député dit que ce n'est pas tout le monde qui est au courant de cela. Tout le monde devrait le savoir, puisque la demande ne peut être faite qu'au bout de 15 ans d'emprisonnement. Il y a ensuite une période d'attente avant l'audience devant jury. Après cette audience, si le jury a accordé une réduction de la période d'inadmissibilité, le détenu doit faire une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles et attendre d'obtenir une autre audience. Tout le processus prend des mois. Par conséquent, dans tous les cas, la peine minimale dure, en fait, plus de 15 ans. Même dans les cas les plus méritants, la peine d'emprisonnement peut ronger une partie de la période supplémentaire de dix ans avant que la libération du prisonnier soit accordée.

(1305)

Lorsqu'on dépense des sommes astronomiques pour garder en prison des gens qui ne représentent pas une menace pour la société-du moins de l'avis de la Commission nationale des libérations conditionnelles-des gens qui regrettent sincèrement leurs méfaits, qui ont exprimé leur regret, qui désirent améliorer leur situation et qui sont peu susceptibles de récidiver, ce qui est le cas pour la plupart des contrevenants de cette catégorie, le contribuable canadien se fait rouler. Les députés d'en face qui s'opposent vivement au gaspillage des fonds publics devraient dénoncer clairement cette situation. Ce n'est toutefois pas mon seul argument. Nous devrions aborder la question avec un peu plus de compassion. Nous devons regretter le décès d'une innocente victime, et c'est ce que nous faisons.

Le vice-président: Le temps accordé au député est écoulé. Y a-t-il consentement unanime pour lui permettre de poursuivre?

Une voix: Non.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour contester les modifications proposées par les députés de Bellechasse et Kingston-et-les-Îles. Ces modifications montrent clairement que les députés de Bellechasse et de Kingston-et-les-Îles ne comprennent absolument pas l'horreur que vivent les victimes de meurtre.

Le chauffeur de camion qui a vu l'horreur dans les yeux de Mélanie Carpentier lorsqu'elle était prisonnière dans la voiture de son assassin comprend la terreur qu'a vécue cette victime. Le jury qui a entendu le témoignage frappant de Karla Homolka et le récit détaillé des tortures que Paul Bernardo a infligées à Kristen French et à Leslie Mahaffy comprend la douleur et les souffrances de ces victimes. Il comprend l'angoisse qui empoisonne la vie des parents de ces jeunes filles, une vie qui est maintenant détruite.

Ces modifications prouvent que les députés de Bellechasse et de Kingston-et-les-Îles n'ont pas de compassion pour les familles des victimes et ne comprennent pas le cauchemar qu'elles vivent depuis que leurs enfants et petits-enfants ont été l'objet de crimes odieux. Il n'est pas bien que ces députés permettent à cette angoisse de couver, permettent que les blessures des parents des victimes soient rouvertes encore et encore. Et pourtant, c'est exactement ce que vont faire ces modifications.

Chaque fois qu'un tueur demande la révision judiciaire de sa libération conditionnelle, la famille et la société revivent les horribles souvenirs et sont terrifiées à l'idée que les tueurs de ce genre soient libérés de prison.

L'article 745 du Code criminel rabaisse la valeur de la vie humaine. C'est aussi ce que fait le projet de loi C-45, à savoir les modifications proposées par les députés de Bellechasse et de Kingston-et-les-Îles. Ce sont tous là des exemples de mépris flagrant de la vie humaine, des familles des victimes de meurtre, de la sécurité de la société et du désir des Canadiens, dont beaucoup réclament le rétablissement de la peine capitale en cas d'assassinat assorti de circonstances aggravantes.

L'article 745, qui offre aux tueurs une possibilité d'être libérés avant d'avoir purgé toute leur peine, tourne en dérision la peine d'emprisonnement à perpétuité. La peine pour assassinat prémédité assorti de circonstances aggravantes est l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. L'emprisonnement à perpétuité n'a rien à voir avec la réadaptation.


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C'est le châtiment pour le crime le plus horrible qui soit, soit l'assassinat prémédité d'un innocent et son incidence terrible sur la société.

Ces modifications et le fait que le ministre de la Justice refuse de supprimer l'article 745 montrent clairement que la vie des Canadiens a peu de valeur aux yeux du ministre. Comme la majorité des membres de son caucus et les députés du Bloc, il croit qu'une vie, la vie de nos enfants et de nos petits-enfants ne vaut que 15 ans.

Si le ministre de la Justice demandait aux Canadiens d'attribuer une valeur à la vie de leurs enfants, ceux-ci répondraient massivement qu'elle justifie la prison à perpétuité ou la peine de mort. Le ministre de la Justice ne croit pas au châtiment ou à la justice rétributive; il croit seulement à la réadaptation, et c'est ce qui explique le laxisme dont nous avons été témoins depuis 25 ans. On tolère les crimes les plus graves dans la société tout en ridiculisant ceux qui voudraient redonner un certain bon sens au système de justice.

On accepte le principe selon lequel la vie humaine ne vaut que 15 ans et on en fait la promotion. L'article 745 du Code criminel invalide la peine prévue pour les meurtres au premier degré. Elle permet aux meurtriers de demander une révision judiciaire du délai d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, et ce, après qu'ils ont purgé seulement 15 ans d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.

Les amendements à l'étude n'abrogent pas l'article 745. Le projet de loi C-45 n'abroge pas l'article 745 du Code criminel, même si c'est ce que souhaitent de nombreux Canadiens. Les groupements de défense des droits des victimes, l'Association canadienne des policiers et, à mon avis, la majorité des Canadiens estiment que l'article 745 devrait être entièrement supprimé, car une vie vaut bien plus que 15 ans.

(1310)

Seule la suppression intégrale de l'article 745 est acceptable pour le Parti réformiste. C'est justement pour cela que je m'oppose aux amendements à l'étude. Je m'oppose à toute tentative boiteuse visant à modifier, à changer ou à amender cet article odieux et inacceptable du Code criminel.

Avec ces amendements et le projet de loi C-45, le ministre de la Justice essaie seulement de faire passer en douceur cette disposition abjecte du Code criminel qui confère aux meurtriers le droit injustifiable à une libération conditionnelle anticipée.

Le projet de loi C-45 prive les meurtriers ou tueurs en série du droit de demander une libération conditionnelle anticipée. Cela ne vise toutefois que les meurtres en série commis après l'adoption du projet de loi. Cela crée des catégories de meurtriers, les bons et les mauvais. Les bons meurtriers se voient accorder un statut particulier, une reconnaissance du gouvernement. Les projets de loi C-41, C-33 et C-110 établissaient un statut particulier. Il en est de même du projet de loi à l'étude.

Les bons meurtriers pourront demander une libération conditionnelle anticipée, alors que les mauvais devront purger leur peine d'emprisonnement à perpétuité. Le ministre de la Justice a maladroitement attendu jusqu'à la onzième heure avant de présenter le projet de loi C-45. Quant au Bloc, il a manqué à sa parole, apparemment pour ne pas retarder indûment l'étude du projet de loi C-45 de manière à ce qu'il puisse être adopté avant le congé estival. Clifford Olson, le tueur en série le plus célèbre du Canada, peut demander une réduction de son délai d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. L'article 745 accorde à des tueurs comme Olson le droit d'en appeler de toute décision défavorable à la Cour suprême du Canada.

En décembre 1995, il y avait 574 criminels trouvés coupables de meurtre au premier degré dans nos prisons. De ce nombre, quelque 5 p. 100 ont commis plusieurs meurtres. Les meurtriers ayant commis plusieurs meurtres et condamnés après l'adoption du projet de loi C-45 ne pourront pas demander une réduction de peine.

Les dispositions du projet de loi C-45 ne sont d'aucun réconfort pour les Rosenfeldt, dont le fils a été tué par un tueur en série, Cliffort Olson. Les Rosenfeldt, les Mahaffy, les French et nombre d'autres Canadiens ne seront pas satisfaits tant que les criminels ayant commis plusieurs meurtres ne recevront pas un châtiment juste et équitable: une peine d'emprisonnement à vie purgée consécutivement pour chacun de ces meurtres crapuleux, et non une peine de 15 ans seulement pour avoir torturé et assassiné onze enfants innocents, peine qui a la faveur du gouvernement libéral.

Clifford Olson devrait purger onze peines d'emprisonnement à vie de façon consécutive. C'est le châtiment juste et équitable qu'il mérite pour avoir tué onze jeunes enfants.

Cet amendement proposé au projet de loi C-45 n'est rien d'autre qu'une bien timide tentative de modification mineure des dispositions applicables à la peine pour meurtre au premier degré. Les meurtriers ne méritent pas d'avoir ce qu'ils ont refusé à leurs victimes. On ne devrait pas leur donner de lueur d'espoir ni atténuer la sévérité de leur peine parce qu'ils n'ont pas donné d'espoir à leurs victimes.

Le fait que le système de justice pénale accorde une supposée lueur d'espoir à un tueur ou qu'il rétablisse ses droits est une autre injustice pour les victimes et leurs familles et un outrage fait aux Canadiens.

Je ne doute pas que tous les Canadiens soient d'accord là-dessus. Je pense que la plupart des Canadiens seraient d'accord pour dire que ces modifications proposées au projet de loi C-45 rabaisse la valeur de la vie humaine. Par conséquent, je m'oppose à ces modifications parce qu'elles ne méritent pas d'être appuyées.

Le leader parlementaire de mon parti a proposé que l'on n'étudie pas le projet de loi C-45 aujourd'hui jusqu'à ce que la question du projet de C-234 soit réglée. Pour le bien de cette institution et de l'esprit des initiatives parlementaires, nous ajournons ce débat pour permettre au leader parlementaire de trouver une solution.

Je propose:

Que le débat soit maintenant ajourné.
(1315)

Le vice-président: Le député de Crowfoot a proposé:

Que le débat soit maintenant ajourné.
C'est une motion qui ne peut faire l'objet d'un débat. Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

4218

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Des voix: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

(Vote no 119)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Benoit
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Cummins
Epp
Forseth
Frazer
Gilmour
Grey (Beaver River)
Grubel
Hanger
Harper (Calgary West/Ouest)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hart
Hayes
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Jennings
Johnston
Manning
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Penson
Ramsay
Ringma
Schmidt
Silye
Speaker
Stinson
Strahl
Thompson
Williams-37

CONTRE

Députés
Alcock
Anawak
Arseneault
Assadourian
Asselin
Augustine
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Bachand
Baker
Bélair
Bélanger
Bélisle
Bellehumeur
Bellemare
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bevilacqua
Blaikie
Bodnar
Bonin
Boudria
Brien
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Brushett
Bryden
Byrne
Campbell
Cannis
Canuel
Cauchon
Chrétien (Frontenac)
Clancy
Cohen
Collins
Cowling
Crawford
Crête
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Debien
Deshaies
DeVillers
Dingwall
Dion
Discepola
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
Eggleton
Fewchuk
Fillion
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier
Godin

Goodale
Graham
Guarnieri
Guay
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Keyes
Kirkby
Lalonde
Landry
Langlois
Lastewka
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Lincoln
Loney
Loubier
MacAulay
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Marchand
Marchi
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McKinnon
McTeague
McWhinney
Mercier
Mifflin
Minna
Mitchell
Murphy
Nault
Nunez
Nunziata
O'Brien (Labrador)
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Pagtakhan
Paré
Peters
Pettigrew
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Rideout
Robichaud
Rocheleau
Sauvageau
Serré
Skoke
St-Laurent
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Ur
Vanclief
Venne
Volpe
Whelan
Zed-150

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

*nul/aucun

[Français]

Le vice-président: Je déclare la motion rejetée.

______________________________________________


4218

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LES JEUX OLYMPIQUES

M. Ovid L. Jackson (Bruce-Grey, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre pour féliciter tous les athlètes canadiens qui ont pris part aux Jeux olympiques d'Atlanta.

Le poète Robert Browning disait: «Je n'ai pas à me refaire, mais à faire de mon mieux avec ce que Dieu m'a donné.» C'est ce que nos athlètes ont fait.

(1400)

Je tiens à rendre un hommage particulier à Laryssa Biesenthal, de Walkerton, en Ontario. Laryssa a remporté une médaille de bronze de l'épreuve de skiff à quatre sur 2000 mètres. J'étais à Walkerton


4219

pour l'accueillir à son retour et elle a partagé sa victoire avec toute la population.

Tous les Canadiens qui ont participé aux jeux nous ont donné de quoi être fiers. L'esprit olympique imprégnait les compétitions et la recherche de l'excellence.

Notre délégation aux olympiades constituait un microcosme de notre nation. Les athlètes canadiens de différentes langues, de différentes régions et même de différents pays d'origine ne formaient qu'un seul peuple, sous un seul drapeau.

Encore une fois, je félicite sincèrement Laryssa et tous nos autres athlètes.

* * *

[Français]

LES INONDATIONS AU SAGUENAY

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Monsieur le Président, les 19 et 20 juillet derniers, la Mauricie et la Côte-Nord, Charlevoix et le Saguenay-Lac-Saint-Jean ont été frappés par des inondations désastreuses. Certains y ont perdu la vie et des dommages matériels importants sont constatés sur l'ensemble du territoire: routes coupées, ponts emportés, maisons, commerces, industries fortement endommagés, sinon disparus.

Il faut souligner le courage exceptionnel dont font preuve ceux et celles que le malheur a frappés. Ils travaillent très fort pour rebâtir leur demeure, pour faire revivre leur région.

Ce courage a puisé sa force dans la solidarité démontrée par les Québécois et les Québécoises bien sûr, mais aussi par celle tout aussi exemplaire manifestée par nombre de Canadiens et Canadiennes. Je tiens aujourd'hui, en mon nom et particulièrement au nom de tous les sinistrés, à remercier chaleureusement tous ceux et celles qui ont donné la première place à la générosité.

* * *

[Traduction]

MARKHAM ELECTRIC

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, en juin, j'ai demandé au ministre de la Coopération internationale pourquoi une entreprise ontarienne prospère, Markham Electric, s'était vu refuser la possibilité de soumissionner pour obtenir un contrat de l'ACDI. Trois entreprises seulement, toutes trois du Québec, ont eu la chance d'être autorisées par le ministre à présenter des soumissions officielles.

L'ACDI est tenue de recourir à un mécanisme d'appel indépendant pour régler les différends, mais en dépit de requêtes devant l'ACDI, le Tribunal canadien du commerce extérieur et le Conseil du Trésor, Markham Electric n'a trouvé nulle part où présenter un appel.

L'été dernier, le ministre de la Coopération internationale a parcouru le Canada aux frais de la princesse pour encourager davantage d'entreprises canadiennes à soumissionner aux appels d'offres de l'ACDI. Cette stratégie cynique et typiquement libérale ne trompera personne. Le traitement honteux réservé à Markham Electric confirme que l'ACDI est fermée aux entreprises qui n'ont pas d'adresse au Québec, qui n'ont pas leurs entrées auprès des bureaucrates de l'ACDI ou qui n'ont pas contribué à la caisse du Parti libéral.

* * *

L'ÉCONOMIE DU MANITOBA

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, je veux exprimer une préoccupation que je partage avec de nombreux Manitobains au sujet de l'effet néfaste des politiques libérales sur le Manitoba, particulièrement sur les emplois au Manitoba.

Nous risquons d'être témoins de l'abandon de la subdivision Sherridon, du démantèlement de notre infrastructure ferroviaire dans le nord, qui sera vendue à la ferraille à un autre pays. Nous risquons de voir le démantèlement des ateliers du CP à Winnipeg à cause de la façon dont les libéraux ont réglé la grève des chemins de fer.

Nous risquons de voir disparaître des emplois dans le secteur du commerce de gros à cause de l'entente sur le bois d'oeuvre. Nous voyons des emplois menacés dans l'industrie du matériel ferroviaire à cause de l'accélération proposée de la réduction des tarifs douaniers. Nous voyons Air France obtenir les emplois qui avaient été promis à Air Canada à Winnipeg à cause de la tendance vers l'impartition.

Les Manitobains ont raison de se sentir trahis par les libéraux, qui avaient promis des emplois et qui n'ont fait rien d'autre que causer des ravages depuis qu'ils ont été élus.

* * *

LES JEUX OLYMPIQUES D'ÉTÉ DE 1996

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, cet été, les Canadiens ont regardé avec fierté la performance exceptionnelle de notre équipe aux Olympiques de 1996 à Atlanta. Les vingt-deux médailles remportées représentent la meilleure récolte olympique du Canada jusqu'à maintenant.

À titre de député de London-Middlesex et au nom de tous les habitants de London, je tiens à féliciter et à remercier nos concitoyens qui ont si bien représenté le Canada à Atlanta: Catherine Bond-Mills, heptathlon; Jason Tunks, lancer du disque; Casey Patton, boxe; Lesley Thompson, médaille d'argent en aviron; Brian Peaker, médaille d'argent en aviron; Al Morrow et Volker Nolte, entraîneurs en aviron.

(1405)

Les athlètes qui ont fait la majeure partie de leur entraînement à London sont Jeff Lay, médaillé d'argent en aviron, et le dynamique duo formé de Marnie McBean et Kathleen Heddle, médaillées de bronze et d'or en aviron.

Félicitations à ces hommes et femmes et à tous les membres de notre équipe olympique venant des autres régions du Canada. Vous avez fait honneur aux Canadiens.


4220

LA CURE PASTORALE D'UPPER LONDONDERRY

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, le mois d'août a marqué le 225e anniversaire de la cure pastorale d'Upper Londonderry, dont les trois églises desservent les communautés de Glenholme, Debert et Masstown. Les descendants du premier ministre responsable de la cure sont venus de la région immédiate et de l'étranger pour célébrer cet anniversaire historique.

Fondée en 1771 par un ministre presbytérien, David Smith, la cure demeure aujourd'hui encore un membre dynamique de l'Église-Unie du Canada. Cette cure pastorale, la plus ancienne au Canada, a contribué à façonner les valeurs communautaires et a inspiré fierté et espoir à tous ses paroissiens.

J'invite tous les députés à rendre hommage avec moi à la cure pour les services qu'elle prodigue aux Canadiens depuis plus de deux siècles, notamment la communion, la prière et son rôle de guide spirituel. Je félicite également les ministres et paroissiens qui ont préservé depuis tant d'années ce sanctuaire des valeurs fondamentales et de la liberté religieuse.

* * *

LES ADDITIFS À BASE DE MANGANÈSE

M. Julian Reed (Halton-Peel, Lib.): Monsieur le Président, Ethyl Corporation, un fabricant américain de produits chimiques, a récemment porté plainte en vertu de l'ALENA au sujet du projet de loi C-29, Loi sur les additifs à base de manganèse. La société Ethyl soutient que ce projet de loi constitue une mesure commerciale discriminatoire.

N'oublions pas que ce projet de loi concerne avant tout la santé des Canadiens. La présence de MMT dans les gaz d'échappement a des répercussions sérieuses sur la santé des Canadiens. Je rappelle également que ce produit n'est pas utilisé dans l'essence vendue aux États-Unis, précisément pour des raisons de santé, or cette société est néanmoins prête à forcer la main au gouvernement canadien.

Nous n'avons pas besoin d'importer un additif antidétonant fabriqué à l'étranger. Nous pouvons remplacer le MMT par des combustibles renouvelables fabriqués au Canada et sans risque pour la santé des humains et pour l'environnement.

J'exhorte tous les députés à poursuivre leurs efforts pour que le projet de loi C-29 soit rapidement adopté et entre en vigueur.

* * *

[Français]

LA COUR SUPÉRIEURE DU QUÉBEC

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, au cours de l'été, le gouvernement a nommé Me Lyse Lemieux juge en chef de la Cour supérieure du Québec. Cette juriste devient ainsi la première femme à occuper cette fonction au Québec.

Me Lemieux a un cheminement de carrière impressionnant. Elle a été notamment directrice du contentieux au ministère québécois de la Justice et sous-ministre pendant trois ans. Depuis deux ans déjà, elle était l'adjointe du juge en chef de la Cour supérieure québécoise.

Le Bloc québécois salue la nomination de cette femme compétente à la tête du plus haut tribunal du Québec.

Nous souhaitons à Me Lemieux la meilleure chance de succès dans ses nouvelles fonctions, puisque les défis qui l'attendent sont très importants. Nous espérons tout particulièrement qu'en plus de moderniser le système judiciaire, madame la Juge en chef puisse contribuer à favoriser dans ce milieu un équilibre exemplaire entre les hommes et les femmes.

* * *

[Traduction]

LA COMMISSION KREVER

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, le juge Krever enquête depuis deux ans et demi sur le système de transfusion de sang. Son mandat consiste à déterminer combien de Canadiens innocents ont été condamnés à mort à la suite d'une simple transfusion de sang.

Aujourd'hui, le juge Krever est un expert en la matière. Il est indépendant et impartial. Pourtant, le gouvernement n'arrête pas de chercher à lui mettre les bâtons dans les roues et à le court-circuiter. Il lui a mis les bâtons dans les roues devant les tribunaux et l'a court-circuité en apportant, sans lui demander son avis, d'importants changements au système avant la publication de son rapport.

Les réformistes demandent au ministre de la Santé et à ses collègues de laisser le juge Krever parler. Nous recommandons que la responsabilité dans cette affaire repose carrément sur les épaules du ministre de la Santé. En y réfléchissant, c'est peut-être de cela que le ministre a peur.

* * *

(1410)

L'ALPHABÉTISATION

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter la fondation pour la promotion de l'alphabétisation, ABC Canada, et la Société canadienne des postes, pour leur initiative très originale de levée de fonds. Le 9 septembre 1996, la Société canadienne des postes a émis un timbre-poste philanthropique pour appuyer l'alphabétisation.

[Français]

Le nouveau timbre coûtera 50c. De la vente de chaque timbre, 5c. iront à la cause de l'alphabétisation. ABC Canada se chargera de distribuer ces fonds à divers groupes d'alphabétisation.

[Traduction]

Nous ne devons pas oublier qu'environ 42 p. 100 des Canadiens ont des problèmes à lire. En fait, 16 p. 100 éprouvent des difficultés dans la vie quotidienne, par exemple à lire un menu et des ensei-


4221

gnes. Nous devons travailler ensemble à améliorer la capacité de lire de ces Canadiens. Cette initiative est sans aucun doute un pas dans la bonne direction.

[Français]

Je vous invite à appuyer cette initiative et à inciter les autres à faire de même.

[Traduction]

Cette initiative aura un impact très positif sur tous les Canadiens. Encore une fois, je rends hommage à ABC Canada et à la Société canadienne des postes.

* * *

[Français]

LE PARTI QUÉBÉCOIS

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.): Monsieur le Président, les militants du Parti québécois de la région de Québec viennent d'adopter trois mesures pour encadrer le droit de vote lors du prochain référendum.

Premièrement, l'âge minimum requis pour avoir droit de vote devrait être ramené de 18 à 16 ans; deuxièmement, après avoir obtenu leur citoyenneté canadienne, les immigrants devront attendre 18 mois avant de pouvoir voter à un référendum; et, troisièmement, les électeurs hors Québec devront prouver qu'ils ont une propriété au Québec ou qu'ils ont payé des impôts au Québec au cours des deux dernières années.

Bien que le Parti québécois se vante d'être un parti des plus démocratiques, il faut voir dans ces nouvelles mesures proposées non pas une amélioration, mais plutôt une déviation de nos traditions démocratiques. Cette situation est totalement inacceptable et doit être dénoncée par les Québécoises et les Québécois.

* * *

LE PROJET TOKAMAK DE VARENNES

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, vous vous souviendrez qu'avant l'ajournement estival, le Bloc québécois a critiqué énergiquement la décision du gouvernement libéral de mettre fin à sa participation de 7,2 millions de dollars au projet Tokamak de Varennes.

Depuis ce temps, des décisions sans queue ni tête ont continué d'être prises par ce gouvernement. Par exemple, en mai dernier, nous apprenions la mise sur pied de l'opération drapeau qui a jusqu'à maintenant coûté 23 millions de dollars aux contribuables canadiens. Cette malheureuse décision fut suivie cet été par l'apparition d'un organisme de propagande qui agira sous le nom fallacieux de Bureau d'information du Canada et qui s'est vu octroyé un budget qui dépassera les 20 millions de dollars. Et c'est sans parler des dizaines de millions de dollars que se partagent Patrimoine Canada, le Conseil pour l'unité canadienne, Opération unité, et j'en passe.

Le Parti libéral du Canada compte plus d'une dizaine de députés dans la région de Montréal. Qu'attendent-ils pour se faire entendre et ramener à l'ordre les ministres de leur parti? Le gouvernement libéral doit comprendre que les Québécoises et les Québécois n'ont pas besoin de voir plus de rouge mais de voir leurs impôts servir à la création d'emplois.

[Traduction]

CLIFFORD OLSON

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, le 12 août dernier, Clifford Olson a obtenu ce qu'il souhaitait tant avoir, c'est-à-dire la possibilité de demander sa libération conditionnelle après avoir purgé 15 ans de sa peine de prison à vie. Cette possibilité offerte à ce tueur d'enfants était une gracieuseté du ministre de la Justice et du gouvernement libéral.

Le ministre de la Justice n'a rien fait pour empêcher Olson de se faire voir encore une fois. Le ministre de la Justice n'a rien fait pour empêcher Olson de faire revivre aux familles de ses victimes le cauchemar qu'elles endurent depuis que leur enfant leur a été enlevé de manière aussi sadique.

Le ministre de la Justice avait l'appui de Canadiens d'un bout à l'autre du pays et a eu toutes les chances de présenter un projet de loi qui aurait interdit à Olson de profiter de cette inquiétante possibilité de s'en tirer après avoir commis des crimes aussi haineux.

La demande de libération conditionnelle d'Olson est la conséquence directe de l'inaction du ministre de la Justice et de son incapacité d'adopter des mesures législatives qui amélioreraient la sécurité du public.

* * *

[Français]

LE PROJET DÉFI-EMPLOI

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à souligner le travail remarquable et le succès remporté au cours du dernier week-end par les organisateurs du projet Défi-Emploi.

Piloté conjointement par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, le ministère de la Sécurité du revenu et le ministère canadien du Développement des ressources humaines, ce projet permettra à plus de 15 000 personnes d'avoir accès à des ateliers spécialisés pouvant les aider dans leur démarche de recherche d'emploi.

Pour notre gouvernement, il est très encourageant de voir que tant de personnes ont choisi de profiter des services du projet Défi-Emploi afin d'améliorer leur chance d'emploi.

(1415)

Le gouvernement du Canada se félicite de cette initiative et se dit tout à fait disposé à continuer de travailler en étroite collaboration avec le gouvernement du Québec, afin de favoriser une meilleure formation professionnelle et personnelle pour les personnes qui sont en recherche d'emploi.

* * *

[Traduction]

LA DÉFENSE DU CANADA

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, prenez la défense du Canada. Voilà le thème d'un concert bénéfice qui aura lieu le 27 octobre, au Centre des congrès d'Ottawa, pour souligner l'anniversaire du rassemblement pour l'unité nationale tenu l'an dernier à Montréal.

4222

L'objectif est de célébrer le Canada et de collecter des fonds pour payer les frais juridiques de ceux que le directeur des élections du Québec trouvera coupables d'avoir participé au rassemblement historique de l'an dernier.

[Français]

Plusieurs dons ont déjà été faits pour réaliser le concert du 27 octobre. De plus, aucun artiste ne sera rémunéré pour ses services. Le concert se veut donc un effort bénévole mettant en vedette plusieurs artistes canadiens. Canadiens et Canadiennes, soyons unis pour le Canada.

[Traduction]

Les billets coûtent 10 $ chacun et on peut les réserver en appelant Ticketmaster, au numéro (613) 755-1111. Les téléphonistes attendent les appels.

Le Président: Je vois que certains députés ont parfois, comme moi, un problème de cravate. Je sais que cela ne se produira plus.

* * *

L'EMPLOI

M. John Nunziata (York-Sud-Weston, Lib.): Monsieur le Président, tous les députés ont eu l'occasion de passer un bon moment dans leur circonscription. S'il est une chose très évidente, c'est que les Canadiens veulent des emplois. Il reste encore un nombre inacceptable de Canadiens sans emploi et les petites entreprises sont aux prises avec de grandes difficultés. Nous avons fait des progrès remarquables dans le domaine de la création d'emplois, mais il nous reste un long chemin à parcourir.

Durant la dernière campagne électorale, le Parti libéral s'est engagé fermement à créer des emplois. Cette tâche n'a pas encore été accomplie. Je demande donc au premier ministre et au gouvernement de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre en oeuvre les mesures nécessaires à la création d'emplois afin de soulager la douleur des chômeurs et des assistés sociaux de toutes les régions du pays et d'atténuer les difficultés des petites entreprises.

* * *

[Français]

NOUVEAU DÉPUTÉ

Le Président: J'ai l'honneur d'annoncer que le greffier de la Chambre a reçu du directeur général des élections le certificat d'élection suivant:

Mme Sheila Copps, dans la circonscription électorale de Hamilton-Est.

[Traduction]

PRÉSENTATION D'UN NOUVEAU DÉPUTÉ

Mme Sheila Copps, députée de la circonscription électorale de Hamilton-Est, présentée par le très honorable Jean Chrétien et l'honorable David M. Collenette.

Le Président: La députée peut maintenant gagner son siège.

______________________________________________


4222

QUESTIONS ORALES

(1420)

[Français]

LA CRÉATION D'EMPLOIS

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, la performance du gouvernement fédéral au chapitre de la création d'emplois est certes bien en dessous des promesses qui ont été faites au cours de la dernière campagne électorale. Depuis 1993, rien de concret n'a été fait par le gouvernement pour stimuler la création d'emplois, si ce n'est un programme d'infrastructures.

Le premier ministre peut-il nous dire s'il est d'accord avec les paroles de son ministre du Développement des ressources humaines qui déclarait cet été, et je le cite: «Vous pouvez parler au gouvernement du Canada de défense nationale, de justice, de régime de soins de santé national, mais pour la création d'emplois, frappez à la porte de votre législature provinciale»?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement aimerait évidemment que l'économie canadienne ait créé plus d'emplois au cours des trois dernières années. Je tiens à indiquer au chef de l'opposition que l'économie canadienne a créé, depuis novembre 1993, plus de 667 000 nouveaux emplois, soit plus que l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne réunies.

Nous avons mis de l'avant des programmes comme le programme d'infrastructures et nous avons offert aux provinces, au mois de juin, de le poursuivre l'an prochain. Les premiers ministres ont étudié le programme cet été et ils ont accepté. Nous avons déjà entrepris les négociations pour étendre ce programme à l'année 1997 et peut-être aux autres années.

Nous avons aussi mis de l'avant des programmes de création d'emplois pour les jeunes et plusieurs autres mesures. Mais ce qui est le plus important, c'est que nous avons créé le climat nécessaire pour que, par exemple, les taux d'intérêt baissent de 3 p. 100. De telle sorte qu'aujourd'hui, on s'aperçoit que le secteur de la construction a repris au cours des derniers mois. Ceux qui ont des hypothèques devront payer des sommes considérablement moins élevées pour payer les intérêts sur la possession de leur maison.


4223

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre a pris l'habitude, avec son gouvernement, de faire du surf, en quelque sorte, sur la reprise économique et de prendre à son compte la récupération d'emplois qui a été faite et qui devait se faire après en avoir perdu pour la même période au-delà de 800 000.

Le premier ministre réalise-t-il que les politiques du gouvernement fédéral dont notamment la politique d'achat de biens et services occasionne entre autres pour le Québec, où le problème du chômage est assez important, un manque à gagner de 1,2 milliard de dollars en 1994 seulement, privant l'économie du Québec de milliers d'emplois parce que son gouvernement se refuse à corriger une injustice qui perdure?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord corriger le chef de l'opposition parce que lorsque nous parlons de 669 000 nouveaux emplois, ce sont des emplois en surplus du niveau d'emploi qui existait au moment des élections. Il y a toujours dans l'économie des emplois qui se perdent et d'autres qui se créent, mais l'augmentation nette du nombre d'emplois a été de 669 000 nouveaux emplois au Canada depuis que ce gouvernement existe.

Quant à la redistribution des achats de tous les gouvernements, nous avons une politique ouverte et, si on peut dans certains domaines en trouver plus dans une province que dans les autres, en général, le tout est soumis aux procédures d'appels d'offres aux fournisseurs. Et c'est celui qui offre le meilleur produit au meilleur prix qui obtient la commande. Je pense que c'est un système qui fonctionne au Canada depuis très longtemps et je doute que les chiffres avancés par l'honorable député soient exacts.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le système dont parle le premier ministre, et il devrait le réaliser, donne toujours le même type de résultats: c'est toujours à la même place que se font les dépenses du gouvernement fédéral en achat de biens et services.

(1425)

Est-ce que le premier ministre sait qu'un mode de calcul reconnu et fiable en économie a démontré, pour les années 1993-1994, qu'en étant privé de 2,5 milliards de dollars d'achat de biens et services du gouvernement fédéral qui se font toujours au même endroit, le nombre d'emplois dont le Québec a été privé est estimé à 44 675 sur deux ans?

Le premier ministre réalise-t-il que par des politiques inadéquates comme celles-là, qu'il cautionne et qu'il défend, le Québec et son économie perdent des emplois, pendant ce temps-là, soit quelque 22 000 au cours de chacune des années de son mandat?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai pas à ajouter à ce que j'ai dit. Ce sont des affirmations que le Bloc québécois fait depuis longtemps et qui n'ont pas de bien-fondé parce que, dans un pays comme le nôtre, des offres et des demandes se font partout au pays. Il y a des soumissions et les gens obtiennent des contrats.

Dans certains secteurs, parfois, quand on se promène dans d'autres parties du Canada, les gens se plaignent que nous en faisons trop au Québec. Parfois, le Québec se plaint qu'on en fait trop dans les Prairies. Dans une fédération, c'est toujours ainsi.

Mais je dois dire que si le chef de l'opposition donnait un coup de téléphone à la maison mère à Québec, il trouverait que si on enlevait l'insécurité politique au pays, il y aurait beaucoup d'emplois créés au Québec, comme il s'en est créé dans le reste du Canada.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, je ferais remarquer au premier ministre que tous les chiffres cités par le chef de l'opposition viennent de Statistique Canada et non du Bloc québécois et quand il s'agit de donner des contrats à l'Ontario, il n'y a pas d'appel d'offres, comme dans le cas des blindés.

Le gouvernement fédéral dépense plus de 1,5 milliard de dollars par année en recherche dans ses laboratoires et les centres de recherche fédéraux. Or, il est reconnu, toujours selon Statistique Canada, que le Québec n'a jamais reçu sa juste part des investissements en recherche et développement du gouvernement fédéral.

Dans les laboratoires et centres de recherche fédéraux, le déficit des dépenses au Québec se perpétue depuis plus de 15 ans et selon Statistique Canada, pour la seule année 1993-1994, le Québec n'a reçu que 15 p. 100, alors que l'Ontario recevait 59,1 p.100 des dépenses. Le premier ministre se rend-il compte que c'est ce genre de politique qui crée le chômage au Québec?

[Traduction]

M. Morris Bodnar (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, dans le domaine de la recherche et du développement en général, la province de Québec reçoit environ 27 p. 100 des fonds versés par le gouvernement fédéral.

La ville de Montréal reçoit davantage pour la recherche et le développement que la plupart des autres régions du Canada, exception faite de la région de la capitale nationale. Le Québec reçoit donc sa juste part. Cette province, qui abrite environ 30 p. 100 de la population du pays, reçoit approximativement 30 p. 100 des sommes consacrées à la recherche.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, je n'ai pas le droit de montrer les papiers que j'ai sur mon bureau, mais ils proviennent de Statistique Canada et on y signale que c'est 15 p. 100 pour le Québec et 59,1 p. 100 pour l'Ontario. Ce sont les centres de recherche de la capitale nationale; 90 p. 100 des dépenses se font à Ottawa. À ma connaissance, Ottawa n'a pas encore déménagé au Québec.


4224

Le premier ministre reconnaît-il que le manque à gagner du Québec de 152 millions de dollars par année dans les laboratoires et les centres de recherche fédéraux contribue au problème de chômage, prive annuellement l'économie québécoise de près de 1 000 emplois durables et de qualité dans des secteurs de pointe et affaiblit notre capacité à créer des emplois durables et de qualité?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais faire remarquer à la députée que le tiers des fonctionnaires qui travaillent pour le gouvernement fédéral dans la région de la capitale nationale viennent du côté québécois. Ici, il y a une capitale nationale qui se trouve des deux côtés de la rivière et on ne fait pas le partage des dépenses du gouvernement par rue, on le fait par région.

(1430)

Comme le tiers se trouve ici dans la région, très souvent des contrats sont affichés comme appartenant à l'Ontario, mais le tiers de ceux qui en bénéficient sont québécois. Si on fait un partage honnête de tout cela, le Québec a au moins la part égale à sa population.

* * *

[Traduction]

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, tous les faits mis au jour à l'enquête sur l'affaire somalienne révèlent de grossières erreurs de gestion aux plus hauts échelons du ministère de la Défense nationale, mais les Canadiens ont pu constater que le général Boyle blâmait ses subordonnés et rejetait la faute sur d'autres au lieu d'assumer l'entière responsabilité. Ensuite, le ministre de la Défense nationale a soutenu énergiquement le chef d'état-major qu'il a lui-même choisi, avant même que le général Boyle n'ait achevé son témoignage évasif.

En outre, ces deux personnes, le ministre de la Défense nationale et le chef d'état-major de la Défense, prétendent jouir de l'entière confiance du gouvernement et du premier ministre.

Le premier ministre accorde-t-il, oui ou non, un soutien et une confiance sans réserve au ministre et au chef d'état-major?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes heureux de voir que le chef du tiers parti a adopté une nouvelle coiffure. Nous espérons qu'il modifiera aussi ses politiques pour les adapter à de nouveaux besoins. Je suppose qu'il cherchait en fait à se distinguer du chef du Parti conservateur.

Le ministre de la Défense nationale a son travail à faire, et le général Boyle aussi. La commission d'enquête sur l'affaire somalienne a également sa besogne. Laissons-les faire leur travail. Je fais confiance au ministre de la Défense nationale et au général Boyle.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre est probablement le seul à faire confiance au ministre de la Défense nationale et au chef d'état-major.

Le premier ministre sait que ces personnes ne jouissent pas de la confiance des subalternes dans les Forces canadiennes. Le major-général Addy l'a déclaré très clairement quelques heures à peine après avoir renoncé à son uniforme. Elles n'ont certainement pas la confiance du grand public, comme nous sommes nombreux à l'avoir constaté en rendant visite à nos électeurs.

Le premier ministre expliquerait-il à la Chambre pourquoi, contrairement aux Canadiens et aux membres des forces armées, il continue de faire confiance au ministre de la Défense nationale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale a accepté une très lourde charge. Nous traversons une période de rajustement des dépenses militaires et gouvernementales. Nous avons dû réduire le nombre de bases et les effectifs, et amputer de milliards de dollars les dépenses du ministère de la Défense nationale. C'est toujours un travail extrêmement difficile.

Lorsque j'ai nommé le ministre de la Défense nationale, je l'ai prévenu qu'il y aurait une période très difficile. Il a fait un excellent travail dans des circonstances extrêmement difficiles, au cours des trois dernières années. Je l'encourage à rester en poste et à continuer dans la même voie. Il fait du bon travail.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les propos évasifs et l'inaction semblent la seule réponse du premier ministre à tous les problèmes difficiles.

(1435)

Le premier ministre n'a rien fait pour diminuer la dette nationale, qui va atteindre les 600 milliards dans quelques semaines, rien fait pour procurer aux contribuables les allégements fiscaux dont ils ont grand besoin, rien fait, sinon distribuer des drapeaux gratuitement, pour garantir l'unité nationale. Il ne fait rien non plus pour relever le moral des Forces canadiennes ou inciter les Canadiens à faire de nouveau confiance à leurs militaires.

Le premier ministre va-t-il agir? Va-t-il faire quelque chose pour rétablir un peu d'intégrité et le sens des responsabilité dans les Forces canadiennes en demandant au général Boyle et au ministre de la Défense nationale de remettre leur démission?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, pour la première fois depuis bien longtemps, un gouvernement a eu le courage de commander une enquête sur le fonctionnement de la Défense nationale. Cela ne s'était jamais fait. Bien sûr, nous savions que ce serait difficile, mais le processus est en marche et nous voulons que la commission achève son travail.

Entre temps, le ministre de la Défense nationale et le général Boyle doivent diriger les forces armées, et ils le font à la satisfaction du gouvernement.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense.

Les critiques fusent de toutes parts. Ce sont les soldats, les officiers et même des généraux à la retraite qui critiquent publique-


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ment, de l'extérieur comme de l'intérieur, le chef d'état-major des Forces armées canadiennes. La critique est unanime. Le général Boyle n'a plus la confiance de personne et il n'est pas nécessaire d'attendre le rapport pour savoir cela.

Comment le ministre peut-il justifier son entêtement à maintenir en place un chef d'état-major en qui personne n'a confiance. Qu'est-ce qu'il y a en-dessous de ça?

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre a essentiellement répondu à la question portant sur le chef d'état-major et sur moi-même.

Il est très important de se rendre compte, comme l'a dit le premier ministre, que nous avons ordonné une enquête. C'est quelque chose que nous avions réclamé en relation avec le déploiement en 1993 du Régiment aéroporté canadien en Somalie, lorsque nous étions dans l'opposition. En ordonnant cette enquête, nous avons tenu notre promesse envers le peuple canadien.

Nous devons maintenant respecter le processus que nous avons mis en route. Ce n'est pas bien de considérer les preuves isolément, de juger les individus isolément. Il faut considérer le processus dans son ensemble.

J'ai confiance dans les trois personnes qui mènent l'enquête et je suis sûr qu'elles seront en tirer les conclusions qui s'imposent. Elles découvriront la vérité. C'est ce que nous voulons, c'est ce que veut le peuple canadien.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question supplémentaire s'adresse au premier ministre.

Pendant que le gouvernement attend, il y a une crise de confiance majeure dans les Forces armées canadiennes. Le ministre de la Défense, lui, s'accroche désespérément à protéger sa créature qu'est le général Boyle.

Cela fait plus de cent jours que cela dure. Le premier ministre se rend-il compte que c'est à lui maintenant de régler le problème, et à lui seul? Qu'attend-il pour demander la démission du ministre et du général Boyle?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons une commission d'enquête qui fait son travail en ce moment.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, le ministre de la Défense fait un travail difficile. Il doit le faire. Le général Boyle, qui a pris la situation dans une période très difficile pour les forces armées, fait son travail comme il doit le faire. Il doit continuer à le faire. Laissons la commission d'enquête faire son travail. Lorsque nous recevrons le rapport de la commission d'enquête nous pourrons voir ce qui s'est passé, ce qui ne va pas et s'il y a d'autres mesures à prendre.

En ce moment, les Forces armées canadiennes sont réduites de façon considérable. Des bases ont été fermées; il y a eu une réduction considérable du nombre d'officiers de l'état-major. Il y avait au-delà de cent généraux autrefois, maintenant il y en a peut-être 30 de moins. Il y en a qui doivent quitter et cela va continuer.

Quand quelqu'un quitte un poste comme celui-là, c'est normal parfois qu'il se plaigne. Malheureusement les forces armées sont réduites et c'est un facteur difficile lorsqu'il faut rationaliser n'importe quelle organisation, particulièrement les forces armées.

[Traduction]

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre disait aujourd'hui que le ministre de la Défense nationale a entrepris une tâche très difficile, et il a parfaitement raison. Le ministre de la Défense nationale, après tout, est responsable de la politique d'endiguement de l'accès aux documents d'information. Le général Boyle a mis en oeuvre une politique d'endiguement. Cette politique était conçue pour tromper les médias, refuser de communiquer des renseignements au public et détruire des preuves essentielles.

(1440)

Est-ce que le ministre de la Défense nationale est un pion ou un acteur dans ce plan, ou est-ce que le général Boyle a agi de sa propre initiative?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je trouve étrange que le député, qui prétend que son parti était heureux de voir cette commission d'enquête mise sur pied, conteste maintenant les témoignages fournis à cette commission, en vienne à des conclusions, puis les expose ici à la Chambre des communes.

Je pense que cela démontre que ni lui ni ses collègues ne sont réellement respectueux du processus. Je suis sûr qu'il ne voudrait pas que nous ou la population canadienne croyions qu'il essaie d'intervenir dans le processus qu'il applaudissait lorsqu'il a été mis sur pied.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale insulte les Canadiens qui ont servi dans les forces armées canadiennes. Il insulte tous ceux qui sont morts pour le pays à Dieppe ou sur le plateau de Vimy ou à la bataille d'Ypres. Il insulte ceux qui ont passé cinquante ans à se battre pour la paix dans notre pays.

Le moral des forces armées canadiennes a énormément souffert sous la direction du ministre de la Défense nationale et du général Boyle. Nos forces méritent une direction de plus haut calibre. Au lieu de cela on leur offre une conduite qui va à l'encontre de l'éthique et qui est le résultat d'une politique autorisée par le ministre. Il n'y a pas de responsabilités, pas de compte à rendre.

Ma question s'adresse au premier ministre. Les Canadiens demandent le renvoi du ministre et du général Boyle. Qu'est-ce que le premier ministre va faire en réponse à cette demande?


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L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je ne vais pas m'abaisser à répondre aux commentaires malséants du député.

Je voudrais prendre une minute pour essayer de remettre cela dans un contexte convenable. Le Canada n'est pas le seul pays à avoir des problèmes en ce qui concerne l'armée depuis la fin de la guerre froide. Les Hollandais ont eu également à traiter de la tragédie de Srebrenica. Mes collègues aux États-Unis ont eu des problèmes avec la marine. En Grande-Bretagne, il y a des problèmes avec la mise hors service de structures ou d'institutions historiques. En Allemagne, c'est l'incorporation d'une armée étrangère au sein de l'armée allemande.

Il y a dans tout cela un lien commun qui vaut aussi pour le Canada. Dans un monde en évolution, nous avons besoin de redéfinir notre mission, de réajuster nos priorités, de réévaluer nos dépenses et également de nous adapter à des normes et des valeurs propres à la société contemporaine.

C'est ce que font les forces canadiennes et c'est ce que font également nos alliés.

[Français]

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le premier ministre et le ministre de la Défense nationale disent aujourd'hui qu'ils n'ont rien à cacher au sujet de la crise qui perdure dans l'armée canadienne. Or, c'est par une requête en injonction visant à museler le commissaire à l'information pour l'empêcher de diffuser un rapport accablant sur la question des demandes à l'information qu'on tente de camoufler la vérité.

Comment le premier ministre peut-il faire confiance à un ministre qui s'associe à une démarche visant à faire taire, par tous les moyens, ceux qui émettent des jugements critiques sur la façon dont l'armée est gérée?

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député fait allusion à un procès qui est en instance.

Je me dois d'être très prudent dans mes propos. Cette affaire ne doit aucunement être perçue comme une tentative, de la part du ministère de la Défense nationale ou du gouvernement, de priver la population de son droit d'accès à l'information.

L'action intentée devant la Cour fédérale concerne, selon nous, le droit inaliénable des employés du gouvernement à un traitement équitable, droit dont jouissent et s'attendent à jouir tous les Canadiens.

Afin de ne pas faire de tort injustement et irrémédiablement à un employé du gouvernement canadien, nous déférons complètement cette affaire aux tribunaux. Je pense que nous devrions laisser aux tribunaux le soin d'en décider.

[Français]

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, cela fait des mois et des mois que le ministre nous dit qu'il ne peut rien dire à cette Chambre.

Comment le premier ministre peut-il garder en poste un ministre qui essaie par tous les moyens de retenir l'information pour protéger celui qu'il a nommé lui-même au poste de général en chef?

(1445)

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre et moi-même avons répondu à ces questions.

J'aimerais que ceux qui, à l'instar du député et de ses collègues du Parti réformiste, disent que l'armée est dans le pétrin, le répètent aux hommes et aux femmes qui servent en Bosnie, à Haïti et au Moyen-Orient. J'aimerais qu'ils le répètent à nos marins, à nos aviateurs et à nos spécialistes de la recherche et du sauvetage. J'aimerais qu'ils le répètent aux 500 hommes et femmes des armées de l'air et de terre qui ont participé aux opérations de secours lors de l'inondation survenue au Saguenay. Est-ce bien cela qui s'appelle être dans le pétrin? C'est une force armée qui travaille et qui travaille bien dans une situation difficile.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, les forces armées se portent bien et ce, en dépit et non à cause de leurs chefs.

Un bon chef, notamment un bon chef militaire, doit avoir la confiance et le respect de ses subalternes.

Le témoignage du général Boyle dans l'enquête sur l'affaire de la Somalie indique que son leadership consiste entre autres à induire en erreur la police militaire, à violer l'esprit de la Loi sur l'accès à l'information, à accuser des officiers subalternes de manquer de force morale et à bénéficier d'un traitement privilégié de la part de son ministère.

Le premier ministre agira-t-il immédiatement pour offrir un leadership incontesté aux Forces canadiennes, en révoquant le général Boyle et le ministre Collenette?

Le Président: Avant de laisser le premier ministre répondre à la question, je rappelle aux députés que nous devons nous adresser les uns aux autres par notre titre et non par notre nom.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je répondrai par une longue réponse. Je garde le ministre de la Défense nationale dans son poste parce que j'ai confiance en lui. Dans le gouvernement précédent, le ministre de la Défense était remplacé chaque année. J'ai jugé que cela posait un problème. J'ai donc nommé une personne compétente à ce poste jusqu'à ce qu'elle accomplisse sa tâche.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale a accusé mon collègue d'ingérence dans le processus. Je souligne que c'est le


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ministre qui a tiré les conclusions au sujet du général Boyle, avant même que le général n'ait fini de témoigner.

Le premier ministre a basé sa campagne électorale sur des questions de leadership, d'intégrité et de responsabilité. Admettra-t-il maintenant que, en défendant constamment, par son inaction, son chef d'état-major de la défense, qui a été trié sur le volet, il n'offre pas aux Forces canadiennes le leadership, l'intégrité et la responsabilité dont elles ont besoin et auxquels elles ont droit?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est exactement ce que je fais. Les Forces canadiennes ont besoin d'un leadership stable. J'ai nommé un homme qui a une carrière remarquable dans les forces armées.

Une enquête est en cours. Toute organisation qui fait l'objet d'une enquête passe forcément par une période difficile. Laissons le ministre de la Défense nationale, le chef d'état-major et la commission d'enquête faire leur travail. Ils sont là pour cela et on devrait leur permettre d'agir.

* * *

[Français]

LA CAUSE BERTRAND

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Le ministre de la Justice déclarait, au printemps dernier, que le gouvernement fédéral s'immisçait dans le dossier Bertrand à cause de l'intervention du gouvernement du Québec dans cette affaire.

Sachant maintenant que le gouvernement du Québec n'interviendra plus dans cette cause, le ministre de la Justice va-t-il, en toute cohérence, se retirer aussi de ce dossier?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous allons décider, dans les jours à venir, ce que nous ferons dans cette cause. Mais une chose est très claire, c'est que nous avons l'intention de respecter l'engagement que nous avons exprimé il y a quelques mois dans le discours du Trône, c'est-à-dire que la prochaine fois, s'il devait y avoir un prochain référendum, nous allons agir pour assurer que la question soit claire, que les conséquences soient bien connues et que tous les Canadiens aient un rôle à jouer dans la détermination de l'avenir de ce pays.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, peu avant le dernier référendum, le ministre de la Justice déclarait que la souveraineté était avant tout une question d'ordre politique et non d'ordre juridique.

(1450)

Le ministre peut-il nous dire aujourd'hui si ce sont les résultats serrés du dernier référendum qui l'ont fait changer d'idée et qui l'amènent aujourd'hui à vouloir soumettre la volonté du peuple québécois à une constitution que le Québec n'a jamais reconnu?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, les deux principes fondamentaux sont connexes et tous les deux sont très importants. Chacun est très important. Premièrement, il est très important de déterminer la volonté de la population du Québec, et il est également très important d'avoir un cadre dans lequel on puisse agir.

[Traduction]

Sans un cadre légal, c'est le chaos. Il semble que le procureur général du Québec ait décidé, de façon surprenante, de tenir un référendum consultatif. Le lendemain du référendum, s'il obtient les résultats qu'il souhaite, la question est réglée, notre pays n'existe plus et la province est séparée.

Ce n'est pas la façon dont nous procédons au Canada. Il est vrai que la volonté et la décision de la population du Québec sont importantes. Cependant, on doit voir les choses dans une perspective juridique, car c'est la façon dont nous procédons au Canada, en tenant compte de la primauté du droit.

* * *

LE COMMERCE INTERNATIONAL

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, au printemps dernier, dans le cadre de la visite à Ottawa des dirigeants des cinq États d'Amérique centrale, le gouvernement du Canada s'est engagé à prendre des mesures pour renforcer les liens du Canada avec cette région.

Étant donné l'importance croissante de l'Amérique centrale pour la politique étrangère et commerciale du Canada, le ministre des Affaires étrangères peut-il nous préciser les mesures concrètes que le gouvernement a prises depuis le printemps dernier pour améliorer nos relations avec l'Amérique centrale?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, au printemps dernier, le premier ministre du Canada et les présidents des pays d'Amérique centrale ont été en mesure d'établir de toutes nouvelles relations entre nos deux régions qui ont chacune 30 millions d'habitants environ.

La semaine dernière, nous avons pris des mesures concrètes à ce sujet en entreprenant des négociations sur l'établissement de nouvelles liaisons aériennes entre l'Amérique centrale et le Canada, en concluant une série d'ententes sur la protection des investissements étrangers qui inciteront davantage les investisseurs Canadiens à s'implanter dans cette région, ainsi qu'en lançant une nouvelle série d'initiatives en matière de promotion commerciale et de commercialisation.

Ces liens économiques se traduisent maintenant par des relations politiques beaucoup plus étroites, alors que les gouvernements d'Amérique centrale sont maintenant d'accord avec une interdiction totale des mines terrestres, qui constitue une grande priorité pour les Canadiens. Ils travaillent en étroite collaboration avec nous sur les questions touchant les droits de la personne.

Nous pouvons voir clairement qu'on a réussi en très peu de temps à établir de toutes nouvelles relations dans une région du monde extrêmement importante.


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LA DÉFENSE NATIONALE

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, le général Boyle affirme qu'il jouit de la confiance de ses maîtres politiques et du personnel des Forces canadiennes.

Pourtant, il n'a pas l'appui du major Addy. Ni celui du major général Vernon, du major général Lewis MacKenzie et de bien d'autres qui croient que le général devrait faire ses valises et déguerpir. Les seuls qui pensent que le général devrait rester sont le premier ministre et le ministre de la Défense.

Quand le premier ministre fera-t-il preuve de leadership et se débarrassera-t-il du général Boyle et du ministre, les Laurel et Hardy de l'armée canadienne?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a apporté bien des changements au ministère de la Défense nationale et aux forces armées ces dernières années.

Certaines personnes sont incapables d'accepter le changement. La députée et ses collègues nous en donnent la preuve tous les jours à la Chambre des communes par leur comportement. Parmi ceux qui ne peuvent accepter le changement au sein des forces armées, il y a des officiers généraux. Lorsqu'ils sont incapables d'accepter le changement, ils font ce qu'ils ont à faire; ils quittent l'armée et passent à autre chose.

Nous continuerons d'apporter des changements pour revitaliser le corps des officiers, pour en donner plus aux contribuables pour leur argent, pour faire davantage avec moins de ressources. C'est ce que nous ferons.

Si certains membres des forces armées se sentent mal à l'aise au sujet des changements apportés à l'armée, ils ne font que leur devoir en quittant.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, le ministre prétend que je ne suis pas prête à accepter le changement.

Au contraire, je demande du changement, comme le font des millions de Canadiens qui réclament sa démission. Nous exigeons du changement.

Le ministre parle aussi d'argent et de restrictions au sein de l'armée. Il n'est pas question d'argent ici, mais bien de moralité.

Permettez-moi de poser la question une autre fois au premier ministre aujourd'hui et de lui donner ainsi l'occasion de bien réfléchir à la situation. Exigera-t-il sur-le-champ, aujourd'hui même, non pas de l'argent, mais la démission du ministre et celle du général Jean Boyle, qui est devenu une source d'embarras pour tous nos membres des forces armées?

(1455)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai déjà déclaré à la Chambre des communes.

[Français]

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, en pleine période de restrictions budgétaires et alors que le chômage sévit partout au Canada, la ministre du Patrimoine, quant à elle, se spécialise dans les dépenses farfelues et inutiles.

Ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine. Comment peut-elle justifier qu'en plus de gaspiller 23 millions de dollars pour des drapeaux, elle s'apprête, à compter d'aujourd'hui, à engloutir 20 millions de dollars dans le Bureau Information Canada, un bureau de propagande?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, c'est sûr que la population canadienne est préoccupée. C'est aussi vrai que selon le journal Le Soleil, le gouvernement séparatiste du Québec a dépensé 82 millions de dollars dans le but de la séparation.

Je pense qu'au lieu de dépenser pour séparer le pays, on serait mieux de dépenser pour le garder uni.

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, il est clair qu'on parle ici de ses drapeaux et de son patronage. Comment la ministre, s'il ne s'agit pas de propagande, peut-elle justifier qu'elle ait mis de côté les règles usuelles d'embauche de la fonction publique pour engager ses petits amis fédéralistes?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, le drapeau du Canada n'est pas mon drapeau, c'est le drapeau de notre pays. Comme vous pouvez le constater, en parlant du BIC, il existe actuellement un BIC en Allemagne, il y en a un en France, un en Belgique, un en Hollande. C'est sûr que pour enseigner l'histoire du Canada, il est important que le gouvernement fédéral s'engage et on veut respecter justement la demande des Canadiens d'en savoir plus sur leur pays, qui est toujours le Canada.

* * *

[Traduction]

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.

Le groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest a soumis son rapport au gouvernement le 2 juillet. Depuis le dépôt du rapport, les agriculteurs ont dit qu'ils voulaient qu'on apporte des changements à la Commission canadienne du blé, sans pour autant en souhaiter l'abolition pure et simple. Les agriculteurs s'attendent à ce que le gouvernement fasse une importante déclaration à ce sujet d'un jour à l'autre.

Le ministre dira-t-il à la Chambre quels changements sont prévus, par exemple dans la direction de la Commission, et quand le gouvernement prendra une décision sur cette question très importante?


4229

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, j'apprécie qu'on me pose cette question très sérieuse sur un sujet également sérieux.

Le gouvernement a entrepris de vastes consultations auprès de dizaines de milliers de producteurs partout dans l'ouest du pays. Ce processus de consultation est maintenant à peu près terminé. J'espère avoir l'occasion ces jours prochains de discuter de mes conclusions et de mes recommandations avec mes collègues du Cabinet.

Sauf imprévu, j'espère être en mesure de faire connaître l'orientation que nous entendons prendre avant le Jour d'Action de grâce.

* * *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je me demande si le premier ministre et le ministre de la Défense nationale se rendent bien compte du message qu'ils envoient à leurs forces armées. Aujourd'hui, ils veulent leur parler de réduire les budgets et de fermer certaines bases militaires, mais ils leur disent aussi que des codes de conduite différents peuvent s'appliquer aux divers niveaux d'officiers.

Pourquoi un officier comme le général Vernon a-t-il été congédié pour des actes commis par ses subalternes, alors qu'un autre comme le général Boyle reçoit les félicitations et les louanges du ministre pour avoir fait exactement la même chose?

La situation est-elle différente pour celui qui est nommé au sommet par les libéraux ou est-ce que tous les membres des forces armées ne devraient pas recevoir le même traitement?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre a traité de ces questions concernant le chef d'état-major de la Défense.

Il est important de souligner encore une fois, à la fin de la période de questions, que nous devrions laisser la commission faire son travail, discuter et décider des sujets qui l'intéressent et qui intéressent les Canadiens.

Comme je l'ai déjà dit, certains ne peuvent accepter le changement et, quand cela se produit, ils posent le geste qui est honorable et ils quittent.

(1500)

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, les membres des forces armées attendent du leadership de la part du titulaire de ce poste, et ce n'est pas ce qu'ils reçoivent.

Ils le disent au ministre de la Défense nationale et le supplient d'agir. Au train où vont les choses, il faudra faire enquête sur l'enquête. Le ministre accorde un traitement particulier au chef d'état-major de la Défense. Il y a des séances d'information spéciales, une aide spéciale, un traitement spécial de la part de la police militaire, une façon spéciale de traiter les documents d'information et un traitement spécial pour celui qu'on a choisi, le monsieur Bean des Forces canadiennes.

Pourquoi le ministre abaisserait-il les exigences pour son chef d'état-major et hausserait-il celles des autres officiers, même ceux qui font partie de l'état-major général?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député m'a demandé de faire quelque chose. Où était-il depuis trois ans?

Nous avons tenu un débat sur la politique de la défense. Nous avons publié un livre blanc. Nous avons adopté une politique d'approvisionnement en nouveau matériel. Nous avons rééquipé l'armée en matériel pour lui permettre de relever les défis de l'avenir dans le domaine du maintien de la paix. Nous avons éliminé des niveaux, restructuré et réduit le personnel de 25 p. 100. Nous avons fermé de 50 à 60 installations et bases sans soulever la moindre difficulté au Canada parce que nous avons procédé équitablement. Je soutiens que nous avons fait énormément depuis trois ans.

* * *

[Français]

L'INDUSTRIE DE L'AMIANTE

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Suite à la décision française d'interdire l'amiante en France à partir du 1er janvier 1997, le gouvernement du Québec a mis sur pied un plan d'action pour défendre l'usage sécuritaire de ce produit auprès des pays consommateurs. Ce plan est soutenu par un budget de près de trois millions de dollars provenant du Trésor québécois.

Lors de sa prochaine visite en France où il doit rencontrer le président Chirac pour faire suite au Sommet du G-7, le premier ministre s'engage-t-il à intervenir personnellement et directement auprès des autorités françaises afin que la France révise ses positions quant à l'utilisation de l'amiante?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je suis d'accord avec l'honorable député qu'il y a moyen d'utiliser l'amiante d'une façon sécuritaire. Notre ministère des Affaires étrangères a déjà fait des représentations auprès du gouvernement français.

Lorsque j'aurai l'occasion de rencontrer à nouveau le président Chirac, je lui ferai part de nos préoccupations. Je serai en mesure de l'assurer que nous faisons ici au Canada et dans bien d'autres pays une utilisation tout à fait sécuritaire des produits de l'amiante, et qu'il ne devrait pas bannir ce produit en ce moment et en aucune autre circonstance parce que la preuve est faite qu'on peut, dans certaines circonstances, s'en servir de façon adéquate et très sécuritaire.


4230

[Traduction]

LES NOMINATIONS DU GOUVERNEMENT

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, voici que deux employés très en vue des Affaires étrangères sont impliqués dans l'enquête sur la Somalie. Bien sûr, tout le monde sait que M. Fowler a été expédié à l'étranger le 23 décembre 1994, lorsque la Chambre ne siégeait pas. Nous savons que Mme Campbell a été envoyée à son château de Los Angeles en juillet 1996, lorsque la Chambre ne siégeait pas. C'est à se demander si le général Boyle ne sera pas nommé ambassadeur à l'OTAN pour son cadeau de Noël.

Pourquoi le premier ministre ne fait-il pas preuve d'un peu d'autorité et ne fait-il pas passer les Canadiens avant ses amis et les bénéficiaires de nominations politiques?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, M. Fowler ne compte pas parmi mes amis. Il a été fonctionnaire toute sa vie et il a occupé avec beaucoup de distinction bien des postes importants au gouvernement. Il a été nommé au sein de la fonction publique et il est un membre de la fonction publique.

On pourra fort difficilement prétendre que l'ancien leader du gouvernement et l'ancienne première ministre Campbell sont de mes amis. Celle-ci et moi-même avons été des adversaires pendant quelque six mois, mais je crois sincèrement qu'elle est capable d'occuper ce poste avec dignité.

Comme nous éprouvons des problèmes avec les Américains dans le domaine culturel, notamment, elle pourra en tant qu'ancienne première ministre aider la communauté culturelle canadienne à se faire entendre à Los Angeles. Je l'y ai nommée avec plaisir.

Je ne sais pas si M. Fowler a jamais voté pour nous, mais je suis sûr que Mme Campbell n'a pas voté pour moi aux deux dernières élections.

* * *

(1505)

LES TRANSPORTS

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, on ne peut faire autrement que de se souvenir de législatures antérieures où les scandales réels ou apparents ont mobilisé toute l'attention des partis de l'opposition et permis au parti ministériel de faire oublier son incurie sur les plans social et économique.

Les libéraux peuvent-ils nous dire, non pas ce qu'ils ont fait pour que le Parti réformiste axe toutes ses énergies sur le général Boyle et reste muet sur la création d'emplois, mais bien ce qu'ils comptent faire au chapitre de l'emploi?

Le ministre responsable du Manitoba en l'absence du ministre des Transports peut-il expliquer à la Chambre l'engagement du gouvernement relativement à l'avenir du nord du Manitoba et aux infrastructures ferroviaires qui s'y trouvent, compte tenu du fait que le CN a annoncé son intention d'abandonner l'embranchement Sherridon?

Le gouvernement peut-il dire à la Chambre aujourd'hui qu'il empêchera cela et qu'il ne laissera pas le CN porter un dur coup à la population de la circonscription de Churchill malgré ce que lui permettent de faire la déréglementation et les modifications à la politique canadienne du transport autorisées par les libéraux?

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Il travaille fort au sein du Comité des transports. À l'occasion, il vient poser des questions pertinentes au parti ministériel.

À vrai dire, le gouvernement actuel a pour politique de faire ce qu'il convient. Le CN est maintenant une entreprise privée. Il va prendre les décisions de gestion difficiles qui s'imposent et adopter les mesures économiques nécessaires pour que l'entreprise repose sur des assises économiques saines et solides et qu'elle puisse soutenir la concurrence à l'échelle mondiale. Si des décisions en ce sens doivent être prises, c'est la société privée qui les prendra.

Le gouvernement et le ministre s'assureront toujours que la sécurité soit la priorité numéro un. La sécurité sera la préoccupation première du gouvernement, et rien ne sera fait sans que le ministre des Transports ne veille à ce que la sécurité soit la principale priorité de l'entreprise en question et des autres sociétés ferroviaires au Canada.

* * *

L'EMPLOI

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Il se souviendra qu'il y a trois ans, son parti et lui ont fait campagne sur la question des emplois. Or voici que, trois ans plus tard, nous traversons la pire période consécutive de chômage-le taux de chômage s'établissant à plus de 9 p. 100-depuis les années 30. Entre-temps, le gouvernement a rejeté du revers de la main toute proposition de réduction des impôts fédéraux.

Aujourd'hui, jour de la rentrée parlementaire, je voudrais faire une proposition concrète au premier ministre et au gouvernement. Le premier ministre ne convient-il pas que les cotisations d'assurance-emploi produiront un excédent de 5,5 milliards de dollars cette année, et de 5,3 milliards de dollars l'an prochain? Il s'agit là d'un impôt de plus de 10 milliards de dollars sur les emplois. Remboursera-t-il cet argent aux travailleurs et aux petites entreprises, réduira-t-il les impôts et créera-t-il des emplois, comme il l'a promis il y a trois ans?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je rappelle au chef du Parti conservateur que lorsque nous avons remplacé son parti, le taux de chômage était de 11,5 p. 100, alors qu'il est maintenant de 9,4 p. 100.

En ce qui concerne la question du régime d'assurance-emploi, à ce moment-là, le fonds accusait un très grave déficit d'environ 6 milliards de dollars. Comme nous sommes des administrateurs prudents, nous voulons accumuler un excédent, ce qui ne nous a pas


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empêchés de réduire les cotisations de 3,30 $ à 2,95 $. Nous diminuons les cotisations d'une manière graduelle. Nous avons épongé le déficit causé par les conservateurs. Nous constituons une réserve parce que, dans un régime d'assurance, il est normal de créer une réserve durant les meilleures années.

C'est exactement ce que nous faisons. Nous mettons de l'ordre dans le gâchis laissé par le Parti progressiste conservateur.

(1510)

Le Président: Chers collègues, nous allons rendre hommage à William Marvin Howe, un ancien député, puis au Dr Victor Railton, un autre ancien député. Ensuite, je vais rendre ma décision sur la question de privilège qui a été soulevée avant l'ajournement de l'été. Rendons maintenant hommage à William Marvin Howe, ex-député de Wellington-Grey-Dufferin-Waterloo.

* * *

LE DÉCÈS DE M. WILLIAM MARVIN HOWE

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, nous rendons aujourd'hui hommage au regretté Marvin Howe, député à la Chambre des communes de 1953 à 1972. Sa femme, Helen Ruth Blair, l'avait précédé dans la tombe.

Au nom de tous les députés, je présente nos sincères condoléances à ses fils Bill, Peter Marvin et sa femme Doreen et Sandy et son épouse Susan, ainsi qu'à sa fille Mary Ellen McNaught et son mari David. Nous présentons aussi nos condoléances à ses petits-enfants et arrière- petits-enfants.

Marvin Howe était diplômé de la Listowel High School et du Teacher's College de Toronto. Après avoir enseigné pendant une courte période, Marvin a lancé une petite entreprise à Arthur, en Ontario. Avant d'être élu à la Chambre des communes, il a été préfet d'Arthur, président du conseil scolaire local et membre du conseil municipal.

Après son élection comme député de Wellington-Huron, il a été membre de plusieurs comités de la Chambre et a été nommé président du Comité des transports à deux reprises.

Je garde de lui l'image d'un homme jovial qui s'entendait bien avec tous les autres députés. Il a servi la population sous quatre premiers ministres: les très honorables Louis St-Laurent, John Diefenbaker, Lester B. Pearson et Pierre Elliott Trudeau.

Durant ses mandats, de 1953 à 1972, les députés des deux côtés de la Chambre avaient de fréquents rapports, ce qui leur permettait de très bien se connaître les uns les autres. C'est tout à l'honneur de notre institution. Peu importe les affiliations politiques, nous étions à même de constater l'esprit de corps et le sentiment national de nos collègues. Marvin Howe était un député dévoué et a toujours été un ami.

Il est ironique que nous rendions aujourd'hui hommage à deux anciens députés qui ont vécu au-delà de 90 ans. Pendant des années, Marvin Howe a essayé d'aider ses voisins et son pays et nous remercions sa famille de l'avoir laissé travailler avec nous pendant si longtemps.

[Français]

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Monsieur le Président, je voudrais joindre ma voix et celle des députés du Bloc québécois à l'orateur qui m'a précédé lorsqu'il s'est adressé à la Chambre pour nous parler de M. Howe. Nous voudrions nous aussi offrir nos condoléances à ses quatre enfants et à sa femme Susan.

(1515)

Nous ne le connaissions pas, parce qu'aucun de nous n'a siégé avec lui. Toutefois, lorsque j'ai siégé quelques années comme conservateur, il m'est arrivé d'entendre parler du bon travail qu'il avait accompli, principalement au ministère des Transports.

Il était connu de ses confrères députés conservateurs comme un homme jovial et très respectueux des individus. Après avoir oeuvré aux niveaux municipal et scolaire, il a oeuvré plusieurs années ici à la Chambre des communes. Nous saluons donc son travail remarquable et son implication dans la communauté canadienne.

[Traduction]

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour joindre ma voix à celles de mes collègues du Parti libéral et du Bloc québécois afin de rendre hommage au Dr Victor Railton et à M. William Marvin Howe.

Ces deux Ontariens ont consacré de nombreuses années de leur vie à servir les Canadiens tant à la Chambre que dans leur localité. Ils étaient un exemple de générosité et d'abnégation, et leur dévouement à servir le public devrait être une source d'inspiration pour nous tous.

Au nom du Parti réformiste, j'offre mes plus sincères condoléances aux familles et amis de ces deux grands Canadiens.

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, au nom du caucus néo-démocrate, je veux me joindre à mes collègues à la Chambre des communes pour rendre hommage à deux anciens députés, William Marvin Howe et Samuel Victor Railton.

Comme le député de Renfrew-Nipissing-Pembroke l'a mentionné plus tôt, ces deux hommes ont vécu jusqu'à 90 ans. S'ils ont eu une longue vie si bien remplie, c'est un peu parce qu'ils en ont consacré une grande partie à servir leurs concitoyens en les représentant à la Chambre des communes et de bien d'autres façons.


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Je me joins à tous mes collègues ici pour honorer leur service et pour offrir mes condoléances à leurs familles.

* * *

LE DÉCÈS DU DR VICTOR RAILTON

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, le Dr Victor Railton, à qui nous rendons affectueusement hommage aujourd'hui, était un grand Canadien à cause de ses nombreuses réalisations et de son dévouement à chacune des causes qu'il épousait.

Victor Railton était un homme très carré quand venait le temps de mener une entreprise à bonne fin. Cependant, il avait un bon sens moral et s'est toujours soucié de ne blesser personne. Ces qualités l'ont aidé à traiter ses malades avec doigté en tant que médecin et chirurgien et à bien s'acquitter de ses fonctions envers les électeurs qu'il a représentés à la Chambre des communes de 1972 à 1979.

Sa femme, Ruth, qui est décédée en 1987, et lui-même étaient des gens très respectés tant sur la colline du Parlement qu'ailleurs dans le pays.

Dans le domaine des études, M. Victor Railton a obtenu un diplôme du collège de Brantford avant de décrocher un doctorat en médecine à l'Université de Toronto, en 1929. Il a pratiqué la médecine familiale à Port Colborne, puis il a obtenu une bourse pour se spécialiser en chirurgie. Il a également servi brillamment en tant que chirurgien du Corps de santé royal canadien, de 1940 à 1945, en France, en Angleterre, en Belgique et aux Pays-Bas, où il a joué un rôle de premier plan dans les hôpitaux de campagne.

À son retour au Canada, le docteur Railton a pratiqué la chirurgie à Welland, où il a obtenu le poste de chef du personnel à l'hôpital général de comté de Welland. Cet éminent Canadien a été président du conseil scolaire de la ville de Welland et a obtenu la Médaille du Centenaire en 1967.

Homme dévoué et talentueux, M. Railton a défendu de nombreuses causes dans l'intérêt de la communauté. En 1970, il a servi comme chirurgien bénévole au Nigéria pendant la guerre du Biafra.

Il a été élu député de Welland en 1972 et réélu le 8 juillet 1974. M. Railton a occupé le poste de secrétaire parlementaire du ministre des Affaires des Anciens combattants et a été membre de plusieurs comités de la Chambre. Le docteur Railton livrait toujours des discours bien documentés à la Chambre.

(1520)

Il laisse dans le deuil son épouse, Deirdre Railton, ses fils Richard et James et ses filles Jane et Eleanor. Il laisse également huit petits-enfants et cinq arrière-petits-enfants. Nous leur offrons à tous nos plus sincères condoléances. M. Railton et été précédé dans le mort par sa fille, Nancy, ainsi que par trois soeurs. Nous sommes reconnaissants aux membres de la famille de M. Railton d'avoir partagé avec nous la vie de ce père remarquable.

En tant que député, il était l'ami et le conseiller de tous et il a été le médecin de nombreux collègues, dont moi-même. Il ne perdait jamais son sang-froid et ne cédait jamais à la panique. Il savait toujours garder les deux pieds sur terre et faire preuve de jugement.

Député très dévoué à sa charge, le docteur Railton a toujours été une personne sympathique et joviale. Décédé à plus de 90 ans, Victor Railton a vécu une existence productive et engagée et a servi de façon incomparable sa famille, sa communauté, son pays et la communauté internationale.

De nombreux députés et aspirants à la vie publique pourraient s'inspirer de la vie exemplaire de cet homme pour façonner leur propre avenir.

Nous remercions la famille du docteur Railton d'avoir partagé avec nous la vie de cet homme pour le plus grand bien du Canada.

[Français]

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Monsieur le Président, je voudrais également me joindre à l'orateur précédent pour rendre un court hommage à Victor Samuel Railton qui était de Welland. Je suis très heureux de le faire au nom du Bloc québécois et de tous les députés puisque cette ville est jumelée à la ville de Tracy dans mon comté. Il y a donc beaucoup d'affinités avec les gens de mon comté qui ont effectué plusieurs visites dans cette région. Ils l'ont fait à l'époque où M. Railton était député fédéral. C'est donc avec empressement que je présente mes condoléances à ses enfants et petits-enfants.

Nous respectons énormément le travail qu'il a fait dans le domaine hospitalier à titre de médecin remarquable, dans le domaine scolaire où il a été président et dans plusieurs sociétés où il a été très actif, par exemple la Société canadienne du cancer, la Croix-Rouge, la Société canadienne de l'arthrite. Il a également rendu des services à notre communauté et à notre nation dans l'armée canadienne.

Je voudrais aussi rappeler ce que mes confrères députés me disaient. Lorsque je suis arrivé en 1984, quand on citait les bons orateurs et ceux qui avaient un contenu exceptionnel et une richesse de vocabulaire tout à fait à part, on citait souvent le nom de M. Railton. J'ai bon souvenir d'avoir entendu parler de lui comme cela, de même que comme étant un homme extrêmement tolérant et respectueux de tous les députés de la Chambre.

Nous gardons un excellent souvenir de son travail comme député, de son travail comme médecin et comme homme impliqué dans la communauté de Welland. Nous offrons à sa famille nos condoléances les plus sincères.

[Traduction]

Le Président: Chers collègues, permettez-moi de dire quelques mots au sujet du docteur Railton puisqu'il était député de la circonscription que je représente actuellement.

Comme on l'a fait remarquer, le docteur Railton a participé à de nombreux débats. Il avait une affinité très spéciale avec les anciens


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combattants dont il faisait partie. Je me souviens d'une histoire qui est arrivée durant la Seconde Guerre mondiale, dans la poche de Falaise. Le docteur Railton était en train d'opérer nos soldats blessés dans une tente quand celle-ci a été la cible des tirs ennemis, à un moment presque occupée par les soldats ennemis. Pendant tout le temps qu'a duré l'attaque et jusqu'à la reprise du camp, le docteur Railton est demeuré à son poste et a continué d'opérer.

En tant que députés, il nous arrive beaucoup de choses dans des endroits où il n'est pas facile, pour une raison ou une autre, de trouver un médecin. Je me souviens que, dans les années 70, aux alentours de 1977, un député avait eu une crise cardiaque. Nous courions tous dans tous les sens, buttant les uns contre les autres. Heureusement que Vic Railton était là, car je suis convaincu que, sans lui, le député serait mort.

(1525)

Vic Railton jouit d'une très grande estime dans la circonscription de Welland. Il a servi dans divers postes. Le plus grand souvenir que l'on gardera de lui est celui d'une personne accessible. Il va beaucoup nous manquer à Welland. Ces dernières années, il ne se sentait pas très bien.

Au nom de la Chambre, j'adresse nos sincères condoléances à son épouse, Deirdre, à ses deux fils et filles, ainsi qu'à ses nombreux petits-enfants et arrière-petits-enfants.

Je ne parle pas à la légère lorsque je dis que Vic Railton a fait une importante contribution à la Chambre, qu'il a fait une importante contribution au Canada en temps de guerre et en temps de paix. À ceux qu'il laisse derrière lui, nous adressons nos très sincères condoléances. Il nous manquera.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE COMITÉ DE SURVEILLANCE DES ACTIVITÉS DU RENSEIGNEMENTS DE SÉCURITÉ-LA DÉCISION DU PRÉSIDENT

Le Président: Le 19 juin 1996, après le dépôt du premier rapport du Comité permanent de la justice et des questions juridiques intitulé Notre point de vue sur l'affaire Heritage Front, la députée de Surrey-White Rock-South Langley a soulevé la question de privilège. Elle a soutenu que le sous-comité de la sécurité nationale du comité permanent avait été induit en erreur par le Comité de surveillance des activités du renseignements de sécurité, que je vais désigner par le sigle CSARS, relativement à l'objet de ce rapport et que le CSARS s'était rendu coupable d'outrage à la Chambre des communes en fournissant sciemment des renseignements inexacts au sous-comité. Elle a soutenu en outre que le CSARS avait fourni des renseignements inexacts au solliciteur général, qui ont amené celui-ci à déposer un rapport incomplet à la Chambre le 15 décembre 1994.

[Français]

Après avoir entendu les commentaires additionnels de l'honorable député de Calgary-Centre, du whip en chef du gouvernement et de l'honorable député de Gander-Grand Falls, la présidente suppléante a pris la question en délibéré.

[Traduction]

Avant d'aborder la question de privilège elle-même, je veux faire précéder mon propos d'un commentaire.

Lorsque des députés soulèvent la question de privilège à la Chambre, j'estime, comme tous les députés sans doute, que c'est une affaire extrêmement importante. Le privilège existe dans notre institution afin d'assurer que les députés soient en mesure d'exercer leurs fonctions à l'abri de toute ingérence. Une atteinte au privilège est si grave que nous nous attendons à ce qu'elle soit portée à l'attention de la Chambre à la première occasion qui se présente. Alors, si la présidence estime qu'il y a à première vue atteinte au privilège, la question a priorité sur tous les autres travaux en cours à la Chambre. Une motion est présentée par le député qui a soulevé la question de privilège et il appartient à la Chambre de déterminer ce qu'il faut faire. Cela étant dit, il faut aussi reconnaître que le temps est un bien précieux à la Chambre.

Je demanderais donc que, au moment de soulever la question de privilège, les députés aient ces deux notions présentes à l'esprit et qu'ils tentent d'expliquer les faits aussi succinctement que possible. Cela devrait se faire en indiquant dès le début à quels privilèges il a été porté atteinte, sans engager un débat, ni répéter les arguments déjà énoncés à la Chambre ou, comme dans le cas présent, déjà mentionnés dans le rapport d'un comité déposé à la Chambre.

[Français]

Notre tradition veut que lorsque des questions de privilège découlent des débats d'un comité, ce comité doit avoir fait rapport de la question à la Chambre pour que celle-ci puisse en être saisie.

Le commentaire 107 de la sixième édition de Beauchesne précise que la Chambre ne peut traiter de questions de privilège que si le comité lui en fait d'abord rapport. C'est seulement donc dans les circonstances les plus extrêmes que le Président peut aborder de son propre chef des questions découlant des délibérations d'un comité.

(1530)

Le Comité permanent a fait rapport à la Chambre au sujet de l'affaire Heritage Front. Il n'a cependant pas fait rapport à la Chambre qu'il estimait que quelque outrage ait été commis par le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité à l'occasion de l'examen fait par le comité.

4234

[Traduction]

J'ai soigneusement examiné les arguments de la députée, et il ressort qu'elle a manifestement une divergence d'opinion quant aux faits présentés au comité. Toutefois, à mon avis, il y a matière à débat, mais non à soulever la question de privilège.

Si la députée veut soumettre la question au comité et si celui-ci choisit de faire rapport à la Chambre sur cet aspect de la question, la Chambre pourra alors décider de se saisir de l'affaire.

De plus, la députée de Surrey-White Rock-South Langley a donné avis d'une motion portant adoption du premier rapport du Comité permanent de la justice et des affaires juridiques.

Je me permets de lui rappeler bien humblement qu'elle aura tout le loisir de faire valoir son point de vue lorsque cette motion sera mise à l'étude à la Chambre.

[Français]

Je remercie tous les honorables députés de leur participation au débat sur cette question de privilège.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): J'ai l'honneur d'informer la Chambre que M. Chuck Strahl, député de la circonscription électorale de Frazer-Valley-Est, a été choisi pour remplacer M. Jim Silye, député de la circonscription électorale de Calgary-Centre, à titre de membre du Bureau de régie interne, aux fins et en vertu des dispositions du chapitre 42, 1er supplément des Statuts révisés du Canada, 1985, intitulé Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada.

______________________________________________


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AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ POUR L'EXPANSION DES EXPORTATIONS

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter un sommaire du rapport du Conseil du Trésor sur les opérations portées au compte du Canada par la Société pour l'expansion des exportations pour l'exercice financier 1994-1995.

* * *

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 44 pétitions.

LA LOI SUR LES MESURES EXTRATERRITORIALES ÉTRANGÈRES

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LA FISCALITÉ

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions à présenter. La première vient de Calgary, en Alberta. Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que la gestion d'un foyer et le soin d'enfants d'âge préscolaire est une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société.

Les pétitionnaires prient donc humblement le Parlement de prendre des mesures pour éliminer la discrimination fiscale exercée contre les familles qui choisissent de s'occuper, à la maison, d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de malades chroniques et de gens âgés.

LA CONSOMMATION DE BOISSONS ALCOOLISÉES

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition vient de Penticton, en Colombie-Britannique. Les pétitionnaires aimeraient attirer l'attention de la Chambre sur le fait que la consommation de boissons alcoolisées peut causer des problèmes de santé ou affaiblir les facultés, et plus précisément sur le fait qu'on peut entièrement prévenir le syndrome de l'alcoolisme foetal et autres défauts congénitaux dus à l'alcool en évitant d'en consommer pendant la grossesse.

(1535)

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'adopter une mesure législative rendant obligatoire l'apposition sur tous les contenants de boissons alcoolisées d'étiquettes mettant en garde les femmes enceintes et le public en général des risques associés avec la consommation d'alcool.

Le président suppléant (M. Kilger): Chers collègues, je demande votre coopération avant de passer aux autres pétitions. Une de nos collègues, la députée de Mont-Royal, vient de prévenir la présidence qu'elle allait présenter un projet de loi d'initiative parlementaire. Je vois qu'elle est à sa place.

Pourrais-je avoir votre consentement pour permettre à la députée de déposer son projet de loi, après quoi nous retournerons immédiatement aux pétitions?

Des voix: D'accord.

* * *

LA LOI SUR LE JOUR DU PATRIMOINE NATIONAL

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, lib.) demande à présenter le projet de loi C-323, Loi sur le jour du patrimoine national.


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-Monsieur le Président, je vous remercie de votre amabilité. J'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, un projet de loi célébrant l'attachement des Canadiens à leur dynamique histoire en déclarant le jour du patrimoine national jour férié officiel.

Au fur et à mesure que notre nation évolue, il nous faut des occasions d'apprendre à mieux connaître les divers peuples qui ont contribué à l'édification de notre pays, d'être fiers d'eux, de mieux les comprendre et ainsi de les apprécier à leur juste valeur.

[Français]

Depuis son instauration, en 1974, les Canadiens de toutes les provinces reconnaissent le troisième lundi de février comme la Fête du patrimoine, prenant le temps d'apprécier leurs histoires riches et diverses au milieu de l'hiver, une saison qui nous définit et nous défie.

[Traduction]

Pour reprendre les paroles de notre premier ministre, la maturité d'une nation se reconnaît à ce qu'elle tient compte de son passé. En faisant du jour du patrimoine national un jour férié dans tout le Canada, ce projet de loi reflète la maturité de notre pays et nous donne matière à réfléchir ainsi que l'occasion de nous réjouir de notre bonne fortune, nous qui vivons dans une contrée aussi spéciale.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LA JUSTICE

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Ind.): Monsieur le Président, j'interviens pour présenter la pétition suivante au nom de mes électeurs et des parents de toutes les régions du pays qui s'intéressent au sort de leurs enfants et appuient les efforts visant la création d'un registre national des pédophiles.

Les pétitionnaires que je représente désirent assurer une meilleure sécurité aux enfants, tant dans les lieux publics que les lieux privés, et ils sont opposés au statu quo quant au traitement réservé aux pédophiles dans nos collectivités.

Les pétitionnaires demandent donc au gouvernement fédéral de mettre en place un registre des pédophiles afin de mieux protéger nos enfants.

LES SOINS DE SANTÉ

M. Maurizio Bevilacqua (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par des électeurs de York-Nord.

Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que les Canadiens de tous âges considèrent que notre système de soins de santé est un élément caractéristique de la société canadienne.

Les pétitionnaires attirent aussi l'attention de la Chambre sur le paragraphe du livre rouge intitulé «Pour la création d'emplois-Pour la relance économique» où il est dit qu'un gouvernement libéral s'opposerait fermement à toute formule qui démantèlerait notre système de santé.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de maintenir les principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé afin que les soins de santé publics demeurent accessibles, complets, transférables, universels, financés par des fonds publics et administrés par les pouvoirs publics.

LE PROJET DE LOI C-205

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre quatre pétitions provenant de la région d'Airdrie, d'autres régions de Wild Rose, ainsi que de la région de Three Hills dans une circonscription voisine. Ces pétitions portent sur quatre questions différentes.

Premièrement, les signataires demandent au Parlement d'adopter dès que possible le projet de loi C-205 présenté par le député de Scarborough-Ouest afin que le droit canadien interdise à quiconque de tirer profit de la perpétration d'un acte criminel.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition est relative au Code des droits de la personne, à la Loi sur les droits de la personne et à la Charte des droits et libertés. Elle s'oppose à l'approbation des relations entre personnes de même sexe et à l'inclusion de l'orientation sexuelle en tant qu'expression non définie. Je sais que cela a déjà été adopté, mais les gens s'y opposent néanmoins par cette pétition.

(1540)

L'AIDE AU SUICIDE

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Dans la troisième pétition, monsieur le Président, les pétitionnaires demandent au Parlement de rejeter toute proposition de légalisation du suicide avec l'aide d'un médecin.

L'AVORTEMENT

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Dans la quatrième pétition, monsieur le Président, les pétitionnaires demandent au Parlement d'exercer son autorité et d'adopter une mesure législative mettant fin à l'avortement.

Je suis heureux de présenter ces pétitions au nom d'électeurs de Wild Rose.

VICTORY HILL

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, j'ai trois pétitions à présenter.

La première vient de 25 pétitionnaires de Nepean. Attendu que la propriété connue sous le nom de Victory Hill a été accordée aux anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale en reconnaissance de leur contribution à cette grande victoire; attendu que la Commission de la capitale nationale a fait savoir aux résidents de Victory Hill qu'ils étaient sommés de déménager pour que l'on démolisse leur maison à leurs frais; les pétitionnaires soussignés demandent au Parlement de prendre les mesures nécessaires pour réaffirmer son engagement à l'égard des anciens combattants du Canada en retirant cet avis d'expulsion et de démolition signifié aux résidents de Victory Hill.


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LA CONDUITE AUTOMOBILE AVEC DES FACULTÉS AFFAIBLIES

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): La deuxième pétition, monsieur le Président, vient de 50 personnes principalement de Nepean qui demandent au Parlement de procéder immédiatement à la modification du Code criminel de façon à faire en sorte que les peines de toute personne condamnée pour homicide involontaire du fait d'avoir conduit avec des facultés affaiblies soient au moins de sept ans et au plus de 14 ans, comme le prévoit le projet de loi d'initiative parlementaire C-201, présenté par le député de Prince George-Bulkley Valley.

La troisième pétition, monsieur le Président, porte sur le même sujet et est signée par 75 personnes.

TERRE-NEUVE

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'interviens aujourd'hui pour présenter deux pétitions au nom des électeurs de Prince George-Peace River et en particulier de la ville de Dawson Creek.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas amender la Constitution conformément à la requête du gouvernement de Terre-Neuve et de renvoyer le problème de la réforme de l'éducation dans cette province au gouvernement de Terre-Neuve pour qu'il le règle sans toucher à la Constitution canadienne.

LE PROJET DE LOI C-7

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je présente une pétition conformément à l'article 36 du Règlement. Elle a trait au projet de loi C-7.

Les pétitionnaires font valoir que, bien que les herbes, les produits botaniques et les extraits naturels ainsi que d'autres remèdes naturels ne soient pas explicitement mentionnés dans le projet de loi C-7, c'est ambigu. Voilà pourquoi ils demandent au Parlement et au sous-comité parlementaire de rejeter le projet de loi ou de le reformuler de façon à protéger clairement l'utilisation traditionnelle des herbes médicinales ainsi que le droit des Canadiens d'utiliser les remèdes naturels à base d'herbes de leur choix.

LES PROFESSIONNELS FORMÉS À L'ÉTRANGER

M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le Président, j'ai trois pétitions distinctes et, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de les présenter.

La première pétition concerne les vétérinaires et d'autres professionnels hautement qualifiés nouvellement arrivés qui se voient refuser le droit d'exercer leur profession par des organismes de réglementation professionnelle qui protègent leur marché contre l'entrée de professionnels formés à l'étranger. Attendu qu'il n'existe pas de programmes fédéraux ou provinciaux visant à aider les vétérinaires formés à l'étranger à exercer la profession alors qu'il y a une forte demande dans la plupart des provinces, les pétitionnaires demandent au gouvernement canadien de favoriser l'intégration dans la profession de vétérinaires formés à l'étranger, de réduire le pouvoir de restreindre l'accès aux domaines qui a été accordé aux organismes de réglementation professionnelle, de supprimer toutes les barrières qui empêchent les vétérinaires formés à l'étranger d'évoluer sur un marché du travail libre et ouvert et, enfin, de créer un organisme national chargé d'évaluer les titres étrangers et d'octroyer des permis à la lumière de ses constatations.

LA STRATÉGIE NATIONALE SUR LE SIDA

M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition consiste en 17 feuilles de noms. Les pétitionnaires demandent au Parlement d'exhorter le premier ministre et le ministre de la Santé à s'engager à renouveler la stratégie nationale sur le SIDA. Cette pétition s'ajoute aux nombreuses autres que j'ai déposées avant le congé d'été à ce sujet.

TAÏWAN

M. Jesse Fliss (Parkdale-High Park, Lib.): La troisième pétition, monsieur le Président, exhorte le gouvernement du Canada à prier le Gourvernement de la Chine d'entamer un dialogue significatif avec le Gouvernement de Taïwan, aux plus hauts niveaux, par exemple, au niveau de leurs ministères des affaires étrangères, afin de diminuer les tensions et de régler la question de l'avenir de Taïwan.

LE PROJET DE LOI C-205

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais présenter aujourd'hui deux pétitions qui demandent précisément au Parlement de promulguer le projet de loi C-205 que le député de Scarborough-Ouest a présenté. Ce projet de loi empêcherait les criminels de profiter des crimes odieux qu'ils commettent.

(1545)

Ces pétitions viennent de gens de ma circonscription de Macleod et je suis fier de les soumettre à la Chambre.

LA STRATÉGIE NATIONALE SUR LE SIDA

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir, conformément à l'article 36 du Règlement, de présenter une pétition demandant au Parlement d'exhorter le premier ministre et le ministre de la Santé à reconduire la stratégie nationale sur le sida en lui accordant au moins le même niveau de financement qu'en ce moment.

LE CODE CRIMINEL

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter deux pétitions. Elles viennent de gens de ma circonscription qui s'inquiètent beaucoup de la légèreté des peines imposées par les tribunaux aux individus qui choisissent de conduire en état d'ébriété et tuent des gens.

La première pétition est signée par plusieurs centaines de personnes qui demandent au Parlement d'apporter immédiatement au Code criminel des modifications ayant pour objectif de s'assurer que les peines imposées aux personnes reconnues coupables d'avoir conduit avec des facultés affaiblies ou d'avoir blessé ou tué des gens alors qu'ils conduisaient dans cet état, reflètent la gravité du crime et la politique de tolérance zéro adoptée par le Canada face à ce type de crime.

La seconde pétition est signée par plusieurs milliers de pétitionnaires de la Colombie-Britannique. Fondamentalement, ils veulent que le Canada souscrive à une politique de tolérance zéro à l'égard des individus qui conduisent avec des facultés affaiblies par l'alcool ou les drogues.


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Les pétitionnaires demandent au Parlement de modifier immédiatement le Code criminel afin d'imposer à toute personne reconnue coupable d'avoir conduit en état d'ébriété et d'avoir causé la mort une sentence minimale de sept ans et maximale de 14 ans, comme le prévoit le projet de loi d'initiative parlementaire C-201, parrainé par le député Richard Harris, représentant Prince George-Bulkley Valley.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, nous répondons aujourd'hui aux questions nos 29, 33, 34, 40, 41, 51, 54, 55 et 59.

[Texte]

Question no 29-M. Wells:

Travaux publics a-t-il agréé, dans les douze derniers mois, des offres d'achat qui n'étaient pas accompagnées d'un dépôt sous forme de chèque alors que l'appel d'offres précisait expressément qu'un chèque certifié à l'ordre du Receveur général du Canada d'un montant égal à 10 p. 100 du prix offert devait être soumis en dépôt avec l'offre d'achat et, dans l'affirmative, pourquoi?
L'hon. Diane Marleau (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Travaux publics et Services gouvernementaux Canada n'a accepté aucune offre d'achat dans les douze derniers mois, qui n'était pas accompagnée d'un dépôt sous forme de chèque alors que l'appel d'offres précisait expressément qu'un chèque certifié à l'ordre du Receveur général du Canada d'un montant égal à 10 p. 100 du prix offert devait être soumis en dépôt avec l'offre d'achat.

Question no 33-Mme Bridgman:

En ce qui concerne le recours croissant aux électrochocs dans les hôpitaux canadiens, ceux de la Colombie-Britannique en particulier: a) combien de personnes, par province, sexe et groupe d'âge, ont reçu au Canada des électrochocs annuellement depuis les dix dernières années; b) combien de personnes, par groupe d'âge, sont décédées durant un traitement par électrochocs, dans les quatorze (14) jours subséquents ou durant l'année qui a suivi; c) combien coûte ce genre de traitement au Canada, soit l'électrochoc comme tel et tout ce qui s'y rapporte, comme l'anesthésie, les soins pharmaceutiques et l'hospitalisation; d) quels travaux de recherche scientifique financés par le gouvernement fédéral font appel au traitement par électrochocs, notamment en ce qui concerne les aînés; e) pour quelles maladies psychiatriques le traitement par électrochocs semble-t-il s'avérer le traitement de choix?
L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): a) et b) Les questions concernant la fréquence du recours aux électrochocs en Colombie-Britannique (C.-B.) et les résultats du traitement doivent être adressés au ministère de la Santé de cette province.

Quant aux statistiques nationales, Statistique Canada ne recueille des informations que sur les traitements fournis dans les hôpitaux généraux, et non dans les hôpitaux psychiatriques. Statistique Canada nous avise de ce qui suit:

(1) Les informations demandées ne sont pas disponibles directement. Le traitement informatique des données par Statistique Canada donnerait lieu à l'imposition d'un tafif à l'usager.

(2) On pourrait peut-être produire des chiffres indiquant le nombre de congés accordés dans les hôpitaux généraux à la suite d'un traitement par électrochocs au cours des 10 dernières années, et les ventiler par provinces, par groupe d'âge et par sexe.

(3) On pourrait aussi sans doute déterminer dans combien de cas ces données sur les congés concernent des patients vivants et dans combien, des patients décédés.

(4) Pour les données antérieures à 1992-1993, à cause de l'absence d'identificateur personnel, il est impossible de faire le lien entre le nombre de congés et le nombre de patients, c.-à-d. de déterminer s'il sagit d'un même patient qui a été hospitalisé et qui a obtenu son congé un nombre donné de fois ou si, à l'autre extrême, ce nombre correspond à autant de personnes différentes.

(5) Les données de Statistique Canada ne permettent pas de répondre aux questions suivantes: (i) combien de personnes ont reçu des électrochocs au cours des 10 dernières années? (Parce que les données excluent les hôpitaux psychiatriques et qu'avant 1992-1993, elles ne portaient que sur les congés et non sur les patients, comme nous venons de l'expliquer); (ii) combien de patients ayant reçu des électrochocs sont décédés dans les 14 jours ou dans l'année suivant le traitement? (Tout ce qu'on peut déterminer, c'est le nombre de congés accordés à des patients vivants et à des patients décédés au cours d'une année où des électrochocs ont été administrés à des patients dans un hôpital général, mais sans qu'aucun lien causal ne puisse être établi).

c) Cette question n'a jamais fait l'objet d'une étude exhaustive au Canada. Statistique Canada affirme recueillir des données sur le nombre de congés obtenus à la suite d'un traitement pas électrochocs dans les hôpitaux généraux (comme nous l'avons mentionné ci-dessus) et sur le coût moyen d'une journée d'hospitalisation, mais ces données ne permettent pas de déterminer le nombre de journées d'hospitalisation attribuables à un traitement par électrochocs. De la même façon, les données ne permettent pas de distinguer le coût d'une journée d'hospitalisation attribuable à un traitement par électrochocs dans un hôpital général du coût moyen d'une journée d'hospitalisation pour un quelconque traitement.

Pour interpréter toute étude des coûts, il faudra estimer les coûts directs et indirects des solutions de rechange qui s'offrent pour traiter les troubles graves pour lesquels les électrochocs sont administrés [voir la réponse à la question (e)].

d) La seule recherche ayant reçu des fonds du gouvernement fédéral recensée par le Conseil de recherches médicales (CRM) et le Programme national de recherche et de développement en matière de santé (PNRDS) de Santé Canada est une étude d'une durée de trois ans menée à l'Université de la Colombie-Britannique, actuellement financée par le CRM, et intitulée Libération de prolactine induite par les électrochocs, mode d'action des électrochocs et résultats cliniques.

e) Selon l'énoncé de principe de 1992 de l'Association des psychiatres du Canada au sujet des électrochocs, les principales indications diagnostiques donnant lieu à ce traitement sont la dépression majeure, le trouble bipolaire, la schizophrénie non chronique (notamment avec dominance de symptômes affectifs ou catatoniques), le trouble schizo-affectif et le trouble schizophréniforme.

La décision de recourir aux électrochocs pour le traitement d'un patient est une décision d'ordre médical, fondée sur l'évaluation de


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la maladie du patient par le psychiatre et sur une évaluation des avantages que présentent les électrochocs par rapport aux autres traitements. Cette décision s'articule dans le cadre d'un processus qui prévoit le consentement éclairé du patient. Elle se fonde sur divers facteurs dont, en plus du diagnostic, la réponse antérieure du patient au traitement, la sévérité du trouble, la nécessité relative d'une réponse rapide au traitement (p. ex., lorsque le patient est suicidaire), les risques et les avantages des électrochocs par rapport aux autres traitements appropriés, et le mode de traitement préféré du patient.

On peut adresser toute autre question sur le sujet à l'Association des psychiatres du Canada, 200-237, avenue Argyle, Ottawa (Ontario) K2P 1B8.

Question no 34-M. Althouse:

Quels organismes ou institutions canadiens sont considérés comme des «entités commerciales d'État» aux fins des négociations du GATT débutant en 1999, et les responsables ministériels ont-ils reçu la liste des organismes et institutions ainsi visés?
L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du commerce international): Le gouvernement du Canada considère les organismes suivants comme des entreprises commerciales d'État aux fins du GATT de 1994 et, conformément aux exigences de l'article XVII du GATT, a présenté des notifications les concernant à l'Organisation mondiale du commerce (OMC):

-l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce;
-la Commission canadienne du blé;
-la Commission canadienne du lait;
-les sociétés provinciales des alcools.

Le gouvernement du Canada n'a donc pas «reçu» de liste; il a établi sa liste des entreprises commerciales d'État selon ce qui est indiqué ci-dessus, et a présenté les notifications requises à l'OMC.

Il a été en outre établi que, pour compléter la liste, le Canada doit également présenter une notification sur l'Ontario Bean Producers' Marketing Board, ce qui sera fait dans un proche avenir.

Pour en revenir aux négociations de 1999 dont il s'agit dans cette question: Dans le cadre de l'Uruguay Round, les pays membres de l'OMC étaient arrivés à un accord sur l'agriculture établissant des engagements contraignants dans les domaines suivants: accès aux marchés, soutien interne et subventions à l'exportation. L'Accord sur l'agriculture ne contient pas de dispositions relatives aux entreprises commerciales d'État. Les pays membres sont convenus de reprendre les négotiations concernant l'Accord sur l'agriculture en 1999.

Question no 40-M. Simmons:

Au sujet de l'élément de la Stratégie de réduction de la demande de tabac qui vise les emballages neutres ou génériques: a) est-ce que Santé Canada poursuit ses études sur l'efficacité des emballages neutres pour ce qui est de réduire le nombre de nouveaux adeptes et la consommation des produits du tabac; b) est-ce que Santé Canada dispose actuellement de preuves de l'incidence, positive ou négative, que des emballages neutres auraient sur le nombre de nouveaux adeptes et la consommation de tabac, et c) lorsque le gouvernement fédéral proposera des mesures législatives visant à interdire la publicité sur les produits du tabac comme l'indique le Plan d'action de décembre 1995, l'emballage des produits du tabac fera-t-il l'objet de contrôles?
L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): (a) Pour le moment, la priorité de Santé Canada est de combler le vide dans la stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme découlant de la décision de la Cour suprême. En ce qui concerne les emballages neutres, Santé Canada évalue actuellement les enjeux de ces éventuelles mesures législatives relativement au commerce international, aux tribunaux et à l'économie.

(b) Santé Canada a chargé un Comité d'experts de réaliser une série d'études sur l'emballage neutre. En mars 1995, le Comité a publié son rapport intitulé Lorsque les emballages ne s'expriment plus: effets possibles de l'emballage neutre et générique des produits du tabac. Ces études ainsi que d'autres recherches sur l'emballage neutre déjà publiées font actuellement l'objet d'une évaluation.

(c) L'emballage constitue un élément important des stratégies de marketing des sociétés productrices de tabac. Le Plan d'action contient des propositions visant le contrôle de certains aspects de l'emballage. Des options législatives concernant le contrôle de l'emballage sont envisagées.

Question no 41-M. Simmons:

À l'égard de la Stratégie canadienne antidrogue: a) les objectifs de réduction de la demande de substances et des coûts sociaux, médicaux et économiques qui en découlent ont-ils été atteints; b) le programme sera-t-il renouvelé, et c) quelles actions le gouvernement fédéral entend-il continuer de prendre à l'endroit des jeunes, des femmes, des personnes âgées et des autochtones vivant en dehors des réserves?
L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Le gouvernement est à évaluer les résultats de la Stratégie canadienne antidrogue (SCA). Les travaux d'évaluation devraient être complétés pour le mois mars 1997. Le gouvernement sait pour le moment, d'après les résultats de la deuxième enquête nationale sur l'alcool et les autres drogues effectuée à l'automne de 1994, qu'il y a eu diminution du nombre de Canadiens qui consomment de l'alcool depuis 1989. Il y a également eu diminution du pourcentage de personnes qui prennent le volant après avoir consommé deux verres ou plus pendant l'heure précédente, de même qu'une réduction de l'utilisation de certaines drogues illicites. Les conclusions de l'évaluation de la SCA guideront les décisions quant aux initiatives futures en vue de réduire l'abus des substances intoxicantes. L'évaluation examinera les méfaits causés par l'alcool et les autres drogues et dans quelle mesure on a répondu aux besoins des jeunes, des femmes, des aînés et des Autochtones vivant hors réserve.

Le Comité permanent de la santé effectue une étude sur la politique antidrogue du Canada. Il prévoit se pencher sur les substances susceptibles de nuire aux individus qui en abusent ou en font un mauvais usage, notamment des drogues licites comme celles que l'on retrouve dans les boissons alcoolisées, les produits de tabac, les solvants et les médicaments de prescription, et des drogues illicites comme le cannabis, l'héroïne et le LSD.

Question no 51-M. Breitkreuz (Yorkton-Melville):

Au cours des 10 dernières années, combien de revolvers, pistolets, carabines, fusils de chasse et armes tactiques de service appartenant à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) le gouvernement a-t-il fait détruire et pourquoi le gouvernement prévoit-il de détruire environ 178 carabines, 136 pistolets et 22 000 revolvers en 1995-1996, et a) quel est le juste prix au marché des armes à feu en tant que pièces de collection ou objets historiques, b) pourquoi la GRC enlève-t-elle ou oblitère-t-elle les marques, comme «RCMP» ou «MP», identifiant les armes, réduisant ainsi la valeur au marché et la signi-

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fication historique de celles-ci et c) pourquoi ces armes à feu ne sont-elles pas cédées en échange d'armes plus modernes ou offertes en vente à des particuliers propriétaires d'armes qui sont autorisés par la GRC à les posséder?
L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): En ce qui concerne le ministère du Solliciteur général et son organisme, la réponse est la suivante:

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA (GRC)

Selon ses registres informatisés, la GRC aurait détruit, de juin 1991 à juin 1995, les quantités et types suivants d'armes dont elle était propriétaire:

Carabines-183
Lance-grenades à gaz-21
Pistolets-35
Revolvers-391
Fusil de chasse-13
Armes tactiques (pistolets-mitrailleurs)-13

La plupart de ces armes ont été détruites parce qu'elles n'étaient plus en état de service ou qu'elles étaient trop coûteuses à réparer. Les dossiers antérieurs à 1991 (copies papier) ne sont plus disponibles. Ils ont été détruits conformément au calendrier de conservation de tels documents. Les données n'ont pas été conservées à des fins statistiques.

La GRC a aussi entrepris la destruction de 178 carabines, 136 pistolets et 22 000 revolvers supplémentaires considérés désuets ou excédentaires.

La politique actuelle des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada (TPSGC)/Direction de la distribution des biens de la Couronne (DDBC) sur la réforme des armes à feu permet uniquement la destruction des armes à feu ou leur vente d'un gouvernement à un autre. La DDBC voit aussi l'échange des armes comme une forme de vente. La GRC n'a pas poussé plus loin son étude sur l'échange de ses revolvers de calibre .38 ou des autres armes, parce qu'il n'était pas clair jusqu'à quel point elle aurait le contrôle sur la réforme finale de ces armes, une fois qu'elles seraient en possession de l'acheteur (dans la plupart des cas, un distributeur agissant au nom d'un fabricant).

Le Solliciteur général du Canada et le Commissaire de la GRC reconnaissent que l'opinion publique et les politiques gouvernementales penchent en faveur d'un contrôle strict des armes à feu et de la mise en oeuvre d'initiatives visant à réduire la prolifération d'armes à feu dans la société. La GRC a voulu donner l'exemple en choisissant de ne pas échanger ou vendre ses armes désuètes à des distributeurs ou à des collectionneurs. Il est donc difficile de déterminer la valeur marchande des armes comme objets de collection ou objets historiques puisqu'on ne veut ni les vendre ni les échanger.

Question no 54-Mme Meredith:

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pourrait-il dresser la liste de tous les centres d'immigration spéciaux établis au Canada et à l'étranger pour l'étude des demandes écrites d'entrée au Canada et pour l'attribution de visas d'entrée sans examen oral?
L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Au Canada, il y a deux centres de traitement des demandes (CTD) qui s'occupent des demandes d'admission au Canada. Ce sont le CTD de Vegreville et le CTD de Mississauga. En avril 1994, le CTD de Vegreville est devenu le point de traitement centralisé de toutes les demandes présentées par des visiteurs et des immigrants au Canada. Le CTD de Mississauga est le centre national de traitement de toutes les demandes de parrainage de personnes à l'étranger.

À L'étranger, le Centre de traitement par zone (CTZ) de Buffalo (New York) étudie et traite toutes les demandes de visa présentées par écrit par des résidents des États-Unis.

Dès l'année prochaine, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) aura moins de 30 bureaux à l'étranger recevant des demandes d'immigration et les vérifiant pour déterminer s'ils peuvent procéder à la sélection en se fondant uniquement sur les renseignements fournis par écrit par les requérants. Ils convoquent les clients en entrevue seulement si les renseignements sont insuffisants pour évaluer correctement la demande ou si la fiabilité des renseignements est douteuse.

Les mêmes principes s'appliquent aux visiteurs, aux étudiants et aux travailleurs temporaires, sauf que ces clients soumettent souvent leur demande en personne. Dans la mesure du possible, les bureaux à l'étranger examinent en priorité les demandes de visas de visiteurs présentées en personne et font passer l'entrevue si nécessaire sur-le-champ. La plupart des demandes de visa de visiteur soumises en personne sont finalisées le jour même où elles sont reçues, fournissant ainsi aux clients le meilleur service possible.

Question no 55-Mme Meredith:

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pourrait-il expliquer dans quelles circonstances des visas d'entrée sont accordés sans examen oral, et ce, pour toutes les catégories d'immigrants et pour les personnes effectuant des séjours temporaires, visiteurs mis à part?
L'hon. Lucienne Robillard, (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Dans la mesure du possible, les bureaux à l'étranger finalisent les demandes de visas présentées par les immigrants et les non-immigrants (étudiants, travailleurs temporaires) en se fiant aux éléments de preuve objectifs contenus dans la documentation fournie par le client. L'intéressé n'est convoqué en entrevue qu'au besoin pour examiner des éléments plus subjectifs comme l'intention ou la crédibilité ou pour clarifier des éléments ambigus liés à la documentation. C'est en appliquant les principes de gestion du risque que le bureau des visas qui reçoit la demande décide s'il est nécessaire de convoquer le client en entrevue.

Parce qu'il est plus facile de résoudre certains genres de cas en se fiant à la documentation, les taux de dispense d'entrevue varient selon la catégorie. Par exemple, une grande proportion de conjoints sont dispensés de l'entrevue, mais les demandeurs du statut de


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réfugié sont systématiquement convoqués en entrevue pour déterminer la recevabilité de leur demande aux termes de la Convention des Nations Unies et leur admissibilité au Canada à titre de résidents permanents.

Les taux de dispense d'entrevue varient aussi d'un bureau des visas à l'autre. La fréquence des fraudes ainsi que la qualité, la disponibilité et la fiabilité de la documentation varient également d'un endroit à l'autre.

En 1995, environ 45 p. 100 des demandes de visas d'immigrant ont été finalisées sans entrevue. Les méthodes de gestion du risque sont sans cesse évaluées et réévaluées par des mesures d'assurance de la qualité, et ce haut pourcentage continuera probablement de croître. En aucune façon cependant ces méthodes sont appliquées aux dépens de l'intégrité du système d'immigration.

Question no 59-M. Simmons:

En ce qui a trait à l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, quelles mesures le gouvernement fédéral prend-il en réponse aux constatations suivantes que le Vérificateur a faites dans le rapport qu'il a présenté au Parlement en novembre 1995: a) en ce qui concerne les programmes Action et Diversi-pêches, il apparaissait «des faiblesses pour ce qui est de l'évaluation de critères clés de développement économique (. . .), ainsi que des faiblesses sur le plan de la surveillance de l'évolution des projets et de leurs résultats» et b) en ce qui concerne le Programme de COOPÉRATION, «les accords (. . .) comportent de larges critères d'admissibilité et des objectifs qui ne sont pas clairement liés aux objectifs du programme», et «on ne conserve pas de manière cohérente l'information sur les activités qui relèvent des projets et sur leurs résultats».
L'hon. Lawrence MacAulay (Anciens combattants) (Agence de promotion économique du Canada atlantique, Lib.): En ce qui concerne l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA), un certain nombre de mesures ont été prises en réponse aux préoccupations soulevées par le vérificateur général (VG) dans son rapport au Parlement de novembre 1995.

-En réponse au rapport du VG, le plan pluriannuel de l'Agence met l'accent sur la mesure des résultats. Le deuxième rapport quinquennal de l'Agence au Parlement en fera état. Le plan englobe les améliorations à la structure des rapports et de l'information sur les programmes de l'Agence.

-L'APECA a commencé à mettre au point et à appliquer des indicateurs intermédiaires qui font le lien entre les objectifs prévus dans le mandat au chapitre des emplois et des revenus gagnés et les activités réalisées dans le cadre des programmes et des projets de l'Agence. L'Agence évalue également ses activités non commerciales afin de mieux connaître leur incidence économique. Ces indicateurs sont liés à plusieurs critères économiques clés qui serviront de guide pour évaleur le succès des programmes de l'Agence.

-L'APECA continue à mener des sondages périodiques afin de déterminer les tendance dans les réalisations au chapitre de l'emploi et de l'activité commerciale. Une politique et des procédures sur la surveillance des retombées économique serviront de ligne directrice pour toutes les activités de programme de l'APECA.

-L'APECA prépare le terrain pour la mise en place de bonnes pratiques de surveillance et d'évaluation par l'élaboration et l'application de cadres d'évaluation pour toutes les grandes activités de programme de l'agence et par l'attribution des responsabilités en ce qui a trait à l'évaluation et à la surveillance.

-Les examens d'assurance de la qualité qui sont exécutés chaque année contribueront à assurer l'exécution des pratiques de surveillance et l'application uniforme des indicateurs servant à mesurer les progrès.

-On est également en train de mettre au point une approche d'échantillonnage statistique pour la surveillance des projets. On a déjà lancé un projet pilote et on prévoit procéder bientôt à l'application intégrale de cette approche.

[Traduction]

* * *

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si les questions nos 17, 27, 30 et 50 pouvaient être transformées en ordres de dépôt de documents, ces documents seraient déposés immédiatement.

Le président suppléant (M. Kilger): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

[Texte]

Question no 17-M. Harper (Calgary-Ouest):

Pour les années 1994 et 1995, combien le ministère de la Défense a-t-il acheté de publicité (en temps et en argent), de quelles chaînes de télévision, de quelles stations radiophoniques, dans quels journaux et/ou magazines, situés dans quels hameaux ou villes?
(Le document est déposé.)

Question no 27-M. Allmand:

En ce qui concerne les voyages d'Équipe Canada en Chine, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est, combien de contrats ont été conclus pour le Canada jusqu'à maintenant et, dans chaque cas, quel est le nom de la société qui en a bénéficié, l'objet du contrat, sa valeur et le nombre d'emplois créés?
(Le document est déposé.)

Question no 30-M. Schmidt:

Pour chacune des 15 dernières années, quelles subventions, contributions ou garanties de prêt ont été consenties par une société d'État, un ministère ou un organisme gouvernemental à chacune des sociétés suivantes: Air Canada, Bombardier Inc., Canadair, De Havilland et Airbus Industrie, en précisant la valeur de la subvention, contribution ou garantie de prêt, la date à laquelle elle a été consentie, la ou les raisons de l'aide et le statut actuel de la subvention, contribution ou garantie de prêt (à savoir si elle a été remboursée, partiellement remboursée ou non remboursée-y compris la valeur du remboursement)?
(Le document est déposé.)

Question no 50-M. Caccia:

Au cours des cinq dernières années, combien la Société pour l'expansion des exportations et/ou l'Agence canadienne de développement international ont-elles financé de
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projets de production d'énergie à partir de combustibles fossiles dans des pays étrangers, quel montant total le financement de ces projets représente-t-il, où sont-ils situés et à quel pourcentage du budget total de chaque organisme correspondent-ils?
(Le document est déposé.)

[Traduction]

M. Zed: Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

Le président suppléant (M. Kilger): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LE CODE CRIMINEL

La Chambre reprend l'étude du projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence, dont le comité a fait rapport sans proposition d'amendement, ainsi que des motions.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais faire la remarque suivante. J'ai entendu religieusement, autant le gouvernement que le Parti réformiste, s'exprimer sur cette modification de l'article 745. D'un côté, je m'aperçois que le gouvernement a prêté une oreille assez attentive aux remarques que l'on a faites, puisque le discours que j'ai entendu va, en bonne partie, dans le même sens que ce que nous avons toujours dit relativement à cet amendement.

Mais ce qui me dépasse un peu, c'est le discours des réformistes où ils semblent carrément mêler les notions et faire même de la désinformation. Je ne veux pas m'étendre sur ce point, mais ce que j'ai entendu est tellement grossier pour faire peur à la population que je dois noter un seul exemple, mais je pourrais vous en donner plusieurs autres. Le député de Crowfoot parlait du dossier de Paul Bernardo en disant: «C'est épouvantable, il va pouvoir demander sa libération conditionnelle dans les 15 ans.»

Je rappellerai que ce criminel a justement été reconnu criminel dangereux, et que, à ce titre, il ne pourra pas se prévaloir de l'article 745 du Code criminel.

Je pense que le Code criminel, dans son état actuel, répondait en grande partie aux revendications ou aux craintes du Parti réformiste relativement à la sécurité du public. Mais il faut regarder le Code criminel dans son ensemble, autant en ce qui a trait aux libérations conditionnelles qu'au reste du Code criminel, et entre autres au sujet de la notion de criminel dangereux, qui est une notion quand même relativement nouvelle et que les tribunaux, éventuellement, à la suite de la pression populaire, appliqueront eux aussi, parce que les juges vivent dans le système dans lequel nous vivons nous aussi.

(1550)

Cela m'inquiète, parce que je vous dis que le Code criminel se lit d'un bout à l'autre. Et l'article 745, on le retrouve justement dans le Code criminel. La modification que le ministre de la Justice veut apporter au Code criminel, à l'article 745, me pose des problèmes, parce que le ministre veut répondre à la pression populaire ou à des sondages internes que nous n'avons pas, à des sondages qui, sans doute, démontrent que la population va de plus en plus à droite. Peut-être que le ministre se dit: si je veux gagner des points auprès de l'électorat à ce niveau-là, je devrais serrer la vis.

Je pense que le ministre de la Justice fait preuve d'irresponsabilité en modifiant bien candidement l'article 745, puisque c'est un article très important. Cet article fait partie d'un chaînon. Il fait partie de la chaîne du système carcéral. Ce n'est pas seulement un article dans les nuages. Tout se tient dans le Code criminel et tout se tient dans la philosophie que nous avons défendue dans ce pays que les Québécois ont contribué en grande partie à faire évoluer. L'article 745 sous-entend déjà la protection du public. Il sous-entend également le principe de la réhabilitation.

C'est vrai que cet article a été adopté il y a 20 ans. Si on se souvient, l'adoption de l'article 745 a été faite avec beaucoup de discours déchirants en cette enceinte. On n'a qu'à se souvenir que l'article a été adopté lors de l'abolition de la peine de mort. Mais les motifs invoqués par le ministre aujourd'hui pour accélérer le processus législatif cachent son incurie à planifier une législation orchestrée dans son propre ministère. Au lieu de cogiter sur la façon de faire pour bâillonner le peuple québécois en marche vers sa souveraineté, le ministre devrait peut-être s'arrêter quelques minutes et réfléchir sur ce qu'il pourrait faire dans son propre ministère pour être capable d'avoir une interrelation entre la législation qui impose la réhabilitation et la réinsertion sociale souhaitée et la protection du public.

Justement, à cet égard, comme je le disais tantôt, l'article 745 donne déjà la protection à un public qui a le droit d'avoir la protection qu'il recherche. C'est donc un faux problème. C'est vrai que c'est à la mode d'être extrémiste pour récupérer un supposé vote du Canada anglais, mais il ne faut pas se servir de cela comme prétexte.

D'ailleurs, si on lisait certains documents venant du ministère ou certaines coupures de journaux, on se rendrait compte que la modification à l'article 745 avait surtout été poussée par un soi-disant dossier de Clifford Olson, ce tueur en série qui, semble-t-il-pas semble-t-il, dans les faits, c'est vrai-serait éligible, en vertu de l'article 745, à demander une libération.

Le ministre semble être dépourvu face à cela. Pourtant, cela fait juste 15 ans qu'on sait que le 12 août 1996, ce criminel-là aurait le droit d'utiliser l'article 745 et le ministre n'avait rien fait. Et là, à la dernière minute, il veut faire adopter une modification à cet article à toute vapeur pour éviter de permettre à un criminel semblable d'utiliser l'article 745. Cela fait 15 ans qu'on sait qu'il va le demander, tous les criminels le demandent, mais ce ne sont pas tous les criminels qui l'obtiennent.

L'article 745, dans son libellé actuel, prévoit une certaine sécurité qui fait en sorte que je n'ai aucun doute qu'en l'appliquant correctement, en instruisant correctement un jury, ce criminel n'obtiendrait pas ce qu'il recherche par l'article 745. Mais il faut l'appliquer, cet article. Il faut donner la possibilité au jury de se prononcer sur cela.


4242

Le Bloc québécois a fait une série de remarques sur l'article 745, dont trois en particulier, ce qui nous a amenés à proposer, comme l'a fait mon collègue de Bellechasse, des motions pour amender trois articles de ce projet de loi.

(1555)

Premièrement nous croyons à la réhabilitation, et les modifications à l'article 745 du Code criminel restreignent tellement la portée de la révision judiciaire que celle-ci n'existera uniquement qu'en théorie. En effet, la règle de l'unanimité de tous les membres du jury rend presque impossible une réponse positive à la révision judiciaire d'un requérant puisqu'un seul membre du jury pourrait bloquer la demande d'un requérant.

La deuxième objection, le deuxième élément en raison duquel nous nous opposons à ces changements, c'est celui de bloquer l'accès à la révision judiciaire pour un détenu condamné pour plus d'un meurtre. C'est complètement arbitraire et inéquitable. Dans le domaine de la justice, dans le domaine du crime, il n'est pas mathématique que quelqu'un ayant fait un meurtre ait droit à certaines choses et que quelqu'un en ayant fait deux n'ait pas droit à certaines choses. Il faut examiner tout cela dans son contexte. C'est tout le système qui fait en sorte qu'on s'est donné une histoire dans l'administration de la justice, qui fait en sorte que si on modifie un article par ci par là, on peut changer les règles du jeu, et c'est là que c'est néfaste.

La troisième raison pour laquelle on est contre les changements proposés est l'introduction d'une nouvelle notion dans le Code criminel qui s'appelle la chance raisonnable que le juge devra soupeser. Je pense que cela mérite qu'on l'étudie davantage et qu'on approfondisse davantage, justement, cette nouvelle notion dans le Code criminel.

On n'a rien contre la révision d'un article 20 ans après son adoption. Ce qu'on dit, c'est qu'on devrait prendre le temps d'analyser les changements, on devrait écouter davantage ce que la population désire. On devrait écouter ce que les experts qui vont appliquer cet article peuvent nous dire sur la façon d'orienter les modifications de l'article 745, ce que le ministre ne fait pas actuellement, ce que le ministre a fait en toute rapidité.

Il faudrait se souvenir que la première lecture du projet de loi C-45 a été faite le 11 juin 1996. On a ajourné tout l'été et aujourd'hui, première journée à la suite de l'ajournement, on est déjà rendu à l'étape du rapport. Qu'est-ce qui presse? Pourquoi changer un article aussi important dans le Code criminel? Prenons le temps d'examiner et prenons le temps d'écouter les experts qui appliqueront l'article 745.

C'est pour cela que, minimalement, le député de Bellechasse, député du Bloc québécois, a présenté des amendements. Je dis minimalement, parce qu'on devrait étudier ce point davantage. Mais à cette étape-ci, je pense que la règle de l'unanimité est la règle la plus importante qu'on doit bloquer. On ne doit pas voter en sa faveur, et l'amendement proposé par le député de Bellechasse fait porter l'unanimité aux trois quarts des membres du jury, donc neuf personnes du jury sur 12 rendront la décision pour l'application ou non de l'article 745, alors que le ministre demande l'unanimité.

Si le ministre veut jouer clairement, s'il est contre l'article 745, qu'il fasse comme les réformistes et qu'il décide de l'abroger. Mais s'il croit à la réhabilitation, s'il croit à l'article 745, je pense que, minimalement, il devrait recevoir les modifications, les amendements proposés par le député de Bellechasse pour passer de l'unanimité aux trois quarts des membres du jury.

[Traduction]

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour m'opposer aux motions qui ont été présentées. Ces motions visent à amender le projet de loi C-45, qui modifie le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi.

Six motions sont inscrites au Feuilleton. Trois ont été présentées par le député de Bellechasse et trois par le député de Kingston et les Îles.

Cependant, comme les députés l'auront certainement remarqué, les six motions reviennent à la même chose. Elles visent toutes à modifier l'amendement proposé dans le projet de loi C-45 qui exigerait une décision unanime d'un jury constitué aux termes de l'article 745 pour qu'un contrevenant ait droit à une réduction de sa période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.

(1600)

Comme le sait quiconque a suivi les débats sur cette question, à l'heure actuelle, l'article 745 autorise un jury d'examen à réduire la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle d'un contrevenant par un vote des deux tiers ou de 8 membres sur 12. Dans le projet de loi C-45, le gouvernement propose de modifier cette norme des deux tiers du jury à l'unanimité, de sorte que tous les membres du jury d'examen qui étudient les demandes présentées aux termes de l'article 745 s'entendent pour réduire la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.

Les motions dont nous sommes saisis aujourd'hui visent à remplacer la norme proposée par le gouvernement, soit 12 voix sur 12 permettant de réduire la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, par une norme moins élevée de 10 voix sur 12, dans le cas des motions présentées par le député de Kingston et les îles, et de 9 voix sur 12, dans le cas de celles qu'a présentées le député de Bellechasse. Ces motions offriraient donc une norme quelque peu supérieure à celle que prévoit la loi actuelle, mais tout de même considérablement inférieure à la norme proposée dans le projet de loi C-45.

Lorsque le gouvernement a présenté le projet de loi C-45, il avait pour objectif, entre autres, de renforcer le rôle du jury choisi parmi les membres de la collectivité dans la procédure prévue à l'article 745, en donnant plus de poids à la déclaration faite par ce jury. Selon les amendements proposés par le gouvernement, dans les cas où le jury déciderait de réduire la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle du contrevenant, cette décision ne pourrait être qu'unanime et constituerait la déclaration la plus ferme possible de


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la part d'un jury composé de Canadiens ordinaires choisis parmi les membres de la collectivité.

De plus, le gouvernement avait l'intention de revenir à la règle immuable de notre système de justice pénale, selon laquelle le verdict d'un jury doit être unanime. Selon le système de justice pénale au Canada, pour condamner ou acquitter un accusé, la règle est et restera toujours que le jury rende une décision unanime. Je ne vois pas pourquoi cette règle serait assouplie par suite de l'application de l'article 745.

Il est peut-être utile de rappeler que l'article 745 prévoit un mécanisme exceptionnel, en vertu duquel une personne accusée de l'infraction la plus grave aux termes du Code criminel peut bénéficier de clémence quant à la période où elle n'est pas admissible à une libération conditionnelle. Pourquoi un contrevenant ne devrait-il pas devoir convaincre tous les membres du jury qu'il ou qu'elle mérite une réduction de sa période de non-admissibilité pour avoir droit à cette clémence? En rendant une décision unanime, le jury de révision déclare clairement que le contrevenant mérite la clémence.

J'ai déjà noté qu'il y avait une différence dans les motions des députés portant sur le nombre des membres du jury inscrit dans ce projet de loi. Une série de motions fixent ce nombre à neuf tandis qu'une autre série en prévoient dix. À l'heure actuelle, la loi prescrit l'accord de huit membres.

Avant tout, il me semble que cette différence fait ressortir l'aspect totalement arbitraire qu'il y a à fixer un nombre qui ne correspond pas à l'unanimité. Devrait-on garder la règle actuelle qui prévoit huit votes ou fixer ce nombre à neuf, dix ou même onze? Comment justifier l'établissement d'un de ces nombres en particulier?

Étant donné l'énigme que le gouvernement a soulevée dans le projet de loi C-45 en proposant d'utiliser la seule règle raisonnable, soit la règle immuable de notre système de justice pénale, celle qui exige un verdict unanime du jury.

Pour toutes ces raisons, le gouvernement ne peut accepter ces amendements au projet de loi C-45. J'invite donc les députés à rejeter ces motions.

En faisant mes observations sur les motions qui se limitent à réduire la règle proposée et à faire en sorte que l'unanimité du jury ne soit pas nécessaire, mais qu'un vote de neuf ou même dix membres suffise, je me suis arrêté de façon très précise à ces questions. Je ferai des observations générales sur le projet de loi C-45, et en particulier sur l'article 745 du Code criminel, à l'étape de l'étude en troisième lecture.

(1605)

Je termine en disant que nous ne pouvons accepter les amendements tels que proposés. J'invite les députés à rejeter ces motions.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat sur le projet de loi et sur les propositions d'amendement. J'espère pouvoir exprimer une chose qui n'a jamais été exprimée à la Chambre par les députés de l'opposition officielle ni par ceux du gouvernement, à savoir les préoccupations, les inquiétudes et les soucis des victimes de la criminalité.

Nous nous concentrons surtout sur les criminels. Nous entendons beaucoup parler de réinsertion sociale, de toutes les bonnes mesures que nous devons prendre pour les criminels de notre pays, mais nous n'entendons pas beaucoup parler des victimes. J'espère me faire leur interprète en affirmant mon opposition tout d'abord aux propositions d'amendement et ensuite à l'ensemble du projet de loi.

Je ne pourrais jamais appuyer quelque amendement que ce soit au projet de loi C-45, sinon l'abrogation pure et simple de l'article 745 du Code criminel. Au fil des années, nous nous sommes demandé ce qui pouvait constituer un châtiment juste ou équitable pour le meurtre d'une personne innocente. À mon avis, une simple peine de 15 ans de prison ne constitue pas un juste châtiment. L'ennui, c'est qu'il existe des gens qui ne sont pas d'accord. Ils ont donc proposé une mesure législative sous la forme de l'article 745 et du projet de loi C-45.

Je trouve révoltant d'entendre dire à propos de quelqu'un qui a enlevé la vie d'autrui de propos délibéré, de sang froid et avec préméditation et qui est condamné à la prison à perpétuité, que cela constitue une vie gaspillée. Je me permets de rappeler aux députés que la vie gaspillée est celle de la victime de cet individu, et celle de sa famille et de ses amis. Ce sont eux les victimes. C'est d'eux qu'il faut nous soucier en l'occurrence.

Jusqu'à présent, les Canadiens ont compté sur ceux qu'ils avaient élus pour prendre les décisions qui s'imposent pour le bien public en ce qui concerne le système juridique. Les Canadiens commencent cependant à se rendre compte que leur confiance était mal placée et que certaines des décisions n'ont pas été prises dans leur intérêt supérieur.

Il suffit pour nous en convaincre de penser aux nombreux parents et amis des Canadiens victimes de meurtre qui disent qu'ils croyaient que lorsqu'un délinquant était condamné à la prison à perpétuité, cela voulait dire à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Voilà ce qu'ils croyaient.

Je ne puis imaginer l'énorme douleur qu'une famille doit éprouver quand elle apprend que le criminel qui a enlevé la vie à un de ses êtres chers est maintenant admissible à la libération après avoir purgé seulement 15 ans de prison.

Nous savons maintenant qu'au cours des 15 prochaines années, plus de 600 familles éprouveront cette même douleur. Avec le projet de loi C-45, cette douleur continuera. En fin de compte, le projet de loi C-45 donne encore aux meurtriers une lueur d'espoir en leur libération anticipée avant d'avoir purgé leur peine entière de prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

Quel meurtrier a déjà donné une lueur d'espoir à sa victime? Pourquoi donc lui donne-t-on cet espoir? Il n'y a aucun espoir pour les victimes, absolument aucun. Les familles des victimes ont perdu un de leurs êtres chers qui ne reviendra plus. Quelle lueur d'espoir y a-t-il pour elles? Ce qui leur donnerait une lueur d'espoir, c'est que les membres de cette assemblée se réveillent et comprennent la


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valeur de la vie humaine pour obliger ceux qui ont enlevé la vie d'autrui à en payer le prix au point de regretter de l'avoir fait.

Il est arrivé maintes fois dans l'histoire que nous, législateurs, ayons cru avoir la solution à tous les problèmes du monde. Il fallait le peuple canadien pour nous rappeler que nous nous égarions. Et les Canadiens s'expriment.

Lorsque je vois ici des pétitions signées par plus de deux millions de Canadiens qui nous demandent de réformer notre système judiciaire, lorsque je vois Darlene Boyd et d'autres parcourir le Canada pour récolter des milliers de signatures-probablement des millions, maintenant-pour que nous abrogions l'article 745, je me demande comment il se fait que nous ne comprenions pas ce que veulent les Canadiens. Les Canadiens nous demandent de faire quelque chose non pas pour les criminels ni les tueurs sans pitié, mais bien pour les victimes de ceux-ci au Canada. Telle est la question à laquelle nous ferions bien de commencer à répondre. Que faisons-nous pour empêcher qu'il y ait d'autres victimes à l'avenir?

(1610)

Le printemps dernier, lorsque les familles de bien des victimes de meurtre ont lancé cette campagne pour sensibiliser la population au sujet de l'article 745, les pétitions ont commencé à affluer et elles continuent de le faire aujourd'hui.

La fille de Darlene Boyd, Laurie, a été enlevée, violée et assassinée en janvier 1982 par Jim Peters et Bob Brown. Ces hommes ont aussi été reconnus coupables d'avoir enlevé, violé et battu à mort Debbie Stevens, de High River, en Alberta, en décembre 1981. Brown s'est suicidé en prison, mais Peters pourra faire une demande de libération conditionnelle en février 1997.

En février dernier, Mme Boyd a déclaré que la simple idée que le meurtrier de sa fille puisse être libéré après seulement 15 ans d'emprisonnement-ce qu'elle a qualifié de rabais de 40 p. 100 pour le tueur-constituait un simulacre de justice. CommeM. Peters a tué deux femmes, elle estime que s'il était libéré l'an prochain, il n'aurait purgé que sept ans et demi d'emprisonnement par meurtre. Elle ne sera satisfaite, dit-elle, que le jour où l'on abrogera la disposition relative à la libération conditionnelle anticipée. Elle se considère comme condamnée à perpétuité et ne voit pas pourquoi les assassins de sa fille ne le seraient pas aussi.

Le problème, c'est que la famille de Darlene Boyd, comme beaucoup d'autres familles, devra vivre à nouveau l'expérience traumatisante de la tragédie qui les a fait tellement souffrir à chaque examen prévu à l'article 745.

C'est bon pour les avocats. Leurs affaires vont prospérer. Nous aurons des tas d'affaires judiciaires. Les tueurs auront la possibilité d'obtenir une libération conditionnelle. Je regrette, mais je ne suis pas d'accord. Il est temps de mettre un terme à cette industrie. Il faut nous débarrasser de certains de ces éléments, et c'est un bon endroit où commencer.

La revictimisation des survivants est cruelle et injustifiée. Voilà pourquoi l'abrogation de cet article est la seule option pleine de compassion.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement ne reconnaît pas le fait que les victimes devraient être au coeur même de ce débat. L'assassinat d'un membre de votre famille est le crime le plus horrible dont vous pouvez être victime au Canada. Ces gens n'oublieront jamais leur perte et souffriront toute leur vie. Malheureusement, la nouvelle mesure législative ne tient aucun compte des victimes et ne leur donne aucun moyen de se défendre.

La mesure insuffisante que propose le gouvernement cadre bien avec le rôle de défenseur de la veuve et de l'orphelin que se donnent les libéraux, qui préfèrent protéger les contrevenants plutôt que les victimes. Les amendements édulcorés à l'article 745 sont loin de satisfaire les Canadiens.

Les gens ont exprimé leur avis en juin dernier. Une pétition visant l'abrogation de l'article 745 a été présentée par mon collègue de Crowfoot. Elle portait la signature de plus de 20 000 personnes. Au printemps dernier, le Sun de Calgary a reçu le nombre ahurissant de 35 000 formulaires signés par certains de ses lecteurs qui s'opposaient à l'existence même de l'article 745. La pétition a même été signée par des gardiens d'une prison située dans le centre de l'Alberta. Lorsque les travailleurs de première ligne expriment leur mécontentement, comment le gouvernement peut-il refuser de les écouter? Et comme il refuse d'écouter les travailleurs de première ligne, pourquoi écouterait-il les familles des victimes?

Le nombre d'exemples que je pourrais vous citer se multiplie tous les jours. Faisons un retour en arrière. Parlons du constable Brian King. Son nom vous dit-il quelque chose? En 1978, cet homme de 40 ans, père de trois enfants, a été attiré dans un guet-apens et tué de deux balles à la tête, par deux individus, Greg Fisher et Darryl Crook. Le crime a été exécuté sur les bords d'une rivière, à Saskatoon. Le jour-même, ils s'étaient vantés ouvertement qu'ils allaient assassiner un agent de police. Mme King et sa famille ont déjà dû supporter à deux reprises de voir Fisher demander des révisions judiciaires pour obtenir une libération anticipée.

Qu'en est-il du sergent d'état-major Keith Harrison, du corps policier de Calgary, qui est mort en service en 1978? Un de ses assassins, John Nichols, a présenté une demande aux termes de l'article 745 en 1994. Le jury des libérations conditionnelles de Calgary l'a laissé sortir de prison après seulement 17 ans d'emprisonnement. Mme Harrison a déclaré que la seule chose qui lui permettait de se sentir un peu mieux c'était de savoir que cet assassin devait purger 25 ans d'emprisonnement. J'essaie d'imaginer comment elle peut se sentir, sachant que cet individu est en liberté et vit dans une maison de transition à Vancouver.

Il y a aussi les victimes actuelles. Pas une journée ne se passe sans que je pense à la famille Rosenfeldt et aux dix autres familles touchées par la demande de libération anticipée présentée par Clifford Olson le mois dernier. Gary Rosenfeldt a déclaré à quelques reprises que l'article 745 constituait une véritable insulte pour les victimes.

(1615)

Puis il y a les victimes futures. J'ai récemment reçu une lettre de la mère de Tanya Smith. Je suis convaincu que tout le monde se souvient de cette jeune femme de 16 ans, d'Abbotsford, en Colombie-Britannique, qui a été kidnappée en pleine rue par un homme armé d'un bâton de base-ball. Tanya Smith a été retrouvée par la


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suite: elle avait été battue à mort et jetée dans une rivière. Une chose est sûre, c'est que la peine de Mme Smith ne disparaîtra jamais. Elle n'est qu'aggravée à l'idée que l'assassin de Tanya aura le droit de demander une audience aux termes de l'article 745.

J'aimerais lire la lettre de monsieur et madame Smith. Il ne me reste qu'une minute, mais je la lirai aussi vite que je peux. J'aimerais que les députés écoutent attentivement. Elle est adressée à l'ensemble de la Chambre des communes.

Combien d'enfants devront encore mourir aux mains de ces monstres avant que vous nous écoutiez? Notre fille nous a été enlevée et nous ne pourrons plus jamais la toucher. Savez-vous comment elle est morte? Vous en souciez-vous seulement? Les gestes sont plus éloquents que les paroles.
Nous sommes encore ici pour poser ces questions et il serait préférable que nous commencions à obtenir des réponses. La vie de notre fille valait plus pour nous que tout au monde et nos vies sont maintenant vides et inutiles. Le petit frère de Tanya demande chaque jour quand sa soeur rentrera à la maison tandis que sa soeur ne peut plus dormir dans la chambre qu'elles partageaient.
Lorsque nous avons finalement été capables de nous rendre au cimetière, ce fut pour constater que cette bête était sortie de son antre et avait pris la pierre tombale de notre fille pour la laisser sur le toit d'une automobile au milieu d'une ville. Nous devons subir tout cela et on nous dit que nous ne sommes pas vraiment des victimes!
Notre fille a été assassinée. Sa pierre tombale a été profanée, cette bête court encore les rues et vous nous dites que nous ne sommes pas des victimes!
Nous vivons constamment dans la peur. Le père de Tanya ne peut pas travailler à cause de ce qui est arrivé et la rage m'empêche de trouver le moindre repos. Notre famille est maintenant prisonnière de notre propre maison et de notre collectivité à cause de ces événements. Notre tourment est devenu l'affaire de quelqu'un d'autre. Cela nous rend malades et ne fait qu'ajouter à notre enfer sur terre.
Un individu a bouleversé nos vies et a enlevé la vie de notre précieuse Tanya pour toujours. Si nous ne sommes pas des victimes, alors dites-nous ce que nous sommes? Notre plus grande joie nous a été enlevée et pour quoi?
Sachez que si nous découvrons un jour que cet individu avait déjà été emprisonné pour un autre crime avec violence et qu'il avait été relâché, nous tiendrons le gouvernement responsable du décès de Tanya. Peut-être d'autres suivront-ils jusqu'à ce que vous vous réveilliez et que vous compreniez que le gouvernement fait de nous, les innocents, des victimes et que cela est mal.
J'invite tous les députés à éliminer l'article 745 dans sa totalité. C'est un article dont les Canadiens ne veulent pas et nous avons le devoir de servir les Canadiens.

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Monsieur le Président, je vous remercie de m'accorder la parole dans le cadre du débat sur le projet de loi C-45, mesure qui modifierait considérablement l'article 745 du Code criminel.

Bien des gens se demandent peut-être en quoi consiste l'article 745 du Code criminel. Cette disposition a été adoptée en 1976, lorsque la Chambre a aboli la peine capitale. À l'époque, en même temps qu'elle abolissait la peine capitale, la Chambre a décidé que la peine pour meurtre serait l'emprisonnement à perpétuité, mais aussi que les personnes trouvées coupables de meurtre ne seraient admissibles à une libération conditionnelle qu'après 25 ans dans le cas d'un meurtre au premier degré, et qu'après au moins 10 ans, dans le cas d'un meurtre au second degré.

À l'époque, la Chambre a aussi prévu que les personnes trouvées coupables de meurtre et dont le délai d'admissibilité à une libération conditionnelle était supérieur à 15 ans pourraient, au bout de 15 ans, demander une révision de ce délai à un tribunal de la province où le meurtre a été commis, un juge et un jury étant chargés d'examiner les raisons invoquées par le meurtrier pour que le délai de 25 ans soit réduit.

La loi prévoyait que le juge et le jury devaient, en examinant la demande, prendre en considération le caractère du demandeur, sa conduite alors qu'il purgeait sa peine, la nature de l'infraction et d'autres aspects que le juge estimait pertinents.

Par conséquent, après avoir examiné tous ces facteurs, le jury pouvait décider de ramener le délai d'admissibilité de 25 à 20 ans, à 17 ans ou à quelque chose du genre, si les deux tiers de ses membres, c'est-à-dire huit sur douze, y consentaient.

(1620)

Une fois cette étape franchie et pareille décision arrêtée par les membres du jury, l'individu devait alors se présenter devant la commission des libérations conditionnelles. Le juge et le jury se prononçaient seulement sur une modification de la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Quant à l'individu, si son délai d'admissibilité à la libération conditionnelle passait de 25 à 20 ans, par exemple, au bout de 20 ans, il devait se présenter devant la commission des libérations conditionnelles et prouver qu'il ne constituait plus un danger pour la société et qu'il était réadapté.

S'il réussissait à convaincre la Commission des libérations conditionnelles, à cette deuxième étape, qu'il a rempli les conditions, il serait libéré. Dans le cas contraire, il ne le serait pas. Aucun d'entre nous qui appuyons l'article 745 du Code criminel n'est d'avis qu'on devrait libérer un criminel qui est encore dangereux ou qui n'est pas réadapté. Nous sommes tout à fait contre la libération de ces individus.

L'article 745 prévoit un processus en deux temps. D'abord, l'intéressé demande que sa date d'admissibilité à la libération conditionnelle soit avancée à moins de 25 ans. Ensuite, si le juge et le jury y consentent, le demandeur doit se présenter devant la Commission des libérations conditionnelles et prouver qu'il n'est plus un danger pour la société et qu'il est réadapté.

Cette disposition n'est pas une échappatoire. Elle est écrite en noir sur blanc dans la loi de 1976, et il est donc tout à fait faux de dire, comme le font certains députés, qu'il s'agit d'une sorte de disposition cachée qui a été ajoutée en catimini.

J'ai eu la responsabilité de présenter ce projet de loi. Cette disposition a été présentée à la Chambre, elle était énoncée en noir sur blanc comme pour tous les projets de loi et il était clair pour tous ceux qui savent lire et écrire qu'elle était dans le projet de loi. Ceux qui prétendent aujourd'hui que c'est une sorte de disposition cachée ne font qu'induire les gens en erreur.

La raison pour laquelle nous avons créé ce nouveau processus, c'est que l'abolition de la peine capitale était une question faisant


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l'objet d'un vote libre. Par conséquent, les whips n'ont pas exercé leur autorité, et il y a eu beaucoup de négociations avec les députés quant à ce qu'ils accepteraient à la place de la peine capitale. Les négociations se sont poursuivies, des comités formés de députés de tous les partis ont été créés, certains étaient en faveur de l'abolition, d'autres pas. J'ai travaillé avec ceux qui étaient pour l'abolition et nous avons élaboré cette solution très complexe. Ce n'était pas la version que je préférais, mais c'est la solution qui a été retenue à la Chambre par suite des négociations et qui est devenue une disposition de la loi.

M. Thompson: C'est une décision qui revient aux Canadiens.

M. Allmand: J'ai écouté le député sans l'interrompre et j'aimerais bien qu'il ait la courtoisie de faire de même.

Cette disposition fonctionne bien. Elle n'a pas été utilisée de façon irresponsable, et les chiffres le prouvent. Depuis 1976, 175 détenus ont pu présenter une demande en vertu de cette disposition. Cependant, jusqu'en décembre 1995, seulement 74 ou 42,3 p. 100 des détenus qui pouvaient le faire avaient présenté une demande. On pourrait se demander pourquoi ils ne l'ont pas tous fait. Si cette disposition est si extraordinaire, pourquoi n'ont-ils pas tous présenté une demande? Il est évident que beaucoup de ces détenus n'ont pas présenté de demande parce qu'ils savaient qu'ils n'avaient aucune chance de voir leur période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle réduite à moins de 25 ans. C'est la seule raison pouvant expliquer le fait que seulement 74 détenus sur 175, ou42,3 p. 100, ont présenté une demande.

On a fini d'examiner 63 des 74 demandes présentées; dans 13 cas, on a refusé toute réduction de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle et, dans les 50 autres cas, on a accordé une réduction partielle ou totale de cette période. Autrement dit, certains détenus ont vu leur période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle réduite de façon partielle, par exemple de 25 à 15 ans, tandis que d'autres ont bénéficié d'une réduction totale.

On a laissé entendre à la Chambre qu'une fois la réduction accordée, le détenu est immédiatement libéré. Ce n'est pas le cas. Il doit quand même se présenter devant la commission des libérations conditionnelles, un processus qui prend encore un ou deux ans. C'est ce qui s'est passé jusqu'à maintenant, et je suis même au courant d'un cas où la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle a été réduite il y a trois ans, et ce détenu attend toujours son audience devant la commission des libérations conditionnelles.

Qu'est-il arrivé à ces 50 détenus qui ont obtenu une réduction partielle ou totale de leur période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle? Seulement 17 ont obtenu une libération conditionnelle totale et 8 ont obtenu une libération conditionnelle de jour. Cela veut dire que seulement 25 sur les 175 détenus admissibles depuis 1976 ont fini par se voir accorder une libération conditionnelle partielle ou totale par la commission des libérations conditionnelles. Les autres ont vu leur requête rejetée ou n'ont pas obtenu d'audition.

(1625)

Parmi ceux qui ont obtenu une libération conditionnelle et ont été remis en liberté, deux ont été remis en prison pour avoir violé les conditions de leur libération conditionnelle et un autre seulement a commis une nouvelle infraction, qui n'était pas un homicide.

Voilà les faits. Cette disposition n'a pas donné de mauvais résultats, elle n'a pas créé de menaces majeures pour la société et n'a pas non plus engendré de meurtres à répétition. Dans l'ensemble, elle a donné des résultats satisfaisants.

Le projet de loi C-45 dont la Chambre est présentement saisie propose une décision unanime du jury plutôt qu'une décision majoritaire de 8 sur 12. Il y a lieu de se demander pourquoi, puisque la disposition a si bien fonctionné.

Quoi qu'il en soit, deux amendements sont proposés à la Chambre; le premier, présenté par le député de Bellechasse, propose une décision majoritaire de 9 jurés sur 12 et le second, proposé par le député de Kingston et les îles, propose une décision de 10 jurés sur 12. Je suis prêt à accorder mon appui à l'une ou l'autre proposition d'amendement, quoique je préférerais que l'article 745 soit carrément aboli et que l'admissibilité à la libération conditionnelle soit fixée à 15 ans en cas de meurtre au premier degré et à dix ans dans les cas de meurtres au second degré. Avant 1976, un détenu était admissible à la libération conditionnelle après dix ans et ce régime n'a pas engendré d'abus graves.

Je prendrai les quelques minutes qu'il me reste pour répondre à certains arguments énoncés par les réformistes. Ils prétendent qu'appuyer l'article 745, c'est affirmer que la vie d'une victime de meurtre ne vaut pas plus de quinze ans. J'ai entendu plusieurs députés nous prêter ce point de vue. C'est insensé. Rien ne peut compenser la perte d'une vie humaine, que ce soit la peine capitale ou un emprisonnement de 30 ans ou même 100 ans. Rien ne peut remplacer cette vie. C'est fausser notre position que de laisser entendre qu'en fixant la date d'admissibilité à la libération conditionnelle après 10, 15 ou 25 ans, nous accordons une valeur équivalente à la vie de cette personne décédée. C'est tout à fait faux et injuste.

On a également laissé entendre que, en appuyant cette disposition, nous infligeons des souffrances additionnelles aux familles des victimes. S'il y a une audience de libération conditionnelle ou une simple présentation d'une demande de libération, l'affaire sera examinée de nouveau par la Commission des libérations conditionnelles ou les tribunaux. Je ne crois pas que cette affirmation soit exacte. J'ai siégé à quelques audiences de la commission. Il y a des familles des victimes qui sont troublées par la tenue de ces audiences, et d'autres qui ne le sont pas. C'est faux de dire que c'est un problème universel.

Je dirais aux députés du Parti réformiste qu'en revenant toujours sur ces questions, à la Chambre, à la télévision et à la radio, même lorsque des gens pourraient ne pas être au courant que les tribunaux sont saisis d'une affaire qui les touche de près, ils font bien pire pour raviver le souvenir des horribles événements entourant le meurtre que le fait de porter cette affaire devant la Commission des libérations conditionnelles ou devant juge et jury dans la région concernée.

Le Parti réformiste laisse entendre qu'en réagissant fermement, en abolissant la libération conditionnelle, en affirmant que la prison à vie, c'est la prison à vie, on protégera les victimes et réduira le nombre de meurtres, mais c'est totalement faux. Beaucoup d'États américains ont pris de telles mesures. On y a rétabli la peine capitale. Leurs taux de condamnations à la peine capitale sont


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élevés et leurs taux de meurtres sont bien supérieurs à ceux du Canada. Autrement dit, les mesures fermes qu'on demande ne protègent pas le public, ne réduisent pas la criminalité et n'aideraient pas les victimes. Le taux de meurtres diminue constamment depuis maintenant quatre ans, au Canada, et avec les lois actuelles. Il se situe à environ 2,2 pour 100 000 habitants. En Floride et dans les États du sud avoisinants, le taux de meurtres est d'environ 10 pour 100 000, ce qui est beaucoup plus élevé, et ces États font exactement ce que le Parti réformiste voudrait faire.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord féliciter mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce pour l'intervention qu'il vient de faire. C'est rafraîchissant d'entendre de tels propos en cette Chambre.

Je voudrais dire que je tenais à intervenir dans ce débat non pas à titre d'expert ou d'avocat, Dieu m'en garde, je n'ai pas ces qualifications, mais plutôt pour essayer de situer le débat dans la perspective d'une société meilleure. Je crois que c'est l'objectif qu'on recherche; c'est ce que j'ai entendu des propos du député de Notre-Dame-de-Grâce, de même que ceux de mes collègues qui sont intervenus avant moi, exception faite bien entendu de nos collègues du Parti réformiste qui ne voient de solution dans ce champ d'action que vers un retour à la peine de mort et rien d'autre.

(1630)

Le Bloc québécois s'oppose au projet de loi C-45 qu'on désire faire adopter pour des raisons fondamentales que l'on a expliquées. Ce qu'on reproche au gouvernement concernant ce projet de loi, c'est sa façon de faire, cette espèce d'empressement qu'on met à répondre à une partie de la population qui demande un resserrement des mesures de libération conditionnelle sans qu'on puisse faire un véritable débat, sans qu'on puisse entendre tous les points de vue et sans qu'on puisse prendre une décision qui, comme je l'ai dit au début de mon intervention, aura comme effet d'améliorer la société dans laquelle on vit.

Cet après-midi, j'ai entendu le député de Wild Rose faire état de l'opinion des victimes. Avec tout le respect que je porte à notre collègue du Parti réformiste, il a droit à son point de vue, et il nous a sûrement présenté un point de vue partagé par d'autres personnes et particulièrement par l'entourage des victimes de meurtre, mais cela ne représente pas le point de vue général, le consensus qui se dégage dans la population, particulièrement au Québec.

Permettez-moi, dans les prochaines minutes, de vous présenter le point de vue de victimes, également de parents qui ont perdu leur enfant dans des situations épouvantables. Le 30 juin dernier, à Sherbrooke, une jeune fille du nom de Isabelle Bolduc était enlevée. On saura par la suite que c'était par trois individus. Pendant quelques jours, elle a souffert un martyre indescriptible. De toute évidence, elle a été violée pour être finalement tuée dans des conditions que je m'abstiendrai de vous révéler.

Elle a subi, je le répète, un martyre. Personne ne conteste cette situation, les parents au premier chef, les amis de la victime non plus. Le réflexe qu'on a, que j'aurais dans une situation semblable si ma fille ou mon fils devait subir un tel sort, je voudrais, à prime abord, que les responsables de ces gestes subissent le même sort. Il m'est arrivé d'imaginer que je pourrais moi-même me faire justice et régler le cas de ces individus de la même façon qu'ils auraient fait à un des miens.

Quand on y repense, avec un peu de recul, est-ce qu'on veut revenir au modèle du «Far West» comme certains nous le proposent? Est-ce qu'on va régler cette situation de façon définitive? Est-ce qu'on va améliorer le sort de notre société? À l'évidence, c'est non. Non, on ne réglera pas la violence en utilisant la violence.

Pour reprendre l'exemple vécu dans notre région cet été, le père de la victime, M. Marcel Bolduc, un individu que je connais personnellement, qui a été et qui est encore aujourd'hui atterré par le décès de sa fille, eh bien, au lendemain de ces événements, M. Bolduc et d'autres amis de la famille ont mis sur pied une fondation qui s'appelle la fondation Isabelle Bolduc qui oeuvre dans la région de l'Estrie et partout au Québec, qui est en train de faire signer une pétition pour améliorer les libérations conditionnelles.

M. Bolduc, malgré les pressions qu'il recevait de certaines personnes de son entourage, de son milieu, a refusé d'envisager la peine de mort comme étant une solution pour de tels crimes.

(1635)

Ce que la Fondation Isabelle Bolduc veut et souhaite, c'est améliorer le système. Elle a une suggestion à faire aux parlementaires, non pas une suggestion dont on devra tenir compte dans ce débat, mais dans les mois qui viennent. La Fondation Isabelle Bolduc souhaite vivre une expérience pilote dans la région de l'Estrie qui permettrait à des individus d'être partie prenante dans des décisions prises par le bureau des libérations conditionnelles. Elle souhaite qu'un comité de surveillance formé de citoyens et de citoyennes soit mis sur pied pour étudier les décisions, le cheminement, le processus et le suivi des décisions prises par le bureau des libérations conditionnelles.

On est loin de demander un retour à la peine capitale. Je rappelle qu'un des instigateurs de cette demande est le père d'Isabelle Bolduc, le parent de la victime d'un crime commis dans notre région.

C'est ce à quoi il faut réfléchir lors d'un débat comme celui-là. Il faut se demander quels moyens on peut utiliser pour améliorer cette situation. La Fondation Isabelle Bolduc a un moyen. Je sais qu'une demande a été faite au ministre de la Justice pour que ce projet-pilote puisse voir le jour très bientôt. J'espère qu'une réponse positive proviendra du ministre de la Justice parce que c'est de cette façon et de cette façon seulement que l'on pourra améliorer la situation.

Ce que la Fondation demande est fort simple. On le sait, on en est convaincu dans l'entourage, et je partage cette opinion, que la réhabilitation est la voie à suivre en cette matière. Il faut que l'on consacre tous les efforts possibles pour que ces individus qui ont commis des crimes-n'ayons pas peur des mots-odieux, puissent


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un jour, espérons-le, revenir dans notre société et vivre d'une façon normale.

C'est sûr qu'il y a des cas d'exception. Quand on se réfère à l'exemple dont on se sert pour présenter ce projet de loi, le cas Clifford Olson, il s'agit d'une mesure d'exception. Il s'agit de monstres que personne ne souhaite voir dans sa rue.

Plusieurs meurtres ont été commis pour des raisons diverses, mais plusieurs de ces individus, avec du l'appui et de l'encadrement, ont pu se réhabiliter. C'est le souhait de parents de victimes. C'est une situation qui se passe maintenant dans notre région.

Je veux le souligner, je le répète et j'insiste pour démontrer qu'il n'y a pas, dans notre société, que des individus qui souhaitent se venger, mais il y a des gens ordinaires, pas des spécialistes du droit-pas que je leur en veuille-mais des gens ordinaires qui réfléchissent et qui veulent proposer leurs propres solutions.

Monsieur le Président, comme vous m'indiquez que mon temps est terminé, je conclurai simplement en souhaitant que le gouvernement tienne compte des suggestions qui lui sont faites par l'opposition officielle pour améliorer son projet de loi, mais qu'il tienne compte également des suggestions qui lui sont faites par la Fondation Isabelle Bolduc pour améliorer le sort de notre société.

[Traduction]

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de dire que j'appuie le projet de loi C-45 et je veux en profiter pour demander à la Chambre rejeter les six amendements qui ont été proposés.

Je voudrais aussi en profiter pour faire remarquer que le gouvernement est sensible aux débats qui ont lieu à la Chambre. Je tiens à le faire remarquer notamment à l'égard de deux projets de loi d'initiative parlementaire dont nous avons été saisis et qui touchaient le fond du projet de loi à l'étude, de façon un peu superficielle dans un cas, mais qui étaient du moins dans le même esprit. Je rappelle aux députés que le député de York-Sud avait présenté un projet de loi d'initiative parlementaire concernant l'article 745 du Code criminel.

(1640)

Les ministériels et moi avions appuyé ce projet de loi d'initiative parlementaire car nous estimions que c'était un moyen de faire sentir au gouvernement qu'en voulant arriver à un équilibre entre des intérêts conflictuels, la balance avait peut-être penché un petit peu trop dans un sens, au détriment de la protection de la communauté, et qu'il était temps de rectifier la situation.

Nous avons bien sûr fait de grands progrès par rapport aux idées dépassées du XIXe siècle, où le droit criminel avait pour unique but de punir le délinquant. Ce n'était pas une mesure très efficace pour contrôler la société et nous avons mis en place d'autres méthodes qui permettent d'étudier cette dernière de plus près.

En ce sens, le gouvernement a reconnu que, malgré les statistiques indiquant que la criminalité est en baisse, certains types de crimes, tueries et meurtres en série, sont en hausse et exigent un resserrement des contrôles communautaires. C'est ce qui explique les mesures complexes de filtrage établi ici. Ce dispositif répond au sentiment exprimé par la Chambre.

De même, la députée de Saint-Hubert a présenté au printemps un excellent projet de loi d'initiative parlementaire que d'autres ministériels et moi avons appuyé. Il traitait en fait de la question de la protection des témoins ou des victimes dans les procès criminels.

On a fait remarquer que de nombreux accusés en profitaient pour harceler encore leurs victimes au moyen de sauvages contre-interrogatoires. J'aurais pensé, en tant que juriste, que cela aurait pu être rectifié par voie judiciaire. Après tout, le juge est là pour protéger la collectivité, y compris les victimes. Quoi qu'il en soit, le projet de loi règle ce problème.

J'ai pris note du débat qui a eu lieu la semaine dernière en Grande-Bretagne autour d'un problème très similaire mais dans des circonstances extrêmes. Ici, par ce projet de loi, le gouvernement a certainement l'intention d'empêcher les individus qui ont été condamnés de se servir du système en vertu de l'article 745 pour harceler davantage les familles des victimes.

Il y a eu d'autres cas et il est bon que le gouvernement essaye de fermer la porte à ce genre d'abus. C'est conforme à l'esprit de l'excellent projet de loi d'initiative parlementaire qu'a présenté la députée de Saint-Hubert.

D'une autre façon, nous tenons également compte de la situation des victimes d'actes criminels. Ce n'est pas le XIXe siècle. Nous ne sommes plus à l'époque antérieure à la common law, période pendant laquelle le droit criminel avait la vengeance comme raison d'être et les victimes avaient le droit d'exiger un châtiment. Pas du tout. On reconnaît que le point de vue des victimes est un facteur légitime entrant dans la détermination de la peine, et un facteur légitime lorsqu'on envisage la libération conditionnelle d'un détenu.

Je me souviens qu'il y a de nombreuses années, bien avant que je ne sois élu à la Chambre, j'avais été contacté en ma qualité de jurisconsulte par la famille de l'une des victimes d'un tueur de la région de Vancouver, le couple Rosenfeldt et leur avocat. Ils m'avaient fait part de l'angoisse et des tribulations qui avaient été les leurs avant de connaître le sort de leur enfant. Depuis, ils consacrent leur vie à faire en sorte que le droit criminel protège la société tout en s'assurant que le point de vue des victimes soit présenté de façon compatible avec nos traditions juridiques et l'esprit de nos lois.

Je remarque que, dans le projet de loi du gouvernement, l'attitude des familles des victimes peut être représentée de façon convenable et très équilibrée.

Le gouvernement réagit au sentiment, exprimé des deux côtés de cette Chambre, qu'il faut rétablir l'équilibre en matière de droit criminel pour mieux protéger la société, et ce en raison de l'aggravation de la criminalité en termes non pas de pourcentage mais d'intensité. Je crois que l'on reconnaît cette situation par l'existence


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même du système structuré qui commande la présence d'un juge et d'un jury et, conformément à l'histoire de la common law, exige, quant à la décision de réduire le délai, que les décisions du jury soient unanimes. Tout cela est conforme au principe qui pose ces éléments comme condition préalable à l'entrée en action d'une commission de libération conditionnelle. Cela répond bien au sentiment exprimé en cette Chambre.

(1645)

En ce qui concerne mon intervention au sujet de la libération conditionnelle qui ne devrait jamais permettre à un criminel vicieux et non repentant de harceler encore davantage les familles des victimes, le système structuré permet d'éviter une telle situation puisqu'il écarte toute demande frivole de libération conditionnelle. Enfin, quant au droit des victimes à exprimer leur opinion sur la criminalité de la cause devant le tribunal d'une manière conforme aux devoirs de tous les membres de la société, je crois que cet élément est prévu dans le projet de loi.

C'est pourquoi, malgré le respect que je porte aux députés qui ont pris la peine de proposer des amendements, je suis d'avis que les amendements devraient être rejetés et que le projet de loi devrait être adopté tel quel.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, lorsque j'ai parlé plus tôt sur le projet de loi C-45 qui apporterait des modifications à l'article 745 du Code criminel, une disposition qui permet aux meurtriers de demander leur libération anticipée, j'ai donné sept raisons pour lesquelles je ne pensais pas que le projet de loi devait être adopté par la Chambre.

À ma grande stupéfaction, ces raisons très bonnes et très bien justifiées n'ont pas été prises en considération par la Chambre et par le gouvernement, et le projet de loi nous revient maintenant. Le comité a proposé quelques amendements, mais la plupart ne font que diluer le projet de loi encore plus. Étant donné que j'estime que ce projet de loi est mauvais et qu'il n'est pas dans l'intérêt du Canada, je ne pense qu'il devrait être adopté, modifié ou non.

Je voudrais présenter encore d'autres raisons, d'autres réflexions et d'autres arguments à la Chambre pour essayer de persuader mes collègues de voter contre cette épouvantable mesure législative.

Je voudrais rappeler à la Chambre les vies oubliées dont nous devrions nous souvenir lorsque l'on parle de ce qui devrait arriver à des meurtriers condamnés. La plupart des familles qui ont perdu un être cher sauvagement assassinées se demandent qui est réellement condamné à perpétuité. Naturellement, ce sont les victimes, mais pas seulement les victimes. Les familles, les amis et tous ceux qui restent, voient leur vie privée et leur bien-être affectif bouleversés par la considération et la compassion que l'on accorde à des meurtriers qui ont agi de sang froid. Il faut se demander pourquoi ces vies perturbées ne se situent pas plus haut sur la liste de priorités des personnes élues qui ont l'habitude de prétendre qu'elles font preuve de compassion.

La femme d'un policier assassiné disait: «Lorsqu'il a tué mon mari, il s'est emparé de notre avenir. Ma fille n'a plus de père. Le dernier examen a été difficile. Nous avons dû revivre sa mort. C'était comme perdre mon mari une autre fois. La souffrance est insupportable. Je m'inquiète depuis qu'il est de nouveau admissible à la libération.»

Le système permet à des assassins de continuer à perturber la vie des familles et à continuer à faire souffrir ceux qui ont déjà perdu un être cher. Nous devons mettre un terme à cela.

(1650)

Ce projet de loi va à l'encontre des principes de vérité et de justice que nous sommes en droit d'exiger de notre système de justice. Tout d'abord, les gens qui aimaient les personnes assassinées croyaient vraiment que les meurtriers avaient été condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant au moins 25 ans.

Ils s'aperçoivent ensuite qu'il n'existe pas, en fait, au Canada, de peine d'emprisonnement à perpétuité, que la peine maximale n'est que de 25 ans et qu'au lieu de ne pas être admissible à une libération conditionnelle avant 25 ans, les meurtriers peuvent demander une libération conditionnelle après 15 ans seulement. Ces gens se sentent trahis et ils ont le droit de s'attendre à une certaine transparence dans ce que disent les tribunaux et dans les peines et les sanctions qu'on impose.

Le ministre de la Justice dit depuis des mois, que l'article 745 fait l'objet d'un examen, ce qui a amené de nombreuses personnes qui réclament une plus grande justice à penser qu'on allait prendre des mesures importantes pour répondre à leurs demandes, pour faire en sorte qu'on ne laisse pas sortir prématurément les meurtriers. Ce projet de loi continue de permettre aux meurtriers de recouvrer leur liberté après seulement 15 ans si leur demande de libération conditionnelle est acceptée. Seuls les auteurs de meurtres multiples resteront 25 ans en prison. Cela ne représente que quelques années pour chacune des personnes tuées par ces individus.

Sur les 70 tueurs qui ont demandé une libération conditionnelle anticipée jusqu'à maintenant- et rappelez-vous que cet article ne s'applique que depuis les années 70-75 p. 100 ont obtenu gain de cause. Ces tueurs ont également le droit de présenter plus qu'une demande.

Nous devons nous demander: Si nous traitons les meurtres à la légère, pourquoi les criminels n'en feraient-ils pas autant? Si un tueur n'est condamné qu'à quelques années d'emprisonnement, du point de vue de la plupart des Canadiens, ce n'est pas un moyen de dissuasion suffisant.

On ne doit pas mettre l'accent sur l'accusé, la personne reconnue coupable ou le criminel, mais bien sur la protection de la société, des citoyens respectueux de la loi, de nos familles et de nos collectivités. L'article 745 est coûteux pour les citoyens honnêtes. On estime que chaque révision coûte entre un demi-million de dollars et un million de dollars.

Bien entendu, on va ajouter d'autres niveaux d'appel à ceux qui existent déjà, car un juge d'une cour supérieure peut maintenant entendre la cause et décider si le demandeur a une chance d'obtenir gain de cause. Ensuite, si le criminel n'apprécie pas la décision de ce juge de la cour supérieure, il peut en appeler à plusieurs reprises. Tout cela se fait aux frais du contribuable. Ce sont les Canadiens qui travaillent fort, les gens honnêtes, qui réclament justice et veulent assurer la sécurité de leur famille, qui sont forcés de payer la note.


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Le projet de loi donne l'espoir à ceux qui méritent le moins. Il est inadmissible qu'on le soumette aux Canadiens qui réclament exactement le contraire.

Il est inacceptable qu'on utilise les ressources de l'aide juridique financées par le contribuable pour réduire la dette que les criminels ont envers la société. Aucune peine d'emprisonnement ne suffira à compenser la perte d'une vie innocente et précieuse ou la disparition d'une personne qui est morte dans la souffrance et, souvent, dans la plus grande terreur.

La population exige de plus grandes garanties en ce qui concerne la sécurité publique. Dans ma propre ville de Calgary, en quelques jours à peine, le Calgary Sun a recueilli plus de 35 000 coupons exhortant le ministre de la Justice et le gouvernement libéral à abroger l'article 745 du Code criminel. Ces appels, comme des milliers et des milliers d'autres dans tout le pays, ne sont pas entendus.

On voit bien le mépris que les libéraux ont pour les victimes. Les libéraux disent depuis toujours qu'ils ont beaucoup de compassion pour les victimes. La Chambre sera saisie sous peu d'un projet de loi qui aura pour objectif de faire en sorte que les victimes d'agressions sexuelles n'aient plus à rendre publics leurs écrits et leurs journaux intimes dans les cas d'agression sexuelle. On veut ainsi éviter qu'elles ne soient placées dans une situation embarrassante et qu'elles ne subissent le traumatisme et la douleur de voir, en plus de tout, leur vie privée violée.

(1655)

Néanmoins, dans ce projet de loi il semble qu'on ne se préoccupe aucunement des familles et des êtres chers des Canadiens assassinés. Il y aura de plus en plus de ces audiences, révisions et demandes de libération conditionnelle anticipée. Il y a même un sénateur libéral qui a écrit un bulletin à l'intention des personnes condamnées pour meurtres leur expliquant comment réussir à obtenir une libération anticipée et à faire réduire la peine qui leur a été infligée pour avoir agressé d'autres Canadiens. C'est tout à fait répugnant et répréhensible, mais ça semble être une tendance.

Un député d'en face a dit que rien ne peut remplacer une vie. Entend-il par là qu'il ne faudrait imposer aucune peine? Est-ce trop, 25 ans? Est-ce trop, 15 ans? Cinq ans ou même un an, ça suffit peut-être. On devrait peut-être simplement réprimander les coupables. Ou leur dire que leur conduite n'est pas très jolie-jolie, qu'il ne faut pas recommencer.

En quoi cette attitude adoptée par le gouvernement protège-t-elle notre population et les victimes innocentes, brutalisées? Des jeunes femmes ont été agressées sexuellement et brûlées vives et leurs assassins demandent d'être libérés après avoir purgé seulement 15 ans. C'est une honte. Que le gouvernement affirme haut et fort qu'il appuie cela et ne va rien faire pour que ça cesse, voilà qui est tout à fait répréhensible.

Je pense que les Canadiens ont un choix très clair à faire. À savoir, entre, d'une part, un gouvernement libéral qui est d'avis que toute notre compassion et notre considération devraient aller aux tueurs brutaux de notre société et, d'autre part, le Parti réformiste qui est d'avis que notre société doit faire passer un message très ferme: quiconque viole les droits, les libertés, la sécurité et la vie de citoyens innocents, respectueux de la loi, sera puni. Il y a un prix à payer. Il vaut mieux se tenir tranquille sinon la société va prendre la chose très au sérieux.

Pour les familles des victimes des meurtriers, il n'y a pas d'espoir. Or, l'article 745 donne de l'espoir aux criminels, aux meurtriers sans pitié, brutaux. Mais les victimes et leurs familles ne peuvent pas espérer la paix, le repos et la justice de la part du gouvernement libéral.

J'exhorte les Canadiens à exprimer leurs choix en la matière le jour où ils iront aux urnes.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-45 et m'opposer aux amendements proposés.

Je félicite le ministre de la Justice, qui a eu le courage de présenter le projet de loi C-45. Au lieu de rejeter carrément l'article 745 du Code criminel, ce projet de loi offre au moins une certaine solution de rechange à son rejet absolu.

L'article 745 est une disposition législative fort mauvaise. On a beaucoup parlé à la Chambre du fait qu'il permet à des criminels condamnés à 25 ans d'emprisonnement d'obtenir une libération anticipée, alors que leurs victimes doivent souffrir et que ces criminels risquent de commettre d'autres infractions s'ils bénéficient effectivement d'une libération anticipée.

Ce qui fait défaut dans le débat, c'est l'idée de responsabilisation. Comme le député de Notre-Dame-de-Grâce nous l'a dit, l'article 745 n'a pas donné lieu à une augmentation de la criminalité avec le temps. Je rejette l'insinuation du Parti réformiste selon laquelle cet article a suscité chez les victimes de crime la crainte que ces criminels ne soient libérés et ne commettent d'autres infractions contre elles.

Si les réformistes veulent bien écouter un instant, le vrai problème avec l'article 745, c'est que l'idée de responsabilisation y est absente. Cet article a été créé à une époque où les gouvernements rejetaient absolument toute responsabilisation. En 1976, il y a 20 ans, les gouvernements accumulaient des déficits. C'était une époque où l'aide sociale était illimitée. À l'époque, les jeunes allaient à l'école et, au lieu d'exiger de bonnes notes, on leur donnait une petite tape sur l'épaule en disant: «Ce n'est pas trop mal. Tu as d'autres possibilités.»

(17-00)

L'article 745 est mauvais parce qu'il ne prévoit pas l'obligation de rendre compte que la société exige de tous ses membres aujourd'hui en toutes occasions. Quand on parle des victimes d'actes criminels, on parle de personnes qui ont été lésées. Quand, au bout de 25 ans, un détenu est facilement admissible à une libération conditionnelle anticipée, il n'a pas à rendre compte de son crime. Voilà le problème.

En plus, il y a la façon dont l'article 745 fonctionne pour autoriser une libération conditionnelle anticipée. Il permet à un jury composé de membres de la collectivité de réviser le dossier d'un criminel condamné à 25 ans d'emprisonnement sans admissibilité à la libération conditionnelle. Malheureusement, ce jury composé de gens ordinaires peut arriver à une décision par consensus plutôt que par unanimité. On demande à ce jury de gens ordinaires de rendre des


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jugement subjectifs plutôt que de trancher la question en se fondant sur des faits.

Il faut penser que, lorsqu'un accusé est condamné pour un acte criminel, il l'est par voie d'une décision unanime d'un jury qui se fonde sur des faits. Le défaut de l'article 745, c'est qu'il exige le consensus et demande à un jury de gens ordinaires d'évaluer subjectivement un criminel.

Je suis en mesure d'affirmer que l'individu qui a commis un crime odieux est souvent capable de tromper la personne la plus intelligente. Une personne ordinaire qui ne connaît pas la façon dont certains criminels peuvent cacher leurs sentiments véritables peut être touchée par la compassion et prendre une décision qui n'est pas dans l'intérêt de la population.

Si 25 personnes ont bénéficié d'une libération conditionnelle anticipée pendant que l'article 745 était en vigueur, c'est déjà trop.

Pourquoi le ministre de la Justice ne devrait-il pas faire ce que recommande le Parti réformiste en abrogeant l'article 745 purement et simplement? Je vais le dire pourquoi. C'est parce qu'il doit toujours y avoir de l'espoir. Nous, humains, vivons ensemble et partageons dans la culture judéo-chrétienne une forte tradition de croyance en la possibilité au moins d'une rédemption.

Si, dans les lois que nous adoptons, nous croyons absolument dans le côté sombre de l'être humain, si nous ne croyons pas qu'il existe une possibilité aussi minime soit-elle qu'un miracle se produise et qu'une personne ou deux puissent être sauvées, nous nous en trouvons beaucoup diminués. Je crois que le ministre de la Justice a donné à un tel miracle la possibilité de se produire.

Au lieu d'abolir complètement l'article 745, il a proposé certaines dispositions en vertu desquelles il sera très difficile pour quelqu'un qui a été condamné à 25 ans de prison sans possibilité de libération conditionnelle d'obtenir une libération anticipée.

Je voudrais rappeler de quelles façons il l'a fait. Tout d'abord, il a exclu absolument les tueurs en série et les auteurs de plus d'un meurtre. Ils en sont exclus. Ils n'ont absolument aucune possibilité de libération.

Deuxièmement, il a institué un processus d'examen initial où un juge serait d'abord appelé à examiner la moralité de l'auteur de la demande de libération conditionnelle anticipée. C'est une excellente disposition. Auparavant, le dossier était automatiquement soumis à un jury local quand la demande était acceptée. Un problème très grave surgissait quand les victimes étaient tenues à l'occasion de se présenter devant le jury pour expliquer pourquoi on ne devrait pas accorder la libération conditionnelle au délinquant. Cela a causé des souffrances inutiles aux victimes de crime.

Cependant, le fait qu'un juge examine initialement si le requérant a le moindre mérite avant que son dossier ne soit soumis au jury local me paraît être le genre de contrôle dont nous avons besoin pour que le projet de loi C-45 fonctionne.

Enfin, le meilleur élément du projet de loi réside dans le fait qu'il exige une décision unanime du jury local pour accorder finalement au requérant d'une libération conditionnelle anticipée la possibilité de soumettre sa demande à la Commission de libération conditionnelle. C'est ainsi que les choses devraient se faire.

(1705)

S'il faut douze honnêtes citoyens pour condamner un tueur à 25 ans d'emprisonnement sans possibilité de libération conditionnelle, s'il faut une décision unanime à ce stade-là, pourquoi ne faudrait-il pas un jury de 12 citoyens pour déterminer si la période de 25 ans devrait être réduite ou non?

Nous sommes saisis d'un excellent projet de loi et ce, à tous les points de vue, puisqu'il comble une grave lacune de l'article 745 qui facilitait trop la tâche aux détenus qui demandaient une libération conditionnelle anticipée. Le projet de loi prévoit aussi des cas exceptionnels, où se produirait le miracle qu'attendent tous les êtres humains, des cas où l'auteur d'un crime grave mérite d'être sauvé. Il faut faire en sorte que le système reconnaisse une telle possibilité et fasse quelque chose pour l'appuyer.

Il s'agit d'un excellent projet de loi et je félicite le ministre d'avoir eu le courage de le déposer.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi modifiant l'article 745 du Code criminel.

J'ai entendu tantôt le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour qui je n'ai pas toujours été tendre en cette enceinte, faire quand même un bref survol historique de l'arrivée de l'article 745 du Code criminel, et je l'en félicite.

J'ai entendu le député de Vancouver Quadra, pour qui j'ai toujours été tendre, qui lui me déçoit un petit peu en continuant à défendre l'indéfendable, en soutenant l'insoutenable, en renchaussant ce qu'on ne peut pas renchausser, et je m'explique, cela dit cependant avec beaucoup d'estime pour mon collègue de Vancouver Quadra qui a été professeur de droit à la faculté où j'étudiais.

L'article 745 n'est pas tombé du ciel comme cela et je voudrais que les gens du Parti réformiste qui peuvent brandir et proclamer la menace de la peine de mort, parce que, en toile de fond, en veilleuse, c'est de la peine de mort dont on parle ici, aujourd'hui, être capables de dormir sur leurs deux oreilles comme si de rien n'était. Pourtant l'histoire ne manque pas de cas où des gens se proclamant de la majorité, s'insurgeant au nom de la majorité, y mettant s'il le faut des poussées de pression pour avoir le visage rouge comme on l'a vu tout à l'heure, mais cela ne leur conférait pas quand même la vérité absolue.

Qu'on ne parle pas des gouvernements étrangers, parlons du gouvernement canadien. Mon ami, mon collègue député de Vancouver Quadra se souvient sans doute de cette loi qui avait fait interdire les Canadiens d'origine japonaise durant la dernière guerre. Il n'y a pas un député en cette Chambre-le Parti réformiste n'existait pas mais il y en avait des semblables-pas un député en cette Chambre n'est venu dire: Holà! On est en train de commettre une terrible erreur, de causer un terrible préjudice et peut-être que l'acte qu'on


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pose actuellement aura des conséquences absolument incalculables sur la vie de citoyens.

Personne ne s'est posé la question. Il a fallu corriger la situation, si on peut corriger avec des deniers, avec des sous, quelque chose comme 35 ans plus tard en votant ici un dédommagement pour corriger des erreurs que des collègues, en cette Chambre, avaient faites 35 ans plus tôt.

Moi je dis qu'on est peut-être en train d'en commettre une erreur en durcissant la position qu'on avait jusqu'à date de l'article 745. L'article 745, lorsqu'on a aboli la peine de mort, pour certaines personnes qui avaient commis des crimes odieux et qui étaient condamnées à la peine de mort, pour certaines personnes-et écoutez bien ce que je dis-cela pouvait constituer une espèce de libération. On pouvait assurer la sécurité de cette personne-là pour un certain temps à l'intérieur des prisons. La personne acceptait généralement son sort en disant: Je n'en ai pas pour longtemps.

Du fait qu'on abolissait la peine de mort et qu'on transférait pour des périodes de 25 ans et plus les gens qui avaient été condamnés à la peine de mort et qu'on les enfermait pour 25 ans, ces gens-là perdaient tout espoir dorénavant.

(1710)

Ils se disaient: «C'est inadmissible, je ne le prendrai pas. Je m'attendais à mourir, mais vivre 25 ans derrière les barreaux, je ne l'accepte pas.» Dans le fond, le législateur avait voulu les calmer en leur donnant un certain espoir, en leur disant: «Écoutez, 25 ans, c'est long, mais ça se vit, ou ça se survit.»

On peut leur insuffler un certain espoir pour qu'ils soient quand même contrôlables, malléables et qu'on puisse les garder à l'intérieur d'une prison sans provoquer à tout bout de champ des catastrophes, des émeutes, des révoltes, des crises de toutes sortes à l'intérieur des prisons.

Au départ, c'était le but de l'adoption de l'article 745 dans le Code criminel. Il s'agissait de 25 ans fermes qu'on pouvait réduire. Ces 25 ans étaient une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, mais par l'article 745, on pouvait dorénavant demander de raccourcir le période d'inadmissibilité. C'est ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce nous a expliqué clairement.

Le gouvernement actuel, et c'est ici que je fais un reproche à mon savant ami, le collègue de Vancouver Quadra, le gouvernement fédéral se réformise. Dans l'Ouest, il est important qu'on n'en laisse pas trop aller aux réformistes, donc, il faut avoir un discours «western» dans l'Ouest et un discours plutôt social dans l'Est. Comment concilier les deux? C'est là qu'on arrive à des solutions tout à fait abracadabrantes et des choses qui peuvent s'exposer sur le plan de la vérité, mais on sait bien qu'en théorie, cela n'arrivera pas.

Le danger est qu'on puisse avoir deux justices dans le même pays. Je m'explique, parce que mon collègue de Vancouver Quadra ne sait trop où je veux en venir. Par exemple, prenez le fameux jury de 12 personnes, où, au Québec, les gens sont généralement un peu différents, ils sont distincts, on l'a vu et on l'a dit souvent, il ne serait pas impensable de trouver un jury qui aurait la tendance de neuf à trois, alors que dans l'Ouest canadien, surtout dans les comtés forts du Parti réformiste, on pourrait trouver un jury de 12 unanime contre le raccourcissement de la période.

Pourtant, on est face à des crimes semblables, à des offenses comparables ou pareilles et on verrait que dans une partie du Canada comparativement à une autre, on n'aurait pas la même tendance. Mon ami, le député de Vancouver Quadra sourit, mais il sait que j'ai raison, d'ailleurs, vous aussi vous le savez, c'est pour cela que vous n'intervenez pas, je présume.

Le président suppléant (M. Kilger): Je vais prendre l'occasion pour m'étirer un peu et dire tout simplement: «Ne prenez rien pour acquis.»

M. Lebel: Mais je décèle là une espèce d'hypocrisie. Si on veut dire aux criminels qu'il n'y a pas d'espoir, qu'il n'y en aura pas, qu'il n'y en aura jamais, qu'on le dise donc et qu'on abolisse purement et simplement l'article 745. Si ce qu'on veut faire, c'est leur dire qu'il y a de l'espoir, c'est qu'on veut flirter avec les Québécois un petit peu, mais on leur pose des conditions telles qu'il n'y a personne qui passera dans le sas.

Il faut convaincre un juge par requête écrite. On n'a pas le droit de faire une représentation verbale ou orale ou de comparaître en personne devant le juge. Il faut une requête écrite pour demander au juge de convoquer un jury. Un juge peut dire non, c'est son droit. Si le juge dit oui et qu'il convoque le jury, il faut aussi convaincre le jury qu'on a raison. Et là, cela requiert l'unanimité.

Si on réussit à passer à travers ça, le jury nous donne le droit d'aller nous faire entendre devant la Commission des libérations conditionnelles, la troisième étape. Donc, il faut encore convaincre ces gens-là.

(1715)

Si on entreprend cette démarche après 15 ans comme le veut l'article 745, à la vitesse à laquelle tout cela va, j'ai bien peur que les 25 ans du gars n'arrivent plus vite que son audition devant la Commission des libérations conditionnelles.

On a fait ça beau. Au Québec, on ne pourra pas reprocher au gouvernement de ne pas avoir eu un peu de compassion pour les gens mal pris ou les gens qui ont commis des erreurs. C'est comme cela qu'on les identifie, pour les gens de l'Ouest, mais on ne pourra pas accuser le gouvernement d'avoir facilité l'élargissement de criminels, d'odieux, de monstres, de ci et de ça. On parle des mêmes personnes, mais elles ne sont pas identifiées ou définies de la même façon dans l'Est ou dans l'Ouest du Canada. C'est donc le reproche que je fais au gouvernement.

Il y a un autre point que je ne peux pas laisser passer, c'est que celui qui aurait été l'auteur d'un crime, on dit multiple, c'est-à-dire deux et plus, serait inadmissible à cette nouvelle disposition de l'article, et je trouve cela tout à fait inacceptable. Donc si je prends le dossier de mon ami le député de Mégantic-Compton-Stanstead lorsqu'il fait référence à la petite Isabelle Bolduc, il a refusé d'expliquer les vraies choses qui sont arrivées et je ne le ferai pas moi non plus, mais c'est quelque chose d'odieux. Mais ce criminel, en vertu de cette nouvelle disposition, lui aurait le droit de passer au travers du processus et risquer peut-être d'arriver au bout du compte


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et de se faire libérer quelques mois ou quelques années avant le terme initial fixé.

Par contre il y en a qui, par mégarde, et cela, on l'a connu au Québec avec Florent Cantin, qui a mis le feu dans une boîte, dans le temps des Fêtes. C'est une farce plate qui a mal tourné, avec 37 morts. Ce jeune homme n'était pas un criminel. Il a voulu faire une blague comme plusieurs en font sans conséquence. Celle-là a eu des conséquences catastrophiques: 37 ou 38 victimes. Mais, et monsieur le Président vous le direz au député, si vous n'êtes pas trop occupé, le député de Vancouver Quadra sait de quoi je parle: l'actus reus et le mens rea. Ça prend les deux pour faire un crime. Dans le cas de Florent Cantin, je ne suis pas sûr que le mens rea était là, que l'intention coupable était là. Le geste était là, par exemple. Ce sont des éléments dont il faut tenir compte dans ce projet de loi, mais on glisse cet aspect de la criminalité sous le tapis.

Je demande donc au gouvernement et à mon collègue de Vancouver Quadra s'il peut exercer une certaine influence sur le ministre de la Justice-parce que c'est une autorité en droit-s'il peut essayer de le faire fléchir un peu, de lui faire admettre que de durcir la position face aux personnes détenues, c'est peut-être risquer d'aggraver l'intolérance, la criminalité à l'intérieur même des prisons canadiennes, et je ne suis pas sûr que l'on va gagner.

Lorsque le Parti réformiste commence à jouer entre les valeurs de la vie et de la mort, je pense qu'il fait fausse route là-dessus. C'est bien beau de faire de la démagogie, c'est donc terrible de perdre quelqu'un, un proche, lors d'un crime violent ou odieux, c'est vrai, mais est-ce que dans le fond, si la vie a un prix. . .

Le président suppléant (M. Kilger): Je regrette. Je comprends que durant notre séjour à la maison, dans nos comtés, on a eu beaucoup de choses à dire, mais par contre un grand nombre de députés veulent participer au débat, alors j'essaie d'être juste dans la mesure du possible.

M. Lebel: Mais on a droit au consentement unanime?

Le président suppléant (M. Kilger): Le député de Chambly demande une extension d'environ une minute pour terminer ses remarques. Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Lebel: Monsieur le Président, je vous remercie. C'est seulement pour dire qu'il faut, dans une société, avoir quand même un peu de compassion pour les autres et essayer de les comprendre et d'amener ici des vrais débats. C'est ce que j'allais suggérer au député de Vancouver Quadra et au ministre de la Justice.

[Traduction]

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, j'ai à nouveau le plaisir de représenter la voix des Canadiens dans ce débat sur le projet de loi C-45.

Je suis renversé d'entendre les séparatistes du Bloc et les libéraux d'en face. Je n'en reviens pas de voir à quel point ils sont coupés de la réalité que connaît le Canadien moyen.

(1720)

Je suis absolument stupéfait d'entendre intervenant après intervenant dire que l'opinion des Canadiens ne compte pas. Ils estiment avoir raison et vont faire les choses à leur manière. Tant pis pour la démocratie. Tant pis pour ce que les Canadiens pensent.

En tant que réformiste, je parle au nom des Canadiens. Même si mes paroles risquent de tomber dans l'oreille de sourds à la Chambre, les Canadiens méritent d'être entendus et le Parti réformiste et moi-même allons parler en leur nom.

Il est ici question du projet de loi C-45. La majorité de mes électeurs et des millions de Canadiens croient que l'article visé du Code criminel devrait être abrogé parce qu'il est inutile. Il n'a aucun effet dissuasif sur les gens qui tuent sans pitié.

Le projet de loi C-45, qui fait la fierté et la joie du ministre, n'y apportent tout au plus que des modifications superficielles.

Les Victimes de violence, les Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation, l'Association canadienne des policiers et des millions de Canadiens veulent voir abroger l'article en question. Toutefois, le ministre de la Justice, tout comme les séparatistes du Bloc, ne tiennent aucun compte de leur opinion et veulent faire adopter de force le projet de loi C-45 à la Chambre. C'est une honte! C'est une honte qu'un ministre libéral de la Justice n'entende pas ou, plutôt, ne veuille pas entendre l'appel des Canadiens.

Le projet de loi apporte quelques modifications à l'article 745. D'abord, les auteurs de meurtres répétés n'auront plus le droit de demander un examen judiciaire en vue d'une libération conditionnelle anticipée. Toutefois, cette disposition ne s'appliquera pas rétroactivement à des tueurs en série comme Clifford Olson et Paul Bernardo, qui sont déjà en prison, mais seulement aux personnes reconnues coupables de meurtres répétés après l'entrée en vigueur du projet de loi. Si quelqu'un a tué une bande de personnes avant l'entrée en vigueur du projet de loi, il a encore une chance. Il peut encore présenter une demande. Il est soustrait à l'application du projet de loi.

Le ministre croit-il que les tueurs en série qui sont déjà incarcérés devraient avoir plus de chances que ceux qui commettront de multiples meurtres dans l'avenir? Est-ce là sa logique? Compte tenu de ce que nous avons entendu à la Chambre aujourd'hui, le ministre ayant chargé des députés de se prononcer en faveur du projet de loi les uns après les autres, je suppose que c'est là sa philosophie.

Le ministre n'a rien fait pour empêcher les tueurs en série déjà incarcérés de pouvoir comparaître devant le tribunal et d'avoir une chance de voir réduit leur délai d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Il n'a rien fait. Le projet de loi est une imposture.

Deuxièmement, le projet de loi obligerait le meurtrier à convaincre un juge de la cour supérieure que sa demande a une chance raisonnable d'être accueillie favorablement avant qu'il puisse comparaître devant un jury. Cela semble une mesure raisonnable. Ce-


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pendant, compte tenu du fait que, depuis mai 1994, les demandeurs ont réussi dans une proportion de 72 p. 100 à faire réduire leur délai d'inadmissibilité, il est peu probable qu'un juge trouve à redire sur la majorité des demandes et qu'il les rejette. En résumé, le nouvel obstacle que le ministre de la Justice défend si fièrement et que le Bloc s'est empressé d'appuyer n'en est vraiment pas un. Il y aura encore bien trop d'audiences en vertu de l'article 745.

Enfin, le projet de loi C-45 prévoit qu'un jury visé à l'article 745 devra rendre une décision unanime avant que le demandeur puisse voir réduit son délai d'inadmissibilité à une libération conditionnelle. Actuellement, il suffit que deux tiers des membres du jury se prononcent en faveur du demandeur.

Ce qui ressort de tout cela, c'est que l'article 745 ne devrait tout simplement pas exister. C'est insensé. Ce projet de loi est une absurdité. Il ne reflète pas le moindrement les souhaits et les demandes de la population canadienne. C'est la tactique habituelle des libéraux, qui se contentent de maquillage dans l'espoir que personne ne remarquera.

(1725)

Cette disposition a déjà été présentée en 1976 dans le projet de loi C-84 de l'époque par le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui était alors solliciteur général d'un gouvernement libéral. Le projet de loi C-84 abolissait la peine capitale et créait deux catégories de meurtres: au premier et au second degrés. Cependant, bien peu de gens-et c'est là la fourberie libérale-n'a remarqué l'inclusion de l'article 745 dans le projet de loi initial.

Il en est résulté que les Canadiens ont dû en subir les conséquences pendant 20 ans. Nombre de Canadiens estiment qu'une peine de 25 ans sans être admissible à une libération conditionnelle n'est pas une peine qui convient pour un meurtre au premier degré. Les sondages montrent de façon constante, et le gouvernement ne veut pas l'admettre, que les Canadiens sont en faveur du rétablissement de la peine capitale pour les criminels trouvés coupables de meurtre au premier degré. C'est une constante. À l'heure actuelle, 80 p. 100 des Canadiens seraient en faveur de la tenue d'un référendum national exécutoire sur la peine capitale.

Les libéraux font la sourde oreille. Cela ne fait pas partie de leurs principes. Les gens sont indignés que l'on donne une lueur d'espoir aux criminels après que ceux-ci ont purgé seulement 15 ans. Quelle lueur d'espoir ces assassins ont-ils laissée à leurs victimes?

Parlant des victimes, l'article 745 leur rend un incroyable mauvais service. En effet, le processus de réexamen judiciaire fait en sorte que les familles et parfois des collectivités entières deviennent victimes une deuxième fois. Gary Rosenfeldt, dont le fils a été tué par Clifford Olson, a dit que l'article 745 était une insulte envers les victimes.

Que nous propose le gouvernement libéral? Du maquillage en ce qui concerne l'article 745. Comme je l'ai déjà dit, cela n'est guère surprenant. Les libéraux font constamment la promotion des droits et des privilèges des criminels, ils chouchoutent constamment les pires éléments de la société pendant que les victimes sont complètement laissées pour compte. Si les libéraux comprenaient le moindrement les droits des victimes, et force est de constater que ce n'est pas le cas, ils auraient abrogé l'article 745. Ils n'auraient pas eu à présenter ce projet de loi faiblard et inutile qu'est le projet de loi C-45.

Je voudrais également m'élever contre le point suivant. Je trouve cela vraiment révoltant. Le projet de loi C-45, ce stupide projet de loi, crée en fait des catégories de bons et de mauvais meurtriers. C'est ce qu'il fait en réalité. Si vous tuez quelqu'un, vous avez droit à une audience aux termes de l'article 745. Ce sont de bons tueurs selon la perception du ministre de la Justice. Si on ne tue qu'une personne, il n'y a pas de problème.

Cependant, les tueurs en série n'ont pas droit à un examen judiciaire en vertu de l'article 745 parce que, selon la perception du ministre de la Justice, ce sont de mauvais tueurs. Il est vraiment incroyable que le ministre en soit venu à quantifier la vie humaine dans cette mesure législative. Il s'est permis de déterminer qu'un meurtre est mieux que deux meurtres. C'est incroyable.

Selon ce projet de loi, un meurtrier a le droit d'avoir une lueur d'espoir s'il n'a tué qu'une personne, mais s'il a tué plus d'une personne, il ne pourra pas demander d'examen judiciaire. Le ministre a décidé que, pour avoir droit un jour à une réduction de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, il ne fallait pas avoir tué plus d'une personne. C'est honteux. C'est tout à fait inacceptable que le ministre ait créé deux catégories de tueurs, ceux qui méritent qu'on fasse preuve de clémence envers eux et ceux qui ne le méritent pas.

À mon avis, une vie est tout aussi importante que deux vies ou trois ou quatre. Si le ministre avait voulu faire une distinction entre les tueurs, il aurait dû exiger l'imposition de peines consécutives. Cela aurait été la bonne façon de procéder. Cela aurait fait en sorte que les tueurs en série comme Clifford Olson n'auraient jamais été admissibles à la libération conditionnelle.

(1730)

Il est grand temps que le gouvernement obéisse à la volonté des Canadiens de voir une réforme du système judiciaire. Il est grand temps que le gouvernement défende les droits des victimes et non ceux des criminels. Il est grand temps que le gouvernement fasse ce qu'il doit faire et abolisse l'article 745. Il devrait avoir honte d'avoir présenté un projet de loi aussi répréhensible. Il devrait avoir honte de ne pas avoir tenu compte de l'opinion de millions de Canadiens, particulièrement des groupes qui défendent les droits des victimes. Mon parti et moi-même ne pouvons pas appuyer ce projet de loi. Nous nous opposerons à cette mesure législative stupide au nom des Canadiens.

M. John Nunziata (York-Sud-Weston, Lib.): Monsieur le Président, le débat actuel doit échapper à l'esprit de parti. Notre tâche consiste à décider de la peine appropriée au pire crime régi par le Code criminel, le meurtre au premier degré.

Toute la journée, j'ai observé les libéraux attaquer les réformistes et les réformistes s'en prendre aux libéraux, comme si la question dont nous sommes saisis devait être abordée dans un esprit de parti.


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Il ne doit pas en être ainsi. Nous devons aborder la question dans la perspective de ce qu'il est juste de faire.

Certains ont fait valoir que la période d'emprisonnement ne devrait pas excéder 15 ans. L'auteur de l'article 745 a pris la parole plus tôt aujourd'hui. Il avait fait adopter cet article lorsqu'il était solliciteur général et il croit que tous les meurtriers devraient être admissibles à une libération conditionnelle après 15 ans de détention. Ce point de vue est partagé par très peu de gens dans notre société. Si l'on tient compte de l'opinion générale des Canadiens, on se rend compte que ceux qui prétendent que l'article 745 peut être amélioré et rendu plus acceptable ne constituent qu'une infime minorité.

Les sondages montrent que la grande majorité des Canadiens souhaitent le rétablissement de la peine capitale. Il est donc permis de conclure qu'un nombre encore plus élevé de Canadiens seraient en faveur de l'abolition de l'article 745.

J'ai commencé à m'intéresser à cet article du Code criminel après mon élection à la Chambre des communes, lorsque le Comité de la justice, dont j'étais membre, a entrepris l'examen du système de justice pénale. Je me suis alors rendu clairement compte que l'article 745 illustrait une des lacunes de notre système de justice criminelle, puisqu'il permet aux auteurs des crimes les plus haineux régis par le Code criminel de recouvrer leur liberté après seulement 15 ans d'emprisonnement. Il y a bien sûr d'autres domaines de la justice pénale, que ce soit la question des peines consécutives ou la Loi sur les jeunes contrevenants, qui inquiètent grandement les Canadiens.

L'article 745 est particulièrement révélateur d'une attitude généreuse qui n'est pas compatible avec un système de justice pénale juste et équitable. Le fait est que le système de justice pénale du Canada n'est pas juste. Cet article permet à des tueurs reconnus de se moquer de la justice.

Prenons Clifford Olson, par exemple. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il ne sortira jamais librement de prison. Pourtant, il tire parti de cette disposition pour torturer et punir de nouveau l'entourage de ses victimes. Cette disposition garantit à tous les tueurs reconnus le droit de demander une réduction de leur peine de prison sans admissibilité à la libération conditionnelle et, au cours des 15 prochaines années, 600 de ces tueurs pourront l'invoquer.

Au cours des dernières années, mon travail m'a amené à côtoyer de très près des familles de victimes et surtout des mères de victimes. J'ai collaboré étroitement avec Darlene Boyd, Sharon Rosenfeldt, Debbie Mahaffy, Priscilla de Villiers et beaucoup d'autres qui ont perdu des enfants, des filles, aux mains de meurtriers.

(1735)

Ces mères de victimes ont un argument de poids. Je demande simplement aux députés d'écouter les propositions de ces femmes et de centaines d'autres proches de victimes, quant aux raisons d'abroger l'article 745 du Code criminel du Canada, de déclarer que c'est un article déraisonnable.

Nous n'avons pas affaire ici à des enfants de choeur. Nous ne parlons pas de crimes passionnels. J'ai entendu des arguments du genre: «Que faire avec la femme battue qui tue son mari violent?» Nous ne traitons pas actuellement de situations de ce genre, parce que ces gens ne sont pas condamnés pour meurtre au premier degré, ni même pour meurtre au deuxième degré.

Nous nous attaquons aux gens qui pensent au fond d'eux-mêmes qu'il n'y a pas de mal à enlever délibérément la vie à d'autres personnes, qui ne voient pas de mal au meurtre prémédité et délibéré, le pire crime qui soit régi par le Code criminel.

Si l'on affirme que 15 ans d'emprisonnement constituent une peine appropriée pour un meurtre au premier degré, il faut se demander à quoi rime notre société? Que faut-il penser de tous les autres crimes odieux qui sont régis par le Code criminel, comme le viol, les mauvais traitements infligés aux jeunes enfants, les voies de fait graves? Tous les autres crimes perdent de leur importance. Ils ne sont pas aussi graves que le meurtre. Si la peine est de 15 ans pour un meurtre, quelle sera-t-elle pour le viol d'un enfant ou d'une femme? Quelle sera-t-elle? Quand nous examinons la peine pour meurtre au premier degré, nous devons le faire dans cet esprit.

Il n'est pas question ici de réadaptation. Cela m'irrite quand j'entends des députés parler de réadapter l'auteur d'un meurtre au premier degré. Dîtes-moi comment. Comment pouvons-nous réadapter l'auteur d'un meurtre au premier degré?

La plupart des personnes qui ont commis un meurtre au premier degré ne récidiveront pas. C'est un fait. Certains récidiveront, d'autres pas. La question n'est pas la protection de la société. La question, c'est de savoir quelle devrait être la peine appropriée pour un meurtre au premier degré.

Comment la société manifeste-t-elle son aversion à l'égard des crimes odieux? On en rapporte tous les jours dans la presse et à la télévision. Nous assistons au chagrin des familles des victimes. Pour elles, cela devient comme un enterrement sans fin. Leur douleur et leurs souffrances n'ont pas de fin.

L'article 745 en font des victimes une seconde fois. Elles sont de nouveau traumatisées. Comme une mère m'a dit, il ravive toutes les terribles sensations, la sensation de dévastation totale que l'on ressent quand un agent vous dit sur le pas de votre porte que votre enfant, votre mari ou votre femme a été assassiné.

Je demande aux députés de ne pas se détacher de l'émotion dont il s'agit dans tout cela, car c'est bien d'émotion dont il s'agit. Il s'agit de moralité, il s'agit du bien et du mal. Considérez cela du point de vue des parents qui ont perdu leur enfant, victime d'un assassin condamné.

Est-ce juste? Est-il normal de traîner ces familles une nouvelle fois devant les tribunaux, après 15 ans? Est-il juste et équitable qu'elles continuent de souffrir, alors que l'on donne une forme d'espoir à ceux qui ont commis ces crimes épouvantables?

Je prétends respectueusement qu'une peine de 25 ans de prison est raisonnable. Un minimum de 25 ans est une période raisonnable


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d'incarcération qui reflète l'horreur que la société éprouve pour ce genre de crimes. C'est moralement souhaitable. Il est juste de retirer le droit à la liberté à une personne qui a refusé à une autre le droit de vivre, d'autant plus qu'elle a détruit non seulement la vie de sa victime, mais la vie de la famille et des amis de celle-ci.

(1740)

Des millions de Canadiens appuient l'abrogation de l'article 745: l'Association canadienne des policiers, les agents de police de tout le pays, les agents des services correctionnels de tout le pays, l'Association canadienne des chefs de police. Une grande majorité des Canadiens veulent l'abrogation de l'article 745 de sorte que la période d'incarcération minimale soit effectivement de 25 ans. Qui le gouvernement écoute-t-il lorsqu'il trafique l'article 745?

Nous avons été élus ici pour représenter nos électeurs. Nous sommes ici pour représenter l'intérêt des Canadiens et ce qui est juste pour la majorité des Canadiens. Continuer à appuyer l'inclusion de l'article 745 dans le Code criminel est, à mon avis, contraire à la confiance que les Canadiens nous ont accordée lorsqu'ils nous ont élus à la Chambre des communes, il y a trois ans.

J'ai essayé, en tant que simple député d'obtenir l'abrogation de l'article 745. En fait, la Chambre a voté sur le principe de l'abrogation en décembre 1994. Qu'est-il arrivé à tous ces députés, dont 80 de la majorité, qui ont appuyé l'abrogation de l'article 745 et qui appuient maintenant un projet de loi qui ne fait que rafistoler l'article 745? Ils devront expliquer à leurs électeurs pourquoi ils ont changé d'avis.

En terminant, je prie le premier ministre, qui s'est engagé à réformer le Parlement, de permettre un vote libre sur cette question, de permettre un vote libre sur un projet de loi qui abrogerait l'article 745. À mon avis, cela contribuerait considérablement à restaurer la confiance que les Canadiens devraient avoir dans leurs représentants élus.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je suis heureux mais, en même temps, assez préoccupé d'intervenir sur ce projet de loi très sérieux qui parle de la révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle.

Il faut faire très attention dans ce genre de dossier à ne pas tomber dans la caricature, ce que le Parti réformiste a tendance à faire facilement, et, en même temps, à ne pas céder le pas à des pressions que je qualifierais d'électoralistes. On n'est pas dans un domaine qui doit faire l'objet du résultat de pressions, de contraintes électorales, mais plutôt d'une analyse sérieuse et solide qui nous permet de voir si les mesures qui existent dans le Code criminel depuis un bon bout de temps sont efficaces: ont-elles été efficaces, ont-elles donné des résultats intéressants, avons-nous besoin de les changer?

C'est également un domaine où il faut faire très attention pour ne pas basculer du côté de l'émotivité sans avoir une approche un peu rationnelle. Prenons l'exemple de l'ensemble de la situation des gens qui sont touchés par cette mesure.

Au 31 décembre 1995, il y avait 175 détenus éligibles; 76 on fait une demande pour que soit révisée leur inadmissibilité à la libération conditionnelle. Autrement dit, ils voulaient pouvoir avoir la chance d'obtenir une libération conditionnelle après la 15e année, avant le terme de la 25e année de leur peine. De ces 76 demandes, 13 sont en suspens; il en reste donc 63 sur lesquelles une décision a été rendue. Trente-neuf ont obtenu une réduction et, ce qui est important, un seul cas a fait l'objet de récidive pour un vol à main armée; je ne parle pas d'un assassinat mais d'un cas de vol à main armée.

Il faut donc se rendre compte qu'on n'est pas dans le domaine de la bande dessinée, qu'on a besoin d'une réflexion approfondie sur ces matières et qu'il faut porter un jugement nuancé et sortir de l'anecdote. Lorsqu'un crime est commis, c'est terrible sur le moment, les effets sur les proches, sur la famille touchée de celui qui est décédé sont terribles, et on a souvent tendance à vouloir régler la situation en pensant à toute la culpabilité ou la peine que les familles ont en disant que la personne qui a commis le crime ait une peine lourde, sinon équivalente en tout cas, pour être certain qu'elle ne puisse pas réintégrer la société.

(1745)

Mais la preuve a été faite que les familles qui ont ce réflexe naturel sain, en bout de ligne, même quand elles obtiennent satisfaction-et ça, c'est vrai au Canada, c'est vrai aux États-Unis, la démonstration est faite-la peine ne disparaît pas parce que le coupable a été puni plus sévèrement. La peine pour la personne qu'on a perdue est toujours là et elle n'a pas de rapport avec la punition que le coupable reçoit.

Il faut donc aller au fond du problème et vérifier si les mesures prises ont atteint les résultats attendus. Quand, par exemple, on me dit que 39 personnes ont obtenu une réduction de peine, que 38 n'ont eu aucune récidive, que personne n'a été condamné à nouveau, cela veut dire qu'on est devant une situation où une vaste majorité des personnes concernées réussissent à réintégrer la société et recommencent à contribuer à la société d'une certaine façon.

Alors, on se pose la question de savoir quelle est la vocation réelle de notre système pénal. Parmi les personnes condamnées à 25 ans, il peut y avoir des criminels de carrière, mais il y a aussi beaucoup de personnes qui ont commis un crime, une erreur grave suite à une impulsion ou à des gestes pas nécessairement prémédités.

Il faut aussi savoir où le système s'en va. Sommes-nous aujourd'hui, au Québec et au Canada, devant une hausse ou une baisse de la criminalité? Les chiffres le disent, partout, du moins au Québec, il y a une baisse de la criminalité.

Il y a aussi une comparaison à faire entre les systèmes où on applique des mesures de plus en plus sévères. On peut souvent se comparer avec les Américains à cet égard. Le système, tel qu'il est appliqué au Canada, finalement, en bout de ligne, sur les taux de


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criminalité, sur la façon dont les gens sont réintégrés dans la société et sur les coûts du système, je pense que notre approche, celle qui a été développée au cours des 15 ou 20 dernières années, est une formule gagnante comparativement à celle qui a été développée aux États-Unis. Je pense qu'il faut tabler sur notre succès.

On peut s'interroger beaucoup sur les objectifs réels du gouvernement. Lorsqu'on donne des statistiques, c'est-à-dire que des 73 personnes qui ont fait une demande de révision de leur inadmissibilité, 63 ont obtenu une révision et 39 ont reçu une réduction et qu'il n'y a eu qu'une seule récidive, on peut se demander pourquoi le gouvernement présente ce projet de loi.

C'est un projet de loi qui semble avoir été bâti sur la pression du moment et qui ne réglera finalement pas grand-chose. On peut voir ce qui est proposé pour l'assassinat de plusieurs personnes. Cela va créer des imbroglios terribles et des injustices, parce que ce n'est pas le fait qu'une personne ait abattu une ou deux personnes, c'est le type de crime. Le nombre est un critère qui ne m'apparaît pas pertinent.

L'autre élément concerne le comité décisionnel. Là aussi on tend vers une mesure qui vise un peu à fermer la porte sans le dire. Je pense que le gouvernement manque de courage politique. Il devrait prendre une position claire, nette, précise pour abolir la possibilité à un tel recours pour les gens touchés ou bien il devrait dire que le modèle actuel fonctionne bien-d'ailleurs, nous en avons la preuve-nous allons en faire la démonstration, nous allons le montrer au vu et au su de tous les Québécois et de tous les Canadiens pour que l'opinion publique puisse se faire un jugement intéressant.

Je pense aussi que c'est un aspect significatif de la façon de faire de la politique ces années-ci. C'est très facile de tomber dans la démagogie. C'est très facile de dire qu'on a un exemple type, une situation horrible, le genre de choses qu'on voit à l'occasion dans les quotidiens. C'est vraiment terrible à voir et à vivre, les familles concernées sont touchées et cela crée beaucoup d'émotions. C'est une situation personnelle qu'il peut être très difficile de vivre.

On n'est pas ici pour faire du sensationnalisme. On est ici pour adopter des lois qui ont un effet réel, un effet positif, qui permettront, en bout de ligne, d'avoir une société plus juste, moins violente et qui tiendra compte de l'évolution dans le monde, quant aux occasions, aux façons de faire pour réintégrer les repris de justice dans notre société.

(1750)

On aurait beau demain faire en sorte que la mesure fasse que personne ne soit admissible à la révision de l'inadmissibilité, on n'aurait pas réglé le problème. Les meurtres qui ont été commis et ceux qui le seront dans le futur ne sont pas liés. Les gens qui sont dans de telles situations de violence ne sont pas en train de calculer si oui, s'ils sont pris et condamnés, ils pourront après 15 ans demander une révision de leur situation. Ce n'est pas comme cela que ça fonctionne. Ce n'est pas ce type de situation, de calcul qui est dans leur tête. Ces situations se présentent beaucoup plus après un certain nombre d'années où la personne a été incarcérée, où elle a vécu des choses, où elle a pu avoir la perception qu'elle est capable de réintégrer la société. Il y a tout un processus de prévu pour l'évaluation de ces cas.

Je crois que le modèle actuel aurait besoin d'être plus réfléchi, plus senti, plus étudié avant d'en arriver à des mesures comme celle que le gouvernement propose, ou encore pire, comme celle que le Parti réformiste proposait pour que, malheureusement, si on adoptait une loi très sévère, ou si on adoptait celle-là, on aurait l'impression d'avoir fait notre travail mais les correctifs, les mesures qui vont venir en conséquence dans le futur, est-ce qu'on va vraiment dans cinq ou dix ans pouvoir dire que oui on a amélioré la situation?

Est-ce qu'on ne pourra pas plus tôt un peu cacher cela en disant que finalement toutes les mesures qu'on a prises n'ont rien réglé, cela n'a pas amélioré la situation, le taux de récidive ne peut pas vraiment être plus faible que celui qu'on rencontre présentement? Il faut s'assurer que les personnes qui ont à intervenir dans ces décisions puissent le faire rapidement.

Je conclus là-dessus. Il m'apparaît important qu'on porte un jugement nuancé. J'invite le gouvernement à refaire ses devoirs. S'il y a des choses à modifier dans cet article, il faut que ce soit fait après une étude plus réfléchie et ne pas céder à la tentation amenée par le Parti réformiste qui veut créer une caricature de la justice. Je pense que ce n'est pas de l'intérêt des Canadiens et des Québécois que cela se fasse de cette façon.

[Traduction]

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, pendant les derniers jours de la dernière session parlementaire, j'ai pris la parole à la Chambre pour exprimer mon opposition au traitement que le ministre de la Justice accordait à l'article 745. J'ai écouté les propos du ministre de la Justice au cours de l'été. J'en suis venu à la conclusion que le ministre ne comprenait rien à rien.

Plutôt que de m'entretenir avec mes amis avocats de Calgary et les détenus et les criminels que le ministre de la Justice se plaît à dorloter, j'ai parlé avec des gens que le projet de loi C-45 intéresse: mes électeurs. J'ai envoyé un questionnaire pour connaître l'avis de mes électeurs et je n'ai jamais autant reçu de réponses depuis les trois ans que je suis député. J'en ai reçu 1 702 pour être précis.

Sur les personnes qui ont répondu, 85 p. 100 estimaient que les gens qui étaient reconnus coupables d'un meurtre au premier degré prémédité ne devaient aucunement voir leur peine réduite. Je dis bien 85 p. 100. Ce n'est pas tout, car les deux tiers des répondants étaient d'avis que les personnes qui ont commis un meurtre au premier degré prémédité devraient être condamnées à la peine de mort. À la lumière de ce questionnaire, j'estime que la tenue d'un referendum national sur la question s'impose de plus en plus.

Une des questions posées était la suivante: Quelle peine devrait être infligée, selon vous, pour un meurtre au premier degré prémédité? Cela se passe de grandes explications. La plupart des gens savent ce que c'est un meurtre au premier degré prémédité, c'est-à-dire enlever la vie à quelqu'un. La réponse ne s'est pas fait attendre: 1 144 personnes se sont prononcées en faveur de la peine de mort, non pas la peine d'emprisonnement à vie avec possibilité de libéra-


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tion conditionnelle au bout de 25 ans, comme le réclament à cors et à cris à la Chambre les ministériels au coeur tendre.

La deuxième question était la suivante: Selon vous, est-ce que les personnes condamnées pour un meurtre au premier degré devraient avoir la possibilité de se présenter devant un jury après 15 ans de prison pour demander une réduction de peine? Quelque 1 469 sondés ont dit non. Beaucoup de gens qui ont répondu ont dit qu'il fallait que les criminels purgent leur peine au complet.

(1755)

La troisième question était: Devrait-on réduire la peine d'individus condamnés pour meurtre au premier degré? Après tout, dans l'esprit de la Chambre dans les années 70, ces individus devaient être condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité. Eh bien 1 453 répondants ont déclaré qu'on ne devait pas réduire cette peine.

La population a peur. Nos rues ne sont pas sûres et les crimes violents sont en hausse. Même le ministre de la Justice l'a reconnu à la Chambre. Les Canadiens méritent de vivre, comme ils s'y attendent, dans un pays où ils peuvent se sentir en sécurité dans leur maison et leurs collectivités et où ils peuvent vieillir sans crainte. Le Canada est ébranlé par des crimes et un système de justice pénale qui laisse beaucoup à désirer et que le gouvernement libéral tarde à améliorer comme il se doit. Quand le ministre va-t-il comprendre cela?

Pourquoi le gouvernement accorde-t-il moins de valeur à une vie qu'à deux ou 20 vies? La mission du Service correctionnel du Canada est de contribuer à la protection de la société en exerçant un contrôle légal. Le gouvernement envoie des gardiens de la paix dans le monde entier pour empêcher que des gens ne s'entretuent et pourtant, il est prêt à libérer les meurtriers réadaptés. Pourquoi deux personnes doivent-elles mourir avant que le gouvernement n'intervienne pour enfermer ces criminels?

Quelles sont les priorités du gouvernement? A-t-il oublié qu'il lui incombe tout d'abord de servir les Canadiens respectueux des lois et qu'il doit tout faire en son pouvoir pour assurer leur sécurité? Est-il surprenant que les gens n'aient pas confiance dans notre système de justice?

Il est temps de faire passer les droits des victimes, de ceux qui leur survivent, ainsi que des honnêtes citoyens avant ceux des criminels. Rappelons-nous que la peine d'une victime est à perpétuité. Elle purge sa peine à jamais dans un cimetière. Par contre, le meurtrier est condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité, mais il a quand même la chance de sortir avant d'avoir purgé sa peine au complet.

Le ministre de la Justice n'a jamais offert aux familles Boyd ou Rosenfeldt une indemnisation quelconque pour les meurtres horribles dont ont été victimes leurs enfants, mais le gouvernement est prêt à indemniser les détenus qui tombent dans un escalier. Le gouvernement a versé à Clifford Olson 100 000 $ et lui permet même de publier des livres et de produire des vidéocassettes en prison. C'est une véritable gifle pour ces familles. Où est la justice dans tout ceci? Il n'y a pas de justice. On protège davantage les droits des criminels que ceux des victimes. Il ne s'agit pas d'un moyen de dissuasion suffisant.

Malgré les prétentions du ministre de la Justice, on ne servira pas l'intérêt public en gardant les meurtriers au premier degré en prison pendant moins de 25 ans, même s'ils n'ont tué qu'une fois. Le gouvernement doit abroger l'article 745. La sécurité et la vie des Canadiens en dépendent.

Au cours du débat sur la mesure sur le contrôle des armes à feu, le projet de loi C-68, de nombreux ministériels ont pris la parole pour justifier les centaines de millions de dollars puisés dans le système pour que des Canadiens respectueux des lois enregistrent leurs armes à feu. Leur cri émotionnel venait du coeur: Si le système d'enregistrement des armes à feu ne sauvait qu'une vie, il serait nettement justifié.

Si le gouvernement a utilisé cet argument pour justifier le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, pourquoi ne l'invoquerait-il pas dans ce cas-ci pour supprimer l'article 745? Si, par suite de la suppression de l'article 745, un meurtrier devait purger toute sa peine d'emprisonnement à vie avec admissibilité à la libération conditionnelle après 25 ans, pourquoi ne le ferions-nous pas? Pourquoi ne pas tenter l'expérience pour voir si ce serait un bon moyen de dissuasion? Pourquoi pas?

Si, en dépit de tous les arguments formidables que les députés des deux côtés font valoir, la suppression de l'article 745 sauvait une vie, pourquoi hésiter? Si cela sauvait une seule vie, pourquoi ne pas supprimer l'article 745? Pourquoi le gouvernement manque-t-il de logique? Le ministre de la Justice parle du syndrome du meurtrier à répétition. La vie qui pourrait être sauvée grâce à suppression de l'article 745 est justement la vie de la prochaine victime possible de ce meurtrier.

Le député de York-Sud-Weston a déclaré que la plupart des meurtriers ne récidivaient pas. Il a bien dit «la plupart». Il se peut que l'adoption du projet de loi C-45 empêche celui qui a commis un meurtre de récidiver. Pour cette vie qui serait sauvée, la suppression de l'article 745 en vaudrait la peine.

(1800)

J'ai autre chose à redire à toute cette farce et à ce fiasco que le ministre de la Justice impose à la Chambre des communes et à la façon dont il dirige son ministère, à cette habitude d'envoyer les projets de loi à la Chambre après la deuxième lecture. Même quand ils reviennent de la Chambre et du comité permanent et se retrouvent entre ses mains, par exemple dans le cas du projet de loi C-41, visant prétendûment à imposer des peines plus sévères, et dans le cas du projet de loi C-68, sur la réglementation des armes à feu, ils restent bloqués dans son ministère et puis, huit jours avant un ajournement ou un congé, le ministre doit en forcer l'adoption en limitant le temps dont les députés d'opposition disposent pour en discuter, en ne leur permettant pas de débattre complètement des questions en jeu.

Ce n'est pas une bonne façon de rendre justice dans notre pays. C'est une injustice à l'égard des Canadiens. Ce n'est pas ainsi qu'il devrait diriger son ministère. C'est pourtant ce qu'il a fait dans le cas des projets de loi C-41 et C-68, et il finira probablement par en faire autant à propos du projet de loi C-45. C'est ce qu'il a fait également dans le cas du projet de loi C-33.

Il y a une autre injustice que nous inflige le ministre de la Justice du gouvernement actuel. Le projet de loi d'initiative parlementaire C-234 présenté par le député de York-Sud-Weston avait été en-


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voyé au comité, qui était censé l'étudier pour ensuite en faire rapport à la Chambre. Or, je crois comprendre que le Comité permanent de la justice a décidé, dans sa sagesse, de ne pas en faire rapport et de ne pas en tenir compte.

Nous, députés à la Chambre des communes, avons envoyé le projet de loi à ce comité permanent, et il est censé nous revenir. Or, le comité ne permet pas au député que je suis, représentant la circonscription de Calgary-Centre, de parler à ses électeurs du sort de ce projet de loi, de l'état de son étude, et de ce qu'en pense le gouvernement. C'est une injustice, et le ministre de la Justice devrait faire preuve de ce qu'annonce son titre, de justice et non d'injustice.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, aujourd'hui, je vais relater à la Chambre une expérience personnelle et expliquer les répercussions de l'article 745 sur ma vie.

Il y a quatorze ans, à un dépanneur situé à une rue de chez moi, une jeune femme qui avait à peu près l'âge des jeunes pages de la Chambre a été enlevée. Sa disparition du dépanneur ce soir-là a plongé ma collectivité dans un état de panique. Personne ne savait ce qu'il était advenu de Laurie Boyd. Elle avait disparu.

J'ai été personnellement touché par la panique qui a gagné notre collectivité. Ma femme avait peur de sortir de la maison et de faire la courte distance pour aller à Calgary. Ma fille, qui avait le même âge que la victime, à un an près, avait peur de se rendre à pied à l'école.

Le corps de Laurie a été découvert par un de mes bons amis et il était méconnaissable. J'étais le médecin des Boyd. Je les connaissais très bien. Je les avais traités, conseillés et soignés lorsqu'ils étaient malades et j'ai donc pleuré avec eux leur perte.

Il y avait à Okotoks des rumeurs sur ce qui était arrivé, des rumeurs selon lesquelles des criminels avaient une voiture de police banalisée et un gyrophare qu'ils utilisaient pour attirer leurs victimes et les assassiner. Il y a eu deux meurtres dans notre collectivité.

Un de mes collègues de l'hôpital High River a traité un patient ayant fait une tentative de suicide. Sous l'effet des médicaments qu'il a pris pour tenter de s'enlever la vie, le patient a avoué avoir commis les deux crimes. Lui et son complice ont alors été arrêtés. Je n'oublierai jamais l'histoire du meurtre de Laurie Boyd, ni comment ils l'ont attirée à l'arrière du dépanneur, puis jetée dans une camionnette. Ils l'ont conduite dans une carrière abandonnée, l'ont violée, lui ont promis qu'ils la laisseraient partir, l'ont frappée à maintes reprises avec un tournevis, puis ont versé de l'essence sur son cadavre afin de le rendre méconnaissable.

(1805)

Je pense que je n'oublierai jamais cela, car j'ai été témoin de ce drame avec la famille, je l'ai vécu avec ses membres et je les ai conseillés. Lorsque le tribunal s'est penché sur cet horrible crime, les deux monstres-c'est un terme fort, mais il traduisait ma pensée-ont été condamnés à la peine la plus sévère qui puisse être infligée à quiconque au Canada. Ils ont été trouvés coupables de meurtre avec préméditation, de meurtre au premier degré. La famille et moi-même avons éprouvé une certaine satisfaction en entendant le prononcé de la sentence. Le juge les a condamnés à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.

Les Boyd ont ensuite tenté de se refaire une vie: Trevor, le fils, ainsi que Darlene et Doug. Nous sommes restés en contact étroit, et ils se sont refait une vie.

Quelques années plus tard, je suis devenu député. Ma vieille amie Darlene m'a téléphoné. Elle m'a dit qu'elle voulait me parler. Elle est venue à mon bureau et m'a dit: «Dites-moi que je me trompe et que Jim Peters ne pourra pas sortir dans 15 ans. Dites-moi que l'article 745 n'existe pas pour vrai!» Je lui ai répondu: «Darlene, c'est bien vrai, mais il y a de l'espoir. Un député d'un autre parti a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire et la Chambre a accepté de le renvoyer à un comité. On peut espérer que l'article 745 sera relégué aux oubliettes de l'histoire. Le projet de loi est à l'étape de l'étude en comité. Je suis certain que, grâce à l'unanimité qui existe à la Chambre des communes, le projet de loi sera adopté et l'article 745 sera aboli. Le deuxième monstre, puisque l'autre s'est suicidé en prison, ne sortira pas.»

Darlene a répliqué: «Merci, Grant. Merci de m'avoir rassurée. Merci pour vos conseils.» Pas longtemps après, elle est revenue et m'a annoncé qu'elle avait entendu dire que le projet de loi d'initiative parlementaire ne passerait pas. Elle se demandait quoi faire. Je lui ai conseillé de faire campagne pour l'abolition de l'article 745.

Darlene Boyd a ravivé la douleur en elle pour lutter contre l'article 745. Elle s'est occupée elle-même de la campagne lancée dans le Sun de Calgary. Elle a parcouru le Canada à ses propres frais pour obtenir l'abolition de l'article 745.

Je dois lui dire publiquement que je suis désolé, que je pense que le gouvernement actuel ne posera pas le geste qui doit être posé. À mon avis, l'article 745 doit être aboli, mais je ne crois pas qu'il le sera par le gouvernement actuel.

Mais qu'est-il arrivé aux autres députés qui, comme moi, avaient dit que le projet de loi du député de York-Sud-Weston devait être renvoyé au comité pour y être étudié soigneusement? Qu'est-il arrivé à ces hommes et à ces femmes qui avaient appuyé le principe de l'abolition de l'article 745 du Code criminel? J'en ai entendu certains dire que le projet de loi C-45 suffisait et qu'il apportait une lueur d'espoir. Je les ai entendus dire que cela ne faisait rien aux familles des victimes de passer par tout cela.

Mon message est simple et clair, comme le conseil que j'ai donné à la famille Boyd. L'individu qui a détruit leurs vies aura droit à une audience en février, ce qui déchire à nouveau leur vie.

Je sais que, dans son coeur, le ministre de la Justice éprouve de la compassion pour Jim Peters. Jim Peters, qui a commis un crime et a été condamné à 25 ans d'emprisonnement sans droit à une libération conditionnelle, ce qui est une lourde sentence au Canada, est main-


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tenant traité avec indulgence. Darlene Boyd et sa famille ne le sont pas. J'estime que c'est mal.

(1810)

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, après cet émouvant témoignage de mon collègue, le député de Macleod, et la condamnation que l'on a entendue contre ce projet de loi du ministre de la Justice, on s'attendrait à ce que les simples députés libéraux y repensent à nouveau, qu'ils demandent au ministre de reconsidérer ce qu'il a l'intention d'imposer aux Canadiens.

Il ne fait pas de doute dans mon esprit que les Canadiens d'un océan à l'autre sont absolument consternés que le ministre de la Justice ait décidé d'édulcorer l'article 745 plutôt que de l'abroger purement et simplement. Par conséquent, je presse mes collègues des banquettes ministérielles d'agir de façon honorable en votant contre ce projet de loi et en exigeant le rappel du projet de loi d'initiative parlementaire du député de York-Sud-Weston. C'est cela qu'ils devraient faire.

Jetons un coup d'oeil à ce projet de loi et à ses effets sur les gens. Nous venons tout juste d'entendre le député de Macleod dire comment il déchire les Canadiens innocents qui ont horriblement souffert aux mains de ces criminels, qui ont eu le coeur brisé, dont la vie a été bouleversée, et qui doivent, quinze ans plus tard, revivre la même horreur, la même tragédie, qui doivent se battre contre le gouvernement, lequel, en principe, devrait protéger leur liberté et leurs principes, qui doivent se battre contre le gouvernement qui appuie les criminels. Ils se sentent tout seuls dans la société et se demandent qui va les défendre.

C'est nous, les députés de la Chambre des communes, qui sommes censés les défendre. C'est pourquoi les députés ministériels devraient, à mon sens, avoir le courage de voter contre ce projet de loi et de demander le rappel du projet de loi d'initiative parlementaire du député de York-Sud-Weston, qui prévoit l'abrogation pure et simple de l'article 745.

Le ministre de la Justice propose maintenant qu'un juge d'une cour supérieure évalue la situation et la demande du criminel pour déterminer s'il existe une possibilité réelle que sa demande soit accueillie. S'il estime qu'il existe une possibilité, il peut renvoyer l'affaire à un jury. Cela en soi est une insulte au principe de jurys dans ce pays où nous demandons aux jurés, aux pairs de personnes accusées, de rendre un jugement.

Nous demandons maintenant à un juge de préjuger de ce qu'un jury va entendre. On dirait que tout le système judiciaire est renversé car dans ce pays, c'est aux jurés de décider et non à un juge d'une cour supérieure de décider ce que les jurés entendront et ce qu'ils n'entendront pas.

Pourquoi mettre un juge d'une cour supérieur en travers de notre système judiciaire où nous comptons sur les jurés pour rendre un jugement impartial sur les personnes accusées? Nous mettons maintenant en travers du système un juge d'une cour supérieure qui va déterminer si telle affaire devrait être ou non entendue par un jury.

Évidemment, on pourra en appeler encore et encore de son jugement, jusqu'en Cour suprême. Tout notre système judiciaire peut se retrouver bouleversé parce qu'on revient constamment sur ce qu'un juge a décidé au moment de la détermination de la peine.

Prenons un crime tellement odieux que le criminel devrait être enfermé pour 25 ans sans possibilité de libération conditionnelle. Si un juge en décide ainsi, à partir des preuves qu'on lui a présentées, les Canadiens s'attendent évidemment à ce que ce jugement soit exécuté complètement.

L'article 745 a été adopté pour reconnaître la faible possibilité de rédemption, mais il est devenu une porte ouverte pour les personnes condamnées pour meurtre. Le ministre de la Justice aurait dû fermer cette porte.

(1815)

Je pense à ce que signifie la prison à vie dans d'autres pays. Au Royaume-Uni, par exemple, une peine de prison à vie est une peine qui exige un minimum de 25 ans en prison. Quand le prisonnier est libéré, il reste en libération conditionnelle pour le reste de sa vie. S'il viole alors les conditions de sa libération conditionnelle, il retourne en prison. Pour le reste de ses jours, il reste assujetti aux conditions que lui imposent le gouvernement et les termes de sa libération conditionnelle.

Quand je pense à Clifford Olson, je suis stupéfait de voir à quel point la justice pénale manque à ses devoirs envers les Canadiens. Non seulement nous allons lui permettre d'en appeler de sa peine après 15 ans, mais tout le monde sait qu'il aurait dû être déclaré délinquant dangereux. Cependant, le délai prévu par la loi pour demander une telle déclaration est tellement court que, lorsque la condamnation est prononcée, le substitut du procureur général le laisse passer et oublie de demander que le condamné soit déclaré délinquant dangereux. Par conséquent, M. Olson et d'autres comme lui pourront se retrouver totalement libre après 25 ans et peut-être moins. Est-ce là le genre de justice auquel les Canadiens devraient s'attendre? Est-ce là le genre de justice que, selon le gouvernement, les Canadiens devraient avoir? Je ne pense pas. Du moins, ce n'est pas ce que veulent les Canadiens auxquels je parle.

Il faut améliorer la sécurité de nos rues. Les gens doivent se sentir en sécurité le soir et ne devraient pas craindre d'être assassinés, violés ou dévalisés. Nous semblons vouloir faire tout notre possible pour aider ceux qui ont assassiné et violé, alors que nous ne faisons rien pour les personnes innocentes qui ont été blessées, terrorisées ou détruites par ces crimes.

Le député de Fraser Valley-Ouest a présenté un projet de loi sur les droits des victimes qui reconnaît que les victimes ont des droits et que ces droits devraient avoir préséance sur les droits des criminels. C'est le type de mesure législative dont nous devrions parler dans cette Chambre.


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Nous ne devrions pas parler de la personne qui a commis un meurtre ou deux meurtres, et dire qu'un ça va, mais deux c'est peut-être un peu trop. Le ministre de la Justice parle des bons et des mauvais meurtriers et fait des différences. Deamndez à n'importe quelle famille qui a perdu un de ses membres aux mains d'un criminel si elle estime être moins gravement lésée parce que le criminel n'a commis qu'un seul meurtre. Demandez-lui si cela fait moins mal. Je peux garantir à la Chambre que ce n'est pas son avis.

Le témoignage du député de Macleod nous a montré que c'est le cas. Par conséquent, pourquoi le gouvernement nous parle-t-il de statistiques lorsque nous parlons de personnes réelles? Nous parlons de personnes qui arpentent nos rues, de personnes qui devraient arpenter nos rues, mais qui sont sous pied sous terre, aujourd'hui, alors que leur meurtrier est enfermé et devrait le rester. Pourtant, le gouvernement veut les libérer dans la société.

Je songe au cas Gingras, à Edmonton, d'où je suis originaire. Comme il avait été un gentil petit garçon en prison, on l'a amené au West Edmonton Mall pour son anniversaire. Il a échappé à ses gardiens et a assassiné deux autres personnes avant d'être incarcéré de nouveau. Est-ce là le système de justice que veulent les Canadiens, un système où des meurtriers vont célébrer leur anniversaire au centre d'achats et au parc d'attractions du West Edmonton Mall, où ils pourront s'amuser, alors que d'autres ne pourront jamais oublier la douleur et la tragédie qu'ils ont connues?

Le gouvernement doit réfléchir plus longuement. Il doit se rendre compte que les Canadiens veulent que justice soit rendue. Si ces ministériels refusent de le faire aux prochaines élections, les Canadiens trouveront quelqu'un d'autre pour le faire. Voilà où je veux en venir. Le député de York-Sud-Weston a proposé qu'on supprime le projet de loi. Les libéraux ont profité de tractations de coulisse pour l'ensevelir et pour présenter leur propre mesure législative.

(1820)

Les Canadiens voient clair dans cela. Assurément. Ils veulent un gouvernement qui prend position et qui rend des comptes. Nous voyons le gouvernement agir. Peu importe s'il s'agit de crime et de châtiment. Peu importe s'il s'agit de l'affaire de la Somalie. Peu importe si le chef de l'état-major dit: «Mea culpa. Il est vrai que j'ai violé l'esprit de la loi, mais cela a-t-il de l'importance?» Bien sûr que oui. Tout a de l'importance, car nous avons besoin de leadership et de responsabilisation dans ce pays. On peut commencer tout de suite avec l'abrogation de l'article 745.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler de ce projet de loi. C'est sans aucun plaisir que je dois vous faire part aujourd'hui de certaines choses.

C'est moi qui ai appuyé le projet de loi que le député de York-Sud-Weston a présenté à la Chambre. J'ai mis de côté tout sectarisme. Il n'importait peu qu'il était membre du Parti libéral à l'époque. J'ai jugé que la question était importante et qu'elle méritait d'être appuyée.

J'exhorte tous les députés à faire ce pourquoi nos électeurs nous ont choisis, c'est-à-dire examiner toutes les mesures législatives, suivre le débat très attentivement et décider s'il s'agit d'une bonne mesure ou non.

Je prétends que toutes les preuves qu'on a présentées et tous les discours qu'on a prononcés montrent aux députés qu'on doit abroger l'article 745.

Étant donné que mes électeurs m'ont envoyé à Ottawa pour les représenter, je tiens à exprimer mon opposition complète aux modifications proposées et à ce projet de loi. Mes électeurs m'ont dit ceci: si un criminel est condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité, à l'emprisonnement sans libération conditionnelle, c'est exactement la peine qu'il devrait purger. Je ne crois pas qu'on puisse raisonnablement remettre en question une décision prise par un juge et un jury 15 ans plus tôt et je ne pense pas non plus que nos lois devraient permettre cela.

En fait, 86 p. 100 de mes électeurs disent qu'il est temps de rétablir la peine de mort pour que les juges puissent l'imposer dans certains cas. À toutes les réunions publiques auxquelles j'assiste, pratiquement tous ceux qui s'intéressent aux questions de justice pénale, réclament le rétablissement non seulement de la peine de mort, mais également du châtiment corporel.

C'est ce que mes électeurs disent. Je suis tout à fait d'accord avec eux. J'ai examiné les faits. J'ai étudié les questions qui se posent. Ils ont raison.

Compte tenu de ce que mes électeurs pensent du retour à la peine de mort, les députés peuvent comprendre leur détermination à faire en sorte que la loi oblige les personnes reconnues coupables d'un meurtre prémédité à purger toute leur peine. Vingt-cinq ans sans possibilité de libération conditionnelle, ça voudrait dire 25 ans sans possibilité de libération conditionnelle. Il ne faut ni abroger ni modifier l'article 745.

La question que je veux débattre très brièvement est la suivante: Pourquoi devrions-nous prêter l'oreille à ces gens-là à propos de ce dossier concernant la justice pénale? Est-ce important ou croyons-nous voir les choses de plus haut que ceux qui nous entourent? Je ne crois pas que ce soit le cas.

La justice est nécessaire au maintien du tissu social. Voilà pourquoi nous devrions prêter une oreille attentive. Les lois qui ont été mises en place par un parlement dans un pays démocratique devraient refléter les valeurs de cette société. Dans le cas contraire, le tissu même de la société ne tardera pas à s'effilocher.

Je veux donner un exemple aux députés. La Loi sur les jeunes contrevenants est devenue une vraie porte tournante pour bon nombre de jeunes. J'entretiens des liens passablement étroits avec l'école secondaire de Yorkton. Mes propres enfants ont fréquenté cet établissement. Le fait de ne pas s'occuper comme il faut d'un jeune contrevenant touche tous les membres de la société. C'est à cela que je fais allusion en disant que le tissu social commence à se

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défaire quand il n'y a pas de véritable justice dans la société. Si les gens n'ont pas l'impression que justice est faite, c'est toute leur attitude face à la justice qui se dégrade. Voilà pourquoi il faut supprimer l'article 745. Les Canadiens deviennent très cyniques à l'égard de la loi.

(1825)

À l'école secondaire de Yorkton dont je parle, quand on ne s'occupe pas comme il faut de jeunes en difficulté, les autres jeunes adoptent une attitude qui veut dire: «Ce que je fais n'a pas d'importance. Cela ne change rien. Je peux faire ce qui me plaît.» Cela va tellement loin que la qualité de leurs travaux commencent à baisser. Par conséquent, la justice ne modifie pas l'attitude à l'égard de la loi, mais elle exerce un effet sur tout le reste dans la société.

Si nous tenons à préserver la qualité de la vie au Canada, nous devons écouter ce que les Canadiens nous disent. Il est essentiel de maintenir une société structurée, saine et dynamique. C'est pourquoi nous, politiciens et parlementaires, devrions considérer l'effet global des lois canadiennes.

J'invite les députés à toujours penser à cela s'ils sous-estiment l'impact de cet article. Au cours des 15 prochaines années, environ 600 meurtriers deviendront admissibles à une révision judiciaire visant à réduire leur sentence d'un pourcentage allant jusqu'à 40 p. 100. Six cents meurtriers auront la possibilité de voir leur sentence réduite.

À l'heure actuelle, les audiences tenues aux termes de l'article 745 penchent en faveur des criminels. Je me suis rendu à quelques-unes de ces audiences et dans certaines prisons, et je n'arrive pas à croire à quel point le système fonctionne mal.

Au cours de ces audiences, les intérêts et les droits du criminel priment ceux de la victime et de la famille de celle-ci. Le criminel y a plus de droits que la victime. À l'heure actuelle, la victime ne peut même pas y comparaître comme témoin.

Les bureaucrates qui dirigent les prisons choisissent l'information qui est présentée au juge et au jury au sujet du détenu. Ils disent ne pas pouvoir divulguer de renseignements défavorables au meurtrier reconnu coupable, car ce serait porter atteinte à sa vie privée. Est-ce croyable? Un meurtrier a droit au respect de la vie privée. Je crois que les auteurs de crimes atroces comme le meurtre perdent certains droits, notamment le droit au respect de la vie privée. Ils ont trahi notre société. Je conteste la nécessité d'accorder des droits aux tueurs qui sont en prison.

Je sais que c'est ce que mes électeurs réclament et il est temps que le gouvernement écoute ce que disent les Canadiens. Il est absolument essentiel que la Chambre se préoccupe avant tout de la justice.

Le député de Macleod a cité un exemple et si j'en ai le temps, j'en citerai un aussi. Ce n'est pas un cas isolé. Il faut comprendre que chacun des meurtres qui sont commis au Canada a sa petite histoire. En voici une autre.

En 1994, l'audience de libération conditionnelle anticipée d'un meurtrier a eu lieu à Saskatoon. La famille de la victime n'a pas eu le droit de comparaître devant le juge et le jury. La version de la victime n'a jamais été racontée. Voici quels sont les faits d'un meurtre prémédité commis de sang-froid.

En 1978, l'agent Brian King travaillait seul dans la division de Saskatoon. Il avait une femme, Marie, et trois enfants en bas âge. Comme des centaines de fois auparavant, il a arrêté un véhicule qui ne portait pas de plaque d'immatriculation à l'arrière. Mais, cette fois-ci, les deux hommes qui occupaient le véhicule n'avaient qu'une idée en tête: tuer un policier.

Greg Fisher et Darryl Crook avaient fait la fête ce jour-là et avaient manifesté leur intention de tuer un policier le soir même. Ils avaient enlevé la plaque de leur voiture afin de se faire arrêter par un agent de police sans méfiance. Au moment où l'agent King a intercepté leur voiture, Crook a lancé une bouteille de bière dans le fossé. Lorsque l'agent King est allé ramasser la bouteille de bière, les deux assassins sont sortis de la voiture, ils lui ont sauté dessus, lui ont pris son pistolet et l'ont menotté; ils l'ont obligé à monter dans la voiture, l'ont conduit sur le bord de la rivière Saskatchewan Sud, l'ont fait s'agenouiller et lui ont tiré deux balles dans la tête, à bout portant.

Ils ont été arrêtés plus tard ce soir-là par la police municipale de Saskatoon. Fisher et Crook ont tous deux été trouvés coupables de meurtre au premier degré, c'est-à-dire de meurtre prémédité, et ils ont été condamnés à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant au moins 25 ans. Il ne s'agissait pas d'un délai de 15 ans, mais bien d'un emprisonnement à perpétuité sans admissibilité à la libération conditionnelle avant 25 ans.

Ces renseignements et tous ces horribles détails devaient être révélés lors de toute audience tenue relativement à une possible réduction de peine. Tous les jurés à l'audience doivent ressentir l'horreur de l'agonie de l'agent King. Ce n'est que de cette façon qu'ils peuvent comprendre pourquoi ces tueurs ont été condamnés à la peine maximale prévue par la loi.

Comme moi, la majorité des Canadiens souhaitent seulement que la peine capitale ait été une option pour le juge et le jury dans cette affaire. Elle aurait dû l'être.

Il y a un autre élément du récit de la victime que l'on n'entend pas à l'audience: la douleur et la souffrance subies par la famille de la victime à cause du mépris total dont Fisher et Crook ont fait preuve pour la vie de la victime. Le juge et le jury, dans des cas semblables, doivent bien comprendre toutes les conséquences de leur décision avant de décider de réduire la peine ne serait-ce que d'un mois seulement.

Lorsque l'audience de M. Fisher a eu lieu au début de l'année, Mme King-Forest a laissé entendre qu'il se pourrait que sa famille reste chez elle et n'y assiste pas. Après tout, que pouvaient-ils y gagner? Mme King-Forest a déclaré: «Comment peut-on forcer toute ma famille à revivre cela une fois de plus? C'est mal. Il a été condamné à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. C'est la sentence qu'il a reçue pour avoir tué Brian. Il ne devrait avoir aucun moyen d'y échapper.»

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Il faut dire que Mme King-Forest a réussi à gagner un tel appui dans le public que le juge a annulé les audiences en raison de la couverture médiatique et du nombre de policiers présents dans la salle. Plus tard, Mme King-Forest s'est présentée devant le ministre fédéral de la Justice pour lui demander d'abroger l'article 745, mais il ne lui a donné aucun espoir en ce sens.

C'est là une autre histoire qui explique pourquoi il faut abroger l'article 745.

Le président suppléant (M. Kilger): Pour que ce soit bien clair, je fais savoir aux députés que j'utilise ma montre et qu'il y a un décalage d'environ une minute. Je demanderai la reprise du débat et le prochain député à demander la parole sera le premier à intervenir lorsque la Chambre étudiera à nouveau la question.

Ce sera donc le député de Calgary-Nord-Est.

Avec la permission de la Chambre, je déclare qu'il est 18 h 30 plutôt que d'accorder la parole à quelqu'un pour une minute seulement. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 18 h 30, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 33.)