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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 décembre 1997

• 1106

[Français]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité du patrimoine canadien, qui poursuit son étude sur la culture canadienne et l'impact de certaines innovations, comme la nouvelle technologie, et celui du commerce international sur la culture canadienne.

[Traduction]

Je tiens à souhaiter chaleureusement la bienvenue à nos témoins. Nous sommes très honorés de votre présence.

Je tiens aussi à faire savoir aux membres du comité que Mme Joan Pennefather ne pourra malheureusement pas être des nôtres aujourd'hui en raison de la maladie d'un de ses proches. Elle présente ses excuses au comité.

Nous avons la chance et l'honneur d'accueillir aujourd'hui deux éminents Canadiens issus du milieu culturel.

Je veux d'abord parler de M. Bernard Ostry, ancien sous-ministre aux ministères de l'Industrie, du Commerce, des Communications et de la Citoyenneté et de la Culture au gouvernement fédéral et au gouvernement de l'Ontario. M. Ostry est aussi ancien PDG de TV Ontario.

M. Ostry a reçu l'Ordre du Canada. Il est un des plus éminents Canadiens du milieu culturel. Nous avons beaucoup de chance de pouvoir bénéficier aujourd'hui de sa sagesse et de son expertise pour nous guider dans notre étude.

Avec M. Ostry,

[Français]

il y a M. Florian Sauvageau, auquel nous souhaitons la plus cordiale bienvenue. Il est connu, naturellement, pour avoir coprésidé la Commission Caplan-Sauvageau sur la radiodiffusion au Canada en 1986. Il est l'un des professeurs les plus réputés de l'Université Laval en communications, en information et en journalisme. Sa carrière est des plus prestigieuses et a couvert les domaines du journalisme, de la cinématographie et des publications. C'est un des plus grands experts canadiens dans le domaine de la culture et des communications.

M. Sauvageau a participé à l'étude Développement culturel et mondialisation de l'économie, qu'il a écrite avec Marc Raboy, Yvan Bernier et Dave Atkinson.

Donc, nous sommes très heureux aujourd'hui d'avoir parmi nous M. Ostry et M. Sauvageau, à qui nous cédons la parole. Vous choisissez vous-mêmes qui voudra bien commencer.

[Traduction]

M. Bernard Ostry (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Étant donné tout ce que vous avez dit à mon sujet—je ne peux pas parler au nom de Florian—, je devrais peut-être partir tout de suite.

• 1110

Je tiens à remercier le comité, de même que le greffier, le personnel de recherche et le secrétariat de continuer leurs efforts pour inciter le Parlement à procéder à un examen productif de nos besoins culturels et aussi d'avoir eu l'idée attendrissante qu'un vieux fonctionnaire à la retraite pourrait avoir quelque chose d'utile à dire à ce sujet. C'est un honneur pour moi d'être associé à un groupe de gens d'une aussi grande curiosité intellectuelle.

Je crois que M. Radford a fait distribuer le mémoire que j'ai rédigé récemment sur certains aspects des questions relatives à la culture et au commerce, de sorte que je ne vous ennuierai pas en répétant ici mes brillants propos. Je me contenterai de prendre cinq ou six minutes pour bien insister sur les aspects qui à mon avis méritent une attention particulière.

Le dilemme ou le problème canadien dont je parle dans le mémoire qui vous a été distribué tient au fait que nous avons permis l'invasion culturelle massive par notre voisin tout en nous disant soucieux de mettre la technologie à notre service afin d'échanger les uns avec les autres et de promouvoir l'unité nationale, et c'est là un problème bien connu.

Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'oeil sur les statistiques actuelles qui montrent le pourcentage élevé de films, de livres, d'enregistrements sonores, de magazines, d'émissions de télévision et d'autres produits d'origine étrangère—principalement américaine—qui sont diffusés chez nous. Le fait que 75 p. 100 des émissions dramatiques présentées à la télévision de langue française au Canada viennent de l'étranger est très révélateur. La récente décision de l'OMC concernant les magazines nous rappelle que la crise culturelle que nous vivons depuis très longtemps n'est pas près de se résorber.

Si le gouvernement canadien est bien persuadé qu'il n'est ni sain ni acceptable que le Canada soit envahi de la sorte, comment peut-il s'attaquer de façon efficace à ce problème?

Le peu d'expérience que j'ai acquise du secteur public à Ottawa et à Toronto, où j'ai servi les trois partis politiques qui ont formé des gouvernements, me porte à croire que nous ne saurions nous doter d'une véritable politique culturelle que dans la mesure où la culture est considérée comme un élément non pas marginal, mais central.

La qualité de l'action gouvernementale dépend en grande partie de l'attitude du premier ministre au pouvoir au niveau fédéral ou provincial. La première question que je me pose est donc celle-ci: quel est le statut ou la priorité dont bénéficie la culture au gouvernement? Est-elle considérée comme un élément central, marginal, ou comme un élément qui se trouve quelque part entre les deux?

Si elle est un élément central, comme ne manquent jamais de le proclamer publiquement les ministres responsables, où donc est la substance de l'engagement qui montre qu'il s'agit bien d'une question centrale et urgente? Si nous avons vraiment à coeur que notre culture trouve son expression dans des produits de qualité, qui sont censés être les clients de ces produits et quel est l'objet recherché?

Je sais bien, monsieur le président, que ce n'est pas à moi de poser des questions à votre auguste comité, mais je soulève les trois questions suivantes pour pouvoir préciser ma position sur chacune d'elles, si mal informée puisse-t-elle paraître, étant donné les nombreuses années qui se sont écoulées depuis que j'ai quitté le secteur public.

Je soutiens que, malgré vos efforts courageux et déterminés, la culture est un élément marginal, sinon anodin, pour le gouvernement fédéral actuellement au pouvoir, comme elle l'a été pour ceux qui l'ont précédé au cours des 20 dernières années, ou presque. À mon avis, il faut agir rapidement pour en faire un élément central tant sur le plan politique que sur le plan financier, et ce, dans l'intérêt fondamental de l'unité canadienne et de la réputation internationale du Canada, comme le proclament très haut les ministres Axworthy, Copps, Manley et les autres.

Il existe un écart bien trop important entre les discours, les affirmations et les promesses contenus dans les documents décrivant les perspectives des ministères ayant un rôle à jouer à cet égard et les sommes consacrées à des programmes vraiment susceptibles de donner des résultats. Pour ce qui est de la substance de l'engagement, si le budget fédéral annuel est d'environ 150 milliards de dollars, dont facilement 100 milliards sont consacrés aux programmes, la part réservée à un ensemble de programmes qui constitue un élément aussi central devrait se situer, non pas entre 2,5 p. 100 et 3 p. 100 comme à l'heure actuelle, mais entre 7 p. 100 et 10 p. 100, et ce, à la lumière des objectifs à réaliser et en partant de l'hypothèse que la proportion de 2,5 p. 100 à 3 p. 100 est assez exacte.

• 1115

Enfin, si la substance de l'engagement doit se concrétiser, elle devrait être versée aux fournisseurs de contenus, aux réseaux de diffusion tant internationaux que nationaux, car c'est là que se trouvent les plus grands consommateurs de produits de l'imagination individuelle et collective des Canadiens.

Les sommes réservées aux contenus peuvent paraître imposantes, mais seulement quand elles sont comparées au budget de base, qui est maintenant insuffisant. Il faut plutôt les comparer aux sommes deux fois plus importantes qui sont consacrées aux produits comme tels par l'un ou l'autre des grands conglomérats internationaux, comme Time Warner, Disney ou Viacom.

Si nous investissons massivement dans le contenu culturel et si les décideurs du milieu commercial et du milieu politique savent en guider l'utilisation de façon compétitive, le Canada aura saisi une occasion sans pareille de jouer un rôle de chef de file sur la scène internationale. Évidemment, si les fonds sont réaffectés de manière à vraiment privilégier le contenu, toute l'infrastructure actuelle d'organismes qui estiment qu'ils ont déjà leur rôle à jouer à cet égard devra être réexaminée, et il faudra remédier au manque de coordination et de concertation qui caractérise l'orientation de notre politique culturelle.

Les distingués membres du comité savent que nous sommes les mieux placés pour saisir l'occasion qui s'offre à nous et relever le défi d'entraîner dans cette aventure nos partenaires, les pays développés et les pays en voie de développement. Nous sommes assez riches pour cela. Notre histoire, notre géographie et notre population nous ont placés à l'avant-garde. Nous possédons les langues, la technologie, l'expérience et les connaissances requises. Nous avons de grands liens d'amitié avec les États-Unis et nous avons la chance d'avoir de nombreux autres amis qui respectent ce que nous voulons faire.

Pensez-y. C'est un grand défi et une occasion formidable.

Dans l'intervalle, je tâcherai de répondre à vos questions après que mon collègue vous aura présenté son exposé. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ostry.

[Français]

Monsieur Sauvageau.

M. Florian Sauvageau (professeur à l'Université Laval): Monsieur le président, je veux d'abord vous remercier de votre invitation et de votre flatteuse présentation. C'est toujours compliqué pour celui qui doit faire un exposé quand la présentation est trop généreuse et que les attentes sont trop grandes.

Je voudrais faire deux commentaires généraux et les développer un peu par la suite. Je serai peut-être un peu plus long que M. Ostry. J'admire toujours ceux qui arrivent à dire des choses importantes en peu de temps. Je l'ai fait à une époque où c'était moins important, quand j'avais à répéter les choses des autres puisque j'étais journaliste. Depuis que je suis à l'université, j'ai énormément de difficulté à faire court. J'espère que les membres du comité me pardonneront.

J'ai toujours quelque crainte quand on prépare l'avenir. À lire les questions que vous nous avez posées, il est bien évident que vous essayez de préparer, dans le secteur culturel, le XXIe siècle qui n'est plus très loin, et quand même dans une perspective à plus long terme.

La crainte que j'ai, c'est qu'en préparant l'avenir, on oublie le présent. La crainte que j'ai, c'est qu'on fasse de la futurologie. Or, la technique, qui est un des sujets dont vous nous avez demandé de parler, se prête bien aux scénarios de futurologie, alors que, comme nous l'a appris le prospectiviste français Bertrand de Jouvenel, qui distinguait bien la futurologie de la prospective, l'avenir s'enracine dans le présent. Si, en préparant l'avenir, on néglige le présent, on risque d'avoir des problèmes demain.

Dans un instant, je vais expliquer ce que j'entends par là, quand je vais un peu élaborer sur la technique et les scénarios qu'on nous annonce et la réalité telle qu'elle est.

Vous avez parlé dans votre présentation de la mondialisation et de la libéralisation du commerce. Je pense qu'on ne peut plus maintenant préparer de politiques culturelles sans s'interroger justement sur la mondialisation. Les politiques culturelles, comme l'ensemble des politiques et le rôle de l'État, sont remises en cause par la mondialisation parce que, comme vous le savez mieux que moi, la mondialisation est bien plus qu'une affaire commerciale.

• 1120

Je pense aussi que même si les apôtres de la mondialisation récusent l'idée même d'idéologie, la mondialisation est une idéologie. C'est l'idéologie du marché, l'idéologie du consommateur souverain, ce qui entraîne le recul de l'État parce que l'État est perçu comme un obstacle à la souveraineté du consommateur. Il me semble pourtant que le service public reste toujours aussi essentiel qu'il l'a été dans le passé et qu'un certain nombre d'activités sociales et culturelles doivent échapper à la logique du marché.

Le problème, c'est que le service public, dans le secteur culturel par exemple, refuse souvent d'évoluer et de s'adapter à la nouvelle conjoncture.

Donc, venons-en à mon premier point, la technique. Monsieur le président, quand vous m'avez présenté, vous avez parlé du rapport Caplan-Sauvageau. Dans ce rapport, nous citions le scientifique américain Vannevar Bush. J'ai beaucoup utilisé cette citation depuis 10 ans parce que durant tout ce temps, j'ai essayé à plusieurs reprises de mettre en garde contre ce que j'appelle l'euphorie technologique.

Je ne suis pas non plus un somnambule technologique, selon la dichotomie que fait Neil Postman ou la distinction qu'il établit entre les euphoriques et les somnambules. Je sais bien que la technique change le monde, mais Vannevar Bush nous a bien dit qu'on surestime toujours l'impact à court terme de la technologie et qu'on sous-estime son impact à long terme. On pourrait multiplier les exemples d'annonces dans le secteur des communications qu'on nous a faites depuis une quinzaine d'années à propos de choses que, dans certains cas, on attend toujours, et d'autres choses qui se produiront sans doute un jour ou qui se sont déjà produites, mais différemment de ce qu'on nous avait annoncé.

Un très bon exemple, c'est celui des satellites de diffusion directe. En 1983, pour tenir compte de cette menace des satellites de diffusion directe, on a remodelé les politiques au ministère des Communications. C'est que, en effet, au coin de la rue, c'est toujours pour demain qu'on nous annonce les changements technologiques alors que souvent, ils ne se produisent qu'après-demain ou après après-demain. Tout cela parce qu'au coin de la rue, il y avait des satellites de diffusion directe qui, à partir des États-Unis, allaient nous inonder de culture américaine et balayer la culture canadienne déjà suffisamment en difficulté.

C'était en 1983; nous sommes en 1997 et c'est tout récemment que... Bon, il y a bien sûr le marché gris. Vous vous rappellerez les débats tenus sur les deathstars. Et pourtant, les satellites canadiens viennent tout juste de démarrer et vous savez avec quelle difficulté.

C'est un peu la même chose avec la convergence: le téléphone qui va faire de la télévision et le câble qui va faire du téléphone et les 500 canaux. Les 500 canaux, on nous les annonce, mais on les attend toujours. On n'a même pas la capacité technique actuellement pour diffuser tous les canaux spécialisés qui ont obtenu des permis du CRTC. Alors, on est bien loin des engouements et de l'euphorie. Il y a bien sûr des tests de Bell Canada en cours pour distribuer la télévision, mais quand la télévision distribuée par les lignes téléphoniques et par Bell Canada adviendra-t-elle? Je ne le sais pas.

Je voudrais vous donner rapidement un exemple d'euphorie technologique. Northern Telecom annonçait il y a quelques années, en 1989, lors d'une grande conférence de presse à Montréal, qu'on connaîtrait bientôt ce qu'ils appelaient l'octonunérique universel. Je vous lis un extrait du communiqué de l'époque, repris évidemment par les journalistes qui sont toujours les premiers à se laisser séduire par l'engouement technologique.

Le journaliste de La Presse prédisait qu'après 1995, le client de Bell pourrait commander chez lui le film, le concert rock ou la banque de données de son choix. «Imaginez», ajoute la publicité de Northern, «que tous ces avantages seront disponibles dans tous les foyers canadiens dans quelques années à peine». C'était en 1989. On est loin du compte en 1997.

Je pourrais rappeler le cas de Télidon qui était aussi pour le lendemain. On pourrait multiplier les exemples de cet ordre.

Personne ne sait, et c'est là que le bât blesse pour les chantres de la technique, ce que les consommateurs feront et comment, par exemple dans le cas d'Internet, ils équilibreront le temps et l'argent entre l'audiovisuel traditionnel et les nouveaux médias.

• 1125

Il est bien possible qu'à travailler toute la journée à partir d'Internet, à travailler sur des bases de données, à étudier à partir d'Internet, quand viendra la période de loisirs, on ait envie d'autre chose que d'Internet. Je ne le sais pas. Tout ce que je dis, c'est que personne ne le sait et qu'on avance des choses comme des certitudes, alors qu'on ne sait pas ce qui va se passer.

Il pourrait bien arriver, et c'est peut-être ce que Hollywood est en train de faire en multipliant les salles grand écran où le spectateur sera envoûté dans un nouvel environnement visuel, que si on passe la journée chez soi à travailler devant son ordinateur, on ait envie le soir d'aller un peu s'évader à l'extérieur et que le cocooning qui a marqué les années 1990 soit remplacé—encore une fois, je fais des hypothèses, mais je n'affirme rien, alors que d'autres affirment le savoir—par des loisirs à l'extérieur, dans des grandes salles, pour faire autre chose que de regarder son écran à la maison.

Par contre, pendant ce temps, pendant qu'on annonce l'avenir, on multiplie les canaux spécialisés. On adopte au Canada le modèle américain, parce que nos canaux sont des répliques, des copies des modèles américains. On oublie de réfléchir alors qu'on est obnubilés par les produits américains. On oublie de réfléchir sur les modèles américains qu'on adopte de plus en plus alors que nos réalités sont complètement différentes de celles des États-Unis, sans se soucier des conséquences sur la démocratie de la multiplication des canaux. Les médias de masse, s'ils ont contribué à la consommation de masse et s'ils en sont le vecteur principal, sont aussi un outil essentiel de rendez-vous collectifs, essentiels à la vie démocratique.

Voilà pour la technologie. J'en arrive à la mondialisation et je fais vite. L'horizon de l'an 2000 est pour bientôt. On parle beaucoup ces temps-ci de l'Accord multilatéral sur l'investissement dont on discute à l'OCDE. Il ne faudrait pas oublier non plus que les discussions vont reprendre à l'Organisation mondiale du commerce, qu'on va recommencer à parler de l'exception culturelle là aussi, que les Américains n'ont jamais abandonné la partie, même si en 1993 on a accepté cette «exception culturelle». Il se profile chez eux à l'horizon—car il y a du vrai dans les changements techniques, dans le multimédia, etc.—une bataille industrielle et commerciale énorme et ils ne vont pas aisément abandonner la partie.

Ce que je pense personnellement de la mondialisation et de l'exception culturelle, c'est que nous avons grand besoin de clarifier nos politiques culturelles. C'est évident qu'il y a une énorme ambiguïté dans ces discussions. Les Américains n'accordent pas aux industries culturelles et aux produits culturels la même valeur que nous. Pour eux, c'est du divertissement, de l'entertainment. Pour nous et pour d'autres d'ailleurs, comme pour la France, c'est de la culture. Si l'on tient à ce que l'exception culturelle demeure, les dimensions culturelles et les retombées culturelles de nos politiques culturelles doivent être beaucoup plus évidentes.

Depuis 15 ans, l'aspect économique prévaut. Il y a deux aspects dans les médias et les industries culturelles: l'aspect économique et l'aspect culturel. On avait toujours au Canada, me semble-t-il, jusqu'au milieu des années 1980, réussi à maintenir un équilibre entre la dimension culturelle et la dimension économique dans le secteur des médias et des industries culturelles.

Je pense que l'équilibre s'est rompu et que des politiques visant par exemple à mettre en place des répliques des canaux spécialisés américains sont mal acceptées. Je peux comprendre que les Américains ne saisissent pas exactement les retombées culturelles qui découlent de la rediffusion, par MuchMusic et Musique Plus, des mêmes clips que MTV. Je peux comprendre qu'ils aient du mal à saisir le sens profond de la dimension culturelle de ces politiques.

On a fait la promotion des politiques économiques et industrielles et on les a augmentées. Pendant ce temps-là, on a assisté au déclin des institutions culturelles. On a fait la promotion des industries culturelles alors que les institutions culturelles que sont Radio-Canada, l'Office national du film et le Conseil des arts connaissaient un déclin. Or, ce sont les retombées culturelles de ces institutions qui sont évidentes et qui nous permettraient de plaider en faveur de l'exception culturelle.

• 1130

Il me semble d'ailleurs que ce comité devrait avoir des liens très étroits avec le Comité des affaires étrangères, qui discute des politiques culturelles internationales. C'est tellement lié maintenant. Il me semble qu'on a d'une certaine manière, dans le secteur culturel—et je rejoins ce qu'a dit M. Ostry là-dessus—, perdu le sens du service public. Je me demande même si nos grandes institutions culturelles sont récupérables ou si le dommage n'est pas irréparable. Je pense que dans le cas de l'Office national du film, par exemple, le dommage est irréparable.

Il faut donc retrouver le sens du service public ou revoir nos institutions culturelles pour qu'elles correspondent à la nouvelle réalité ou recréer des institutions culturelles qui correspondent au contexte actuel.

À mon avis, c'est là le sens du petit livre que j'ai laissé à M. Radford, le greffier. Tout cela, c'est un enjeu démocratique parce que les médias et les industries culturelles sont liés à la vie démocratique. Si la mondialisation met en péril nos institutions culturelles, d'une certaine manière, elles mettent aussi en péril la vie démocratique.

Je vous remercie de votre attention et, bien sûr, j'espère que nous aurons un dialogue fécond.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ostry et monsieur Sauvageau. Nous entendrons d'abord M. Abbott.

[Traduction]

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Merci beaucoup.

Messieurs, vous nous avez donné amplement matière à réflexion ce matin. Vous avez été à la hauteur de la réputation qu'on vous a faite. Je me demande si vous pourriez m'aider et aider peut-être le comité en nous présentant une définition. Je veux d'abord vous situer dans le contexte.

Il n'y a qu'à voir ce que font les Time Warner et les Disney et l'influence envahissante de ce que j'appelle l'impérialisme culturel américain pour se rendre compte de ce dont il s'agit ici. Nous comprenons, par exemple, la différence entre le magazine Maclean's et le magazine Time. J'ai toutefois du mal pour ma part à définir exactement ce dont nous parlons. Pourriez-vous m'aider à définir ou à décrire la culture canadienne?

Si nous ne quantifions pas, si nous ne décrivons pas de façon précise ce que nous essayons de faire ici, si nous ne le définissons pas de façon claire pour que tous ceux qui sont ici dans la salle et tous les membres du public sachent exactement ce que nous voulons améliorer, ce que nous voulons faire avancer, nous ne ferons que tourner en rond.

Peut-on dire, par exemple, que le Royal Winnipeg Ballet est un élément de la culture canadienne? Une émission country est-elle un élément de la culture canadienne? Qu'est-ce qui entre là-dedans au juste? Une course de voitures destinées à la ferraille à l'Exposition canadienne centrale est-elle un élément de la culture canadienne? Je trouverais très utile que vous puissiez nous aider à définir ce que nous essayons de faire.

Nous parlons de services publics et d'institutions culturelles. M. Ostry a parlé de la culture comme étant d'importance marginale, sinon anodine, pour les gouvernements, par exemple. Cependant, tant que nous ne définirons pas de façon précise le mot «culture», notamment la culture—allons-y pour l'adjectif—canadienne, je crois que nous pourrions tous aller dans des directions différentes. Pourriez-vous m'aider à définir la culture?

Le président: Vous posez la question aux deux témoins?

M. Jim Abbott: Oui, s'il vous plaît.

Le président: Monsieur Ostry.

M. Bernard Ostry: Je peux répondre à la question d'une façon qui me satisfait, moi, mais je ne sais pas si je peux le faire de façon à vous satisfaire. Dans le document que j'ai remis au greffier, je donne une définition de la culture, qui est celle que j'ai utilisée dans mon livre intitulé The Cultural Connection. Il s'agit d'une définition générale, sociologique, universelle.

Si je vous disais que, quand vous êtes né, c'est l'univers que vous avez respiré avec votre première respiration et que votre culture a sans doute débuté après votre 28e semaine de gestation, vous vous rebifferiez parce que vous ne pourriez pas demander comment cela se comparerait avec tel ou tel produit de Time Warner. Je crois que le problème tient à la difficulté d'accepter les valeurs culturelles générales qui se dessinent avec le temps dans une collectivité, une région et une société.

• 1135

Pour ce qui est des exemples précis que vous avez donnés, le Royal Winnipeg Ballet, qui a fait faire de grands bonds à la profession, qui a réuni des sommes considérables et qui a su inspirer les gens de Winnipeg et qui s'est aussi produit dans différents endroits du monde, où il a été très apprécié, est effectivement un produit canadien, même si la majeure partie de la musique et certaines des chorégraphies qu'il utilise se trouvent être d'origine étrangère.

Je ne sais pas si le Maclean's et le Time sont très différents pour ce qui est de leur présentation, mais le contenu des deux magazines est la raison pour laquelle nous avons adopté le C-58, et c'est pour cela que nous avons le Maclean's aujourd'hui. Nous n'aurions pas tout ce que nous avons si on n'avait pas pris des mesures législatives. Je ne sais pas ce que je peux vous dire d'autre pour décrire ma définition de la culture, qui ne correspond sans doute pas à la vôtre, si ce n'est de vous renvoyer à ce que j'ai dit et à ce que j'ai écrit.

M. Jim Abbott: Avant que le professeur ne réponde, je pourrais peut-être préciser un peu la discussion en citant l'exemple de Bryan Adams et l'enregistrement pour lequel on a jugé qu'il n'était pas suffisamment canadien selon les critères appliqués à la radiodiffusion. Voilà ce à quoi je veux en venir. Il me semble qu'il faut définir ce qu'est la culture canadienne pour que ce genre de chose ne se reproduise pas.

Monsieur le professeur?

M. Florian Sauvageau: N'essayez pas, s'il vous plaît, de définir ce qu'est la culture canadienne.

Nous avons tenu vendredi dernier au Musée des civilisations un symposium sur le sujet des «modèles» dans le domaine de la télévision et de l'enregistrement sonore. Pendant longtemps au Québec, nous avions à la télévision française ce qu'on appelait les téléromans, qui ont toujours été considérés comme le meilleur exemple de l'identité nationale de la société québécoise parce que ces téléromans avaient pour cadre Montréal ou Québec. Il y était question de nos problèmes, des problèmes d'autrefois et de ceux d'aujourd'hui.

Depuis sept ou huit ans, les téléromans cèdent de plus en plus la place aux téléfilms. Les téléromans étaient réalisés en studio, et il s'agissait d'émissions très originales, non pas seulement par le contenu, mais aussi par la forme. De nos jours, nous utilisons la forme américaine, le montage se fait à l'américaine. C'est très rapide, et les images sont présentées en succession très rapide. Étant donné qu'on s'inspire maintenant du modèle américain, bien des gens se demandent si ces téléséries sont toujours des émissions canadiennes ou québécoises. Nous avons tenu un débat là-dessus vendredi dernier.

De manière générale, je crois qu'au fil des ans nous avons trop insisté sur le contraste entre la culture canadienne et la culture américaine.

Pour ma part, j'aurais peut-être autant de mal à accepter une émission commerciale canadienne qu'une émission américaine. Je vous donne un exemple. Au Québec, nous avons certains animateurs de lignes ouvertes—on ne peut guère les qualifier de journalistes—qui sont au moins aussi mauvais que Howard Stern, sinon pires. Quant à moi, j'estime que nous nous en sommes tellement pris à Howard Stern, au cours des trois ou quatre derniers mois, depuis septembre, que nous sommes en train d'oublier que nous avons nos propres Howard Stern.

• 1140

Quand je parle de démocratie, j'essaie de faire comprendre qu'au Canada nous n'avons jamais essayé de dresser un mur entre les Américains et nous. Nous avons toujours essayé de permettre à nos créateurs, à nos artistes, de s'exprimer. Nous avons voulu accorder la liberté de choix entre les produits américains et les nôtres.

Pour diverses raisons, j'ai l'impression que nous avons de moins en moins de choix, que nous nous inspirons de plus en plus du modèle commercial américain et que nos émissions sont moins originales, parce que la plupart de nos médias ont une vocation de plus en plus commerciale. Le souci du profit est de plus en plus le facteur qui motive nos médias.

Je crois qu'il faudrait essayer à l'avenir... Ce n'est pas que je veuille insister, comme on le faisait auparavant sur les différences entre les cultures canadienne et américaine, mais j'estime qu'il faudrait essayer de bâtir un espace où les téléspectateurs, les auditeurs et les lecteurs canadiens puissent avoir accès à autre chose que des modèles commerciaux, créer un espace où nous pourrions discuter de ce qui nous intéresse, nous, comme nous avons essayé de le faire par le passé. Comme j'ai essayé d'expliquer dans mon exposé, l'équilibre qui existait autrefois a été rompu.

Dans notre petit livre, nous avons essayé d'orienter les débats pour mettre l'accent sur l'opposition, non pas entre culture canadienne et culture américaine, mais entre intérêt commercial et choix démocratique.

J'espère avoir bien expliqué ma position; sur des questions aussi précises, il est très difficile de s'expliquer clairement en anglais.

Le président: Je crois que vous avez indiqué très clairement votre position. Nous semblons tous comprendre exactement ce à quoi vous voulez en venir.

Madame St-Hilaire.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Tout d'abord, je remercie M. Ostry et M. Sauvageau pour leurs présentations.

Vous avez beaucoup parlé d'exportations et des problèmes que nous avons avec les États-Unis. Pouvez-vous me dire si vous favorisez l'exportation ou si vous pensez qu'il est préférable pour le Canada d'améliorer ses productions locales? Quelle est votre position par rapport à l'exportation? Est-ce que vous pensez qu'il vaudrait mieux que l'État intervienne davantage dans les productions locales, dans le développement des talents d'ici?

M. Florian Sauvageau: L'exportation, à mon avis, est un des grands problèmes. Les politiques ont commencé à changer quand on a vu se développer, au milieu des années 1980, un marché mondial de l'audiovisuel. On a voulu prendre une part du marché mondial de l'audiovisuel et on a décidé que la façon de prendre une part du marché mondial de l'audiovisuel était de créer des producteurs indépendants forts. C'est à partir de là, à mon avis, qu'a commencé le démantèlement de Radio-Canada.

Je ne dis pas qu'il fallait garder toute la production à l'intérieur de Radio-Canada, mais il y a dans le service public, à Radio-Canada comme dans les hôpitaux et comme dans l'éducation, une façon de faire avec la qualité pour souci principal. La qualité, ça prend du temps.

Dans le cas de la production indépendante, le souci principal, et c'est un souci tout à fait légitime, c'est la rentabilité. Parfois, qualité et rentabilité ne vont pas nécessairement de pair. Je pense qu'en insistant tellement sur l'exportation, sur la nécessité de promouvoir l'exportation avec des producteurs indépendants, on a peu à peu dépouillé le secteur public.

• 1145

Téléfilm a d'ailleurs joué un rôle important dans le dépouillement du secteur public au profit de la production de Radio-Canada qui était confiée à des indépendants pour créer des indépendants forts. C'était la volonté à ce moment-là.

Cela, justement, c'est l'argument économique, l'argument industriel. Je ne dis pas qu'il faut l'abandonner, mais quand on a dit, dans les années 1980, que la culture allait dépendre—et je cite presque mot à mot ce qu'on a dit—d'une base industrielle solide, je pense que d'une certaine façon, on s'est trompé.

Regardez le réseau français. Je vais vous donner deux exemples de téléséries de cette année qui sont faites pour le marché étranger: Paparazzi et Diva. Une série porte sur les photographes, les paparazzi, et l'autre sur les top-modèles. Il n'y a pas de paparazzi au Québec ou très peu, et il n'y a pas non plus de top-modèles. Les top-modèles québécoises ou canadiennes s'en vont à New York ou à Paris si elles veulent faire carrière.

Pourquoi est-ce que l'on choisit ce genre d'histoires, alors que par le passé, on racontait des histoires locales, des histoires liées à notre problème de construction d'identité? Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'émissions qui correspondent à l'identité, car elles existent.

Pour exporter, on doit trouver des sujets qui intéressent la scène internationale. Un téléroman ou un documentaire qui se passe à Sudbury ou à Kelowna ne se vendra pas facilement sur le marché international. Je pense à une télésérie qui raconte l'entre-deux-guerres dans Charlevoix et qui a eu tant de succès chez nous, Le temps d'une paix. Elle risque aussi de ne pas tellement se vendre sur la scène internationale.

Si on produit pour l'étranger, on va cesser de produire pour nous. Ainsi, notre télévision ou notre cinéma va contribuer de moins en moins, non seulement à l'identité mais aussi à la vie démocratique, parce que le cinéma et la télévision sont autant un outil démocratique que le journalisme. Les problèmes d'une société ne s'exposent pas seulement par les journalistes dans les bulletins de nouvelles, mais ils peuvent aussi être fort bien expliqués, fort bien compris par le public grâce à un téléroman, un téléfilm ou un film.

C'est là le divorce entre l'exportation et la culture. L'exportation, c'est très bien sur le plan économique, mais ce n'est pas cela qui va contribuer à la vitalité de la vie démocratique dans la société.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ostry, voulez-vous répondre à la question?

M. Bernard Ostry: Je ne pense pas pouvoir ajouter grand-chose, mais j'essaierai de distinguer ma réponse de celle de Florian de la façon suivante. D'après mon expérience, les créateurs—je ne parle pas ici des journalistes, mais bien des créateurs, comme les romanciers, les écrivains, les compositeurs, les chorégraphes et tous ceux qui créent des produits culturels—créent pour un auditoire. Certains créent peut-être pour eux-mêmes, mais ils sont très peu nombreux.

Je n'ai jamais rencontré d'artiste ou de créateur qui ne souhaitait pas élargir son auditoire. Dans le contexte de la mondialisation, cela veut dire l'élargir à l'échelle de la planète. Je ne pense vraiment pas que Margaret Atwood, Alice Munro ou Mordecai Richler écrivent des histoires au sujet du sud de l'Ontario, de l'est de Montréal ou de Sudbury... sauf qu'ils sont eux-mêmes Canadiens, mais le produit qu'ils essaient de créer est destiné au plus large auditoire possible. Il en est de même pour les compositeurs.

Je pense donc qu'il faudrait—la direction suivie est la même—distinguer ce que veulent faire ceux qui créent et ce que veulent ceux qui font partie d'une industrie compétitive dans une société ou un pays où le marché qui permet de récupérer les coûts de cette création est très limité.

Ainsi, l'industrie cinématographique américaine consacre en moyenne entre 12 millions de dollars et 13 millions de dollars par film. Nous entendons parler de certains films qui ont coûté 125 millions de dollars, mais la moyenne se situe entre 12 millions de dollars et 13 millions de dollars. En Grande-Bretagne, elle se situe aux alentours de six millions de dollars. En France, elle est d'environ cinq millions de dollars. Au Canada, on aurait beaucoup de mal à obtenir plus que un ou deux millions de dollars pour un film.

• 1150

Si nous voulons être compétitifs, nous devons chercher à voir comment nous pouvons investir là-dedans et déterminer si nous avons les moyens d'investir. Sinon, aussi bien se retirer du marché.

Si vous le permettez, monsieur le président, je crois que la question qu'a posée M. Abbott au sujet de la définition de la culture est très importante, parce qu'elle est liée aux aspects politiques de la culture telle qu'elle est perçue de l'extérieur. Les gens doivent comprendre de quoi il s'agit. La culture, c'est quelque chose de complexe; c'est pourquoi il est si difficile de la faire accepter à un grand nombre de personnes de l'extérieur. C'est pourquoi les gens ne se bousculent pas au portillon pour presser leur député d'accorder des crédits supplémentaires pour la culture. Si toutefois nous mettons de côté les danseurs de Winnipeg, par exemple, et que nous nous demandons...

Nous avons l'assurance-maladie. Nous avons une industrie médicale importante au Canada. Nous avons beaucoup de médecins. Nous avons une vision particulière des soins à donner à la population. Cette vision n'est pas la vision américaine. Ce n'est pas non plus la vision de l'Europe occidentale. C'est une vision canadienne des soins à donner aux Canadiens.

Nous avons des forces armées. Cependant, notre politique n'est pas celle des États-Unis. Nous avions le même matériel que les Américains, mais nous avons participé à la guerre contre l'Allemagne dès sa déclaration en Europe. Les Américains n'y ont participé que lorsqu'ils ont été bombardés.

Voilà des différences d'ordre culturel. Il peut être difficile de les expliquer, mais les gens de notre pays sont différents à cause de leur environnement et de la nature de la société. Le Canada a été en avance sur les États-Unis dans toute une foule de domaines, à cause de ses différences culturelles par rapport aux États-Unis. Le Canada n'est pas tellement en avance sur le plan de la technologie, mais il l'est sur celui de la participation, domaine que les Américains ont tout d'abord découvert dans leurs institutions universitaires. Il est en avance sur toute la question du multiculturalisme, où il y a évidemment des hauts et des bas selon l'évolution politique au Canada, mais dont les Américains découvrent l'importance cruciale. Le Canada est en avance dans sa façon de traiter avec ses groupes autochtones et indigènes.

Voilà certains aspects des différences culturelles. Elles ne sont pas définissables en chiffres, pour que le CRTC attribue des points. Voilà une autre question, quasi juridique, qui concerne la façon de mesurer tel ou tel phénomène. Mais c'est là une question de mesure, non pas de définition.

Je ne m'attarderai pas davantage, mais il s'agit selon moi d'une question extrêmement importante.

Le président: Monsieur Muise.

[Français]

M. Mark Muise (West Nova, PC): Tout d'abord, je voudrais remercier nos deux invités pour leurs excellentes présentations.

[Traduction]

Nous discutons depuis un certain temps de l'AMI et des exemptions culturelles. Je continue pour ma part de m'interroger sur l'importance de cette exemption culturelle et la manière d'en assurer le respect.

Lorsque nous avons discuté par le passé de nos technologies et de leur évolution, nos politiques culturelles visaient essentiellement à appuyer des biens culturels tangibles comme les livres et les magazines. À l'heure actuelle, de plus en plus, nos biens culturels prennent la forme d'objets virtuels. On peut obtenir aujourd'hui des magazines comme Maclean's ou Saturday Night sur Internet. Les journaux peuvent être distribués par voie électronique. Comment considérer ces produits culturels en direct? Nous arrivons à peine à en suivre l'évolution, encore moins à exercer un contrôle sur eux. Je me demande comment nous pouvons avoir une politique culturelle qui aura des dents face à ces produits culturels que nous arrivons à peine à maîtriser. C'est une question que je tente de cerner.

J'adresse donc ma question aux deux témoins.

M. Bernard Ostry: Mon épouse est experte en matière d'AMI; je ne le suis pas. Je confesse mon ignorance sur les questions d'économie qui concernent l'OCDE ou l'OMC. Autrement, mon mariage n'aurait pas duré.

• 1155

Selon mon optique, il faut s'abstenir de penser à l'exercice du contrôle. Je ne crois nullement—et Florian n'est peut-être pas d'accord dans une certaine mesure—que l'on puisse exercer un contrôle sur ce dont vous parlez. Cela ne veut pas dire que nous devons être des esclaves. Tout dépend de la manière d'agir en matière d'exercice du contrôle.

Selon moi, si l'on souhaite participer à Internet et à la culture populaire, ou assurer une présence dans certains créneaux spécialisés, on doit pouvoir compter sur des producteurs et des distributeurs. Dans un pays à faible population et à marché restreint, c'est absolument nécessaire, il faut participer au marché mondial; et pour ce faire, il faut être prêt à dépenser. C'est incontournable. Il faut dépenser de l'argent pour être en mesure d'être concurrentiel, d'avoir une masse critique sur le plan de la production. Il faut être à la hauteur des Hollywood de ce monde.

Et que dire des impératifs du marché lorsque les Indiens et les Chinois y participeront. Le marché qui nous inquiète, celui des États-Unis, est somme toute assez restreint. Nous nous y intéressons à l'heure actuelle à cause de la similitude linguistique pour les deux tiers de notre population. Mais il faut savoir que la barrière linguistique ne va plus être un obstacle très considérable à assez brève échéance. En dépit des prédictions de certains, c'est bien ce que je prétends.

Évidemment, si on souhaite passer à l'écran, il faut bien financer la production du logiciel.

[Français]

Le président: Monsieur Sauvageau.

M. Florian Sauvageau: Dans les questions que vous nous avez envoyées, on définit les diverses possibilités d'intervention de l'État: légiférer, réglementer, agir comme propriétaire et exploitant ou alors comme parrain ou partenaire. Ce sont les formes classiques d'intervention de l'État.

Si on veut schématiser davantage, il y a deux possibilités pour l'État d'intervenir: de façon négative ou de façon positive.

Je ne suis pas non plus tellement sympathique à l'idée de l'intervention négative, c'est-à-dire d'empêcher les autres. Au fond, ce que vous dites, c'est qu'avec Internet, les quotas canadiens ne sont plus possibles. Vous dites en quelque sorte que les règles de contenu canadien sont abolies par l'Internet, par la technique. En fait, il n'y a plus de frontières.

Je reviens à ce que j'ai dit au départ. Ce n'est pas pour demain, cela non plus. Alors, il ne faut pas tout de suite abolir les règles de contenu canadien. Je voyais dans le journal la semaine dernière que cela augmente rapidement, mais aussi qu'il y a seulement 13 p. 100 des ménages, selon les dernières données de Statistique Canada, qui ont accès à Internet. De plus, cela varie d'une province à l'autre. C'est plus élevé en Colombie-Britannique et moins élevé au Québec. Alors, il ne faut pas croire que dès demain matin, tous les citoyens vont être branchés sur Internet.

Malgré cela, j'aime mieux l'intervention positive de l'État. L'intervention positive de l'État, c'était Radio-Canada, le Conseil des arts. Je pense qu'il faut revoir l'intervention positive de l'État dans le contexte de ce que vont devenir les médias.

Est-ce qu'au Canada, on veut adopter le modèle de développement des autoroutes de l'information proposé par le président Clinton et le vice-président Gore? La stratégie américaine de développement des autoroutes de l'information, c'est de dire que c'est le secteur privé qui va développer les autoroutes de l'information. La stratégie américaine de développement des médias dans le passé était de dire que c'était le secteur privé qui devait développer la télévision. La télévision aux États-Unis, c'est commercial. PBS, c'est une toute petite part de la télévision américaine. Au Canada, on a dit qu'on n'adoptait pas le modèle commercial, mais le modèle mixte.

Qu'est-ce qu'on fait maintenant avec la nouvelle technologie? Il est vrai qu'Internet, c'est une nouvelle technologie, mais la radio, dans les années 1920, c'était aussi une nouvelle technologie. Le discours qu'on tenait vis-à-vis de la radio dans les années 1920 peut être le même dans les années 1990 pour la nouvelle technologie.

• 1200

Est-ce qu'on veut, au Canada, suivre le modèle américain, ce qu'on n'a pas fait dans le passé pour les technologies qu'on appellerait maintenant les vieilles technologies? Est-ce qu'on veut continuer dans la voie de l'histoire canadienne ou adopter une toute nouvelle loi qui est uniquement celle du marché? C'est ça, la question. Est-ce que le service public a encore un rôle à jouer? Et comment imaginer le rôle du secteur public vis-à-vis d'Internet? C'est ça, la question qu'on doit se poser maintenant.

Je pense qu'il faut absolument, et là je suis d'accord avec M. Ostry, si on veut être fidèle à la tradition canadienne, dire qu'il y a une place pour le secteur public dans Internet. Peut-être que notre société a changé à un point tel qu'on ne veut pas être fidèle à un passé qui, pourtant, nous a bien servis, je pense. Je pense que la tradition canadienne a beaucoup plus d'aspects positifs que d'aspects négatifs. Est-ce qu'on veut accepter la rupture brutale que propose la libéralisation du commerce? C'est ça que propose la libéralisation du commerce. C'est une rupture brutale avec les traditions du passé. Est-ce que c'est ce que l'on veut, ou bien est-ce que l'on veut continuer dans l'esprit de ce qu'on a toujours fait?

Je pense que c'est en ces termes-là qu'il faut poser les questions, et non pas en se demandant si on peut résister à la technique. On aurait pu dire aussi, dans les années 1920, que les ondes américaines allaient se répandre partout au Canada et qu'on ne pouvait rien faire. On n'a pas dit cela. Je pense qu'on baisse les bras trop facilement devant le rouleau compresseur de la mondialisation, alors qu'il faudrait se poser des questions.

[Traduction]

Le président: Je tiens à dire aux membres du comité qu'il nous reste environ une heure. Nous allons terminer le premier tour de questions, monsieur Mills, après quoi, cependant, de nombreuses personnes voudront prendre la parole: Mme Bulte, M. O'Brien, M. Obhrai, M. Godfrey, M. Bélanger et M. Lowther.

Monsieur Mills.

M. Dennis Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Ostry, votre expérience des cultures politique et bureaucratique de cette ville-ci et du gouvernement national est immense. Comment se fait-il donc que la majorité des hommes et des femmes politiques ainsi que des principaux sous-ministres traitent la culture comme si elle était de peu d'importance, le moment venu de la promouvoir ou de la soutenir par une politique financière ou budgétaire qui ferait en sorte que la culture puisse véritablement avoir les effets qu'elle doit avoir sur la collectivité et sur le pays?

M. Bernard Ostry: Si je connaissais la réponse à cette question, j'aurais pu être beaucoup plus efficace dans mon travail.

M. Dennis Mills: J'ai eu l'occasion de réfléchir à cette question dernièrement. La chose est d'une extrême importance pour ceux d'entre nous qui s'efforcent de faire preuve d'initiative et de détermination dans ce domaine. Peut-être que, grâce à votre expérience, vous pourrez nous dire comment nous pourrions déblayer le terrain.

M. Bernard Ostry: Si j'ai parlé du rôle de chef de file que peuvent jouer les premiers ministres fédéral et provinciaux, ce n'est pas à cause d'une idéologie ou d'une théorie que j'ai pu concocter. C'est à cause de ce que j'ai pu comprendre de l'histoire du développement de la culture au Canada. Les pressions ne sont pas venues du mouvement syndical ou des agriculteurs. Elles ne sont pas venues des grandes masses. Elles sont venues d'une ou deux personnes qui ont convaincu un nombre également restreint de personnes qui, à leur tour, ont convaincu le premier ministre d'une province ou du pays d'agir, ce qu'il a fait, sans être nécessairement particulièrement intéressé par la question.

Il faut donc se demander comment convaincre un premier ministre de jouer un rôle de chef de file. Sans avoir une connaissance intime du premier ministre, je sais tout au moins qu'il est le premier ministre. Permettez-moi de vous dire que le progrès a bien souvent été accidentel. Les historiens et les universitaires pourront peut-être vous donner l'impression qu'il s'agit d'une évolution naturelle, mais, dans la plupart des cas, ce sont, d'après moi, des circonstances fortuites comme un décès ou une conversation à bâtons rompus dans la rue, ici à Ottawa, qui ont mené à la création du Conseil des arts, ou de la série d'événements qui, entre 1929 et 1932, ont déterminé l'avenir de Radio-Canada ou d'autres institutions. Dans une bonne mesure, tout cela est arrivé par accident.

• 1205

Pour la période où j'étais présent, où l'on sentait une oreille plus sympathique, je suppose que si le ministre de l'époque, un homme extrêmement intéressé par les questions d'ordre culturel et dont les opinions, qui découlaient de sa perspective du pays et de ses connaissances de l'évolution culturelle en France et ailleurs, le regretté Gérard Pelletier... s'il n'avait pas été le meilleur ami du premier ministre, je ne suis pas convaincu que le premier ministre de l'époque, en dépit de toute la reconnaissance qu'on lui accorde, aurait agi si rapidement et si souvent d'une façon favorable à la culture.

Permettez-moi d'aborder un autre aspect dont il est souvent question et qui m'inquiète, à savoir les États-Unis. Nous parlons du problème de notre envahissement par la culture populaire américaine. Il faut dire pourtant que les États-Unis ne parlent pas d'une seule voix en matière de culture. Il y a bien des personnes et des groupes qui partagent nos avis et ceux de bon nombre des chefs de file du domaine culturel au Canada. La commission du président, dont j'ai parlé dans le document qui vous a été remis, je crois... On dira bien ce qu'on voudra de la radiodiffusion publique, mais le réseau PBS a réussi à mettre en miettes la campagne républicaine conservatrice qui était dirigée contre lui, et au Congrès toutes ces bonnes gens ont voté en faveur de l'augmentation de 300 milliards de dollars qui se concrétisera dans deux ans.

Ainsi, ce serait possible, mais il faudrait que nous ayons au Canada une chose que nous n'avons pas, une communauté culturelle unie. Quand on permet la fragmentation, que ce soit en matière de culture ou dans un autre domaine, les groupes d'intérêts trouvent une façon spécifique d'obtenir la protection de leurs intérêts particuliers sur le plan politique. On constate alors que les éditeurs veulent une chose, les gens de théâtre qu'on les renfloue, les gens de la danse autre chose. Ils ne font pas front commun pour obtenir un train de mesures plus vaste dans un même bouquet. Voilà que les uns réclament une chose pour un secteur donné, alléguant que 14 personnes vont perdre leur emploi, alléguant que la publication d'un roman est attendue, et ainsi de suite.

Il faut dire qu'on a bien essayé de surmonter cette difficulté au sein de la Conférence canadienne des arts. J'ai siégé à la direction de cet organisme pendant des années. Il faut dire aussi qu'il existe des organisations qui sont des organisations cadres. On constate de façon générale qu'il n'y a pas d'orientation commune dans la communauté—et M. Abbott y faisait allusion—qu'il n'existe pas de lobby culturel puissant et cohérent réclamant à grands cris que Mills se décarcasse et contacte les gens du cabinet du premier ministre pour exiger qu'on fasse quelque chose. Cela n'existe pas.

Le président: Nous passons au deuxième tour. Madame Bulte.

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier tous deux d'avoir suscité une discussion sur les arts et la culture que l'on aurait dû lancer il y a bien longtemps, et je vous remercie d'avoir exposé votre point de vue.

Monsieur Ostry, je ne peux pas convenir avec vous que la communauté artistique ne fait rien de cela. Assurément, elle le fait. Il se peut qu'elle n'ait pas bénéficié de l'oreille des parlementaires quand elle a voulu leur faire comprendre l'importance des arts. On peut dire sans se tromper qu'actuellement les arts, les théâtres, les danseurs se réveillent et se rendent compte de l'importance des arts en tant qu'investissement. Il ne s'agit pas tout simplement d'un financement de passoire. Et voilà toute la difficulté. Il ne s'agit pas d'un financement qui ne mène à rien, et il n'est pas question de l'art pour l'art. Ainsi, on comprend de mieux en mieux que les arts représentent une chance d'investissement inouïe, sur le plan économique comme sur le plan culturel, et qu'il est extrêmement bénéfique pour notre système d'éducation de pouvoir compter sur les arts.

Cela étant dit, j'aimerais avoir vos commentaires à tous deux. Monsieur Ostry, vous avez fait allusion à une masse critique et à la production de nouvelles oeuvres. Comment ce gouvernement devrait-il s'y prendre? Le Conseil des arts fait son travail. Nous le savons. Si on n'avait pas créé le Conseil des arts il y a 40 ans, nous ne pourrions pas compter sur des produits artistiques canadiens originaux. C'est un fait. Il ne faudrait donc pas compromettre son action.

• 1210

Où pensez-vous que l'on devrait oeuvrer? Auprès des artistes? Auprès des organisations artistiques? Elles fournissent aux artistes la possibilité de constituer une masse critique, avec des débouchés commerciaux, à la télévision. Considérons un instant le secteur sans but lucratif. Avez-vous des commentaires à faire là-dessus?

Vous pouvez peut-être m'aider. Je siège au sous-comité qu'examine l'Accord multilatéral sur l'investissement, et actuellement nous sommes aux prises avec la définition de «culture» et d'«industries culturelles» à la suite de l'avènement des nouvelles technologies. Notre ministre a annoncé que dès le départ au cours des négociations nous allions demander une exception générale, semblable à celle que réclament les Français. Nous allons donc annoncer la couleur dès le départ. Comment définissez-vous la culture? Nous ne pouvons pas compter sur la définition de l'ALENA, car les technologies ont évolué.

M. Bernard Ostry: J'espère que nous avons beaucoup de temps.

Je pense que j'ai dit clairement dans mes déclarations publiques récentes que je m'inquiète de l'envahissement énorme de la culture populaire américaine. Je ne pense pas tout simplement aux idioties qu'on nous montre et à la violence, mais je pense à la quantité de produits culturels qui inondent notre pays du fait de nos principes démocratiques et des progrès technologiques.

Je n'ai jamais préconisé que l'on exerce un contrôle protecteur, parce que j'ai toujours trouvé la chose impossible. Toutefois, j'estime qu'il faut avoir des politiques à cet égard. À la fin des années 60, quand j'étais au CRTC, nous avons fait un examen de toute la réglementation. M. Juneau, qui avait accepté la première présidence du Conseil, m'avait fait venir, mais j'ai quitté le Conseil parce qu'il avait été décidé qu'on allait accorder des licences sans avoir établi auparavant une politique en matière de câblodistribution. Selon moi, il aurait été utile que nous réfléchissions à la marche à suivre, car les câblodistributeurs étaient demeurés dans l'illégalité assez longtemps, avec leurs installations éparpillées au Canada, et il n'y aurait pas eu de mal à les laisser attendre un peu plus longtemps, le temps d'élaborer une politique. Comme cette opinion ne semblait pas rallier la majorité, j'ai quitté le Conseil.

Je pense qu'il en va de même actuellement face à cet énorme problème culturel que représente ce que j'appelle «l'envahissement». En effet, nous avons ici des créateurs, des techniciens, des moyens technologiques, pour produire une culture populaire nationale et internationale. Nous avons tout ce qu'il faut. Toutefois, nous ne pouvons pas compter, comme c'est le cas aux États-Unis, sur les liquidités que représente un marché énorme.

Aux États-Unis, cette culture populaire est possible parce que la taille même du marché américain garantit aux producteurs qu'ils vont rentrer dans leur argent avant même qu'ils songent à exporter leurs produits, auquel cas le prix qu'ils en tirent importe peu. N'importe quel pays qui est en train de donner de l'envergure à son secteur télévisuel, cinématographique ou de distribution par câble va choisir d'acheter des produits pour commencer, car cela est bien moins dispendieux que d'acheter quelque chose sur place. La seule solution dans un tel cas, à mon avis, c'est de produire des produits.

Je ne pense pas qu'il faille attendre la constitution des sociétés que le ministère de l'Industrie attend pour produire une autoroute de l'information, que l'on a vu poindre dès l'année 1968. Contrairement aux Américains, nous ne l'avons pas infiltrée sur le marché, car nous n'avons rien fait. C'est un peu ce que nous faisons encore maintenant, car de gros comités se réunissent pendant deux ans et publient quantité de rapports, si bien que malgré les déclarations ronflantes que l'on a faites au cours des dernières années, l'autoroute de l'information est encore inexistante. Nous n'avons pas le logiciel nécessaire non plus.

Si nous ne sommes pas à la hauteur sur le plan technologique, il faudrait se tourner vers les programmes. L'Internet existe. Les pourcentages ne sont peut-être pas très élevés au Québec, voire dans le reste du Canada, mais le rythme de croissance ailleurs dans le monde est plus accéléré, et c'est sur le marché mondial que tout se joue. C'est la nature même d'Internet.

• 1215

Permettez-moi de faire une prédiction, et dans deux ans Florian pourra vérifier qu'elle ne s'est pas avérée. D'ici deux ou trois ans, la compression et la numérisation vont conférer à Internet une qualité équivalente à ce que nous pouvons voir sur notre écran. Actuellement, les données sont affichées parce qu'on ne peut pas faire pour l'instant la numérisation du son, mais cela va venir. Avec l'avènement du son, une fois que l'on pourra entendre des voix, la quantité de données qui paraissent sur l'écran va diminuer.

L'essentiel, c'est le logiciel, et parce que les Américains ont établi une norme de coût qui correspond à leur marché, les logiciels coûtent cher. Pendant un certain temps, en attendant que le marché mondial s'élargisse et que les prix commencent à chuter, il faudra, comme je l'ai dit, des milliards de dollars.

Au Canada, il y a lieu de réunir de l'argent privé et de l'argent public, si tant est que l'on peut trouver dans le secteur public une somme attrayante. Si j'ai dit cela, c'est parce que les banques, qui ne s'occupaient pas de ce secteur il y a cinq ou huit ans, ont toutes désormais une division qui s'occupe du multimédia et qui procède à des investissements contrôlés. Ce n'est pas encore énorme, mais cela existe, et c'est appelé à augmenter.

Si les Bronfmans trouvent intéressant de s'installer à Hollywood, ils vont découvrir que c'est tout aussi intéressant ici.

M. Florian Sauvageau: Définir la culture est une tâche assurément aussi ardue que définir la culture canadienne. Il existe une définition restreinte de la culture, du point de vue artistique, mais également une définition plus large, du point de vue sociologique, où l'on peut dire que tout ce que nous faisons est culturel. Manger devient culturel.

Pour ce qui est des arts et des médias, il y a la culture noble, la culture de masse ou la culture pop—qui n'est pas la culture populaire. C'est autre chose.

À l'avenir, si nous voulons faire quelque chose, il faudrait à mon avis aider les artistes et les sociétés qui ne peuvent pas être prospères sur le marché. Si j'ai dit cela, c'est parce que de plus en plus on constatera que nos industries culturelles se tournent vers le marché international, et ces industries-là n'ont pas besoin de l'aide de l'État pour le faire. En outre, si l'on aide un artiste au début de sa carrière, cinq ou 10 ans plus tard, l'artiste n'a plus besoin de l'aide de l'État. Céline Dion n'a plus besoin de l'aide de l'État, mais si les règles de contenu à la radio n'avaient pas existé, je ne sais pas si Céline Dion serait connue.

Dans le secteur culturel, on s'imagine que pour exploiter le marché mondial il faut commencer par avoir une assise solide dans son propre marché intérieur. Par conséquent, c'est là que le gouvernement doit intervenir, sauf qu'après un certain temps l'industrie n'a plus besoin de l'aide de l'État.

[Français]

Je vais continuer en français.

Votre question se situait dans le contexte de l'Accord multilatéral sur l'investissement. Le Canada a l'air bien isolé pour le moment. On a l'impression qu'il y a seulement la France et le Canada qui souhaitent une exception culturelle, mais les choses peuvent changer.

Au début du mois j'étais en Angleterre, et un ami de la London School of Economics m'a donné le livre de David Puttnam qui vient d'être publié. C'est un réalisateur britannique qui a vécu aux États-Unis, qui est revenu un peu déçu en Angleterre et qui vient d'écrire un livre sur la guerre autour du cinéma. Dans les derniers chapitres de son livre, il explique justement qu'à l'OMC, la bagarre va reprendre au 1er janvier 2000 et qu'il ne faudrait pas que l'Europe laisse la France se bagarrer seule parce qu'il y a une question de diversité culturelle.

• 1220

Ce n'est pas un discours qu'on a entendu sur la scène internationale de la part des politiciens britanniques au cours des dernières années.

Le lendemain du jour où mon ami m'a donné ce livre, j'ai vu dans le journal que M. Puttnam venait d'être non seulement nommé Lord Puttnam mais également nommé par Tony Blair responsable d'un comité sur les industries culturelles. Tout à coup l'attitude de la Grande-Bretagne changerait au cours des prochaines années? Tout à coup, dans le secteur de la culture, il y aurait une alliance entre la Grande-Bretagne et la France? Ce seul fait rendrait le Canada et la position canadienne beaucoup moins isolés dans les discussions à l'OCDE et dans les discussions à venir à l'OMC.

Il est intéressant aussi de voir que, pour une fois, sur cette question de l'exception culturelle, le Québec et l'ensemble du Canada disent la même chose. Ça aussi, c'est intéressant. Ce n'est pas à négliger dans le contexte politique de ce pays.

Le président: Merci, monsieur Sauvageau.

Monsieur O'Brien.

[Traduction]

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. Je me limiterai à une seule question, étant donné ce que vous avez dit au sujet du nombre de collègues présents.

Messieurs, je vous remercie pour les exposés.

Monsieur Ostry, vous avez dit qu'à votre avis le gouvernement fédéral estime à l'heure actuelle que cette culture est marginale, voire insignifiante. Et en disant cela, si j'ai bien entendu, vous basez votre argumentation sur le fait que la culture est sous-financée, si je puis me permettre de résumer ainsi votre intervention.

Je suis personnellement d'accord avec vous, d'autant que j'ai passé plusieurs années dans les sphères municipales. J'avais coutume de dire aux gens que malgré leurs beaux discours, s'il n'y a pas d'argent au budget, ces discours restent vains. Je vous ai donc bien compris.

Je me demande s'il n'y a pas d'autres facteurs dont vous vous êtes inspiré pour formuler cette opinion. Si c'est le cas, vous pourriez peut-être nous en donner un ou deux, et également nous dire quelle serait la meilleure façon pour le gouvernement de répondre à ces arguments non monétaires. À moins bien sûr que cela ne soit exclusivement dû au fait que nous ne dépensons pas suffisamment dans le domaine de la culture.

M. Bernard Ostry: Au risque d'irriter encore plus certains d'entre vous...

M. Pat O'Brien: Ce n'est pas cela que je voulais.

M. Bernard Ostry: ... outre ce que j'ai dit au sujet du leadership culturel qui, au Canada, émane de la communauté artistique elle-même, je dirais que le principal problème culturel réside dans les cultures mêmes des institutions qui s'occupent de la culture en général pour le compte du gouvernement fédéral. Ces cultures n'ont pratiquement pas évolué depuis la création de ces institutions, du moins c'est mon point de vue, eu égard au problème que nous connaissons aujourd'hui.

Florian a parlé de l'Office national du film. L'ONF, comme vous le savez tous, a été créé comme un outil de propagande pour servir l'effort de guerre. À partir de là il a pris de l'expansion, en raison de la présence de certains talents, afin de servir—et je ne critique nullement cela comme étant inévitable—le domaine et les intérêts territoriaux et intellectuels de ceux-là mêmes qui occupaient le domaine en question. Puis il y a eu une expansion qui s'est poursuivie jusqu'à ce que soit envahie toute la périphérie de Montréal, qui est actuellement le territoire de l'ONF, et il a donc fallu occuper ce territoire en y mettant des gens et en y conduisant des activités, ce que l'Office a d'ailleurs fort bien fait. Mais de là à dire—et je regrette l'absence de Joan—qu'il s'agit d'un véritable service fonctionnel par rapport au budget dont il dispose, étant donné l'ampleur de notre problème, je suis loin d'être convaincu.

La Société Radio-Canada, qui absorbe, j'imagine une part aussi importante du budget de Patrimoine Canada que le ministère lui-même, fonctionne à mon sens depuis 20 ans comme si nous étions toujours en 1949, et cela en dépit de la mondialisation et de tous les problèmes qui se posent au secteur de la radio et de la télévision d'État. Non pas que la société n'ait pas donné suite aux coupures en licenciant des employés et en fermant des stations et en clamant à qui voulait l'entendre qu'elle était capable de «faire davantage avec moins», ou quelle que soit sa tirade du jour sur la façon dont elle s'en est tirée avec le sourire. La réalité, c'est que, dans le monde entier, et cela ne vaut pas que pour la société Radio-Canada, les radiodiffuseurs d'État... Ce problème culturel, sur le plan administratif, n'est pas exclusif à Radio-Canada. Il existe en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, à Tokyo et partout ailleurs. Ce qui se passe, c'est que le secteur public a refusé d'emboîter le pas au secteur privé.

• 1225

Dans le secteur privé, qui avait à faire face à la nouvelle technologie et aux nouvelles potentialités, on s'est rendu compte qu'il n'y a que deux choses qui produisent des résultats: un esprit d'entreprise axé sur la concurrence au sommet de la hiérarchie et l'accès aux capitaux nécessaires pour pouvoir prendre de l'expansion. Ces deux éléments sont totalement absents dans le secteur public, ils l'ont toujours été, et le secteur public n'a rien fait pour pallier cette carence, que ce soit au Canada, en Europe occidentale ou au Japon. Pourquoi? Vous devrez leur poser la question, car moi, je ne parviens pas à obtenir de réponses.

Je dois vous dire également que, et nous en parlions précédemment, il y a près de 15 ans, j'ai prononcé un discours à Édimbourg devant les représentants de 1 000 radiodiffuseurs, et je leur avais dit à l'époque qu'à moins de trouver l'équivalent de ce que faisaient déjà Murdoch et Time Warner, Berlusconi et Bertelsmann, ils étaient voués à disparaître. Il est impossible que cela dépasse nos moyens. Si Michael Milken peut trouver des solutions comme émettre des actions spéculatives pour réunir les capitaux nécessaires, nous aussi nous devons pouvoir trouver, dans le secteur public, quelque chose qui nous permette de réunir les capitaux nécessaires et de mettre en place au sommet de la hiérarchie un leadership d'entreprise sans pour autant donner aux fondés de pouvoirs la garantie d'une pension après cinq ou six ans seulement.

Le premier PDG d'une société de radiodiffusion qui soit venu m'en parler était celui de PBS. C'était Noël. Le second était le type qui pensait devenir celui de la BBC. Tout cela donna Public Broadcasting International. Mais la personne qui n'est pas du tout venue me voir, et qui pourtant était assise à côté de moi au banquet ce soir-là et qui ne voulait absolument pas entendre parler de l'expansion internationale—pas plus non plus que son successeur—était précisément le président de la Société Radio-Canada.

Si vous me posez donc la question, je vous dirais qu'à mon avis il y a un problème de culture et que si nous voulons voir changer l'équation financière, il faut qu'il s'agisse d'un organisme doté d'un esprit d'entreprise où on ne trouve pas simplement des gens qui sont là, bien protégés, pour une période déterminée. C'est précisément ce genre de capitaux que l'industrie doit pouvoir aller chercher.

Avec votre permission, je vais simplement mentionner deux autres éléments pour faire suite à votre question. J'ai déjà parlé de logiciel et de la culture populaire, mais dans notre pays—ici encore j'ai imploré les premiers ministres fédéral et provinciaux et les chefs d'entreprises—nous parlons énormément de boulot et d'emplois. La seule «solution» que quiconque puisse avancer et qui ne suppose pas de dépenser tous azimuts pour créer des emplois qui, de toute manière, ne dureront pas... la seule évidence est qu'il faut former des talents, promouvoir l'apprentissage permanent et instiller une nouvelle culture au sein d'une main-d'oeuvre qui doit faire face à cette transition et à ce qui s'ensuivra.

Nous avons tous les moyens voulus pour mettre en place sur un site Internet un système de formation et d'apprentissage en direct par satellite et télédistribution. Nous avons tous les logiciels nécessaires, et les autres pays ont déjà admis que nous n'étions pas des impérialistes. Nous pourrions fort bien mettre un distributeur planétaire de formation professionnelle grâce à cette technologie. Et il ne s'agit pas simplement de culture populaire.

Mais cela, nous ne le faisons pas. Pourtant, cela ne coûte pas cher. Grâce aux satellites de retransmission en mode numérique, il y en aura tellement que cela ne coûtera rien. Mais cela, nous ne le faisons pas, même si nous persistons à prétendre que nous voulons faire quelque chose pour lutter contre le chômage. Cet aspect logiciel est important. Ce n'est pas de la culture populaire, mais cela va devenir un énorme domaine commercial dès lors que le secteur privé s'y sera introduit. Les pays comme le nôtre qui croient à l'instruction publique et à l'accès public vont se trouver littéralement inondés de factures pour ce volet pédagogique.

Pour en revenir à votre AMI et à tout ce qui s'ensuit, à cause précisément de cela, nous avons les bases voulues pour faire oeuvre de leadership international dans ce domaine, sans attendre que les Britanniques ou les Français se réveillent et décident enfin de se grouiller les puces pour embarquer. Cela fait au moins 15 ans que nous aurions dû avoir des réunions ici au Canada et que nous aurions dû envoyer des ambassadeurs pour en parler à l'étranger. Cela a toujours été notre problème. Nous savions que c'était un problème canadien, mais nous savions également, à cause de la technologie, que c'était également un problème planétaire.

• 1230

Je vous remercie.

[Français]

Le président: Monsieur Sauvageau, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Florian Sauvageau: Rapidement.

[Traduction]

Je suis d'accord avec M. Ostry pour dire que le secteur public doit apprendre certaines façons de faire auprès du secteur privé. J'en conviens, mais ce que je crains, c'est que dans l'entrefaite, si nous imitons le secteur privé, le secteur public ne finisse par perdre toute sa raison d'être.

C'est bien beau d'emprunter certaines formules au secteur privé, pour autant que nous n'oublions pas que les buts et les objectifs sont différents: d'une part le service et de l'autre les bénéfices. Ce n'est pas la même chose, car cela a une influence certaine sur votre modus operandi.

Si le secteur public est animé uniquement par l'efficience, nous risquons d'avoir un problème, comme j'ai essayé de vous l'expliquer. Il faut un long cheminement pour arriver à la qualité.

[Français]

Ceci étant, je ne veux quand même pas avoir l'air de défendre des dinosaures qui veulent rester des dinosaures. Je voudrais vous citer deux phrases prononcées lors d'une conférence que j'ai donnée l'été dernier pour vous montrer que j'ai conscience qu'il faut faire des changements.

Il faut redéfinir le service public en s'interrogeant de façon précise, secteur par secteur, sur les activités dont la nature exige encore qu'elles échappent au marché, et ce ne sont pas nécessairement les mêmes activités qu'il y a 50 ans. Je suis d'accord là-dessus avec M. Ostry. On ne peut pas garder Radio-Canada dans la même situation qu'il y a 40 ou 50 ans, les choses ayant changé.

Certaines tâches, jadis attribuées au secteur public, peuvent aujourd'hui être laissées au secteur privé. L'adaptation constante du service public à la réalité changeante est essentielle à sa crédibilité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Sauvageau.

[Traduction]

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Je voudrais pour commencer remercier nos invités d'être venus comparaître aujourd'hui. En fait, je me suis beaucoup amusé. Même si j'ai vraiment essayé de m'endormir, je n'y suis pas parvenu parce que vous avez captivé mon attention.

Dans plusieurs de vos réponses à mes autres collègues, vous avez déjà répondu à certaines de mes questions et préoccupations. Certaines de ces réponses étaient d'ailleurs très intéressantes et assez visionnaires, entrant dans le détail des choses et s'attardant également sur notre problème de culture.

Pour en revenir maintenant à ce qui me préoccupe, nous parlons beaucoup de toute cette influence américaine qui s'exerce sur la culture canadienne, et cela fait d'ailleurs des années que nous en parlons; il n'y a donc là rien de nouveau. Mais une nouvelle réalité se fait également jour dans notre pays. Le Canada effectue sur le plan de sa culture, un virage radical. Jim demandait ce qu'était au juste la culture et vous avez parfaitement répondu en disant qu'il devenait de plus en plus difficile de définir la culture canadienne ici ou là, compte tenu de toutes les mutations internes qui s'observent dans notre pays.

Ce que je constate—et je peux me tromper, étant donné que je suis nouvellement élu au Parlement—c'est qu'à l'heure actuelle le Canada... Nous avons l'influence française, l'influence britannique, l'influence ethnique—et lorsque je dis «ethnique», j'entends les ethnies de toutes les régions du monde—et il y a également celle des Premières nations. À l'heure actuelle, comme je vois les choses, tous ces vecteurs essaient de s'épanouir indépendamment dans des directions différentes. Le problème qui se pose à nous consisterait à les faire s'épanouir ensemble. Mais ce n'est pas cela qui se passe. Il y a un vecteur qui va à gauche et un autre vecteur qui va à droite.

Si j'ouvre ma télévision un dimanche, je constate qu'il y a toutes ces chaînes ethniques qui ont chacune leur orientation propre, et je constate également que les principaux réseaux ne présentent pas grand-chose qui soit canadien de souche, c'est-à-dire qui représente l'opinion de la majorité des Canadiens ainsi que celle des francophones.

Par conséquent, le défi qui nous interpelle ne serait-il pas précisément que nous devrions nous axer plutôt sur ce problème au lieu de craindre l'influence américaine? Je pense d'ailleurs que l'un de vous a dit très discrètement qu'avec les progrès de la technologie l'influence planétaire va réduire d'autant l'influence américaine.

Ma dernière question sera celle-ci: que pensez-vous de l'application de ce qu'on appelle les politiques du multiculturalisme? Mais ne tenez pas compte de tous les beaux préambules. Ces politiques ont-elles véritablement réussi à concrétiser ce dont je parlais? Qu'en pensez-vous?

• 1235

M. Bernard Ostry: Puisque c'est moi qui ai soumis le dossier du multiculturalisme au gouvernement en 1970, je dois admettre que cela n'a pas vraiment été une réussite éclatante. Que dire d'autre? Mais laissez-moi essayer de répondre à votre question.

S'agissant de la politique de l'État, je pense qu'il y a un énorme vide, et cela de longue date. J'ignore d'ailleurs si je comprends parfaitement tous les tenants et les aboutissants. Au moment de l'avènement de la politique du multiculturalisme—qui est apparu en parallèle avec toute la question du bilinguisme, les organisations politiques autochtones et les sociétés de communication, la question de l'égalité des sexes et tout le reste—nous avions à l'époque proposé au gouvernement une très vaste campagne d'échange de jeunes entre le Québec et le reste du Canada et vice versa, une campagne qui serait largement conduite par un organisme bénévole. Nous étions alors en 1970-1971. Si, chaque année, nous avions pu ainsi faire voyager l'été 10 000 ou 20 000 jeunes et si nous avions fait cela pendant 27 ans, je pense que ce tout petit investissement aurait produit un énorme dividende. C'est à peu près le seul mémoire au Cabinet que je ne sois pas parvenu à faire accepter par le gouvernement. J'ignore pourquoi. Je ne m'en souviens pas.

Laissez-moi vous donner un autre exemple, et puis je vous dirai ce qu'à mon avis il faudrait faire en réponse à certains de ces problèmes. Je n'ai jamais été capable de découvrir qui, à Radio-Canada, a décidé de scinder comme ils l'ont été les deux réseaux. Cette initiative a en fait contribué à la séparation des deux cultures en raison de la profonde influence exercée par la radio et la télévision.

J'ai une expérience de travail, non pas au gouvernement, mais à Radio-Canada. Certains d'entre nous sont allés voir les principaux responsables à deux ou trois occasions, et des gens de Radio-Canada, des producteurs et des auteurs, sont allés les voir d'égal à égal, pour partager des idées, élaborer des projets transculturels, par exemple dans le domaine des affaires publiques, mais ces projets ont toujours été rejetés par les patrons. Pouvez-vous nous expliquer cela? Personnellement, je ne me l'explique pas. Ce genre d'attitude est très regrettable et nous en payons le prix aujourd'hui.

Troisièmement, le multiculturalisme a fini par dépasser son cadre d'origine, dans certains cas il s'est développé de façon très différente, mais on n'a jamais adopté des politiques pour régler ce problème dont vous avez parlé, celui des relations transculturelles. On continue à faire très peu. Je ne sais pas en quoi consiste les programmes, il en existe peut-être, certains ici en connaissent peut-être, mais dans l'ensemble, ils sont presque inexistants.

Dans un pays qui historiquement n'a jamais souscrit à l'assimilation, dans un pays où on attache du prix aux particularités des différents peuples qui le composent—les premières nations, le Québec, les nouveaux arrivés—, des programmes sur le plan des relations transculturelles sont critiques. Ce n'est pas moi qui conçois ces programmes, ce n'est pas à moi de le faire, mais je suis convaincu de leur utilité. Je suis tout à fait d'accord.

Le président: Monsieur Sauvageau.

M. Florian Sauvageau: Pour commencer, je ne suis pas d'accord avec M. Ostry. Je pense que nous avons besoin de deux réseaux. C'est un problème très complexe car les auditoires des deux réseaux sont très différents. Par exemple, certains voudraient que le Téléjournal et le programme de nouvelles sur le réseau anglais soient à peu près identiques. Sur le plan journalistique, cela n'a pas de sens, car il faut tenir compte de son auditoire, et ces deux auditoires ne sont pas les mêmes.

• 1240

Deuxièmement, en compagnie d'un collègue—un collègue américain, d'ailleurs, je viens de faire une étude sur les journalistes canadiens. C'est la première fois qu'on étudie les journalistes canadiens. Il est incroyable de voir à quel point les journalistes francophones et anglophones s'ignorent mutuellement. Et je parle de journalistes, donc de gens qui devraient savoir beaucoup de choses sur l'autre société. Ils ne lisent même pas les journaux de l'autre société. Ils ne regardent pas les programmes télévisés de l'autre société.

Les deux groupes de journalistes, les anglophones et les francophones, pratiquent le journalisme de la même façon. Là aussi, c'est fonction de l'influence américaine. Ils pratiquent le journalisme de la même façon, c'est-à-dire qu'ils utilisent les méthodes américaines, mais ils le font dans deux mondes totalement isolés. Les francophones lisent le magazine Time beaucoup plus que le Maclean's, et évidemment, les anglophones lisent Time beaucoup plus que L'Actualité, c'est-à-dire l'équivalent français de Maclean's. Ils connaissent à peine l'existence du magazine. C'est un important problème.

Troisièmement, en ce qui concerne les médias francophones et leurs nouveaux auditoires, les groupes ethniques de Montréal, nous avons fait une étude au centre d'étude sur les médias de l'université. Nous voulions savoir quels réseaux les groupes ethniques de Montréal écoutaient. Il y en a seulement 33 p. 100 qui regardent la télévision en français. Par contre, 71 p. 100 des Québécois d'origine regardent la télévision en français. Vous voyez la différence, 33 p. 100 contre 71 p. 100.

À mon avis, Montréal évolue tellement rapidement en ce moment que c'est un défi tout particulier pour les médias francophones: ils doivent réussir à intéresser les groupes ethniques. Faute de cela, l'avenir des médias francophones pourrait être menacé, parce que c'est leur auditoire futur dont il s'agit, et pour l'instant, cet auditoire futur ne s'intéresse pas, ou à peine, à ce qui passe à la télévision francophone. C'est un gros problème.

Le président: Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Pour commencer, j'aimerais discuter des bizarreries de la politique publique.

Je crois ne pas me tromper en disant qu'il a fallu attendre le quatrième ou le cinquième disque de Céline Dion pour que ce soit vraiment considéré comme du contenu canadien. On peut dire que les règles sur le contenu canadien n'ont pas fait la moindre différence. En fait, si la politique publique a fait une différence, c'est à cause de la réaction de Sony. On avait mis un nouveau directeur en demeure de produire certaines retombées publiques, mais c'est à ce moment-là que Sony a décidé de donner un contrat à cette jeune femme à la voix extraordinaire, de la confier à des spécialistes à Los Angeles et à Londres, d'orchestrer sa musique, de lui donner les meilleurs compositeurs... C'est donc à cause des perversités de la politique publique... non, pas des perversités. Cela tient à la loi des conséquences non prévues.

Je tiens seulement à m'assurer que cette étude a été bien conçue. D'une certaine façon, cela s'écarte un peu des opinions qui ont été formulées ce matin, axées sur des solutions globales, mais d'un autre côté, la plupart des problèmes abordés par M. Ostry sont assez spécifiques, radiodiffusion, Internet, magazines.

• 1245

Je pense que notre démarche va être de dissocier différents écosystèmes culturels, de dire que l'impact du commerce et de la technologie est différent quand il s'agit d'opéras, de ballets, des arts visuels, des immeubles du patrimoine, différent de cet impact sur la radiodiffusion ou Internet.

Nous allons donc essayer de bien comprendre tout ce qui, par le passé, a donné de bons résultats, c'est-à-dire que nous allons progresser dans le temps d'une façon dynamique, comme M. Sauvageau voudrait que nous le fassions pour l'avenir. Autrement dit, nous allons examiner l'évolution de la situation depuis 1967 dans chacun de ces secteurs, chercher à déterminer dans quelle mesure la politique publique est responsable de situations comme la liste des best-sellers publiées par le Globe and Mail et qui, samedi dernier, donnait cinq livres canadiens parmi les 10 best-sellers reliés dans la catégorie fiction et trois best-sellers sur 10 dans la catégorie ouvrages généraux.

C'est plus qu'un succès. C'est extraordinaire.

Je pense qu'il nous arrive parfois d'ignorer ces succès. Il suffit de se promener dans les rues d'Ottawa pour voir annoncer le film The Sweet Herafter qui, de toute évidence, se déroule en Alberta. Si vous quittez le cinéma Famous Players et que vous allez à l'Odeon Cineplex, vous verrez qu'on y joue The Hanging Garden qui, de toute évidence, se déroule en Nouvelle-Écosse.

Il y a donc des succès.

Il faut donc nous demander s'il y un danger à globaliser une politique culturelle qui se ramène à 7 milliards de dollars, par exemple, parce que cela ne permet pas de dissocier les succès et de conclure: voilà un domaine où il n'est plus nécessaire d'injecter de l'argent, cela a bien fonctionné si l'on considère le chemin parcouru. Peut-être vaut-il mieux consacrer l'argent à des domaines comme la télévision et le film. Est-que c'est bien le coeur du problème, parce que si on commence à s'interroger sur les points chauds, est-ce c'est là qu'on veut mettre l'argent?

M. Bernard Ostry: Il est très difficile à mon avis de dissocier la culture de la demande mondiale ou de l'opinion que s'en fait le reste du monde. Vous pouvez établir des catégories et faire des calculs financiers sur cette base.

Je n'ai pas essayé de déterminer combien de milliards de dollars il faudrait dépenser. Par contre, dans les institutions libres qui ont des rapports avec des multimédias, quel que soit le domaine choisi, pour développer une masse critique, il va falloir introduire des changements et mettre en place une sorte de centre auquel pourront s'adresser les gens qui veulent reproduire Hollywood au nord des États-Unis et qui ont besoin de capital. Une fois ce genre de chose en place, il faut espérer que l'instinct d'entreprise fera le reste.

Je ne dis pas qu'il faut cesser de financer le Conseil des arts parce qu'il y a six best-sellers sur la liste du Globe and Mail. Pourquoi couper les fonds à une génération qui a fini par produire ce genre de résultat, mêmes s'il a fallu 25 ans? Cela n'a aucun sens.

Cela n'a pas de sens non plus en ce qui concerne les galeries d'art qui doivent faire face à Getty—et là, c'est la même chose que concurrencer Hollywood—si on veut que les fonds d'acquisition du Musée des beaux-arts du Canada et d'autres musées, comme on l'a vu récemment avec la Croix de Victoria ou les médailles de McCrae...

Les institutions qui ont été créées par le secteur public ont véritablement besoin de sommes plus importantes qu'on ne l'avait pensé au départ, car si on y avait pensé, on n'aurait pas créé autant d'institutions. Qu'il s'agisse des théâtres à cause de 1967 ou des musées dans tout le pays, il y a beaucoup de ces entreprises qui coûtent très cher. Je ne sais pas quel génie va décider un bon jour: nous allons supprimer tous ces fonds-là. Cela s'est vu.

À mon avis, cela n'est pas politiquement faisable, et par conséquent, il va falloir trouver un moyen de le financer.

Les Britanniques ont contourné le problème car c'est une société qui a la passion du jeu. Ils ont donc créé un système qui leur donne tellement d'argent qu'ils ne savent qu'en faire. Cela dit, je ne pense pas que cela serait possible ici car nous dépendons plus du secteur public qu'en Grande-Bretagne.

[Français]

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci de vous être déplacé.

[Traduction]

Monsieur Ostry, vous avez parlé d'orienter les logiciels, de créer des produits ou des contenus pour les véhicules de l'autoroute de l'information qui est en cours de construction—et j'avais espéré qu'on construirait cette autoroute un peu plus rapidement que vous ne semblez le penser. Peut-être faudrait-il se pencher sur cette question.

• 1250

Vous avez dit que le capital nécessaire ne devait pas forcément venir exclusivement des transferts, et je comprends cela. On pourrait envisager d'autres mécanismes.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de deux notions qui pourraient aller dans ce sens. Par exemple, pendant la dernière législature, notre comité a remis en question et remis à jour de façon assez exhaustive la Loi sur le droit d'auteur. À l'époque, un argument qui m'avait convaincu—et d'ailleurs il était peut-être de moi—c'est qu'une société qui protège mieux les droits d'auteur des créateurs peut attirer au Canada de nouveaux créateurs qui viendront contribuer au processus. Voilà pour une chose.

D'autre part, vous avez parlé de ce que j'appellerais des mécanismes hybrides comme le fonds destiné aux productions des compagnies de câble par lequel le gouvernement du Canada injecte des fonds dans Téléfilm. Ici encore, je ne sais pas si c'est une question de chance ou pas. En tout cas, l'industrie, qui au départ s'opposait quelque peu à cette notion, est maintenant totalement acquise à l'idée. Elle veut non seulement que le gouvernement du Canada maintienne ce financement, mais encore qu'il l'augmente.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux éléments.

[Français]

s'il vous plaît, sur cette notion, parce que vous ne semblez pas tout à fait d'accord.

Personnellement, je trouve la notion intrigante. Il me semble que l'on doit encourager Radio-Canada et CBC, via RDI ou Newsworld, à prendre une portion de l'heure des nouvelles, cinq minutes au moins, pour l'information de nouvelles nationales semblables. Je crois qu'il faut que les réseaux s'entendent pour parler pendant trois ou quatre minutes des nouvelles nationales sans faire de censure. Je ne parle pas d'utiliser toute l'heure, et je comprends votre argument. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Finalement, monsieur Sauvageau, votre notion est que la libéralisation du commerce est une menace, ce que je suis un peu enclin à penser aussi. J'aimerais que vous nous parliez, si vous le voulez bien, de l'envers de la médaille. À quel point devons-nous être prudents ou inquiets de cette libéralisation ou globalisation sans tomber dans l'insularité? L'insularité, on la vit déjà chez nous entre les deux cultures, et je ne voudrais pas qu'on s'isole du reste du monde.

Je vous remercie encore une fois de votre patience, monsieur le président.

M. Florian Sauvageau: Je voudrais dire deux ou trois choses. Premièrement, je pense que les réseaux s'entendent pour présenter les mêmes nouvelles. Là je pense vraiment que vous faites une confusion entre la communication gouvernementale et journalisme.

Comme on va vers la multiplication des réseaux, on va vivre dans un monde où il y aura de moins en moins de journalisme et de plus en plus d'information partisane et publicitaire de toutes sortes. Il y aura tellement d'espace que les entreprises et les gouvernements vont tous avoir leur site pour faire «leur information». Je ne dis pas propagande ou publicité, mais information. Mais ce n'est pas du journalisme. Le journalisme libre doit permettre à ceux qui font les choix de les faire en toute latitude par rapport à ce qu'ils croient être important pour leur auditoire.

M. Mauril Bélanger: Je voudrais intervenir. Je n'oserais absolument pas suggérer que le choix ne revient pas aux journalistes qui ont la responsabilité de rapporter ce qui se passe dans le monde et de l'expliquer, car ce n'est ni aux politiciens ni à quiconque d'autre de le faire.

Cela dit, est-ce qu'on pourrait s'entendre pour que ce soit semblable du côté anglais et du côté français? Est-ce que les journalistes peuvent trouver une façon de s'entendre sur la nouvelle sans que ce soit imposé?

M. Florian Sauvageau: À mon avis, il est impossible que ce soit semblable parce qu'on a affaire à des auditoires différents. Je sais bien que les deux réseaux s'adressent à l'ensemble du Canada au plan du territoire, mais on ne peut pas oublier que 90 ou 95 p. 100 de ceux qui écoutent constituent en réalité un auditoire potentiel et un auditoire réel.

• 1255

Quand je parle d'auditoire réel, je dois dire que nous avons fait il y a 10 ans une étude qui a démontré tout l'agacement des francophones hors Québec vis-à-vis de l'information et de la programmation de Radio-Canada qui étaient axées surtout sur le Québec.

Je comprends qu'il y ait là un problème important, mais en même temps, on ne peut pas faire abstraction du fait que 95 p. 100 de l'auditoire est au Québec et que de plus en plus—c'est la deuxième chose que je voudrais dire—l'argent des médias vient du secteur privé. Je sais bien que l'argent n'est pas tout, mais comme on a coupé les fonds de Radio-Canada, il y a de plus en plus de concurrence avec le secteur privé. Cela nous permet de voir à quel point le financement des médias est capital dans la définition du contenu des médias.

Radio-Canada ressemble maintenant comme un frère jumeau au réseau TVA, et on l'a vu de plus en plus au cours des 10 dernières années, depuis que la part de la publicité est de plus en plus grande dans le financement. Cela m'apparaît très, très important.

Sur la question de l'isolationnisme, je ne suggère pas que l'on fasse de l'isolationnisme. Je sais bien que l'avenir d'un très grand nombre d'industries au Canada repose sur les exportations, tout comme celui d'un certain nombre d'industries culturelles. Mais il faut garder dans ce pays des institutions culturelles qui ont un autre objectif que celui de vendre leur pays à l'étranger si on veut animer le débat sur nos propres affaires.

Je disais dans ma présentation qu'il fallait un équilibre. Il faut rétablir cet équilibre parce que j'ai l'impression qu'on l'a perdu.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ostry, vous avez une courte observation à ajouter?

M. Bernard Ostry: Oui, très courte, pour finir avec une histoire, mais en faisant appel à un langage constitutionnel. Je ne voulais pas dire ce que Florian avait noté au sujet des problèmes des deux réseaux.

Il y a une différence entre distinct et séparé. Il y a une différence, et pas seulement sur le plan des nouvelles. Ce réseau diffuse toute la journée et aborde toutes sortes de sujets. C'est une véritable honte que dans ce pays les livres d'histoire utilisés au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique soient tous différents, comme si les faits n'étaient pas là, sans même parler de la tribune où ces faits peuvent être interprétés.

Il est faux de dire que cela n'est pas possible. Lorsque je suis arrivé à TVO, nous avons fait une série de 13 heures sur l'histoire du Canada. Nous nous sommes adressés à 40 historiens pour être certains de n'ignorer aucune opinion. Heureusement, c'était le chemin de fer Canadien Pacifique qui payait. Le fait est que cette série télévisée a eu un succès énorme. Tout le monde était d'accord sur le texte et sur les images.

Il est donc faux de prétendre qu'on ne peut pas mettre les gens d'accord, qu'on ne peut pas exprimer l'opinion de tout le monde, et que ce que les historiens savent correspond toujours à ce que le public veut entendre. C'est possible, avec une certaine surveillance, avec une coordination, et si on a le respect des faits.

Quant à l'autre question, il faudra que j'y réponde en privé.

Le président: Est-ce que nos témoins accepteraient de rester quelques minutes encore? Je dois dire que M. Lowther a été particulièrement patient.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président. Je vous suis reconnaissant de me donner la parole, je sais que vous avez essayé d'accélérer les choses pour que j'aie le temps de parler.

Ma question est très simple, et elle s'adresse surtout à M. Ostry. J'ai écouté vos observations avec beaucoup d'intérêt, et j'ai également parcouru votre document. Je vais vous dire comment je comprends votre position, et vous me reprendrez si je me suis trompé. Vous faites des observations intéressantes et je vais essayer d'en détacher les principaux éléments.

Votre document sous-entend, ou explique directement, que l'autoroute de l'information, l'explosion des technologies de l'information, les ciels ouverts et la circulation de l'information menacent un grand nombre de nos programmes culturels et que nous pourrions très bien dire: «Seigneur, mais c'est affreux» et nous laisser envahir. Vous pensez que ce n'est pas la bonne solution. Si j'ai bien compris, vous pensez qu'il faut être beaucoup plus dynamique, profiter de nos points forts, des éléments inhérents à notre culture canadienne et au milieu de la création, et faire quelque chose pour les rendre plus dynamiques et plus forts. Nous devons nous écarter de la phraséologie qui revient si souvent dans ce comité: surveiller, contrôler et réglementer. Nous devrions insister sur la promotion, le dynamisme, et mieux vendre nos créateurs à l'étranger et au Canada même. C'est bien votre position?

• 1300

M. Bernard Ostry: Oui.

M. Eric Lowther: Très bien. Dans ce cas, puis-je vous poser une autre question? Qui va payer tout cela? Je me permets de reprendre vos propos, vous dites qu'il s'agirait d'une collaboration du secteur privé et du gouvernement. Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots comment cela fonctionnerait?

M. Bernard Ostry: À mon avis, vous devez aller vous poster à la porte des bureaux du premier ministre et de Paul Martin pour obtenir des fonds qui serviront à attirer des partenaires privés. À condition de fixer des règles de base, de bien annoncer que c'est une entreprise canadienne avec des objectifs canadiens, ces partenariats privés pourraient même se tourner vers l'étranger.

M. Eric Lowther: Vous avez toujours occupé cette place ou bien est-ce la voix de l'expérience qui parle?

M. Bernard Ostry: Quelle place?

M. Eric Lowther: Est-ce que cela a toujours été votre opinion, ou bien êtes-vous parvenu à cette opinion au terme d'années d'expérience?

M. Bernard Ostry: Oh, non. Si je suis parvenu à cette opinion, c'est en partie à cause de ce que j'ai dit plus tôt au sujet des institutions que nous avons créées et qui refusent d'évoluer ou de modifier leur façon de faire pour faire face à la mondialisation.

M. Eric Lowther: Très bien.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Monsieur Ostry, monsieur Sauvageau, vous avez pu constater par l'intérêt intense qu'ils ont manifesté, par toutes leurs questions, à quel point les députés ont trouvé votre intervention passionnante.

[Français]

Monsieur Sauvageau, je pense que vous avez senti l'intérêt des membres du comité pour votre présentation. Je pense que votre présentation a été l'une des plus intéressantes que nous ayons entendues devant ce comité depuis très très longtemps.

[Traduction]

Je tiens à vous remercier tous deux d'être venus aujourd'hui, d'avoir accueilli nos questions avec beaucoup de patience et d'avoir partagé avec nous le fruit de votre expérience et de votre sagesse.

M. Bernard Ostry: Merci.

[Français]

M. Florian Sauvageau: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: La séance est levée.