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Rapport dissident du Bloc Québécois déposé au Comité permanent du patrimoine canadien dans le cadre de l'étude portant sur le rôle du gouvernement fédéral dans la culture au XXIe siècle.

Sommaire

Le Bloc Québécois présente ce rapport dissident au Comité permanent du patrimoine canadien essentiellement pour les raisons suivantes :

  • Le rapport du Comité ne rend pas justice aux artisanes et artisans du secteur culturel qui escomptaient que ce document pose clairement les problèmes auxquels elles et ils sont confrontés dans le contexte actuel caractérisé par le développement technologique et la mondialisation des échanges, et que ce document propose des solutions concrètes à ces problèmes.
  • Le rapport louange à maintes reprises le gouvernement libéral, mais omet de rendre compte des compressions imposées par ce gouvernement au secteur culturel. Le Bloc Québécois qualifie de timides les propositions d'engagement de débours de la part du gouvernement dans le secteur culturel, alors que le besoin d'un financement accru a été l'idée de fond avancée au cours des audiences du Comité, et que le gouvernement fédéral dispose maintenant d'une marge de manoeuvre budgétaire importante.
  • Le rapport du Comité méconnaît la culture québécoise et le rôle prépondérant que doit assumer et qu'assume déjà le gouvernement du Québec en matière culturelle. Comme l'ont réclamé tous les gouvernements du Québec depuis 30 ans, le Bloc Québécois demande que le gouvernement fédéral reconnaisse la compétence du gouvernement québécois en matière de culture et la respecte en se retirant de ce champ de compétence provinciale. En vertu de la jurisprudence établie, le gouvernement fédéral doit aussi reconnaître le droit du Québec à maintenir ses compétences sur la scène internationale. Le Bloc Québécois demande également qu'une entente canado-québécoise intervienne dans le secteur des communications et des télécommunications afin de remettre au Québec la responsabilité de ces secteurs essentiels au développement de toute politique culturelle cohérente. Enfin, le Bloc québécois demande au gouvernement fédéral de souscrire à la Charte de la langue française sur le territoire québécois.

Le Bloc Québécois est convaincu que la souveraineté du Québec est le meilleur moyen de protéger la culture québécoise et d'en assurer le développement dans le contexte actuel de l'expansion technologique et de la mondialisation des échanges commerciaux. Nous avons confiance que le talent québécois, soutenu par l'État québécois, saura s'adapter avec succès aux défis du XXIe siècle. Cependant, dans ce rapport dissident, nous nous sommes astreints à proposer les recommandations les plus concrètes possibles, dans le cadre fédératif actuel, pour le mieux-être de la culture québécoise et de ses artisanes et artisans.

La création : Le coeur de toute politique culturelle

La création est l'élément de base de toute politique culturelle. D'autant plus qu'actuellement les développements technologiques font de chaque individu un créateur potentiel et rendent le produit de la création accessible à tous. En ce sens, les développements technologiques constituent des outils démocratiques à la condition que chaque culture conserve la capacité d'exprimer sa spécificité.

Il est essentiel de se doter d'une politique culturelle intégrée et cohérente afin de développer au maximum les compétences et la sensibilité des citoyennes et citoyennes du Québec et du Canada à l'égard de l'art et de la culture, de favoriser le développement de carrières et la formation continue dans ce secteur. Incidemment, l'entente signée en avril 1997 entre les ministres responsables de la Culture et des Communications et de l'Éducation du Québec et dont l'objectif est de renforcer le lien entre la culture et l'éducation, s'inscrit tout à fait dans cette visée de cohérence d'une politique culturelle.

Actuellement, la situation financière des créatrices et des créateurs, bien qu'ils soient scolarisés, est précaire. Selon Statistique Canada, 58 % des artistes doivent avoir recours à un revenu d'appoint pour survivre1.

Le 13 avril dernier, la ministre de la Culture et des Communications du Québec, Mme Agnès Maltais a pris l'engagement formel de s'attaquer au problème de la pauvreté chez les jeunes artistes. Dans son discours inaugural à l'Assemblée nationale, le Premier ministre du Québec annonçait pour sa part son intention de faire une place à la culture lors du prochain sommet de la jeunesse.

Le travail autonome est une autre caractéristique de la main-d'oeuvre du secteur culturel. Selon Statistique Canada, les travailleurs du secteur culturel sont proportionnellement deux fois plus nombreux que les autres travailleurs au Canada à exercer une activité indépendante. En 1993, 29 % des travailleurs du secteur culturel étaient travailleurs autonomes uniquement, comparativement à 15 % de l'ensemble de la population active2.

C'est donc dire que les travailleuses et travailleurs du domaine de la culture vivent avec plus d'acuité que d'autres encore l'absence de dispositions spécifiques pour les travailleurs autonomes dans les lois portant sur l'impôt, le travail, la sécurité du revenu et la formation professionnelle.

Dans son rapport, le Comité permanent du patrimoine omet de reconnaître qu'une entente sur la main-d'oeuvre est intervenue entre les gouvernements du Québec et du Canada et suggère au gouvernement fédéral de réinvestir ce champ de compétence. Pourtant, suite à cette entente, le milieu culturel québécois a procédé à la mise sur pied du Conseil québécois des ressources humaines en culture qui a pour mandat de conseiller Emploi Québec sur les stratégies à adopter en matière de main-d'oeuvre dans le secteur culturel. De plus, le gouvernement du Québec a créé un Groupe de travail interministériel sur la stratégie de développement de la main-d'oeuvre dans le secteur culturel3 en vue de se doter d'une politique cohérente ayant pour objectifs de renforcer les entreprises culturelles tout en assurant le développement de la main-d'oeuvre.

Le ministère du Développement des ressources humaines Canada s'est gardé deux secteurs d'intervention dans le domaine de la main-d'oeuvre : la Stratégie jeunesse et le Fonds Canada de création d'emplois. Il serait souhaitable que, pour un maximum d'efficacité, le gouvernement du Québec récupère l'ensemble des mesures liées à la main-d'oeuvre. D'aucuns remarqueront d'ailleurs que les programmes Jeunesse du ministère du Patrimoine canadien ne réservent aucune enveloppe budgétaire aux jeunes créatrices et créateurs.

Recommandations

1. Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral respecte l'esprit et la lettre de l'entente intervenue dans le secteur de la main-d'oeuvre et remette au gouvernement du Québec toute nouvelle somme consacrée à la formation professionnelle, et ce sans directive nationale. Le gouvernement fédéral devrait également transférer au Québec tous les programmes de main-d'oeuvre, sans directive nationale.

2. Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral harmonise sa fiscalité avec celle du gouvernement du Québec qui prévoit que les revenus de droit d'auteur ne sont pas imposables en deçà de 15 000 $.

3. Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de donner suite à la recommandation du Comité des finances d'accorder aux travailleuses et travailleurs culturels l'accès à l'étalement du revenu, mesure qui existait dans les années 19704.

4. Le Bloc Québécois fait sienne la recommandation du Comité portant sur l'importance de revoir les législations et les réglementations liées à l'impôt, à la sécurité du revenu, au travail et à la formation professionnelle afin de les adapter aux réalités des travailleuses et travailleurs autonomes du secteur culturel.

Le contenu

Le gouvernement fédéral a voulu faire du Canada le pays le plus branché au monde. Pour ce faire, il a mis fin au monopole dans le domaine des télécommunications, il a assoupli le cadre législatif et réglementaire, il a renversé les décisions du CRTC qui accordaient des rabais aux consommatrices et aux consommateurs en téléphonie interurbaine pour attribuer ces centaines de millions aux actionnaires des compagnies de télécommunications pour le financement de l'inforoute, etc.

Par contre, les initiatives fédérales en vue de développer le contenu qui doit circuler sur cette inforoute et via nos média traditionnels sont demeurées timides. Alors que l'investissement devenait plus que nécessaire pour soutenir le développement des contenus dans tous les secteurs culturels, le gouvernement fédéral procédait à des compressions budgétaires sans précédent. Radio-Canada, l'Office national du film et Téléfilm Canada ont été les grandes victimes de ces compressions, mais tous les programmes fédéraux dédiés à la culture ont aussi été lourdement affectés. Le tableau des dépenses ministérielles du Plan budgétaire du 6 mars 1996 montre bien l'insensibilité du gouvernement fédéral concernant la culture. En effet, ce tableau indique qu'entre 1994 et 1999 le secteur culturel au fédéral devrait assumer des compressions budgétaires de l'ordre de 30 %, alors que d'autres secteurs étaient moins touchés comme la Justice (7 %), les Affaires étrangères et le commerce international (10%), la Société canadienne d'hypothèques et de logement (10 %), les Anciens combattants (7%) et le Parlement et l'administration publique générale (14 %)5. Et qui plus est, pendant ces années d'austérité, au ministère du Patrimoine canadien, on n'a pas hésité à multiplier les initiatives de propagande au coût de dizaines de millions de dollars. Finalement, malgré certains réinvestissements annoncés par le gouvernement fédéral au cours des deux dernières années, le secteur culturel n'a pas récupéré les sommes qui lui avaient été retirées.

Pendant ce temps, au Québec, le gouvernement maintenait et même augmentait sa contribution à la culture. Il ouvrait le chantier de la Grande Bibliothèque du Québec, un projet de 85 millions de dollars. Il était le premier à accorder un crédit d'impôt pour la production multimédia; il créait le Fonds de la culture et des communications. Dans le domaine des nouveaux médias, le gouvernement québécois a mis en oeuvre une initiative d'envergure en vue de créer la Cité du multimédia à Montréal.

Il est essentiel d'injecter de nouveaux fonds dans la production culturelle. Chaque dollar investi dans la culture a des retombées culturelles, sociales et financières importantes. La Nova Scotia Film Development Corporation estime que pour chaque dollar public investi dans le cinéma, le secteur privé injecte 10 $ dans l'économie locale. Une autre étude a montré que les quatre principaux festivals de Montréal génèrent des retombées de 166 millions de dollars annuellement. Selon l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, chaque dollar investi dans la production audiovisuelle génère des investissements de 6 à 7 dollars par le secteur privé. De plus, la Conférence canadienne des arts a établi que le coût d'un emploi créé dans le secteur culturel était moindre que dans d'autres secteurs économiques. Ainsi, alors qu'il en coûte 100 000 $ pour créer un emploi dans l'industrie légère et entre 200 000 $ et 300 000 $ dans l'industrie lourde, ce coût s'élève à 26 000 $ pour le secteur culturel.6 Le secteur des arts et de la culture est donc un secteur d'avenir et créateur d'emplois. Or, il est de notoriété publique que le gouvernement fédéral récupère actuellement une marge de manoeuvre sans précédent. Et les informations les plus récentes nous permettent de croire que son surplus budgétaire devrait atteindre 10 milliards de dollars pour la présente année fiscale. Il serait donc normal que le gouvernement réinvestisse de manière importante dans la culture.

Les institutions culturelles publiques ont joué un rôle indéniable dans le développement des cultures canadienne et québécoise. La Société Radio-Canada, en raison des moyens dont elle a disposé, du talent québécois et de la popularité de la radiodiffusion, a été un outil particulièrement important dans le développement de la culture québécoise. L'Office national du film a formé des générations de cinéastes et permis au cinéma québécois d'acquérir ses lettres de noblesse. Quant à Téléfilm Canada et au Conseil des arts, ils ont soutenu la création et plusieurs artistes leur sont redevables de ce qu'elles ou qu'ils sont devenus. En raison des compressions budgétaires répétées depuis 1993, d'une part, et de l'intention annoncée du gouvernement fédéral d'utiliser ces institutions culturelles à des fins politiques7, d'autre part, l'avenir de ces institutions est aujourd'hui mis à rude épreuve. Le ministère du Patrimoine canadien a bien indiqué, notamment dans son plan stratégique et dans d'autres documents, que le travail des organismes du portefeuille du Patrimoine canadien consiste à renforcer le sentiment d'appartenance à la communauté canadienne8. En fait, dans son plan stratégique, le Patrimoine canadien affirme travailler à la promotion de l'unité nationale. Pour l'heure, les institutions culturelles publiques ont un rôle important à jouer dans le développement culturel. Il faudra cependant leur assurer un financement adéquat et garantir leur marge de manoeuvre en leur assurant une indépendance totale du pouvoir politique.

Par ailleurs, les entreprises de télédistribution contribuent pour 5 % de leurs revenus bruts annuels à un fonds de production audiovisuel et à la télévision communautaire. Les entreprises de télécommunications ne sont pas assujetties à une mesure similaire bien qu'elles transportent maintenant plus de données que de communications vocales. Les recettes d'exploitation des entreprises de télécommunications s'élevaient à 22,8 milliards de dollars pour l'année 19979. Il n'y a aucune raison pour que ces entreprises ne participent pas au financement du contenu culturel.

Bell Canada reconnaît implicitement le rôle des entreprises de télécommunication dans le financement de contenus par la création de son Fonds de la radiodiffusion et des nouveaux médias Bell institué le 10 septembre 1997 et doté d'un budget de 12 millions de dollars sur une période de 30 mois.

Il est regrettable que le secteur culturel ne dispose pas de données comparables à celles du secteur du tourisme, par exemple, qui dispose d'un fonds consolidé de quelques deux millions de dollars à Statistique Canada. Cette absence de données détaillées a des conséquences sur l'élaboration de politiques susceptibles de soutenir le secteur culturel.

Enfin, des commentaires du Comité nous laissent croire qu'il invite le ministère du Patrimoine canadien à s'ingérer dans le contenu de la production culturelle. Cette partie du rapport qu'on retrouve au chapitre 4 nous inquiète au plus haut point. Nous sommes énergiquement opposés à toute intervention de Patrimoine Canada dans le contenu culturel proprement dit. Les artistes et les institutions culturelles doivent demeurer indépendants et s'exprimer sur n'importe quel sujet sans intervention gouvernementale.

Recommandations

5. Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral réinvestisse dans la culture et remette au gouvernement du Québec les sommes qui lui reviennent, et ce, conformément aux recommandations qu'on retrouvera plus loin.

6. Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral assure les institutions culturelles publiques d'un financement stable, pluriannuel et adéquat, pour leur permettre de relever le défi que représente leur mandat à l'aube du nouveau millénaire.

7. Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral garantisse l'indépendance des sociétés culturelles publiques, notamment en remettant au Parlement la nomination des principaux dirigeants des institutions culturelles (SRC, ONF, Téléfilm Canada et le Conseil des arts), et au conseil d'administration des autres établissements, la nomination de leur direction générale.

8. Le Bloc Québécois recommande que soit d'abord amendé le plan stratégique du ministère du Patrimoine canadien en vue d'y retirer toute référence au rôle politique que pourrait jouer le ministère; que soit ensuite amendés les documents produits par les institutions culturelles sous juridiction fédérale afin d'en retirer les références au rôle politique qu'elles doivent jouer.

9. Le Bloc Québécois recommande que les entreprises de télécommunications participent à la création de fonds de soutien au développement du contenu pour les nouvelles technologies à raison de 1 % de leurs revenus bruts, et que cette contribution soit revue à la hausse au fur et à mesure que la communication artistique et culturelle prendra de la place sur Internet.

10. Le Bloc Québécois recommande que Statistique Canada soit doté des ressources suffisantes lui permettant de recueillir et de publier des données sur la culture, et que l'organisme fédéral travaille de concert avec le secteur culturel à élaborer le cadre de recherche requis.

11. Le Bloc Québécois recommande au ministère du Patrimoine canadien de rejeter la proposition du Comité qui l'invite à mettre sur pied des politiques et des programmes qui l'amènerait à contrôler le contenu des oeuvres.

Le droit d'auteur

Le droit d'auteur constitue le pain quotidien de nombre de créatrices et de créateurs. D'aucuns pourraient croire que les nouvelles technologies mettent à rude épreuve le droit des titulaires de droit de disposer de leurs oeuvres et celui de percevoir leurs droits. Mais, comme le soulignait le représentant de l'ADISQ à Montréal, la garantie du respect du droit d'auteur est essentielle au développement des nouveaux médias. Le secteur de l'enregistrement sonore, par exemple, craint l'exploitation du logiciel MP3 qui offre la possibilité de télécharger un enregistrement sonore sans en payer les coûts. Cependant, certaines entreprises exploitent ce système dans le respect de la législation sur le droit d'auteur.

Des ententes ont été conclues à l'Organisation mondiale sur la propriété intellectuelle (OMPI) qui garantissent le respect du droit d'auteur sur la scène internationale dans le cadre des nouveaux développements technologiques. L'une concerne le droit d'auteur, la seconde le droit voisin. Le Canada a signé ces ententes internationales mais ne les a pas encore intégrées dans sa législation nationale.

Le rapport du Comité propose que le ministère du Patrimoine joue un rôle proactif dans l'établissement d'un guichet unique dont le mandat serait de libérer les droits d'auteur afin de permettre au secteur du multimédia d'utiliser des oeuvres existantes, ce qui faciliterait son développement. Il est vrai que ce problème de droit d'auteur constitue un obstacle de taille dans le développement de ce secteur, mais il n'est pas approprié de demander au ministère du Patrimoine canadien d'intervenir et de se substituer aux ayants droit dans la défense de leurs intérêts. Cependant, le ministère du Patrimoine pourrait fournir aux titulaires de droit les fonds nécessaires pour réaliser une étude de faisabilité sur l'idée du guichet unique qui pourrait être bénéfique autant aux titulaires de droits qu'au développement du secteur du multimédia.

D'autre part, lors de l'étude de la Phase II de la législation qui s'est terminée en 1997, les titulaires de droits avaient réclamé une révision de la loi afin de la rendre technologiquement neutre, c'est-à-dire applicable quel que soit le support utilisé. Par exemple, titulaires de droit d'auteur et de droits voisins peuvent actuellement percevoir des redevances sur les cassettes audio vierges, mais ne le peuvent pas sur les cassettes vidéo vierges. Comment justifier cela? Et qu'adviendra-t-il lorsque les technologies de reproduction auront changé? Aurons-nous toujours une vingtaine d'années de retard sur les développements technologiques?

Enfin, plusieurs témoins ont soutenu que la législation sur le droit d'auteur ne sera valable que si elle est appliquée par un organisme qui dispose de l'expertise et des ressources nécessaires. Au Canada, le ministère du Patrimoine est responsable de la politique du droit d'auteur, alors que celui de l'Industrie est responsable de la Commission du droit d'auteur, un tribunal quasi-judiciaire chargé de l'application de la loi. Maints groupes du secteur culturel ont dénoncé, et avec raison, la désinvolture du ministre de l'Industrie à l'égard de la Commission, notamment en la privant des ressources financières requises à son fonctionnement. Ainsi, depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux, le budget de fonctionnement de la Commission est passé de 310 000 $ à 119 000 $, alors que sa tâche a plus que doublé avec la révision du droit d'auteur effectuée en 1997. De toute évidence, la réputation de compétence et de crédibilité acquise par la Commission depuis sa mise en place est en péril.

Recommandations

11. Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral procède à la Phase III de la révision de la législation sur le droit d'auteur en vue, d'une part, d'y inclure les obligations internationales signées par le Canada à l'OMPI et, d'autre part, de rendre la loi technologiquement neutre.

12. Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de soutenir financièrement les titulaires de droits intéressés à réaliser une étude de faisabilité sur l'idée de la création d'un guichet unique pour régir le droit d'auteur pour le secteur du multimédia.

13. Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de reconnaître les droits de suite aux artistes des arts visuels lors de la révision du droit d'auteur (Phase III).

14. Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de remettre la responsabilité de la Commission du droit d'auteur au ministère du Patrimoine.

Le commerce international

Le secteur culturel constate et déplore la faiblesse des clauses culturelles dans les accords commerciaux internationaux.

Rappelons qu'il n'existe, à toutes fins pratiques, aucune clause d'exception culturelle dans les accords sur les biens et les services à l'Organisation mondiale du commerce. Quant à la clause d'exception culturelle négociée dans l'Accord de libre-échange10 (Canada-États-Unis) et reportée dans l'Accord de libre-échange nord-américain (Canada-États-Unis-Mexique), elle autorise un État à adopter des mesures de protection culturelle, mais elle permet également à l'autre État de prendre des mesures de compensation d'une valeur équivalente aux pertes encourues par la mise en place de la mesure protectionniste.

Ce qui vient de se passer dans le dossier des magazines11 illustre bien la difficulté pour le Canada d'adopter des mesures de protection culturelle sans encourir des mesures de représailles des Américains. Dans ce dossier, le gouvernement du Canada a cédé à la pression américaine et a ouvert le marché de la publicité domestique aux entreprises étrangères. Aujourd'hui, tant au Canada qu'à l'étranger, plusieurs observateurs affirment que le Canada n'a pas été en mesure de défendre sa souveraineté culturelle et que les Américains viennent de créer le précédent qu'ils recherchaient pour faire tomber les mesures de protection culturelle qu'ils jugent inacceptables à l'avancement de l'intérêt commercial des sociétés américaines et des multinationales du divertissement.

On ne connaît plus la position du gouvernement fédéral en ce qui concerne la place qu'il entend faire à la culture dans les accords commerciaux internationaux. Lors des prochaines négociations de l'Organisation mondiale du commerce qui débuteront à Seattle l'automne prochain, le gouvernement fédéral entend-il promouvoir l'exception culturelle générale? Ou favorise-t-il la mise en place d'un autre accord, totalement indépendant de ces accords commerciaux et portant uniquement sur la culture, tel que proposé par le Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur - Industries culturelles du ministre du Commerce international en février dernier? Nul ne le sait.

La ministre du Patrimoine tente actuellement de créer un Réseau des ministres de la Culture dans le but de favoriser la diversité culturelle. Parmi les pays participants à cette coalition il y a l'Arménie, la Barbade, le Brésil, la France, l'Islande, la Grèce, la Côte d'Ivoire, l'Italie, le Mexique, le Maroc, la Pologne, le Sénégal, la Suède, la Suisse, Trinité-et-Tobaggo, le Royaume-Uni, la République de Croatie et celle d'Afrique du sud et l'Ukraine. Le Canada vient tout juste d'accorder un droit de parole au gouvernement du Québec à la prochaine réunion de cette coalition qui se tiendra au Mexique. Il est en effet essentiel que le Québec parle de sa propre voix dans les forums internationaux portant sur la langue, la culture et les communications. Les travaux de ce groupe sont encore embryonnaires et il importe de rappeler que tous les membres ne s'entendent pas sur l'importance de promouvoir la négociation d'une clause d'exception culturelle. Le Royaume-Uni et la Suède, par exemple, y sont tout à fait opposés.

Il importe de rappeler que toute mesure d'exception culturelle ne pourra être inscrite dans un accord commercial international que si elle reçoit le plus grand nombre d'appuis, non seulement des gouvernements, mais également de leur population respective. Incidemment, si la France a mis fin aux pourparlers lors des négociations de l'Accord multilatéral sur les investissements (AMI) à l'OCDE, c'est notamment en raison de la mobilisation de sa société civile qui s'y opposait et des pressions exercées par cette population sur le Parlement européen qui a également rejeté l'AMI.

Or, le Canada met très peu de ressources financières à la disposition de sa diplomatie internationale pour faire la promotion de la position canadienne - quelle qu'elle soit - et accorde peu de soutien financier à la Conférence canadienne des arts et à la Coalition québécoise pour la diversité culturelle qui oeuvrent justement à rassembler la société civile autour de l'idée de protéger le secteur culturel.

Sans préjuger des résultats des futurs accords commerciaux internationaux, il serait prudent de commencer à songer à mettre en place des mécanismes qui permettraient de financer le contenu culturel de manière beaucoup plus importante qu'on ne le fait aujourd'hui advenant le succès ou l'échec de mesures de protection culturelle dans les négociations multisectorielles et multilatérales. Dans le nouveau contexte concurrentiel, à mesure que les moyens d'action traditionnels seront la cible de critiques de la part des partenaires commerciaux du Canada, qui les qualifient de « protectionnistes », les subventions directes pour la production et la promotion pourraient s'avérer l'une des rares mesures culturelles qui résistent aux pressions commerciales internationales12. Or, cette prédiction du comité sénatorial s'est avérée tout à fait juste dans le dossier des magazines.

Recommandations

15. Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral signe une entente-cadre avec le gouvernement du Québec en vue de permettre au Québec de défendre la diversité culturelle sur la scène internationale et de s'y exprimer de sa propre voix dans les domaines de la culture, des communications et de la langue.

16. Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral d'investir les ressources financières requises en vue de promouvoir la diversité culturelle sur la scène internationale.

17. Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de soutenir financièrement les organismes qui oeuvrent pour la diversité culturelle afin de leur permettre de créer une coalition internationale du secteur culturel en vue de la prochaine ronde de négociations de l'Organisation mondiale du commerce.

18. Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de travailler à la mise en oeuvre de mesures qui permettront un financement accru du secteur culturel et de remettre au gouvernement québécois toutes les nouvelles sommes ainsi allouées pour le Québec.

La culture québécoise

La culture québécoise existe et elle est reconnue au Québec et à l'étranger pour son dynamisme et son originalité. Elle est fort prisée de son propre auditoire. En effet, dans tous les domaines d'expression culturelle, les Québécoises et Québécois sont friands, voire gourmands, de productions culturelles québécoises, notamment en radiodiffusion, tout en demeurant très ouverts aux productions culturelles étrangères. Cette capacité que les Québécoises et les Québécois gardent d'apprécier leur propre culture tout en restant très ouverts à celles des autres donne confiance en l'avenir.

Le soutien à la culture québécoise a été un dénominateur commun de tous les gouvernements du Québec depuis que le Premier ministre Jean Lesage confiait à Georges-Émile Lapalme la création du premier ministère de la Culture en Amérique du Nord en 1961. Il fallait inventer les mots et les concepts pour créer de toutes pièces un ministère de la Culture, et les libéraux de la Révolution tranquille ont réussi. Ainsi, comme nous l'avons déjà indiqué, il n'est pas étonnant d'apprendre qu'alors que les autres gouvernements - fédéral et provinciaux - réévaluaient à la baisse leur contribution à la culture, le gouvernement du Québec maintenait son engagement financier à ce secteur et initiait de nouveaux projets. Il est important de noter que traditionnellement, le Québec investit deux fois plus que l'Ontario per capita dans le secteur culturel.

Le dynamisme de la culture québécoise se reflète également dans les organisations que se sont donnés les travailleuses et travailleurs du secteur culturel. Ainsi, le milieu culturel québécois s'est doté de syndicats et regroupements professionnels qui oeuvrent de manière autonome, ou en collaboration lorsque requis, avec leurs contreparties canadiennes et internationales sur des dossiers ponctuels.

Principal marché pour les artistes francophones, le Québec est non seulement une terre de ressourcement pour tous les artistes francophones du Canada et de l'Amérique, mais il représente également, pour ceux-ci, un marché incontournable.

Or, le Comité du patrimoine, au nom de l'unité canadienne, nie ces réalités en les passant sous silence et ramène, par le fait même, la culture québécoise au rang de simple composante régionale.

Aucun gouvernement du Québec ne peut accepter cette vision réductrice véhiculée par le gouvernement fédéral. En continuité avec les revendications historiques du Québec, M. Benoît Pelletier13, écrivait dans La Presse le 19 avril dernier : Le temps est venu aussi pour le Québec d'assumer le plein potentiel de son identité propre et de chercher à obtenir, avec les autres partenaires fédératifs, le respect intégral de la spécificité québécoise.

Or, le Bloc Québécois est régulièrement témoin des actions du gouvernement fédéral pour réduire la place du Québec au Canada. La dernière de ces actions est inscrite dans plan stratégique du ministère du Patrimoine canadien intitulé Un Canada fier et fort de son patrimoine. Dans ce document, on ne fait aucune référence à la culture québécoise. Cela n'est pas étonnant puisque la loi constitutive du Ministère n'y fait pas référence non plus. Mais le plan stratégique du Patrimoine canadien va plus loin. Véritable plaidoyer pour une identité culturelle canadienne, uniforme et uniformisante, ce plan prévoit susciter chez les Canadiens et Canadiennes un sentiment de renouvellement, d'espoir et d'engagement commun renforcé face à leur avenir, afin de bâtir un pays fort, uni et caractérisé par sa cohésion sociale. Radio-Canada et tous les organismes relevant du Patrimoine canadien sont conscrits au service de cet objectif.

Le gouvernement canadien travaille également contre le Québec sur la scène internationale. Le plus triste épisode l'attestant a certes été la tentative du ministre des Affaires étrangères de soumettre les subventions aux tournées internationales au critère de promotion de l'unité nationale. Plus récemment, on a vu la ministre du Patrimoine dénoncer la ministre française de la Culture, Mme Catherine Trautman qui avait invité la ministre québécoise de la Culture et des Communications, Mme Agnès Maltais à une réunion informelle de ministres de la Culture. Le gouvernement canadien a par ailleurs tout fait pour réduire l'impact du Printemps du Québec à Paris en organisant, en même temps à Paris, des visites de francophones hors Québec. Enfin, le Canada a interdit la rencontre entre le Premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard et le président du Mexique, M. Ernesto Zedillo Ponce de Léon.

Pourtant des jugements du Conseil privé de Londres de 1883 et de 1937, et plus récemment la doctrine Gérin-Lajoie établie en 1965, rappellent que les gouvernements provinciaux conservent leurs compétences exclusives sur la scène internationale. Par ailleurs, il existe des exemples où des États subnationaux conservent, sur le plan international, leurs responsabilités constitutionnelles. Le 24 mars dernier, le gouvernement du Québec adoptait une Déclaration concernant la participation du Québec aux forums internationaux traitant d'éducation, de langue et de culture affirmant haut et fort son intention de prendre sa place sur la scène internationale dans les champs qui relèvent de sa compétence. Nous souscrivons sans réserve à cette déclaration et invitons le gouvernement fédéral à faire preuve d'un peu d'ouverture d'esprit.

Les données démographiques du dossier linguistique, montrent, par ailleurs, que le Québec doit continuer à travailler dans le but de faire du français la langue commune et d'usage des Québécoises et des Québécois. La situation du français dans la région de Montréal et les pronostics des démographes à l'effet que le nombre de francophones (toutes origines confondues) commencera à diminuer d'ici 15 ans, démontrent qu'on doit mettre fin aux politiques linguistiques contradictoires sur le territoire québécois. Le gouvernement fédéral doit donc souscrire à la Charte de la langue française sur le territoire du Québec et transmettre à l'étranger le message que le français est la langue officielle du Québec.

En cette ère de mondialisation des échanges et du développement technologique, et afin de développer une politique culturelle cohérente, il devient plus crucial que jamais que le Québec devienne le seul maître d'oeuvre dans un champ de compétence qui est le sien, celui des arts et de la culture, champ que le gouvernement fédéral a envahi avec son pouvoir de dépenser.

Le Québec joue également un rôle important pour la promotion du français sur Internet. Au moment où il y a à peu près autant d'utilisateurs d'Internet en France qu'au Québec, le Québec inspire la France dans sa tentative de franciser le vocabulaire cybernétique et sa production multimédia est en croissance. L'industrie québécoise du multimédia connaît déjà ses histoires à succès.

Recommandations

19. Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de reconnaître le Québec comme seul maître d'oeuvre dans le domaine des arts et de la culture sur le territoire québécois et de signer avec le gouvernement du Québec, une entente-cadre afin de lui reconnaître cette compétence et de lui donner les enveloppes budgétaires afférentes.

20. Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de signer une entente avec le gouvernement du Québec en vue de lui permettre d'avoir la maîtrise d'oeuvre dans les domaines liés aux communications et télécommunications sur le territoire du Québec.

21. Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de souscrire à la Charte de la langue française sur le territoire du Québec et dans ses relations à l'étranger.


1 Source : Statistique Canada - no 11-008-XPF - été 1996.

2 Idem.

3 Les ministères de la Solidarité sociale, de la Culture et des Communications et d'Emploi-Québec participent à ce groupe de travail.

4 Sous le titre L'étalement du revenu pour les artistes, le Comité permanent des finances écrivait à la page 90 dans son rapport prébudgétaire de décembre 1998 intitulé Affronter l'avenir : les défis et les choix d'une ère nouvelle, «Le Comité réitère donc sa recommandation de l'année dernière au gouvernement de songer à adopter l'étalement du revenu à l'égard des revenus qui fluctuent considérablement d'une année à l'autre.»

5 Plan budgétaire déposé à la Chambre des communes le 6 mars 1996, p. 42.

6 Conférence canadienne des arts, A Brief to the Standing Committee on Finance, Pre-Budget Hearings, 1998-99, octobre 1997.

7 Concernant cette utilisation des institutions culturelles à des fins politiques, il faut noter que le gouvernement a déposé le projet de loi C-44 qui prévoyait rendre le siège du président-directeur général de la SRC amovible. Devant le tollé populaire et les pressions du Bloc Québécois, le gouvernement a dû reculer. Cependant, ce projet de loi prévoit toujours rendre le poste de commissaire à la cinématographie et celui de directeur général de Téléfilm Canada amovibles, et propose une intrusion importante du gouvernement dans la nomination des directions d'autres institutions culturelles comme les musés.

8 Budget des dépenses 1999-2000, Office national du film, p.2.

9 Statistique Canada, catalogue 56-203, données non encore publiées.

10 Article 2005 de l'ALÉ : 1. Les industries culturelles sont exemptées des dispositions du présent accord, sauf stipulation expresse à l'article 401 (Élimination des droits de douane), au paragraphe 4 de l'article 1607 (cession forcée d'une acquisition
directe) et aux articles 2006 et 2007 du présent chapitre.2. Malgré les autres dispositions du présent accord, chaque Partie pourra prendre des mesures ayant une effet
commercial équivalent en réaction à des interventions qui seraient incompatibles avec le présent accord.

11 Le gouvernement américain s'est opposé à la volonté exprimée par le gouvernement canadien de réserver le marché de la publicité du Canada aux éditeurs canadiens.

12 Comité sénatorial permanent des transports et des communications, Rapport provisoire, Au fil du progrès, La position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications, avril 1997, p. 52.

13 Député de Chapleau à l'Assemblée nationale, constitutionnaliste et porte-parole du PLQ en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes