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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 26 septembre 1996

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE QUÉBEC

    M. Harper (Calgary-Ouest) 4711

COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION

    Projet de loi C-327. Adoption des motions de présentationet de première lecture 4713
    M. Harper (Calgary-Ouest) 4713

COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Motion d'adoption du vingt-neuvième rapport 4713
    Adoption de la motion 4713

PÉTITIONS

LA FISCALITÉ

LA CONSOMMATION D'ALCOOL

LA LOI HELMS-BURTON

LES PETITES ENTREPRISES

L'ASSURANCE-MALADIE

LA MAGISTRATURE

    M. Harper (Calgary-Ouest) 4714

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES FUITES DE CAPITAUX

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 4734

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES PAGES ET LES STAGIAIRES PARLEMENTAIRES

LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA CHANSON DE GRANBY

    M. Leroux (Shefford) 4740

«JAKE AND THE KID» EN ALBERTA

L'EMPLOI

LES JEUX PARAOPLYMPIQUES

    M. O'Brien (London-Middlesex) 4741

LA PETITE ENTREPRISE

LE DÉCÈS DE FRANKLIN PICKARD

L'ÉCONOMIE DU QUÉBEC

LE PARTI RÉFORMISTE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 4742

L'USAGE DU TABAC CHEZ LES JEUNES

LE PROJET DE SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

LE PROJET DE SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

LA VENTE D'ÉLECTRICITÉ DE CHURCHILL FALLS

LE MOYEN-ORIENT

L'ÉCHANGE D'EMPLOIS INTERPROVINCIAL

CLIFFORD OLSON

MARIANNE LIMPERT

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 4744

L'AÉROPORT PEARSON

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

QUESTIONS ORALES

LES RÉFÉRENDUMS

LES RÉFÉRENDUMS

    M. Harper (Calgary-Ouest) 4746
    M. Harper (Calgary-Ouest) 4746
    M. Harper (Calgary-Ouest) 4746

LES RÉFÉRENDUMS

LES MARCHÉS DE L'ÉTAT

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4747
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4748

REVENU CANADA

    Mme Stewart (Brant) 4748

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

REVENU CANADA

LE TRAITÉ D'INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS NUCLÉAIRES

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LA PÊCHE AU HOMARD

CHURCHILL FALLS

LA SANTÉ

LA RECONVERSION DES INDUSTRIES MILITAIRES

LA FISCALITÉ

L'AGRICULTURE

L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES FUITES DE CAPITAUX

    Reprise de l'étude de la motion 4753
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 4765

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LA NÉGOCIATION DES CONDITIONS DE SÉCESSIONDE TERRITOIRES

    Projet de loi C-230. Motion de deuxième lecture 4777

4707


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 26 septembre 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.

* * *

LE QUÉBEC

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je souhaite annoncer à la Chambre aujourd'hui que j'ai l'intention de soumettre à l'examen de la Cour suprême du Canada certaines questions de grande importance pour tous les Canadiens.

Je tiens d'abord à réaffirmer notre conviction profonde que notre grand pays demeurera fort et uni pour le prochain siècle et au-delà.

À deux reprises récemment, la majorité des Québécois ont voté pour un Canada uni. Malgré cette expression démocratique de la volonté populaire, l'actuel gouvernement du Québec semble déterminé à soumettre la question à un troisième scrutin au moment de son choix. De plus, il prétend avoir le droit de procéder à une déclaration unilatérale d'indépendance visant à créer un État du Québec séparé.

À notre avis, cette position va à l'encontre du droit canadien, ne peut être soutenue en droit international et constitue une grave menace à une conduite ordonnée des affaires publiques.

[Français]

Si on doit avoir un autre référendum, nous sommes convaincus que la population du Québec votera une troisième fois en faveur d'un Canada uni et qu'elle le ferait parce qu'une telle option est la meilleure pour elle et pour les générations à venir.

Et tout comme les Québécois ont choisi de rester au sein du Canada par le passé, lorsqu'on leur a demandé de faire un choix, les Canadiens de partout au pays savent que l'inclusion du Québec est essentielle pour préserver le pays que nous chérissons.

En qualité de Canadien résidant à Toronto, je peux personnellement affirmer que, sans le Québec, le rêve magnifique et l'idéal élevé qu'est le Canada n'existerait tout simplement pas.

[Traduction]

Nous ne pouvons toutefois pas éviter les graves difficultés découlant de l'affirmation du gouvernement du Québec selon laquelle la province a le droit de se séparer du Canada par une déclaration unilatérale d'indépendance.

Le gouvernement du Québec a expressément déclaré que la Constitution et les tribunaux n'avaient rien à voir dans la détermination du bien-fondé de sa position. Comme nous l'avons plaidé devant le tribunal et comme je l'ai affirmé à la Chambre, nous croyons que le gouvernement du Québec a tort.

Ne pas clarifier cette question menacerait sérieusement l'ordre et le bon gouvernement au Québec et dans le reste du Canada.

(1005)

Le gouvernement fédéral ne conteste pas la légitimité d'un processus de consultation par référendum. Un référendum offre à un gouvernement l'occasion de consulter la population. Mais, si important soit-il, le résultat d'un référendum n'entraîne pas, par lui-même, un changement légal.

Il est absolument crucial de ne pas perdre de vue que, dans le contexte canadien, il n'y a pas de justification politique à l'appui d'une déclaration unilatérale d'indépendance par l'Assemblée nationale du Québec.

Dans la plupart des pays, la seule idée de sécession serait rejetée. Cela n'a toutefois pas été le cas au Canada. Il y a eu deux référendums au Québec. Les principales personnalités politiques de toutes nos provinces et le public canadien ont convenu depuis longtemps que le pays ne restera pas uni à l'encontre de la volonté clairement exprimée des Québécois. Notre gouvernement est d'accord sur cette position.

Cette manière de penser découle en partie de nos traditions de tolérance et de respect mutuel, mais elle existe aussi parce que nous savons instinctivement que la qualité et le fonctionnement même de notre démocratie exigent l'assentiment général de tous les Canadiens.


4708

Malheureusement, le point de vue de l'actuel gouvernement du Québec sur la nature et le rôle d'un référendum est très différent. Nous avons donc conclu que la démarche responsable et efficace à adopter consiste à soumettre la question à la Cour suprême du Canada.

Permettez-moi d'être très clair: cette question comporte des enjeux d'une importance capitale.

[Français]

Une déclaration unilatérale d'indépendance va miner la stabilité politique, va détruire l'ordre actuel, va compromettre les intérêts et les droits des Québécois et de tous les autres Canadiens.

Une déclaration unilatérale d'indépendance va créer de très sérieuses difficultés aux Québécois ordinaires. Il va régner au Québec une grande incertitude quant à savoir lequel des ordres juridiques va régir effectivement les citoyens.

Pour les entreprises, les institutions ou le citoyen moyen au Québec, ce serait la confusion la plus totale. Les particuliers ne sauraient avec certitude quelles lois s'appliquent, quels tribunaux ou quels représentants de la loi ils doivent respecter, à qui ils doivent payer leurs impôts.

Dans un cadre de ce genre, il est certain que la société québécoise serait profondément divisée sur la démarche qu'aurait adoptée le gouvernement provincial.

[Traduction]

En outre, une telle déclaration unilatérale d'indépendance aurait été faite en l'absence d'une entente avec le reste du Canada sur des questions fondamentales comme les suivantes: la reconnaissance internationale du Québec, les arrangements commerciaux et économiques, les droits des citoyens de se déplacer à l'intérieur du pays, le partage de la dette et des biens publics, l'utilisation de la monnaie et une foule d'autres questions.

Après une déclaration unilatérale d'indépendance, il est probable que le Québec ne serait pas reconnu par toute la communauté internationale ou la majeure partie et serait dans l'impossibilité de gérer ses relations avec les États souverains. Il serait incapable de délivrer des passeports reconnus pour ses citoyens ou de défendre leurs intérêts à l'étranger. Cette mesure unilatérale rendrait presque impossible le financement de sa dette publique sur les marchés internationaux. En d'autres termes, l'idée d'une déclaration unilatérale d'indépendance n'a aucun sens, quel que soit l'angle sous lequel on l'examine.

La question ne porte pas sur des détails juridiques. Elle comporte des conséquences réelles d'une extrême importance. Tout gouvernement qui laisse entendre qu'il pourrait jeter le Québec et tout le Canada dans la confusion que créerait une déclaration unilatérale d'indépendance est profondément irresponsable. C'est ouvrir la voie au chaos.

Je crois fermement que nous n'atteindrons jamais ce point où il nous faudra faire face à la réalité de la sécession du Québec. Notre pays tiendra bon.

(1010)

Mais si ce jour devait venir, il est certain que cette brisure ne pourra se faire qu'à la suite de négociations et d'ententes. Le gouvernement du Canada croit que notre Constitution et le droit international nous protègent contre l'irresponsabilité d'une déclaration unilatérale d'indépendance, et c'est exactement la question que nous soumettrons à la Cour suprême du Canada.

[Français]

Comme je l'ai clairement signalé, notre pays repose sur des valeurs communes de tolérance, d'accommodement et de respect mutuel. Les Canadiens suscitent l'admiration à travers le monde pour notre capacité de s'entendre mutuellement pour réaliser de plus grands desseins communs.

À cet égard, nous nous sommes tous engagés à régler nos différends par la négociation et des moyens ordonnés, ce que les particuliers et les gens d'affaires canadiens font chaque jour. C'est cet engagement que la communauté internationale attend du Canada et admire en lui.

Les valeurs communes à tous les Canadiens nous ont guidés dans le passé et continueront de le faire à l'avenir. Tous les Canadiens, les Québécois y compris, peuvent être fiers de la civilité et de la tolérance dont on a fait preuve de part et d'autre en abordant cette question fondamentale. Nous avons donc toutes les raisons de croire que nos rapports continueront d'être empreints de la même civilité.

Notre détermination à résoudre les questions soulevées par la possibilité d'une éventuelle sécession du Québec de manière ordonnée, à l'intérieur du cadre juridique qui est le nôtre, est tout simplement en accord avec les valeurs que nous partageons.

[Traduction]

Si improbable que soit la possibilité du rejet du Canada lors d'un autre référendum, il est essentiel que le cadre juridique, qui nous a permis de résoudre nos différends internes de façon pacifique et dans la coopération, soit clairement établi maintenant, avant même que soit connu le résultat d'un référendum.

C'est pourquoi nous sommes intervenus dans l'affaire Bertrand, devant la Cour supérieure du Québec, en mai dernier. Nous n'avons pris cette décision qu'après la requête présentée par le procureur général du Québec au printemps dernier en vue de faire rejeter la poursuite, et nous ne l'avons fait qu'en raison des arguments sur lesquels le procureur général du Québec fondait sa requête.

Dans cette requête, l'argument principal du procureur général du Québec était que ni les tribunaux ni la Constitution de notre pays ne s'appliquaient au processus que le gouvernement du Québec entend suivre pour arriver à la sécession. Il prétendait que seul le droit international était applicable.

Il était de mon devoir, en tant que procureur général du Canada et gardien de la Constitution de notre pays, d'intervenir devant le tribunal. À ce moment-là, nous avons soutenu qu'il fallait tenir compte de la Constitution et que les tribunaux étaient compétents pour trancher ces questions.


4709

En outre, nous avons fait valoir que le gouvernement du Québec ne pouvait, en droit international ou autrement, déclarer unilatéralement l'indépendance.

Nous avons soutenu que si, dans certaines circonstances limitées, le droit international reconnaît à un peuple le droit de faire sécession unilatéralement d'un pays qui existe déjà, aucune de ces circonstances ne se retrouve dans le cas du Québec au sein du Canada. Je me permets de signaler que nos conclusions à cet égard concordent essentiellement avec celles des cinq juristes experts en droit international auxquels a fait appel en 1991 la Commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté, nommée par le gouvernement du Québec.

Lorsqu'on m'a informé de la décision du juge Pidgeon de la Cour supérieure du Québec, le 30 août dernier, j'ai noté en particulier que, en décidant que le tribunal était compétent pour se saisir des questions qui lui étaient soumises, le juge Pidgeon avait confirmé le principe de la primauté du droit.

Qu'est-ce que cette primauté du droit? Qu'est-ce que cela veut dire en pratique? Quelle est son importance sociale? Est-ce simplement une subtilité technique pour renverser les décisions démocratiques qui ne plaisent pas au gouvernement fédéral?

(1015)

Avant tout, la primauté du droit, tel que le principe s'est développé au Canada et dans d'autres pays démocratiques, n'est pas simplement une abstraction juridique ou un précepte technique; c'est un principe vital, fondamental pour notre vie démocratique. En substance, il signifie que tous, au sein de notre société, y compris les ministres d'un gouvernement, les premiers ministres provinciaux, les riches et les puissants, comme le citoyen ordinaire, nous sommes régis par la même loi. Nous sommes tous liés par la Constitution, par le Code criminel, par les lois fédérales et provinciales. Dans les cas de litige concernant l'interprétation ou l'application des lois, les tribunaux ont le dernier mot.

[Français]

La grande valeur du principe de la primauté du droit tient au fait qu'il est démocratique. Sa substance, il la tire de nos institutions démocratiques. Ce principe s'applique à tous, sans réserve. Grâce à lui, la démocratie peut s'épanouir, car il établit un cadre stable dans lequel le processus démocratique peut fonctionner.

Les dirigeants séparatistes font valoir que la primauté du droit n'est qu'une ruse du gouvernement du Canada pour empêcher l'expression démocratique de la volonté des Québécois, un artifice pour écarter les résultats d'une défaite lors d'un référendum. Ils soutiennent qu'exiger le respect d'une procédure ordonnée dans un cadre juridique défini serait mettre le Québec dans un carcan et empêcher que l'on donne suite au résultat démocratique d'un futur référendum.

[Traduction]

De tels arguments sont présentés à des fins politiques. Ils sont fondés sur la prétention que le principe de la primauté du droit et l'action démocratique s'excluent mutuellement, Cela est absolument faux. En fait, ils coexistent dans l'harmonie. La préservation des deux dépend de l'intégrité de chacun, et ne pas observer l'un ou l'autre met en danger les deux en même temps.

Le simple fait d'insister sur un processus ordonné n'exclut pas l'acceptation du changement. Prenons garde de ne pas perdre de vue l'enjeu véritable. L'enjeu n'est pas de savoir si un pays démocratique comme le Canada peut retenir une population contre son gré. Bien sûr que non. L'enjeu vient de la prétention erronée du gouvernement du Québec selon laquelle il pourrait, seul et de façon unilatérale, décider du processus pouvant mener à la sécession et en changer à volonté selon ses intérêts politiques à court terme.

Les Québécois, de même que leurs concitoyens des autres provinces, seraient sérieusement touchés par l'éclatement de notre pays. Chaque citoyen a le droit d'être certain que le processus suivi est clair, mutuellement acceptable et juste pour tous.

Cela m'amène à notre décision de prendre des mesures en vue de clarifier les questions juridiques qui se posent dorénavant entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec. J'ai l'intention de demander à la Cour suprême du Canada de trancher, au moyen de trois questions précises, les questions fondamentales qui se posent maintenant.

Voici les questions que nous poserons à la cour.

[Français]

L'Assemblée nationale, la législature ou le gouvernement du Québec peut-il, en vertu de la Constitution du Canada, procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada?

[Traduction]

Deuxièmement, l'Assemblée nationale, la législature, ou le gouvernement du Québec possède-t-il, en vertu du droit international, le droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada? À cet égard, en vertu du droit international, existe-t-il un droit à l'autodétermination qui procurerait à l'Assemblée nationale, la législature, ou le gouvernement du Québec le droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada?

(1020)

[Français]

Troisièmement, lequel du droit interne ou du droit international aurait préséance au Canada dans l'éventualité d'un conflit entre eux quant au droit de l'Assemblée nationale, de la législature ou du gouvernement du Québec de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada?

[Traduction]

Il est évident que ces questions sont fondées sur les quatre questions fondamentales énumérées par le juge Pidgeon dans le jugement qu'il a rendu le 30 août dans l'affaire Bertrand.


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Il aurait été possible pour le gouvernement du Canada de continuer de participer à l'affaire Bertrand et de faire valoir ces points au cours du procès, mais nous avons, sur des questions aussi fondamentales, l'obligation, en tant que gouvernement national, de veiller à ce que ces questions soient soumises directement aux tribunaux en vue d'obtenir rapidement un jugement définitif. Nous avons donc décidé d'en référer au plus haut tribunal du pays et de lui demander d'étudier et de trancher ces questions aussitôt que possible.

J'insiste également sur le fait que les questions que nous présentons à la cour et qui découlent du jugement de M. le juge Pidgeon dans l'affaire Bertrand sont la conséquence directe de la position que le procureur général du Québec a adoptée dans cette affaire. J'ai donc porté devant la Cour suprême du Canada, par procédure sommaire, les questions fondamentales soulevées par le gouvernement du Québec lui-même lorsqu'il a décidé de ne pas tenir compte de l'action en justice de Me Bertrand.

[Français]

J'ai écrit au procureur général du Québec pour le presser de prendre part à l'instance devant la Cour suprême du Canada. Il est évident que nos vues divergent profondément quant à ces questions juridiques cruciales.

Fidèle à une longue tradition dans notre pays et conformément à nos valeurs de civilité et de respect pour nos institutions démocratiques, je fais appel au procureur général du Québec pour qu'il vienne débattre avec moi, franchement, ouvertement et sans réserve des questions mêmes qu'il a soulevées, au lieu même où elles peuvent le mieux être résolues: devant le plus haut tribunal du Canada.

[Traduction]

Permettez-moi d'insister sur un point que le gouvernement a exprimé clairement depuis le début. La primauté du droit n'est pas un obstacle au changement. Elle permet cependant de le faire de façon ordonnée. Elle permet aux Canadiens de modifier et d'adapter les institutions qui gouvernent leur pays d'une manière qui reflète nos valeurs, par le dialogue et la recherche du consensus ou du compromis. J'ai bon espoir que les tribunaux entérineront et accepteront la position que j'ai mise de l'avant. Néanmoins, la décision leur revient et, cela va de soi, nous la respecterons et la suivrons.

Les Canadiens ont toutes les raisons de continuer à travailler pour éviter d'affronter une nouvelle tentative de sécession. Le monde ne comprendrait jamais l'échec d'un pays comme le Canada, qui symbolise la tolérance et ce qu'il y a de plus noble et bon dans la nature humaine. Les Canadiens ne se le pardonneraient jamais.

Nous devons avoir pour objectif commun de continuer à travailler ensemble afin d'améliorer notre gouvernement, de faire valoir le Canada au Québec et de célébrer le caractère distinct du Québec comme une caractéristique merveilleuse et fondamentale de notre pays.

Le gouvernement fédéral s'est engagé à le faire avec tous les gouvernements provinciaux et territoriaux. Quoi que l'avenir nous réserve, nous devons continuer à traiter les uns avec les autres avec respect et tolérance dans un esprit de compromis balisé par la loi. C'est cela, la démocratie.

(1025)

[Français]

Des voix: Oh! Oh!

Le président suppléant (M. Kilger): La parole est à la députée de Saint-Hubert.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, nous apprenons que le gouvernement fédéral a l'intention de solliciter l'avis de la Cour suprême sur la légalité d'un prochain référendum au Québec et de son éventuelle accession à la souveraineté.

Contrairement à ce que le ministre de la Justice affirmait au début de son allocution, je suis convaincue, et mes collègues du Bloc québécois aussi, que la population du Québec votera à un prochain référendum en faveur d'un Québec souverain.

Des voix: Bravo!

Une voix: Soixante pour cent.

Mme Venne: Elle le fera parce qu'une telle option est la meilleure pour elle et pour les générations futures.

Ce sont fort probablement les résultats serrés du dernier référendum qui motivent maintenant le gouvernement fédéral à solliciter l'avis de la Cour suprême sur la question de la légalité de la souveraineté du Québec.

Ce recours à la Cour suprême du Canada s'inscrit dans la stratégie du gouvernement fédéral qui consiste à reléguer la légitimité du peuple québécois d'accéder démocratiquement à la souveraineté, et ce au profit de la primauté du droit.

Aussi bien le Bloc québécois que le gouvernement du Québec ont toujours déclaré que l'accession à la souveraineté était avant tout une question politique et non une question qui devait être tranchée par les tribunaux.

Il m'apparaît étrange que peu de temps avant le dernier référendum tenu au Québec, soit au mois d'août 1995, le ministre de la Justice affirmait publiquement l'importance de respecter le vote démocratique des Québécoises et des Québécois sur la question de la souveraineté. Il s'agissait selon lui d'une question politique et non d'une question légale.

Il m'apparaît également étrange qu'au printemps dernier le ministre de la Justice affirmait que la participation du gouvernement fédéral dans l'affaire Bertrand était essentiellement motivée par la présence du gouvernement provincial au dossier.

Puisque le gouvernement du Québec s'est retiré de ce dossier, pourquoi maintenant décide-t-il non seulement de se retirer du dossier Bertrand mais de poursuivre seul devant la Cour suprême?

[Traduction]

C'est le résultat serré du dernier référendum qui a amené le gouvernement fédéral à demander à la Cour suprême de se prononcer sur la légalité de la souveraineté du Québec. Cette démarche s'inscrit dans le plan B du gouvernement, qui vise à assujettir


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l'accession légitime et démocratique des Québécois à la souveraineté à la règle du droit.

Devant la crainte de perdre, le gouvernement fédéral tente de jeter le doute sur le processus référendaire québécois et d'imposer ses propres lois référendaires. Le fédéral a perdu la bataille politique et se tourne maintenant vers les tribunaux pour sauver la face.

[Français]

La justification du gouvernement fédéral de recourir à la Cour suprême repose essentiellement sur la notion de primauté du droit.

(1030)

Pourtant, les démarches référendaires de 1980 et de 1995 n'ont pas fait l'objet d'une opposition judiciaire du gouvernement fédéral. Qui plus est, il y a grandement participé.

Selon nous, il s'agissait d'une forme de reconnaissance politique de la démarche du Québec visant son accession à la souveraineté. Plus encore, il s'agissait d'une reconnaissance de fait qui légitimisait la démarche entreprise par le gouvernement du Québec.

Le gouvernement fédéral doit comprendre que la primauté du droit doit toujours se justifier par le respect des principes et des valeurs démocratiques qui prévalent dans notre société. La primauté du droit ne devrait jamais reléguer au second plan la volonté et la légitimité de la population québécoise d'accéder démocratiquement à la souveraineté.

Nous l'avons affirmé à maintes reprises, et je le répète aujourd'hui, la démarche de la province de Québec n'a pas à être définie par les tribunaux.

[Traduction]

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à dire que le Parti réformiste est en faveur du renvoi de ces questions à la Cour suprême du Canada. Nous ne pouvons pas laisser subsister plus longtemps l'ambiguïté et le manque de préparation du pays au sujet de la question fondamentale de la règle du droit.

Nous accordons notre appui, en dépit des divergences profondes qui nous opposent au gouvernement libéral au sujet de la nature du Canada et de la façon dont cette question devrait être traitée à d'autres égards. Les réformistes ne souscrivent pas à la vision libérale d'une confédération canadienne centralisée et non réformée. Nous n'approuvons pas non plus la façon dont le gouvernement aborde des questions comme la politique linguistique et l'unité nationale et nous sommes toujours préoccupés par l'ambiguïté dont il fait preuve au sujet de nombreuses questions touchant non seulement le maintien de l'unité nationale, mais aussi ce qu'il faudra faire dans l'éventualité d'une sécession du Québec.

Je tiens à dire au ministre que non seulement j'approuve les démarches qu'il a entreprises, je lui sais gré aussi de la coopération dont il a fait preuve en discutant de ces questions avec nous et en nous informant pleinement des mesures que son gouvernement entendait prendre.

Je crois en outre qu'il serait indiqué de reconnaître, au nom de tous les Canadiens, le rôle joué par M. Bertrand qui, le premier, a saisi les tribunaux de l'affaire.

Je voudrais ajouter quelques précisions au sujet du renvoi effectué par le gouvernement. De façon générale, le gouvernement a soumis les bonnes questions à la Cour suprême. J'ai cependant des réserves au sujet du libellé du renvoi relativement au droit international, car la cour pourrait hésiter à se prononcer sur ce point.

Deux questions cruciales font également défaut, à savoir: par quels moyens le Québec ou toute autre province pourrait faire sécession en vertu de la Constitution et est-ce que l'on peut se reporter à la Constitution pour répondre à cette question. Je ne trouve pas ces questions dans celles que le ministre soumet à la Cour et je crois que cela représente une lacune.

Nous considérons cela comme une première étape. Comme le gouvernement est de plus en plus disposé à envisager les options du plan B, il doit se préparer à déposer un cadre législatif tenant compte d'une telle éventualité et à faire plus d'efforts pour informer la population du Québec non seulement des coûts possibles, mais des conséquences et des conditions qui risquent d'accompagner leur sécession.

(1035)

Je précise que notre position n'est pas nouvelle et qu'elle n'a pas été influencée par les résultats de la campagne référendaire. Nous avons établi clairement et depuis longtemps notre position sur ces enjeux.

Déjà, en octobre 1994, après l'élection du gouvernement séparatiste actuel, j'avais posé des questions à la Chambre sur la légalité et la constitutionnalité de la sécession du Québec. Je signale que les ministres et secrétaires parlementaires avaient refusé de me répondre. Ils disaient que la Constitution ne traitait pas de ces questions et que la position était seulement hypothétique.

Je rappelle aussi que ces ministériels sont allés encore plus loin et, à mon avis, au détriment du fédéralisme, dans la dernière campagne référendaire. Ils ont nié l'importance de ces enjeux. Le premier ministre avait dit qu'un vote majoritaire en faveur de la sécession n'entraînerait pas nécessairement la séparation du Québec. À notre avis, c'était très dangereux car cela pouvait convaincre les Québécois qu'ils ne risquaient rien en votant oui.

La nuit du référendum, nous avons appris que, non seulement le gouvernement du Québec était sérieux dans ses intentions de séparation unilatérale, mais qu'il avait pris des mesures et fait des préparatifs poussés en vue d'une déclaration unilatérale d'indépendance. Ce n'était donc absolument pas une position hypothétique


4712

pour eux et, compte tenu des résultats du référendum, on ne peut plus la traiter comme telle.

Le ministre n'est pas clair ou envoie des messages ambigus quand il dit qu'il lui semble improbable qu'on ait jamais un oui majoritaire à un futur référendum. Regardons les choses en face. Nous examinons cette question précisément à cause des résultats du dernier référendum. Nous devons prendre au sérieux la volonté exprimée par les habitants du Québec et leur dire que quand ils votent oui, cela a des conséquences et que ces conséquences peuvent signifier un jour la séparation. Nous ne pouvons nous contenter d'écarter les résultats du référendum. Nous devons admettre qu'ils sont à l'origine de la prise de conscience accentuée du danger de ce problème dans tout le Canada.

Je voudrais aussi faire remarquer que non seulement cela fait un certain temps que nous appuyons cette position et que nous avons discuté librement lors du dernier référendum des implications d'une séparation unilatérale, mais aussi que, immédiatement après le référendum, nous avons fait connaître notre position officielle sur ces questions. Nous avons publié un document intitulé «Les 20-20», qui renferme non seulement nos 20 propositions pour la réforme et la décentralisation de la fédération canadienne, mais aussi nos 20 propositions pour un plan d'urgence pour le reste du Canada au cas où le Québec se prononcerait en faveur de la séparation. Ces propositions sont fondées sur trois principes absolument fondamentaux que le gouvernement est enfin en train d'exprimer. Il s'agit du respect du consentement démocratique d'un peuple, du respect de la primauté du droit et de la suprématie de la protection des intérêts de tous les Canadiens loyaux.

Je me rends compte qu'en prenant cette décision, le gouvernement du Canada va se heurter à de sérieux défis politiques, à de sérieuses critiques de la part de ses soi-disant amis fédéralistes au Québec. Je fais allusion en particulier au chef du Parti progressiste conservateur du Canada et au chef du Parti libéral du Québec.

Les députés se souviendront que durant les derniers jours de la dernière campagne référendaire, ces deux individus ont tendu-c'est du moins mon avis-une embuscade au reste du Canada avec leurs demandes de statut spécial. J'imagine que mes collègues ne l'admettront pas, mais je crois qu'ils ont aussi tendu une embuscade au premier ministre lui-même. Ils ont soutenu qu'il fallait absolument un plan A qui est extrêmement généreux à l'égard de presque toutes les demandes venant du gouvernement du Québec, mais ils ne sont prêts à envisager aucun aspect d'un plan B.

À notre avis, il y a une énorme contradiction ici; la menace d'une séparation du Québec est suffisamment grande pour que le pays songe à faire des concessions, n'importe quelle concession. Toutefois, la menace n'est pas prise assez au sérieux pour préparer un plan d'urgence en vue de défendre les intérêts du reste du pays.

Ces gens sont fantastiques lorsqu'il s'agit d'affecter de faire preuve de patriotisme et sont d'excellents agents de relations publiques quand ils veulent dire au reste du pays qu'ils sont opposés à la souveraineté du Québec. On leur demande finalement aujourd'hui de montrer qu'ils sont prêts à soutenir la souveraineté du Canada. Toute cette question de renvoi de cette affaire à la Cour suprême est, selon nous, précisément le contraire de ce que le premier ministre du Québec a dit. Le Canada est un pays. Le Québec est une province de ce pays, et il n'y a pas de quoi avoir honte.

(1040)

[Français]

Je voudrais aussi parler de la position du Bloc québécois. Je dois mentionner que la position du Bloc et du mouvement souverainiste a changé au cours des années. Par exemple, notons que M. Lévesque lui-même a proposé un référendum seulement pour consulter la population. Il a avoué qu'il devrait négocier le changement final du statut du Québec avec le reste du Canada.

Il est également difficile pour nous, dans le reste du Canada, de comprendre la position de M. Bouchard qui dit qu'il appuie, non seulement la souveraineté, mais aussi une souveraineté partenariat avec le reste du Canada. Un partenariat a besoin de partenaires. On doit négocier des partenariats dans le monde. C'est impossible, et ça représente le manque de maturité du mouvement souverainiste qui pense qu'on peut avoir une relation unilatérale qui est un partenariat. C'est une idée fausse dans la nature de l'humanité, mais c'est aussi faux dans la nature des relations entre des États souverains.

Je voudrais aussi mentionner que le Bloc québécois s'oppose à cette idée parce qu'il appuie, à son avis, la voix démocratique. Et je dois mentionner encore que, à deux reprises, la voix démocratique a rejeté la souveraineté du Québec. Je dis également, en accord avec les membres du gouvernement je crois, qu'il est temps que le gouvernement du Québec commence à respecter ces expressions de la voix démocratique.

[Traduction]

Pour terminer, je vais parler des craintes et des interrogations qui nous assaillent tous, nous les Canadiens, depuis le dernier référendum. Il y en a qui continuent à insister, pour une raison que j'ignore, que la possibilité que le Québec se sépare du Canada ne devrait pas être prise sérieusement. Qu'il y ait des élections, des troubles, des bouleversements, c'est probable, mais le Québec ne fera jamais sécession.

Pour ma part, je n'ai jamais embrassé cette position. Ma compréhension du Québec, aussi profondément opposé que je sois à la position des séparatistes, est qu'ils sont honnêtes dans leur conviction et que leurs rangs sont nombreux. Je pense que cet état de chose est malheureux et qu'il aurait pu être évité, mais je crois qu'il y a de bonnes raisons qui expliquent l'existence de ce mouvement.

Le Québec fera-t-il sécession? Je crois que non, mais je pense que c'est du domaine du possible. Je pense toutefois que si cela devait arriver, ce serait un grand malheur.

Nous croyons que la lutte dont nous sommes témoins aujourd'hui au Québec se livre également dans de nombreuses régions du monde depuis la fin de la guerre froide. L'enjeu est de savoir si nous


4713

allons vers une plus grande forme de coopération entre les pays et les nations du monde, si nous allons adopter des structures et conclure des ententes encourageant la fraternisation entre tous les peuples, ou si nous allons de nouveau sombrer dans le nationalisme ethnique et l'étroitesse d'esprit.

Selon moi, choisir la sécession du Québec, c'est choisir le nationalisme ethnique, c'est choisir l'obscurantisme et rejeter la lumière. C'est un problème pour le Canada, mais ce n'est pas la fin du Canada. Aussi tragique que serait la sécession du Québec, je suis en profond désaccord avec ceux qui disent que ce serait la fin de ce pays. À mon avis, cela le dévaluerait. Ce pays a toujours était fort et demeure fort au yeux de ses partisans, non seulement au Québec, mais aussi dans le reste du Canada.

(1045)

Ce n'est pas la Constitution ni les ententes juridiques qui font qu'un pays vit ou meurt. Certes, ce sont des outils importants dans la gestion des affaires quotidiennes et, comme l'a dit le ministre, ce sont également des outils importants de gestion au cas où des changements profonds venaient à bouleverser les structures d'un pays. Toutefois, c'est dans le coeur de ses citoyens qu'un pays vit ou meurt, particulièrement dans les démocraties.

Le Canada est fortement ancré dans le coeur des Canadiens et, si l'on en croit les résultats de deux référendums, dans le coeur de la majorité des Québécois. Le fait qu'il ne le soit plus ou qu'il risque de ne plus l'être dans le coeur de certains, n'est pas une raison pour que le reste d'entre nous baissent les bras.

* * *

COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le vingt-neuvième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre traitant de la composition de certains comités.

Si la Chambre y consent, je proposerai l'adoption de ce rapport un peu plus tard aujourd'hui.

* * *

LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-327, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information (divulgation des résultats des sondages d'opinion).

-Monsieur le Président, ce projet de loi d'initiative parlementaire portait le numéro C-346 lors de la législature précédente; il avait initialement été déposé par le député d'Etobicoke-Lakeshore, M. Patrick Boyer, et je tiens à lui en attribuer le mérite.

Je suis heureux de présenter ce projet de loi qui vise la divulgation des résultats des sondages d'opinion commandés par le gouvernement. Il modifierait la Loi sur l'accès à l'information et forcerait le gouvernement à divulguer, dans un délai déterminé, les résultats de tout sondage d'opinion effectué à sa demande. Ce projet de loi obligerait le ministre concerné à faire connaître l'objet du sondage, les questions et les réponses, la période pendant laquelle le sondage a eu lieu, le nom de la personne ou de la firme qui l'a effectué et les coûts du sondage pour les contribuables canadiens.

Ce projet de loi favorise la transparence des interventions du gouvernement et surtout de ses relations avec les sondeurs. Je tiens à souligner que si ce projet de loi avait été adopté à l'époque, l'actuel ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire aurait eu à publier les résultats de ses sondages au sujet de la Commission canadienne du blé au lieu que ceux-ci ne soient divulgués en douce à la population.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la Chambre y consent, je propose que le vingt-neuvième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, déposé plus tôt aujourd'hui, soit adopté.

(La motion est adoptée.)

* * *

PÉTITIONS

LA FISCALITÉ

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions.

La première vient de Barrie, en Ontario. Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que l'administration du foyer familial et le soin des enfants d'âge préscolaire est une profession honorable dont la valeur pour la société n'a pas été reconnue.

(1050)

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de poursuivre son travail en vue d'éliminer les discriminations fiscales contre les familles qui choisissent de fournir à la maison les soins aux enfants d'âge préscolaire, aux malades chroniques, aux personnes âgées ou aux handicapés.

LA CONSOMMATION D'ALCOOL

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition vient de Bloomfield, en Ontario.

4714

Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que la consommation de boissons alcooliques peut entraîner des problèmes de santé ou nuire aux capacités, en particulier elle peut causer le syndrome d'alcoolisme foetal ou d'autres anomalies congénitales, lesquels sont totalement évitables si l'on s'abstient de consommer de l'alcool pendant la grossesse.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de prendre des mesures législatives pour exiger que des étiquettes de mise en garde soient placées sur les contenants de boissons alcooliques, de façon à prévenir les femmes enceintes et les consommateurs en général des risques associés à la consommation d'alcool.

LA LOI HELMS-BURTON

M. Maurizio Bevilacqua (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter à cette Chambre trois pétitions signées par des habitants de North York qui traitent des droits des Canadiens.

La première pétition concerne la loi Helms-Burton. Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que la loi dite Cuban liberty and democratic solidarity act essaie d'imposer la politique intérieure américaine sur des États souverains, ce qui fait qu'elle viole le droit international.

Les pétitionnaires attirent de plus l'attention de la Chambre sur le fait que les intérêts, les droits et les entreprises du Canada doivent être défendus avec vigueur.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour s'assurer que les droits des Canadiens soient protégés.

LES PETITES ENTREPRISES

M. Maurizio Bevilacqua (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition concerne les petites entreprises, le rôle important qu'elles jouent dans notre économie, les défis devant lesquels elles sont placées et ce que nous, en tant que gouvernement fédéral, nous pouvons faire pour les aider à réussir.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de continuer à créer un environnement sain pour la petite entreprise, à s'assurer qu'elles ont accès au financement dont elles ont besoin et à les aider à explorer de nouvelles possibilités.

L'ASSURANCE-MALADIE

M. Maurizio Bevilacqua (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, ma dernière pétition attire l'attention de la Chambre sur le fait que les Canadiens de tous âges considèrent que notre régime d'assurance-maladie est un élément caractéristique de la société canadienne et que les frais modérateurs ne fonctionnent pas. Ils ne font que déplacer le fardeau vers les personnes les plus vulnérables de notre société.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de maintenir les principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé afin que l'assurance-maladie publique demeure accessible, intégrale, transférable, universelle et gérée par l'État.

LA MAGISTRATURE

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, il est de mon devoir de présenter une pétition signée par 28 personnes venant principalement de Calgary.

Ces pétitionnaires demandent au Parlement de tenir une enquête publique complète sur les relations qui existent entre les institutions financières et la magistrature, ainsi que d'adopter une mesure législative qui restreigne la nomination de juges possédant des liens avec des institutions prêteuses.

* * *

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la question no 12 pouvait être transformée en ordre de dépôt de document, ce document serait déposé immédiatement.

[Texte]

Question no 12-M. Gilmour:

En ce qui concerne l'espace et les immeubles que possède ou loue le gouvernement fédéral et dont Travaux publics et Services gouvernementaux Canada est responsable au Canada, le gouvernement pourrait-il fournir: a) une liste de tous les immeubles que possède le gouvernement ou des locaux qu'il loue à l'usage de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et dans lesquels 5 p. 100 ou plus de l'espace utilisable est inoccupé, en précisant dans chaque cas le type d'immeuble ou d'espace (bureau, entrepôt, etc.), le nombre de mètres carrés inoccupés et l'adresse; b) une liste de tous les immeubles dont le gouvernement est propriétaire ou des locaux qu'il loue et dans lesquels de l'espace pourrait être loué ou sous-loué, précisant dans chaque cas le type d'immeuble ou de locaux (bureau, entrepôt, etc.), le nombre de mètres carrés à louer ou à sous-louer et l'adresse?
(Le document est déposé.)

[Traduction]

M. Zed: Monsieur le Président, je demande que toutes les autres questions restent au Feuilleton.

Le président suppléant (M. Kilger): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Je désire informer la Chambre qu'en raison de la déclaration ministérielle, les ordres émanant du gouvernement seront prolongés de 43 minutes.

______________________________________________


4714

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES FUITES DE CAPITAUX

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ) propose:


4715

Que la Chambre dénonce le gouvernement fédéral qui, refusant de faire toute la lumière sur la fuite de capitaux de deux milliards de dollars exempts d'impôts, préfère s'attaquer à la crédibilité du Vérificateur général tout en ouvrant toutes grandes les portes à d'autres fuites de capitaux, qui priveront ainsi l'état fédéral de plusieurs centaines de millions de dollars sinon de milliards de dollars par année.
-Monsieur le Président, je suis encore sous le choc des arguments du ministre de la Justice et du représentant réformiste, des arguments qui à mon point de vue étaient démagogiques, étaient cyniques, infantilisaient le peuple québécois et niaient leur droit démocratique.

Le président suppléant (M. Kilger): C'est avec hésitation que j'interromps l'honorable député simplement pour lui demander sa coopération. Je suis conscient que le sujet abordé par l'honorable ministre de la Justice et auquel les deux partis de l'opposition ont répliqué est d'une grande importance, sinon de la plus grande importance pour tous les parlementaires de cette législature.

(1055)

Par contre, je dois demander la coopération du député en ce qui concerne la pertinence du débat, qu'il s'en tienne à sa motion. Avec tout le respect que je lui dois, malgré son importance, l'autre sujet se devra d'être remis à une autre occasion ici dans cette Chambre démocratique et non pas au cours de cette journée d'opposition.

Alors, je demande simplement votre coopération pour que nous nous en tenions à la motion que l'honorable député de Saint-Hyacinthe-Bagot nous présente aujourd'hui.

M. Loubier: Monsieur le Président, je m'excuse, il y a quelquefois des émotions que je contrôle mal, surtout lorsqu'on est profondément blessé par les propos de certains de nos collègues.

Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui sur un sujet qui me tient énormément à coeur, celui du scandale dénoncé par le vérificateur général le 7 mai dernier, scandale qui a fait en sorte qu'une riche famille canadienne a pu, en décembre 1991, transférer deux milliards de dollars d'actifs inscrits dans une fiducie familiale aux États-Unis sans qu'un cent d'impôt ne soit prélevé sur les gains en capital réalisés à partir de ces actifs.

Cette possibilité qui s'est offerte à cette riche famille de transférer ses actifs sans impôt est liée à ce qu'on appelle une décision anticipée rendue par Revenu Canada. C'est important de comprendre ce qu'est une décision anticipée. Un contribuable riche, c'est surtout pour les contribuables riches parce que c'est eux qui ont à faire des opérations financières de cette nature et de cette ampleur, un contribuable peut demander à Revenu Canada de lui donner un avis anticipé, une décision anticipée sur une interprétation de la Loi de l'impôt pour sécuriser une transaction financière, ou sécuriser une interprétation que ce contribuable a de la Loi de l'impôt.

Or, cette décision anticipée rendue un 23 décembre 1991, quand tout le monde est en party, cette décision a fait appel à une analyse tout à fait tordue, déformée, sans rapport avec la réalité de la loi fiscale de la part des hauts fonctionnaires du ministère du Revenu et du ministère des Finances.

Il y a plusieurs faits inusités autour de cette question qui nous font croire que le gouvernement a des choses à cacher là-dedans, que le gouvernement ne veut pas qu'on fasse toute la lumière sur cette question puisque, même si cette décision a eu cours sous le règne des conservateurs, il se peut que des amis du Parti libéral du Canada, des contributeurs importants à la caisse du Parti libéral du Canada, des gens très influents et très riches qui gravitent autour des sphères du pouvoir, probablement autour du bureau du premier ministre ou autour du bureau du ministre des Finances, ces gens-là ont pu influencer, ont pu faire en sorte que le gouvernement, aujourd'hui, veuille cacher des choses.

Le premier fait inusité: il y a eu plusieurs rencontres de hauts fonctionnaires du ministère du Revenu et du ministère des Finances avant d'en arriver à cette décision-là. Il y a eu plusieurs réunions où on penchait d'un côté ou de l'autre. En premier, on disait que la famille ne pouvait pas transférer ces deux milliards d'actifs aux États-Unis sans payer d'impôt, et à la fin, le 23 décembre, on décidait que non, après de nombreuses représentations, du démarchage probablement, du lobbying de la part des fiscalistes représentant la riche famille en question, Revenu Canada a rendu sa décision anticipée, et oui, on pouvait permettre ce scandale.

Fait inusité, il n'y a aucun procès-verbal de ces rencontres, aucun rapport, aucun compte rendu de ces rencontres, aucun compte rendu des arguments échangés de part et d'autre pour rendre cette décision, pour en arriver à une interprétation aussi déformée des lois fiscales.

Le deuxième fait inusité: aucune analyse technique n'existe à l'heure actuelle et n'existait à ce moment-là pour justifier cette décision qui a pu coûter des centaines de millions de dollars aux contribuables québécois et canadiens. Aucun document technique.

(1100)

Quand il est temps d'aller chercher 50 $ dans la poche des contribuables à revenu moyen ou à faible revenu, Revenu Canada ne se gêne pas. Il émet un avis, une lettre complète en disant que le contribuable est fautif et doit payer le montant de 50 $. Là, il est question de centaines de millions de dollars et aucun document technique n'existe.

Le troisième fait inusité: pendant presqu'une semaine, du matin au soir, des réunions ont eu cours. Le 23 décembre, dans le temps des Fêtes, alors que tout le monde était réuni en famille pour fêter dans la sérénité les fêtes de Noël et du Nouvel An, des fonctionnaires faisaient en sorte que l'ensemble des contribuables est devenu, à partir du 23 décembre, le dindon de la farce dans cette histoire. C'est l'ensemble des contribuables du Québec et du Canada qui doivent compenser, par leurs taxes et par leurs impôts, les centaines de millions qui ne sont pas payés par la famille qui a pu transférer les deux milliards aux États-Unis.

Deux jours avant Noël, une famille au Canada avait des raisons supplémentaires de se réjouir d'une décision rendue par Revenu Canada. Par contre, toutes les familles canadiennes auraient pu, si elles avaient su-parce qu'on leur a caché cette décision-être tout à fait tristes de l'attitude éhontée des hauts fonctionnaires, probablement avec la complicité des politiciens du temps.

Autre incongruité: pendant cinq ans, soit jusqu'au 21 mars dernier, et alors que toutes les décisions anticipées de Revenu Canada sont normalement rendues publiques, sont accessibles à tout le monde, il a fallu cinq ans pour que cette décision anticipée, rendue en décembre 1991, soit rendue publique, soit connue, et que le vérificateur général, justement sur la base de cette connaissance,


4716

puisse ramener sur la scène publique ce cas du scandale de deux milliards de dollars. Cinq ans!

Savez-vous ce que cela veut dire? Cela veut dire que Revenu Canada avait des choses à cacher, parce que c'est vraiment incroyable d'avoir rendu public l'ensemble de ces décisions anticipées, durant les cinq dernières années, sauf une. Assez curieusement, c'est celle qui est la plus importante. Assez curieusement, c'est celle qui coûte des centaines de millions de dollars aux contribuables canadiens. C'est quand même assez étrange.

Cela implique aussi que pendant cinq ans, des gens, un petit groupe, savaient, mais que la majorité de la population ne savait pas. Comment cela s'appelle-t-il? Aux États-Unis en particulier, cela s'appelle des initiés, cela s'appelle des gens qui ont pu profiter de leur connaissance de l'existence de la décision anticipée de décembre 1991, de l'existence d'une interprétation erronée, mais une interprétation rendue par Revenu Canada quant à certaines dispositions de l'impôt et qui ont pu faire profiter d'autres, dans leur petit groupe restreint, dans leur entourage, de cette décision.

Cela veut dire que les fiscalistes qui représentaient la très riche famille canadienne qui a transféré ses deux milliards aux États-Unis, ces fiscalistes avaient un secret, une information en or qu'ils pouvaient vendre un peu partout à d'autres riches familles canadiennes, puisque n'oublions pas que cette décision de 1991 a servi de précédent.

Cela veut dire que pendant cinq ans, d'autres familles riches du Canada ont pu profiter de cet avis, de cette décision anticipée, pour faire exactement la même chose que dans le cas qui nous concerne, c'est-à-dire ne pas payer un cent d'impôt et faire en sorte que l'ensemble des contribuables canadiens compensent pour le fait qu'ils ont pu transférer des milliards à l'étranger.

Autre fait inusité dans ce dossier: l'attitude des représentants du gouvernement. Lorsque le vérificateur général, en mai dernier, a rendu public ce cas, il l'a fait dans le cadre des travaux du Comité des comptes publics de la Chambre des communes.

Le Comité des comptes publics est celui qui se penche sur l'ensemble des recommandations, comme ce sera le cas aujourd'hui avec les nouvelles recommandations du vérificateur général. Le Comité des comptes publics se penche sur l'ensemble des chapitres du rapport du vérificateur général, analyse chacune des recommandations, convoque des témoins, fait la lumière aussi sur différents scandales soulevés par le vérificateur général, soit les dépenses ou les gaspillages, par exemple, les nombreux gaspillages dans les ministères, soit des situations comme celle qui nous concerne aujourd'hui, c'est-à-dire une mauvaise interprétation de la Loi de l'impôt. C'est le mandat du vérificateur général de le faire.

(1105)

Quand l'information a été rendue publique par le vérificateur général, vous avez vu au Comité permanent des comptes publics des représentants libéraux, dont celui de Brome-Missisquoi, se lever, déchirer sa chemise devant les caméras, envoyer des communiqués de presse disant qu'ils allaient faire toute la lumière sur les circonstances ayant entouré cette décision anticipée, sur les circonstances qui ont fait en sorte qu'il y ait évasion fiscale à partir d'une déformation de la Loi de l'impôt.

Deux jours après, on le cherchait. On le cherchait partout, on ne le trouvait pas. On disait qu'il avait été appelé dans son comté, que c'était très urgent, qu'il ne pouvait pas revenir avant la semaine prochaine. Finalement il a été parti deux semaines. On ne pouvait pas lui parler. Pourquoi? Parce qu'il avait reçu une commande de haut. Il avait reçu la commande de se la fermer parce qu'il y avait des gens liés au Parti libéral, des gens liés peut-être au bureau du premier ministre, qui gravitent aussi autour du bureau du ministre des Finances qui ont profité ou qui auraient pu profiter de cette décision anticipée directement ou indirectement. Alors on lui a dit de se la fermer.

Après ça, ce fut la saga. Le ministre des Finances nous annonce qu'il transfère le dossier de cette fiducie de deux milliards au Comité permanent des finances pour faire en sorte que dans le futur nous n'ayons pas à faire face à ce genre de décision, à ce genre d'ambiguïté-qu'il appelait ambiguïté-dans la loi fiscale alors qu'il n'y en a pas d'ambiguïté. C'est clair, les fonctionnaires n'ont pas le droit de faire l'interprétation qu'ils avaient faite.

Ce faisant, en transférant ça au Comité permanent des finances, le ministre des Finances noyait le poisson. Savez-vous pourquoi? Parce que le mandat du Comité des finances n'est pas de faire la lumière sur un cas particulier, comme c'est le mandat du Comité des comptes publics de faire toute la lumière, de se transformer quasiment en commission royale d'enquête. Le Comité des finances, lui, ne s'occupe pas de l'administration de la politique fiscale au jour le jour comme c'est le cas du Comité des comptes publics. Il ne s'occupe pas non plus de faire la lumière sur des cas soulevés par le vérificateur général. Il s'occupe de l'évolution de la politique fiscale.

Donc, en transférant ça au Comité des finances, il est certain que le ministre des Finances savait-il y a assez longtemps qu'il est parlementaire et ministre des Finances pour le savoir-que le Comité des finances ne se pencherait pas sur le cas particulier de 1991, mais ferait des recommandations quant au changement de la politique future.

Rendu au Comité des finances, cela a été vraiment scandaleux de voir l'attitude des libéraux. D'abord le président du Comité des finances. Lors de la comparution du vérificateur général, pendant plus d'une heure et demie a sermonné le vérificateur général, a tenté de le mettre en boîte, a tenté de miner sa crédibilité en prenant le plancher. Avez-vous déjà vu ça dans un comité de la Chambre des communes, un président qui décide, lui, pendant une heure et demie de prendre le plancher et de planter le vérificateur général?

Le vérificateur général c'est l'institution parmi les plus vénérables de ce Parlement et il est important que les contribuables le comprennent. Le vérificateur général c'est le chien de garde des finances publiques du gouvernement. Il est redevable devant le Parlement et non pas devant le Parti libéral du Canada.

Il juge l'attitude des gestionnaires, leurs bonnes décisions, leurs mauvaises décisions surtout, et il fait rapport au Parlement. Autrement dit, il est redevable devant le peuple. Il surveille les finances publiques et l'interprétation des lois fiscales dans le meilleur intérêt des contribuables payeurs de taxes au Canada. Tout ce qu'on a


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trouvé à faire de l'autre côté, c'est de brimer la crédibilité du vérificateur.

Récemment, ce fut la même chose. Le rapport de la majorité libérale du Comité des finances, celui-là même commandé par le ministre des Finances, disait à peu près ceci: «Le vérificateur général n'avait pas le mandat de faire ce qu'il a fait», alors qu'il avait le mandat de faire ce qu'il a fait et il l'a fait souvent. Il s'est penché sur l'interprétation des lois fiscales au moins sept fois en dix ans.

Du temps que les libéraux formaient l'opposition, ils s'en servaient de cette interprétation. Il se servaient des cas soulevés par le vérificateur général au niveau de l'interprétation déformée de la Loi de l'impôt par les hauts fonctionnaires. Aujourd'hui, on dénonce. On dit que le vérificateur général n'a pas de mandat.

Deuxièmement, on a dit qu'il n'avait pas la crédibilité. C'est grave, ça. Le vérificateur général surveille les intérêts de l'ensemble des contribuables, il est redevable auprès du Parlement, il oblige les ministères, les ministres et les hauts fonctionnaires à rendre des comptes, mais on dit qu'il n'est pas crédible dans son analyse. Sur quoi se base-t-on pour dire qu'il n'est pas crédible? Sur l'opinion de six experts qui ont comparu cet été au Comité des finances. J'étais là, six des huit experts se sont prononcés en défaveur du vérificateur général.

(1110)

Savez-vous pourquoi? Parce que les six, sans exception, étaient des fiscalistes qui représentent les grandes familles canadiennes, qui aident ces grandes familles à sortir des millions et des milliards sans qu'elles ne paient un sou d'impôt à Revenu Canada. Alors, quand des gens, qui sont à la fois juge et partie, vont-ils se tirer dans le pied? Ça n'a aucun sens. Mais les libéraux, dans la poursuite de leur saga, dans la poursuite de leur objectif qui consiste à vouloir cacher les dessous de toute cette affaire, se sont réclamés de ces six experts.

Autre chose. Au lieu de fermer la vanne, au lieu de dire que ce genre d'interprétation erronée, c'est fini, qu'il n'y en aura plus, on a dit que l'interprétation déformée, erronée, cynique même du ministère du Revenu, c'est ce qui deviendra la règle à l'avenir. On va ouvrir les frontières. À partir du moment où le gouvernement a accepté le rapport de la majorité libérale, les riches familles canadiennes peuvent faire ce qu'elles veulent. Elles peuvent transférer les millions et les milliards qu'elles veulent sans être embêtées d'aucune façon par Revenu Canada, d'aucune façon. Essayez, vous, monsieur le Président, de sortir 2 000 $ et d'aller placer cet argent dans un compte ailleurs dans le monde pour voir si Revenu Canada vous laissera faire. Essayez de le faire.

L'attitude des libéraux dans toute cette histoire nous laisse perplexe, mais nous signale que le gouvernement a probablement beaucoup de choses à cacher dans cette histoire.

Comme je l'ai dit un peu plus tôt cette semaine en Chambre, nous avons l'impression qu'en grattant un peu le bleu de la décision des conservateurs de décembre 1991, le rouge apparaîtra assez rapidement. Autrement dit, il y a des gens influents, au Parti libéral du Canada, qui ont profité de cette décision. Et le fait que le Comité permanent des comptes publics ne puisse pas se pencher là-dessus comme il le voudrait, en convoquant des témoins, c'est-à-dire les hauts fonctionnaires qui gravitaient autour de cette décision en 1991, même les politiciens qui étaient autour, même les fiscalistes qui se promenaient dans les corridors à ce moment-là, c'est un signal qu'on veut noyer le poisson, qu'on veut cacher des choses.

Ce gouvernement veut cacher des choses. Peut-être qu'autour du bureau du premier ministre ou du bureau du ministre des Finances, il y a des gens qui ne voudraient pas qu'on fasse toute la lumière là-dessus, mais ce sont les contribuables canadiens qui paient pour ça et qui paient peut-être pour d'autres cas parce que, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, et c'est une chose fort importante, le cas de 1991 a servi de précédent pour d'autres. Aussitôt qu'il y a une décision anticipée de cette nature est rendue et qu'un groupe d'initiés, parce que ce sont de véritables initiés, c'est un crime punissable aux États-Unis, ça, aussitôt que des initiés ont été mis au courant de cette décision, ils ont pu en faire profiter d'autres. Ils ont pu en faire profiter leur clientèle, s'ils étaient dans une boîte de fiscalistes, par exemple.

De cette décision sont transférés des montants astronomiques ailleurs dans le monde sans être embêtés d'aucune façon par Revenu Canada. Dans ce cas, comme dans les autres qui ont pu survenir, il faut que le gouvernement entende raison, qu'il protège les intérêts de l'ensemble des contribuables et non pas les intérêts des contribuables millionnaires ou milliardaires.

[Traduction]

Je voudrais saisir cette occasion pour annoncer à la Chambre que l'Opposition officielle s'emploie actuellement à créer une vaste coalition d'un océan à l'autre. Cette coalition regroupera des syndicats, des associations de personnes âgées, des associations étudiantes, des associations oeuvrant pour le bien-être des gens défavorisés et des citoyens canadiens qui en ont marre de l'attitude du gouvernement fédéral dans ce dossier. J'espère que cette vaste coalition amènera le gouvernement à entendre raison.

[Français]

En attendant, nous espérons que le gouvernement reviendra à de meilleures dispositions, parce qu'il en est de l'intérêt de l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec et du Canada. Ce n'est pas normal qu'au lieu de faire toute la lumière sur un tel scandale, on cherche à s'abrier, à se cacher derrière de faux arguments.

(1115)

On fait des sparages, on fait des culbutes, des pirouettes au Comité des comptes publics ou au Comité des finances pour faire en sorte que jamais la vérité ne sorte, ne soit dévoilée au grand jour.

Je profite de l'occasion pour réitérer, au nom du peuple québécois et du peuple canadien, la confiance que nous avons envers l'institution du vérificateur général et envers le travail de M. Desautels dans ce dossier et dans bien d'autres.

S'il y a un vérificateur qui mérite le plus grand des respects pour son travail, pour son intégrité et qui a été appuyé d'ailleurs par un ancien vérificateur général dans le cas qui nous concerne,


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M. Kenneth Dye, je pense que M. Desautels se doit d'être appuyé dans son travail et non pas sali systématiquement par un gouvernement sans scrupules.

[Traduction]

Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire de la ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je me réjouis de l'occasion qui m'est donnée de faire une brève observation. Nous venons d'entendre le discours de présentation de ce débat qui durera toute la journée.

Je voudrais prévenir les Canadiens que ce débat fera la part belle aux spéculations et aux propos alarmistes. J'espère qu'ils comprendront qu'il s'agit d'un domaine très complexe du droit fiscal.

Une enquête publique a eu lieu et malheureusement les députés d'en face n'ont pas fourni alors de preuves pour étoffer leurs allégations. D'où ce débat à sens unique qui est l'occasion pour certains d'évoquer un problème dont ils n'ont pas réussi à prouver l'existence lors de l'enquête. Nous avons déposé un rapport et nous n'avons rien à cacher.

Je demande aux Canadiens de prêter l'oreille aux députés des deux côtés de la Chambre qui exprimeront leurs opinions. Je suis persuadée que le gouvernement, qui agit de façon responsable et équilibrée, profitera de ce débat pour rétablir la vérité.

[Français]

M. Loubier: Monsieur le Président, lorsqu'on parle de raison, lorsqu'on dit que le gouvernement s'est comporté de façon raisonnable, ce n'est pas le cas ici. Depuis le début dans ce dossier, c'est incroyable tout ce qu'on a pu multiplier comme démarches du côté du gouvernement pour faire en sorte de couvrir, de camoufler cette chose.

Même au Comité des comptes publics, dont mon éminente collègue fait partie, on a tout usé, des motions déposées-même une motion qui disait qu'on ferait toute la lumière dès l'automne sur cette question a été bafouée par les libéraux. Il faut le faire. Toutes les fois que mon collègue de Beauport-Montmorency-Orléans, qui est président du Comité des comptes publics a voulu ramener cette chose, on le repoussait tout le temps. Justement on donnait prétexte de l'analyse au Comité des finances pour dire: «Les finances le font, quand les finances auront fait leur job, on verra.»

Le Comité des comptes publics a les pouvoirs de se constituer en quasi-commission royale d'enquête. Jusqu'à présent, je n'ai pas senti, du côté des libéraux, une volonté pour faire la lumière là-dessus. Au contraire, on a senti une volonté très nette, très ferme, et même dans le rapport du Comité des finances, le rapport de la majorité libérale, même dans les propos du premier ministre depuis la semaine dernière et ceux du ministre des Finances on a senti une volonté de cacher l'affaire, de ne pas faire la lumière.

Non seulement on ne fera pas la lumière là-dessus mais on nous annonce dans le rapport de la majorité libérale, qui est accepté maintenant comme position gouvernementale, que ce qu'on a fait, cette mauvaise interprétation des lois fiscales en 1991, c'est ce qui va tenir lieu de règle générale maintenant. C'est ce qui va tenir lieu d'interprétation officielle par Revenu Canada des dispositions de la fiscalité.

Quand je demande aux Canadiens de regarder l'attitude raisonnable du gouvernement, ce n'est pas une attitude raisonnable, mais une attitude scandaleuse qu'ils ont ces gens-là. Ils protègent leurs amis. J'espère que les Canadiens vont se réveiller à un moment donné. J'espère que même les Canadiens qui sont partisans libéraux vont soulever cela dans leurs comtés aussi et demander des comptes à leurs députés.

Des fois, je regarde aller les députés libéraux, je me demande s'ils lisent ce que les comités produisent, ainsi que ce que produit leur gouvernement. Il y a des fois où j'entends des choses qui me donnent l'impression d'être sur une autre planète. J'ai l'impression qu'ils ne connaissent pas les positions du gouvernement et ils ne connaissent pas les implications non plus. Ils suivent.

Ils suivent, ils applaudissent, font un grand sourire: «Ah on est bons!». Ils se tirent dans le pied.

(1120)

Ils sont là pour défendre les intérêts de leurs commettants et au lieu de faire cela, ils applaudissent des positions gouvernementales qui protègent une dizaine d'amis riches du parti. Ce n'est pas normal, ça. J'espère qu'ils se réveilleront à un moment donné, parce que ce n'est pas une autre façon de faire de la politique. Ce n'est pas notre façon, en tout cas. Et c'est triste.

[Traduction]

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, le député n'a pas sitôt entamé le débat sur cette importante question qu'il crie au scandale. Le vérificateur général a examiné le cas. Le Comité permanent des finances a examiné le cas. Le député a consacré 20 minutes de son temps de parole à présenter le cas à la Chambre. Il parle de scandale, mais il se borne à poser des questions.

Il est un peu trop tard pour lui de me donner le renseignement, mais peut-être qu'un autre orateur pourrait le faire plus tard. Quoi qu'il en soit, je souhaite que quelqu'un veuille bien m'indiquer l'élément qui permet de crier au scandale. Je vais lui poser la question et j'attends sa réaction.

Ce système des décisions anticipées ne crée aucune loi ni aucun droit nouveau. Il s'agit simplement d'une décision que le ministère a prise conformément au droit fiscal alors en vigueur.

Si la fiducie en question avait changé de domicile sans chercher à obtenir une décision anticipée, voici la question à laquelle j'aimerais que le député réponde: Le ministère ne serait-il pas arrivé à la même conclusion, qu'il établisse la cotisation ou décide de ne pas en établir une, une fois le changement de domicile effectué? Il serait arrivé à la même conclusion, c'est-à-dire que le droit fiscal permet-


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tait de changer de domicile sans qu'il y ait présomption d'aliénation de l'actif.

En quoi consiste le scandale? S'il y a un problème, il est peut-être à chercher dans le régime fiscal actuel. À moins que le député ne puisse déceler un problème, je lui ferai valoir qu'une décision anticipée aurait eu le même effet qu'une cotisation une fois le changement de domicile de cette fiducie effectué.

[Français]

M. Loubier: Monsieur le Président, c'est exactement ce que je disais. Le député, mon collègue libéral, n'a pas lu les délibérations du Comité des finances, n'a pas lu les témoignages des gens qui ont comparu devant le Comité, n'a surtout pas lu le rapport du vérificateur général et n'a pas lu le rapport de la majorité libérale du Comité des finances.

Il y a scandale, parce que l'économie de la loi concernant les biens canadiens imposables-ça a l'air technique, mais c'est cela l'affaire-l'économie de la loi disait que cette notion, qui permettait de transférer certains actifs de sociétés publiques ailleurs dans le monde, sans impôt, devait s'appliquer uniquement à des résidants étrangers, non pas à des résidants canadiens.

Ce qu'on a fait, c'est qu'on a appliqué la notion de BCI, de biens canadiens imposables, à une famille canadienne, qui a transféré deux milliards à l'étranger, qui n'a pas payé un cent d'impôt. Quand vous parlez des délibérations et des experts consultés, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, les six experts dont se réclament vos amis, les six experts sont des gens qui représentent les riches familles canadiennes et leur permettent d'exporter des capitaux.

Je vais vous confronter à 15 experts qui n'ont pas de lien avec les riches familles canadiennes, des fiscalistes universitaires, des gens qui connaissent leur affaire, et ils vous diront tout à fait le contraire. Le vérificateur général a fait son travail, il a une interprétation juste des lois fiscales, et c'est Revenu Canada qui a une interprétation erronée.

La preuve en est que Revenu Canada a émis un avis en 1985 qui disait que dans un cas comme celui-là, les BCI, les transferts de capitaux à l'étranger sans impôt ne pouvaient pas s'appliquer à des résidants canadiens. Et oups! assez curieusement, en 1991, en une semaine, dans le temps des Fêtes, alors que tout le monde fêtait, on a changé la décision de Revenu Canada après des discussions avec des représentants des riches familles canadiennes. C'est cela, le scandale.

L'autre scandale, c'est l'attitude du gouvernement, des représentants libéraux, qui, au lieu de faire la lumière et au lieu de fermer les frontières à ces fuites de capitaux des riches familles, les ouvrent toutes grandes pour favoriser leurs amis.

[Traduction]

M. Maurizio Bevilacqua (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement l'intervention du député de l'opposition et j'essaie encore de comprendre de quoi il parle au juste. Il a certes soumis aujourd'hui les arguments les plus faibles qu'il ait peut-être jamais présentés à la Chambre des communes.

Le vérificateur général a soulevé d'importantes questions de politique dans un domaine que le Parlement n'avait pas vraiment examiné depuis plus de 25 ans et qui avait un lien avec cette question. Si je ne m'abuse, le comité a, pour sa part, rédigé un rapport et soumis des recommandations réfléchies que le gouvernement étudie attentivement.

(1125)

Je tiens à préciser très clairement, pour la gouverne des Canadiens qui suivent les travaux de la Chambre des communes, qu'il n'y a aucune preuve d'une fuite de capitaux à grande échelle privant le gouvernement des recettes fiscales qui lui sont dues. Le Canada a déjà des règles fiscales qui comptent parmi les plus sévères au monde pour les gens qui quittent le pays. Ces règles sont beaucoup plus strictes que celles en vigueur dans pratiquement tous les pays, y compris les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne. Elles sont certainement plus strictes que celles en vigueur au Japon.

Le député pense-t-il qu'en parlant sans cesse de «fiducie familiale» et de «scandale» il va réussir à marquer des points sur le plan politique. Les Canadiens sont trop intelligents pour s'y laisser prendre et ils vont très bien voir que le député fait simplement de la basse politique partisane.

[Français]

M. Loubier: Monsieur le Président, il y en a un scandale, celui d'avoir transféré deux milliards sans impôts de l'autre côté alors que ça ne devait pas se faire. Il y en a eu d'autres à la suite, savez-vous pourquoi? Parce que le sous-ministre du Revenu l'a dit lors de sa comparution au Comité des finances. Il a dit qu'il était possible qu'il y ait eu d'autres transferts, d'autres transferts à partir de la décision sur le premier deux milliards.

L'autre point est le suivant. Vous dites qu'on veut marquer des points politiques? Vous verrez que ce ne sera pas des points politiques que l'on marquera. La coalition qu'on est en train de monter, coalition constituée d'organismes pancanadiens qui se sont montrés fortement intéressés à dire au gouvernement qu'ils ne sont pas d'accord, vous verrez que c'est une coalition qui est apolitique et vous verrez comment ces libéraux, dans chacun des leur comté, comme on dit chez nous, vont se faire chauffer les fesses un peu.

Le président suppléant (M. Kilger): En conclusion, je tiens à remercier l'honorable député de Saint-Hyacinthe-Bagot de sa compréhension et de sa coopération que j'accepte, comme il l'a exprimé à la Chambre, dans des circonstances difficiles.

[Traduction]

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux que le député ait présenté cette motion. Je dois reconnaître que durant son discours au cours de la dernière demi-heure, j'ignorais au juste si j'écoutais l'émission This Hour Has 22 Minutes ou si j'étais peut-être sur une autre planète.

Cela donne la chance à la Chambre de voir très clairement ce contre quoi le député et ses collègues s'élèvent avec tant de force


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depuis quelques jours. Comme c'est souvent le cas, cette motion montre bien que le député s'y perd quelque peu sur plus d'un point.

La motion demande à la Chambre de dénoncer le gouvernement fédéral pour avoir refusé de faire toute la lumière sur diverses transactions. J'en aurai plus à dire dans un instant sur la nature de ces transactions et sur la façon dont la motion les présente sous un faux jour, mais tout d'abord, je voudrais revenir sur l'affirmation selon laquelle le gouvernement cache certaines choses.

Le vérificateur général a rendu public son rapport le 7 mai dernier. Le ministre des Finances a immédiatement demandé au Comité des finances de la Chambre des communes d'examiner les questions importantes soulevées par le vérificateur général.

La ministre du Revenu national a annoncé un moratoire immédiat sur le type de décisions anticipées dont se préoccupait le vérificateur général. Cela ne me donne certes pas l'impression que le gouvernement souhaitait cacher quoi que ce soit. Je suis persuadé que les Canadiens vont partager mon opinion là-dessus.

Le Comité des finances a reçu un mandat extrêmement étendu et il a tenu plusieurs journées d'audiences publiques. Il a entendu le vérificateur général, les membres du personnel du vérificateur général, huit professionnels du secteur privé et universitaires, ainsi que des hauts fonctionnaires des ministères du Revenu national, des Finances et de la Justice.

Le comité a invité les députés de l'opposition, notamment celui qui a présenté la motion, ainsi que le vérificateur général, à proposer des témoins. Durant ces audiences, tous les membres du comité, y compris le député, ont eu toute la latitude voulue pour poser n'importe quelle question et discuter de tout sujet qu'ils jugeaient bon d'aborder. Ces audiences étaient également ouvertes au public. Y a-t-il un processus qui puisse être plus transparent que celui-ci?

De plus, le rapport du comité renfermait également les opinions en partie dissidentes des députés de l'opposition. Le rapport compte plus de 60 pages et s'arrête sur chacun des problèmes relevés par le vérificateur général. Encore une fois, je ne vois pas là le signe d'une volonté de dissimuler quelque chose.

(1130)

En réponse au rapport du comité, le ministre des Finances a déclaré que le gouvernement examinerait attentivement les recommandations présentées dans les rapports majoritaire et minoritaire, et prendrait des mesures après avoir procédé à des consultations. Entre temps, le moratoire sur les décisions de Revenu Canada doit être maintenu.

Comment peut-on voir là une réticence à faire la lumière sur une question? En fait, le gouvernement a agi avec célérité, transparence et logique aux préoccupations exprimées par le vérificateur général.

Si quelqu'un craint de faire la lumière sur ces questions, c'est bien le député et ses collègues. En criant au scandale et en alléguant sans preuve qu'il y avait une fuite de milliards de dollars de capitaux à l'extérieur du Canada, ils font en sorte que les Canadiens ignorent complètement où sont les véritables problèmes.

J'en arrive maintenant à l'autre partie de la motion du député. La motion dénonce une fuite de capitaux: au total, deux milliards de dollars non imposés seraient sortis du Canada. Elle laisse entendre qu'il y a une fuite de fonds encore plus considérables, voire de milliards de dollars, à cause de quelque chose que le gouvernement aurait fait ou omis de faire.

Le député parle avec éloquence et sa motion attire l'attention. On imagine facilement les convois de camions de la Brink's sur le point de franchir la frontière vers le Sud. C'est très imagé, mais les Canadiens méritent mieux que cela. Ils savent qu'il n'y a aucune restriction ni aucune levée d'impôts quand des fonds sortent du Canada. Il en va de même depuis le milieu du XXe siècle, à part quelques pays à peine qui exercent un contrôle des changes. Les fonds circulent librement et tout le monde s'en porte mieux.

Maintenant qu'il a brouillé les cartes, le député reculera pour dire qu'il ne se préoccupe pas tellement des mouvements de fonds comme tels, mais des mouvements de gains en capitaux non imposés. D'une façon ou d'une autre, il affirme qu'il y a eu une fuite de deux milliards de dollars non imposés à l'extérieur du pays. Ici encore, la réalité est nettement moins excitante et beaucoup plus compliquée.

En fait, le Canada assujettit à l'impôt les gains de capitaux que des gens qui quittent le Canada ont accumulés sur leurs biens. Notre pays est l'un des seuls à faire cela. Nous avons des règles plus rigoureuses que celles des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l'Allemagne et du Japon. Nos règles sont plus rigoureuses que celles de la Suisse et de pratiquement tous les autres pays.

Nous n'imposons pas les gains de capitaux sur des biens qui se trouvent au Canada du fait que leurs propriétaires quittent le pays. Nous le ferons quand les gains sont réalisés ou, si une convention fiscale s'applique, c'est le nouveau pays qui imposera ces gains. Il ne s'agit pas d'une échappatoire. Ce n'est pas un avantage qui est uniquement à la disposition de gens riches ou de fiducies. Cela fait partie de notre régime fiscal depuis 1972. C'est une politique qui a du sens. On n'impose pas les gains réalisés à moins d'y être obligé. Nous pourrions avoir une autre politique et le comité a recommandé de se pencher là-dessus. Toutefois, cela ne justifie pas le genre de mépris que manifeste le député.

La question que Revenu Canada a dû trancher en 1985 et qui avait fait également l'objet d'une décision en 1991, c'est-à-dire sous le gouvernement conservateur précédent, consistait à voir si des actions représentaient des biens canadiens imposables. Il s'agit d'une question technique complexe. Il n'existait pas de réponse claire


4721

immédiate. En fin de compte, Revenu Canada a jugé que ce bien était un bien canadien imposable.

En mai dernier, le vérificateur général a dit qu'il se demandait si cette réponse avait bien été la bonne d'un point de vue technique. Dès que le ministre a été mis au courant des doutes du vérificateur général, il a chargé le comité des finances, composé de députés de tous les partis, d'examiner la question avec l'aide d'experts. Il n'a pas éludé la question. Il s'y est attaqué directement. Il ne s'en est pas remis à un expert. Il en a plutôt chargé un comité multipartite des finances en demandant à ses membres de consulter les experts, de recommander des témoins et d'en faire rapport.

(1135)

Le comité a invité l'opposition à recommander des experts qui pourraient contribuer à cet examen, et les experts en sont arrivés irrésistiblement à la conclusion que Revenu Canada avait raison. Il n'y avait pas de fuite de capitaux exempts d'impôt. Je le répète, il n'y avait pas de fuite de capitaux exempts d'impôt.

Les contribuables concernés n'ont pas payé d'impôt, c'est vrai, mais c'est parce qu'ils ne devaient pas d'impôt. Pas même le député qui a proposé la motion ne voudrait, j'en suis persuadé, que Revenu Canada perçoive des impôts qui ne sont pas dus.

La motion parle aussi d'autres capitaux qui fuient le pays, comme si le gouvernement avait ouvert quelque porte dérobée pour permettre aux gens de se soustraire à l'impôt. C'est absurde.

Le comité a constaté que les décisions rendues en 1985 et en 1991 n'avaient pas offert de nouvelles possibilités d'évasion fiscale. Même dans le cas peu probable où il existerait un moyen secret d'exploiter les règles actuelles qu'on n'aurait pas encore découvert, les contribuables ne pourraient pas être assurés que leurs stratagèmes d'évasion fiscale fonctionnent car la ministre du Revenu national a imposé un moratoire sur les décisions anticipées.

Il est vrai que l'on assiste actuellement à une fuite des capitaux, mais c'est en direction du Canada. Comme les gens d'affaires et les investisseurs du monde entier se rendent compte que le Canada constitue un excellent endroit où investir leur argent et faire des affaires, les capitaux affluent actuellement chez nous.

Malheureusement, le gouvernement séparatiste du Québec permet difficilement à cette province d'attirer chez elle sa part des nouveaux investissement. Il est compréhensible que le député tente de détourner l'attention des véritables problèmes, lesquels tiennent au fait que le gouvernement séparatiste du Québec n'attire pas dans la province les investissements qu'elle attirerait si le gouvernement y était différent.

Bien simplement, cette question, aussi importante soit-elle, n'a rien à voir avec une fuite de capitaux. Le problème fiscal qui se pose en l'occurrence n'est pas un problème de fuite de capitaux. Des gens entrent au Canada et en sortent tout le temps. Certains sont riches, d'autres sont pauvres. Certains ne doivent pas aucun impôt, mais cela ne signifie pas que notre système est extrêmement défectueux ni encore moins qu'il existe une conspiration de la part du gouvernement pour soustraire les gens à leurs obligations légales.

La motion affirme également que le gouvernement s'attaque à la crédibilité du vérificateur général. Le député a même dit que le comité l'avait dénoncé. Ce n'est absolument pas le cas. Ce ne sont que des balivernes.

Le député sait fort bien que le rapport du Comité des finances n'est rien de plus que ce qu'il est, c'est-à-dire un rapport du Comité des finances. Ce comité est formé de députés représentant tous les partis officiellement reconnus à la Chambre des communes. Le rôle que joue un comité parlementaire est essentiel dans notre régime démocratique. Les travaux du comité correspondent à la somme du travail de chacun de ses membres. Ils ne représentent pas la politique gouvernementale, seulement le travail des membres du comité.

Le gouvernement n'accepterait rien d'autre. Nous tenons trop à la contribution des comités de la Chambre. Même le député qui a proposé la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui ne voudrait pas d'un système où les travaux des comités n'étaient pas indépendants.

Je ne peux que conclure que le député omet de faire cette distinction, parce qu'il ne veut pas avoir à faire les choix difficiles au plan des politiques à établir qui sont recommandés dans le rapport. Pourquoi le faire quand il peut facilement faire beaucoup de tapage autour de cette histoire, répéter des accusations non pertinentes et défendre le vérificateur général contre des attaques non existantes. Voilà les tactiques qu'appliquent les députés de l'opposition et qui n'ont aucun rapport avec la question.

Bref, la motion est un excellent résumé de tout ce qui cloche dans la façon dont l'opposition officielle aborde trop souvent les questions fort complexes. Elle passe à côté de la véritable question. Elle répète des accusations non fondées. Elle reproche au gouvernement d'agir de façon irresponsable. Elle simplifie les grandes questions de politique publique au point où son discours devient incohérent. Tout ce que la motion dit est faux. Tout cela est ridicule. La motion sera rejetée par tous ceux qui croient à la démocratie parlementaire et à la primauté du droit.

(1140)

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet de la motion que l'opposition présente aujourd'hui. D'après ce que je peux voir, cette motion et toute cette affaire renvoient essentiellement aux deux grandes questions que voici.

D'abord, le gouvernement cherche-t-il à détourner l'attention de la façon dont cette affaire a été traitée en blâmant le vérificateur général? C'est la première grande question. Ensuite, il y a toute la question de la complexité de la fiscalité canadienne et de l'échec du gouvernement à prévoir une politique fiscale absolument claire qui empêcherait les querelles du genre de celle dont il est question aujourd'hui. Telles sont les deux grandes questions.


4722

Je tiens à dire quelques mots au sujet de cet incident. Il s'agit ici d'une série bizarre d'événements qui ont mené à une décision fiscale en 1991 et d'une série bizarre d'événements qui ont mené au présent débat, en 1996.

Il y a eu une décision fiscale qui n'a pas été rendue publique et qui est curieusement très mal documentée. Nous savons bien que cette décision a permis qu'une somme de 2 milliards de dollars quitte le Canada sans être imposée, comme elle aurait due l'être normalement. Je tiens à dire enfin que le vérificateur général a examiné cette affaire et n'y a trouvé aucun acte illicite.

Il reste bien des questions sans réponse, mais le gouvernement n'a vraiment pas su établir une politique fiscale claire. Il n'est vraiment pas correct ni responsable de la part des députés ministériels de s'en prendre au vérificateur général.

Le Bloc québécois est allé beaucoup trop loin en laissant entendre qu'il s'agissait ici d'un véritable scandale, que les Canadiens allaient se soulever. Les bloquistes exagèrent un peu.

Par ailleurs, la motion que présente aujourd'hui l'opposition nous donne l'occasion de parler un peu de ces deux questions, d'abord que le gouvernement blâme le vérificateur général pour faire oublier qu'il n'a pas su établir une politique fiscale claire et ensuite, comme le disent beaucoup de Canadiens, que notre fiscalité est extrêmement compliquée.

Ce que je considère comme la plus grave des deux, ce sont les efforts que déploie le gouvernement pour faire oublier qu'il n'a pas établi une politique fiscale claire en critiquant le vérificateur général.

C'est vraiment devenu une habitude pour le gouvernement. Je signale les réponses que le premier ministre a données récemment à des questions concernant l'enquête sur la Somalie. Il blâme quelqu'un d'autre, dans ce cas la commission d'enquête, pour ses propres problèmes. Il lui reproche d'être trop lente et trop dure pour les témoins.

Fidèle à son habitude, le parti ministériel tente de blâmer les autres. En l'occurrence, ses députés blâment le vérificateur général, un haut fonctionnaire de la Chambre, au lieu de reconnaître leur responsabilité. Le parti ministériel ne s'en tirera pas ainsi, et ses députés ne pourront pas continuer à blâmer les autres, notamment des organismes indépendants, lorsque quelque chose ne va pas.

Le gouvernement ne cesse de multiplier ses bévues, et, si vous me le permettez, j'aimerais parler brièvement de certaines d'entre elles.

Je déteste revenir là-dessus, mais j'estime de mon devoir de le faire, car c'est une des choses dont les gens ont le plus parlé ces derniers temps. C'est un sujet qui préoccupe beaucoup les Canadiens.

Je voudrais revenir sur toute la question de la promesse non tenue à l'égard de la TPS. Le gouvernement a blâmé les médias relativement au non-respect de cette promesse: «Mais non, nous n'avons pas promis de supprimer la TPS. Consultez notre livre rouge.» Évidemment, c'est exactement ce que le gouvernement a fait sur les ondes de la télévision nationale. Encore une fois, il a tenté de faire porter le blâme à autrui. C'est ce qu'il a fait à propos de la TPS sur les imprimés.

(1145)

Le premier ministre a écrit à la Don't Tax Reading Coalition pour lui dire qu'il supprimerait la TPS sur les imprimés. Par la suite, en 1992 et 1994, il y a eu des congrès d'orientation où le gouvernement s'est engagé à supprimer la TPS sur les imprimés. Maintenant, le gouvernement prétend que nous avons mal compris, que ce n'était pas vraiment ce qu'il voulait dire, et ce, même s'il en est fait état dans le hansard et dans toutes sortes de documents publics. Encore une fois, le gouvernement semble avoir de la difficulté à accepter quelque responsabilité que ce soit, comme dans le débat concernant le vérificateur général et sa critique de la politique fiscale.

Le gouvernement a promis de créer 150 000 places en garderie, mais il refuse de reconnaître qu'il a fait cette promesse. Je suis contre la création de ces places en garderie par le gouvernement. À notre avis, le gouvernement devrait adopter une ligne de conduite différente. Mais là n'est pas la question. Le gouvernement a fait une promesse dans le livre rouge et il essaie maintenant de s'en tirer en misant sur l'ambiguïté.

Parlons maintenant du récent débat sur les compressions visant la SRC. Dans le livre rouge, le gouvernement s'est engagé à fournir un financement stable à la SRC. La ministre du Patrimoine a été parmi les plus ardents défenseurs du financement de la SRC au fil des ans. À maintes occasions, elle a dit que nous devions protéger la SRC. À mon avis, il ne faut absolument pas protéger le financement de la télévision de la SRC, mais là n'est pas la question. Le gouvernement essaie de se soustraire à cette promesse en misant sur l'ambiguïté. Il essaie de nier les promesses qu'il a faites dans le passé. C'est ce qu'il a encore une fois essayé de faire avec le vérificateur général.

Selon le gouvernement, le vérificateur général ne devrait pas étudier ces secteurs d'activités. Le vérificateur ne devrait même pas examiner ce genre de choses parce que cela fait mal paraître le gouvernement. C'est bien malheureux, mais c'est comme ça. Le gouvernement doit jouer son rôle et commencer à assumer ses responsabilités.

Un autre secteur où le gouvernement tente de se délier d'une promesse et de se désister de ses responsabilités concerne la Commission canadienne du blé. Je me souviens très bien que, durant la campagne électorale, le premier ministre et l'actuel ministre de l'Agriculture ont dit qu'ils voulaient la tenue d'un plébiscite sur cette question. Cependant, il n'y a pas eu de plébiscite.

Nous savons tous que, depuis lors, le gouvernement a créé un groupe d'étude qui devait examiner toute la question de la Commission canadienne du blé, de son mandat et de l'opportunité d'offrir d'autres options aux agriculteurs. Le ministre a choisi lui-même les membres de ce groupe d'étude et a déclaré qu'il écouterait leurs recommandations. Il tente encore une fois de se désister. Le premier ministre et lui sont en train de préparer les Canadiens à l'idée qu'ils


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vont revenir sur une autre promesse. Le gouvernement cherche encore à se délier d'une responsabilité, d'une promesse qu'il a faite.

Ce n'est pas tout. Je voudrais maintenant parler de la principale promesse que les libéraux ont faite pendant la campagne électorale: la création de quantité d'emplois. Je voudrais simplement en parler plus en détail.

Les libéraux ont gagné les élections en partie à cause de leur promesse de créer une foule d'emplois. Ils ont encore une fois tenté de détourner les critiques du public, des partis d'opposition et d'autres personnes intéressées en ce qui concerne les fiducies familiales. Ils ont tenté d'en attribuer la responsabilité au vérificateur général. Cependant, je ne vois pas comment le vérificateur général, l'enquête sur la Somalie et tout autre facteur peuvent être responsables de l'échec manifeste et total du gouvernement sur le chapitre de la création d'emplois.

Comme en 1993, il y a encore 1,5 million de chômeurs au Canada. C'est un scandale. C'est ça que le Bloc québécois devrait appeler un scandale parce que c'en est vraiment un. Et il n'y a pas que les chômeurs, il y a aussi ceux qui sont sous-employés. Vingt-cinq pour cent des Canadiens sont sous-employés. La moitié des Canadiens craignent de perdre leur emploi. Il n'y a pratiquement personne qui ne connaît quelqu'un qui est au chômage ou qui a peur de ne pas trouver d'emploi à la fin de ses études. Quinze pour cent des jeunes sont sans emploi. Il y a même des titulaires de doctorat qui travaillent au salaire minimum dans des emplois pour lesquels ils sont certainement surqualifiés. Il faut que le gouvernement commence à accepter une part de responsabilité pour toutes ces promesses non tenues.

(1150)

Les députés d'en face diront que, en moyenne, le chômage est à la baisse. C'est comme dire, comme le dit le député de Calgary-Sud-Ouest de temps en temps, que l'homme qui a les pieds dans l'eau glacée et les cheveux en feu se sent assez bien en moyenne.

Lorsqu'on parle de chômage, on ne peut pas regarder des moyennes. Le chômage à Terre-Neuve est d'environ 20 p. 100, 25 p. 100, 50 p. 100 et même 70 p. 100 dans certaines localités. C'est une tragédie humaine aux proportions monumentales. La hausse de l'emploi en Alberta ne fait absolument rien pour aider les habitants de Terre-Neuve. Nous devons donc insister pour que le gouvernement commence à accepter une part de responsabilité pour toutes les promesses qu'il a faites.

Les habitants du Canada atlantique et du Québec ont désespérément besoin d'emplois. Le gouvernement ne peut pas continuer, comme il l'a fait dans le rapport du Comité des finances, à rejeter le blâme sur quelqu'un d'autre. Le gouvernement est responsable des leviers du pouvoir. C'est lui qui prend les décisions. Il a été élu en promettant de créer des emplois, beaucoup d'emplois.

Les Canadiens ont le droit de savoir ce que fait le gouvernement pour tenir sa promesse et, s'il ne la tient pas, ils s'attendent à ce qu'il accepte sa responsabilité au lieu de rejeter le blâme sur quelqu'un d'autre. Il est grand temps que le gouvernement commence à accepter sa responsabilité.

Lorsqu'un enfant de six ans n'accepte pas sa responsabilité, ce n'est pas bien. Mais quand des hommes et des femmes adultes, des gens capables, des gens qui sont censés être la crème de la crème, des gens qui sont à la tête de notre pays, refusent d'accepter leur responsabilité pour des promesses écrites en noir sur blanc dans le document sur lequel était fondée leur campagne électorale, c'est scandaleux. C'est ridicule.

Le gouvernement devra payer le prix. J'y verrai personnellement. Lorsque des gens font des promesses comme celles que le gouvernement a faites et refusent ensuite d'accepter leur responsabilité lorsqu'ils ne tiennent pas ces promesses, ils ne font que contribuer à l'attitude cynique que les Canadiens d'un bout à l'autre du pays ont aujourd'hui à l'égard des politiciens. Est-il étonnant que les gens aient si peu de respect pour les politiciens ces temps-ci? Pas du tout.

Le gouvernement a fait une autre promesse qu'il a habilement essayé de nous faire oublier. On lit ceci dans le livre rouge:

Nous désignerons un conseiller indépendant pour émettre des avis à l'intention des titulaires de charges publiques et des groupes de pression sur l'application du code de déontologie. Le conseiller sera nommé après concertation avec les chefs de tous les partis représentés à la Chambre des communes et fera rapport au Parlement.
Les libéraux sont au pouvoir depuis trois ans. Avons-nous un conseiller en déontologie qui fait rapport au Parlement? Non. Il y a quelqu'un que le premier ministre connaît bien et qui lui fait rapport à lui. Le premier ministre parle, nous dit-on, au conseiller en déontologie lorsque survient un scandale, mais après cet entretien, il revient et nous raconte ce que le conseiller lui a prétendument dit. Mais ce conseiller n'est pas un haut fonctionnaire de la Chambre des communes, loin de là.

Nous avons vu des cas comme celui de l'ancien ministre du Patrimoine canadien qui a rencontré des clients de son ministère lors d'un dîner-bénéfice. Nous avons demandé que ces cas soient soumis à un conseiller en éthique indépendant. Qu'avons-nous obtenu? Rien, en dépit du fait que le premier ministre et le gouvernement aient promis par écrit de faire quelque chose. Une autre promesse écrite, une autre promesse rompue. Une fois de plus, le gouvernement s'est soustrait à ses responsabilités et a déclaré: «Peut-être avons-nous été mal compris. Nous ne voulions pas dire ce qui est écrit dans le livre rouge.»

Je n'accepte pas cette excuse et les Canadiens non plus. C'est un ramassis totalement ridicule de. . .

M. Strahl: Utilisez les bons mots.

M. Solberg: Je dois les trouver, les bons mots. Un ramassis de mots trompeurs que les Canadiens ne croient pas. Les Canadiens en ont assez d'être trompés sur bien des sujets et ils ne l'acceptent plus.


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(1155)

J'ai parlé pendant quelques minutes de l'une des deux questions que je trouve importantes et qui se rattachent au débat sur les fiducies familiales et la critique que le Comité des finances a formulée contre le vérificateur général. J'ai parlé de la tentative faite par le gouvernement de se délester de ses responsabilités sur un fonctionnaire de la Chambre indépendant, en l'occurrence, le vérificateur général. Dans d'autres cas, le gouvernement a tenté de se délester de ses responsabilités sur toute personne sur qui il croyait pouvoir le faire.

La deuxième question que je voulais soulever est celle du régime fiscal exagérément complexe. Les libéraux sont au pouvoir depuis trois ans.

Pourquoi n'ont-ils pas clarifié l'aspect de la loi de l'impôt dont nous parlons aujourd'hui et qui fait l'objet d'une telle controverse? Personne n'a rien fait à ce sujet tant que la controverse n'a pas surgi et, pourtant, les libéraux forment le gouvernement depuis trois ans. Il est clair que les Canadiens sont préoccupés par la complexité du régime fiscal. Comme le député de Saint-Hyacinthe-Bagot l'a mentionné tout à l'heure, lorsque c'est le contribuable moyen qui doit 50 $ au gouvernement, celui-ci fait tout pour aller chercher cet argent. Tout le monde sait que le gouvernement a ajouté des effectifs au ministère du Revenu pour aller éplucher les livres de quiconque semble avoir oublié le moindre cent dans sa déclaration de revenus. Il n'y a pas de doute-et je suis sûr que les députés seront d'accord là-dessus-que les gens sont de plus en plus nombreux à se plaindre auprès de leurs députés de ce que le ministère du Revenu est devenu sans pitié pour gratter les fonds de tiroirs afin de générer plus de recettes pour le gouvernement. C'est une autre question que j'aborderai dans un moment.

Le régime fiscal est extrêmement compliqué. La Loi de l'impôt sur le revenu fait 2 000 pages. Il y a en ce moment 10 000 causes à caractère fiscal qui attendent le jugement des tribunaux. Plein de gens s'inquiètent sérieusement de la complexité du régime fiscal.

Notre parti a promis de se pencher sur cette question. Les gens ont le droit de comprendre comment fonctionne le régime fiscal. Quand le gouvernement retire aux gens la moitié de leur argent en impôts, les gens ont le droit de comprendre pourquoi et ce que le gouvernement se propose de faire de cet argent.

Depuis l'arrivée du gouvernement au pouvoir, il y a eu 33 augmentations d'impôt. J'ai l'impression que les gens accepteraient mieux le régime fiscal en général si les impôts n'étaient pas aussi élevés. Aujourd'hui, quelque chose comme la moitié d'un dollar gagné sert à payer des impôts. C'est scandaleux. Le Bloc Québécois parlait de scandale. C'est scandaleux.

Les gens ne se rendent peut-être pas compte que, depuis 1983, avec les conservateurs d'abord, puis les libéraux ensuite, l'impôt fédéral sur le revenu des particuliers a augmenté de 4 000 $ par an par contribuable. C'est absolument ridicule. Il y a aussi la taxe d'accise, qui a augmenté de 1 100 $ par année.

Le ministre des Finances nous a dit qu'il n'avait pas augmenté l'impôt des particuliers, mais c'est tout simplement faux. Il a augmenté l'impôt des particuliers. Il l'a fait par différents moyens. Depuis l'accession au pouvoir de ce gouvernement, il y a eu 33 hausses de divers impôts. Les gens ont vu la différence dans leur budget.

Quelqu'un me disait l'autre jour que, pour que les gens se rendent vraiment compte de ce que les gouvernements perçoivent sur leur revenu, ils devraient envoyer chaque mois un chèque à Revenu Canada pour payer leurs impôts, plutôt que les impôts ne soient directement retenus sur leurs chèques de paie. Les gens se rendraient alors compte à quel point ils sont durement imposés. Beaucoup de gens s'en rendent compte.

La famille canadienne moyenne, comptant quatre personnes, vit avec un revenu de quelque 54 000 $. Environ la moitié de cette somme, soit 27 000 $, sert à payer des impôts de toutes sortes. Si nous devions faire un chèque mensuel à Revenu Canada pour payer nos impôts, ce serait pour une somme largement supérieure à 2 000 $. Quelqu'un qui paie une hypothèque de 1 000 $ fait déjà un assez gros paiement mensuel. Que penser de faire un chèque de plus de 2 000 $ pour payer des impôts? C'est absolument révoltant.

(1200)

Nous parlons des gens qui ont peur de perdre leur emploi. Nous parlons de ceux qui ont peur de se lancer en affaires, parce qu'ils risquent de perdre l'argent qu'ils ont épargné. Comment peuvent-ils épargner pour la peine avec des impôts aussi élevés? On se demande pourquoi nous avons un problème de chômage dans ce pays. Pour moi, ce n'est pas un problème très compliqué. Lorsqu'on paie autant d'impôts, comment est-il possible d'économiser assez d'argent pour lancer une nouvelle entreprise? C'est pratiquement impossible.

Je vais vous donner un autre exemple de la façon dont le gouvernement nuit à la capacité des gens d'économiser pour lancer des entreprises et créer des emplois. C'est un exemple parfait de la façon dont le gouvernement a procédé avec les augmentations d'impôt.

Le 22 avril, il y a eu une modification des règles touchant le crédit de taxe sur les intrants fictif. C'est une question très complexe et lorsque j'essaie de l'expliquer les gens me regardent les yeux dans le vague. L'effet net de cette mesure c'est l'élimination d'un milliard de dollars du revenu des petites entreprises. Selon certaines évaluations cela s'élève à un milliard par année. Cela veut dire que ces petites entreprises doivent trouver un milliard ailleurs.

Où pensez-vous qu'elles le trouvent? Elles peuvent soit augmenter le prix qu'elles facturent aux consommateurs, et alors l'augmentation d'impôt est répercuté sur le consommateur, soit débaucher du personnel ou fermer leur entreprise. D'une façon comme d'une


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autre, il en résulte du chômage. Le gouvernement a fait cela maintes et maintes fois.

Lorsque l'on parle du régime fiscal et du point que j'essayais de faire valoir il y a quelques minutes, je pense que les gens seraient beaucoup plus prêts à souffrir un régime fiscal compliqué s'ils savaient que le gouvernement ne l'utilise pas pour les mystifier, pour augmenter les impôts sans que cela se voit comme il l'a fait maintes et maintes fois.

Un autre exemple est la décision de limiter le montant qu'une personne peut verser dans un REER. Ce n'est pas un impôt direct sur le revenu des particuliers, mais son effet est exactement le même que si le gouvernement mettait un tel impôt. Ce qui arrive, c'est que finalement les gens paient plus d'impôt du fait qu'ils ne peuvent pas économiser l'argent qu'ils économisaient précédemment en investissant dans un REER pour leur retraite. Par contre, le Régime de pensions du Canada est en difficulté et la réponse du gouvernement à cela c'est de limiter le montant que l'on peut verser à un REER, alors que cela sert aux gens à financer leur propre retraite.

Pourquoi ne pas donner aux gens la dignité d'être en mesure d'économiser pour leur retraite? Le gouvernement continue à travailler à la sauvette contre les intérêts de la population qui essaie de subvenir à ses besoins, de créer des emplois en lançant des petites entreprises, d'économiser quelques dollars pour prendre des vacances, financer les études universitaires de leurs enfants ou acheter enfin les choses que dans les années 60 et au début des années 70 on estimait normal d'avoir.

Je ne pense pas que les Canadiens demandent beaucoup. Ils ne veulent pas une utopie. Ils veulent le pays que nous avions auparavant. Ils veulent un pays où les budgets sont équilibrés, où les gouvernements vivent selon leurs moyens, où les gouvernements sont réduits et ne se mêlent pas de tout et de rien.

Les Canadiens souhaitent un partage raisonnable des responsabilités entre les divers ordres de gouvernement. Pourquoi faut-il que les divers ordres de gouvernement mettent leur nez dans tous les aspects de notre vie? Qu'avons-nous besoin de trois ordres de gouvernement pour s'occuper de l'environnement? À quoi bon avoir deux ordres de gouvernement qui interviennent dans les dossiers des mines, du tourisme et de l'agriculture? Les gens veulent un gouvernement de taille réduite. Ils souhaitent un budget équilibré. Ils aspirent à un régime fiscal qu'ils seront en mesure de comprendre. Je ne crois pas que ce soit déraisonnable.

(1205)

Les Canadiens, je crois, n'ont rien contre le fait de payer des impôts assez élevés pour que nous puissions nous offrir des programmes sociaux de base. Ils sont pour un régime d'assurance-santé et pour une forme quelconque de régime de retraite, mais ils ne veulent rien savoir de payer des impôts pour tous ces programmes sociaux farfelus qu'on a connus dans le passé. Ils ne veulent pas que les deniers publics soient consacrés à des programmes de formation professionnelle qui ne mènent nulle part, comme ça été si souvent le cas par le passé. Ils veulent qu'on fasse confiance à ceux qui s'y connaissent.

Les Canadiens ne veulent pas que leur argent aille enrichir des programmes de développement régional servant à financer toutes sortes d'entreprises qui profitent de cette manne pour rendre la vie dure à ceux-là mêmes qui ont acquitté la facture. C'est insensé. On pousse des entreprises prospères à fermer leurs portes ou à faire faillite en subventionnant des entreprises qui végétaient jusqu'alors. C'est insensé, mais le gouvernement ne comprend pas le message.

Je suis reconnaissant au Bloc d'avoir soulevé cette question aujourd'hui. Selon moi, elle fait ressortir deux sujets de préoccupation majeurs, et j'aimerais en toucher un mot avant de conclure.

L'irrégularité manifeste que le vérificateur général a signalée relativement au droit fiscal suscite deux grandes questions. Il y a d'abord le fait que le gouvernement a essayé de rejeter la faute sur le vérificateur général, qui nous a déjà fait épargner des milliards de dollars. Nous souhaiterions que tous ceux et toutes celles qui oeuvrent au sein du gouvernement se montrent aussi empressés à déceler les sources de gaspillage.

L'autre question majeure a trait à la complexité de notre régime fiscal. Notre député qui représente Calgary-Centre a passé des heures et des heures à faire valoir à l'ensemble des Canadiens l'urgence d'une réforme de notre régime fiscal. J'espère que ce débat convaincra le gouvernement de la nécessité d'agir.

Ma dernière observation concerne le vérificateur général. Il est très important que le gouvernement y songe à deux fois avant de critiquer des fonctionnaires indépendants et impartiaux. Ce n'est un secret pour personne que le vérificateur général actuel et ses prédécesseurs ont permis à la Chambre d'économiser des milliards de dollars au fil des ans.

Enfin, je compte bien que le gouvernement s'inspirera du vérificateur général et qu'il accordera autant de pouvoirs au conseiller en éthique. De cette façon, en tant que représentants de l'opposition, nous n'aurions pas à déplorer sans cesse tous ces scandales.

Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire de la ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais formuler une brève observation et poser ensuite une question au député.

Mon observation découle du discours décousu de notre vis-à-vis. Parfois, j'ai eu du mal à voir en quoi cela se rapportait à la motion dont nous sommes saisis. Quoi qu'il en soit, le député a fait une affirmation qui m'intéressait et je pense qu'elle reflète bien la position de son parti sur de nombreux sujets.

Il a dit que les Canadiens voulaient retrouver le gouvernement et le pays qu'ils avaient dans le passé. Je pense que c'est un grave problème. Nos vis-à-vis sont toujours tournés vers le passé. Malheureusement, le gouvernement se doit avant tout d'être tourné vers l'avenir. Le gouvernement libéral le fait dans le domaine du commerce, de l'imposition, etc. Il ne s'accroche pas au passé, mais regarde en avant dans le but d'assurer un meilleur avenir aux


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Canadiens. Pour ce faire, il gère de façon bien réfléchie et pratique notre régime fiscal, un régime extrêmement complexe..

Au Canada, le commerce international représente de plus en plus d'emplois pour nous. Lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir, 20 p. 100 des emplois au Canada dépendaient du commerce international. Cette proportion est maintenant passée à près d'un tiers. Une des choses qui nous a permis de réaliser cela, parmi tant d'autres, car les Canadiens sont des gens extrêmement productifs, c'est que nous avons un régime fiscal extrêmement sophistiqué, perfectionné et, par définition donc, complexe. Je sais que les réformistes aiment les choses simples, mais certaines choses sont complexes. La complexité de notre régime fiscal découle en partie du fait que nous devons commercer sur le marché international.

(1210)

De nos jours, de nombreuses sociétés sont internationales. Elles ne sont pas implantées dans un seul pays, ce sont plutôt des multinationales. Cela s'applique également aux Canadiens. Nos citoyens viennent du monde entier. Les investissements venus de l'extérieur du pays nous apportent des revenus et améliorent notre situation économique. Il y a également des gens qui quittent le pays à divers stades de leur vie. Beaucoup de gens viennent au Canada, y travaillent de nombreuses années, puis prennent leur retraite à l'étranger. Par contre, ils ne veulent pas se débarrasser de tous leurs biens et payer des impôts à ce moment-là. Certains peuvent vouloir conserver des biens ici et en tirer des revenus. Le fait que les Canadiens viennent de toutes sortes de pays complique beaucoup les choses à cet égard.

Les conventions fiscales internationales modifient la législation fiscale canadienne. Cela touche la notion fondamentale dont traite le rapport du Comité des finances. Il s'agit d'un document de 60 pages. On y parle de processus, de politique, mais au coeur de ce document, il y a le fait que le Canada est lié à d'autres pays par plus de 60 accords commerciaux bilatéraux. Cela aide les Canadiens à transiger sur le marché international. En fait, le régime fiscal canadien est modifié par nos conventions fiscales internationales. Ainsi, dans le cas des États-Unis, nous avons dix ans pour percevoir les impôts après le départ d'une personne du Canada.

Je vais donc poser la question suivante à notre collègue réformiste: Croit-il que nous devons respecter nos conventions fiscales internationales dans l'intérêt des Canadiens?

M. Solberg: Nous pensons évidemment que nous devons respecter les conventions fiscales, mais je dois absolument répondre à certaines affirmations de la députée.

Elle a parlé avec une certaine conviction des merveilleux avantages que procure le commerce international, notamment la création d'emplois et autres choses du genre. Je suis d'accord avec elle. Le commerce international représente une activité très importante au Canada.

J'aimerais savoir pourquoi la députée et ses collègues se sont opposés si énergiquement à des accords internationaux comme l'ALENA, puis ont rompu leur promesse de renégocier cet accord. Je trouve cela passablement étrange. Je parlais de promesses rompues. Je remercie la députée de m'avoir rappelé une importante promesse que les libéraux n'ont pas tenue, soit la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain. Ils n'en ont absolument rien fait. Je me demande bien sur qui ils vont jeter le blâme cette fois. Ils ne peuvent pas s'en prendre au vérificateur général. Ils vont sans doute devoir accepter une part de responsabilité.

En ce qui a trait à la complexité de notre régime fiscal, nous ne proposons pas de réduire des milliers de pages de décisions à une seule et unique page. Certainement pas. Nous croyons cependant qu'après trois ans en fonctions, le gouvernement aurait dû avoir clarifié cette mesure fiscale. Il emploie d'innombrables fiscalistes. Il est important que le gouvernement examine dès maintenant toutes ses politiques fiscales pour s'assurer qu'elles ne contiennent pas d'échappatoires importantes ou d'aspects litigieux qui pourraient permettre à des contribuables de soustraire deux milliards de dollars à l'impôt en le plaçant à l'étranger.

Le vice-président: Le député de Mississauga-Sud dispose d'une minute et son collègue aura ensuite une minute pour lui répondre.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, en ce qui concerne la fiscalité, le Parti réformiste préconise depuis longtemps un système d'impôt uniforme qui prévoit essentiellement une exemption de base, sans déductions, très simple. Ils préconisent aussi de remplacer les régimes de pensions établis par des REER. Je vois que le député hoche la tête en signe d'assentiment. Il reconnaît que ce sont là deux choses dont a parlé le Parti réformiste.

Essentiellement, un impôt uniforme ferait assumer une partie du fardeau fiscal de la classe à revenus élevés par les Canadiens à revenus moyens. Comment le député justifie-t-il un système qui ne permet aucune déduction, pas même pour les REER, alors que la position réformiste est que nous devrions avoir plus de REER pour pallier l'insuffisance du régime public?

M. Solberg: Monsieur le Président, il existe plus d'une version de l'impôt uniforme.

Le député de Calgary-Centre a présenté une version qui inclurait les REER et qui serait une version modifiée du système actuel. Elle serait de loin plus simple, de loin moins compliquée, et les gens pourraient la comprendre nettement mieux. Il est raisonnable. Il dit: «Ne rejetons pas tout ce que nous avons fait jusqu'à présent. N'oublions pas que le système fiscal actuel est ce qui soutient les différentes composantes de l'économie.»

(1215)

Si on l'élimine d'un seul coup, il y aura toutes sortes de retombées sur l'économie. Il a proposé une façon très raisonnable de simplifier le système, une façon qui permet encore aux gens d'épargner pour leur retraite, surtout maintenant que le gouverne-


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ment ne fait rien pour préserver le Régime de pensions du Canada et compromet ainsi l'avenir de nombreux Canadiens.

[Français]

M. Richard Bélisle (La Prairie, BQ): Monsieur le Président, depuis bientôt deux semaines déjà, le premier ministre et la ministre du Revenu, comme on l'a vu en Chambre, tentent d'esquiver les questions de l'opposition officielle qui touchent ce scandale des fiducies familiales ou encore le premier ministre et la ministre du Revenu tentent de banaliser ce transfert de deux milliards de dollars aux États-Unis en totale franchise d'impôt.

Oui, il s'agit réellement d'un scandale politique quand on voit un gouvernement qui tente, depuis trois ans, d'empêcher le vérificateur général de faire toute la lumière sur ce dossier et lorsque ce dernier réussit finalement à attirer l'attention du public canadien sur ce scandale financier, la majorité libérale du Comité des finances ne trouve rien de mieux que d'attaquer ce haut fonctionnaire qui n'a de compte à rendre qu'au Parlement.

Plutôt que de faire la lumière sur ce dossier qui sent l'opportunisme politique et la protection des amis du régime à plein nez, la ministre du Revenu a le front d'affirmer que le Bloc québécois induit la population en erreur dans cette affaire. Informer la population, c'est donc l'induire en erreur; belle philosophie que celle de ce gouvernement.

J'aime mieux croire le vérificateur général, véritable ombudsman des contribuables de ce pays, que la ministre du Revenu libérale. La ministre estime, selon la presse canadienne, que les fiducies familiales ne sont pas en cause mais plutôt les conditions qui régissent le transfert d'argent à l'étranger. Ce que l'on sait, c'est que deux milliards de dollars ont quitté le Canada sans qu'un sou d'impôt ne soit payé et que ces fonds provenaient de fiducies familiales.

Les libéraux attaquent de plein fouet la crédibilité d'une des plus importantes institutions de notre système parlementaire, le Bureau du vérificateur général du Canada. Leur rapport arrive à une interprétation abusive et déformée de la Loi de l'impôt pour justifier l'incohérence de Revenu Canada et du ministère des Finances en s'appuyant aveuglément sur le témoignage de six experts du secteur privé manifestement en conflit d'intérêts.

Dans son rapport, la majorité libérale du Comité des finances s'est lancée dans une attaque sans précédent contre le Bureau du vérificateur général du Canada, une des institutions les plus respectées de notre système démocratique. Déjà durant les audiences du Comité, nous avons pu assister à des scènes disgracieuses où, pendant près de deux heures, le président du Comité des finances lui-même s'attaquait de façon démesurée et arrogante à la crédibilité du vérificateur général.

Lorsqu'on analyse le rôle et le mandat du vérificateur général, on voit vite les limites que veut lui imposer la majorité libérale. Le Bureau du vérificateur général a un rôle de première importance en

effectuant une évaluation indépendante de l'information présentée au Parlement par le gouvernement. Une décision de Revenu Canada, qui semble aller à l'encontre de l'esprit de la Loi de l'impôt, a été prise, il faut s'en souvenir, à toute vapeur, sans note et sans procès-verbal aucun, un 23 décembre, «qui pourrait coûter des centaines de millions de dollars aux contribuables canadiens», selon le vérificateur général.

Cette question mérite-t-elle d'être portée à l'attention de la Chambre des communes? Poser la question, c'est y répondre.

(1220)

La loi d'où le vérificateur général tire son mandat est sans équivoque. La majorité libéral s'y attaque néanmoins en tentant de discréditer le rôle du vérificateur général pour des raisons carrément politiques.

Dans ses rapports de 1984, 1985, 1987, 1990, 1992 et même 1993, le vérificateur général s'est permis d'analyser l'application de la Loi de l'impôt sans que personne ne remette en doute, à ce moment-là, son mandat, son expertise ou même la pertinence de son intervention. Au contraire, souvenez-vous, les libéraux alors dans l'opposition n'ont pas hésité à se servir du rapport du vérificateur général pour attaquer le gouvernement conservateur. Alors comment expliquer aujourd'hui cette attaque en règle de la majorité libérale contre un pilier de notre système d'imputabilité parlementaire.

L'étude de l'ensemble des événements qui ont suivi le dépôt du rapport fait ressortir la partisanerie manifeste du gouvernement libéral qui tente d'étouffer toute cette affaire.

À la suite des révélations du quotidien The Globe and Mail, le gouvernement a muselé le Comité permanent des comptes publics en renvoyant la question des fiducies familiales au Comité permanent des finances où le président n'est pas, évidemment, issu de l'opposition.

Pour le Bloc québécois, il est évident que ce changement d'attitude traduit la mauvaise foi des libéraux qui cherchent, par des mesures dilatoires, à étouffer ce scandale et, par des attaques injustifiées, à miner la crédibilité du vérificateur général lui-même.

Durant les deux années où j'ai présidé le Comité permanent des comptes publics, je me souviens à quel point le vérificateur général imposait le respect à tous les députés, même les députés libéraux. Pourquoi ce revirement soudain? Pourquoi ces députés libéraux qui ont siégé ou qui siègent encore aujourd'hui au Comité permanent des comptes publics sont-il soudainement muselés? Cette volte-face des libéraux nous ramène à l'influence exercée par des intérêts partisans et probablement par d'amis du Parti libéral et par des donateurs à la caisse électorale des libéraux.


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Les leçons à tirer de cette saga peu édifiante pour les députés d'en face sont que le gouvernement cherche à protéger des personnes proches des hautes sphères politiques ayant bénéficié des largesses de Revenu Canada, voire même un possible conflit d'intérêts.

Par le dépôt de son rapport, la majorité libérale témoigne du peu de respect qu'elle voue aux institutions parlementaires et réussit brillamment à perpétuer le cynisme de la population face à des politiciens qui se vouent plus aux intérêts de leur parti qu'au bon fonctionnement du gouvernement.

Voyons le déroulement de cette histoire littéralement époustouflante. Le vérificateur général a examiné deux décisions anticipées concernant le transfert aux États-Unis de biens valant au moins deux milliards de dollars détenus auparavant par des fiducies familiales canadiennes, quoiqu'en dise la ministre du Revenu.

Le Comité permanent des finances a ensuite été mandaté par le ministre des Finances lui-même pour étudier les dispositions ambiguës de la Loi de l'impôt sur le revenu soulevées dans le rapport du vérificateur général. Pendant ce temps, pour analyser et interpréter correctement la loi, le Comité permanent des finances a fait témoigner une série d'experts en fiscalité. Et dans son rapport contre toute attente, ce même Comité permanent des finances endosse sans réserve l'interprétation avancée par Revenu Canada en se basant uniquement sur le témoignage de six des huit experts invités plus tôt cet été à témoigner devant le comité, sans même se prononcer sur la pertinence des témoignages entendus.

La majorité libérale n'a retenu que les commentaires des fiscalistes praticiens pouvant effectuer eux-mêmes une telle manoeuvre de planification fiscale pour leurs clients. Mais les libéraux n'ont jamais cru bon d'intégrer dans leur rapport les commentaires d'une personne neutre comme l'éminent professeur Brooks de la Faculté de droit de Toronto.

(1225)

La question de fond que le Comité permanent des finances devait trancher dans ce dossier était de savoir si la volonté du législateur était claire. Est-ce que oui ou non les résidants canadiens peuvent posséder des biens canadiens imposables? Voilà toute la question.

Le document de la majorité libérale le mentionne également dans son rapport, et je cite: «La question essentielle dont les décisions dépendaient en dernière analyse était de savoir si ces biens pouvaient être des biens canadiens imposables d'un résidant du Canada.»

Si la réponse est oui, il est alors possible pour un résidant canadien de transférer des biens à l'étranger en évitant l'imposition immédiate par le fisc canadien. Dans le cas concerné, les impôts seront perçus par le gouvernement américain plutôt que par le gouvernement canadien, si les biens transférés sont vendus plus de dix ans après le transfert. Si, au contraire, la réponse est non, comme nous le croyons, c'est-à-dire qu'on ne peut appliquer à un résidant canadien la notion de biens canadiens imposables, alors les gains en capital seraient réputés taxables dès que les biens quittent le pays.

Les biens canadiens imposables étaient, jusqu'à la décision anticipée, car il s'agit bien d'une décision anticipée de Revenu Canada de 1991, l'apanage des non-résidants exclusivement. L'intention du législateur à cet effet était, selon toute vraisemblance, d'encadrer la taxation des gains en capital réalisés par les non-résidants. Cependant, l'alinéa 85(1)i) de la loi indique bien «que les actions de sociétés publiques constituent des biens canadiens imposables lorsqu'elles sont reçues en contrepartie d'actions de sociétés privées».

C'est ce qu'a fait valoir la fiducie dans sa demande de décision anticipée. Toutefois, selon l'économie de la loi, cette disposition s'applique uniquement lorsque les actions de sociétés publiques sont reçues par des non-résidants. Dans la loi, lorsque l'utilisation de la notion de biens canadiens imposables devient pertinente pour un résidant, celle-ci est habituellement précise. Les exemples suivants le démontrent amplement.

L'alinéa 48(1)a) nous mentionne, et je cite: «[. . .] qu'un bien qui serait un bien canadien imposable si le contribuable n'avait en aucun moment de l'année résidé au Canada.»

Également, le paragraphe 107(5) stipule, et je cite à nouveau: «[. . .] ni des biens qui seraient des biens canadiens imposables si la fiducie n'avait résidé au Canada à aucun moment de l'année d'imposition au cours de laquelle elle distribue les biens.»

La décision de Revenu Canada stipule que des résidants peuvent donc posséder des biens canadiens imposables, ce qui, en soi, constitue un précédent dangereux basé uniquement sur le paragraphe 97(2) de la loi. Le rapport de la majorité libérale n'a jamais remis en question l'utilisation d'un simple alinéa de l'article 97 limité à l'imposition des sociétés de personnes pour trancher sur l'intention du législateur d'un enjeu aussi important.

La majorité libérale s'est plutôt contentée de se fier aveuglément à l'analyse de six des huit experts invités, souvenez-vous, tous provenant de firmes impliquées dans ce type de transactions pour des clients privés.

La proposition du Bloc québécois n'est on ne peut plus claire, même si le coeur du problème repose entièrement sur la détention de biens canadiens imposables par les résidants, ce point n'a pas été analysé dans le rapport majoritaire. Jamais l'utilisation du paragraphe 97(2), à l'effet que les résidants canadiens peuvent détenir des biens canadiens imposables, n'a été remise en cause.

Pourtant, il nous semble évident que l'utilisation de cet article de la loi dans la détermination de l'imposition des transferts de biens d'une fiducie familiale à l'extérieur du Canada va, dans le cas de biens canadiens imposables, à l'encontre de l'intention du législateur. Seuls les non-résidants devraient pouvoir utiliser cette notion précise de biens canadiens imposables, et c'est bien encadré dans la loi.

(1230)

Par conséquent, l'alinéa 97(2)c) de la Loi devrait être abrogé, ce qui éliminerait du même coup ce genre de planification fiscale, que dénonce avec raison le vérificateur général du Canada.

Notre position rejoint aussi celle du professeur Neil Brooks, un expert-conseil dont on ne peut douter de la totale impartialité, et je cite ce qu'il disait:


4729

[Traduction]

«À mon avis, la décision rendue dans le cas de ce contribuable n'est pas conforme à la loi ni à la politique et est dépourvue de bon sens.»

[Français]

Ça ne peut être plus clair, tel que le souligne le professeur Brooks:

[Traduction]

«N'est pas conforme à la loi ni à la politique et est dépourvue de bon sens.»

[Français]

Les autres témoins experts n'ont, en aucun cas, remis en question cette argumentation du professeur Brooks. La volonté du législateur est évidente. Le vérificateur général soutient de plus que la loi-plus précisément les paragraphes 107(5), 115(1) 128(1) et 85(1)-est relativement claire sur la volonté du législateur de faire en sorte que les résidents canadiens ne puissent posséder des «biens canadiens imposables».

Conséquemment, à la suite des constatations du vérificateur général et aux témoignages des experts invités à témoigner devant le Comité permanent des finances, force nous est de proposer aujourd'hui trois recommandations et, en ce sens, j'appuie entièrement les trois recommandations du rapport minoritaire du Bloc québécois et j'appuie également le motion sur les fiducies familiales du député de Saint-Hyacinthe-Bagot, qui été déposée aujourd'hui.

Il faut que l'alinéa 97(2)c) soit abrogé afin d'éliminer l'ambiguïté soulevée par le vérificateur général dans son rapport.

La définition de «biens canadiens imposables» doit être également corrigée dans les plus brefs délais afin que les résidents ne puissent pas détenir de «biens canadiens imposables». C'est la façon la plus simple et la plus sûre d'éliminer la possibilité d'évitement fiscal par le transfert d'actifs vers l'étranger

Il faut enfin que la décision de 1991 soit révoquée, de manière qu'à compter d'aujourd'hui personne ne puisse utiliser cette décision pour éviter des impôts qui sont dus à tous les contribuables canadiens.

[Traduction]

Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire de la ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je pense qu'il est nécessaire de commenter encore une fois certaines des questions que le député a soulevées.

D'abord, le rapport du Comité des finances, document public déposé à la Chambre, concluait qu'il n'y avait ni échappatoire ni évasion fiscale en cause. Revenu Canada a appliqué la loi correctement.

Ensuite, je répète que le Canada a l'un des régimes fiscaux les plus impitoyables pour l'imposition des gens qui déménagent à l'étranger. Le fait que le Canada n'impose pas certains gains avant qu'ils soient réalisés ne constitue pas une échappatoire, pas plus que le fait que nos conventions fiscales nous donnent le droit d'imposer certains gains tandis que les autres signataires de ces conventions peuvent imposer d'autres gains. Le principal élément de ces conventions, c'est le traitement du cas des personnes qui déménagent à l'extérieur du pays. C'est de cela que nous parlons, le traitement fiscal de ces personnes au moment où elles quittent le pays. Il y a des règles très précises à leur égard dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

Je suis avocate et je n'ai jamais entendu dire qu'un alinéa puisse avoir priorité sur un autre, à moins que ce soit explicitement énoncé dans la loi. Donc, de dire que ce n'est là qu'un petit alinéa dont on ne devrait pas s'occuper, c'est ridicule. Les spécialistes ont appuyé cette décision dans une réunion tout à fait publique et ouverte qui a duré, je crois, plus de six heures, au printemps dernier. Des députés de l'opposition y participaient.

Encore une fois, l'opposition nous a présenté un rapport minoritaire. De là découle cette motion dont nous sommes saisis aujourd'hui et qui n'est que de la politicaillerie. Cette motion ne reflète pas la réalité. La réalité de la loi de l'impôt, aujourd'hui, au Canada, est très complexe. Tout gouvernement a le devoir de s'améliorer constamment.

Le rapport présentait des recommandations très précises au ministre des Finances. Le rapport a été déposé. Ces recommandations ont été présentées et elles seront étudiées en temps et lieu. Les Canadiens méritent le meilleur droit fiscal que nous puissions imaginer, mais il doit être équitable. Le processus doit être transparent. Nous avons certainement eu droit à un processus transparent.

(1235)

Il est tout à fait incroyable que le député puisse penser qu'une décision de principe concernant la fiscalité ne devrait pas faire l'objet d'un débat au comité des finances. Il ne sait peut-être pas que le vérificateur général, après avoir déposé son rapport, a lui-même écrit au président du comité des finances pour indiquer que ces parties de son rapport étaient du ressort du comité des finances et que ce dernier pourrait peut-être les examiner. Ça, c'est la réalité.

Nous assistons à un parfait exemple de politicaillerie. Je sais que la fonction de l'opposition, c'est justement de faire de la politique. Cependant, malheureusement pour elle, la tâche du gouvernement est de gouverner et celui qui gouverne doit le faire à partir des faits réels.

[Français]

M. Bélisle: Monsieur le Président, la secrétaire parlementaire nous dit qu'il s'agit d'un document public et que les objections de l'opposition ne sont que des objections de nature politique. J'aimerais répondre à l'honorable secrétaire parlementaire en lui soumettant les trois éléments suivants.

J'aimerais d'abord lui dire que ceux qui appuient le gouvernement ne sont en fait que six experts, six experts parmi les huit qui ont témoigné devant le Comité des finances. Et, comme tous le savent, ces six experts sont d'emblée liés, très impliqués directement avec de riches familles canadiennes. Il y a le professeur Brooks que j'ai mentionné un peu plus tôt dans mon exposé qui n'était pas du tout de cet avis.

J'aimerais également mentionné à la secrétaire parlementaire que le groupe Choices, qui est un nouveau groupe, appuie la recommandation du vérificateur général et ce groupe a même l'intention de contester la décision de Revenu Canada devant les tribunaux.


4730

J'aimerais également dire à la secrétaire parlementaire que même si la légalité de la décision de Revenu Canada est douteuse, je pense qu'il faut également regarder la moralité de cette décision pour tous les contribuables canadiens.

Je voudrais aussi souligner un troisième élément. Comme le soulignait, ce matin, mon collègue le député de Saint-Hyacinthe-Bagot, cette décision a été prise en catimini à 24 heures de Noël, l'avant-veille de Noël. On sait que cet avis avait été refusé par des fonctionnaires juniors pendant plusieurs mois en 1991.

Soudainement, à 24 heures de Noël, comme le dit le député de Saint-Hyacinthe-Bagot, alors que la dinde était sur toutes les tables canadiennes, il y a des hauts fonctionnaires de Revenu Canada et de Finances Canada qui se sont penchés sur le cas et qui ont permis, à quelques heures d'avis, aux deux milliards de sortir du Canada. C'est vraiment scandaleux.

[Traduction]

Le vice-président: Le député de Cariboo-Chilcotin dispose d'environ une minute pour poser une question ou faire une observation. Ensuite, nous passerons au débat.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, pour commencer, j'aimerais remercier le député et le Bloc québécois d'avoir proposé cette motion à la Chambre aujourd'hui.

J'aimerais savoir si les députés bloquistes vont faire ressortir la tendance actuelle du gouvernement à de plus en plus. . .

Le vice-président: Le député a-t-il fini de poser sa question? Dans la négative, pourrait-il le faire tout de suite?

(1240)

M. Mayfield: J'aimerais savoir ce que les bloquistes modifieraient dans la loi pour empêcher le gouvernement d'agir de cette façon.

[Français]

M. Bélisle: Monsieur le Président, je suis d'accord avec ce que sous-entend le député réformiste. Il faudrait sans délai modifier la législation canadienne, modifier la Loi de l'impôt et empêcher qu'à l'avenir des sommes aussi astronomiques que ce qu'on a vu en 1991 puissent franchir la frontière quelques heures avant la fin de l'année financière.

Je pense qu'il faut sans délai que le Comité des finances, au lieu d'essayer de mettre le vérificateur général en boîte, au lieu de l'empêcher de remplir sa mission, de l'empêcher d'être un véritable ombudsman face aux contribuables canadiens, se penche sur cet aspect de la loi et empêche qu'à l'avenir de telles sommes puissent franchir la frontière canadienne en toute franchise d'impôt.

[Traduction]

M. Jim Peterson (Willowdale, Lib.): Monsieur le Président, récemment, le vérificateur général a fait un rapport au Parlement sur certaines décisions fiscales prises par Revenu Canada, l'une en 1985 et l'autre en 1991. Ce rapport a été publié six ans après la plus récente décision. En essence, il dit: «Les décisions violent peut-être l'esprit de la loi.»

Le vérificateur général a bien voulu m'envoyer par courrier copie de son rapport au Parlement. En tant que président du Comité des finances, j'ai pris cela très au sérieux, tout comme le gouvernement a pris cette question très au sérieux. Nous avions donc une des institutions et un des groupes de particuliers les plus respectés et les plus importants dans le processus parlementaire qui nous disaient qu'il y avait peut-être eu une mauvaise interprétation ou une mauvaise application de la loi. C'est une accusation très grave.

Très rapidement, les membres du Comité des finances ont fait venir le vérificateur général et ses fonctionnaires et leur ont demandé d'expliquer un peu plus en détail ce qui s'était produit. Ce n'était pas la fin de nos discussions. Nous avons également convoqué des fonctionnaires des ministères du Revenu national, de la Justice et des Finances pour nous aider à démêler cette question.

Voici essentiellement ce que le vérificateur général nous a déclaré: «Nous n'avons absolument aucune preuve d'irrégularités de la part de fonctionnaires du Canada. Nous n'avons absolument aucune preuve d'intervention politique, mais nous continuons à penser que la loi a été mal appliquée.» C'est une partie extrêmement complexe de la loi et, comme le disait le vérificateur général, c'est une partie de la loi qui est très ambiguë.

Il y a des dispositions dans la Loi de l'impôt sur le revenu qui pointent dans une certaine direction et d'autres dispositions qui pointent dans une direction opposée. Je souhaiterais qu'il n'en soit pas ainsi, mais notre Loi de l'impôt sur le revenu est très volumineuse et il n'y a pas un seul spécialiste au Canada aujourd'hui qui puisse dire honnêtement qu'il en comprend tous les aspects. La profession a dû se subdiviser et ses membres se spécialisent sur certains aspects particuliers de la Loi de l'impôt sur le revenu. Pour compliquer encore les choses, il n'y a pas que la Loi de l'impôt sur le revenu, il y a aussi le traité fiscal entre le Canada et les États-Unis qui apporte des complications supplémentaires.

(1245)

Qu'avons-nous fait en tant que comité? Nous avons décidé que puisque le vérificateur général et ses fonctionnaires estimaient qu'il y avait eu une mauvaise application de la loi, et que nous ne sommes pas des spécialistes, ni ne pouvions espérer être les arbitres définitifs d'un différend de cette nature, nous avons demandé à un groupe de spécialistes de la fiscalité-non pas des spécialistes en général, mais des spécialistes internationaux-de venir devant notre comité. Le vérificateur général a suggéré certains noms. Le professeur Neil Brooks, d'Osgoode Hall, a comparu devant le comité à la demande du vérificateur général. Tous les partis d'opposition avaient une occasion de proposer des experts.

Nous avons demandé à ces experts si la décision anticipée qu'ont rendue les fonctionnaires de Revenu Canada constituait une application irrégulière de la loi. Sur les huit experts présents, un seul a dit: «C'est possible.» Le professeur Brooks a dit: «Assurément.» Les six autres ont dit: «Il ne s'agissait absolument pas d'une application irrégulière de la loi.» C'est ce que nous avons rapporté au Parlement.


4731

À cette question de savoir si cette décision difficile qu'ont rendue les fonctionnaires de Revenu Canada était bonne ou non se superpose la situation suivante: lorsque la population a appris que la décision anticipée portait sur quelque 2 milliards de dollars qui avaient été transférés du Canada aux États-Unis par des fiducies familiales, presque immédiatement après la diffusion de ce rapport, les rumeurs ont circulé au sujet de l'identité précise du contribuable en question. Cela a soulevé d'énormes préoccupations dans tout le milieu de la fiscalité au Canada. Notre système volontaire d'observation et de déclaration fiscales repose sur le respect constant de l'anonymat du contribuable. Violer cet anonymat constitue une infraction pénale.

De toute évidence, le vérificateur général est préoccupé par cela. Il nous a présenté une opinion disant que ce qu'il avait rendu public ne violait pas la loi. Cela n'a jamais préoccupé le comité. La préoccupation que nous a exprimée le milieu de la fiscalité au Canada, c'est que, si quelqu'un ne peut pas demander une décision fiscale anticipée sans craindre que son nom soit divulgué dans la presse, pourquoi demander une décision? Si quelqu'un peut contester publiquement une décision fiscale et que le nom du contribuable risque d'être dévoilé, quel effet cela aura-t-il sur le processus de décision?

Dans le rapport qu'il a présenté au Parlement il y a quelques années, le vérificateur général a dit: «La question est extrêmement importante. Lorsque des lois sont complexes et ambiguës, les contribuables ont besoin de la certitude que confèrent des décisions anticipées.» Nous sommes certes d'accord avec lui.

(1250)

Dans notre rapport, nous avons dit qu'il était essentiel que tous les députés, tous les membres du Comité des finances, tous les membres du gouvernement, tous les fonctionnaires de ministères, notamment ceux du Revenu, de la Justice ou des Finances, et le Bureau du vérificateur général, respectent la confidentialité des renseignements touchant les contribuables. Il nous incombe, à la Chambre des communes et ailleurs, de nous assurer que nous respectons ce caractère confidentiel pour préserver toute l'intégrité d'un système d'imposition basé sur une observation volontaire des règles du jeu.

Le Bloc québécois essaie de faire toute une histoire au sujet de cette question. Les bloquistes ont déclaré que la divulgation de renseignements confidentiels n'était pas attribuable au vérificateur général qui avait rendus publics des renseignements détaillés, mais bien à une source de l'intérieur du gouvernement fédéral lui-même qui avait divulgué les noms en question. Les bloquistes ne nous ont jamais proposé de faire comparaître cette personne ni dit qui elle était. Ils prétendent qu'un fonctionnaire du gouvernement a divulgué des renseignements personnels.

Ce faisant, ils calomnient les ministères du Revenu ou des Finances dans l'ensemble. S'ils veulent faire cette accusation, ils doivent alors préciser le nom de cette personne plutôt que de se contenter d'allégations.

Les bloquistes affirment également que le gouvernement a muselé le Comité des comptes publics en transférant la question des fiducies familiales au Comité des finances. Le porte-parole du Bloc québécois s'est mis en rapport avec moi et m'a dit que son parti voulait s'assurer que le Comité des finances étudie cette question. Pourquoi a-t-il changé d'idée? Après tout, le comité étudiait les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ne sont-elles pas du ressort du Comité des finances? Le vérificateur général nous a demandé de les examiner, non? Le gouvernement nous a chargé de les étudier, n'est-ce pas? Cela relèvent de nos responsabilités.

N'essayons pas de dire que le Comité des finances a tenté d'empêcher la discussion sur cette question. Nous avons offert à tous les partis d'opposition de tenir d'autres séances et de convoquer d'autres témoins, s'ils le voulaient. Ils ont dit en avoir entendus suffisamment.

Qu'avons-nous fait au Comité des finances après la tenue de ces audiences? Nous avons fait rapport de tout ce que nous avons entendu de la part de la grande majorité des fiscalistes canadiens, qui viennent des firmes les plus connues au Canada, par exemple Davies, Ward & Beck, Goodman & Carr, Ernst & Young, Coopers & Lybrand, qui se spécialisent dans ces questions, ainsi que les représentants de Davies, Warden and Beck et de Stikeman Elliot, qui traitent de ces questions quotidiennement. Ils ont déclaré que la décision de Revenu Canada n'était pas irrégulière.

Qu'avons-nous aussi appris au cours des audiences? Nous avons appris qu'avant de rendre sa décision, Revenu Canada avait fait deux ou trois démarches. Le ministère avait demandé à un avocat de la Justice qui conseille les fonctionnaires de Revenu Canada d'interpréter cette partie complexe et ambiguë de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'avocat avait dit: «Nous sommes d'avis que, d'après le libellé de la Loi de l'impôt sur le revenu, des biens canadiens imposables peuvent appartenir à un résidant du Canada.» C'était la question technique. Toutefois, Revenu Canada ne s'est pas arrêté à l'opinion de l'avocat du ministère de la Justice. Il s'est adressé aux fonctionnaires du ministère des Finances. Il leur a demandé: «D'après vous, quel est l'esprit de la loi? Les résidants du Canada peuvent-ils posséder des biens canadiens imposables?» Les fonctionnaires des Finances ont répondu par l'affirmative.

(1255)

Je demande à chaque député d'imaginer la situation suivante. Vous travaillez au ministère du Revenu national et on vous demande de rendre une décision. Vous vous rendez compte que la question est complexe et ambiguë. Vous consultez les avocats du ministère. Vous faites même davantage et demandez au ministère des Finances ce qu'est, à son avis, l'esprit de la loi. En votre qualité de fonctionnaire, avez-vous une obligation supérieure à celle qui consiste à consulter les avocats de votre ministère et du ministère des Finances? Pourquoi le fonctionnaire d'un ministère qui s'interroge sur une question serait-il tenu d'aller consulter le vérificateur général avant d'agir?

Quelle norme essayons-nous d'imposer à nos fonctionnaires, qui ne sont pas à Ottawa pour s'enrichir? Nous savons que cela leur est impossible. Les salaires des fonctionnaires sont gelés depuis cinq ans. Si quelqu'un veut devenir riche, il va dans le secteur privé. Quel degré de zèle nous, politiciens, voulons-nous leur imposer? Je soutiens que les fonctionnaires du Revenu n'auraient pas pu exercer plus de zèle qu'ils ne l'ont fait quand ils ont consulté leurs juristes et les fonctionnaires des Finances en sachant que la loi n'était pas certaine.


4732

Qu'avons-nous recommandé en tant que comité des finances? Voici ce que nous avons dit au vérificateur général: «Malgré que nous ayons des doutes quant à la façon dont vos révélations ont donné lieu à des conjectures sur l'identité du contribuable et malgré le fait que les experts que nous avons fait comparaître devant nous ne sont pas d'accord avec votre interprétation de la loi, c'est-à-dire qu'elle n'aurait pas dû être interprétée ainsi, sauf le professeur Neil Brooks, qui est souvent appelé à comparaître comme témoin devant notre comité, toujours à la demande du Bloc québécois mais cette fois-ci à la demande du vérificateur général, même si nous ne reconnaissons pas que cette décision a pu mal interpréter l'intention de la loi, nous estimons néanmoins que l'argument que vous avez soutenu devant nous est crucial. Nous croyons que vous avez découvert une échappatoire dans la loi, un point sur lequel nous devons modifier la loi.»

Voilà pourquoi nous avons recommandé dans notre rapport plusieurs modifications à la loi, des modifications qui vont beaucoup plus loin que celles qui sont proposées dans le rapport minoritaire du Bloc. Nos suggestions pour mettre fin aux échappatoires et pour resserrer le filet fiscal canadien vont beaucoup plus loin que ce que les partis d'opposition ont dit qu'ils feraient. Par conséquent, avant de nous critiquer, ils devraient examiner leurs propres jugements afin peut-être de les réviser.

Soyons bien clair. Outre le fait que les dispositions de la loi sur l'impôt sont très complexes et très ambiguës sur ce point, les témoins que nous avons entendus ont fait remarquer que le Canada possède déjà probablement, avec peut-être l'Australie et le Danemark, le filet fiscal le plus serré qui soit en ce qui concerne les contribuables quittant le pays. Malgré cela, nous avons recommandé que le gouvernement prenne rapidement des mesures pour resserrer ce filet fiscal encore davantage.

Nous avons dit que nous devrions examiner les réalisations supposées s'appliquant aux biens que possède un contribuable qui quitte le pays. Nous ne voudrions pas percevoir l'impôt immédiatement, ce serait trop bête. Parfois, les gens quittent le pays pour s'établir à l'étranger, mais gardent quand même des intérêts dans une petite entreprise ou encore un immeuble d'appartements ou une maison. Faut-il percevoir l'impôt dès qu'ils quittent le pays ou seulement lorsqu'ils vendent leurs biens?

(1300)

Nous n'avons pas l'intention d'agir bêtement. Il nous faut reconnaître que, dans le cadre de notre régime fiscal, il y a des gens différents, des circonstances différentes et, par conséquent, des besoins différents.

Nous nous sommes clairement prononcés contre les événements qui se sont produits, c'est-à-dire le fait que les fiducies puissent sortir de grandes sommes d'argent du Canada. Nous avons recommandé que ce genre de pratique soit interdite à l'avenir.

Nous avons recommandé de multiplier les exigences en matière de déclaration, dans le cas des Canadiens qui quittent le pays, de façon à ce que Revenu Canada ait un moyen de découvrir les biens qui pourraient un jour être imposables et qui pourraient autrement passés inaperçus. Ces recommandations ne sont pas tombées du ciel; elles se fondent sur les témoignages que nous avons recueillis auprès de spécialistes.

En terminant, je rappelle que les auteurs du rapport majoritaire remercient le vérificateur général de leur avoir signalé le problème. Le plus grand compliment que nous aurions pu lui faire, après l'avoir remercié, aurait été de lui dire: «Nous n'aimons pas le résultat que nous observons. Par conséquent, nous allons recommander au Parlement de modifier la loi.» À l'instar du vérificateur général j'en suis sûr, nous espérons que nous pourrons toujours avoir recours au processus de décisions en matière fiscale et que toutes les conjectures au sujet de l'identité du contribuable de même que la divulgation de renseignements confidentiels n'auront aucune répercussion négative sur la nécessité d'avoir de telles décisions.

Je suis heureux de constater que le vérificateur général a prouvé l'intégrité du processus et la bonne foi de nos fonctionnaires. Je crois que nous gagnerons tous à avoir fait la lumière sur cette question.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, j'ai essentiellement quatre points à soulever. Le député de Willowdale, le président du Comité des finances, est devenu avec le temps, j'ai l'impression-la politique, ça use-un spécialiste de la désinformation.

Lorsqu'il dit qu'ils ont pris cette question au sérieux, que le vérificateur général est une institution des plus respectées, il ne croit pas ce qu'il avance. Il ne croit pas ce qu'il avance, parce que, s'agissant du vérificateur général, on a vu le président du Comité des finances, le député de Willowdale, avec la complicité des hauts fonctionnaires qui ont participé à la décision anticipée de 1991 qui a fait sortir deux milliards de dollars exempts d'impôt, on l'a vu pendant une heure et demie de temps savonner le vérificateur général, essayer de le coincer, miner sa crédibilité.

Et cela s'est poursuivi lorsque le rapport, piloté par le président du Comité des finances, le rapport de la majorité libérale, est sorti. Qu'y avait-il dans ce rapport? Il y avait deux choses. Une partie importante où on salissait encore la réputation du vérificateur général. On l'accusait d'avoir enfreint les règles de confidentialité, alors que la fuite parue dans le journal The Globe and Mail quelques jours après l'annonce du vérificateur général concernant le scandale venait de Revenu Canada justement. Peut-être des fonctionnaires qui ont en soupé de l'establishment et de la complicité qui s'installe entre ceux qui ont pris ces décisions anticipées et les riches familles canadiennes. Je pense que c'est ça, la vérité. Ce rapport a dénigré le vérificateur général.

Un autre exemple de désinformation, c'est quand le président du Comité des finances, le député de Willowdale, nous dit que les propositions des libéraux vont plus loin que celles du Bloc québécois. Je comprends qu'elles vont plus loin, elles ouvrent complètement les frontières à des fuites de capitaux importantes, de millionnaires et de milliardaires canadiens. C'est certain qu'elles vont plus loin.


4733

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut fermer cette échappatoire. Il faut arrêter d'avoir des interprétations tordues comme les hauts fonctionnaires ont eues, en 1991, qui, sans avoir analysé techniquement d'aucune façon la Loi de l'impôt, sans avoir pris le temps d'écrire des procès-verbaux des nombreuses réunions qu'ils ont eues pendant une semaine jusqu'au 23 décembre 1991, ont pris cette décision honteuse.

Quant aux experts, encore une fois un point de désinformation en défaveur de la crédibilité du président du Comité des finances, ces experts, c'est lui qui les a invités. Six des experts qui étaient autour de la table, c'est lui qui les a invités.

(1305)

Je n'accorde aucune crédibilité à ces experts. Vous savez pourquoi? Parce que ces experts proviennent de boîtes de fiscalistes qui aident, justement, les riches familles canadiennes à sortir des capitaux du pays. Sur la foi de ces six experts choisis par lui, choisis par l'establishment du Parti libéral du Canada, le rapport de la majorité libérale dit qu'il n'y a pas de problèmes, qu'il n'y a pas de fuites de capitaux.

Dernier point: lorsque le député de Willowdale et président du Comité des finances prétend que le milieu fiscal est inquiet, je comprends qu'il est inquiet, parce que pour la première fois depuis longtemps, le vérificateur général et l'opposition officielle après lui ont mis le doigt sur un scandale, ont mis le doigt sur une complicité qui s'installe depuis des décennies entre les hauts fonctionnaires, sous-ministres, sous-ministres adjoints et hauts fonctionnaires responsables des décisions anticipées, complicité qu'ils ont avec les riches familles canadiennes pour faire sortir de l'argent du pays. C'est ce qui inquiétait les milieux financiers,

Je me rappellerai toujours d'un M. Goodman, qui était un expert fiscal invité par le Parti libéral du Canada, par le président du Comité des finances, qui disait: «Le vérificateur général n'aurait jamais dû informer la population de choses comme celles-là. C'est beaucoup trop complexe.»

Ce qu'on devait lire des propos de l'expert, c'est que quand c'est complexe, il faut tenir les gens dans l'ignorance. Quand il y a des scandales comme celui-là, il faut les cacher. Même le vérificateur général, qui est redevable uniquement devant le Parlement, devant le peuple, et qui est le chien de garde des finances publiques, aurait dû se la fermer, car ce n'était pas son mandat. C'est cela, la réalité des choses.

Quand j'entends des propos comme ceux tenus par le président du Comité des finances, des propos qui tiennent lieu, à mon avis, de désinformation et qui font en sorte que ce président du Comité des finances perd de plus en plus de crédibilité non seulement auprès des membres du Comité, mais aussi face à la population, ça me dérange. La réalité dépeinte par le président du Comité des finances est tout à fait contraire aux faits.

[Traduction]

M. Peterson: Monsieur le Président, le député a dit un certain nombre de choses.

Premièrement, il dit que nous nions qu'il y ait eu une fuite de capitaux, et que, par l'entremise du comité, nous sommes complices de pareille fuite. Les événements se sont produits sous un autre gouvernement. Dans son rapport majoritaire, le comité dit qu'il y a eu une fuite de capitaux et qu'il faut y mettre un terme. C'est nous qui avons dénoncé la situation et qui avons recommandé de modifier la loi.

Je trouve pour le moins curieux que le député, le principal porte-parole du Bloc en matière de finances, refuse d'accorder quelque crédibilité que ce soit aux spécialistes invités à comparaître devant le comité. Du même souffle, il a dit que la majorité libérale a attaqué le messager, le vérificateur général.

Comprenez-moi bien. Il ne s'agissait pas d'une attaque. Nous lui avons adressé une légère réprimande. Nous avons critiqué la façon dont il a rendu publique l'information, ce qui a donné lieu à des suppositions sur l'identité du contribuable et ce qui, au dire des spécialistes qui ont comparu devant le comité, pourrait mettre en cause la légitimité de tout le processus décisionnel.

Nous avons accepté la décision. Tous les spécialistes ont dit que la décision rendue par Revenu Canada était tout à fait indiquée dans les circonstances. Un aspect fondamental de notre rapport, c'est que nous avons accepté la critique que le vérificateur général a faite d'un système qui a permis une fuite de capitaux et que nous avons recommandé de supprimer les échappatoires.

Je trouve pour le moins curieux que tout ce que le député reproche à notre rapport, c'est d'avoir attaqué le vérificateur général. Nous avons dit exactement ce que je viens d'expliquer.

Le député pouvait, comme tous les autres membres du comité, inviter d'autres spécialistes pour examiner les dispositions fiscales complexes et ambiguës qui étaient en cause. Pourquoi s'en prend-il à eux? S'il n'aimait pas ces spécialistes, il pouvait en convoquer d'autres. Il en avait la possibilité. Il dit que nous avons attaqué le messager, alors que c'est essentiellement lui qui attaque notre rapport. Il dit qu'il n'a pas aimé le message et que les spécialistes qui ont comparu devant le comité n'ont pas réussi à bien nous conseiller.

(1310)

Dire cela, c'est attaquer les principes de fonctionnement de certains des plus importants et meilleurs cabinets de vérificateurs et d'avocats de notre pays. Leurs opinions doivent bien être valables puisque des actionnaires, des contribuables, ceux qui achètent des actions dans des sociétés ouvertes et bien d'autres se fient à elles. Dans ce processus, leur intégrité et leur sagesse est capitale.

En s'attaquant à eux comme, prétend-il, nous avons attaqué le vérificateur général, le député fait complètement erreur, il interprète mal la situation et il est tout à fait inconséquent. Je souhaite qu'il s'en tienne aux questions à l'étude et qu'il se joigne à nous pour presser le gouvernement de supprimer ces échappatoires le plus tôt possible.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, notre collègue libéral, président du Comité permanent des


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finances, insiste pour dire que le gouvernement actuel n'est pas touché par la décision de décembre 1991 parce qu'elle relevait de l'ancien gouvernement.

Si la chose est si vraie, pourquoi le gouvernement actuel se refuse-t-il à faire la lumière sur tout ce qui a présidé à cette réunion? Pourquoi accepte-t-il qu'il n'y ait pas eu de procès-verbaux? Faudrait-il comprendre que ça illustre mieux que n'importe quel discours que les conservateurs et les libéraux canadiens sont du pareil au même, que c'est blanc bonnet, bonnet blanc, qui s'inspirent et qui vivent de la même caisse électorale, qui ont la même connivence avec les milieux financiers, connivence illustrée un soir où j'ai participé-je vous en dirai un mot tout à l'heure-à cette mascarade où des sommités canadiennes qui conseillent les grandes familles sont venues dire aux élus et à la population qu'ils n'avaient qu'à se mêler de leurs affaires, qu'on attaquait ainsi l'intégrité du régime fiscal canadien?

J'aimerais que notre honorable collègue, arrogant à ses heures, commente ces propos.

[Traduction]

M. Peterson: Monsieur le Président, le député laisse entendre que nous essayons de cacher des choses. Nous avons demandé à l'opposition officielle, soit le Bloc québécois, si elle avait des témoins à présenter. Nous avons dit que nous voulions traiter de n'importe laquelle de ces questions. Nous voulions les examiner à fond au Comité des finances, exactement comme le demandait le Bloc. Nous sommes revenus plusieurs fois à la charge, mais le Bloc a dit qu'il n'avait pas d'autre témoin à présenter.

Comment peut-on nous accuser de vouloir cacher des choses alors que nous demandions une discussion franche et sincère? Nous avons convoqué les témoins proposés par le Bloc, par le Parti réformiste et par le vérificateur général. Nous avons demandé aux bloquistes s'ils voulaient que les audiences se poursuivent ou s'ils étaient prêts à passer à l'étape du rapport. Ce n'est pas ainsi qu'on s'y prend pour cacher des choses. Les bloquistes auraient-ils l'obligeance de cesser de faire des insinuations et des allégations qui ne sont absolument pas fondées?

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, avant de discourir sur la motion devant nous aujourd'hui, je voudrais d'abord vous signaler qu'à partir de maintenant les députés du Bloc québécois partageront leur temps en deux périodes de dix minutes et que mon collègue de Trois-Rivières interviendra immédiatement après moi.

(1315)

Lorsque le dossier des fiducies familiales est revenu dans l'actualité d'une façon telle qu'il occupe l'ensemble des préoccupations des Canadiens et des Canadiennes, des Québécois et des Québécoises, et grâce au travail des députés du Bloc québécois, et j'y reviendrai, et lorsque l'opposition officielle a suggéré que l'on fasse porter cette journée d'opposition sur le dossier des fiducies familiales, j'ai insisté auprès de mon collègue de Saint-Hyacinthe-Bagot pour intervenir dans ce débat, non pas comme expert en fiscalité-loin de moi cette prétention et c'est pourquoi je laisserai à d'autres le soin d'expliquer en détail, comme l'a déjà d'ailleurs fait mon collègue de Saint-Hyacinthe-Bagot à plusieurs occasions, de même que d'autres collègues-mais je voudrais attirer l'attention de cette Chambre sur le contexte qui entoure toute cette affaire.

Ce dossier des fiducies familiales est un dossier qui préoccupe le Bloc québécois, presque depuis sa fondation. Lors de la dernière campagne électorale, le Bloc québécois a, à maintes reprises, soulevé cette question des fiducies familiales. Après l'élection des 54 députés du Bloc québécois, après que le Bloc eut été reconnu opposition officielle en cette Chambre, le chef de l'opposition officielle d'alors, M. Bouchard, à plusieurs occasions lors de ses interventions en Chambre, a soulevé la question des fiducies familiales.

Le rapport du vérificateur général nous donne entièrement raison et prouve le bien-fondé de ce débat que le Bloc québécois soulève depuis plusieurs années déjà, alors que de l'autre côté de cette Chambre, le gouvernement libéral cherche, de toute évidence, à étouffer ce scandale épouvantable, par tous les moyens possibles.

Je viens d'écouter notre collègue de Willowdale. Je n'aurais qu'une recommandation à lui faire, ce serait de s'inscrire au festival «Juste pour rire» l'an prochain à Montréal, ou «Just for laughs» s'il préfère, puisqu'il y a une version anglaise de ce festival, parce que les propos qu'il a tenus en dehors de cette Chambre, en comité et ici, il vaut mieux en rire, car on serait plutôt porté à en pleurer.

Le vérificateur général a mis le doigt sur un problème majeur en ce qui touche la fiscalité. Le gouvernement aura beau plaider que la faille mise en évidence par le vérificateur général remonte au gouvernement précédent, comme mon collègue de Trois-Rivières vient de le mentionner, pourquoi, si c'est là la responsabilité du gouvernement conservateur, ce gouvernement-ci ne veut pas faire toute la lumière maintenant?

C'est clair et évident, on l'a dit, on le répète et on le répétera sans cesse, il n'y a qu'une raison pour que le gouvernement ne veuille pas faire la lumière, c'est qu'il protège ses propres intérêts et les intérêts de ceux qui le soutiennent. C'est une farce monumentale d'entendre le député de Willowdale nous présenter ces experts comme des gens d'une crédibilité indiscutable, alors qu'il est d'intérêt public, qu'il est connu que ces experts font partie de compagnies qui financent le Parti libéral et le Parti conservateur. C'est connu. Ce n'est pas de la médisance ou de la calomnie, c'est un fait que les représentants de ces compagnies-là financent le Parti libéral.

(1320)

Réunir de tels experts, malgré leurs compétences, c'est un peu comme si le gouvernement réunissait un groupe de renards et lui demandait les mesures pour protéger le poulailler. C'est ce qu'on a fait. On a réuni les experts qui financent à tour de bras le Parti libéral et on leur a dit: «Voulez-vous nous dire si c'est correct de sortir de l'argent du Canada pour l'investir ailleurs en faisant en sorte de ne


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pas payer d'impôt?» La réponse de ces experts serait renversante si elle allait dans le sens contraire de celle qu'ils nous ont donnée.

Je prendrai l'exemple même du ministre des Finances. Il y a une semaine, sur les ondes de Radio-Canada, un journaliste lui demandait si lui-même avait une fiducie familiale. Il a répondu publiquement-et j'ai pris la peine de réécouter le bulletin de nouvelles pour être sûr que je n'allais pas lui prêter des propos qui étaient faux-et sa réponse a été la suivante, et je le cite au texte, au mot à mot, puisque cela a été dit verbalement: «Il y a beaucoup de fiducies familiales. Quand vous avez de jeunes enfants, vous le faites. Au cas, par exemple, que je meure, je voudrais que quelqu'un prenne soin de mes enfants.» Mais ça n'a rien à voir avec les impôts.

Quand le ministre des Finances dit cela, il vient d'admettre qu'il a lui-même une fiducie familiale et le motif pour lequel il a une fiducie familiale, c'est pour protéger ses enfants. Mais qui, en cette Chambre, protégera les enfants des chômeurs qui ont été victimes de coupures depuis deux, trois ans? Le même ministre des Finances nous dit, avoue dans chacun de ses budgets qu'avec l'assurance-chômage il fait un profit de cinq milliards de dollars par année sur le dos des chômeurs et des chômeuses, sur le dos des femmes de familles monoparentales qui n'ont même pas le minimum pour assurer la subsistance de leurs propres enfants. Qui le ministre des Finances veut-il protéger? C'est clair et net. Qui va s'occuper de ces familles qui sont au chômage et qui elles ne peuvent pas, contrairement à ce que la ministre du Revenu a dit, se soustraire à la Loi de l'impôt parce qu'elles n'ont pas les moyens de créer de fiducies familiales?

Il faut avoir du front pour déclarer, comme la ministre du Revenu l'a fait en cette Chambre, que les fiducies familiales peuvent être créées par tout un chacun. Cela peut être une personne âgée qui décide d'aller en Floride. Qui, parmi les personnes âgées au Canada et au Québec, a les moyens de se créer une fiducie familiale quand on coupe dans les pensions? Qui, parmi les chômeurs et les chômeuses, je le répète, a les moyens de se payer une fiducie familiale?

C'est rire du monde! Cela mine la crédibilité de nos institutions. Cela fait en sorte que les gens n'ont plus confiance non seulement dans le système fiscal, mais ils n'ont également plus confiance dans les gouvernements et dans les élus.

Je termine en rappelant que le Bloc québécois s'est donné comme mandat de faire la promotion de la souveraineté et on va continuer de le faire. Mais il s'est également donné comme mandat de défendre les intérêts du Québec en cette Chambre. L'exemple des fiducies familiales est le meilleur exemple du travail du Bloc québécois depuis les trois dernières années. Le vérificateur général donne raison au Bloc québécois. Il transmet le message qu'il faut qu'il y ait en cette Chambre des hommes et des femmes qui soient capables de se lever librement et de dénoncer les actes inadmissibles de ce gouvernement.

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, évidemment j'ai bien écouté. C'était difficile de pas entendre la passion avec laquelle le député devant moi a passé ses commentaires sur une question qui le touche certainement et qui est quelque chose qui provoque en lui une certaine passion.

(1325)

Mais il me semble quelque peu intéressant que ce même député, au lieu de pointer les bancs du gouvernement, n'ait pas, en premier lieu, profité de l'occasion pour parler avec ses sept députés qui faisaient partie du gouvernement conservateur au cours de la dernière législature.

[Traduction]

Il me semble peu conséquent de la part du député de pointer un doigt accusateur de notre côté alors qu'il n'a pas fait la première chose logique et rationnelle à faire, à savoir interroger les membres de son propre caucus qui ont contribué à ce problème au début des années 90, puisque plusieurs d'entre eux, y compris l'ancien chef de leur parti, occupaient les banquettes ministérielles lorsque cette décision a été prise.

Quand le député se décidera-t-il à demander à ses petits copains conservateurs pourquoi ils n'ont alors pas posé les questions qu'il pose aujourd'hui plutôt hypocritement?

[Français]

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, encore là, cela fera un autre représentant au festival «Juste pour rire». C'est incroyable d'entendre les propos de mon collègue de l'Ontario qui, plus souvent qu'autrement, fait preuve d'intelligence. Je le dis, le député d'Ontario, habituellement, par ses prises de position, nous montre quelqu'un qui réfléchit, mais aussi quelqu'un qui est capable d'être critique.

Je comprends que lorsqu'il est question d'argent, de finances, de caisse électorale, money talks. Alors, le député d'Ontario est obligé de se lever en cette Chambre, comme l'ensemble de ses collègues, pour défendre les renards qui tournent autour du poulailler.

Je profite de la question du député qui me demande pourquoi je ne regarderais pas du côté de mes collègues et de leur demander ce qu'ils font par rapport aux fiducies familiales pour lui dire que je suis tout à fait heureux de me tourner vers mes collègues, en particulier l'ex-chef du Bloc québécois qui est maintenant premier ministre du Québec. Il a lui-même soulevé cette question en cette Chambre, je le répète, pendant la campagne électorale de 1993, à plusieurs reprises-on pourrait sortir les nombreux discours qu'il a faits, les questions qui ont été posées en regard des fiducies familiales. Non, je n'ai pas honte de me tourner vers mes collègues ex-membres du Parti conservateur puisqu'ils ont fait un travail extraordinaire comme représentants du Bloc dans cette Chambre. Ils continuent de le faire, ceux et celles qui sont encore parmi nous.

Mais je souhaiterais pouvoir en dire autant de nos collègues du Parti libéral. Et je le répète, j'espère qu'ils changeront d'idée, j'espère qu'ils changeront d'orientation, il en va de la crédibilité de nos institutions. Il en va de votre crédibilité, de celle du ministère des Finances, du ministère du Revenu.

Quand on demande aux gens de payer leurs impôts, quand on demande aux gens de faire leur part vis-à-vis de la situation que l'on vit actuellement, tout le monde doit mettre l'épaule à la roue, y compris les riches.


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M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que je prends la parole, d'autant plus que je trouve le débat devant nous aujourd'hui très important.

Comme vient de le souligner mon collègue de Mégantic-Compton-Stanstead, vous savez depuis combien de temps le Bloc québécois se préoccupe de cette question. Le président fondateur,M. Lucien Bouchard, aujourd'hui premier ministre, en avait fait une de ses préoccupations majeures, comme le critique aux finances le fait depuis qu'on est ici. Cela fait partie du parlementarisme canadien, compte tenu de la règle du secret, de la non-transparence, il faut avouer qu'à mon avis, le Bloc québécois a manqué de source. On doit féliciter et remercier d'autant le vérificateur général d'avoir eu le courage de révéler et aux parlementaires et à la population canadienne le pot aux roses qu'il s'est permis en ce mois de mai dernier.

Nous ne sommes pas de ceux à dévaloriser, à dénoncer, à dégrader les institutions parce qu'elles ne font pas notre affaire, comme l'ancien premier ministre libéral, M. Trudeau-il faut se souvenir que le Parti libéral a une tradition dans ce sens-avait «magané», comme on dit au Québec, de verte façon le vérificateur général du temps où il mettait en cause la transaction sous toute réserve de Petrofina en Petro-Canada.

(1330)

Le vérificateur avait dû se rendre en Cour suprême pour connaître quels étaient ses vrais pouvoirs face à l'attitude arrogante et méprisante du premier ministre de l'époque, M. Trudeau. On reconnaît d'ailleurs cette attitude au niveau de la culture chez le président du Comité des finances qui a une attitude arrogante, méprisante et qui fait une «job de bras», comme on dit au Québec, à l'institution et à l'individu qu'est le vérificateur général.

On n'embarquera pas là-dedans, on laisse ça à d'autres de nos collègues. À notre avis, ce que le vérificateur a fait surtout, à part parler de la cerise sur le gâteau, comme on dit, qui s'appelle le transfert, qui s'appelle l'évasion fiscale, qui s'appelle la fuite de capitaux, le vérificateur a le grand mérite de ramener le débat sur l'existence même des fiducies familiales sur la place publique. Et c'est sur quoi je voudrais insister.

Les fiducies familiales, ça ne favorise encore une fois que la concentration de la richesse entre les mains de certaines grandes familles canadiennes. À mon avis, quand on connaît les critiques de bon aloi que l'on fait contre-et ce sont des gens mal pris qui se permettent de le faire, il faut le souhaiter- toute la recherche, tout le combat qu'on mène contre le travail au noir, il serait peut-être temps qu'on fasse un débat et un combat contre les placements au noir, compte tenu d'une grande règle d'éthique qui est censée exister dans notre régime fiscal voulant que tout un chacun contribue selon ses moyens au fisc. Depuis le mois de mai, cela nous a permis d'en apprendre quand même un peu, pas beaucoup, mais un peu sur les fiducies familiales et leur existence même.

Ça nous a permis d'apprendre au Comité des comptes publics et au Comité des finances que selon les dires de la ministre du Revenu et contrairement à ce qu'un sous-ministre aurait dit en comité, que les fiducies familiales existent pour des personnes qui veulent se donner les moyens d'avoir une retraite à la chaleur, une retraite dorée dans les pays chauds, ça c'est selon la ministre du Revenu.

Le ministre des Finances, lui, c'est pour protéger ses enfants. C'est très original. Mais le sous-ministre, lui, avait dit, il y a plusieurs mois de ça, qu'il ne comprenait pas l'acharnement des députés du Bloc contre les fiducies familiales puisqu'elles existent pour protéger les familles qui ont des enfants infirmes, des enfants handicapés.

Donc ça nous a permis d'apprendre, depuis les révélations du vérificateur qui a demandé au sous-ministre du Revenu combien il y avait de fiducies familiales au Canada, qu'il y en a 100 000 au Canada. Quelques semaines plus tard, au Comité des finances ce 100 000 est devenu 140 000 fiducies familiales. Quand on sait que deux d'entre elles représentaient un milliard chacune et qui ayant déménagé aux États-Unis auraient privé le fisc de 400 à 600 millions, on ne parle pas de pinottes. On parle de gros montants.

À une question posée à un sous-ministre, quant à parler de fiducies familiales de un milliard chacune, combien y en a-t-il de 500 millions et plus? Il nous a répondu qu'il n'était pas en mesure de répondre, qu'il n'avait pas ce genre de données. C'est un scandale. C'est un scandale parce que dans l'esprit de la loi du ministère du Revenu, il y a une règle fondamentale qui est peut-être tacite, c'est que chacun doit contribuer selon ses moyens.

Quand on patente des stratagèmes comme ceux-là, appuyés par les conseillers financiers que l'on connaît, qui conseillent les grandes familles pour les aider à sortir leurs capitaux du Canada et du Québec et pour les protéger même quand ils sont à l'intérieur, c'est ce que l'on vit actuellement, c'est pour permettre à des gens qui en ont les moyens de ne pas contribuer suffisamment. Il faut donc que tout le monde contribue d'autant plus.

À l'époque où on vit, mon collègue y a fait allusion tantôt, à l'époque où on vit actuellement, face à l'état des finances publiques, ça urge que chacun ait la moralité élémentaire de contribuer selon ses moyens et que l'on abolisse, dans la mesure du possible, ce genre de stratagème.

(1335)

On connaît les coupures que l'on fait actuellement au Canada tout entier dans le domaine de la santé, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de l'aide sociale, dans le domaine de l'assurance-chômage, dans le domaine de la culture, dans le domaine du logement social. On connaît les coupures que l'on se permet face aux organismes communautaires qui aident les plus démunis, on connaît l'augmentation effarante du nombre de banques alimentaires à travers tout le Canada, on connaît l'augmentation du chômage. On sait tout le courant idéologique qui vise à démanteler l'État, qui vise à réduire le rôle de l'État, dont un des premiers rôles est justement de mieux distribuer la richesse, mais on vient le neutraliser, notamment par le discours, l'attitude et le langage du président du Comité permanent des finances qui vient dénigrer un des protecteurs du citoyen, un des protecteurs du contribuable qui existe dans notre système qui est passablement raffiné quand on le respecte, d'ailleurs, ce qui fait en sorte que le Canada est un pays développé, que le Canada est une grande démocratie, eh bien, il faut jouer le jeu sur toute la ligne quand on a les prétentions que l'on a ici, dans ce pays.

Quand on connaît, à une époque où, par manque d'argent, parce que ce n'est pas un problème de dépense que l'on a au Canada, c'est


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un problème de revenu qui est mis en évidence de façon extraordinaire par la question soulevée par les fiducies familiales qui privent le fisc de revenu. Donc, il faut avoir l'heure juste sur les fiducies familiales, il faut avoir le nombre précis depuis leur création sous le gouvernement Trudeau, en 1972. Il faut avoir des catégories, parce que peut-être que toutes les fiducies familiales ne sont pas de un milliard. Il faudrait savoir combien il y en a de 100 000 $ et plus, combien de 100 000 $ à 250 000, combien de 250 000 $ à 500 000 $, etc. Combien de 1 million à 5 millions, de 5 millions à 100 millions? Combien de 500 millions et plus, et avoir le détail sur chacune valant un milliard. Il faudrait qu'on sache précisément l'impact que cela a eu sur le fisc canadien et sur chacune des provinces de provenance, parce qu'on peut se douter que dans les Maritimes, notamment au Nouveau-Brunswick, il y a peut-être des fiducies familiales de ce côté-là. On ne donnera pas de nom, par courtoisie, mais on peut penser que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a peut-être été frustré d'impôts très importants par ce genre de subterfuge.

On peut penser à l'Ontario, ainsi qu'au Québec qui compte de grandes familles. On est au moins en droit d'avoir l'heure juste, d'avoir le portrait sur l'effort qu'on demande aux autres contribuables qui, eux, n'ont pas le choix de contribuer parce qu'ils n'ont pas les moyens de se payer des fiscalistes patentés, invités par le président du Comité permanent des finances, qui sont en pur conflit d'intérêts, malgré toute la compétence qu'on doit leur reconnaître.

Il faut avoir l'heure juste. Il faut savoir, par province, l'impact de cette mesure instaurée par Pierre Elliott Trudeau, l'homme de la société juste. On voit l'imposture de ces gens-là qui osent signer des documents, comme ils l'ont fait, pour protéger la position gouvernementale et l'alimenter.

Je terminerai là-dessus. Au lieu de tenter de noyer le poisson, il faut faire la lumière, non seulement sur la décision du 23 décembre 1991 de Revenu Canada, mais sur toute la question globale de l'existence des fiducies familiales et sur son impact sur le fisc, et ce, en vue de protéger véritablement, cette fois-là, la crédibilité et l'intégrité de notre système fiscal, parce que c'est là, j'en faisais allusion tout à l'heure, la grande critique de l'un des experts. J'ai participé, en tant que député, à cette merveilleuse soirée, à cette mascarade où l'un des experts offusqué de Bay Street a dit au président qu'il était scandalisé de l'attitude et du comportement du vérificateur général qui n'aurait jamais dû révéler à la face publique et à la population canadienne qu'il y avait eu un tel tripotage parce que cela mettait en cause l'intégrité de notre régime fiscal canadien.

Cela veut dire qu'on accepte d'avance. Et on a des mécanismes pour faire en sorte que ceux qui peuvent payer leurs impôts, qui doivent payer leurs impôts, qui ont les moyens de payer des impôts, parce qu'on sait qu'au Canada, comme on est là, actuellement, il y a des gens qui n'ont pas assez de revenu pour payer leurs impôts. Ceux qui en ont les moyens, ceux qui ont la chance et ceux qui ont travaillé à cette fin, mais il faut vivre et on est dans une société civilisée, il faut que ça se répercute, et ça doit se répercuter par l'entremise du gouvernement, par l'entremise du fait qu'on vit en société, et le symbole de la vie en société bien organisée, civilisée, développée que l'on a, c'est l'appareil gouvernemental. C'est le fait qu'on a des élections, qu'on a des élus et qu'on a des mécanismes permettant de redistribuer la richesse. Il faut sauvegarder ces institutions, et l'attitude actuelle du gouvernement, au contraire, est très inquiétante. Ne nous surprenons pas que les citoyens soient de plus en plus cyniques et sévères envers les institutions comme la nôtre, quand on ne sait pas plus se tenir debout.

(1340)

[Traduction]

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt le député du Bloc québécois donner son avis sur la décision de Revenu Canada et ses conséquences, mais je dois dire que son intervention me laisse assez perplexe.

Il s'agit là d'un secteur très complexe du droit fiscal, malgré les meilleures intentions des députés du Bloc québécois et des députés comme moi. Comme le député de Willowdale l'a fait remarquer, les députés du Bloc québécois ont eu l'occasion d'inviter leurs propres experts, mais ils ont choisi de ne pas le faire.

Quand les députés du Bloc prennent la parole à la Chambre, c'est généralement pour critiquer les députés de ce côté-ci de ne pas avoir répondu à leurs questions. Cependant, eux non plus n'ont n'ont pas vraiment répondu à la question de savoir pourquoi ils n'ont pas fait comparaître leurs propres témoins.

S'ils sont d'avis que les experts qui ont comparu sont de connivence avec les députés ministériels, ils commettent là une grave atteinte à l'intégrité de ces professionnels qui ont comparu. De plus, cela ne règle pas la question de savoir pourquoi ils n'ont pas invité leurs propres témoins.

Quand les députés du Bloc québécois prennent la parole à la Chambre, ce n'est pas pour débattre de questions d'intérêt public. D'après ma courte expérience en tant que député fédéral, il me semble qu'à chaque fois que les députés du Bloc prennent la parole, c'est pour défendre les seuls intérêts de la province de Québec.

Je me demande si leur intérêt en cette matière vient non pas de leur sens du devoir envers la population du Canada, mais plutôt de leur crainte relative à la fuite de capitaux du Québec vers, non pas nécessairement les États-Unis, mais peut-être l'Ontario. Je sais que pareille fuite est bien réelle, ce qui est tragique à mon avis.

Peut-être que le Bloc intervient dans ce débat à cause de la question de la fuite des capitaux. Je ne vois pas d'autres raisons qui pourraient l'intéresser.

[Français]

M. Rocheleau: Monsieur le Président, premièrement, en ce qui concerne les experts, je voudrais simplement renseigner et sécuriser mon collègue d'Etobicoke-Nord à l'effet que si jamais le gouvernement cesse d'essayer de camoufler encore une fois comme il a réussi à le faire au Comité des finances et qu'il tente de faire actuellement au Comité des comptes publics, si le gouvernement peut se tenir debout et accepter de faire la lumière, vous verrez qu'il


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existe des experts, peut-être majoritairement en provenance du Québec mais sans doute aussi du Canada, qui ont les mains libres. Il y en a peu, mais ils sont de qualité. Le Bloc en a identifié, il en a trouvé et ils viendront témoigner, semble-t-il.

Mais il faut savoir, et je sais de bonne source que le vérificateur général a d'énormes problèmes avec les autorités de la haute finance, avec les conseillers de la haute finance, parce que ces gens-là n'aiment pas du tout que le vérificateur porte semblable jugement sur leur travail qui va contre l'opinion publique.

Il serait peut-être bon que mon collègue d'Etobicoke-Nord ait à l'esprit que le vérificateur vit des situations extrêmement difficiles parce que les conseillers libres de penser ne courent pas les rues. Ils sont tous parties liées parce que c'est là leur gagne-pain.

Par ailleurs, en ce qui concerne le fait québécois, j'espère que mon collègue m'a mal compris. Je pense que quand on parle du fisc canadien, quand on parle de deux milliards qui ont fui le Canada, quand on parle que le fisc canadien aurait été privé d'entre 400 et 500 millions de dollars, je ne pense pas qu'on parle seulement du Québec et je pense qu'on fait notre travail d'opposition officielle canadienne à ce moment-ci et on défend l'intérêt des petits contribuables canadiens et des contribuables de la classe moyenne qui ne font que payer et qui paient à la place de ceux qui devraient payer davantage.

[Traduction]

Mme Sue Barnes (secrétaire parlementaire de la ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens dans le débat sur la motion présentée par l'opposition officielle. Cette motion demande à la Chambre de dénoncer le gouvernement fédéral parce qu'il refuse de faire toute la lumière sur certaines transactions. Je dirais pour ma part que ce sont les députés de l'opposition qui refusent de voir la lumière dans cette affaire.

Selon la motion, le gouvernement s'attaquerait également à la crédibilité du vérificateur général tout en permettant la fuite à l'étranger de millions de dollars.

Encore là, il semble que l'opposition aime mieux formuler des allégations non fondées et des accusations farfelues que de procéder à un examen en profondeur des faits.

(1345)

Les questions auxquelles la motion fait vaguement allusion ont été soulevées dans le rapport du 7 mai du vérificateur général, qui portait avant tout sur les politiques législatives et les décisions anticipées concernant les biens canadiens imposables, pas les fiducies familiales.

Les députés se souviendront que, immédiatement après la parution du rapport du vérificateur général, le gouvernement a agi rapidement en renvoyant les questions qu'il soulevait au Comité permanent des finances. C'est là, et au Cabinet, qu'est élaborée la politique fiscale.

Cet examen est maintenant terminé et, le 18 septembre, le Comité des finances a produit un rapport, qui a été déposé à la Chambre. Il s'agit d'un document du domaine public. Le rapport du Comité des finances est le fruit d'une étude bien documentée et très rigoureuse des questions importantes soulevées par le vérificateur général. Nous remercions celui-ci d'avoir attiré notre attention sur certains éléments de la politique. Les constatations et recommandations du rapport entrent en complète contradiction avec les exagérations et la formulation confuse de la motion à l'étude. Cependant, le débat d'aujourd'hui porte sur une motion de l'opposition officielle et nous devons l'étudier.

Le comité des finances a commencé son examen le 28 mai. Il a entendu le vérificateur général lui-même et des membres de son personnel. Il a aussi entendu des hauts fonctionnaires de Revenu Canada, du ministère de la Justice et du ministère des Finances. Le comité a également consulté huit des meilleurs fiscalistes du secteur privé et du milieu universitaire du Canada et leurs opinions, comme il est dit dans le rapport, ont beaucoup aidé le comité à comprendre certains détails des dispositions applicables de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le Comité des finances mérite des félicitations pour avoir agi rapidement, avoir tenu des consultations générales et produit, en aussi peu de temps, un rapport détaillé et, j'ajouterais, assez long comportant des recommandations sur un sujet aussi complexe. Nous sommes conscients qu'il s'agit d'une question importante. Le comité a constaté, ce qui n'est sans doute pas étonnant, que les dispositions du régime fiscal touchant les biens canadiens imposables sont complexes. Le rapport signale que le gouvernement n'avait pas fait d'examen en profondeur de la politique concernant les migrations de contribuables depuis au moins 25 ans. C'est maintenant chose faite.

Toutefois, au lieu de marquer des points faciles sur le plan politique en essayant d'embrouiller encore plus la question, comme l'a fait aujourd'hui le député de l'opposition, le comité a tenté d'éclaircir les choses en proposant des changements à la loi. Les cinq modifications législatives recommandées dans le rapport visent à rendre plus claire la politique du Canada en matière d'imposition des personnes qui deviennent résidents canadiens ou qui cessent de l'être. Le rapport contient des recommandations étoffées sur la manière de rendre la législation fiscale canadienne plus efficace.

Les recommandations touchant la politique et les lois fiscales sont opportunes et seront examinées de près par les ministres des Finances et du Revenu, mais je voudrais m'attarder ici aux conclusions et recommandations.

Je suis heureuse de dire que le Comité des finances a constaté, à la suite d'un examen indépendant des faits et avec l'aide de spécialistes, que Revenu Canada avait appliqué la loi correctement et qu'il avait eu raison de rendre ses décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu en 1985 et 1991. Le rapport du comité appuie fermement ces décisions du ministère.


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Je crois que les conclusions du comité confirment clairement l'équité et l'intégrité du régime fiscal canadien, des décisions de Revenu Canada et de la façon dont il administre le régime. Je suis particulièrement heureuse de faire remarquer que les spécialistes indépendants que le comité a consultés ont été presque unanimes à dire que les décisions avaient pour effet d'appliquer correctement la loi en vigueur sans que rien ne laisse croire à une perte de revenu.

Des huit éminents fiscalistes consultés, six étaient d'avis que Revenu Canada avait bien interprété la loi. Le rapport cite M. Wolfe Goodman, spécialiste en fiscalité internationale, parce que l'opinion qu'il a exprimée reflétait celle de la majorité. M. Goodman a affirmé: «Le vérificateur général considère que cette décision contourne l'intention du législateur et, avec tout le respect que je lui dois, monsieur le président, je crois que la décision applique comme il se doit le principe de la Loi.»

Compte tenu de cette déclaration et d'autres témoignages allant dans le même sens, le Comité des finances n'a vu aucune raison de préférer le point de vue du vérificateur général à celui que partageaient les fiscalistes du gouvernement et une forte majorité des fiscalistes du secteur privé ayant examiné la question. Par ailleurs, contrairement à la proposition présentée par le vérificateur général dans son rapport du 7 mai, le comité a conclu que, en vertu des politiques actuelles, Revenu Canada n'avait aucune raison de refuser de rendre les décisions de 1985 et 1991, et qu'il avait eu raison de le faire.

(1350)

De toute évidence, dans ces cas, le processus a fonctionné comme il le devait. Toute autre décision ou mesure aurait contourné la loi et empiété sur le droit légitime du contribuable à un traitement juste et équitable en vertu des lois du pays.

En outre, le comité n'a trouvé aucun indice d'ingérence, politique ou autre, dans le processus de prise de ces décisions. Je dois souligner ceci. Le vérificateur général n'a jamais mis en doute l'intégrité et le professionnalisme des fonctionnaires de Revenu Canada et le rapport confirme que personne n'a commis d'impair. À ce sujet, la ministre du Revenu national a déjà déclaré qu'elle avait rencontré le vérificateur général et qu'elle lui avait demandé directement s'il pensait qu'il y avait eu ingérence politique dans ce dossier. Le vérificateur général lui a assuré que non.

Le Comité des finances a entendu, à ce propos, toute une série de témoins venant de tous les ministères intéressés et n'a rien relevé prouvant qu'il y avait eu faute. Il faut donc croire qu'il n'y a pas eu faute.

Par ailleurs, et c'est important, le rapport conclut que les décisions n'ont pas coûté et ne coûteraient probablement pas des sommes considérables de recettes fiscales pour le Canada. Le comité a fait remarquer que le vérificateur général et ses fonctionnaires n'ont pu déceler aucune nouvelle possibilité notable d'évasion fiscale pour les autres contribuables par suite de ces décisions. C'est ce que nous dit le vérificateur général.

Les questions qu'a soulevées le vérificateur général doivent être situées dans leur contexte. Le vérificateur général a dit que la décision prise en 1991 par Revenu Canada aurait pu coûter une somme faramineuse de recettes fiscales, non pas qu'elle l'a fait, mais qu'elle aurait pu le faire. C'était manifestement une préoccupation. Le Comité des finances l'a examiné soigneusement et a conclu qu'il n'existait pas de preuve que la décision avait coûté quoi que ce soit au Canada. Il n'existait pas non plus de preuve-car nous parlons de preuve et non de supposition-que la décision avait créé de nouvelles possibilités d'évasion fiscale. Il n'y a pas eu de fuite de capitaux, contrairement à ce que les députés de l'opposition semblent le croire. Cela ne devrait pas être surprenant. Les règles fiscales canadiennes pour les gens qui quittent le pays sont plus strictes que dans presque n'importe quel autre pays au monde.

De plus, la ministre du Revenu national a déclaré un moratoire concernant toutes décisions futures sur les biens canadiens imposables pendant que le Comité des finances passait en revue cette partie de la Loi de l'impôt sur le revenu, travail important s'il en est. La ministre a prolongé le moratoire jusqu'à ce que le ministre des Finances puisse étudier les recommandations du comité et décider des changements à apporter, au besoin. On nous a dit plus tôt aujourd'hui que beaucoup de personnes pensent qu'il y a des améliorations à faire, ce sur quoi je suis d'accord. Cela ne suffit-il pas à rassurer l'opposition que la porte n'est pas grande ouverte au transfert de capitaux en franchise d'impôt?

En ce qui concerne la question du processus décisionnel, le Comité des finances note dans ses conclusions que, immédiatement après la publication du rapport du vérificateur général, la ministre a ordonné à Revenu Canada de prendre immédiatement des mesures pour mieux documenter ses interprétations de la politique fiscale. Dans ce contexte, le ministère a revu sa façon de procéder pour qu'il fasse dorénavant un compte rendu des considérations entrant en ligne de compte dans la prise d'une décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu ou lorsqu'il émet une opinion.

Lorsque Revenu Canada fera une demande par écrit aux ministères des Finances ou de la Justice, il continuera à fournir des renseignements généraux, une explication et une analyse avec suffisamment de détails pour permettre une évaluation approfondie du dossier et de ses répercussions éventuelles. Par ailleurs, Revenu Canada conservera dans ses dossiers permanents de décisions anticipées tous les documents et analyses nécessaires pour étayer ses interprétations.

Cela prouve que la ministre du Revenu national a agi rapidement, prenant les mesures voulues pour rendre le processus encore plus ouvert et plus transparent. Le Comité des finances a lui aussi appuyé sans réserve la décision de la ministre de publier toutes les décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu, à compter du mois de janvier 1996, en y supprimant tout ce qui risquerait de révéler l'identité du contribuable en question. Je désire faire remarquer une fois de plus que la décision a été prise avant même la sortie de ce document, du rapport du vérificateur général.

4740

(1355)

Revenu Canada publie électroniquement toutes les décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu et les distribue à diverses maisons d'édition de documents fiscaux au Canada, et les met à la disposition du public aux bureaux de l'impôt de Revenu Canada dans les 90 jours de leur émission.

En ce qui concerne la deuxième recommandation administrative du rapport, Revenu Canada a déjà pris des mesures pour garantir la cohérence entre ses décisions et les opinions dans des domaines similaires de la loi. Depuis la décision de 1985, le ministère a mis en oeuvre une base de données informatisée. Cela facilite l'accès à toutes les décisions et opinions antérieures pour les besoins de la recherche et de la comparaison. Je pense que c'est une amélioration importante.

Je voudrais rappeler que Revenu Canada est un organisme de classe internationale, qui bénéficie d'une réputation internationale enviable et dont le travail est couronné de succès. Le ministère essaie de son mieux d'administrer plus de 185 lois et leurs règlements, ainsi que des encouragements fiscaux, crédits d'impôt, et accords et traités internationaux.

Le ministère emploie plus de 40 000 fonctionnaires dévoués et professionnels. Pour pouvoir traiter avec leurs millions de clients, ces employés ont besoin de la confiance des Canadiens, et ils méritent leur respect pour un travail bien fait. La justice, l'équité et l'intégrité sont les principes de base qui leur permettent de gagner la confiance et le respect des Canadiens.

La crédibilité du ministère dépend du respect de ces principes dans tout ce qu'il fait et dans toutes les décisions qu'il prend. C'est pourquoi ce que disait le vérificateur général dans son rapport du 7 mai a été étudié en détail par le Comité des finances. Nous voulons prévenir toute possibilité que le public perde confiance, car celle-ci est importante si l'on veut que notre régime fiscal fonctionne comme il le doit.

Étant donné que le régime fiscal compte beaucoup sur l'autocotisation et le respect volontaire pour fonctionner efficacement, toute perte de confiance envers l'administration risque de nuire au régime dans son ensemble. Par conséquent, il est important pour tout le monde au Canada et pour le bon fonctionnement du ministère, qu'il y ait une justice et une intégrité réelles dans l'administration du régime fiscal canadien, et que les gens en soient convaincus.

En conclusion, je voudrais dire que, à mon avis, les Canadiens ont été bien servis par le rapport du Comité des finances sur les biens canadiens imposables. Nous avons cinq recommandations pratiques d'amélioration et de changement. Nous attendons de voir les nouvelles politiques qui en découleront.

[Français]

Le Président: Il reste encore quelques minutes à notre collègue. Elle pourra continuer son discours après la période des questions.

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

Le Président: Comme il est presque l'heure des déclarations de députés, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, volume II, en date de septembre 1996.

[Traduction]

Conformément à l'alinéa 108(3)d) du Règlement, ce document est renvoyé d'office au Comité permanent des comptes publics.

Comme il est presque 14 heures, nous allons maintenant passer aux délarations des députés.

______________________________________________


4740

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Français]

LES PAGES ET LES STAGIAIRES PARLEMENTAIRES

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, de la part de tous mes collègues parlementaires, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux pages et aux stagiaires qui se rendent ici chez nous sur la colline parlementaire cette année.

[Traduction]

Nous ne nous rendons pas toujours compte de l'importance de nos pages. Ils font partie intégrante des rouages du Parlement, et nous serions parfois perdus sans eux. Je leur souhaite bonne chance dans leurs nouvelles fonctions et j'espère qu'ils se plairont ici à la Chambre des communes.

[Français]

J'aimerais également féliciter les stagiaires parlementaires et leur souhaiter une excellente année ici parmi nous.

[Traduction]

Étant donné leur énergie, leur créativité et leur dévouement, je suis convaincu qu'ils pourront apporter une contribution fort valable aux parlementaires qu'ils ont choisi de servir.

[Français]

De la part de tout le monde, bienvenue ici chez nous. Nous vous souhaitons une superbe année.

Des voix: Bravo!

* * *

(1400)

LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA CHANSON DE GRANBY

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, cette année encore, la 28e édition du Festival international de la chanson de Granby a été une réussite. Lors des finales, les 20 et 21 septembre derniers, plusieurs interprètes et compositeurs interprètes ont démontré tout leur talent devant un public ébloui.


4741

Le Festival international de la chanson de Granby est devenu le tremplin privilégié à une carrière professionnelle pour les artistes francophones de la relève.

Alors que des millions de dollars s'envolent en dépenses de drapeaux, la ministre du Patrimoine n'a pas hésité à réduire de 20 p. 100 la subvention émanant de son ministère pour cet événement d'envergure internationale.

La ministre du Patrimoine devrait reconsidérer sa décision et maintenir son appui financier au Festival, tel qu'antérieurement. En terminant, je désire féliciter tous les organisateurs et les participants et participantes qui rendent cet événement culturel possible.

* * *

[Traduction]

«JAKE AND THE KID» EN ALBERTA

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, je suis certain que vous vous souvenez, comme bon nombre de députés ici, de l'émission de radio fort populaire des années 50, Jake and the Kid, durant laquelle on diffusait les nouvelles maintes fois primées de W.O. Mitchell. Il s'agissait de la chronique des aventures de Ben Osborne, un jeune garçon de 11 ans surnommé le «Kid», qui vivait dans une ville fictive des Prairies, Crocus, en Saskatchewan.

Cette chronique sera à nouveau diffusée sous forme d'une série télévisée de 13 semaines produite dans ma circonscription, Wetaskiwin. L'émission en est à sa deuxième saison et elle rend hommage à toute l'industrie du film de l'Alberta. «Jake and the Kid» est un bon divertissement pour toute la famille.

Les Albertains sont majoritaires dans l'équipe technique et parmi les personnages et les scripteurs. En fait, 90 p. 100 des comédiens et des figurants sont des Albertains, notamment le meilleur ami et mentor de Ben, l'employé Jake, dont le rôle a été confié à un citoyen de ma ville natale, Shaun Johnston.

Les décors représentant la ferme de la famille Osborne et la rue principale de Crocus ont été construits sur 160 acres de terre dans le district de Glenpark, comté de Leduc.

Cette production canadienne exceptionnelle, pleine de chaleur, d'humour, d'intrigues et de personnages insolites, montre bien que l'Alberta pourra bientôt revendiquer le titre de Hollywood du Nord.

* * *

L'EMPLOI

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, le gouvernement libéral ne se lasse pas de dire à la population canadienne que son objectif est d'établir un climat économique propice.

Un taux d'inflation faible et des coupes sombres dans les dépenses sociales étaient censés constituer le facteur-clé de la création d'emplois. Or, nous connaissons des taux d'inflation très bas et le gouvernement est en avance sur son programme de réduction du déficit.

Cependant, les Canadiens sont confrontés au taux de chômage le plus élevé d'une période de relance économique depuis la dernière dépression. Où sont les emplois? Quand verrrons-nous poindre à l'horizon cette mane d'emplois que les libéraux ont promis de créer?

Je félicite l'éminent économiste Pierre Fortin qui, ces derniers jours, a su démontrer aux Canadiens que les politiques fédérales ne déboucheront jamais sur la création massive d'emplois parce qu'elles reposent sur des principes erronés.

Alors que les décideurs américains toléraient un taux d'inflation de 3. p. 100 pour réaliser le plein emploi, ou peu s'en faut, les libéraux tenaient mordicus à maintenir l'inflation à 1 p. 100 et des taux d'intérêt réel élevés, ce qui a eu pour effet, selon M. Fortin, de supprimer 850 000 emplois.

Les libéraux ne peuvent pas s'attendre à ce que les Canadiens ajoutent foi à leurs propos sur la création d'emplois quand les mesures destinées à combattre l'inflation tuent les emplois.

* * *

LES JEUX PARAOPLYMPIQUES

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, durant l'été, les Canadiens ont observé avec beaucoup de fierté l'extraordinaire prestation de l'équipe paraolympique canadienne aux Jeux de 1996 à Atlanta. Avec un total de 69 médailles, cette manifestation sportive a été couronnée de succès pour le Canada.

En ma qualité de député de London-Middlesex et au nom de tous les habitants de London, je tiens à féliciter et à remercier mes concitoyens qui ont si bien représentés le Canada à Atlanta.

Il s'agit de Marie-Claire Ross qui nous a valu deux médailles d'or, une d'argent et trois de bronze en natation; de Jeff Christy, médaillé d'argent en goalball; de Lisa Stevens, médaillée d'or en basketball; d'Adam Purdy en natation; de Paul Bowes, l'entraîneur de notre équipe masculine de basketball; et de D. Douglas Dittmer, le médecin de l'équipe.

À tous ces hommes et à toutes ces femmes, ainsi qu'à tous les membres de l'équipe paraolympique nationale, nos félicitations. Ils ont inspiré une très grande fierté aux Canadiens.

Des voix: Bravo!

* * *

LA PETITE ENTREPRISE

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, les petites et moyennes entreprises de ma circonscription et de partout au Canada sont le catalyseur de la croissance économique et de la création d'emplois dans notre pays.

Un récent rapport d'Industrie Canada faisait remarquer que le secteur dynamique de la petite entreprise créait plus de 80 p. 100 des emplois du pays. De toute évidence, les banques doivent mieux desservir ce secteur et mieux contribuer à son succès.


4742

(1405)

Malheureusement, les banques n'ont pas su s'adapter aux besoins changeants de la petite entreprise et de l'économie. Il n'est pas facile pour les chefs d'entreprise de recueillir des capitaux dans l'économie actuelle, même lorsqu'ils en ont grandement besoin et qu'ils en justifient l'objet.

Entre-temps, les banques continuent d'enregistrer des bénéfices de plusieurs milliards de dollars. Lorsqu'elles insistent pour ne consentir que les prêts les moins risqués, les banques réduisent leur rôle dans le financement des petites entreprises, dont les propriétaires sentent manifestement qu'elles leur réservent un mauvais traitement. Il faut que cela change.

* * *

[Français]

LE DÉCÈS DE FRANKLIN PICKARD

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec regret que j'ai appris le décès inattendu de M. Franklin Pickard, président et chef de la direction de Falconbridge Limitée.

En mon nom, en celui de la ministre des Ressources naturelles, l'honorable Anne McLellan, et celui du gouvernement du Canada, j'offre nos plus sincères condoléances à la famille de M. Pickard ainsi qu'aux employés de Falconbridge.

M. Pickard était à la tête de Falconbridge depuis 1991. Il était un homme bien connu et respecté au sein de l'industrie minière au Canada et partout ailleurs. Originaire de Sudbury, M. Pickard commença sa carrière chez Falconbridge en 1957 en tant qu'ingénieur métallurgiste. Il exerça de nombreuses fonctions dans la compagnie et en gravit peu à peu les échelons. Son excellent travail, son leadership et ses grandes qualités l'amenèrent à présider cette compagnie florissante.

M. Pickard instaura un esprit de famille à Falconbridge. Il manquera beaucoup à tous ceux qui ont eu le plaisir de connaître ce grand homme de l'industrie minière au Canada.

* * *

L'ÉCONOMIE DU QUÉBEC

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, la semaine dernière, Saturne Solutions, qui a des usines au Canada, aux États-Unis et en Irlande, annonçait un investissement de 20 millions de dollars dans l'ouest de Montréal.

M. Campbell, vice-président exécutif de cette compagnie, vantait les mérites de Montréal et du Québec, en précisant que la main-d'oeuvre y est disponible et qualifiée, que les salaires sont raisonnables, que les loyers et l'électricité sont peu coûteux et enfin, que le libre-échange favorise le Québec.

Au même moment, l'affluence de touristes, de congressistes et de gens d'affaires américains, européens, canadiens et asiatiques forçait les grands hôtels de Montréal à afficher complet.

Malgré le plan B du gouvernement canadien, malgré les déclarations du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes à l'effet qu'il faut affaiblir économiquement le Québec pour diminuer son appétit nationaliste, la réalité démontre que les investisseurs reconnaissent la compétence et la compétitivité québécoises, cléno 1 du succès économique.

* * *

[Traduction]

LE PARTI RÉFORMISTE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, hier soir, j'ai eu le plaisir d'assister à la première assemblée d'investiture d'un candidat réformiste aux prochaines élections fédérales.

Plus de 1 000 personnes ont assisté à l'assemblée tenue à Owen Sound pour la circonscription ontarienne de Bruce-Grey. Murray Peer est celui qui a été élu parmi les trois candidats exceptionnels et qui livrera le message du Parti réformiste aux électeurs.

L'enthousiasme et l'appui manifestés envers notre candidat et notre politique n'ont été surpassés que par la profonde déception devant l'absence de vision du gouvernement ou de tout programme de sa part pour s'occuper de la création d'emplois, de la réduction des impôts, de la réforme du système de justice pénale et de la menace posée par les séparatistes.

Murray Peer n'aura pas à réagir à des promesses non tenues au sujet des emplois, de la TPS et de la réforme des pensions des députés. Il pourra assurer aux électeurs qu'on les écoutera et qu'ils auront un porte-parole à la Chambre. Il offrira aux électeurs un programme exposant une nouvelle vision de l'avenir du Canada et une occasion de repartir à neuf pour bâtir un pays nouveau et meilleur pour nos enfants et nos petits-enfants.

* * *

L'USAGE DU TABAC CHEZ LES JEUNES

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, tous les Canadiens devraient s'inquiéter de l'usage du tabac chez les jeunes.

J'ai rencontré récemment le docteur Cunningham qui dirige les services de lutte contre l'accoutumance du Centre de santé Homewood, à Guelph. Le docteur Cunningham m'a rappelé que les nouveaux fumeurs sont presque toujours des adolescents. Il est extrêmement rare que des adultes de plus de 20 ans commencent à fumer.

Selon les données dont nous avons discuté, pour qu'une jeune personne développe une accoutumance à la nicotine, il lui suffit de fumer quatre cigarettes d'affilée. Beaucoup de gens croient que le tabac a un effet d'accoutumance. Nous devons avant tout surveiller de près là où les produits du tabac sont vendus et annoncés et nous devons nous pencher sur les programmes de traitement destinés à aider nos jeunes à cesser de fumer.

Nos jeunes sont notre avenir. Ils méritent que nous faisions tout en notre pouvoir pour les décourager de fumer et pour aider ceux qui fument déjà à cesser de le faire. Aidons-les dans la lutte contre le tabac.


4743

(1410)

[Français]

LE PROJET DE SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, le ministre provincial des Affaires intergouvernementales, Jacques Brassard, a déclaré hier, et je le cite: «Que ce soit la Cour supérieure, la Cour d'appel ou la Cour suprême, la position du Québec demeure inchangée. Un juge, ça reste un juge. Nous pensons que cette question ne relève pas des juges, quel que soit le niveau du tribunal.»

Le gouvernement péquiste vient d'indiquer que son projet d'indépendance se place au-dessus des lois et des tribunaux. Il envoie aux électeurs le message qu'un gouvernement séparatiste peut passer outre aux lois en vigueur dans ce pays si elles ne servent pas sa cause souverainiste.

Les Québécois et les Québécoises sont en droit de se demander le genre de société et de système de justice que peut leur garantir un gouvernement qui, pour justifier son projet d'indépendance, n'hésite pas à bafouer les lois fondamentales de notre pays.

* * *

LE PROJET DE SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, si comme on le dit la répétition est l'art de l'enseignement, je vais aujourd'hui me convertir en maître d'école pour tenter de faire comprendre une notion fort simple à mes collègues du Bloc québécois.

Depuis maintenant 30 ans, le message vous a été répété par l'ensemble de tous les intervenants économiques du Québec, par les analystes des maisons de crédit, par une majorité de Québécois et Québécoises lors des deux référendums, récemment par certains chefs syndicaux et politiques du Québec.

Hier c'était le maire Bourque de Montréal, aujourd'hui c'est Mme Paule Doré, présidente de la Chambre de commerce du Mont-réal métropolitain, qui joint sa voix à tous ceux et celles qui demandent à ce qu'on mette fin à l'instabilité politique générée par votre projet de séparation.

À force de se le faire répéter sur tous les tons, peut-être finiront-ils par comprendre la leçon.

* * *

LA VENTE D'ÉLECTRICITÉ DE CHURCHILL FALLS

M. Bernard Deshaies (Abitibi, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Affaires intergouvernementales a qualifié cette semaine l'entente sur la vente d'électricité de Churchill Falls de contrat injuste. Un peu plus et le ministre conseillait à Terre-Neuve de renier sa signature comme cette province l'a déjà fait avec Meech.

Il faut donc rappeler à cette Chambre trois faits concernant ce contrat. Seule Hydro-Québec a accepté d'investir dans un barrage à Terre-Neuve au milieu des années 1960. En 1984 et en 1988, la Cour suprême du Canada a reconnu la validité du contrat de vente d'électricité. Les profits d'Hydro-Québec résultant de ce contrat sont comparables aux profits réalisés par les autres barrages construits à la même époque.

S'il se cherche des causes injustes, le ministre n'a qu'à se rappeler comment Terre-Neuve a mis la main sur le Labrador. En 1927, ses prédécesseurs libéraux, sans la permission du Québec, ont cédé le Labrador à Terre-Neuve.

Le ministre devrait donc s'occuper de la mission qui lui a été confiée. Il en a déjà plein les bras.

* * *

[Traduction]

LE MOYEN-ORIENT

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, au nom du Parti réformiste et de tous les Canadiens, je voudrais condamner la violence croissante qu'on constate dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, et inviter les dirigeants israéliens et palestiniens à ne pas ménager leurs efforts pour rétablir immédiatement la paix pour remédier à cette situation très grave.

Des années d'efforts dans le cadre des pourparlers de paix au Moyen-Orient sont en jeu, et la paix et la sécurité de tous les citoyens dans les zones touchées sont menacées. Le moment est donc venu pour les dirigeants de faire preuve de détermination.

Les Canadiens s'inquiètent vivement de ce qui se passe au Moyen-Orient et ils déplorent le type de violence dont nous sommes témoins aujourd'hui. Ainsi, j'exhorte le gouvernement canadien à immédiatement parler avec les représentants israéliens et palestiniens pour les exhorter avec véhémence à mettre un terme à la violence et pour offrir toute l'aide diplomatique pouvant être utile en vue de rétablir le calme et de relancer les pourparlers de paix.

La paix est une chose fragile et nous ne devons pas rester les bras croisés pendant qu'on la réduit à néant.

* * *

[Français]

L'ÉCHANGE D'EMPLOIS INTERPROVINCIAL

M. Denis Paradis (Brome-Missisquoi, Lib.): Monsieur le Président, cet été, les jeunes étudiantes et étudiants qui ont participé à l'échange d'emplois interprovincial, qu'ils soient de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de l'Île-du-Prince-Édouard, de l'Ontario ou de Brome-Missisquoi, se joignent à moi pour remercier les gens de Ressources humaines Canada et de Patrimoine Canada pour leur support enthousiaste, pour remercier Nancy Beattie, la coordonnatrice, qui a fait un travail extraordinaire, pour remercier surtout les familles qui les ont hébergés ainsi que les employeurs pour lesquels ils ont travaillé.

Les jeunes se joignent à moi pour remercier aussi les lignes aériennes canadiennes ainsi que VIA Rail, sans oublier Ontario Northland, qui ont gratuitement transporté les étudiantes et étudiants. Les jeunes ont gagné quelques dollars, ont amélioré leur

4744

langue seconde, mais surtout ont appris à connaître et à apprécier une culture différente de la leur. Tout simplement bravo!

* * *

(1415)

[Traduction]

CLIFFORD OLSON

M. John Nunziata (York-Sud-Weston, Lib.): Monsieur le Président, il y a 15 ans, Clifford Olson a violé et assassiné 11 enfants innocents.

Cet été, il a demandé, aux termes de l'article 745 du Code criminel, une libération anticipée. La semaine dernière, on a appris qu'on avait enregistré 12 cassettes à la demande du FBI et de la GRC pour que Clifford Olson puisse expliquer comment il avait violé et assassiné ses victimes. On a également appris que l'avocat de Clifford Olson avait reçu cinq de ces cassettes. Clifford Olson m'a écrit pour m'offrir ces cassettes moyennant 300 $.

C'est assez. Non seulement il essaie de vendre ces cassettes à votre serviteur et vraisemblablement à d'autres personnes, mais il m'a également fait parvenir de la pornographie explicite. Comment une personne condamnée pour meurtre et viol peut-elle avoir ce type de pornographie dans sa cellule?

Il faut demander des comptes au Service correctionnel du Canada pour le traitement qu'il accorde à Clifford Olson. Peut-on nous dire exactement quelle entente on a conclue pour enregistrer ces cassettes?

* * *

MARIANNE LIMPERT

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, les Jeux olympiques d'Atlanta ont été un événement marquant de l'été. Je voudrais féliciter Marianne Limpert, de Fredericton, qui a fait la fierté du Canada en gagnant la médaille d'argent au 200 mètres quatre nages.

Marianne est la toute première athlète du Nouveau-Brunswick à remporter une médaille aux Jeux olympiques d'été et, à son retour, sa ville natale l'a accueillie en héroïne, allant même jusqu'à donner son nom à une rue, l'allée Limpert.

Elle détient maintenant le record canadien dans sa discipline et le 4 octobre marquera le lancement d'un fonds de bourses d'études Marianne-Limpert. Nous devons continuer à aider les athlètes amateurs à réaliser leurs rêves. Marianne a inspiré de nombreux jeunes Canadiens à aller au bout de leurs capacités.

J'ai hâte de saluer Marianne lorsqu'elle et Hal Merrill, de Fredericton, médaillé de bronze des Paralympiques, rencontreront le premier ministre la semaine prochaine.

* * *

L'AÉROPORT PEARSON

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, ce sont sûrement les Canadiens qui paieront les violons à l'aéroport Pearson, étant donné le piètre travail de l'actuel gouvernement libéral.

Selon toute vraisemblance, le gouvernement fédéral est sur le point de conclure une entente selon laquelle les Canadiens devront payer plus de 60 millions de dollars pour l'annulation de contrats, alors qu'il avait garanti que le montant ne dépasserait pas 35 millions de dollars.

Les voyageurs canadiens écoperont probablement d'une nouvelle taxe et devront tous l'acquitter à l'aéroport.

Trois années d'occasions perdues, plusieurs millions de dollars versés sous forme de compensation et une nouvelle taxe d'aéroport, voilà ce que les Canadiens ont obtenu par suite de la décision irresponsable que le premier ministre a prise au cours de la campagne électorale de 1993.

Les libéraux ont remporté les élections, mais les Canadiens sont encore une fois perdants. C'est le contribuable canadien qui paiera pour le fiasco que les libéraux ont fait des accords de l'aéroport Pearson.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Chers collègues, par dérogation à la procédure habituelle, je voudrais vous signaler la présence à la tribune deM. Istv«n Szent-Yv«nyi, secrétaire d'État du ministère des Affaires étrangères de Hongrie.

Des voix: Bravo!

______________________________________________


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QUESTIONS ORALES

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le ministre de la Justice a décidé, aujourd'hui, de faire appel à la Cour suprême sur la question du référendum et il a affirmé qu'il agit ainsi parce que, et je cite: «Ne pas clarifier cette question menacerait sérieusement l'ordre et le bon gouvernement du Québec et dans le reste du Canada.»

Le ministre pourrait-il nous expliquer pourquoi l'ordre et le bon gouvernement seraient aujourd'hui menacés, alors que ce n'était pas le cas en 1980 ou lors du dernier référendum en 1995? Si le gouvernement se présente aujourd'hui en Cour suprême, n'est-ce pas plutôt qu'il n'a rien à offrir au Québec et qu'il a peur de perdre le prochain référendum?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, les questions posées dans le renvoi à la Cour suprême du Canada ont été inspirées entièrement par la position prise par le procureur général du Québec lui-même dans la cause Bertrand.

Tout le monde a pensé que c'était clair que nous avions ici, au Canada, la primauté du droit et qu'une déclaration unilatérale d'indépendance par le Québec était illégale, irresponsable. Mais le procureur général du Québec a dit, pour la première fois il y a


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quelques mois, que les cours et la Constitution n'ont rien à voir avec le processus par lequel le Québec procède à sa souveraineté.

(1420)

Alors, c'est la responsabilité de ce gouvernement de clarifier, de déterminer ces questions de base. Nous avons posé des questions dans ce renvoi pour clarifier et déterminer clairement la primauté du droit au Canada et le fait que c'est illégal et irresponsable au Canada d'avoir une déclaration unilatérale d'indépendance.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, justement, le ministre déclarait aujourd'hui également, et je cite: «Le gouvernement qui laisse entendre qu'il pourrait jeter le Québec et tout le Canada dans la confusion que créerait une déclaration unilatérale d'indépendance est profondément irresponsable; c'est ouvrir la voie au chaos.»

Mais qui donc est irresponsable? Le gouvernement du Québec qui propose, après avoir obtenu un mandat démocratique du peuple québécois, de négocier d'égal à égal pour la première fois dans l'histoire de ce pays, ou bien ce gouvernement qui veut imposer le même cadre légal que dans le cas du lac Meech où un seul député du Manitoba, où une province comme Terre-Neuve peuvent décider de l'avenir du Québec? Qui est irresponsable?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ce que nous désirons, c'est la même chose que ce que désire la population du Québec, c'est-à-dire un processus ordonné pour régler le défi qui se trouve devant nous. Alors, le processus ordonné, c'est la primauté du droit, les cours et la Constitution, et le lendemain d'un référendum, on aura la Constitution, on aura un processus ordonné.

Oui, avec l'approche de l'honorable député, on aura le chaos, parce qu'une déclaration unilatérale d'indépendance est irresponsable. Nous, au nom de tous les Canadiens, y compris les Québécois et Québécoises, nous choisissons de renvoyer ces questions pour clarifier ce principe de base concernant le système canadien.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, belle Constitution que celle qui fut rejetée par tous les Québécois! Que ce soit le Parti libéral fédéraliste du Québec ou le Parti québécois, il n'y a pas un gouvernement, il n'y a pas un parti au Québec qui a reconnu la Constitution. On nous l'a imposée, grâce aux tactiques de nuit du premier ministre.

Le ministre nous dit qu'il fait appel à la Cour suprême parce que le Québec n'a pas le droit de déclarer unilatéralement sa souveraineté. Je demande pourquoi le Québec ne pourrait pas prendre lui-même la décision de devenir souverain, alors que le Canada, lui, pourrait unilatéralement décider de maintenir le Québec dans le Canada contre la volonté des Québécois. Comment se fait-il que ce soit permis aux uns mais pas aux autres? C'est cela, votre démocratie?

Le Président: Chers collègues, souvenez-vous que vous devez toujours vous adresser à la Présidence.

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député a beau dire, la question en l'occurrence n'est pas de savoir si les Québécois peuvent s'exprimer librement. Cela n'a jamais fait l'ombre d'un doute. Nous avons déjà eu deux référendums et, si le gouvernement actuel du Québec fait comme il l'entend, nous en aurons probablement un troisième. Cependant, là n'est pas la question.

Le véritable problème, c'est que le gouvernement actuel du Québec affirme que, tout de suite après le référendum, si les résultats lui ont été favorables, l'ordre juridique actuel prendra fin et le Québec se retirera unilatéralement du Canada, de notre pays. Il n'en est tout simplement pas question.

Des voix: Bravo!

* * *

(1425)

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice. Ce matin lors de sa déclaration ministérielle, le ministre de la Justice disait, et je cite:

La principale personnalité politique de toutes les provinces et le public canadien ont convenu depuis longtemps que le pays ne restera pas uni à l'encontre de la volonté clairement exprimée des Québécois.
Le ministre pourrait-il nous expliquer, de façon non équivoque, ce que signifient ses paroles «volonté clairement exprimée des Québécois»?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai fait allusion de plusieurs façons ce matin à la volonté clairement exprimée des Canadiens.

D'abord, la volonté clairement exprimée des Canadiens est qu'on doit tenir compte des intérêts des Canadiens de tout le pays à propos de cette question qui les concerne tous. Deuxièmement, j'ai souligné que la volonté clairement exprimée des Canadiens, y compris ceux du Québec, est que nous devons agir dans le respect de la loi.

J'ai également souligné que la volonté clairement exprimée des Canadiens est que leurs dirigeants, y compris les dirigeants du gouvernement québécois, lorsqu'ils abordent les questions à l'ordre du jour du débat public, doivent respecter les valeurs des Canadiens: la tolérance, le compromis, la discussion, le dialogue. Voilà de quelle façon les Canadiens veulent que nous abordions nos problèmes, non pas en agissant unilatéralement, non pas en quittant unilatéralement la table de négociation. Ce n'est pas ainsi que nous faisons les choses au Canada. Voilà la volonté habituellement exprimée par les Canadiens.


4746

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, malheureusement le ministre de la Justice n'a pas compris la question que je lui ai posée. J'ai parlé de la «volonté clairement exprimée des Québécois», c'était ma question. Il me répond sur la volonté des Canadiens. Je pense que le ministre est passé directement à côté de la question.

Je crois qu'il serait juste et raisonnable de ma part de lui donner une deuxième chance de répondre à ma question. Je repose ma question au ministre: Pourrait-il nous expliquer de façon non équivoque ce que signifient ses paroles «volonté clairement exprimée des Québécois»?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je peux répondre à la question. Si la députée veut vraiment savoir quelle est la volonté clairement exprimée des Québécois, elle n'a qu'à voir les résultats des deux derniers référendums.

Des voix: Bravo!

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais d'abord féliciter le gouvernement et le ministre d'avoir enfin convenu d'un renvoi tardif à la Cour suprême. Il convient aussi de signaler l'appui solide que le gouvernement a reçu du ministre des Affaires intergouvernementales.

Alors que d'autres gouvernements dans le monde commencent à s'inquiéter de la primauté du droit au Canada, au Québec, certaines personnes qui se disent fédéralistes ont expliqué clairement qu'elles s'opposaient à toute tentative visant à défendre la primauté du droit devant les tribunaux et le droit du Canada à l'autodétermination.

Appuyer un droit unilatéral du PQ à l'autodétermination est inacceptable pour les simples Canadiens loyaux d'un océan à l'autre. Que fait le gouvernement pour convaincre ces Québécois de l'importance d'appuyer un effort visant à faire respecter la souveraineté du Canada?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'espère bien que nos alliés fédéralistes au Québec comprendront l'importance de trancher clairement les questions qui ont été soumises.

(1430)

Ce que nous faisons, c'est que nous exprimons notre position fermement et sans détour. Nous avons élaboré des questions qui, à mon avis, montrent clairement ce qui est en jeu. Ce matin, j'ai d'ailleurs écrit à un Québécois, M. Paul Bégin, procureur général du Québec, pour l'inviter à participer avec moi à notre démarche devant la Cour suprême du Canada.

[Français]

Je crois qu'il est très important que le procureur général du Québec se rende à la cour et participe.

[Traduction]

En fait, nous avons, lui et moi, des opinions qui divergent sur ces importantes questions de droit. Lorsque les Canadiens ont des points de vue divergents sur des questions importantes, ils demandent aux tribunaux de trancher. J'ai invité le procureur général à participer à notre démarche devant les tribunaux; nous pourrons ainsi connaître son opinion et obtenir un jugement du plus haut tribunal du pays.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais savoir si c'est là tout ce que le gouvernement compte faire ou s'il a d'autres plans.

Hier, lors d'une séance du Congrès à Washington, Christopher Sands, du Centre for Strategic and International Studies, a dit que, selon certaines rumeurs, le gouvernement fédéral entend inclure une disposition sur la sécession dans la Constitution après les prochaines élections et qu'il évoquerait à nouveau la possibilité de tenir un référendum national sur cette question.

Le gouvernement fédéral est-il prêt à aller plus loin et à affirmer que tous les Canadiens doivent avoir leur mot à dire sur l'avenir de leur Constitution et de leur pays et que cela devrait se traduire par la tenue d'un référendum national?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous avons exprimé notre engagement très clairement dans le discours du Trône, dans des mots très semblables à ceux que le député a employés.

Nous avons dit que, s'il y a un autre référendum, le processus devra être démocratique, que nous nous assurerons que la question soit claire, les faits, connus, et les conséquences, bien comprises, et que tous les Canadiens auront leur mot à dire sur l'avenir de leur pays.

La démarche que nous entreprenons aujourd'hui vise à éclaircir la question de droit la plus fondamentale, celle de savoir si nous agissons conformément au principe de la primauté du droit ou en y contrevenant. Je suis certain que le tribunal établira que la Constitution et le principe de la primauté du droit doivent avoir préséance.

En réponse à la question du député, je puis dire que, dans les mois qui viennent, nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour respecter l'engagement que nous avons pris dans le discours du Trône.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais des précisions sur la nature de cet engagement.

Gordon Robertson, l'ancien greffier du Conseil privé, a dit que le gouvernement doit adopter une loi pour faire face à une éventuelle tentative de sécession. Comme le ministre le sait sûrement, Patrick Monahan, d'Osgoode Hall, a dit la même chose.


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Le ministre est-il prêt à aller plus loin et à déposer à la Chambre un projet de loi établissant un cadre législatif dans l'éventualité de toute tentative sécessionniste d'une province?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, pour l'instant, nous nous contentons de soumettre des questions fondamentales à la Cour suprême du Canada. Je répète que nous allons respecter l'engagement que nous avons pris dans le discours du Trône.

Le député a évoqué deux situations où des Canadiens responsables ont proposé des solutions pour résoudre ces problèmes épineux. Nous sommes témoins de cela partout au Canada. Les Canadiens se penchent sur ces questions et ils élaborent des réponses constructives; le processus est très valable. Nous l'encourageons et nous l'appuyons.

Nous sommes à l'écoute. Nous choisirons les meilleures propositions qui ressortiront de ce processus. Nous en discuterons ici et, en temps et lieu, nous adopterons une ligne de conduite qui nous permettra de respecter les engagements que nous avons pris dans le discours du Trône.

* * *

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le ministre de la Justice vient de répondre à un collègue réformiste qu'il n'écarte pas la possibilité de tenir un référendum pancanadien pour décider de l'avenir du Québec, un peu comme il y a eu un référendum sur la conscription, un peu comme il y a eu Charlottetown.

Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Est-ce que, oui ou non, il envisage de tenir un référendum pancanadien pour décider de l'avenir des Québécois et des Québécoises?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous faisons maintenant porter notre attention sur les questions de droit fondamentales soulevées par le procureur général du Québec.

[Français]

On doit répondre aux questions posées par la Cour suprême du Canada aujourd'hui parce que le procureur général du Québec a adopté une position inacceptable selon la loi du Canada. Alors nous allons saisir l'occasion de traiter cette question primordiale. Nous commencerons par ces questions puis, durant les mois à venir, nous respecterons nos autres engagements.

(1435)

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, quant à répondre, comme le fait le ministre de la Justice, en laissant envisager un référendum pancanadien et en nous disant maintenant qu'il a d'autres engagements, est-ce qu'il pourrait mettre toutes ses cartes sur la table et nous dire si oui ou non, il a l'intention d'avoir un référendum pancanadien avec sa «rule of law» où ce sera tout le monde à l'extérieur du Québec qui pourra décider de l'avenir du Québec? On a connu la conscription, on a connu Meech, est-ce un autre exemple de démocratie du genre qu'ils veulent nous apporter?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député n'est pas sans savoir que c'est un député réformiste qui a évoqué la possibilité d'un référendum pancanadien. Pour ma part, je n'en ai pas parlé.

Le député d'en face se plaît à soutenir que quiconque veut respecter la primauté du droit s'élève contre l'expression démocratique de la volonté des Québécois. C'est absolument faux. Le peuple québécois a parfaitement le droit de s'exprimer démocratiquement par référendum consultatif.

Là où mon collègue se trompe, tout comme le procureur général du Québec, c'est lorsqu'il dit que les résultats d'un référendum permettent d'agir unilatéralement, de quitter tout simplement la table. Voilà le principal enjeu.

N'embrouillons pas les choses. Nous respectons le droit de la population québécoise de s'exprimer démocratiquement, mais nous devons insister pour qu'il n'y ait pas de mesures unilatérales, pour que nous ne perdions pas de vue que les intérêts de tous les Canadiens sont en cause, pour que le problème ne se règle que conformément aux principes garantissent une solution ordonnée.

* * *

LES MARCHÉS DE L'ÉTAT

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre appuie les pratiques répugnantes de favoritisme du ministre de la Défense. Permettez-moi de lui rappeler. . .

Le Président: Je demande au député de ne pas utiliser de langage antiparlementaire. Je lui permettrai de reformuler sa question en évitant de reprendre l'expression qu'il a utilisée. Le député peut poursuivre.

M. Hart: Monsieur le Président, permettez-moi de rappeler au premier ministre son propre code régissant les conflits d'intérêts, qui précise, noir sur blanc, qu'il est interdit au titulaire d'une charge publique d'accorder un traitement de faveur à des amis ou à des organismes dans lesquels il a des intérêts.

Thornley est un bon ami du Parti libéral et il a reçu un traitement de faveur.

Le premier ministre fera-t-il preuve de leadership et veillera-t-il à appliquer son propre code de conduite et à mettre fin à ce traitement de faveur?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à répéter ce que j'ai dit hier. Tout cela est conforme aux lignes directrices concernant les dépenses que peut engager un ministre.

Ainsi, je connais un dénommé Stephen Green qui travaille depuis deux ans pour le Parti réformiste. Il est payé avec les fonds publics. C'était un ami du chef du Parti réformiste. Il y a aussi une dame fort gentille, Line Maheux, qui a encaissé une dure défaite aux élections


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et qui a été récompensée par le Parti réformiste, qui lui a offert l'emploi qu'elle occupe encore de nos jours.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, ce dont nous sommes témoins à la Chambre aujourd'hui est tout à fait scandaleux. Le premier ministre est disposé à respecter les lignes directrices de M. Mulroney, mais refuse de respecter son propre code de conduite. Les liens qui unissent le gouvernement libéral à son code de conduite sont vraiment très ténus.

Le favoritisme dont se rend coupable le ministre de la Défense enfreint clairement les lignes directrices du premier ministre concernant les conflits d'intérêts, mais le premier ministre refuse d'agir en conséquence.

Le premier ministre prendra-t-il les choses en main aujourd'hui et s'engagera-t-il à respecter ses propres lignes directrices et à annuler le contrat?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Non, monsieur le Président. Nous sommes convaincus que les lignes directrices ont été respectées, que la personne est compétente pour s'acquitter de la tâche que lui a confiée le ministre et que cela respecte le budget que la Chambre des communes a approuvé pour les dépenses du cabinet du ministre. Je viens de mentionner des gens qui ont été récompensés. Ces gens doivent sûrement être compétents. J'espère qu'ils le sont, car ce parti a besoin de gens compétents. Nous ne nous plaignons pas, parce que ces gens font leur travail. Ils ont cependant été récompensés. Ils n'étaient pas connus avant de se présenter comme candidats pour le Parti réformiste.

(1440)

Je crois que, dans les circonstances, le ministre avait le choix d'agir comme il l'a fait. Cela est conforme aux lignes directrices et aux règles s'appliquant aux ministres et aux députés. Tout a été fait dans les règles.

* * *

[Français]

REVENU CANADA

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Revenu. Aujourd'hui, par le dépôt d'un rapport, le vérificateur général nous reconfirme que Revenu Canada est devenu une véritable passoire. Après le scandale des fiducies familiales, on apprend aujourd'hui que Revenu Canada a perdu jusqu'à 630 millions de dollars en évasion fiscale au titre des droits et de la taxe d'accise et ce, uniquement pour l'année 1994-1995.

Comment la ministre peut-elle expliquer aux payeurs de taxes que Revenu Canada permet, pas sa négligence, notamment aux grandes pétrolières et aux industries du tabac d'éviter de payer jusqu'à 630 millions de dollars en impôts?

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, j'applaudis au rapport du vérificateur général. En tant que fonctionnaire responsable devant la Chambre, il me fournit des renseignements, des conseils et des exemples qui me permettent d'améliorer sans cesse les activités et le fonctionnement de mon ministère.

Je remarque que, dans ce rapport, il relève plusieurs secteurs où Revenu Canada a fait des progrès et a même apporté des améliorations. Il signale aussi des secteurs où des améliorations sont encore possibles. Je suis heureuse de dire que nous avons déposé à l'égard de tous ces secteurs des plans d'action qu'il a approuvés et appuyés.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, c'est incroyable, c'est un scandale. La ministre tente de banaliser un passe-droit fait aux grosses compagnies qui font pourtant des milliards de dollars de profits. C'est incroyable!

Au lieu de se vanter, est-ce qu'on pourrait savoir quels moyens concrets la ministre entend prendre pour récupérer les sommes dues et mettre un frein à ces abus?

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Absolument, monsieur le Président. Replaçons le rapport du vérificateur général dans son contexte. Je préfère dire que le verre est aux deux tiers plein plutôt qu'au tiers vide en ce qui concerne les taxes à la consommation.

Dans son rapport, le vérificateur général signale qu'il y a eu, en 1993-1994, une fraude fiscale de l'ordre de 1,5 milliard de dollars à l'égard de taxes à la consommation, par suite de la contrebande de cigarettes. L'année suivante, il ne s'agissait plus que de 500 millions de dollars, soit une baisse des deux tiers.

Les criminels qui cherchent à éviter les taxes à la consommation ne tiennent pas de livres que l'on peut vérifier. Le ministère est à mettre au point une stratégie globale en collaboration très étroite avec le solliciteur général, le ministre de la Justice, le ministre de la Santé et le ministre des Finances.

D'après le vérificateur général, elle fonctionne très bien depuis un an. Je puis vous assurer que nous sommes absolument déterminés à supprimer complètement cette fraude de 500 millions de dollars.

* * *

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, Kyle Brown, un simple soldat du régiment aéroporté envoyé en mission en Somalie, a été emprisonné pour cinq ans et expulsé des forces pour son rôle dans l'affaire de la Somalie. Il a été jugé, trouvé coupable et condamné à une peine appropriée.

En remettant aux autorités le film des atrocités, Kyle Brown s'est incriminé, mais il a empêché un camouflage.

Comment se fait-il que le moins gradé des militaires qui a empêché une opération de camouflage n'ait pas été défendu par un avocat militaire, alors que le chef d'état-major de la défense est représenté par le meilleur avocat qu'on puisse se payer pour tenter


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de l'innocenter des accusations quant à son rôle dans le camouflage?

M. John Richardson (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Compte tenu de la teneur de cette dernière, je vais la prendre en délibéré.

(1445)

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, si vous le permettez, je voudrais informer le secrétaire parlementaire que le simple soldat Kyle Brown n'a pas encore fini de rembourser le prêt bancaire qu'il a dû contracter pour assumer les frais de sa défense pendant qu'il était en Somalie.

Le sergent Mark Boland a été arrêté, cueilli chez lui par la police militaire, jugé, trouvé coupable et condamné à une peine d'emprisonnement d'un an. Il a été expulsé des forces pour son rôle dans l'affaire de la Somalie.

Même s'il n'était pas en fonction et qu'il dormait pendant que les événements en cause se sont déroulés, le sergent Boland a été tenu responsable parce que les atrocités sont survenues pendant son quart de surveillance. Il aurait dû savoir, et c'est pour cela qu'il a été tenu responsable.

Ma question s'adresse au premier ministre. Quel message sur le plan du leadership adresse-t-on aux Canadiens quand on voit le chef d'état-major de la défense refiler à d'autres la responsabilité d'événements survenus pendant qu'il était en poste et continuer quand même de jouir de l'appui du premier ministre, du ministre de la Défense et du gouvernement?

M. John Richardson (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, compte tenu de la nature de la question et des détails qu'elle comporte, j'aurais pu y répondre si j'en avais été avisé à l'avance. Je vais donc la prendre en délibéré.

* * *

[Français]

REVENU CANADA

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, la ministre du Revenu, il y a quelques moments, s'est cachée derrière les entreprises criminelles pour dire: «On ne peut pas vérifier leurs livres». Les pétrolières sont des entreprises légitimes dont les livres doivent être vérifiés. La ministre n'a aucune excuse.

Par ailleurs, pendant que les contribuables fortunés sont capables d'obtenir de Revenu Canada des services un 23 décembre 1991, le vérificateur général nous révèle aujourd'hui que, neuf fois sur dix, le simple contribuable est incapable d'avoir un accès téléphonique aux services de Revenu Canada.

Comment la ministre peut-elle justifier que les riches ont un traitement privilégié de la part de son ministère alors que le simple contribuable lui n'est même pas capable de rejoindre Revenu Canada par téléphone?

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, le député fait allusion au service téléphonique de mon ministère. La situation nous préoccupe. Tous les députés ont eux-mêmes constaté qu'il était difficile d'obtenir une ligne ou ont entendu parler de cas d'électeurs ayant vécu ce problème.

Je tiens à souligner que, en juillet dernier, nous avons reçu deux millions d'appels téléphoniques en une seule semaine. Il aurait fallu 4 000 agents pour pouvoir répondre à tous ces appels, donc il serait impensable d'embaucher davantage de personnel dans le contexte actuel.

Cependant, nous étudions la possibilité de recourir à l'informatique pour répondre aux demandes de renseignements. Nous avons mené des projets pilotes et un nouveau système sera implanté à l'échelle du pays. Nous prévoyons que ce sera fait au cours de 1996. Je crois que le nouveau système allégera le problème d'accessibilité.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, je constate qu'un rapport du Directeur général des élections nous indique que les grosses compagnies financent généreusement la caisse du Parti libéral.

La ministre peut-elle nous dire s'il y a une relation entre ce fait et le fait que Revenu Canada est rendu une boîte à privilèges et à passe-droits pour les grosses fortunes et les grosses compagnies?

Le Président: Si j'ai bien compris la question, il s'agit d'une question qui se rapporte au Parti libéral. Si la ministre veut répondre à cette question, je vais le permettre, mais sinon on va passer.

* * *

[Traduction]

LE TRAITÉ D'INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS NUCLÉAIRES

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre suppléant des Affaires étrangères.

Cette semaine, le Canada et 79 autres pays ont posé un geste historique en signant, aux Nations Unies, le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

Malheureusement, certains États qui sont à la veille d'acquérir l'arme nucléaire, y compris l'Inde, ont déclaré qu'ils ne signeraient pas. Le ministre pourrait-il dire quelles mesures entend prendre le Canada pour convaincre l'Inde et ces autres pays de signer cet important traité afin qu'il puisse être mis en oeuvre le plus tôt possible?

(1450)

[Français]

L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, je tiens d'abord à souligner l'excellent


4750

travail du député de Notre-Dame-de-Grâce qui oeuvre depuis des années en faveur du désarmement mondial.

En effet, plus tôt cette semaine, le Canada a été l'un des premiers pays signataires du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Cela représente la concrétisation d'un objectif de très longue date de notre politique étrangère. Le Canada continue de jouer un rôle important pour assurer la mise en vigueur du Traité, et ce, le plus tôt possible. Déjà d'ailleurs, le Traité établit une norme internationale exécutoire interdisant tous les essais. Cette norme sera, au cours des prochaines années, un puissant levier politique et moral qui jouera d'ailleurs également auprès des pays non signataires.

* * *

[Traduction]

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, à l'extérieur de la Chambre, la ministre du Patrimoine a déclaré clairement que ni elle ni son ministère n'avaient fait des pressions auprès des députés libéraux d'arrière-ban pour rejeter le projet de loi visant à interdire la facturation par défaut par les câblodistributeurs. Cependant, j'ai ici une note de service dans laquelle la ministre appuie de façon non équivoque la facturation par défaut et encourage les députés libéraux à voter contre l'interdiction.

De plus, j'ai un document, imprimé sur le papier à en-tête de la ministre, qui dit que les députés devraient voter contre cette mesure, que c'est là la position du gouvernement.

Compte tenu de ces preuves, comment la ministre peut-elle expliquer les divergences entre ce qu'elle a dit à l'extérieur de la Chambre et ce qui est écrit sur ces documents?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit la semaine dernière et cette semaine et comme je le dirai encore la semaine prochaine, le gouvernement libéral est contre la facturation par défaut. Nous nous y sommes opposés l'année dernière, nous nous y opposons cette année et nous nous y opposerons l'an prochain.

Le président du CRTC, en attribuant les nouvelles licences pour les chaînes spécialisées, a dit lui aussi qu'il s'opposait à la facturation par défaut. La question a donc été réglée.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, la facturation par défaut a suscité beaucoup d'indignation chez les Canadiens ordinaires. En fait, nous n'avions rien vu de tel depuis que la ministre avait manqué à sa promesse d'éliminer la TPS. Il est clair, d'après ces documents, que la ministre et son ministère travaillent main dans la main avec l'industrie de la câblodistribution.

Comment la ministre peut-elle nier que son gouvernement était contre le projet de loi visant à interdire la facturation par défaut lorsque je lis ici «position du gouvernement: non»?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, vous avez absolument raison, le gouvernement est opposé à la facturation par défaut.

* * *

[Français]

LA PÊCHE AU HOMARD

M. René Canuel (Matapédia-Matane, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

Il y a plus de trois semaines, les Micmacs de Restigouche débutaient une pêche illégale au homard et ce, en dehors de la saison. Après plus de trois semaines de tolérance, le ministère des Pêches et des Océans décidait, lundi dernier, de leur émettre un permis de pêche communautaire, même si les Micmacs ne l'avaient pas demandé et cela, au détriment des pêcheurs locaux.

Étant donné que les Micmacs reconnaissent clairement qu'ils visent à développer une pêche commerciale du homard et qu'ils ne reconnaissent même pas la primauté de Pêches et Océans dans ce domaine, comment le ministre explique-t-il l'attribution de ce permis?

[Traduction]

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, c'est un fait que la première nation de Listuguj, en revendiquant des droits historiques, comme en témoigne la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, a demandé un permis. Le ministère lui a accordé un permis de pêche communautaire. Ce permis est assorti de restrictions très sévères dans l'intérêt de la conservation: des limites quant au nombre de prises et des limites quant au type d'engin pouvant être utilisé. Ces restrictions sont exécutoires en vertu de la Loi sur les pêches.

Nous sommes au courant des plaintes portées concernant des infractions. Nous sommes en train de faire enquête. Si cela s'avère nécessaire, nous prendrons les moyens à notre disposition pour faire respecter ces restrictions. Il serait évidemment préférable pour nous tous de régler cette affaire à l'amiable. Le député sera certainement d'accord avec moi sur ce point. Le ministère examine la question avec toutes les parties concernées. Cependant, nous prendrons les mesures qui s'imposent pour faire respecter les règlements si c'est nécessaire.

(1455)

[Français]

M. René Canuel (Matapédia-Matane, BQ): Monsieur le Président, Pêches et Océans Canada vient de donner un quota de 300 livres de homard à chacun des 2 000 membres de la communauté. Nous parlons du droit de pêcher 600 000 livres de homard dans la baie des Chaleurs. C'est beaucoup de homard!

Comment le ministre peut-il concrètement s'assurer du maintien de la ressource dans la sous-zone située entre New Richmond et Pointe-à-la-garde, là où les Micmacs sont en train de pêcher?


4751

[Traduction]

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, comme il a déjà été dit, nous sommes conscients des besoins en matière de conservation. C'est la principale responsabilité du ministère. Nous faisons actuellement enquête sur la question.

Si des infractions ont été commises, les auteurs de ces infractions feront l'objet de poursuites en vertu de la Loi sur les pêches. Je puis assurer au député que nous allons quand même essayer, compte tenu des considérations politiques, de régler la question à l'amiable, ce que nous voulons tous. Cependant, si c'est nécessaire, nous intenterons des poursuites pour assurer le respect des règlements.

* * *

CHURCHILL FALLS

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, la ministre des Ressources naturelles exprimait son indignation à la Chambre hier, à l'idée qu'un gouvernement fédéral puisse s'ingérer dans des contrats privés. C'est pourtant bien ce que les libéraux ont fait dans le cas du Programme énergétique national.

Faut-il comprendre que la ministre considère que le Programme énergétique national était une énorme erreur?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai nullement l'intention de m'attarder au passé.

Des voix: Oh, oh!

Mme McLellan: Pensons plutôt à l'avenir. J'ai sous les yeux un document du Parti réformiste intitulé Vingt propositions pour une nouvelle confédération. Je voudrais en citer un court passage, qui figure sous la rubrique Réorganisation des pouvoirs. Je cite: «Afin de rendre le gouvernement plus efficace, nous proposons de mettre fin à l'ingérence du gouvernement fédéral dans les secteurs suivants. . .»

Le premier secteur visé est celui des ressources naturelles.

Des voix: Oh, oh!

Mme McLellan: Supposons que nous laissions aux provinces une compétence exclusive sur une ressource comme l'énergie.

On pourrait se demander pourquoi le tiers parti, le Parti réformiste, a changé d'avis sur cette question fondamentale. C'était peut-être par pur opportunisme politique.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, nous voulons que chaque province puisse contrôler ses propres ressources, sans ingérence des autres provinces.

La ministre ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Comme je le disais hier, les libéraux n'ont aucune difficulté à s'ingérer dans les contrats privés équitables. Ils n'éprouvent de difficulté qu'avec les contrats inéquitables.

Les libéraux acceptent de vendre l'Alberta, mais ils refusent d'agir lorsque la population de Terre-Neuve est forcée de traverser Churchill Falls dans un tonneau.

La ministre peut-elle expliquer cette contradiction à la population canadienne?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, comme je le disais, la contradiction semble plutôt se trouver entre la position officielle du Parti réformiste et ce qu'il affirme maintenant.

Nous respectons la compétence des provinces sur leurs ressources naturelles. Les provinces ont le pouvoir de passer des contrats concernant la vente et la cession de ces ressources.

* * *

LA SANTÉ

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, par le passé, il n'était pas exigé d'inclure des femmes dans les essais cliniques de médicaments au Canada.

Si le ministre de la Santé estime que la santé des femmes est une priorité, qu'a-t-il fait ou que fait-il pour veiller à interdire la vente au Canada de médicaments dont les effets sur les femmes n'ont pas été pleinement évalués?

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, la députée est bien connue pour l'intérêt qu'elle porte aux droits des femmes et à leur défense. Je crois que la députée et d'autres députés à la Chambre seront heureux d'apprendre que mon ministère a changé de politique.

(1500)

Par le passé, il n'était pas obligatoire d'inclure des femmes dans les essais de médicaments. Depuis hier, il est obligatoire pour toutes les sociétés pharmaceutiques d'inclure des femmes dans les essais cliniques avant de pouvoir faire une demande d'homologation d'un médicament.

* * *

[Français]

LA RECONVERSION DES INDUSTRIES MILITAIRES

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, pour nous rappeler qu'il existe. Lors de son budget du 6 mars dernier, le gouvernement fédéral annonçait la création du Partenariat technologique Canada. Ce programme, selon le ministre, devait aider le secteur de l'aérospatiale et celui de la défense à leur reconversion vers des fins civiles. Pour aider le ministre dans la gestion de ce programme et l'évaluation des projets, un conseil consultatif devait être créé.

Le ministre peut-il nous indiquer combien d'entreprises québécoises liées au secteur de l'aérospatiale et à celui du matériel de défense ont été aidées par Partenariat technologique Canada à ce jour?


4752

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, les projets appuyés par le programme de Partenariat de technologie Canada seront annoncés bientôt.

Le député sait très bien que c'était le cadre des programmes du gouvernement fédéral du Canada qui a appuyé le développement important dans la région, surtout de Montréal, de compagnies comme Bombardier, Pratt & Whitney, CAE, et c'est le succès du Canada qui est visible à Montréal en ce moment.

* * *

[Traduction]

LA FISCALITÉ

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, le rapport du vérificateur général, qui a été déposé aujourd'hui, démontre l'incompétence du gouvernement dans la perception des impôts, et c'est ce qui fait que les contribuables canadiens n'ont plus confiance dans le système.

Encore une fois, le gouvernement s'acharne sur le petit contribuable et lui serre les ouïes à l'étouffer, mais pas une compagnie de tabac n'a subi de vérification dans les cinq dernières années.

Revenu Canada sait qu'on pourrait facilement récolter des millions de dollars rien qu'en vérifiant les livres des grandes compagnies de tabac, mais le ministère les laisse tranquilles, se contentant d'aller récupérer tous les sous qu'il peut dans la poche des Canadiens ordinaires.

J'aimerais que la ministre du Revenu national me dise pourquoi.

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, Revenu Canada fait ses vérifications selon le principe de la gestion des risques. Pour les cinq années que le vérificateur général a examinées, nous avons reporté notre attention sur l'économie souterraine et les initiatives anticontrebande. Le vérificateur général nous a félicités de ces changements qui ont été très profitables pour le fisc.

J'ajoute cependant, puisqu'on m'en parle, que les compagnies de tabac paient environ 85 p. 100 de la taxe d'accise, et que j'ai demandé au ministère de les inclure dans notre vérification générale des entreprises. Leurs livres seront donc vérifiés tous les deux ans pour les deux ans qui précèdent, et le tout sera fait avec efficacité et efficience.

* * *

L'AGRICULTURE

M. Vic Althouse (Mackenzie, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture qui a dit, hier, qu'il comptait sur la Nouvelle-Zélande, l'Argentine et l'Australie pour être ses alliées au sein du groupe Cairns et défendre la Commission canadienne du blé, la Commission canadienne du lait et d'autres organismes de ce genre pendant les négociations commerciales de 1999.

Étant donné que l'Argentine a déjà abandonné son système de commercialisation et que la Nouvelle-Zélande et l'Australie sont en tain de modifier les leurs pour réduire le rôle de l'État, a-t-il l'intention de procéder ici à des modifications similaires et qu'est-ce qui cimente cette alliance?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, à la réunion du groupe Cairns, qui a eu lieu cet été à Cartagena, les 14 pays qui constituent ce groupe ont eu amplement l'occasion de discuter de leurs stratégies commerciales, à l'approche de la série de négociations du GATT qui débutera à la fin du siècle.

Les entreprises commerciales d'État étaient l'un des sujets de discussion. C'est un concept qui a reçu l'appui de tous les participants, pas seulement du Canada, pas seulement de la Nouvelle-Zélande, pas seulement de l'Australie. Le consensus général qui s'est dégagé du groupe est de prendre position en faveur du droit des pays à avoir et à conserver les entreprises d'État qui conviennent à leur situation respective.

À ce sujet, j'inviterais le député à se servir de sa position privilégiée à la Chambre pour aider à expliquer à ses voisins du Parti réformiste que la politique du gouvernement canadien est élaborée à Ottawa, pas à Washington.

* * *

L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre des Ressources naturelles.

J'ai présenté un projet de loi d'initiative parlementaire, qui a été adopté en novembre 1995, demandant à la ministre d'améliorer l'accès aux commissions et organismes gouvernementaux, dans l'intérêt public et afin que les décisions prises soient plus valables.

(1505)

Quelles mesures la ministre a-t-elle prises pour veiller à ce que les Canadiens aient tous également et équitablement accès aux audiences de l'Office national de l'énergie?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, le député soulève une question très importante, celle de l'aide financière pour les propriétaires intervenant lors des audiences de l'Office national de l'énergie sur les pipelines.

Comme le député le sait, j'ai demandé à l'Office national de l'énergie de chercher des moyens non législatifs de fournir de l'aide financière aux propriétaires intervenant lors des audiences. L'ONE a commencé à travailler dans ce sens et m'a fait rapport plus tôt cette année. J'ai alors demandé à l'Office de publier le rapport et de recueillir les commentaires, ce qu'il est en train de faire.

4753

Les gens ont manifesté un intérêt tel à l'égard de cette question que l'ONE a du prolonger à deux reprises le délai alloué au public pour présenter des observations. J'espère cependant recevoir le rapport d'ici la fin de l'année.

En outre, je devrais aussi dire au député que j'ai travaillé en collaboration avec l'Association canadienne des pipelines de ressources énergétiques et j'ai demandé qu'elle songe à mettre sur pied un projet pilote par lequel elle financerait elle-même volontairement les intervenants.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune d'une délégation de membres du Conseil de l'assemblée fédérale de la Fédération de Russie et du président du conseil, M. Yegor Stroyev.

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, voici la question de la semaine. J'aimerais savoir ce que le gouvernement nous réserve sur le menu législatif pour les jours qui viennent.

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, demain, la Chambre considérera la législation sur le transport maritime, le projet de loi C-44, et si nous avons du temps après avoir complété ce projet de loi, nous allons retourner à la liste des projets de loi de la semaine et nous allons continuer nos discussions habituelles avec nos collègues des partis de l'opposition.

[Traduction]

Lundi sera une autre journée d'opposition. Ensuite, nous reviendrons à notre liste: le projet de loi C-45, le projet de loi C-53, le projet de loi C-49, le projet de loi C-26 et le projet de loi C-41. Le projet de loi C-60 sur l'inspection des aliments, et le projet de loi C-55 sur les délinquants à risque élevé de récidive seront ajoutés à la liste pour la semaine prochaine.

Nous discuterons l'ordre exact avec nos collègues d'en face afin de faire avancer les choses, ce que la Chambre n'a pas fait depuis son retour de vacances.

______________________________________________


4753

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LES FUITES DE CAPITAUX

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, c'est un honneur que de prendre la parole à nouveau à la Chambre pour participer au débat sur la motion de la journée, présentée par le Bloc québécois.

Il est intéressant qu'ils utilisent leur journée pour ce sujet particulier. Cela montre une des choses qui ne vont pas dans ce pays. Le fait que nous ayons à la Chambre un grand nombre de députés dont l'objectif déclaré soit de se séparer de nous, montre bien qu'il y a des problèmes et que, en tant que législateurs, nous devons y prêter attention.

Il n'y a pas de doute dans mon esprit que si la fédération fonctionnait comme elle devrait, nous ne serions pas ici à débattre de ce genre de questions.

(1510)

La motion soulève une question qui est à l'esprit de tout le monde au Canada, la question de l'équité du régime fiscal. Le Bloc le fait en se concentrant sur un cas très particulier qui se fonde sur des observations du vérificateur général. La question sur laquelle il attire notre attention est très importante, il s'agit du régime fiscal actuel, qui est inéquitable.

Je ne suis pas député depuis longtemps, puisque c'est mon premier mandat, mais j'ai déjà écouté un grand nombre de personnes de tout le pays, et particulièrement de ma circonscription d'Elk Island. Une chose que j'entends souvent, c'est que les gens ne peuvent plus accepter sans rien dire que la moitié de leurs gains soient dépensés en leur nom par un gouvernement qui n'écoute pas ce qu'on lui dit sur la façon de dépenser. Nous entendons constamment des particuliers ou des petites entreprises parler du régime fiscal et de la façon dont il fonctionne à l'encontre du bien-être personnel et du bien-être de leur entreprise. Il est lourd. Il représente un fardeau beaucoup trop important pour la population de ce pays. Il est basé sur la fausse supposition qu'il y a quelqu'un très loin, à Ottawa, un politicien ou un bureaucrate, qui sait mieux que les contribuables comment affecter ces fonds.

C'est la grande supposition faite par les gouvernements libéraux et conservateurs successifs de ce pays et nous sommes pris avec cela. Nous en sommes à un stade où beaucoup trop d'entre nous ont du mal à joindre les deux bouts. Pendant ce temps-là, nos impôts doivent être payés. Finalement, il faudra travailler jusqu'au milieu de juillet avant d'atteindre ce qu'on appelle le jour de la liberté fiscale, le jour où, finalement, nous pouvons commencer à gagner de l'argent pour nous-mêmes et pour nos familles.

Je dois admettre qu'une partie du produit de l'impôt est utilisée à des fins utiles. Je ne saurais nier cela. Je suis très heureux de vivre dans ce pays. Je suis très content que nous ayons de bonnes infrastructures. Nos autoroutes sont en très bon état par rapport aux normes internationales. Nous sommes dotés d'excellentes installations de télécommunications et nos impôts servent à payer tous ces services.

Là n'est pas la question. Le problème, c'est l'énorme gaspillage, tout cet argent qui est affecté à des programmes dont la plupart des citoyens ne veulent pas, mais qui nous sont refilés par un bureaucra-


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te ou un politicien à des kilomètres de distance. C'est ce qui explique que j'entends de plus en plus de gens récriminer contre la façon dont le gouvernement gère ses affaires. Les gens sont assujettis à des impôts excessifs et ils en ont assez.

Comment devrait-on réagir à ceci? Selon les députés du parti de l'opposition officielle, l'équité fiscale s'impose. En cela, je suis d'accord avec eux. Il ne devrait pas y avoir autant de gains non imposés, alors qu'il y a d'autres gains qui sont assujettis à des impôts excessifs.

Il n'y a pas si longtemps, quelqu'un m'a raconté qu'il se trouvait dans une situation financière difficile après avoir perdu son emploi. Il estimait que, s'il avait pu payer moins d'impôts ces dernières années, il aurait ramassé un pécule qui lui permettrait de faire face à une situation difficile. Ainsi, à cause des taux d'imposition élevés qu'on a connus ces dernières années, son pécule est bien moindre que ce qu'il escomptait, et il est maintenant contraint de s'en remettre aux programmes gouvernementaux. Malheureusement, le gouvernement, en continuant d'appliquer sa politique de dépenses excessives et d'emprunts, alourdit le fardeau des contribuables, augmente sans cesse nos impôts et réduit l'ensemble des programmes gouvernementaux qui étaient censés être financés par les impôts qu'on nous demandait d'acquitter. Je devrais dire qu'on nous contraignait à acquitter.

(1515)

Il s'ensuit que, dans des programmes comme que le Régime de pensions du Canada, le régime d'assurance-chômage ou, comme on dit aujourd'hui, le Régime d'assurance-emploi, les cotisations ont beaucoup augmenté au fil des ans. Certes, l'an dernier ou quelque part par là, on a assisté à une légère baisse des cotisations d'assurance-chômage, ce qui est bien, mais pas suffisant.

Dans d'autres secteurs, on nous demande de fortes sommes d'argent et il est de moins en moins sûr que les programmes gouvernementaux que nous avons financés répondront à nos besoins. Je ne pense pas que ce soit la principale raison pour laquelle les députés du Bloc veulent se séparer, mais ça ne facilite pas les choses.

Si le gouvernement fédéral menait ses finances de façon à supprimer ses dépenses excessives, de sorte que, comme tous les autres gouvernements au Canada, il ait pour objectif de dépenser selon ses moyens, des provinces comme le Québec seraient beaucoup moins enclines à vouloir se séparer et faire cavalier seul. Ce serait simplement trop coûteux pour elles. Cependant, dans l'état actuel des choses, pour bien des provinces, l'adhésion à la Confédération constitue un fardeau croissant.

J'aime bien les députés du Bloc. Étant donné que j'ignore si mes propos seront mal interprétés, je dois m'expliquer. En fait, je suis très reconnaissant aux bloquistes d'être ici. Cela montre que nous vivons dans une démocratie libre. Je souhaiterais qu'ils soient ici pour d'autres raisons que celles qui les y amènent, mais, autant que nous sachions, chacun d'eux a été dûment et démocratiquement élu. Ils ont autant le droit d'être ici que le reste d'entre nous.

Ce que nous devons réellement faire, c'est nous attaquer à la source du problème. Pourquoi les gens du Québec ont-ils élu les bloquistes? Pourquoi les ont-ils envoyés ici? Il est indéniable qu'ils ont été envoyés ici parce que les Québécois sentent de plus en plus que le gouvernement fédéral ne fait pas le travail qu'ils veulent qu'il fasse.

Lorsque nous examinons toute cette question de fiscalité et de dépenses de l'État, un des aspects de la question, c'est que le régime fiscal devrait être équitable. Le gouvernement a le droit de prélever des impôts et, d'un commun accord, d'offrir les programmes que veulent les Canadiens. Le fardeau fiscal devrait être réparti le plus également possible entre tous les contribuables. Sauf erreur, il y a quelque 13,5 millions de contribuables dans notre pays. Chacun d'eux a un intérêt personnel à défendre. Ils sont, pour ainsi dire, actionnaires dans cette entreprise qu'est le Canada. Ils méritent et ont le droit d'exiger que l'argent soit dépensé avec circonspection.

Je voudrais ajouter autre chose au sujet du régime fiscal. Que nous le reconnaissions on non, les impôts et la fiscalité constituent un moyen très efficace de répondre aux besoins de la population. Généralement, lorsque des gens dépensent l'argent des autres, on rend peu de comptes. Je constate cela depuis mon arrivée ici. Je m'en rends compte, chose certaine, en observant la façon dont les sénateurs et les députés dépensent l'argent des contribuables. Il est facile de dépenser de l'argent qui ne nous appartient pas. C'est plus difficile, lorsque c'est notre argent.

C'est une des raisons pour lesquelles je suis un ardent défenseur de la libre entreprise, d'un système qui nous donne la possibilité de répondre aux besoins de chacun, grâce à l'entreprise privée et à l'initiative privée. Je me rappelle, il y a bien longtemps de cela, lorsque j'étais un jeune homme, il n'y avait pas toute cette prolifération de programmes gouvernementaux. En fait, la plupart des membres de ma génération refusaient toute aide de la part du gouvernement, car ils avaient beaucoup de fierté personnelle et souhaitaient conserver leur autonomie. C'était vrai du moins dans la partie du pays où j'ai grandi, l'Ouest.

À cette époque-là, lorsqu'une personne éprouvait des problèmes, ceux qui pouvaient l'aider le faisaient de leur mieux. Je me rappelle que, dans ma jeunesse, un de nos voisins a malheureusement été tué dans un accident agricole. Mon père a aidé à coordonner les efforts des voisins. Ils sont allés immédiatement aider sa veuve à effectuer sa récolte. Ils ont tous fait sa récolte en premier, puis la leur. Ils pouvaient se permettre de faire cela, parce que, à cette époque, il leur restait suffisamment d'argent, une fois les impôts payés. Il est vrai que les temps n'étaient pas faciles sur ces exploitations agricoles, mais les agriculteurs avaient la capacité financière d'aider les gens dans le besoin.

(1520)

J'ai pu m'en rendre compte personnellement lorsque des connaissances ont éprouvé des problèmes. J'aurais souhaité les aider davantage. Malheureusement, entre les impôts fonciers, les impôts provinciaux et les impôts fédéraux, plus la TPS, une fois qu'on a prélevé tous ces impôts sur mes revenus, une fois que j'ai


4755

répondu aux besoins essentiels de ma propre famille, il me reste peu d'argent pour donner de façon charitable à des gens qui sont dans le besoin.

Maintenant, ma façon d'aider les gens est de leur dire de se rendre au bureau du gouvernement et de voir ce à quoi ils ont droit. C'est tout simplement inadmissible. Je trouve cela tout à fait déplorable. Nous avons laissé les gouvernements, à tous les niveaux, nous enlever notre capacité de faire preuve de la compassion que nous, Canadiens, chérissons.

J'entends des députés, surtout libéraux, dire qu'ils ne veulent pas sabrer dans les programmes sociaux, car ils sont compatissants. Dans ce cas, si le gouvernement réduisait sa participation aux programmes obligatoires que nous devons absolument soutenir, nous pourrions tous faire beaucoup plus. Nous serions en mesure d'aider beaucoup mieux les gens que des ministères qui essaient d'aider les gens, en gros, avec des budgets réduits.

La dernière chose dont je veux parler, dans le peu de temps à ma disposition, c'est de la dette. J'hésite toujours à donner l'accolade aux libéraux quand ils n'ont pas fait leur travail comme il faut. D'habitude, je leur rétorque qu'en 1993, lorsque nous avons été élus ainsi que l'actuel groupe de députés libéraux, le déficit, soit le montant que le gouvernement dépense en trop, se situait autour de 35 ou 40 milliards de dollars par an.

Chaque fois qu'il y a un changement de gouvernement, il est intéressant de noter que la dernière année de mandat du gouvernement précédent est toujours épouvantable et que la situation s'améliore ensuite. Je me suis souvent demandé comment expliquer cela selon des règles mathématiques et comptables.

Nous avions un lourd déficit. Aujourd'hui, ce déficit a été réduit et tout le monde s'en réjouit en disant: «Nous l'avons réduit à 27 milliards de dollars.» Malheureusement, je doute que le message soit bien communiqué aux Canadiens. Bien des gens s'imaginent que le gouvernement libéral actuel a réglé les problèmes de la dette et du déficit. Je regrette de devoir dire que ce n'est pas le cas.

Ce qui s'est produit, c'est que le gouvernement a ralenti la vitesse de notre endettement. Toutefois, au cours du mandat du gouvernement actuel, la dette aura grimpé de 100 milliards de dollars. Les intérêts à payer augmentent d'à peu près 10 milliards de dollars par an. Ces paiements ne diminuent pas, puisque la dette continue d'augmenter. Cela signifie que l'an prochain nous devrons acquitter des intérêts encore plus élevés que ceux de l'an dernier. Même si la dette augmente moins vite, elle augmente. Le montant que nous devons est en hausse constante.

Il devient urgent de réduire le gouvernement, en adoptant des méthodes fiscales appropriées et équitables, ainsi qu'en réduisant la participation du gouvernement à des programmes dont les Canadiens ne veulent pas, et de redonner aux Canadiens l'autonomie que confère habituellement la capacité de dépenser son argent comme on l'entend et non comme d'autres en décident.

J'invite le gouvernement libéral majoritaire, en particulier les simples députés d'en face à exercer réellement leur pouvoir de parlementaires élus. J'aimerais qu'ils brisent les entraves de la discipline de parti et exigent vraiment des comptes de leur propre gouvernement en matière de réduction du déficit. Il est honteux que, au bout de quatre ans, le gouvernement n'ait toujours pas fixé de date précise à partir de laquelle il prévoit ne plus avoir besoin d'emprunter. Ce serait merveilleux, n'est-ce pas?

(1525)

Je ne devrais pas parler de mon fils, alors je ne vais pas le faire, mais c'est comme si, lorsqu'il a eu une contravention pour avoir roulé à 80 dans une zone de 60, il avait dit à l'agent que, à partir de ce moment-là, il n'allait rouler qu'à 75. Il ne s'en serait pas tiré comme ça. Si la limite de vitesse est de 60, ce n'est pas autre chose. Il ne suffit pas de ralentir juste un peu. Même chose pour les emprunts. Il n'y a rien de tolérable à part un arrêt total des emprunts, un budget équilibré et un déficit nul. C'est le seul objectif qui soit acceptable.

J'ignore pourquoi le gouvernement se refuse avec tant d'acharnement à fixer une date cible qu'il respectera réellement, au lieu de se complaire dans ces objectifs flous, variables et mobiles qu'il atteindra si tout va bien, mais qu'il reportera à plus tard si les choses se passent moins bien. Cela me désole, comme tous les autres subterfuges politiques. Pendant ce temps, les Canadiens s'endettent et on leur fait payer pour les intérêts seulement 500 $ par mois et par contribuable. C'est inadmissible.

Pour conclure, je suis déterminé à faire ma part au gouvernement. Il nous incombe, à nous tous, de dépenser l'argent des contribuables comme si nous en étions les fiduciaires, comme s'il nous appartenait, d'être prudents et frugaux. Il nous revient de faire tout notre possible pour éliminer le déficit, de mettre un terme aux emprunts, de commencer à rembourser la dette, de réduire le montant des intérêts à payer, de diminuer les impôts, de stimuler ainsi l'économie pour que les chômeurs retrouvent des emplois et leur dignité. Notre pays s'en portera beaucoup mieux.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, je veux poser des questions et présenter quelques observations par suite de l'allocution du député d'Elk Island.

Il y a la notion, contenue aussi dans la motion dont nous débattons aujourd'hui, que la fiscalité canadienne n'est pas équitable. En fait, j'ai entendu le député le dire lui-même dans la première partie de son allocution.

Je veux juste signaler que des statistiques récentes montrent que, au Canada, 66 p. 100 des impôts sont payés, en fait, par 30 p. 100 des contribuables. Nous avons au Canada ce qu'on appelle un système d'impôt progressif qui veut que plus on gagne d'argent, plus on paie d'impôts. Le fait est que notre fiscalité est depuis longtemps équitable et progressive. Selon la motion du Bloc, en outre, on imposerait les pauvres et pas les riches. Ce n'est pas ce que les statistiques montrent.


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Je veux dire quelques mots au sujet des questions que fait ressortir la motion du Bloc et qui ont été signalées par le député.

D'abord, notre fiscalité est fondée sur une observation volontaire. Cette observation volontaire signifie que 13 millions de contribuables canadiens acceptent de produire une déclaration de revenus chaque année et d'en faire établir la cotisation par Revenu Canada.

(1530)

C'est un processus bien accepté dans les démocraties occidentales et un système très efficace. D'une certaine manière, c'est un système fondé sur l'honneur. Il est vrai qu'il y a certaines mesures de contrôle et de vérification, mais le système repose essentiellement sur la bonne volonté des Canadiens et de l'ensemble des contribuables.

Il y a un aspect important du système qu'il importe de mentionner. Lorsque les contribuables produisent leur déclaration de revenus, ils croient que celle-ci est confidentielle. Je voudrais saisir cette occasion pour mentionner l'article de la Loi de l'impôt sur le revenu qui traite de cette question et j'aimerais savoir ce que le député en pense.

À propos de la communication des renseignements, l'article 241 stipule que, sauf comme l'autorise l'article en question, aucun fonctionnaire ne doit sciemment communiquer ni sciemment permettre que soit communiqué à quiconque un renseignement concernant un contribuable, sciemment permettre à quiconque d'avoir accès à des renseignements concernant un contribuable ni utiliser sciemment de tels renseignements en dehors du cadre de l'administration ou de l'exécution de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la Loi sur le Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l'assurance-chômage.

Fondamentalement, cette disposition vise à garantir à ceux qui communiquent leurs renseignements à Revenu Canada que ceux-ci resteront confidentiels.

Le Bloc a soulevé cette question aujourd'hui, et je voudrais savoir ce que pense le député. . .

Le Président: Je me demande si le député accepterait de laisser son collègue d'Elk Island répondre à certaines des questions qu'il a posées. Je ne voudrais pas qu'il n'y ait que des questions et aucune réponse. Je vais céder la parole au député d'Elk Island et, si nous avons du temps, je laisserai le député poursuivre.

M. Epp: Monsieur le Président, on peut dire, j'imagine que, en gros, nous avons un régime fiscal raisonnable au Canada. Je le reconnais.

Mais il ne fonctionne pas comme il le devrait. Comme l'a dit le député, et j'espère l'avoir bien compris, il y a beaucoup de gens, du moins avons-nous cette impression, qui gagnent énormément d'argent et paient peu ou pas du tout d'impôt. À l'autre extrême, il y a des gens qui gagnent très peu d'argent et paient peu ou pas du tout d'impôt, mais la plus grosse part du fardeau fiscal pèse sur les moyens salariés. Nous payons cher.

Nous pouvons tous trouver des exemples de riches contribuables, même si nous ne pouvons pas aller vérifier la feuille d'impôt des autres. Je me souviens que, au début de notre mariage, ce qui remonte à 35 ans, ma femme et moi avions une automobile de taille moyenne et des meubles empruntés. Je devais aussi payer des impôts. En fait, ils étaient déduits de mes gains chaque mois. Je gagnais un peu plus de 400 $ par mois et j'en versais 35 $ au fisc.

Dans la ville où nous vivions, nous sommes devenus amis d'un couple très riche. Ils avaient une grosse auto luxueuse, une très belle maison et des meubles neufs. Mon ami m'a dit un jour qu'il ne payait jamais d'impôts parce qu'il était un homme d'affaires prospère. Il pouvait tout déduire. Lorsque j'ai protesté que ce n'était pas juste, il m'a répliqué qu'il ne faisait rien d'illégal, mais se servait tout simplement des règles de l'impôt à son avantage. C'est là un exemple.

Un exemple beaucoup plus récent est celui du régime de pensions des députés. Lorsque nous, les réformistes, sommes arrivés ici, nous avons déclaré-et nous avions reçu des instructions de nos électeurs-que le régime de pensions des députés était trop généreux. Il coûte trop cher aux contribuables par rapport à notre propre contribution. En principe, nous avons dit que nous voulions nous en retirer.

Lorsque je suis allé remplir les papiers nécessaires au service de la paie, après mon élection, j'ai demandé si je pouvais me retirer du régime de pensions et on m'a répondu que non. Deux ans plus tard, le gouvernement a apporté des retouches à la loi et offert cette petite porte de sortie à ceux qui trouvaient très important d'être en mesure de se retirer. Ce qui est injuste, c'est que pendant deux ans, nous n'avons pu contribuer à des REER, car nous étions forcés de participer à ce régime, mais lorsque nous avons récupéré notre argent, nous avons dû verser de l'impôt sur le revenu sur tout le montant et nous n'avons pu réinvestir dans un REER un montant équivalent. C'est une injustice du régime fiscal. Je pense que c'est tout à fait injuste envers moi. Je sais que beaucoup d'autres personnes ne partagent pas cette grande préoccupation.

Il faut remédier à ces iniquités. Je crois vraiment que la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui montre bien l'iniquité d'un régime dans lequel certaines personnes peuvent gagner d'énormes montants et éviter de payer leur juste part d'impôts grâce à une méthode ou une autre. Il faut corriger cela.

(1535)

Le Président: Il reste environ une minute, peut-être 30 secondes environ, pour une très brève question.

M. Shepherd: Monsieur le Président, je ne pense pas qu'il ait vraiment répondu à une des questions que je lui ai posées. Fondamentalement, dans sa motion, le Bloc québécois parle de divulguer l'identité des contribuables. Que pense le député de l'attitude des bloquistes au sujet de la divulgation de l'identité des contribuables, comme on l'a également proposé au Comité des finances. En


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d'autres termes, il est question d'exposer peut-être les contribuables du pays à une chasse aux sorcières, un peu comme Nixon l'a fait aux États-Unis lorsqu'il s'en est pris à ses ennemis politiques. Croit-il qu'il s'agisse d'un processus acceptable?

M. Epp: Je reconnais certes avec le député que la confidentialité des données fiscales est utile, surtout pour les entreprises.

Elle garantit la sécurité des données commerciales et je crois que c'est bien ainsi. Cependant, je pense encore qu'il serait tout à fait équitable pour nous, en tant que citoyens ordinaires-et je me considère toujours comme un de ceux-là-de savoir exactement ce que nous devons faire pour gagner de grosses sommes et ne pas avoir à payer d'impôts là-dessus.

Je déteste le répéter, mais les seuls qui peuvent vraiment bien s'en tirer, ce sont les adhérents au régime de pensions des députés. J'ai fait certains calculs. Une personne ordinaire devrait mettre de côté plusieurs milliers de dollars par mois pour obtenir une pension semblable. En fait, il s'agit d'un régime de revenu différé. Les députés peuvent ainsi prendre une partie de leur revenu maintenant et le toucher plus tard. Il sera imposable à ce moment-là. Les autres Canadiens ne peuvent profiter de cette disposition.

Les bloquistes soulèvent aujourd'hui une question basée sur le même principe. Voilà une chose offerte à un seul groupe de Canadiens. Pourquoi les autres Canadiens ne peuvent-ils en profiter? C'est ce que nous voudrions savoir.

L'hon. Jane Stewart (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de dire combien j'apprécie le fait de pouvoir de participer au débat sur cette motion qui a été présentée à la Chambre et de discuter des vrais enjeux que soulève la question dont nous sommes saisis.

Les députés de l'opposition ont tout fait pour déformer les faits, histoire d'embrouiller la population canadienne. Ce qu'il leur arrive trop souvent d'oublier, c'est que cette décision a été prise par l'ancien gouvernement, le gouvernement conservateur, en 1991. Le vérificateur général nous a signalé le fait et, maintenant, il nous faut faire face à la musique et mettre tout en oeuvre pour maintenir l'intégrité du régime fiscal, voire l'accroître. C'est de cela que l'opposition se garde bien de parler.

De plus, elle oublie de parler de ce que nous avons fait à cet égard. Quand le vérificateur général nous a signalé la chose, nous avons réagi immédiatement à ces problèmes et les avons soumis à l'étude du Comité des finances. Il s'agit d'un organisme public, composé de députés appartenant aux divers partis élus, qui représente l'ensemble du pays.

Les députés de l'opposition oublient également de dire que nous avons donné suite aux recommandations formulées dans le rapport du comité, que nous sommes à effectuer des modifications et que nous sommes tout à fait pour un régime fiscal qui soit juste et équitable.

Comme toujours, ils se contentent de colporter des mythes. Un de ces mythes consiste à croire que, s'ils répètent constamment les mots «fiducie familiale» et «scandale», ils arriverront à faire naître quelque chose du néant. Or, il faut savoir que ce débat n'a rien à voir avec les fiducies familiales, absolument rien.

J'ai siégé au Comité des finances en compagnie du député qui a proposé cette motion, le député de Saint-Hyacinthe-Bagot. Quand nous nous sommes penchés sur la question des fiducies familiales, nous avons entendu des témoins, nous avons consulté des experts, nous avons écouté les témoignages, nous avons étudié les répercussions et nous avons formulé des recommandations au ministre des Finances sur les changements que nous devrions apportés aux fiducies familiales canadiennes. Le ministre des Finances a lu ce rapport, comme tous les autres rapports du Comité des finances, et il est même allé au-delà de nos recommandations relativement à cette stratégie fiscale.

(1540)

En fait, le gouvernement, par suite des critiques concernant la question des fiducies familiales, a supprimé la possibilité de reporter la règle de la disposition présumée aux 21 ans, qui a été adoptée par le gouvernement conservateur. Cette possibilité n'existe plus. Elle ne figure plus dans la loi. Nous avons fait cela.

En outre, nous avons supprimé le choix d'un bénéficiaire privilégié pour les fiducies. Cela garantit que les revenus de la fiducie ne peuvent pas être arbitrairement attribués à un bénéficiaire au lieu d'être imposés au niveau de la fiducie simplement parce que le bénéficiaire est classé dans une tranche d'imposition marginale inférieure. Tout cela a été changé. Le problème des fiducies familiales a été réglé.

Je faisais partie du comité. Le député du Bloc qui a proposé la motion dont nous sommes saisis et qui n'arrête pas de parler des fiducies familiales en faisait partie aussi. Il sait que ces modifications ont été apportées. Je tiens à donner l'assurance aux Canadiens qu'ils peuvent faire confiance au régime et que cette échappatoire fiscale profitant aux nantis n'existe plus.

En plus de modifier les règles applicables aux fiducies familiales, le gouvernement a pris d'autres mesures pour accroître l'équité du régime fiscal. En fait, nous avons resserré les règles applicables aux abris fiscaux. Nous avons amélioré les vérifications des grandes entreprises. Nous avons supprimé l'exonération de 100 000 $ des gains en capital. Nous avons présenté un avant-projet de loi visant à renforcer la déclaration des revenus mondiaux afin de prévenir l'utilisation des paradis fiscaux et l'évasion fiscale.

Le ministre des Finances a dit la semaine dernière qu'il a mis en oeuvre jusqu'à maintenant 30 améliorations différentes à la Loi de l'impôt sur le revenu pour la rendre plus juste et plus équitable. Voilà le genre de gouvernement que nous sommes. Nous accroissons l'équité pour veiller à ce que tous les Canadiens aient la chance d'apporter leur contribution et de profiter de leurs impôts.

Cela n'a rien à voir avec les fiducies familiales. Je n'insisterai jamais assez là-dessus. Le problème, c'est de savoir comment il faut imposer les biens des Canadiens qui émigrent et les biens de gens qui ne sont pas des Canadiens, mais qui détiennent des biens


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canadiens. Il s'agit de ce qu'on appelle les biens canadiens imposables: ce sont, et soyons clairs, des biens qui restent imposables au Canada même si leur propriétaire ne vit pas ou ne réside pas au Canada. La notion de bien canadien imposable est extrêmement complexe. C'est un élément extrêmement complexe de la Loi de l'impôt sur le revenu.

En tant que ministre du Revenu national, j'ai reçu le rapport du vérificateur général à ce sujet. Lorsque j'ai lu le chapitre, je l'ai pris très au sérieux. J'ai rencontré le vérificateur général et nous avons pris trois heures pour examiner ligne par ligne les préoccupations exprimées dans son rapport. Nous avons commencé en parlant de sa préoccupation au sujet de la manière dont le ministère rendait ses décisions sur la question des biens canadiens imposables. Il m'a dit qu'il comprenait la complexité de la loi. Il comprenait qu'il était peu probable qu'il y ait eu infraction à la loi. Il a demandé si, oui ou non, la décision reflétait l'intention des législateurs.

Il ne faisait état d'aucune irrégularité. Il ne faisait aucune allégation d'actes illégaux. Il faisait remarquer que, dans la décision, nous avions peut-être fait ressortir quelque chose qu'il fallait porter à l'attention de la Chambre.

Cela présente un grand intérêt pour le ministre des Finances. Il s'agit d'une question liée à la politique et non pas à l'administration. J'ai rencontré le ministre des Finances et j'ai suggéré que, en réponse au vérificateur général, il conviendrait peut-être de soumettre la partie visée de la Loi de l'impôt sur le revenu au comité des finances pour examen complet et ouvert. C'est ce que nous avons fait.

J'aimerais que les députés comprennent que c'était la première fois en 25 ans que cette partie de la loi était révisée. Le moment était opportun. Le comité des finances l'a examiné en la replaçant dans son contexte global. Il a demandé à des experts de réputation internationale d'examiner la situation et les décisions. Six des huit experts consultés ont déclaré que la décision était tout à fait régulière et conforme à la loi.

(1545)

Le comité des finances a examiné les opinions de ces experts et s'est demandé si c'était ce que nous voulions au Canada ou s'il fallait modifier la loi, s'il était temps d'y apporter des modifications et si nos intentions devaient être clarifiées. Les membres du comité ont fait des suggestions au ministre des Finances et il est en train de les étudier. Il agira en temps voulu.

Le vérificateur général a exprimé une autre préoccupation sur le sujet dont nous discutons. La question relevait directement de ma compétence en tant que ministre du Revenu. Il a parlé de la façon dont les choses se déroulaient; il a donné les dates, la période visée. Il a dit ne pas bien comprendre où, quand et par qui les décisions étaient prises. J'ai lu le rapport qui m'a extrêmement préoccupée.

Au cours de mon entretien de trois heures avec le vérificateur général, je lui ai demandé s'il croyait qu'il y avait eu ingérence politique dans ce cas-là et s'il me demandait de mener une enquête à cet égard. Il m'a dit: «Je n'ai aucune raison de douter de l'intégrité de votre ministère.»

Nous avons discuté d'autres questions qui le préoccupaient. Il ne comprenait pas qu'aucun document n'explique comment la décision était prise. Un document clair et complet. Il nous faut un document de ce genre pour avoir un système équitable, ouvert et transparent. J'ai été tout de suite d'accord avec le vérificateur général et j'ai immédiatement demandé à mes collaborateurs de veiller à mettre au point et en vigueur un nouveau plan d'action pour s'assurer que les documents concernant toutes nos décisions soient clairs, complets et disponibles sur demande. Il s'agissait là d'une réelle préoccupation.

Le vérificateur général a insisté sur l'uniformité, faisant remarquer que, à un autre moment, dans une autre partie du pays, la même question avait suscité une opinion, et non une décision, différente de celle exprimée dans la décision de 1991. Il a insisté pour que les décisions soient uniformes au sein de mon ministère. Là encore, j'étais entièrement d'accord. Les Canadiens doivent pouvoir compter sur des décisions uniformes. Et, peu importe où ils vivent, ils doivent recevoir du ministère la même réponse aux mêmes questions.

Après 1991, le ministère a fait des changements très importants dans sa façon de fonctionner, faisant principalement appel à la technologie, de sorte que les décisions et les avis sont maintenant entrés dans une base de données, qui est accessible. Maintenant, tout fonctionnaire du ministère qui doit rendre une décision peut consulter cette base de données, voir quelles décisions ont été rendues dans le passé et s'assurer de l'uniformité et de l'intégrité des réponses données aux Canadiens.

Troisièmement, il s'inquiétait de la transparence de nos décisions. Il s'inquiétait du fait que nous prenions des décisions sans en informer la population en général. Nous avons changé cette politique il y a déjà un certain temps. Notre première préoccupation était l'intégrité et la confidentialité que nous devons assurer à tous les contribuables canadiens. Nous devons voir à ce que les détails concernant chaque contribuable ne soient pas exposés au public. Lorsque nous rendons ces décisions, nous devons les présenter publiquement d'une façon qui élimine toute possibilité d'établir un lien entre le contribuable et la décision. Nous avons trouvé des moyens de le faire et avons intégré cette stratégie à nos activités quotidiennes.

Lorsque nous examinons cette question, nous constatons qu'elle comporte vraiment deux volets. Tout d'abord, il y a le volet politique, qui a été résolu de façon très efficace par le Comité des finances. Il a fait des recommandations au ministre, qui est en train de les étudier.


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(1550)

Le second aspect concerne l'administration. Le Comité des finances a décidé de sa propre initiative d'examiner les deux points, d'entendre des témoins et de parler du système décisionnel au vérificateur général, à son adjoint, à mon sous-ministre et au sous-ministre des Finances. Ils sont arrivés aux mêmes conclusions que le vérificateur général. De fait, lorsqu'il a été interrogé par le Comité des comptes publics, le vérificateur général a déclaré qu'il n'avait jamais eu l'occasion ni vu la nécessité de mettre en doute l'intégrité des hauts fonctionnaires de Revenu Canada. Il m'avait dit la même chose. Le vérificateur général adjoint a déclaré au Comité des finances qu'il n'avait vu aucune preuve de mauvaise foi ou d'erreurs graves.

Les membres du comité ont entendu ce témoignage et m'ont rapporté, en tant que ministre, qu'ils n'avient rien noté de scandaleux. Les seuls qui parlent de scandale se trouvent dans l'opposition. Ils ne parlent que de deux choses: les fiducies familiales et les scandales. Ces deux sujets ne faisaient pas du tout partie des discussions dont m'a fait part le vérificateur général.

Puisque nous discutons de l'intégrité du régime fiscal, j'en profiterai pour en dire un peu plus aux députés sur ce que fait Revenu Canada pour répondre aux besoins et aux désirs des Canadiens. Mon ministère a entrepris tout récemment le plus important projet de réorganisation de notre histoire. Quelque 40 000 employés répartis entre 800 bureaux à la grandeur du pays sont engagés dans une réorganisation structurelle qui permettra de regrouper deux organismes très distincts l'un de l'autre.

Impôt et Douanes, au sein de mon ministère, ont toujours été des divisions distinctes qui avaient chacune leur sous-ministre, leurs politiques et procédures, leurs systèmes de pénalité et d'intérêt, leurs publications, etc. Tout était séparé. Suite aux changements apportés par mon collègue, l'ancien ministre du Revenu et l'actuel ministre des Transports, le ministère a été réorganisé. Nous avons regroupé les divisions sous une administration unique, permettant ainsi au gouvernement et aux contribuables canadiens d'économiser 300 millions de dollars. Ensemble, nous offrons un système qui assurera un véritable avantage concurrentiel à la population canadienne.

Je me suis rendue aux États-Unis en mars dernier et j'y ai rencontré quelque 500 exportateurs et importateurs. Je leur ai expliqué que j'étais responsable, à Revenu Canada, de l'équivalent de l'IRS, de l'administration des douanes et du commerce. Ils n'en revenaient pas. Je leur ai dit que c'était bien vrai, mais qu'ils ne pourraient pas faire ça aux États-Unis, et que, étant donné la façon dont nous nous sommes organisés, étant donné notre taille, il nous a été possible de regrouper ces entités distinctes pour que nos citoyens puissent bénéficier de contacts plus efficaces et plus efficients avec le gouvernement.

Toute cette question de gestion horizontale est maintenant une réalité. Les Canadiens n'ont plus à s'entendre dire, lorsqu'ils appellent: «Je regrette, mais c'est quelqu'un d'autre qui s'occupe de ces

questions.» Dans mon ministère, tout le monde peut répondre aux questions: c'est un guichet unique. C'est ce que les Canadiens veulent. Ils veulent un gouvernement efficace, un gouvernement qui réponde aux citoyens, qui leur assure ce service, et c'est ce que nous faisons. C'est un énorme défi, mais les employés de Revenu Canada sont à la hauteur.

Aujourd'hui, le vérificateur général consacre tout un chapitre à notre fusion administrative. Il nous félicite pour l'approche que nous avons adoptée. Il nous félicite pour la contribution que ce changement va apporter à l'équité et à l'efficacité du système, pour les avantages qu'en retireront les contribuables. Il fait observer que les autres ministères et organismes devraient prendre modèle sur nous.

Il me fait plaisir d'accueillir ce rapport et d'adresser aux employés qui travaillent au service des Canadiens dans mon ministère un grand merci. Vous rehaussez la façon dont le gouvernement répond aux attentes des Canadiens, la façon dont nous servons le public. Votre contribution est réelle et concrète.

Plus précisément, nous prenons d'autres mesures en ce qui concerne l'administration des impôts.

(1555)

Différents régimes fiscaux ont été mis au point séparément pour l'impôt sur le revenu des particuliers, l'impôt des sociétés et la la taxe à la consommation. Ces systèmes prévoient leurs propres pénalités et intérêts et leur propre équipe de gestion.

Nous revoyons tout cela de façon à pouvoir considérer un citoyen canadien, une entreprise canadienne comme une entité. Plus besoin d'être enregistré sous quatre numéros différents auprès de Revenu Canada. Chaque citoyen, chaque entreprise forme une entité indissociable dont nous pouvons facilement comprendre la situation fiscale.

C'est un réel avantage. C'est un changement positif. Pour ce qui est des douanes, c'est la même chose. Très efficacement, nous en sommes arrivés à comprendre que nous devons faciliter les échanges commerciaux pour que les bons produits passent la frontière rapidement et sans difficulté. Il faut toutefois qu'on empêche le passage des mauvais produits comme les armes à feu, les drogues et même les gens dont la présence au Canada n'est pas souhaitable. Nous devons avoir une frontière intelligente.

Notre stratégie est de maximiser le potentiel de nos employés, d'utiliser de nouvelles technologies, d'établir des partenariats avec le secteur privé et même avec d'autres services gouvernementaux et gouvernements pour offrir aux Canadiens l'administration du revenu et des douanes la plus efficace possible.

Je suis très fière des travaux accomplis par mon ministère. Je suis très fière de la réaction de mon ministère concernant ces points que les vérificateur général nous a signalés. Je veux que les Canadiens


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sachent que, là-dessus, l'opposition ne fait que péter de la broue pour se faire du capital politique.

Encore une fois, les fiducies familiales ne sont pas en cause. Nous avons réglé cette question efficacement. Il n'y a pas de scandale. Rien ne permet de croire à un scandale. On voit tout simplement aujourd'hui le gouvernement prendre des mesures efficaces, efficientes et immédiates quand on porte à son attention quelque chose d'inquiétant. On voit aujourd'hui un gouvernement qui croit en la justice et en l'équité du régime fiscal.

Le gouvernement croit qu'il peut faire la différence et il la fera. Il donnera aux Canadiens le régime fiscal qu'ils méritent.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, je remercie beaucoup la ministre de ses commentaires. Mais il y a un autre aspect à la question. Elle a dit qu'il y avait deux façons de voir les choses. J'ai l'intention de m'arrêter là-dessus un instant.

Nous avons écouté la ministre et ses collègues parler de la diligence avec laquelle le ministère du Revenu s'était attaqué à ce problème. Nous avons entendu le président du Comité des finances expliquer qu'ils avaient fait comparaître des témoins, qu'ils avaient invité les partis d'opposition à faire comparaître des témoins de leur choix, qu'ils avaient étudié la question en long et en large.

On a beaucoup parlé de ce problème. Je suis heureux de voir qu'une solution semble en vue. Mais la question n'est pas seulement les fiducies familiales. Selon moi, la question qui est sans doute encore plus importante, mais qui se pose dans le même contexte, est celle de la responsabilité du gouvernement. À qui doit-il rendre des comptes?

Il y a, à l'heure actuelle, une tendance troublante. Par exemple, j'entends des juristes dire qu'ils s'inquiètent, entre autres, du fait que, en modifiant les lois, le gouvernement cherche, de façon très subtile, à rendre de moins en moins de comptes.

Par exemple, des petits mots comme «doit» sont remplacés par «peut», ce qui ne contraint pas autant le gouvernement à rendre des comptes. On trouve également des expressions du genre de «de l'avis du ministre», ce qui ne peut être contesté devant les tribunaux, car comment peut-on contester l'opinion de quelqu'un?

En ce qui concerne la production de recettes et les fiducies familiales, j'irai un peu plus loin. J'ai vu comment le gouvernement a longtemps et soigneusement étudié cette question, mais il y a d'autres cas.

Par exemple, lorsqu'un agriculteur est allé vendre un plein camion de céréales de l'autre côté de la frontière, il a été traduit devant les tribunaux. Il n'y a rien de mal à cela. Mais lorsque le juge a dit qu'il n'avait rien fait de mal, le règlement a été modifié à toute vitesse. Il n'a pas fallu attendre pendant des semaines, des mois ou des années. Le gouvernement a agi immédiatement.

(1600)

Un autre exemple est celui de la contrebande des produits du tabac. Nous avons été confrontés à cette crise dès la convocation du Parlement après les élections. Que s'est-il passé? Le gouvernement a agi très rapidement en réduisant les taxes sur les produits du tabac et en réglant ainsi le problème de la contrebande. Il a pris des mesures très rapidement. Cependant, la conséquence de ces mesures, c'est qu'il y a maintenant des milliers de jeunes qui fument. Ils ont contracté cette habitude qui engendre une forte dépendance et il leur faudra plusieurs années d'efforts pour s'en débarrasser. Les coûts rattachés aux soins qu'ils exigeront plus tard n'ont pas été calculés, mais ils seront énormes.

La difficulté ne vient pas uniquement des fiducies familiales, mais aussi de l'obligation pour le gouvernement de rendre des comptes et à qui. Le gouvernement est-il prêt à être tenu responsable en vertu de la loi, comme tous les citoyens, ou ne cherche-t-il pas plutôt à se soustraire de plus en plus à ses responsabilités? C'est plutôt ce qui se passe, à mon avis.

Dans ce dossier, le gouvernement libéral a longuement parlé. Il sera intéressant de voir les résultats. Espérons que les grandes fiducies familiales ne pourront pas quitter le pays sans d'abord payer les impôts requis, comme nous le faisons tous.

Le gouvernement cherche, avec raison, à encaisser toutes les recettes légitimes. Nous expédions des formulaires aux gens pour expliquer comment d'autres personnes ne paient pas toujours leurs impôts et échappent parfois au fisc par la voie de l'économie souterraine. Allons-nous demander à certains citoyens de devenir des délateurs tandis que d'autres retirent légalement leur argent du pays? Cela soulève une question de justice et les Canadiens ne sont absolument pas d'accord.

Voilà ce qui me préoccupe lorsque je parle de reddition de comptes pour le gouvernement. Je demande donc à la ministre de répondre. Le gouvernement est-il prêt à rendre des comptes dans tous les domaines ou simplement dans ceux qui lui conviennent?

Mme Stewart (Brant): Madame la Présidente, je dirai que, oui, le gouvernement est prêt à accepter d'être responsable à tous les égards. Parlant de responsabilité financière, je voudrais mentionner à la Chambre quelque chose que nous avons fait au ministère et qui répond directement aux préoccupations du député.

Il n'est que juste, lorsqu'on demande aux Canadiens d'ouvrir leurs livres pour voir s'ils paient honnêtement leurs impôts, qu'ils aient aussi la possibilité de faire la même chose avec nous. En conséquence, j'ai demandé à mon ministère de prendre le temps de préparer, sur la base d'une vérification interne, des rapports pour cette Chambre, pour les députés d'en face, pour leurs électeurs, sur les différents programmes dont nous sommes responsables.

Récemment, nous avons préparé un rapport complet sur l'année d'imposition qui indique les aspects positifs, le fait que les gens reçoivent leur remboursement d'impôt beaucoup plus vite maintenant du fait du courrier électronique et d'autres changements dans notre système. Nous avons mis en oeuvre de nouvelles stratégies comme la possibilité de produire sa déclaration par courrier électronique, par téléphone, ce qui est logique et ce qui plaît aux Canadiens. En même temps, le rapport identifie les faiblesses, les en-


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droits où nous devons faire des améliorations et répondre plus directement aux Canadiens.

Plus récemment, nous avons présenté un deuxième rapport, un rapport sur la prestation fiscale pour enfants. Le député sera peut-être intéressé de savoir que le tout dernier rôle de Revenu Canada est de verser des prestations aux Canadiens, de leur rembourser une partie des recettes perçues selon les circonstances, par exemple, sous forme de prestation fiscale pour enfants ou de crédit d'impôt pour la TPS. Nous avons fait un examen de notre programme de prestation fiscale pour enfants et de sa stratégie. Nous avons trouvé des aspects qui sont très positifs et d'autres que, de fait, nous devons améliorer.

Ce sont des mesures de ce genre que ce gouvernement prend pour répondre aux inquiétudes du député dans le domaine de la responsabilité.

(1605)

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Madame la Présidente, nous avons le privilège d'avoir ici la ministre pour réagir à la motion et répondre aux questions. Je voudrais la remercier de sa communication qui allait droit au but. Je la félicite pour son éloquence.

Elle a déclaré que la question soulevée par les députés du Bloc a été réglée par son ministère, que l'échappatoire a été éliminé et que la chose n'est plus possible. Je suppose que si on en faisait encore autant, le gouvernement canadien ne perdrait pas de recettes fiscales.

A-t-on tenté de réévaluer l'impôt à payer sur le montant qui est sorti du pays?

Mme Stewart (Brant): Madame la Présidente, je voudrais apporter des éclaircissements sur une certain nombre de choses.

En fait, le vérificateur général avait deux préoccupations. La première concernait la politique: ce qu'il faut entendre par «biens imposables canadiens»; les modalités d'application, les exceptions, etc. L'autre avait trait à la présomption de disposition et à la date à laquelle il fallait payer des impôts sur des biens canadiens.

Le Comité des finances a étudié ces questions et a formulé des recommandations au ministre des Finances, qui est responsable de l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il les examine actuellement. Dans l'intervalle, mon ministère observe un moratoire sur la prise de nouvelles décisions relatives à des biens canadiens imposables. La prudence nous conseille d'accorder au ministre le temps nécessaire à cette révision et d'empêcher que mon ministère ne soit saisi de ces dossiers pendant ce temps. Nous voulons que les intentions des députés et leurs préoccupations à ce sujet soient examinées, dûment prises en considération par le ministre puis, quand il aura fait connaître ses décisions, nous reviendrons au processus normal de prise de décisions en tenant compte des modifications apportées à la loi s'il y a lieu.

En outre, nous avons pris d'autres mesures sur le plan administratif. Trois choses préoccupaient de toute évidence le vérificateur général et le comité: la transparence de nos décisions; la cohérence de nos décisions; et la documentation à l'appui de nos décisions. Je suis heureuse d'informer la Chambre et tous les Canadiens que nous avons pris les mesures qui s'imposent dans ces trois domaines, comme je l'ai indiqué dans mon discours. Je crois que notre régime fiscal n'en sortira que meilleur.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Madame la Présidente, c'est un plaisir de m'adresser à cette Chambre, cet après-midi, sur le sujet controversé des fiducies familiales, et plus particulièrement du rapport du vérificateur général.

Il faut bien admettre que le fait que le Comité des finances, où la majorité libérale, évidemment, a le contrôle, ait critiqué le vérificateur général et son rapport, d'une certaine façon, cela a été fort maladroit, parce que le vérificateur général, c'est une institution qui doit, en tout temps, être au-dessus de toute critique.

J'apprécie le fait que la ministre reconnaisse que le vérificateur général fait un bon travail. Au-delà du fait que je sais que la ministre est profondément intègre, je dois dire que les agissements que l'on découvre au sein de son ministère et que, dit-elle, elle s'efforce de rectifier, que ces agissements ne sont pas pour aider le public en général à avoir une grande confiance dans cette institution qu'est le ministère fédéral du Revenu.

Au-delà des considérations techniques dont la ministre a fait état plus tôt, il n'en reste pas moins que pour le citoyen et la citoyenne ordinaires, il n'y a pas nécessairement une grande confiance dans le système fiscal fédéral. Si vous rencontriez un commerçant d'une municipalité quelconque de ce territoire et que vous lui posiez la question à savoir s'il est traité justement par le système fiscal, je ne suis pas sûr qu'il serait très enthousiaste. Au contraire, il pointerait un certain nombre de situations qu'il trouve déplorables, un certain nombre de mesures qu'il trouve injustes.

(1610)

Et quand bien même on prendrait un certain nombre d'éléments techniques pour lui expliquer le bien-fondé de certaines façons de faire, il n'en resterait pas moins qu'il n'en serait pas convaincu.

Le citoyen ordinaire, la dame, le monsieur qui travaille cinq jours par semaine, l'homme et la femme qui ont une famille à élever, lorsqu'ils font leur rapport d'impôts à la fin de l'année, ont-ils l'impression qu'on leur demande de faire leur juste part ou, au contraire, ont-ils l'impression d'être davantage taxés que d'autres plus fortunés?

Aussi, vous comprendrez que lorsque le vérificateur général nous révèle qu'une famille fortunée, à l'aide de ce qu'il est convenu d'appeler une fiducie familiale et en se servant de mesures fiscales qui permettent d'exporter des devises à l'étranger, lorsqu'on apprend qu'une telle famille s'est prévalue de ces règles fiscales pour évacuer une somme de deux milliards de dollars sans impôt, le monsieur et la dame, dans leur salon, ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas que la loi permette que quelque chose de cette nature puisse se passer pendant qu'eux devront payer sur chacun de leur chèque de paie jusqu'au dernier sou d'impôt qu'ils doivent.

Vous admettrez avec moi qu'ils ont raison d'être inquiets. Ce n'est pas seulement au niveau technique que l'on peut justifier les mesures législatives qui sont en place et administrées par Revenu


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Canada sur le plan de la fiscalité, c'est aussi le respect des citoyennes et des citoyens de ce pays, quel que soit leur niveau de fortune.

Essentiellement, le problème auquel on fait face, c'est que les gens qui ont de l'argent sont en mesure de rechercher les éléments techniques qui leur permettront d'économiser de l'impôt légalement. Si, sur le plan technique, il n'y a rien de scandaleux, il n'en reste pas moins que sur le plan moral, le scandale est là.

Les gens ordinaires ne peuvent pas, avec un grand sourire, dire que les choses se passent bien parce qu'elles sont légales, parce que les technicalités ont été respectées, parce que les experts ont dit que c'était correct. Moralement, comment voulez-vous faire accepter à quelqu'un qui gagne son petit salaire à la semaine et qui paie là-dessus ses impôts provincial et fédéral, à hauteur de 20, 25, 30, 35, 40 p. 100 et davantage, que quelqu'un puisse prendre deux milliards de dollars, les transférer aux États-Unis et ne pas payer un sou d'impôt? C'est dur à avaler.

Pour le bénéfice de la ministre, je vous ferai part du contenu d'une lettre dont j'ai pris connaissance il y a quelques jours. C'est une dame de Saint-Raymond, dans le comté de Portneuf, une mère de famille qui, l'année dernière, a occupé un emploi sous un programme de la direction du Développement des ressources humaines, qu'on appelle communément les PDE et les articles 25.

(1615)

Je reste à l'écoute pendant quelques instants, parce que je crois que cette situation va attirer son attention et lui permettre de comprendre pourquoi certaines personnes trouvent la question des fiducies familiales particulièrement scandaleuse.

Cette dame, qui a travaillé dans le cadre d'un programme d'employabilité du Développement des ressources humaines pendant de nombreux mois, a engagé une gardienne pour que ses enfants à domicile soient en sécurité. Plutôt que de payer cette personne sous la table, la faire travailler au noir, elle l'a payée un prix raisonnable pour que cette personne accepte de donner son nom afin que cette dame de Saint-Raymond puisse réclamer, à titre de déduction fiscale, les frais de garde d'enfants. Bref, cette dame a agi en bonne citoyenne respectueuse des lois, de manière à pouvoir réclamer cette déduction.

Mais il y a problème, parce que les fonds qui ont servi à payer son salaire viennent de la Caisse de l'assurance-chômage. Elle n'a pas eu droit à cette déduction. Alors imaginez cette dame, qui a dépensé davantage d'argent pour éviter d'embaucher quelqu'un au travail au noir, se voit refuser une déduction à laquelle ont droit tous les autres travailleurs et travailleuses qui ont un emploi.

Il y aurait un million de bonnes raisons techniques, et madame la ministre en conviendra, pour expliquer pourquoi elle n'a pas droit à cette déduction, mais fondamentalement, moralement, et madame la ministre, je l'espère, l'écoute attentivement, cette dame est particulièrement fâchée, frustrée, déçue d'un système fiscal qu'elle trouve injuste.

Le scandale il est là. D'un côté, le vérificateur général nous dit: «Une riche famille a pu, à l'aide d'une fiducie familiale et de règles sur l'export des devises à l'étranger, mettre à l'abri de l'impôt deux milliards de dollars.» C'est trois fois le coût de la catastrophe du Saguenay. C'est de l'argent, c'est beaucoup d'argent. Trois fois le coût de la catastrophe du Saguenay, deux milliards de dollars.

D'autre part, cette dame, dont je viens de vous faire mention, perd l'équivalent d'environ 1 000 $. Je comprends que mon temps de parole court rapidement, mais je pense que j'ai démontré ici que ce qui est scandaleux, ce n'est pas le fait que légalement des gestes soient posés, c'est le fait que la loi respecte davantage les personnes plus fortunées que les personnes qui le sont moins.

J'espère que madame la ministre sera en mesure de corriger ces situations dans les plus brefs et meilleurs délais.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir d'intervenir sur cette motion présentée par le Bloc québécois en cette journée de l'opposition officielle, surtout aussi à titre de président du Comité des comptes publics.

Effectivement, pour replacer les choses dans leur contexte, c'est je pense un devoir que nous avons, lorsque nous prenons la parole, d'expliquer, de remettre les choses dans leur juste perspective pour faire en sorte que les personnes qui nous écoutent soient en mesure de comprendre ce dont on parle.

Le 7 mai 1996, le vérificateur général du Canada, M. Denis Desautels, présentait un rapport. Il est convenu par une loi de ce Parlement que, trois fois par année, le vérificateur général dépose son rapport. Dans ce rapport, un chapitre a particulièrement attiré notre attention, a attiré l'attention de l'opposition officielle, mais a aussi attiré l'attention de tout le Comité des comptes publics.

J'explique. Il s'agit du chapitre 1, intitulé Autres observations de vérification. C'est un genre de chapitre que je qualifierais de chapitre fourre-tout, mais pas fourre-tout quant à la substance de son contenu, mais disons fourre-tout quant à différentes séries d'observations.

(1620)

Donc ce chapitre prévoyait deux cas particuliers; le vérificateur général avait étudié deux cas particuliers ayant trait au transfert de capitaux d'une fiducie familiale à une autre aux États-Unis. Et le chiffre était astronomique. Quant au niveau du principe, cela aurait été aussi, de toute façon, inacceptable si le montant avait été moindre, mais par le fait même on parlait d'un transfert de deux milliards de dollars sans payer d'impôt.

Le Comité des comptes publics s'est réuni comme c'est le cas chaque fois que le vérificateur général dépose un rapport, comme on l'a fait aujourd'hui même d'ailleurs. En comité on essaye d'établir quelles sont les priorités sur lesquelles le Comité devrait se pencher, les étudier et entendre des témoins.

Vous vous douterez bien que l'opposition officielle voulait étudier en toute priorité le cas de ces deux fiducies familiales. Dès le départ, je me dois de le souligner à titre de président du Comité des comptes publics, le seul comité présidé par l'opposition officielle. C'est dans les règles de cette démocratie que l'opposition officielle est en mesure de présider le comité qui agit ni plus ni moins avec la «complicité» du vérificateur général, le comité qui est là pour


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surveiller le gouvernement et les différents ministères pour voir, au nom des contribuables canadiens, si leurs impôts sont bien dépensés. En fait, c'est ça le rôle d'un État où on paye de l'impôt. On lui verse de l'impôt et ensuite on regarde si on en a pour notre argent de cet impôt que l'on paye.

En priorité on voulait se pencher là-dessus et c'est pour cela qu'on a été obligés, nous de l'opposition officielle, de décider que ce sujet méritait un plus grand débat en cette Chambre, parce que justement on n'est pas capable de faire toute la lumière sur ce qui est arrivé, sur ce qu'il est convenu d'appeler un scandale. Ce n'est pas nécessairement l'opposition officielle qui l'a appelé comme ça. La secrétaire parlementaire du ministre du Revenu disait: On n'aime pas que vous utilisiez le terme «scandale». Ce n'est pas nous qui avons utilisé en premier le terme «scandale», ce sont des journalistes neutres, indépendants qui ont regardé cela. On pourrait citer Martin Leclerc, du Journal de Montréal et du Journal de Québec, on pourrait citer Gilles Gauthier de La Presse. Ce ne sont pas des journalistes à la solde d'un parti politique. C'est eux qui ont dit que c'était carrément scandaleux, que ça n'avait pas de bon sens.

Encore aujourd'hui, par un paquet de mesures dilatoires nous sommes en mesure de vous dire que l'opposition officielle ne peut pas jouer son rôle de façon efficace parce que, encore aujourd'hui, on n'est pas capable de savoir ce qui s'est passé.

Un peu dans la même foulée que ce qui était mentionné tout à l'heure par mon collègue, le député de Portneuf, on se pose certaines questions. Pourquoi, quand c'est le moment qu'une ou deux familles riches puissent transférer, sans payer d'impôt, deux milliards de dollars, ces familles peuvent avoir les services de tous les fonctionnaires, de tous les hauts fonctionnaires de Revenu Canada pour se réunir, pour pouvoir obtenir gain de cause et pouvoir faire leurs transferts?

C'est ce qui est inquiétant dans la décision de 1991. Cette décision a été prise le 23 décembre 1991. Si j'ai l'honneur d'avoir des questions ou commentaires tout à l'heure, je sais d'avance que les représentants libéraux diront: «Oui, mais ça ne s'est pas fait sous notre juridiction, ça s'est fait dans le temps des conservateurs.» C'est bien entendu! Belle réponse! C'est vrai que le gouvernement libéral n'était pas là en 1991, mais on les attend au détour avec ce qu'on vient de sortir aujourd'hui dans le rapport du vérificateur général. On attend Revenu Canada: 630 millions d'évasions fiscales. Le vérificateur général parle d'évasions fiscales en raison d'un manque de vérifications, notamment auprès des grandes compagnies pétrolières et dans les industries du tabac; 630 millions, uniquement pour l'année 1994-1995.

(1625)

Cela veut dire que l'argument des libéraux «nous, on n'était pas là en 1991», c'est vrai. Par contre, qu'avez-vous fait concrètement pour boucher cette porte?

Les libéraux veulent que nous cessions l'étude du chapitre 1 du rapport du vérificateur général sous prétexte que le Comité permanent des finances l'a déjà fait. Ils veulent que le Comité permanent des comptes publics travaille sur autre chose. Je sais que certaines personnes, ici dans cette enceinte, pourraient me dire: «Oui, mais on a accepté, au comité, de tenir une seule et unique rencontre sur les fiducies familiales.» J'ai mentionné au Comité permanent des comptes publics-peut-être que les représentants de la majorité libérale sont plus intelligents que moi-que je ne crois pas qu'en une seule et unique rencontre, ce comité soit vraiment en mesure de faire la lumière sur ce qui s'est passé effectivement le 23 décembre 1991.

Nous trouvons également déplorable et malheureux, parce que nous avons toujours cru, nous, de l'opposition officielle, en l'institution que représente le vérificateur général du Canada, que le président du Comité permanent des finances et député de Willowdale ait systématiquement essayé, à deux reprises, de discréditer, de coincer, de mettre en boîte le vérificateur général et ses adjoints. C'est une attitude qu'il n'a jamais eue à l'endroit du sous-ministre des Finances, M. Dodge, une attitude qu'il n'a jamais eue à l'endroit du sous-ministre du Revenu, M. Gravelle. C'est ce qu'on appelle une position de deux poids, deux mesures. Au lieu de respecter l'institution démocratique, indépendante, libre de toute attache politique que représente le vérificateur général, il a préféré se complaire dans des réactions partisanes.

Le député de Willowdale, de toute façon, est connu pour la façon dont il préside les réunions du Comité permanent des finances. Et moi, en tant que président du Comité permanent des comptes publics, je n'ai aucune leçon à recevoir du député de Willowdale et président du Comité permanent des finances.

La question fondamentale dans ce dossier consistait dans l'imputabilité des hauts fonctionnaires. C'est malheureux, mais je dois vous dire que cette question de l'imputabilité des hauts fonctionnaires ne sera étudiée par aucun comité parlementaire. Nous, du Comité permanent des comptes publics, ne serons pas plus en mesure de le faire en une seule et unique rencontre que ne l'a fait le Comité permanent des finances. Dans une société démocratique, c'est très inquiétant que des personnes ne soient pas en mesure de répondre de leurs gestes, de leurs actes, de leurs décisions.

On ne connaîtra jamais les circonstances qui ont permis que deux milliards de dollars quittent le Canada en franchise d'impôt, ni toutes les raisons entourant les irrégularités. Les irrégularités, ce n'est pas moi qui ai soulevé ce point, c'est le vérificateur général entourant ses décisions.

En conclusion, au-delà du cas présent, c'est toute la procédure de vérification externe du gouvernement qui est en jeu. Peut-être que les libéraux s'ennuient du temps où ils étaient dans l'opposition, peut-être qu'ils étaient davantage batailleurs ragaillardis, probablement qu'ils y retourneront aux prochaines élections, mais le seul comité présidé par l'opposition est en train de se faire mettre de côté, malgré son mandat formel d'étudier le rapport du vérificateur général. Ce dernier est attaqué et n'aura aucune tribune pour défendre ces accusations contre le gouvernement, si le Comité permanent des comptes publics n'est pas en mesure de faire la lumière sur toute cette question.

En terminant, il s'agit donc d'une attaque frontale sur le principe de la reddition de comptes du gouvernement envers le Parlement.


4764

[Traduction]

M. George S. Baker (Gander-Grand Falls, Lib.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'attention mon collègue bloquiste. En tant qu'opposition officielle à la Chambre, le Bloc se doit de toujours demander des comptes au gouvernement. Il lui incombe de veiller à ce qu'on rende des comptes aux Canadiens pour ce qui est de toutes les mesures dont la Chambre est saisie. En particulier, il doit surveiller les deniers publics.

(1630)

Dans la motion du Bloc, on dit que le gouvernement ouvre toutes grandes les portes à d'autres fuites de capitaux qui priveront l'État fédéral de plusieurs centaines de millions de dollars, sinon de milliards de dollars par année. Je n'arrive pas à comprendre le Bloc. Il y a une année à peine, nous avons discuté du transfert d'argent vers les États-Unis aux comités et à la Chambre. Il était question de modifier les conventions fiscales entre le Canada et les États-Unis. Les gens doivent comprendre qu'il s'agit d'accords réciproques qui s'appliquent aux Canadiens et aux Américains.

Le Comité sénatorial des banques a fait une proposition sous forme de projet de loi dont la Chambre a été saisie plus tard. Lorsque ce parti politique a été invité à donner son opinion sur une importante modification de la politique fiscale qui se traduirait par une réduction de l'impôt retenu dans le cas de multinationales qui transféraient de l'argent de leurs filiales à leur société mère aux États-Unis, savez-vous ce que le Bloc a dit, madame la Présidente? Le Bloc a dit, et on trouve cela à la page 14707 du hansard, que c'était merveilleux parce que nos capitaux pouvaient désormais circuler librement vers les États-Unis.

Je demande au député de justifier sa position, étant donné les propos qu'il tient aujourd'hui. Voici ce que les bloquistes ont dit, et on trouve cela à la page 15540 du hansard: «Le projet de loi ne mentionne pas combien il y a de millions et de milliards de dollars d'impliqués dans ce protocole d'entente. On ne sait pas si c'est le Canada ou les États-Unis qui profiteront le plus de ce protocole d'entente de libéralisation des impôts[. . .] Pourtant nous sommes d'accord quand même.»

Comment le député souscrit-il à la position du Bloc, qui appuyait le mouvement de capitaux à l'étranger, tout en reprenant le libellé de cette motion aujourd'hui et en présentant ce tableau à la population du Canada?

[Français]

M. Guimond: Madame la Présidente, quand on écoute Radio-Canada au Québec, quand ils nous donnent les heures de début des émissions, ils disent toujours «une heure plus tard dans les Maritimes». C'est confirmé par les propos du député de Gander-Grand Falls, une heure plus tard dans les Maritimes, mais il n'a fait aucun commentaire pertinent sur le sujet.

J'aimerais que vous demandiez au Président s'il aurait la gentillesse de m'envoyer la page du hansard où j'aurais pris la parole sur ce projet de loi. La citation qu'il me met dans la bouche m'est totalement inconnue. De toutes façons, la mémoire est une faculté qui oublie. Peut-être que je ne me rappelle pas d'avoir dit ça. Mais il y a une chose que je me rappelle avoir dite et je l'ai répétée, ce que nous voulons, et le député ne l'a pas compris, nous voulons faire la lumière sur ce qui s'est effectivement passé le 23 décembre 1991.

[Traduction]

Le député saura que j'ai travaillé pendant 14 ans chez Abitibi-Price, qui exploitait une usine de papier à Grand Falls, Terre-Neuve, c'est-à-dire dans la circonscription qu'il représente. Quand il rentrera chez lui pour le week-end, j'aimerais qu'il demande aux ouvriers papetiers, à ceux qui travaillent à la salle des chaudières et à l'usine de déchiquetage du bois s'ils approuvent qu'un riche transfère deux milliards de dollars aux États-Unis sans payer d'impôts. Est-ce que cela semble normal et acceptable pour l'ouvrier de l'usine de papier de Grand Falls?

(1635)

M. Barry Campbell (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de partager mon temps de parole avec mon collègue de Renfrew-Nipissing-Pembroke, le doyen de la Chambre.

Le temps est venu de nous demander ce qui se passe à la Chambre. Quel motif se cache derrière la fascination qu'éprouvent les bloquistes pour la question à l'étude?

Quand des êtres intelligents manifestent un comportement étrange, on est en droit d'avoir des soupçons. Je m'interroge sur les motifs qui sont actuellement en jeu.

Je ne peux pas croire que les bloquistes cherchent à embarrasser le gouvernement précédent. Leur comportement est bizarre, mais je n'y vois rien de mal.

Il est impossible que les bloquistes pensent que le gouvernement n'a pas donné suite aux recommandations du vérificateur général, parce qu'il l'a fait. Premièrement, il y a eu un moratoire sur les décisions en matière d'impôt. Deuxièmement, la question a été renvoyée au Comité des finances. Troisièmement, le Comité des finances a réalisé de l'excellent travail, qui se soldera par des mesures donnant suite aux recommandations du comité.

La fascination du Bloc ne peut se justifier par le fait que ses députés sont convaincus que nous n'avons pas réagi à temps. Nous l'avons fait.

Leur fascination ne peut se fonder sur le sentiment qu'il y a eu interférence ou faute dans le processus décisionnel, parce que le vérificateur général lui-même a reconnu qu'il n'y en avait pas eu.

Leur fascination pour cette question ne s'explique pas du fait qu'il y a quelque chose de répréhensible à ce que les contribuables demandent des décisions anticipées concernant l'impôt sur des transactions complexes. Les bloquistes savent parfaitement que, dans le passé, le vérificateur général a examiné et loué le processus de décision anticipée.

Si les contribuables en question avaient voulu faire quelque chose de malhonnête, s'ils avaient voulu exploiter le système sans se faire prendre, ils ne se seraient certainement pas adressés à


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Revenu Canada pour solliciter une décision anticipée en matière d'impôt. Ils auraient agi sans se faire remarquer.

Un des avantages que le vérificateur général trouvait au processus de décision anticipée, c'est qu'il prévient Revenu Canada des transactions et des décisions qui se préparent de sorte que le ministère puisse être au courant de ce qui se passe. Le contribuable a pris l'initiative de discuter avec Revenu Canada, mais il n'y était pas obligé.

On peut comprendre la fascination des députés du Bloc québécois. Elle ne s'explique par aucune des raisons déjà mentionnées. C'est à cause de qui ils croient être le contribuable en l'occurrence. C'est peut-être quelqu'un de riche, disent-ils. C'est peut-être un anglophone. Il appartient peut-être à un groupe ethnique. Il y a beaucoup de leçons à tirer de leur fascination pour ce dossier.

Quelles leçons pouvons-nous tirer, d'après la façon dont les députés du Bloc ont traité ce dossier, sur le genre de société qu'ils bâtiraient au Québec? Je vais le dire aux députés. À en juger d'après leur performance à ce sujet, ces députés bâtiraient une société où la réussite personnelle interdirait à quelqu'un de jouir d'un traitement équitable.

Ils bâtiraient une société dans laquelle les contribuables ne jouiraient d'aucune confidentialité. Ils bâtiraient une société dans laquelle la politique serait fondée sur l'envie, une société menée par des comptables envieux, des comptables de délits, des mesureurs de science. Quelle sorte d'économie resterait-il pour le Québec dans un pareil environnement?

Quel genre de société bâtiraient-ils? À en juger d'après le rapport minoritaire du Bloc québécois sur la question, je vais vous dire quel genre de société ils bâtiraient: une société dans laquelle l'expertise et l'expérience ne comptent pas si votre opinion entre en contradiction avec leur idéologie.

Dans leur rapport minoritaire, les députés du Bloc balaient du revers de la main le témoignage de sept des huit experts fiscalistes qui ont comparu devant le comité et qui concluaient que les jugements que Revenu Canada avait rendus, compte tenu de la loi et du règlement tels qu'ils étaient à l'époque, étaient erronés.

Quel genre de société bâtiraient-ils? Ce serait une société dans laquelle votre opinion serait inattaquable si vous étiez d'accord avec leur idéologie. Ils citent le professeur Brooks, le seul des huit experts à avoir appuyé la position du Bloc et à ne pas avoir été d'accord avec les sept autres experts.

Son opinion, évidemment, était inattaquable, tandis que les autres experts, de l'avis des députés du Bloc, se trouvaient en conflit d'intérêts. Comme c'est commode.

(1640)

Quel type de société les bloquistes veulent-ils bâtir? Une société dans laquelle les minorités du Québec peuvent espérer être tolérées, peut-être, mais jamais considérées comme tout à fait égales. Nous sommes tous des minorités. Tout dépend du tracé des frontières.

Quel type de société serait-ce? Une société dirigée par des révisionnistes qui refont et faussent l'histoire à leurs propres fins. L'histoire des francophones au Canada n'est pas un sujet de honte, mais de fierté. Nous avons construit un grand pays ensemble, nous avons ouvert un continent. Que veulent-ils faire? Verrouiller les francophones à l'intérieur du Québec.

Quel type de société bâtiraient-ils? Une société dans laquelle on peut toujours rejeter sur quelqu'un d'autre la responsabilité de ses problèmes: les anglais, les riches, les ethniques, les fédéralistes. Qui blâmeront-ils s'ils se retrouvent seuls?

Ce serait une société fondée sur une insécurité si profonde qu'eux, les séparatistes, tentent de se mettre à l'abri des reproches en qualifiant ceux qui les critiquent de vendus, leur reprochant de participer à une grande conspiration quelconque. Une société où le gouvernement déciderait de suspendre la prééminence du droit, le seul rempart qui nous protège de la tyrannie.

Ils bâtiraient aussi une société où il semble exister, d'après ce que disent et font les séparatistes, une responsabilité collective. La collectivité juive est responsable de M. Galganov, mais les séparatistes et la collectivité francophone ne sont pas responsables des observations de M. Parizeau sur les ethniques, de la manière dont M. Landry traite les ethniques, des propos de M. Villeneuve.

Je suis heureux d'avoir pu participer à ce débat, mais je pleure sur le Québec, sur les Québécois dignes, travailleurs, justes et ouverts qui sont rabaissés par le comportement et l'attitude que les séparatistes ont adoptés dans ce débat et dans bien d'autres.

J'ai confiance dans le peuple québécois. Il ne se laissera jamais conduire sur ce chemin étroit, paralysant où les séparatistes veulent les entraîner et qui leur promet un avenir misérable.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Madame la Présidente, j'ai écouté les propos de mon collègue de St. Paul's au sujet de la motion qui est devant nous aujourd'hui. C'est assez incroyable d'entendre de tels propos, des injures même, de la part du député de St. Paul's à l'endroit, non pas simplement des députés du Bloc québécois, mais de l'ensemble des Québécois.

Cela démontre une chose, et les gens qui nous écoutent prendront conscience à quel point le Bloc a été justifié de mettre de l'avant ce dossier des fiducies familiales et à quel point cela fait mal au gouvernement libéral qui est en face de nous et à quel point cela démontre que ce ne sont pas les intérêts des contribuables du Canada et du Québec qu'ils défendent. Ce sont les intérêts des fournisseurs de leur caisse électorale.

En dix minutes, il a réussi à parler des experts que le Bloc québécois dénigre, selon lui. Il a oublié de dire que les experts qui sont venus devant le Comité des finances ont été invités par le président du Comité des finances lui-même et que ces experts


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proviennent de firmes, on l'a dit et on le répète, qui financent à tour de bras le Parti libéral.

Lorsque quelqu'un est venu devant ce comité pour faire la lumière, pour dire la vérité, quelqu'un de crédible, le vérificateur général, il a été enguirlandé. On l'aurait démis de ses fonctions si on avait pu le faire, parce qu'il avait mis la vérité sur la table.

Par la suite, le député de St. Paul's met tout dans le même paquet. C'est ce qu'on appelle la condamnation par. . .

Une voix: Par contumace.

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Non pas par contumace, comme mon collègue dit, mais on tente de faire le lien entre des personnes qui n'ont aucun lien. Il reproche à M. Parizeau les propos qu'il a tenus le soir du référendum; il reproche des propos tenus par M. Landry, et il ajoute les propos tenus par M. Villeneuve qui ont été dénoncés par tout le monde au Québec.

(1645)

C'est ce qu'on appelle des propos malhonnêtes de la part de notre collègue, et s'il a un peu d'honneur il va retirer ces propos-là.

Il devrait nous dire pourquoi, lui, s'il est si limpide, s'il est tellement à la recherche de la vérité, pourquoi ne demande-t-il pas à son gouvernement de faire toute la lumière sur la question des fiducies familiales? C'est ce que veut le Bloc québécois, c'est ce que veut le vérificateur général. C'est ce que veulent les Canadiens et les Canadiennes, les Québécois et les Québécoises: faire la lumière sur les sommes énormes qui quittent le Canada sans qu'un cent d'impôt soit payé, alors qu'on l'a dit au cours des trois dernières années. Année après année on a coupé dans les programmes destinés aux chômeurs pour des sommes dépassant plus de cinq milliards par année.

C'est cela qu'on veut savoir. On ne veut pas se faire traiter comme le député l'a fait, lui qui parle à travers son chapeau plus souvent qu'autrement.

[Traduction]

M. Campbell: Je serai bref, madame la Présidente. Tous les députés doivent pouvoir exprimer leur opinion, nous y compris. Les députés de l'opposition ne manquent jamais une occasion de dire ce qu'ils pensent et de nous faire part de leur interprétation des faits, de l'histoire et de la réalité. Je crois que nous, de ce côté-ci, avons le droit de faire la même chose. Et tant pis s'ils n'aiment pas notre interprétation des faits.

Je citerai une autre caractéristique de la société qu'ils décrivent. C'est une société où la compétence et l'éthique professionnelles sont prises à partie dès qu'on n'est pas du même avis qu'eux, car c'est exactement leur réaction à l'égard des spécialistes qui témoignent devant le comité.

Je rappelle aux députés que le Bloc québécois a, bien sûr, invité un spécialiste et qu'il avait le droit d'en convoquer autant qu'il voulait. Mais il n'en a trouvé qu'un seul.

Je veux parler de la mobilité des contribuables. Dans le dernier budget, le gouvernement s'est occupé de la question des fiducies familiales dans la mesure où elle influence la mobilité des contribuables. Je crois que le Comité des finances a répondu de façon excellente à ces préoccupations.

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui pour aborder une motion dont le contenu m'étonne vraiment. Il y a longtemps que je n'avais vu à la Chambre une motion formulée comme celle-là. On cherche à s'en prendre à des décisions qui ont été prises en 1985 et en 1991 au sujet de l'immigration des contribuables et du transfert de biens canadiens en fiducie à des bénéficiaires non résidants. La motion vise aussi énormément la migration des recettes fiscales.

Avec la motion qu'elle propose aujourd'hui, l'opposition tente de convaincre la population que les portes sont grandes ouvertes aux fuites de capitaux. L'opposition parle même de centaines de millions de dollars, sinon de milliards de dollars par année. Cette supposition est tout à fait absurde. Les députés d'en face veulent donner l'impression que le gouvernement laisse filer des recettes fiscales. Le Comité des finances a déposé à la Chambre un excellent rapport et conclut qu'aucune transaction entraînant des pertes de recettes fiscales n'a eu lieu.

Je le répète, cette supposition est absurde. Posons-nous la question suivante: Y a-t-il vraiment fuite de milliards de dollars exempts d'impôts? La réponse est claire et sans équivoque; c'est non. Revenu Canada n'est pas au courant de telles transactions depuis 1991 et le Comité des finances a confirmé qu'il n'avait découvert aucune perte considérable de recettes fiscales ni aucune tentative de ce genre de planification fiscale depuis la décision rendue en 1991.

Comme l'a mentionné la ministre du Revenu aujourd'hui, elle a décrété un moratoire sur les décisions relatives à cette partie de la Loi de l'impôt sur le revenu jusqu'à ce que le gouvernement ait l'occasion d'éliminer ces échappatoires.

(1650)

Le député de Beauport-Montmorency-Orléans a déclaré aujourd'hui que les libéraux rejetaient le blâme sur le gouvernement conservateur. La population du Canada a déjà jugé le rendement du gouvernement conservateur précédent. Elle l'a fait le 25 octobre 1993, aux élections générales. Par conséquent, nous n'avons pas à lui rejeter le blâme, il a déjà payé. Il a été établi que les fonctionnaires du ministère du Revenu n'ont commis aucune faute. Cela est dit clairement dans le rapport que le Comité des finances a déposé à la Chambre.

Je tiens à rappeler que la ministre du Revenu national a déclaré qu'un moratoire a été décrété sur ce genre de procédures jusqu'à ce que le gouvernement ait l'occasion d'éliminer ces échappatoires. Cela signifie que, tant que le moratoire reste en vigueur, toutes les procédures sont gelées et aucune décision concernant les capitaux qu'on veut sortir du pays ne peut être prise. Comment sortir du poisson d'un lac lorsque celui-ci est gelé? Il faut percer un trou dans la glace. Or, le ministre des Finances et le gouvernement du Canada disent qu'ils vont colmater la brèche. Le Bloc peut essayer autant qu'il le voudra, il ne réussira pas à percer un trou dans la glace et à en sortir du poisson. Le gouvernement du Canada va revoir les


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dispositions fiscales qui n'ont pas été examinées depuis 25 ans. D'ailleurs, il a déjà pris des mesures à cet égard.

Par conséquent, ne nous emportons pas et n'allons pas penser que quelque chose de terrible va se produire aujourd'hui, parce que le Comité des finances, le vérificateur général et six autres représentants, six grands vérificateurs du Canada ont dit qu'il n'y avait pas de fautes. Le ministère du Revenu national dit que rien n'est arrivé depuis 1991.

S'ils essaient de percer l'armure des libéraux au Québec, ils devront redoubler d'efforts. Les Québécois sont assez intelligents pour ne pas se laisser berner par de telles tactiques. Cette motion est la pire lecture de chevet qui puisse exister.

Le gouvernement a dit à la Chambre que le problème, de nos jours, c'est le traitement des gains en capital lorsque quelqu'un, un immigrant, une fiducie, une entreprise ou une société en nom collectif veut quitter le Canada. C'est cela le problème. Voilà le principal point soulevé par le vérificateur général. Dans son rapport majoritaire, le Comité des finances l'a reconnu et a dit qu'il fallait prendre des mesures. Le ministre des Finances a dit que le gouvernement le reconnaissait et qu'il entendait agir.

Ailleurs, dans le hansard du 20 septembre, le gouvernement a dit que le rapport majoritaire du Comité des finances avait examiné la question en profondeur et que le gouvernement avait l'intention de prendre des mesures. Le ministre des Finances a dit, au nom du gouvernement, que ce dernier avait voulu faire la lumière sur cette question, que c'est ce qu'avait fait le rapport majoritaire du Comité des finances et qu'il avait l'intention d'agir.

Il est bien évident qu'en inscrivant à l'ordre du jour la motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui, l'opposition officielle se livre à de la grossière politicaillerie, et c'est pour cette raison qu'elle ne mentionne pas les mesures positives que le gouvernement a adoptées pour mettre à jour la Loi de l'impôt sur le revenu. Le Canadien moyen doit connaître les faits entourant ce problème, et ils lui sont expliqués. Il n'a pas besoin de grands discours politiques comme celui contenu dans la motion à l'étude.

Je répète qu'un moratoire a été imposé sur toutes les décisions concernant la migration de contribuables, en attendant que le gouvernement présente des dispositions législatives et qu'il prenne d'autres mesures pour supprimer les échappatoires. Il veut étudier en profondeur le rapport du Comité des finances.

(1655)

Établissons donc une comparaison entre nos lois et celles d'autres pays. À la Chambre, nous avons toujours tendance à nous déprécier de bien des façons. Je voudrais comparer nos lois fiscales à celles d'autres pays.

Nos lois fiscales sont plus étanches que celles des autres pays du G-7. Notre système d'administration fiscale est le plus respecté de tous aujourd'hui. C'est de la pure spéculation que de dire que nous perdons de l'argent. Il n'y a aucune preuve attestant que nous perdons de l'argent.

C'est une chose d'avancer des arguments simplistes comme ceux qui figurent dans la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui, mais c'en est une autre d'étudier la question dans toute sa complexité et d'examiner le travail de fonctionnaires travaillants et dévoués relativement à cette question.

C'est très facile de critiquer, de parler du bien et du mal, de classer les gens dans les catégories des bons et des méchants. C'est justement pourquoi il importe absolument d'expliquer toute la question à la Chambre des communes. C'est bien autre chose quand on pense qu'une des principales questions que nous examinons aujourd'hui a trait au domaine hautement complexe et fréquemment confus du traitement fiscal des contribuables qui émigrent.

Dans le chapitre 1 de son rapport publié le 7 mai 1996, le vérificateur général soulève des questions concernant des décisions de Revenu Canada et, notamment, la politique de Revenu Canada relativement aux personnes qui cessent d'être des résidents canadiens.

Le fait que ces questions étaient partiellement liées aux fiducies familiales ne devrait pas masquer celui que la principale question dans cette affaire a trait aux règles de Revenu Canada applicables aux contribuables qui émigrent.

J'estime qu'il s'agit là d'une notion très pertinente. D'aucuns ont dit que la période écoulée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale sera considérée par les historiens comme le crépuscule de l'État-nation et la naissance de l'économie mondiale unique.

Selon le dictionnaire Websters, le terme «globalisation» n'existe que depuis 1944. Aujourd'hui, c'est ce terme qui sert à définir le monde moderne. Or, fait surprenant, les règles fiscales liées à l'émigration des contribuables n'ont été adoptées par le Parlement qu'en 1971 et n'ont pas fait l'objet de modifications importantes depuis leur adoption il y a 25 ans.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Madame la Présidente, je suis un peu déçu par l'intervention du député de Renfrew-Nipissing-Pembroke, dont la carrière politique tire à sa fin. Je suis déçu de le voir se prêter à ce genre d'intervention qui n'a comme effet que de faire jaillir la honte sur les parlementaires.

Je voudrais demander au député qui a été président du Comité permanent des comptes publics, qui siège ici depuis 36 ans, qui est notre doyen, quel genre de message envoie-t-il à la population canadienne en tenant de tels propos? Aurait-il accepté à titre de président du Comité des comptes publics que le rapport du vérificateur général soit démoli, le vérificateur général y compris, pour avoir simplement fait son travail?

Pourquoi a-t-on transféré ce dossier du Comité des comptes publics au Comité des finances, un obscur comité dirigé par des libéraux? Les libéraux sont majoritaires à ce comité. Déjà là, ça ne sent pas bon, déjà là, il y a quelque chose qui ne se fait pas.


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Quand on a 36 ans de vie politique, on ne se prête pas à ce genre de chose, on reste assis, ou mieux, on reste chez-nous parce que c'est inacceptable ce qui s'est fait là. Il parle d'experts, bien oui, des experts-comptables fiscalistes, les mêmes experts qui étaient partie prenante à la décision prise le 24 décembre 1991.

(1700)

Je lui demande en quoi les règles de droit ont été respectées, et le désir de faire toute la lumière sur cette problématique, sur ce dossier soulevé par le vérificateur qui est heureusement, Dieu merci, pas à l'emploi du Parti libéral, mais un mandataire de cette Chambre?

On a tiré sur le messager à boulets rouges pour le faire taire. On a tâché de lui faire perdre sa crédibilité. Pourquoi le parti au pouvoir a-t-il fait cela? Est-ce parce que le vérificateur général aurait mis le nez dans quelque chose qu'il aurait dû ignorer? A-t-il exprimé un soupçon qu'il n'aurait pas dû exprimer? Qu'avait-on à s'en prendre au vérificateur général et à passer ça en sourdine dans un comité des finances contrôlé par les libéraux qui sont les maîtres d'oeuvre sur ces comités, tel qu'on le sait?

Le député peut-il être fier de lui-même, après 36 ans de vie politique, de ce qu'il essaie de faire croire aux Québécois et aux Canadiens? Et la voie est facile, parce que ce sont des souverainistes, des bloquistes qui ont rendu le scandale public. C'est facile de faire gober aux Canadiens, qui ont une sainte peur des bloquistes, que ce n'est pas bien ce que les bloquistes ont trouvé là. Mais le vérificateur général n'est pas un bloquiste; il est probablement l'homme qui avait la plus grande autorité morale dans l'ensemble des opérations gouvernementales. C'est cet homme qu'on a voulu démolir et réduire à néant, parce qu'il avait peut-être mis son nez où il n'aurait pas dû.

Je demande au député de faire amende honorable et de reconnaître que le Comité permanent des comptes publics aurait dû dépouiller ce dossier de À à Z, faire rapport à cette Chambre et demander une enquête.

[Traduction]

M. Hopkins: Madame la Présidente, je veux seulement dire au député qu'il est devenu évident que j'ai mis au jour les véritables intentions du Bloc québécois à la Chambre des communes lorsque le député n'a pas trouvé mieux que de lancer une attaque personnelle à mon endroit. Mais je suis coriace. Je peux en prendre. Et je peux aussi retourner les coups.

Qu'il sache que le député de Renfrew-Nipissing-Pembroke a toujours eu le plus grand respect pour le vérificateur général du Canada.

J'affirme sans hésiter que c'est notre gouvernement qui a pris l'initiative, pas le Bloc québécois. N'allez pas dire que le Bloc québécois a pris l'initiative. Le gouvernement du Canada a pris l'initiative et a renvoyé la question devant le comité des finances et celui-ci a produit un rapport.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Madame la Présidente, je voudrais d'abord vous aviser que je diviserai mon temps de parole avec mon honorable collègue de Chambly. Je dispose donc de dix minutes.

Le trois premiers mots que j'aimerais dire dans le débat actuel sont les trois mêmes: scandale, scandale et scandale.

J'ai écouté le député de Renfrew-Nipissing-Pembroke et je suis totalement en désaccord avec la chronologie des événements qu'il vient de nous décrire. Je les ai notés ici, et cela démontre tout le cynisme de la démarche de ce gouvernement.

D'abord, le 23 décembre, Revenu Canada rend sa décision, c'est-à-dire que les fonctionnaires sont en discussion pour rendre une décision, et le rapport du vérificateur général nous fait mention d'au moins quatre réunions cette journée-là. C'est un traitement de faveur, déjà en partant, pour le type de corporation ou le type de familles riches dont il est question dans le débat ici aujourd'hui.

Cela se fait également en catimini. À deux jours de la fête de Noël, où tout le monde est en train de festoyer, on réunit des hauts fonctionnaires à quatre ou cinq reprises pour essayer de voir ce qu'on peut faire pour nos amis. On démontrera tout à l'heure que ce sont les amis du Parti libéral.

Le 24 décembre, ils rendent leur décision. Il est rare que Revenu Canada, quand on fait une demande ou qu'on va en appel, que les fonctionnaires rendront une décision dans les 24 heures. Ce fut le cas pour le sujet du débat d'aujourd'hui.

En 1993, le vérificateur général somme Revenu Canada de publier ses décisions, parce qu'il se rend compte que ce ministère publie des décisions, sauf celles concernant les fiducies familiales. Là où je suis également en désaccord avec le député qui vient de s'exprimer avant moi, mon collègue de Renfrew-Nipissing-Pembroke, c'est que le Bloc québécois, depuis le début, depuis sa fondation, à laquelle j'ai assisté, ainsi qu'à la campagne électorale, et les fiducies familiales étaient dans la plate-forme électorale du Bloc québécois.

(1705)

On se rendait compte qu'il y avait un immense problème, on se rendait compte que la classe moyenne et la classe pauvre étaient frappées par toutes sortes de mesures, taxes, impositions, et on se rendait compte aussi que différentes familles, probablement un peu partout au Canada, pouvaient bénéficier des largesses du régime. On l'a dit dès le départ et on a commencé notre action parce qu'on a été élus en octobre. Notre collègue pourra le vérifier, les premières questions du Bloc québécois dans les premiers jours se rapportaient aux fiducies familiales. Elles se rapportaient aux fiducies familiales et cela faisait partie de notre plateforme.

Le 21 mars, finalement, cinq ans après que cette histoire ait commencé, Revenu Canada a rendu sa décision publique. Le 7 mai,


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le vérificateur général dévoile son rapport faisant état d'un précédent pouvant coûter des centaines de millions de dollars aux Canadiens et Canadiennes.

Suite au rapport du vérificateur général, on continue nos questions. Là, le gouvernement, dans un geste inique, plutôt que de confier cela au Comité des comptes publiques, lequel est présidé par un député du Bloc québécois, ce qui est tout à fait normal-mais ils se rendent compte que c'est dangereux-le gouvernement confie cela au Comité des finances pour faire la lumière sur les événements.

Il n'y a pas de surprise. La majorité libérale-et j'entends souvent la ministre du Revenu se replier et se cacher derrière le rapport du Comité des finances, elle se replie derrière le rapport majoritaire du Comité des finances parce que, naturellement, il y a une majorité de libéraux, mais elle ne parle jamais du rapport minoritaire, par exemple. Elle dit: «On a fait cela selon les règles de l'art.»

Ça n'a pas été fait selon les règles de l'art. C'est le Comité des comptes publics qui aurait dû avoir le mandat de faire toute la lumière sur la question. Que fait le comité, aussitôt convoqué? Il invite des experts à venir témoigner. Mes collègues en ont parlé, j'ai même les noms.

On a invité les compagnies Ernst and Young, Stikeman Elliott, et Coopers and Lybrand, tous les gens qui donnent les trucs aux riches familles canadiennes pour échapper au régime fiscal et échapper à Revenu Canada. J'appelle cela mettre les loups en charge du fonctionnement de la bergerie. C'est ce qui s'est passé.

Le rapport étant sorti, tout le monde a dit: «Écoutez, cela a été fait démocratiquement, le Comité des finances a regardé cela, il n'y a aucun problème, on a fait venir des experts.» On ne nous dit pas que ce sont les loups qui sont venus nous dire comment garder la bergerie et cela finit qu'on ne saura peut-être jamais où sont passés ces deux milliards de dollars, où ils sont allés, quelles familles cela touche. Ça aussi a été dévoilé, le nom des familles. Encore là ce sont des présomptions. Chose certaine, ça s'est passé et ça continue peut-être de se passer actuellement. On peut bien nous parler de glace et des trous qu'on peut boucher dans la glace.

À notre point de vue, cela continue de se passer, et n'eut été de l'intervention de nos collègues, notre collègue de Saint-Hyacinthe, celui de La Prairie, de Beauport-Montmorency-Orléans, on en serait à laisser passer des fortunes qui pourraient déménager, aller d'un côté et de l'autre, et on dirait: on ferme les yeux là-dessus. Ce n'est pas tout à fait comme cela qu'on veut le faire.

Tout à l'heure, mon collègue de Portneuf a parlé de l'importance-moi j'appelle cela l'apparence-de l'apparence de l'équité fiscale. Est-ce qu'il y a apparence d'équité fiscale?

Une voix: Pas du tout.

M. Bachand: Pas du tout.

Le col bleu qui travaille pour la ville de Saint-Jean, qui ouvre son chèque de paye le vendredi pour constater que le tiers part en impôts et en taxes, qui sait qu'à la fin de l'année les griffes de Revenu Canada l'attendent s'il déroge à la loi, est-ce qu'il peut prendre le téléphone, appeler Revenu Canada, se renseigner? Est-ce qu'il peut demander si c'est légal de faire ça? On vient d'en avoir une preuve cet après-midi: non.

Mais si on s'appelle Bronfman, si on s'appelle Conrad Black. . .

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Ou Paul Martin.

M. Bachand: . . .ou Paul Martin, je pense qu'on peut non seulement appeler Revenu Canada mais on peut appeler le premier ministre du Canada. On peut lui dire: «Peux-tu arranger mes affaires?»

Dans le fond c'est ce qu'on aimerait savoir et c'est ce qu'on ne veut pas nous dire. La fille qui travaille comme col blanc à la ville de Saint-Luc, le chauffeur d'autobus qui travaille à la compagnie dans mon comté, eux sont tannés. Ils nous disent constamment, lorsqu'ils viennent à nos bureaux: «L'imposition, on succombe.» La petite famille qui, à la fin de l'année, a un revenu combiné de 45 000 $, qui ne peut avoir aucune échappatoire fiscale, pensez-vous qu'elle trouve que le système fiscal est équitable quand elle voit une injustice comme celle qui est devant nous aujourd'hui?

Je pense qu'il est important qu'il y ait apparence d'équité fiscale. Je pense que c'est un principe qui existe en justice, on appelle cela l'apparence de justice. Il n'y a même pas d'apparence d'équité fiscale devant nous aujourd'hui.

(1710)

Même le ministre des Finances dit: «Écoutez, il n'y a pas de problème avec les fiducies familiales, j'en ai une, moi.» Bien oui, on le sait. Comme Bronfman doit en avoir une, comme Conrad Black doit en avoir une, et ses enfants vont en bénéficier, dans les générations futures.

Mais la petite dame ou le petit monsieur qui est col bleu ou col blanc, chauffeur d'autobus, conducteur de métro, qui travaille dans une entreprise, quelle possibilité a-t-il de laisser un patrimoine de millions de dollars à ses enfants? Je pense qu'il n'en a pas.

Comble de l'arrogance-c'est dommage que mon collègue de Renfrew-Nipissing-Pembroke soit parti-le Parti libéral se comporte comme s'il était propriétaire de la Chambre des communes dans un système où il n'y a même pas de régie pour réglementer les gens qui y logent. Si ce n'était de règles minimales, je pense que le Parti libéral dirait qu'il est propriétaire de la Chambre des communes et qu'il ne veut plus avoir le vérificateur général. C'est bien sûr, parce qu'il ne dit pas la même chose qu'eux. Pourtant, c'est le chien de garde, c'est son rôle de ne pas toujours dire la même chose que le Parti libéral.

L'histoire du PLC n'est pas compliquée: les membres du PLC vont continuer de défendre leurs riches amis. Ce que je pense, c'est que nous, au Bloc québécois, allons continuer de défendre les gens de la classe moyenne qui sont fatigués d'être imposés et de voir des injustices comme celles-là qui se présentent. On va continuer de défendre les gens dépourvus qui sont victimes de coupures, parce que quand on veut équilibrer une assiette fiscale, au gouvernement, et qu'on veut rééquilibrer le budget, on coupe chez les plus démunis, on impose la classe moyenne et on ferme les yeux sur les riches familles qui s'évadent du pays avec des fortunes sous le bras.


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Ce n'est pas dans la philosophie du Bloc québécois, c'est dans celle du Parti libéral du Canada. Ce sera une hantise pour eux lors de la prochaine campagne électorale. S'ils ne font pas machine arrière, les gens vont comprendre que ces injustices n'ont pas de bon sens et le Parti libéral va peut-être connaître le même sort que mon collègue de Renfrew-Nipissing-Pembroke accordait, tout à l'heure, aux conservateurs qui l'ont précédé.

Le pouvoir, oui, mais un pouvoir qui s'arroge et qui est arrogant, non. La population va finir par le comprendre. Nous sommes là, en tant qu'opposition, pour faire comprendre aux Québécois et aux Canadiens qu'ils sont beaucoup mieux servi par un parti d'opposition, par un vérificateur général qui joue son rôle de chien de garde et son rôle véritable d'opposition et qui veut ramener le parti au pouvoir dans le droit chemin.

[Traduction]

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Madame la Présidente, je remarque que le député du Bloc québécois ne se fait pas gloire d'avoir soulevé la question. Elle a été soulevée par le vérificateur général.

Je le remercie de reconnaître ce fait. Le vérificateur général a effectivement un rôle extrêmement important à jouer pour ce qui est d'obliger le gouvernement à rendre des comptes.

Pour moi, cette question fait ressortir le fait que le gouvernement ne rend pas suffisamment de comptes et a l'intention d'en rendre encore moins d'ici la fin de son mandat.

Je constate, en regardant les mesures législatives que nous étudions, que le gouvernement cherche de plus en plus à avoir un pouvoir discrétionnaire accru pour gouverner. Il est intéressant de voir comment cette soif de pouvoir est insatiable.

Il y a de petits changements dans les mesures législatives, par exemple le verbe «doit» est remplacé par le verbe «peut», ce qui donne une plus grande discrétion, ou encore l'ajout d'une remarque comme «de l'avis du ministre», qui élimine toute possibilité d'appel.

Il y a certaines questions que je voudrais soulever en ce qui concerne l'obligation du gouvernement de rendre des comptes dans ma propre circonscription. Il y a la nomination des directeurs du scrutin. Quelle est l'obligation du gouvernement de rendre des comptes à cet égard?

Dans ma circonscription, il y a eu deux directeurs du scrutin nommés par le gouvernement actuel. Autant que je sache, le public n'a pas eu son mot à dire dans ni l'un ni l'autre des cas.

En lisant les qualités requises, je vois que le travail est, de par sa nature, impartial: «Le directeur du scrutin doit exercer ses fonctions en conséquence. Les directeurs du scrutin sont assujettis au code régissant les conflits d'intérêts du gouvernement et au code de déontologie d'Élections Canada et ne doivent participer à aucune activité teintée de partialité politique.»

(1715)

Pourtant, tout le monde sait chez nous que les deux personnes qui ont été nommées-l'une d'elle a démissionné depuis et l'autre demeure en poste-font partie de l'organisation libérale. Où est l'obligation de rendre des comptes?

Je veux aussi soulever la question du traité avec les Nisga'a et de l'entente de principe selon laquelle une grande partie de la province de la Colombie-Britannique a été mise de côté sans que les habitants de la province soient consultés. Cette entente porte sur des questions d'éducation, des questions juridiques, des questions d'infrastructure, des questions de pêche commerciale. Le gouvernement a-t-il tenu compte de la volonté de la population? A-t-il rendu des comptes à ceux qui l'ont élu? Voilà la question.

Lorsque nous parlons des fiducies familiales, les gens sont extrêmement nerveux à cause de la façon dont le gouvernement libéral a dirigé le pays jusqu'à maintenant, soit d'une façon qui n'est pas du tout juste et équitable.

[Français]

M. Bachand: Madame la Présidente, je suis content que mon collègue du Parti réformiste pense comme nous sur cette question. C'est rare que l'on se rejoigne, mais sur l'imputabilité du gouvernement face à ces injustices, on se rejoint. La seule correction que j'aimerais faire c'est que le vérificateur général a rendu son rapport le 7 mai, mais le Bloc québécois qui était déjà en campagne électorale en 1993 avait ça sur sa plate-forme électorale et les chemins du hasard nous ont conduits sur la même route. Naturellement, quand le vérificateur général a présenté son rapport, on était tout a fait d'accord avec celui-ci.

Je prends quand même le crédit au nom du Bloc québécois parce qu'on avait déjà identifié ce problème. Et si le vérificateur général est venu dire que c'est le cas, on est dans la même barque, effectivement. On a dénoncé nous aussi l'imputabilité du gouvernement qui continue à se cacher derrière des comités qui ont été un peu bidon jusqu'à maintenant.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Madame la Présidente, je ne peux pas honnêtement dire que je me réjouis de prendre la parole aujourd'hui sur la motion déposée par l'opposition officielle. Ce n'est pas la première fois que je dénonce les apparences de conflits d'intérêts, les injustices flagrantes commises envers les contribuables moyens et ordinaires par ce gouvernement.

On a qu'à se rappeler l'épisode de l'aéroport Pearson. On avait même un libéral, qui est dit-on le père de la ministre du Revenu, qui avait dit qu'il y avait plein de choses, d'apparences de conflits d'intérêts, d'odeurs nauséabondes et qu'il faudrait enquêter. Ce n'est pourtant pas un bloquiste qui a dit ça, c'est le père de l'actuelle ministre du Revenu, un libéral notoire et connu, un nommé Nixon, qui avait recommandé ça au gouvernement. On a passé outre. On a fait comme s'il n'avait rien dit.

Je me souviens du ministre des Transports de l'époque qui avait dit que ça ne donnait rien de déterrer des affaires. Pourtant on en déterre des affaires quand on attrape un gagne-petit qui a fraudé


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l'assurance-chômage pour 200 $. On peut le poursuivre jusque dans sa tombe, lui. Là c'est payant de déterrer des affaires. Mais des affaires de milliards, du grenouillage. . .

Puis il n'y a pas seulement que l'aéroport Pearson. Power DirecTv, est-ce que ça vous dit quelque chose, vous, en face? Renverser une décision qui avait pourtant été bel et bien prise par les autorités auxquelles on avait confié le mandat de superviser ces choses. Le Cabinet a passé outre. Comme par hasard, dans Power DirecTv il y avait du monde proche du premier ministre et de son entourage.

Ginn Publishing, on n'a même pas attendu le rapport d'un avocat, on a lâché le morceau, on a retourné ça à des gens qui sont encore dans l'entourage du parti au pouvoir et de ses leaders.

Il y en a bien d'autres. Je me souviens de ce ministre qui était à Los Angeles, à un certain moment, et qui venait pour certifier que la prise de contrôle d'une corporation de distribution de films était bel et bien prise par des Canadiens et qu'il pouvait certifier sur son serment d'office et de sa plume que c'était vraiment une entreprise canadienne.

(1720)

Les exemples ne manquent pas, et il n'y a rien qui nous porte à croire qu'il n'y en aura pas d'autres.

Le Comité permanent des finances. J'écoutais les libéraux qui déchiraient leur chemise tout à l'heure: le Comité permanent des finances a décidé ci; le Comité permanent des finances ne voulait rien savoir; il ne voulait rien trouver, comme dans le cas de l'aéroport Pearson. Il n'y a pas plus aveugle que quelqu'un qui refuse de voir. C'est ça, le Comité permanent des finances. Si les députés d'en face peuvent faire croire ça aux autres Canadiens, c'est leur problème, mais, comme le disait le député de Saint-Jean, je ne suis pas sûr qu'ils ne mangeront pas une mautadite belle claque à la prochaine élection, comme c'est arrivé à d'autres avant eux qui avaient fait des choses semblables mais j'oserais dire moins pires que ce qu'on voit maintenant. Fort d'une députation de 177 députés, on est capable de se traficoter des petites lois entre nous au bénéfice des personnes riches et jamais les oppositions, officielle et non officielle, ne seront assez fortes pour ébranler le gouvernement dans ses attitudes. C'est ce qui prévaut depuis le trois ans de ce gouvernement au pouvoir. C'est une honte à laquelle tout le monde se prête.

On vient ici implorer le bon sens d'experts indépendants, celui de six experts indépendants qui étaient probablement impliqués dans la série de décisions, notamment celle du 23 décembre 1991. Ce sont eux qui étaient au party du 23 décembre et on vient leur demander si, selon eux, c'était bien fait. Mon collègue appelait ça une juste application d'équité fiscale. On ne se soucie même plus, dans ce gouvernement, de donner l'apparence de clarté et de propreté. On s'en fout. «On est trop fort, ils n'oseront jamais nous démolir, c'est nous qui décidons en dernier.» Jusqu'au ministre des Finances qui vient dire: «Moi, j'en ai, une fiducie familiale.» Bien oui, avec des biens canadiens imposables. La journée où il enverra ses bateaux faire un voyage dans le Sud en décidant de ne plus les ramener, on aura l'air de quoi, puisque qu'il est le ministre des Finances?

C'est à peu près ce qui a été fait dans le cas des deux milliards. Y pensez-vous, deux milliards, l'impôt que cette somme peut représenter! «Bien non, on ne veut pas, c'est un chum. Passe-moi le savon, je vais te gratter le dos.» C'est de cette façon qu'on fonctionne de ce côté-là.

À un moment donné, il faut que les Canadiens comprennent et réalisent qu'ils sont en train de se faire emplir comme ça ne se peut pas, comme ça ne s'est jamais vu dans l'histoire du Canada. On a vu des gouvernements faire des petites tentatives. Mais là, il y en a qui ramassent le beurre à la poignée là-dedans. Deux milliards, ça n'a pas de mautadit bon sens!

Encore aujourd'hui, je pensais bien que l'hémorragie était arrêtée, mais non. Aujourd'hui, le rapport du vérificateur, c'est encourageant, n'est-ce pas: 630 millions d'échappatoires de toutes sortes. On ne parle pas du gars qui a volé le tronc de Saint-Antoine à l'église Notre-Dame, on parle de gros manufacturiers de tabac. Justement, la même gang. Quand on gratte, c'est tout poigné ensemble ces affaires-là. On va assister à un souper bénéfice à 3 000 $ pour regarder le premier ministre et avoir la chance de le côtoyer dans la toilette des hommes.

C'est terrible, mais on est assez fort, du côté gouvernemental, qu'on n'a pas peur des menaces de nulle part, même pas du vérificateur général. On a démoli le vérificateur général. C'est simple. Le messager nous apporte un message qui ne nous plaît pas, on descend le messager.

Il faut non seulement que les lois fiscales aient une application juste et raisonnable, mais encore faut-il qu'elle semble juste et raisonnable, comme lorsqu'on applique la justice. En justice, en droit, «la primauté du droit», comme le disait ce matin le ministre de la Justice, la «rule of law». Mais la «rule of law», les tribunaux l'ont établie depuis longtemps. Non seulement faut-il que justice soit rendue mais qu'apparence de justice soit rendue. On se soucie peu de l'apparence là-dedans. On a favorisé des chums et, là, je ne serais plus surpris qu'il ne reste plus beaucoup de fiducies familiales.

On a tourné à mauvais escient une disposition qui pouvait se justifier et avoir une certaine logique, mais on l'a utilisée à des fins autres que celles pour lesquelles elle était créée. Tout ça dans une espèce de malversation institutionnalisée avec les plus grands de ce monde qui se sauvent en douce avec la caisse, le prochain avec ses bateaux, probablement, c'est peut-être un des derniers qui restent là, mais il faut demander une enquête là-dessus.

(1725)

Quand on veut connaître la vérité, on prend les moyens pour l'obtenir. Il faut demander une enquête indépendante, s'il le faut une commission royale d'enquête, qu'on convoque des experts indépendants, pas ceux qui ont participé à la décision. Qu'on mette la GRC dans le dossier, qu'on commence à scruter les comptes de banque de ceux qui ont pu, de près ou de loin, participer à cette décision.

Lorsqu'on veut trouver, on cherche. Dans ce cas-ci, on ne veut pas trouver, donc on ne cherche pas. On dit: «C'est une bande de séparatistes qui ont levé le lièvre. Ce n'est pas dangereux. Les gens de Terre-Neuve, de l'Ouest, des Maritimes n'oseront jamais croire des souverainistes, alors, on a beau jeu. On peut avoir la patinoire à nous seuls et faire ce qu'on veut.» C'est cela, le scandale dans cette


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affaire, et les libéraux auront beau essayé de me passer à peu près n'importe quoi, ça ne marche pas. Ça ne marche pas. Il y a de la crasse dans cette affaire-là et on va lâcher quand on l'aura trouvée, pas avant.

[Traduction]

M. George S. Baker (Gander-Grand Falls, Lib.): Madame la Présidente, j'ai quelques mots à dire au sujet de la motion présentée par le Bloc. À mon avis, cette motion constitue d'abord une condamnation des conservateurs, puis une condamnation du Bloc lui-même. Je dis cela parce que le Bloc parle des fiducies familiales.

Les députés du Bloc parlent des fiducies familiales et essaient de blâmer le gouvernement libéral pour un rapport du Comité des finances. Or, leurs accusations contre le gouvernement libéral sont injustifiées. C'est le gouvernement libéral qui a introduit l'impôt sur les gains en capital provenant de fiducies familiales. C'est le gouvernement libéral qui a introduit le règlement qui était censé éliminer l'échappatoire fiscale créée en formant une fiducie parce qu'une fiducie ne disparaît pas. C'est le problème auquel le Canada était confronté en 1971. Avant cela, nous avions l'impôt sur les biens transmis par décès. Nous avions aussi l'impôt sur les successions, comme il existe aujourd'hui aux États-Unis. Les Américains ont eux aussi l'impôt sur les gains en capital.

Nous avions l'impôt sur les biens transmis par décès et l'impôt sur les successions. C'est à ce moment qu'une commission royale d'enquête, la commission Carter, a recommandé des changements substantiels, mais ses recommandations n'ont pas été mises en oeuvre à ce moment-là. J'aurais bien voulu qu'elles le soient, mais elles ne l'ont pas été. Le gouvernement libéral a plutôt introduit un impôt sur les gains en capital qui permettait aux fiducies familiales de payer la moitié du taux normal d'impôt sur le revenu.

Lorsque cet impôt a été introduit, il s'est produit ce qui se produit toujours quand on modifie la loi, c'est-à-dire que les gens ont trouvé des moyens de la contourner afin d'éviter de payer des impôts. Certains ont réussi à le faire en plaçant leurs biens en fiducie de sorte qu'en cas de décès, les héritiers n'ont pas à payer l'impôt habituel sur les gains en capital que le gouvernement canadien a institué en 1971.

Le gouvernement libéral avait alors déclaré que, pour éliminer l'échappatoire après 21 ans, quoi qu'il advienne, les impôts qu'il aurait fallu payer sur la valeur accrue des biens deviendraient exigibles après 21 ans. Voilà ce qu'on a fait, sous le régime libéral, pour éliminer l'échappatoire qui permettait aux riches de payer grassement de grosses boîtes d'avocats et de comptables pour se soustraire au fisc.

(1730)

Qu'est-ce que cela a donné? Pendant 21 ans, les sommes ont été gardées en fiducie. Le 1er janvier 1992, la nouvelle loi est entrée en vigueur. Nous arrivons en 1992, et devinez quoi? Ces sommes deviennent maintenant la propriété du gouvernement du Canada. Il y en avait pour des centaines de millions de dollars, à ce qu'on dit.

Certains de mes collègues de l'opposition et moi avons appris, en faisant une demande d'accès à l'information, que des experts-conseils ont été grassement payés sous le régime conservateur pour essayer de persuader le gouvernement d'abolir la règle des 21 ans que les libéraux avaient imposée pour que tout le monde paie.

À la lecture des lettres adressées aux ministres des Finances du gouvernement conservateur de l'époque, on apprend que quelqu'un allait devoir 11 millions de dollars d'impôt en 1992 sur les 100 millions qu'il avait en fiducie. Une autre personne avait, quant à elle, 200 millions de dollars en fiducie et allait vraisemblablement devoir verser 15 millions de dollars au fisc, tandis qu'une autre, qui n'en avait que 70 millions, devrait en verser 7 millions. Tous ces gens suppliaient le gouvernement conservateur d'intervenir: «Ne laissez pas une chose pareille arriver. Je ne veux pas devoir payer autant d'impôt. Après tout, je n'ai que 100 millions de dollars.» Cela tire presque les larmes des yeux. Il y a eu combien de lettres de ce genre.

Ce fut ensuite au tour des sociétés d'experts-conseils. Nous avons obtenu copie des enquêtes faites par les experts-conseils. Je préfère taire leurs noms pour ne par leur faire de publicité gratuite, car ils sont parvenus à faire changer d'idée au gouvernement au pouvoir.

Le problème qui s'est posé alors a été de savoir quoi faire de ses fiducies familiales à l'approche de la date fatidique marquant la fin des 21 années et le moment de payer l'impôt dû au fisc. Ne pourrait-on pas envisager un roulement? Une règle anti-évitement a été mise en vigueur. Elle portait qu'une personne devait aller devant un juge et lui prouver qu'elle ne cherchait pas à se soustraire à l'impôt. Toutes ces règles avaient pour but de prévenir l'évitement.

C'est dans ce contexte que s'inscrivent nos discussions sur les fiducies familiales. Bien des gens ne rechignaient pas à l'idée de payer l'impôt dû. En fait, d'après les documents que nous avons obtenus à la suite d'une demande d'accès à l'information, certaines personnes étaient parfaitement disposées à payer leur dû. Il y avait, par exemple, ce monsieur qui devait verser 12 millions de dollars et qui adressait la réflexion suivante à l'organisme qui essayait de faire modifier la loi: «On me demande 12 millions de dollars, mais cela ne me dérange pas.»

En 1985, le gouvernement au pouvoir a pris une décision. Le gouvernement devait être tenu responsable de ce que font les bureaucrates. Si Revenu Canada ou le ministère des Finances fait quelque chose, les ministres et le gouvernement doivent en assumer la responsabilité. Une décision a été prise.

(1735)

En 1991, les fiducies ont transféré 2,2 milliards de dollars aux États-Unis. Si leur intention était de contourner la règle des 21 ans, ce que j'ignore mais je préfère croire que ce n'était pas le cas, elles n'avaient pas à s'inquiéter, puisque les gouvernements successifs de l'époque avaient l'intention, aussi vrai que vous êtes là, madame la


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Présidente, de modifier les règles pour que tout cet argent n'ait pas à être rendu. C'était la manière des conservateurs de faire les choses.

Les conservateurs ont toujours appuyé, tout comme les réformistes, les plus riches, ceux qui ont les poches pleines et ceux qui, selon eux, font marcher l'économie.

Un changement s'est produit. Ce changement a été apporté le 23 décembre 1991. Quelques semaines plus tard, la règle des 21 ans a été abolie. Autrement dit, le gouvernement avait décidé que toutes ces fiducies familiales devraient payer de l'impôt au bout de 21 ans. Une décision du gouvernement du Canada prévoyait que tout l'impôt qui devait être exigible au bout de la période de 21 ans ne deviendrait payable qu'après la mort du plus jeune membre de la famille.

Ainsi faisait le gouvernement conservateur, ce Parti conservateur qui tente de reconquérir le pouvoir au Canada. Les conservateurs, qui partagent les mêmes principes que le Parti réformiste, veulent renouer avec la popularité. Certains disent que le Parti réformiste est encore pire qu'eux.

Les conservateurs avaient décidé que, contrairement à la décision prise par les libéraux, les fiducies n'auraient pas à payer d'impôt au moment prévu. Les libéraux avaient supprimé l'échappatoire. Le gouvernement Trudeau avait décidé que tous les impôts différés seraient payables au bout de 21 ans. C'est pourquoi on avait appelé cela la règle des 21 ans.

Le gouvernement Mulroney a accordé un sursis de dernière minute. Il a rassuré les gens en leur disant: «Mais non, vous n'aurez pas à payer.» À la dernière minute, en 1992, il leur a dit: «Tout va bien. Vous n'aurez pas à payer parce que nous allons modifier la loi de l'impôt de façon que l'argent ne soit pas dû avant que le plus jeune membre de la famille ne soit décédé.»

Les conservateurs ont ensuite cédé la place aux libéraux. Dans le débat dont nous sommes saisis aujourd'hui, à la Chambre, le Bloc prétend que les fiducies familiales sont en cause. Pourtant, qu'est-ce que les libéraux ont fait quand ils ont pris le pouvoir? Ce sont eux qui ont supprimé l'échappatoire. Le ministre des Finances s'est occupé de changer la loi de nouveau. La porte que les conservateurs avaient ouverte a été refermée. Les libéraux ont déclaré: «Cette façon de faire ne sera plus admissible. Nous allons vous donner quelques années, jusqu'en 1999, mais après cela, il n'y aura plus de délai.»

Le Bloc présente à la Chambre une motion critiquant les libéraux pour avoir créé une échappatoire dans les fiducies familiales, mais ce sont les libéraux qui l'ont supprimée, cette échappatoire. C'est l'actuel gouvernement libéral et le ministre des Finances qui ont ramené la situation des fiducies familiales à ce qu'elle était.

(1740)

La deuxième partie de la motion révèle l'inaptitude du Bloc. En effet, ce parti est censé constituer l'opposition officielle à la Chambre des communes. Je ne suis pas censé agir comme un membre de l'opposition officielle. Ce n'est pas le rôle des simples députés libéraux. Pourtant, nous avons dû, à différentes occasions, analyser les faits à la place de l'opposition officielle. Pourquoi?

La motion du Bloc dénonce les libéraux à cause d'une suggestion du Comité des finances. Elle dénonce les libéraux à cause du transfert exempt d'impôt de fonds en fiducie familiale, même si ce sont les libéraux qui ont supprimé toutes les échappatoires. Le Bloc dénonce les libéraux à cause de ce que les conservateurs ont fait et feraient de nouveau s'ils revenaient au pouvoir. D'ailleurs, si le Parti réformiste prenait le pouvoir, la même chose se produirait.

Quant au Bloc lui-même, qu'a-t-il fait? J'ai examiné le bilan de ce parti politique pour voir comment il avait réagi au transfert de centaines de millions, sinon de milliards de dollars chaque année. Le Bloc prétend que les libéraux ont ouvert une porte. C'est la pire des calomnies.

Qu'a dit le Bloc au sujet du transfert de fonds aux États-Unis?

Les libéraux ont réagi au transfert de 2,2 milliards de dollars, qui s'est fait en secret, comme l'a dit le vérificateur général. Revenu Canada a tenu ses décisions secrètes. N'oublions pas que si la décision de 1985 avait été rendue publique, les vérificateurs de l'impôt et les avocats fiscalistes auraient eu la puce à l'oreille et d'un seul coup Revenu Canada et le gouvernement auraient probablement réalisé qu'ils avaient un problème.

Qu'a fait l'actuelle ministre du Revenu? Elle a déclaré que les décisions allaient être rendues publiques. Qu'a fait le ministre des Finances? Il a supprimé l'échappatoire fiscale, tout comme les libéraux l'avaient fait avant que les conservateurs ne la réintroduisent.

Nous avons eu une réponse de la part du ministre des Finances. C'est peut-être le plus grand ministre des Finances de l'histoire de ce pays. La ministre du Revenu fait un travail fantastique. Tous deux ont réagi de façon concrète. Non seulement ça, je crois comprendre que d'autres mesures vont être prises pour veiller à ce qu'une telle chose ne se reproduise pas.

Il y a deux côtés à l'argument. On parle des fonds qui traversent les frontières. C'est aujourd'hui le sujet à la mode. Les frontières s'ouvrent. Les barrières sont éliminées. Les retenues d'impôt disparaissent, du moins entre certains pays du monde industrialisé. Nous sommes à l'ère de la mondialisation. Dans le monde d'aujourd'hui, les multinationales contrôlent plus de la moitié du commerce mondial. Ce que nous sommes en train de faire, c'est éliminer les barrières.

(1745)

Qu'ont dit les députés du Bloc quand les États-Unis ont obtenu ce qu'ils voulaient grâce au Comité sénatorial des banques? Qu'ont dit les bloquistes au sujet de l'annonce sur les retenues d'impôt sur les dividendes, c'est-à-dire leur paiement par les filiales aux compagnies-mères aux États-Unis et par les filiales aux États-Unis aux compagnies-mères au Canada-pas très nombreuses, il faut le dire, cela va plutôt dans l'autre sens.


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Qu'ont-ils dit lorsque le taux d'impôt a été réduit de 50 p. 100, ce qui représente environ 700 millions de dollars? Ils ont dit la même chose que ce qu'ils avaient dit à propos de l'autre proposition du même accord, soit que l'impôt sur les intérêts serait ramené de 15 à 10 p. 100. L'impôt sur les redevances, même les droits d'auteur allaient être divisés pour qu'ils puissent être traités séparément.

Qu'ont-ils dit de cette grosse perte de recettes? Voici ce que les bloquistes ont dit: «On ne précise pas combien de millions ou de milliards de dollars sont en jeu dans ce protocole. Nous ne savons pas quel pays, le Canada ou les États-Unis, profitera le plus de cette proposition de libéralisation fiscale. Nous l'ignorons, mais nous l'appuyons.»

Qu'ont dit les bloquistes quand les Américains ont réclamé, et nous l'avons accordé, un allégement des impôts sur les successions pour les riches Canadiens qui avaient des biens au États-Unis, y compris des actions et des obligations détenues par l'intermédiaire de courtiers canadiens? Qu'ont dit les bloquistes lorsqu'on a suggéré que le Canada accorde un crédit d'impôt aux gens qui avaient pour un milliard de dollars de biens aux États-Unis et qui devaient payer des droits de succession dans ce pays?

Qu'ont-ils dit? Je l'ai juste ici. Ils ont dit: «Nous sommes heureux et fiers de participer à cette initiative et d'appuyer la proposition du Sénat qui va dans le sens de ce que nous avons toujours prêché, à savoir que la seule façon de vivre côte à côte est d'appuyer les mesures législatives qui rendront plus harmonieuses les relations entre les deux pays.»

Je termine. Les députés bloquistes sont frustrés. Par quoi? Par la popularité du gouvernement libéral. Ils sont frustrés parce que notre économie est la plus performante du monde industrialisé.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la Présidente, le député de Gander-Grand Falls, tel qu'on le connaît, a souvent démontré un préjugé favorable envers les plus démunis, envers les électeurs de son comté, de sa province. J'ai pour lui un grand respect. Son engagement pour les choses vitales dans plusieurs dossiers concernant les programmes sociaux, l'assurance-chômage et la dissidence qu'il a exprimée à maintes reprises lui ont valu de demeurer un député d'arrière-ban du Parti libéral.

Je sais que les élections s'en viennent. À un an ou peut-être moins des élections, il essaie, en profitant de la présence de son whip et d'autres qui l'écoutent, de regagner un peu de galon, d'améliorer son image à l'intérieur du parti parce qu'il veut se représenter aux élections, et c'est normal.

Même s'il nous aime bien et qu'il nous le dit souvent, pourquoi ne pas écorcher un peu les députés du Bloc québécois. Ils n'ont pas tout dit ce qu'ils devraient dire concernant les échappatoires encore possibles face à des gens qui possèdent des fortunes.

Au sujet de ce débat sur les fiducies, il nous dit que ce sera réglé en 1999. Mais il y va y avoir d'autres affaires. Qu'est-ce qu'on dit là-dedans? On donne un signal aux familles fortunées pour leur dire qu'elles ont encore trois ans, elles peuvent y aller gaiement, elles ont encore trois ans pour se préparer aux changements qui s'en viennent.

(1750)

Je vais vous dire, comme dans le dossier de l'aéroport Pearson et bien d'autres, les choses incorrectes qu'il dit provenir de l'ancien régime conservateur, qui favorisaient certaines personnes, font partie plus souvent qu'autrement des familles riches. Or, on se rend compte que, dans ces dossiers, les amis du Parti conservateur sont devenus les amis du Parti libéral.

Pourquoi est-ce ainsi? On a juste à prendre le rapport du Directeur général des élections concernant le financement des partis politiques. On se rend compte que les grandes compagnies ont aussi participé au financement du Parti libéral du Canada, dans une proportion égale la plupart du temps. C'est moins le cas du Parti réformiste, il faut le reconnaître, dont 80 p. 100 du financement provient des individus. Au Bloc québécois, notre financement provient uniquement d'individus, tout comme au Parti québécois.

Le député, qui a un préjugé favorable envers les démunis, qui recherche la rectitude politique, serait-il favorable au fait de corriger l'impression d'iniquité de toute cette affaire? C'est tout ce qu'on demande, nous, du Bloc. Je demande honnêtement au député s'il peut nous reprocher d'appuyer le vérificateur général du Canada quand il dit qu'on devrait faire la lumière sur tout ce qui s'est passé et de rendre cela public?

Comment peut-il nous reprocher de vouloir faire la lumière sur quelque chose de nébuleux? Si on ne trouve rien, on ne trouvera rien. Mais au moins, on rassurera la population, on rassurera les 100 000 personnes que le gouvernement du Canada, que le ministre du Développement des ressources humaines poursuit pour des sommes de 100 $ ou 200 $ de fraude à l'assurance-chômage. Ça, il n'en parle pas, le député de Gander-Grand Falls, à un an des élections. L'année passée, il en parlait. Pourquoi ne nous parle-t-il plus de cela cette année? Est-ce qu'il veut maintenant remonter dans la cote du Parti libéral à ce point? À ce moment-là, je vais être obligé de lui retirer mon respect.

[Traduction]

M. Baker: Madame la Présidente, il arrive parfois, très rarement, mais parfois, que les députés bloquistes manifestent leur volonté de demander des comptes au gouvernement et qu'ils s'intéressent à autre chose que la division du pays. Il y a de rares occasions de la sorte.

Voilà pourquoi je désire attirer l'attention du député, de la Chambre, de la présidence et, par son intermédiaire, de toute la population canadienne, sur le fait que cette opposition officielle ne se trouve pas dans une situation qui lui convient aujourd'hui. Les députés de l'opposition parlent de modifications fiscales et blâment les libé-


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raux alors que ce sont les conservateurs qui sont responsables, et qui recommenceraient s'ils étaient à nouveau au pouvoir.

Ensuite, le député est déçu. Il n'aime pas que j'aie tiré du hansard une citation qui témoigne d'une position que je ne pourrais jamais comprendre; cependant je sais très bien pourquoi ils ont adopté cette position. Je sais comment l'opposition officielle a pu approuver et appuyer de telles modifications fiscales massives, et en redemander comme si c'était du bon pain, alors qu'elle aurait dû s'opposer à de telles mesures.

Ce qu'ils reprochent aujourd'hui aux libéraux, c'est-à-dire l'exode des capitaux vers les États-Unis, ils l'ont appuyé et en ont demandé davantage. Pourquoi? Parce que, comme ils l'ont expliqué durant les débats que j'ai cités, ils se préparaient à la séparation. Par conséquent, ils souhaitaient trouver divers moyens de transférer des capitaux vers les États-Unis car ils voulaient faire affaire directement avec les États-Unis. Voilà quelle était leur logique. Selon cette logique, ils n'accomplissent pas leur devoir à titre d'opposition officielle.

Ce qui dérange maintenant les députés bloquistes c'est que le gouvernement a été tellement efficace que le Canada se trouve au premier rang des pays industrialisés sur le plan de la croissance économique; le député déplore les contributions versées au Parti libéral. Selon les chiffres officiels, le Canada devance l'Italie, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Japon et les États-Unis, et est loin devant pour ce qui est de la croissance économique de l'année prochaine. À ce rythme, on peut s'attendre à ce que les contributions augmentent.

(1755)

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Madame la Présidente, j'ai entendu un discours des plus éloquents de la part de notre collègue de Gander-Grand Falls.

[Français]

M. Dubé: Donnez-lui une bonne note!

[Traduction]

M. Boudria: Il est difficile de donner autre chose qu'une bonne note à un discours aussi éloquent et je remercie mon collègue d'en face de soulever ce point.

Mon collègue a parlé de la croissance au Canada ces dernières années et de la croissance anticipée pour l'année prochaine. Je me demande s'il est au courant du fait que la croissance prévue pour l'an prochain, en ce qui concerne l'emploi, est telle qu'elle devrait dépasser celle de l'ensemble des pays européens du G-7. Sait-il cela? N'est-ce pas une preuve du leadership du ministre des Finances?

Il y a une excellente proposition que je voudrais lui soumettre. L'année prochaine, le Canada aura le ratio du déficit au PIB le plus faible de tous les pays du G-7.

En ce qui concerne les besoins nets d'argent, l'an prochain, il n'y en aura pas. Nous n'emprunterons pas du tout d'argent à l'étranger. Nous sommes dans cette position grâce à l'excellent leadership du premier ministre et du ministre des Finances.

M. Baker: Madame la Présidente, je voudrais ajouter une chose à la dissertation qu'on vient de nous présenter.

Comme le député le sait, ces estimations ne viennent pas de l'Institut Fraser ou de l'Association canadienne des comptables ou de n'importe quelle organisation canadienne. Tous ces chiffres que le député nous a cités viennent de Paris. Qui les a préparés? Des économistes représentant 27 nations du monde, l'OCDE. Des membres de ces 27 nations du monde industrialisé dont le travail est de s'asseoir et d'évaluer la croissance économique dans le monde et, surprise, c'est le Canada qui est en avant de tout le monde.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre part à ce débat. J'attendais avec impatience ce moment mais je ne pensais pas que ça viendrait si vite. Je désire partager mon temps de parole avec le député de Gatineau-La Lièvre.

[Français]

On vient d'entendre aujourd'hui que le Bloc québécois veut dénoncer le gouvernement, et pour toutes sortes de raisons qu'il énonce. En même temps, dans les discours des députés du Bloc et aussi ceux du Parti réformiste, les députés de l'opposition ont fait des pieds et des mains en vain pour démontrer, selon eux, que le gouvernement n'avait pas agi de la bonne façon en ce qui a trait aux fiducies familiales.

Il n'y a rien de plus faux. Premièrement, le député de Gander-Grand Falls a très bien expliqué l'évolution du dossier tantôt dans son excellent discours. Qui plus est, il faut se souvenir que le dossier en question n'est pas un dossier de fiducie familiale, c'est un dossier d'exportation de biens lorsqu'il y a une immigration du Canada, un Canadien qui décide d'aménager à l'étranger. C'est là que se présente le problème.

(1800)

Le problème se présente de la même façon, bien sûr avec des montants différents, que ce soit un Canadien qui décide tout à coup de déménager de Montréal à Boston, un Canadien soi-disant ordinaire, ou que ce soit une personne riche qui quitte un grand centre canadien avec tous ses biens, ses millions, ainsi de suite.

Ce qu'il est également important de se rappeler, c'est que la controverse qui, semble-t-il, bouleverse le député d'en face, ancien organisateur du Parti conservateur si je ne m'abuse. . .

M. Dubé: Moi? Jamais de la vie.

M. Boudria: Ce qui bouleverse les gens d'en face a été fait en 1991, quand M. Mulroney était premier ministre du Canada. Comme l'a indiqué le député de Gander-Grand Falls, le ministre


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canadien des Finances a fait en sorte, pour empêcher ce genre de fuite à l'avenir, de prendre toutes les mesures qui s'imposent.

Dans un deuxième temps, on a entendu parler du moratoire qu'a annoncé le ministre du Revenu. Troisièmement, on a aussi dit que ce genre de décision serait rendue publique à l'avenir.

[Traduction]

Voilà pourquoi le gouvernement s'est montré prudent, malgré ce qu'ont essayé de faire croire les députés d'en face.

Le fait est que le vérificateur général n'a pas dit que l'actuel gouvernement du Canada avait fait quelque chose de mal. Il n'a fait aucune allusion en ce sens. Les députés d'en face ne l'ont pas fait non plus. Néanmoins, j'ai le sentiment que certains d'entre eux pensent qu'à force de lancer de la boue au gouvernement, celui-ci s'en trouverait quelque peu sali, et c'était l'objectif à atteindre.

Peut-être qu'il y a un peu de vrai mais, à mon avis, avoir recours à pareille stratégie ce serait ne pas avoir les Canadiens en très haute estime. Mais comme de façon générale ce n'est pas vrai, les Canadiens se rendront compte de quoi les députés d'en face sont capables.

Il y a une autre proposition intéressante à considérer quand il s'agit de sommes d'argent qui quittent le Canada pour d'autres cieux. On se rappellera tous que, lors du référendum de l'année passée, le gouvernement séparatiste du Québec a tenté de spéculer sur sa propre défaite avec l'argent des contribuables de la province. En effet, il a alors acheté d'énormes quantités de dollars canadiens et les a revendus par la suite avec profit, ce qui revenait en quelque sorte à parier sur sa propre défaite.

Voilà une conduite assez étrange de la part d'un gouvernement séparatiste. C'est comme s'il avait dit: «Nous allons sûrement être défaits, participons donc à cet exercice et ramassons les profits qui découleront du fait que l'argent traversera la frontière entre le Canada et les États-Unis dans les deux sens et à très brève échéance.» Voilà l'exercice auquel ce gouvernement a participé. On n'en a pas beaucoup parlé à l'époque, étant donné tout ce qui se passait, mais le fait demeure que c'est vrai.

J'ai en main le guide sur la situation économique des provinces de la firme Nesbitt Burns. Il a été préparé par David Rosenberg, l'économiste en chef de la firme, et est daté de septembre 1996. Dans ce document, il décrit les perspectives économiques des diverses provinces. Il ne s'agit pas d'un document publicitaire, mais je recommande fortement la lecture de ce document à tous mes collègues, car il n'est pas publié par le gouvernement, après tout. Il vient d'une organisation dans le secteur financier et vraisemblablement, lorsque les choses ne vont pas comme le secteur financier le voudrait, il ne lui faut pas beaucoup de temps pour rappeler aux Canadiens ce qu'il en pense.

(1805)

Voici ce qu'on peut lire dans l'aperçu général. Je m'arrêterai sur certains des résumés provinciaux un peu plus tard. Dans ce document, on dit ce qui suit, à la page 3 qui porte sur la croissance économique du Canada:

La croissance devrait favoriser davantage une amélioration du bilan financier en 1996 et 1997. Après une augmentation de 1,8 p. 100 cette année, le PIB réel devrait augmenter de 2,9 p. 100 l'année prochaine, ce qui constituera le deuxième gain le plus important au cours de la présente décennie. L'Alberta conservera la première place qu'elle occupe depuis cinq ans en matière de croissance avec 2,5 p. 100 pour cette année et 3,5 p. 100 pour l'année prochaine, alors qu'une forte augmentation de la population devrait permettre à la Colombie-Britannique de talonner l'Alberta en obtenant un taux de croissance de 3,2 p. 100 en 1997.
On décrit ensuite la croissance qui va se produire au Canada et on parle de la position dans laquelle le Canada se trouve. Il est clair à partir de ce document qu'au cours des prochaines années, nous allons connaître une croissance importante. En ce qui concerne ma propre province, l'Ontario, on dit ce qui suit:

La production automobile de l'Ontario et ses exportations vont donner lieu à une autre année record-qui sera probablement dépassée en 1997-alors que la capacité d'assemblage est en train d'être nettement améliorée. Les fabricants de pièces et les entreprises d'assemblage ont déjà investi plus de 13 milliards de dollars dans de nouvelles usines et de nouvelles machines au cours de la première moitié des années 1990 et d'autres investissements sont en vue. La nouvelle usine de 300 millions de dollars de mini-fourgonnettes Honda qu'on est en train de construire à Alliston et qui devrait entrer en opération à l'automne 1998 aura une capacité annuelle de 100 000 véhicules. Toyota dépense 600 millions de dollars pour accroître sa production de Corolla et agrandir son usine de Cambridge. Chrysler regroupe toute sa production nord-américaine de modèles LH à son usine de Bramalea. La société se lance dans un projet de 500 millions de dollars de restructuration de ses opérations, alors qu'elle se prépare à fabriquer les nouveaux modèles 1998 de sedans intermédiaires.
On décrit ensuite les grandes choses qui se passent partout au Canada. Il est question du chômage. Bien entendu, nous sommes au courant des 669 000 nouveaux emplois créés par le gouvernement depuis son arrivée au pouvoir. On mentionne aussi les grands gains réalisés en ce qui concerne la réduction du chômage l'année prochaine.

[Français]

Alors, vous voyez que les affaires de l'État sont bien gérées par ce gouvernement, que le ministre des Finances, la ministre du Revenu et le premier ministre, et tout le Conseil des ministres, font un excellent travail à gérer les biens du pays. Les députés peuvent tenter de faire croire autrement au peuple canadien, mais comme d'habitude, ils se trompent.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la Présidente, je n'aurais pas eu honte d'être organisateur du Parti conservateur si je l'avais été, mais ce n'est pas le cas, et je voudrais rassurer le whip du gouvernement. Je voulais le préciser. D'ailleurs j'ai été candidat du Parti nationaliste en 1984 au Québec.

Ensuite le whip du gouvernement dit que j'ai été trop critique dans mon intervention, que les députés du Bloc ont été trop critiques. Voilà un des membres du quatuor, lorsqu'il formait l'opposition, que la presse qualifiait de plus agressif, de harcelant presque. Il

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courait après les ministres, il essayait même d'interrompre leurs conférences de presse et autres choses du genre.

Maintenant il prend un ton extraordinaire, bas, pas agressif. Là il est le whip en Chambre et il voudrait tenter de ralentir les émotions du député de Lévis, donc il prend ce ton.

(1810)

C'est le même député qui, de ce temps-ci, consacre beaucoup d'énergie à essayer de ramasser des fonds pour aider les pauvres démunis accusés par le Directeur des élections du Québec. On leur a dit: «L'an passé, vous avez fait des dépenses que vous n'auriez pas dû faire dans le cadre du référendum qui s'est tenu au Québec.» Là, il prend ce ton, mais comprenez bien qu'il veut peut-être attirer la sympathie des Québécois, mais on ne peut pas oublier cela.

Ensuite, ne sachant plus quoi dire sur la question, il est probablement fatigué, il a le droit, il se met à lire un rapport qui n'a pas du tout rapport, justement, avec la question d'aujourd'hui concernant la croissance économique. Mais parlons-en, de la croissance économique.

Voyez-vous, j'ai eu le temps de lire un autre rapport dont le député de Terre-Neuve tout à l'heure aurait pu s'inquiéter et qui tend à démontrer qu'au Québec, par exemple, les investissements ne sont pas très élevés. Certains disent que la part des investissements dans le Canada est de l'ordre de seulement 11 ou 12 p. 100. Cela a déjà été de 17 p. 100. On voit dans ce rapport que 59 p. 100 des investissements privés sont faits en Ontario, dans sa province à lui.

Cela devrait inquiéter de façon extraordinaire les gens des autres provinces. C'est-à-dire que tous les efforts de ce gouvernement au plan économique sont inspirés probablement par le nombre de députés libéraux dans cette province. En Ontario, presque tout le monde, tous les députés sont libéraux, alors il fait étalage de cela, mais il ne le dit pas trop fort pour ne pas attirer l'attention des autres provinces. Ce gouvernement, on le sait, a un préjugé plus que favorable envers l'Ontario.

Je suis du comté de Lévis. Quand arrivent des contrats militaires, on demande des soumissions à la MIL Davie versus un autre chantier, mais dernièrement, quand ça a été le temps des chars d'assaut, on n'a pas demandé de soumission, on a accordé cela directement, comme ça. Les gens des autres provinces ont le droit d'entendre cela. C'est sûr.

Le Bloc québécois, n'en déplaise aux gens d'en face, forme l'opposition officielle et, à ce titre, nous dénonçons le problème des fiducies familiales. Nous l'avons fait durant la dernière campagne électorale, nous n'avons pas attendu le rapport du vérificateur général. Nous avons dit qu'il y avait là matière à questionnement.

Tout ce qu'on a demandé depuis le début, à partir du moment où le vérificateur s'est inquiété de la situation des deux milliards qui ont été transférés aux États-Unis, c'est qu'on fasse la lumière là-dessus. Que le whip du gouvernement prenne tous les tons qu'il veut, nous, du Bloc québécois, allons continuer à exiger de la part de ce gouvernement qu'il prenne tous les moyens nécessaires pour clarifier la situation qui a entouré le transfert de deux milliards de dollars et qu'il prenne tous les moyens nécessaires pour ne pas que cela se reproduise. On ne lâchera pas.

M. Boudria: Madame la Présidente, j'ai bien noté les accusations du député d'en face qui est en train de me dénoncer, parce que moi, ainsi que d'autres Canadiens, bien sûr, osons ensemble venir en aide à ceux qui ont contribué à garder notre pays uni l'an dernier. Nous avons été accusés par des députés du Bloc québécois, la semaine dernière. Ces gens, ont-ils dit dans cette Chambre, avaient enfreint les lois du Québec. Le Bloc les a trouvés coupables avant même que le procès n'ait commencé.

Je vois la députée de Saint-Hubert en face, et je pense, elle qui a la maîtrise de la loi, devrait parler à ses collègues et leur enseigner qu'on est généralement innocent, surtout avant le procès. Le juge ne s'est pas prononcé, il n'a même pas entendu la cause, mais on a déclaré ces gens coupables.

Eh bien, je ne suis pas pour m'excuser de faire en sorte qu'on défende les Canadiens et on aura ce concert, le 27 octobre, ici, à Ottawa, et les Canadiens et les Canadiennes peuvent tous se procurer des billets en contactant Ticketmaster au 755-1111.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Comme il est 18 h 13, il est de mon devoir de faire savoir à la Chambre que les délibérations relatives à la motion sont terminées.

La Chambre abordera maintenant l'étude des Affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR LA NÉGOCIATION DES CONDITIONS DE SÉCESSION DE TERRITOIRES

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.) propose que le projet de loi C-230, Loi permettant la tenue d'un référendum national afin d'autoriser le gouvernement à négocier les conditions de sécession du Canada par une province qui a voté en faveur d'une telle sécession, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole pour appuyer ma propre mesure d'initiative parlementaire, le projet de loi C-230, qui s'intitule Loi permettant la tenue d'un référendum national afin d'autoriser le gouvernement à négocier les conditions de sécession du Canada par une province qui a voté en faveur d'une telle sécession.

Lorsque le gouvernement du Québec a décidé de demander aux Québécois de voter sur la séparation de la province, cela a eu beaucoup de graves répercussions dans tout le Canada. L'éventualité d'une telle séparation a entraîné de graves conséquences pour cette province et pour tous les Canadiens, y compris des effets à court terme et à long terme sur l'investissement, allant des prix des logements jusque dans les entreprises et l'industrie, ainsi que sur la valeur de notre dollar, sur le taux d'intérêt à payer pour attirer des investisseurs au Canada et sur le sentiment de confort et de bien-être


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des Canadiens. Même la menace de la séparation du Québec est comme une forme de chantage dont nous sommes victimes.

Cependant, je tiens à préciser dès le départ que j'ai fait élaborer ce projet de loi non pas pour encourager le Québec à quitter le Canada, mais bien pour favoriser la discussion et un accord éventuel sur les règles de base régissant cette sécession, afin d'éviter la répétition de référendums et le chaos qu'ils entraînent. Nous devons éviter les effets négatifs que subira notre pays tout entier si un gouvernement séparatiste au Québec tente encore une fois de duper les gens au sujet de la signification véritable et de toutes les conséquences d'un vote en faveur de la séparation du Québec d'avec le Canada.

Pour avoir discuté maintes fois avec des gens de l'extérieur du Québec, je sais que cette séparation ne sera ni rapide, ni simple, ni facile. Ce qui est peut-être le plus important, cette séparation ne mènera pas à l'amélioration de la santé économique d'un pays étranger appelé Québec, ni à celle du Canada.

Par exemple, l'accord de libre-échange nord-américain a été négocié à l'origine avec un Canada fort. Comment un pays étranger appelé Québec et un Canada affaibli pourraient-ils réussir contre des négociateurs américains dans une toute nouvelle série de négociations en vertu de l'ALENA qui seraient nécessaires si le Québec se séparait?

Pour n'examiner qu'un seul aspect, qu'arriverait-il au quota laitier actuel du Québec si cette province décidait de devenir un pays étranger? Le Québec ne ferait plus partie d'une grande nation qui est aujourd'hui, malgré les barrières commerciales internes qui subsistent, une grande union économique. Si on disait aux Québécois la vérité sur ce que signifie se séparer du Canada, il est très peu probable qu'ils opteraient pour l'indépendance. Cela pourrait quand même se produire, mais le projet de loi C-230 aiderait à prévenir une telle éventualité.

Le gouvernement n'a pratiquement rien fait pour prévenir cette éventualité. Par contre, et pour vous donner un exemple de réaction gouvernementale prudente, hier, Tom Campbell, un membre du Congrès américain et un républicain de la Californie, a invité des universitaires à témoigner devant un sous-comité du Congrès au sujet des conséquences possibles de la séparation du Québec pour les États-Unis.

Les attachés de recherche de M. Campbell ont souligné ce matin que leurs témoins avient confirmé qu'il faudrait renégocier l'ALENA au complet si le Québec se séparait du Canada.

(1820)

D'autres conséquences internationales seraient l'impact sur l'OTAN, l'ONU, la Voie maritime du Saint-Laurent et les Américains qui financent la dette du Canada et du Québec. Il est paradoxal que, contrairement au Congrès des États-Unis, le gouvernement du Canada ait décidé de faire l'autruche, au lieu de préparer les gens, et ait négligé d'introduire une loi sur cette question critique. Même les délibérations sur mon projet de loi d'initiative parlementaire sont limitées à seulement une heure aujourd'hui.

Toutefois, le sujet a été abordé plus sérieusement par de nombreux penseurs d'un bout à l'autre du Canada, depuis que j'ai présenté le projet de loi C-230 le 8 mars dernier.

Cet été, le C.D. Howe Institute a publié un commentaire sur le Plan B et les dix principes régissant la sécession. On y lit d'abord ceci:

Par son mutisme durant les deux référendums tenus au Québec, le gouvernement fédéral a laissé au Parti québécois l'entière liberté de définir sa vision de la sécession. Il est irresponsable de rester silencieux, et cela risque de mener au chaos, si le Québec cherche à déclarer unilatéralement son indépendance.
Je trouve ironique que le premier ministre du Québec ait répété à maintes reprises que, d'après lui, ni les jugements des tribunaux, ni le droit canadien ne devrait s'appliquer à une éventuelle déclaration unilatérale d'indépendance de sa province.

Il a pourtant volontiers fait appel au droit et aux tribunaux pour se défendre dans l'affaire du contrat des chutes Churchill l'opposant à Terre-Neuve et au Labrador. De toute évidence, le premier ministre du Québec a choisi d'obéir à certaines lois, mais pas à d'autres.

Les Canadiens sont généralement respectueux des lois, et il n'existe aucune loi, à l'heure actuelle, qui permette au Québec de se séparer légalement. Comme on le signale, dans le commentaire publié par l'Institut C.D. Howe, le silence de la Constitution en cette matière:

[. . .] suscite de graves préoccupations. Le Canada est une démocratie qui a pour fondement juridique et politique le fait que la population canadienne consent à être gouvernée conformément à la Constitution canadienne et au droit canadien. Si une majorité très forte et bien claire des habitants d'une province donnée s'y opposait, ce n'est pas l'absence de disposition juridique pertinente qui l'empêchera de réaliser la sécession. C'est dire que l'absence de règles régissant la sécession suscitera confusion et controverse quant à la légitimité de tout projet de sécession.
Manifestement, les Québécois ont tout intérêt à faire en sorte qu'un vote en faveur de la sécession soit reconnu comme légitime. Autrement, les conséquences seraient désastreuses. Le meilleur moyen d'éviter malentendus et litiges serait de tenir compte des droits et aspirations légitimes du Québec à l'intérieur du Canada, sans pour autant céder aux tactiques de chantage du genre: «Faites ce qu'on vous dit, sinon on part.»

Au nom des habitants de ma circonscription d'Okanagan-Shuswap, je tiens à souligner que, dans notre esprit, le Québec devrait continuer de faire partie du Canada, une province parmi dix provinces égales, dont les habitants sont tous égaux aux yeux de la loi. Les gens d'Okanagan-Shuswap respectent le fait que le Québec est différent des autres provinces à bien des égards. Ils s'opposent cependant catégoriquement à l'idée d'accorder au Québec quelque pouvoir ou statut dont ne jouiraient pas aussi toutes les autres provinces du Canada.


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Si les Québécois décident quand même de quitter une fédération canadienne renouvelée, nous pâtirons tous de cette décision.

Cela pourrait faire moins mal, si l'on adoptait une mesure comme le projet de loi C-230, grâce auquel une majorité de Canadiens s'entendent d'avance sur les règles fondamentales devant régir la négociation d'une éventuelle séparation. De plus, dans le but d'éviter la séparation du Québec, le Parti réformiste a fait paraître un exposé de position intitulé 20/20, qui présente de nombreuses façons de conférer plus de pouvoir à toutes les provinces simplement par voie d'une décision administrative, sans qu'il soit nécessaire d'ouvrir le moindrement la Constitution.

Si jamais les modifications ne sont pas faites ou ne satisfont pas les Québécois, le Parlement du Canada devra mettre en oeuvre des mesures législatives qui serviront de règles fondamentales sur la façon de réaliser légalement une séparation. Ces documents indiqueront clairement aux électeurs du Québec ce qu'un vote pour la séparation signifie.

Personnellement, je suis d'avis que la loi doit respecter la volonté de la population.

(1825)

Je crois fermement que mes concitoyens accepteraient de chercher un moyen pour que le Québec soit indépendant, si c'est la volonté exprimée clairement par la majorité des Québécois de former un pays étranger, d'abandonner la citoyenneté canadienne et leurs passeports canadiens, de renoncer à la liberté d'entrer, de voyager et de travailler au Canada et d'en sortir, et de perdre le droit d'envoyer à Ottawa certains de leurs éléments les plus brillants et les plus compétents pour les représenter au Parlement du Canada et aux plus hauts postes de la fonction publique du Canada.

Que s'est-il passé jusqu'à maintenant? À cause du manque de prévoyance du gouvernement actuel, il n'y a même pas un sous-comité de la Chambre ou du Sénat qui se penche sur cette question fondamentale.

À cet égard, après avoir examiné diverses expériences à l'échelle internationale, l'Institut C.D. Howe a déclaré en gros qu'une planification préalable en cas de sécession pouvait prévenir les cas de violence et de misère par la suite, si elle permettait d'en arriver à un consensus sur les modalités à respecter.

Pour promouvoir un tel consensus et encourager le débat, j'attire l'attention des députés sur le projet de loi C-230. Au début, le préambule énonce les principes à inscrire dans la loi pour déterminer si un vote pour la séparation correspond à l'expression légitime de la volonté de la population et s'il y a lieu de respecter la volonté des personnes résidant dans les circonscriptions dans lesquelles la séparation n'a pas été approuvée par une majorité des voix.

En termes simples, si le Canada peut être divisé parce que la population le veut, le Québec peut l'être tout autant.

Les experts ont fait valoir que les Cris et autres peuples autochtones ayant des terres au Québec ont des rapports fiduciaires avec le gouvernement du Canada et que ces rapports ne peuvent prendre fin qu'avec leur consentement.

Personnellement, je suis d'avis qu'aucun groupe ne devrait être contraint de quitter le Canada contre sa volonté, qu'il s'agisse des autochtones ou tout simplement de fédéralistes convaincus. La décision de ces groupes de rester au Canada devrait être tout aussi exécutoire pour le gouvernement du Québec qu'un vote légitime des Québécois en faveur de la séparation devrait l'être pour le Canada.

Le projet de loi C-230 précise comment je crois qu'on peut s'assurer qu'un vote sur la séparation soit légitime. J'ai évidemment un gros problème en ce sens que, compte tenu de mes principes, je ne peux dire aux séparatistes québécois quoi faire. Toutefois, le Parlement non seulement peut mais doit dire au gouvernement du Canada ce qu'il doit faire.

Si le projet de loi C-230 est adopté, cela signifiera que, sauf si certaines conditions sont respectées, le gouvernement du Canada ne pourra négocier la séparation. Cela signifiera que le gouvernement du Canada devra tenir un référendum national exécutoire dans un délai d'une année, si les parlementaires élus sont d'avis qu'un vote valide s'est tenu dans la province qui veut se séparer. Il convient de noter que j'inclus un Sénat élu, mais non un Sénat dont les membres sont nommés par le gouvernement, puisqu'une telle institution est le reflet d'un favoritisme politique et non de la volonté des Canadiens.

Le projet de loi C-230 prévoit qu'un référendum national doit être tenu, mais seulement si le Parlement statue que toutes les conditions mentionnées aux pages 3 et 4 de cette mesure législative ont été réalisées.

Ces conditions incluent l'impression sur le bulletin de vote, ainsi que la publication à l'avance, d'un avis mentionnant clairement qu'un vote en faveur de la séparation constitue un vote en faveur des effets suivants: la province deviendra un État distinct du Canada; elle cessera de faire partie du Canada; elle cessera d'être représentée au Sénat et à la Chambre des communes; ses résidents cesseront d'être des citoyens canadiens; ils cesseront d'avoir droit au passeport canadien; et ils perdront le droit de libre circulation au Canada, le droit d'y entrer librement et le droit d'y occuper un emploi sans restrictions.

Les électeurs provinciaux doivent aussi être avisés que le gouvernement du Canada ne peut négocier les conditions de séparation d'une circonscription dont la majorité de 50 p. 100 plus un des votants ont voté contre la séparation de la circonscription du Canada. En outre, aucune circonscription ne doit avoir été modifiée de façon à diminuer de façon importante la proportion d'électeurs qui sont autochtones ou d'une origine ethnique autre que canadienne-française.

La Chambre et un Sénat élu devraient donner leur accord par un vote libre, c'est-à-dire un vote à l'occasion duquel les whips des partis laissent les membres de leur caucus libres de voter selon leur conscience.


4780

J'ai inclus dans le projet de loi C-230 de nombreuses dispositions visant à garantir que cette question soit tranchée avec le maximum de respect pour les voeux de la population. On manifestera le plus grand respect pour les voeux des Canadiens en soumettant toute cette question à leur jugement final au moyen d'un référendum national exécutoire.

Après tout, c'est leur pays que l'on découpe. Ils éprouvent à cet égard des sentiments aussi vifs que ceux qu'éprouvent certains Québécois à propos de la partition de leur province.

(1830)

Aux termes du projet de loi C-230, la question à soumettre à la population au plus tard un an après qu'un référendum provincial aura légitimement tranché en faveur de la séparation devrait se libeller comme suit: «Consentez-vous à ce que le gouvernement du Canada soit autorisé à négocier les conditions de séparation du Canada de la province de. . .?» Le nom de la province en question figurerait à cet endroit.

Encore une fois, les bulletins de vote distribués à l'échelle nationale devraient répéter que les circonscriptions électorales où la majorité n'aurait pas voté en faveur de la séparation seront exclues des négociations de séparation. Cela contribuerait à garder la séparation dans les limites du politique et favoriserait une solution pacifique au lieu des conflits ou des mouvements de désobéissance civile qui s'ensuivraient probablement si, par exemple, le Québec essayait de forcer des secteurs principalement anglophones à l'intérieur et autour de l'île de Montréal, de même que les autochtones vivant surtout dans le nord du Québec, dans la région appelée Ungava, à quitter le Canada contre leur gré.

Beaucoup de gens ont soutenu que l'Ungava avait uniquement été donné à administrer par la province de Québec au nom du Canada et que cette région ne faisait certainement pas partie de la province au moment où le Québec est entré dans la Confédération. C'est pourquoi ils disent que cette région ne devrait pas être incluse dans un pays étranger appelé Québec. Je préfère que la question soit tranchée par un vote plutôt que par de savants raisonnements.

Enfin, le projet de loi C-230 permettrait aux représentants élus des Canadiens d'inclure des questions additionnelles dans ce référendum national exécutoire, par exemple sur la manière de répartir la dette nationale.

Au dernier référendum, nous sommes venus bien près de perdre notre pays. J'ai dû, à la Chambre, écouter bien des fois le gouvernement, qui jouait à l'autruche et prétendait que tout allait pour le mieux, reprocher aux réformistes de ne rien faire pour arranger la situation. Il savait très bien qu'il nous avait implorés de ne pas nous mêler de la question parce qu'il avait la situation bien en main, au Québec, et que nous ne ferions que gêner.

Malheureusement, je dois avouer que, comme bien d'autres de mes collègues, je me suis laissé prendre au piège tendu par les libéraux. Nous les avons crus. Voyez ce qui s'est passé. Ils utilisent cela contre les réformistes chaque fois qu'ils en ont envie. Ils oublient, bien commodément, qu'ils nous ont suppliés de les laisser faire, parce qu'ils allaient dominer la situation. Quelle honte.

Je répète pour conclure que le gouvernement fédéral devrait prendre des mesures raisonnables pour satisfaire les aspirations légitimes des Québécois à l'intérieur du Canada. Par contre, si le Québec décide tout de même de quitter le Canada, il est essentiel d'adopter une mesure comme le projet de loi C-230 pour que la séparation se fasse de la manière la plus ordonnée possible.

Je demande maintenant le consentement unanime de la Chambre pour que le projet de loi C-230 puisse faire l'objet d'un vote.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La Chambre consent-elle à ce que le projet de loi C-230 fasse l'objet d'un vote?

Des voix: Non.

M. Paul DeVillers (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Madame la Présidente, le projet de loi C-230, présenté par le député d'Okanagan-Shuswap, vise à donner aux Canadiens l'impression que le Parti réformiste a un plan sérieux et bien pesé pour préserver l'unité nationale.

Alors que notre gouvernement poursuit une stratégie positive de renouvellement de la fédération et donne à tous les Canadiens des raisons d'espérer en l'avenir, le tiers parti conseille aux Canadiens de jeter la serviette et de se lancer dans des négociations au lendemain d'un référendum qui n'a pas encore eu lieu et qui n'aura peut-être jamais lieu.

Cela prouve encore une fois que le Parti réformiste n'a pas de véritable stratégie en matière d'unité nationale. Bref, il n'a aucun idéal d'unité nationale ni aucun idéal national. Le tiers parti a ramassé toute une série d'idées de troisième catégorie et appelle cela un plan.

Dans un certain sens, je crois comprendre pourquoi ce projet de loi est présenté aujourd'hui. À l'instar de nombreux Canadiens, mon collègue a été bouleversé par le dernier référendum. Il s'efforce de répondre aux préoccupations des Canadiens, mais il s'y prend mal.

(1835)

[Français]

L'approche de notre gouvernement est d'abord et avant tout de s'occuper des questions concrètes qui préoccupent tous les Canadiens: la croissance de l'économie, la création d'emplois, l'efficacité maximale des gouvernements ainsi que la protection de nos programmes sociaux et de notre environnement. Mais le gouvernement fédéral s'est aussi engagé à apporter des éléments de certitude et à clarifier les questions légales concernant la sécession possible du Québec.

Nous sommes intervenus plus tôt cette année dans une cause présentée devant la Cour supérieure du Québec par Me Guy Bertrand. Nous avons été forcés de le faire en partie en raison de la position du gouvernement du Québec dans la cause Bertrand. Ce gouvernement prétend que les questions relatives à la sécession du Québec ne relève pas des tribunaux, que cette question n'a rien à


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voir avec les lois ou la constitution canadienne et que le Québec peut déterminer lui-même, unilatéralement, le processus de sécession sans tenir compte de la Constitution ou des tribunaux canadiens.

Vu la position prise par le gouvernement du Québec et le jugement rendu par le juge Pidgeon, notre gouvernement a annoncé qu'il renverrait en Cour suprême les questions fondamentales suscitées par le jugement Pidgeon.

[Traduction]

C'est ainsi que le gouvernement fédéral soumet à la Cour suprême des questions de droit et de fait qu'il croit important que la cour examine. Nous avons pris cette décision parce que le gouvernement fédéral doit à tous les Canadiens d'assurer une certaine stabilité sociale, économique et juridique. Cette obligation exige que le gouvernement fédéral clarifie de façon certaine au plan légal les questions qui entourent une éventuelle sécession du Québec.

C'est maintenant le moment, en cette période d'accalmie relative où aucun référendum n'est prévu dans un avenir immédiat, d'obtenir une clarification judiciaire de ces questions.

[Français]

En procédant à un renvoi, nous demandons à la Cour suprême d'établir un cadre juridique et une compréhension commune qui nous permettront de répondre à certaines questions fondamentales entourant la sécession du Québec.

Notre décision de procéder de cette façon à l'heure actuelle ne remet nullement en question le droit des Québécois de s'exprimer sur leur avenir par voie d'un référendum consultatif. Nous sommes déconcertés par la position du gouvernement du Québec selon laquelle ils se situent au-dessus de la loi et hors de la portée des tribunaux canadiens.

[Traduction]

Ce que l'on attend surtout du renvoi de la question à la Cour suprême, c'est que nous ayons enfin une certitude quant aux questions fondamentales de droit que soulève le projet sécessionniste du gouvernement québécois. Néanmoins, le gouvernement fédéral n'en est pas moins déterminé à renouveler la fédération au moyen d'un large éventail d'initiatives constructives et bien réfléchies.

Dans le Discours du trône, en février, notre gouvernement a manifesté son intention de se retirer de secteurs comme la formation de la main-d'oeuvre, l'exploitation forestière et minière, le logement social et les loisirs. Des progrès ont été accomplis au cours des discussions constructives et de la conférence des premiers ministres qui ont eu lieu en juin. Les choses vont bon train et notre plan se déroule comme prévu.

À la conférence des premiers ministres, il a été convenu que notre gouvernement continuerait de collaborer avec les provinces, dans les prochains mois, en donnant suite au travail du conseil des ministres sur la réforme et le renouveau de la politique sociale afin de mettre en place un nouveau partenariat pour le maintien et la modernisation de l'union sociale.

Dans les semaines qui ont suivi la conférence des premiers ministres, les gouvernements fédéral et britanno-colombien ont convenu d'entreprendre une analyse bilatérale approfondie de leurs responsabilités et rôle respectifs dans la gestion de la pêche du saumon du Pacifique.

Tel est le genre de mesures qui encouragent à la bonne volonté, des mesures mises en place grâce à des partenariats fondés sur un respect mutuel et le désir d'entamer le XXIe siècle dans une fédération unie et renouvelée.

[Français]

Ces mesures ne sont peut-être pas assez flamboyantes pour mon collègue d'en face, mais elles prouvent que la fédération canadienne est flexible et que l'appartenance au Canada profite à tous ses partenaires.

(1840)

Nous démontrons que le Canada fonctionne, que la séparation n'est pas une solution. Nous prouvons qu'une autre option est possible, celle du renouvellement de la fédération, et qu'il s'agit de la meilleure option. Les sondages démontrent d'ailleurs que la plupart des Québécois favorisent cette option. J'invite donc le tiers parti à appuyer lui aussi cette option.

Voilà une attitude positive. C'est cette attitude qui permettra au Canada de franchir le cap du XXIe siècle tout en demeurant uni. Cette attitude est celle du gouvernement libéral; nous ne sombrons pas dans le négativisme et nous n'avons pas peur de prendre des mesures constructives et positives.

Nous voulons unir les Canadiens et non pas les diviser. Nous nous sommes résolument engagés dans un processus de réconciliation nationale.

[Traduction]

Nous prenons des initiatives qui favoriseront la collaboration entre les gouvernements et renforceront l'union économique et le tissu social de notre pays. Nous adoptons une approche progressive pour apporter de véritables changements pratiques. Nous montrons ainsi toute la souplesse de la fédération et détruisons les mythes qui encouragent le séparatisme. Voilà comment nous parviendrons à la réconciliation nationale.

[Français]

Même le premier ministre du Québec, M. Bouchard, a pris conscience qu'il doit mettre ses ambitions séparatistes de côté et s'occuper plutôt des priorités des Québécois: l'économie, la création d'emplois et l'amélioration des finances publiques.

Un sondage Gallup rendu public au cours du mois démontre que pas moins de 45 p. 100 des Québécois qui ont un emploi craignent de le perdre. Voilà le genre de questions qui doivent être examinées et qui sont en train d'être examinées par notre gouvernement et notre parti.

Les Québécois veulent que leur gouvernement participe aux discussions avec le gouvernement fédéral et les autres provinces afin de veiller aux intérêts du Québec.


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Ils veulent du changement, bien sûr, mais du changement dans le cadre du Canada. C'est le message qu'ils ont transmis lors du référendum d'octobre dernier, et c'est le message auquel notre gouvernement et notre parti sont en train de répondre.

[Traduction]

Le projet de loi que propose le député d'Okanagan-Shuswap ne tient pas compte de ce message et ne correspond pas aux désirs des Québécois et des autres Canadiens, qui veulent que les dirigeants politiques unissent leurs efforts pour renouveler la fédération, promouvoir l'essor économique et créer un climat propice à la création d'emplois.

On est loin de l'approche modérée qu'adopte notre gouvernement pour éclaircir ces questions et préparer la tenue d'un dialogue constructif bien avant la tenue du prochain référendum. Le chef du troisième parti peut bien penser qu'il connaît tout des questions en matière d'unité nationale, mais ce projet de loi prouve qu'il lui reste beaucoup à apprendre.

Pour toutes ces raisons, il m'est impossible d'appuyer le projet de loi C-230.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Madame la Présidente, le projet de loi C-230 du député d'Okanagan-Shuswap intitulé Loi permettant la tenue d'un référendum national afin d'autoriser le gouvernement à négocier les conditions de sécession du Canada par une province qui a voté en faveur d'une telle sécession propose des règles qui viendront circonscrire la tenue d'un référendum portant sur la séparation d'une province du reste du Canada.

Malgré son libellé neutre, il m'apparaît évident que le projet de loi est avant tout destiné à imposer à la province de Québec des règles de conduite pour la tenue du prochain référendum sur la souveraineté du Québec.

Ce que propose le député d'Okanagan-Shuswap s'apparente étrangement à la Loi sur la sécession, adoptée en 1990 par le Soviet suprême de l'ex-URSS. À cet égard, je me propose de lui rappeler les faits entourant l'adoption de cette loi. Contrairement à la Constitution du Canada, la Constitution de l'Union des républiques socialistes soviétiques comportait une clause qui accordait aux républiques le droit de se séparer librement de l'URSS sans autre formalités et conditions.

(1845)

Au tournant des années 1990, avec la débandade du régime du président Gorbatchev et la chute du mur de Berlin, des partis souverainistes sont arrivés au pouvoir dans certaines républiques. Devant cette situation, le président Gorbatchev s'est empressé de faire adopter par le Soviet suprême une loi sur la sécession.

Adoptée en avril 1990, cette loi définissait les conditions d'exercice du droit à la sécession. Cette loi tentait en fait de rendre impraticable ce droit, et ce par les mêmes moyens que propose le projet de loi C-230. D'une part, la loi soviétique définissait la procédure référendaire que devaient utiliser les républiques, du droit d'initiative jusqu'au mode de scrutin, en passant par le nombre de suffrages requis pour que la décision soit reconnue.

Or, le projet de loi du député d'Okanagan-Shuswap accorde un droit de regard à la Chambre des communes et au Sénat sur l'admissibilité de la question et sa formulation advenant la victoire d'un oui.

Donc, dans l'éventualité de cette victoire du oui, le Sénat et la Chambre des communes décideront si la question posée est une question simple ou directe; deuxièmement, si une majorité de votants, c'est-à-dire 50 p. 100 plus un, ont répondu oui à la question; troisièmement, si le référendum a été organisé conformément aux lois de la province où il est tenu, et que ces résultats ont été inscrits en fonction des circonscriptions électorales de cette province; quatrièmement, si le référendum a fait l'objet d'avis publiés dans la Gazette du Canada et dans au moins un journal à grande diffusion dans chacune des circonscriptions de cette province, toujours évidemment sous-entendu le Québec; cinquièmement, si on a inscrit clairement sur les bulletins de vote les effets d'un vote favorable à la séparation en indiquant, et là j'énumère: que la province deviendra un État distinct du Canada; que la province cessera de faire partie du Canada; que la province cessera d'être représentée au Sénat et à la Chambre des communes; que les résidants de la province cesseront d'être citoyens canadiens; que les résidants de la province cesseront d'avoir droit au passeport canadien; et finalement que les résidants de la province perdront le droit de libre circulation au Canada, le droit d'y entrer librement et le droit d'y occuper un emploi sans restriction.

En accordant à la Chambre des communes et au Sénat le pouvoir de réviser la tenue d'un référendum, le projet de loi du député d'Okanagan-Shuswap leur accorde ni plus ni moins un droit de veto sur la province qui désire l'accession à la souveraineté. En effet, le projet de loi indique que les conditions que je viens tout juste d'énumérer ne pourront être réalisées que lorsque la Chambre des communes et le Sénat auront statué favorablement.

Dans le contexte actuel, il serait pour le moins étonnant que les membres de la Chambre des communes et de l'autre Chambre puissent statuer de façon objective. Par ailleurs, le projet de loi accorde à la Chambre des communes et au Sénat le pouvoir de déférer à la Cour suprême toute question relative à la tenue du référendum sur la séparation.

Par le fait même, ce projet de loi permet à ce que la démarche d'une province qui désire accéder à l'indépendance soit définie par les tribunaux. Est-ce que la volonté d'un peuple de choisir sa propre destinée doit être reléguée à des questions de nature juridique?

Le renvoi à la Cour suprême doit faire plaisir au ministre de la Justice puisque celui-ci a confirmé aujourd'hui son intention, justement, de solliciter l'avis de la Cour suprême en lui soumettant, par l'entremise d'un renvoi constitutionnel, la question de la légalité de la souveraineté du Québec. Or, tout stratagème juridique destiné à nier la volonté d'un peuple doit céder le pas devant la liberté de ce peuple de choisir démocratiquement son avenir politique.

(1850)

Toujours est-il, dès que le Sénat et la Chambre des communes auront déclaré la validité du référendum sur la souveraineté, le


4783

gouverneur en conseil ordonne la tenue, dans un délai d'un an, d'un référendum pancanadien qui lierait le gouvernement du Canada.

Lors de ce référendum pancanadien, la question consisterait à savoir si la population du Canada autoriserait ou non le gouvernement fédéral à négocier les conditions de séparation de la province qui désire l'accession à la souveraineté. La loi dont je parlais un peu plus tôt, c'est-à-dire la Loi sur la sécession adoptée par le Soviet suprême de l'ex-URSS prévoyait le même mécanisme de consultation.

Cette loi prévoyait, advenant un vote favorable à la souveraineté d'une république, de soumettre les résultats à toutes les autres républiques de l'Union. De façon similaire au projet de loi C-230, la Loi soviétique sur la sécession prévoyait également le droit de partition à certains groupes à l'intérieur de la République. On accordait littéralement à ces groupes le droit de faire sécession à l'intérieur de la sécession d'autrui.

Or, le droit à l'autodétermination est un attribut des peuples et des nations. Le Québec étant une nation au sein de la fédération canadienne, il en résulte que, dans l'hypothèse de l'accession du Québec à la souveraineté, ses frontières seraient garanties contre toute remise en cause de la part du Canada. Le corollaire de ce droit à l'indépendance étant le respect du territoire auquel ce peuple ou cette nation est associé.

Dire qu'une circonscription électorale au sein de la province pourrait bénéficier de ce droit est un non-sens, au même titre que les populations francophones hors Québec ne pourraient exiger leur rattachement au Québec.

Finalement, nous savons tous ce qui est arrivé au plan du président Gorbatchev. Les républiques indépendantistes l'ont tout simplement ignoré. Soyons tout de même honnête, le Canada ne se compare pas à l'ex-URSS de 1990. Toutefois, le simple fait que le projet de loi C-230 s'inspire étrangement d'un modèle aussi autoritaire porte à réfléchir, même s'il s'agit d'une tendance qui ne surprendra personne.

Le Bloc québécois a toujours défendu le principe selon lequel les provinces et leurs législatures respectives sont souveraines sur leur territoire. Étant les représentants élus de la population, les gouvernements provinciaux ont l'autorité de mener à terme leur souveraineté dans la mesure où ils obtiennent un mandat démocratique de leur population.

Comme je le précisais un peu plus tôt, ce projet de loi est avant tout destiné au Québec. Dans l'éventualité d'un prochain référendum au Québec, le projet de loi vise non seulement à soumettre le gouvernement provincial à l'autorité du gouvernement fédéral, mais également à bloquer l'exercice du droit du Québec à la souveraineté. Le Bloc québécois s'est toujours opposé à toute tentative de la part du gouvernement fédéral de restreindre la marge de manoeuvre du gouvernement du Québec en lui dictant les conditions d'accession à la souveraineté.

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Madame la Présidente, le projet de loi C-230, présenté aujourd'hui par mon honorable collègue d'Okanagan-Shuswap, propose la tenue d'un référendum national afin d'autoriser le gouvernement à négocier les conditions d'une sécession du Canada par une province qui aurait voté en faveur d'une telle sécession.

C'est la seconde fois en l'espace de quelques mois que le Parti réformiste nous propose un débat sur une variante du même thème. Il est clair que le troisième parti favorise la confrontation à la réconciliation nationale en présentant ce projet de loi.

[Traduction]

Alors que le gouvernement s'efforce d'améliorer la fédération de manière à ce qu'elle réponde mieux aux véritables préoccupations des Canadiens, le Parti réformiste semble ne s'intéresser qu'au scénario d'une hypothétique sécession. Cela étant dit, l'approche pratique et constructive que le gouvernement fédéral privilégie pour renouveler la fédération ne l'empêche pas de comprendre et de partager certaines des préoccupations exprimées aujourd'hui par le député d'Okanagan-Shuswap.

Je n'ai probablement pas besoin de rappeler au député que le gouvernement fédéral s'est engagé à clarifier les questions juridiques liées à une éventuelle sécession du Québec.

(1855)

[Français]

Je rappellerai tout de même pourquoi notre gouvernement est intervenu dans la cause Bertrand. Nous sommes intervenus pour défendre la règle de droit, pour exprimer notre profond désaccord avec la position du procureur général du Québec qui soutenait que les tribunaux canadiens n'ont aucun rôle à jouer quant aux questions touchant la sécession, que ces questions n'ont rien à voir avec les lois canadiennes ou même avec notre Constitution.

C'est à la lumière de la position du gouvernement du Québec et du jugement rendu par le juge Pidgeon dans la cause de Me Guy Bertrand que notre gouvernement a annoncé qu'il demandait à la Cour suprême du Canada de lui fournir un avis consultatif sur les questions fondamentales relatives à la sécession qui ont découlées du jugement Pidgeon.

Il est rassurant pour tous les Canadiens de constater que la Cour supérieure a rejeté les principaux arguments du gouvernement du Québec qui voulait que le processus sécessionniste ne remette pas en cause la Constitution canadienne. Ce jugement fait plutôt ressortir, premièrement, que la cause est importante et qu'elle ne peut être rejetée sans audition; deuxièmement, que les aspects juridiques d'un projet de sécession sont complexes et importants et qu'ils méritent donc d'être entendus sur le fond; et, troisièmement, que les tribunaux jouent un rôle fondamental dans la protection de la primauté du droit.

Qu'il soit clair que la décision du gouvernement de procéder à un renvoi à la Cour suprême du Canada ne remet nullement en question le droit des Québécois de s'exprimer quant à leur avenir par voie d'un référendum consultatif. Ce que nous voulons, c'est établir un cadre qui s'appuie sur des certitudes juridiques qui nous permettront de répondre à certaines questions fondamentales touchant une éventuelle sécession.


4784

Contrairement à ce que préconise le gouvernement du Québec, il s'agit d'une démarche responsable de la part de notre gouvernement qui doit assurer aux Canadiens une stabilité sociale, économique et juridique. Tant qu'il sera question d'un autre référendum au Québec, notre gouvernement s'acquittera de sa responsabilité qui est de s'assurer que l'on joue cartes sur table.

[Traduction]

D'une part, nous assumons donc pleinement nos responsabilités et, de l'autre, nous poursuivons notre priorité, celle de renouveler progressivement la fédération, comme le souhaitent les Canadiens. Au lieu de participer au débat d'une manière constructive et d'aider les Canadiens à se rapprocher, le Parti réformiste a tendance à exploiter les divergences à des fins partisanes.

Les questions qui préoccupent les Canadiens sont la prospérité économique, la situation de l'emploi, les programmes sociaux et l'unité de notre pays. Ces questions correspondent aussi aux priorités que le gouvernement s'est fixées.

Les Canadiens veulent que les députés conjuguent leurs efforts pour apporter des modifications qui permettront un fonctionnement plus efficace de la fédération. Ils veulent des changements progressifs, qui produiront des résultats directs, positifs. Le gouvernement met de l'avant des mesures qui amélioreront la fédération, qui ont été annoncées dans le discours du Trône de février et dans le dernier budget et qui ont été discutées lors de la dernière conférence des premiers ministres, en juin. À cet égard, permettez-moi de résumer, à l'intention du député, les changements qui ont été annoncés ou mis en oeuvre.

[Français]

Le gouvernement fédéral poursuit ses efforts avec les provinces et les territoires vers une révision des rôles et responsabilités des différents ordres de gouvernement. Il a donc entrepris de se retirer des champs d'activité qui relèvent davantage de la responsabilité des provinces, des municipalités et d'autres intervenants comme la formation professionnelle, certains secteurs des transports, l'exploitation des mines et des forêts, les loisirs et le logement social.

À cet effet, la proposition faite en mai dernier par notre collègue, le ministre du Développement des ressources humaines, constitue un exemple concret de la réalisation d'un engagement d'importance pour notre gouvernement et pour la plupart des provinces qui demandaient, depuis longtemps, d'assumer une plus grande responsabilité dans ce dossier.

Voilà un exemple pratique qui permettra d'adapter les programmes aux besoins particuliers régionaux, ce qui marque une étape importante vers un fédéralisme plus souple.

[Traduction]

En ce qui concerne les programmes sociaux, le gouvernement est déterminé à veiller à ce que tous les Canadiens continuent de pouvoir compter sur un filet de sécurité sociale solide et durable. Nous travaillons de concert avec les provinces pour garantir que les programmes sociaux du Canada continuent d'exprimer, par le truchement d'objectifs nationaux, des valeurs et des principes chers à nos concitoyens.

À l'occasion de la réunion des premiers ministres tenue en juin, on a proposé, dans le même esprit de coopération et de dialogue, de mettre sur pied un comité fédéral-provincial-territorial chargé des normes nationales et des orientations sociales, proposition qui a été avalisée par les premiers ministres en août, à Jasper, en Alberta. L'Alberta a récemment nommé le coprésident de ce comité. Le ministre du Développement des ressources humaines et le ministre de la Santé pourront donc poursuivre la discussion sur cette question, qui revêt une grande importance pour tous les citoyens.

(1900)

[Français]

Sur le plan économique, le gouvernement continuera de travailler de concert avec les provinces afin de réduire les entraves au commerce intérieur et à la mobilité de la main-d'oeuvre.

C'est aussi pour mieux servir les intérêts des citoyens que le gouvernement fédéral propose de créer, en collaboration avec les provinces intéressées, de nouveaux mécanismes qui réduiront les chevauchements et les dédoublements dans les secteurs des valeurs mobilières, de la perception des recettes et de l'inspection des aliments.

[Traduction]

Dans le domaine de l'environnement, les gouvernements fédéral et provinciaux se sont mis d'accord sur le maintien de la collaboration dans le développement d'objectifs et de principes de gestion efficaces. Dans le secteur du tourisme, les provinces et les territoires ont fait bon accueil à la coopération du secteur privé relativement à des activités de la Commission canadienne du tourisme.

Ce sont là des exemples concrets des progrès qui peuvent être réalisés grâce à la coopération entre les différents paliers de gouvernement. Des discussions se tiennent sur le renouvellement du programme national d'infrastructures, qui a remporté un très grand succès. Le gouvernement fédéral travaille de concert avec les provinces et les territoires pour élaborer une proposition acceptable pour tous. Cette question fera l'objet de discussions à l'occasion de la réunion des ministres des Finances le mois prochain.

[Français]

De plus, notre gouvernement s'est engagé à limiter son pouvoir de dépenser dans les domaines de compétence exclusivement provinciale. Il n'utilisera plus son pouvoir de dépenser pour créer de nouveaux programmes à frais partagés dans des secteurs de compétence provinciale sans l'accord d'une majorité des provinces. Les provinces non participantes qui mettent sur pied un programme comparable seront compensées. C'est la première fois que le gouvernement fédéral offre de limiter ses pouvoirs hors du contexte des négociations constitutionnelles formelles. Cet engagement marque un point tournant dans l'évolution du fédéralisme.

[Traduction]

C'est de cette façon que le gouvernement renouvelle la fédération canadienne, soit en proposant des solutions constructives à des

4785

problèmes qui préoccupent les Canadiens, dans un climat de coopération caractérisé par le dialogue et le respect. Nous estimons que cet esprit de coopération et d'ouverture nous aidera à renforcer l'unité canadienne.

[Français]

C'est donc pour toutes les raisons que j'ai énumérées précédemment que je n'appuie pas le projet de loi présenté aujourd'hui en Chambre par mon collègue.

Encore une fois, je ne nie pas les préoccupations que suscite la possibilité d'un autre référendum au Québec. Notre gouvernement en est conscient et il assume ses responsabilités, tel qu'il l'a indiqué dans le discours du Trône.

Je crois toutefois que c'est par la collaboration et non la confrontation que nous réaliserons les changements que les Canadiens souhaitent et que nous assurerons l'unité de notre pays.

Nous continuerons à démontrer que, graduellement, nous améliorons la façon dont notre fédération fonctionne et serons mieux en mesure de répondre aux besoins et aux aspirations de tous.

Si le Parti réformiste a à coeur l'unité nationale, nous l'invitons à délaisser sa rhétorique de confrontation et à travailler à la réconciliation nationale et au renouvellement de notre fédération dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens.

[Traduction]

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-230, qui a été présenté par mon collègue d'Okanagan-Shuswap.

J'écoutais les deux derniers députés libéraux qui ont pris la parole et j'ai eu l'impression qu'ils avaient vécu dans l'isolement total ces trois dernières années. Depuis le premier jour de la 35e législature, ce groupe de séparatistes déclare chaque jour à la Chambre des communes «nous voulons nous séparer du Canada». Je me demande si les deux députés ont entendu cela.

Leur prestation démontre bien pourquoi nous avons eu de telles difficultés lors du référendum au Québec. Après avoir entendu le député de Simcoe-Nord et celui d'Ottawa-Vanier, on pourrait croire que le gouvernement a décidé de s'en tenir au statu quo. Il semble décidé à se contenter de faire ce qu'il fait déjà.

C'est ce qui nous a presque fait perdre le référendum d'octobre 1995. Le gouvernement libéral ne voudra jamais admettre que ces séparatistes et les Québécois qu'ils ont dupés pour les amener à les suivre veulent se séparer du Canada.

(1905)

Que faut-il pour qu'ils comprennent? Je ne veux pas que le Québec parte. Cette province appartient autant aux habitants de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse, de l'Alberta, de l'Ontario et de la Saskatchewan qu'aux Québécois. Elle fait partie du Canada, même si elle n'en forme qu'une partie.

Le gouvernement libéral, le député de Simcoe-Nord, affirme que nous voulons aller de l'avant en adoptant des mesures positives et constructives. C'est la façon libérale de dire qu'ils veulent plus de mesures d'apaisement et plus d'accommodements pour le Québec.

Je n'arrive pas à croire que le député d'Ottawa-Vanier ait déclaré que le Parti réformiste parlait d'un scénario hypothétique. Le Bloc et le Parti québécois, au Québec, ont tenu un référendum en 1995 pour voir si la population voulait se séparer. Il n'y a rien là d'hypothétique. Mais à quoi pense donc le député d'Ottawa-Vanier? Il dit qu'il était capital que nous jouions cartes sur table.

Pendant toute la période préréférendaire, nous avons dit jour après jour au premier ministre et à son gouvernement: «Pour l'amour de Dieu, abattez les cartes pour ceux qui pensent quitter le Québec en votant oui. Jouez cartes sur table.»

Mais il n'y avait pas de cartes sur la table. Nous sommes passés à ça d'assister à une victoire du camp du oui parce que le gouvernement libéral n'a pas eu le courage de jouer cartes sur table. Il est clair que les libéraux n'ont pas encore l'intention de jouer cartes sur table.

Le député d'Ottawa-Vanier a fait une autre déclaration incroyable lorsqu'il a dit que le Parti réformiste voulait accentuer les différences entre les Canadiens. Quelle déclaration incroyable!

Aucun autre parti dans l'histoire du Canada, depuis 1867, n'a fait plus pour accentuer les différences entre les Canadiens que le Parti libéral du Canada.

Jour après jour, année après année, les gouvernements libéraux ont toujours contribué davantage à accentuer les différences entre les Canadiens qu'à rapprocher les Canadiens afin qu'ils forment un seul peuple.

On en a un million de preuves. Comment le député d'Ottawa-Vanier peut-il dire que le Parti réformiste veut exploiter les différences entre les Canadiens alors que son parti a bâti sa carrière politique sur ces différences? Quelle déclaration incroyable!

Si le député d'Okanagan-Shuswap a présenté le projet de loi C-230, c'est justement parce que le gouvernement n'a pas le courage de traiter face à face avec ces séparatistes. Il préfère tourner autour du pot et essayer d'arranger les choses à l'amiable.

Nous parlons d'un groupe de Québécois-et non de tous les Québécois, Dieu merci. La majorité d'entre eux veulent rester au sein du Canada, mais ils ont été dupés par un petit groupe de politiciens qui leur font croire que, si le Québec se séparait du reste du Canada, il deviendrait une sorte de nirvana.

4786

Je remercie le ciel que le référendum ait échoué en 1995. Si le gouvernement libéral n'agit pas dès maintenant, il ne gagnera peut-être pas le prochain référendum que tiendront les séparatistes. S'il continue de ne rien faire, de ne rien dire et d'espérer que le problème disparaisse tout seul, il va être perdant.

Parlons maintenant du projet de loi C-230. Je dis que le Québec fait partie du Canada et en a toujours fait partie. Depuis que nous sommes devenus un pays, le Canada, le Québec en a fait partie. Il a profité des avantages qu'apportait l'appartenance au Canada et le Canada a profité des avantages que lui donnait la province de Québec. Nous sommes un pays, nous sommes une nation.

Mais certains au Québec ont décidé qu'ils seraient dans une meilleure situation s'ils se séparaient de ce grand pays qui est le nôtre. D'une façon ou d'une autre, ils ont réussi à convaincre un certain nombre de personnes dans la province de Québec que ce serait une bonne chose à faire.

Lors du dernier référendum, en 1995, est-ce qu'ils ont parlé de séparation jusqu'à la journée du vote? Non. Ils ont parlé d'une souveraineté association plutôt fumeuse. Le gouvernement libéral mentionne très rarement le mot séparation à la Chambre, à moins qu'on l'y force.

Le groupe séparatiste qui veut détruire le pays n'a pas le courage de présenter cette simple question à la population québécoise: Voulez-vous vous séparer du Canada, oui ou non? Il renvoie toujours à un projet de loi qui a été adopté par l'assemblée législative du Québec et qui parle d'une souveraineté association fumeuse, de certains arrangements à négocier.

Les séparatistes nous disent qu'ils veulent se séparer, mais ils n'ont pas le courage de s'adresser à la population du Québec et de lui demander si elle veut quitter le Canada. C'est pourtant ce que la question devrait être. Si la question avait été rédigée de cette façon, le oui ne serait pas passé aussi près de l'emporter. Le non aurait eu une énorme majorité, parce que la population aurait très bien compris la question. Ce n'aurait pas été la question alambiquée que les séparatistes avaient fabriquée, mais une question claire.

Les réformistes se sont levés et ont dit au premier ministre: «Pourquoi n'expliquez-vous pas aux Québécois ce sur quoi ils doivent se prononcer? Pourquoi permettez-vous aux séparatistes de poser une question alambiquée? Pourquoi le gouvernement libéral ne dénonce-t-il pas cette situation? Pourquoi ne tentez-vous pas d'éclaircir la situation?» Pourquoi les libéraux n'ont-ils pas joué cartes sur table, comme le disait le député d'Ottawa-Vanier? Voilà les questions que nous avons posées au Parti libéral. Les libéraux ont répondu: «Vous, les réformistes, ne vous mêlez pas de cela. Nous savons comment nous y prendre.»

Nous avons vu comment le gouvernement libéral s'y est pris. Il a failli perdre. Nous sommes venus à un cheveu de perdre le référendum au Québec à cause de l'inertie du gouvernement libéral. Le gouvernement libéral n'a pas eu le courage de s'attaquer de front aux séparatistes.

La majorité des Québécois ne veulent pas se séparer du Canada. Nous ne devons pas croire ce que ce groupe séparatiste nous dit. Nous ne devons pas croire ce que M. Bouchard au Québec dit. Nous ne devons pas le croire.

Les Québécois sont des Canadiens qui se trouvent à vivre au Québec. Je suis convaincu que si les Canadiens qui vivent au Québec devaient se prononcer sur une question claire, oui ou non, voulez-vous vous séparer du Canada, la grande majorité répondrait par la négative. C'est ce que nous réclamons dans le projet de loi C-230: que le gouvernement libéral ait le courage d'aborder la vraie question et de veiller à ce que les gens ne se laissent pas entraîner par les séparatistes.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La période pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.

Comme il est 19 h 13, la Chambre demeure ajournée jusqu'à demain, à 10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 h 13.)