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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 6 mai 1998

• 1530

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Comme vous le savez tous, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre des communes du mardi 31 mars 1998, le Comité des finances poursuit son étude du projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé devant le Parlement le 24 février 1998.

Nous avons le plaisir d'avoir avec nous cet après-midi, du Bureau du vérificateur général du Canada, M. Denis Desautels, vérificateur général. Bienvenue. Il est accompagné de M. Ron Thompson, vérificateur général adjoint. Du Secrétariat du Conseil du Trésor, nous avons M. Peter Harder, secrétaire du Conseil du Trésor et contrôleur général du Canada, et M. Colin Potts, sous-contrôleur général.

Comme vous le savez, messieurs, vous disposez de 10 à 15 minutes environ pour faire vos déclarations initiales. Ensuite, nous passerons à une séance de questions et réponses.

Nous commencerons par M. Denis Desautels.

M. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Je vous remercie, monsieur le président. Je vous remercie de me donner la possibilité de discuter avec vous aujourd'hui du projet de loi C-36. Depuis que j'ai été nommé vérificateur général, c'est la première fois que l'on me demande de comparaître devant ce comité pour répondre à des questions sur une loi de ce genre. Je suis heureux que l'on me donne cette occasion.

Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné aujourd'hui de M. Ron Thompson, vérificateur général adjoint, qui est chargé de la vérification des comptes publics du Canada. D'autres employés de mon bureau sont également présents. Il se peut que je demande à ces personnes de fournir des précisions si le comité désire d'autres détails sur certains autres aspects de ce projet de loi.

[Français]

Monsieur le président, mon mandat ne me permet pas de discuter des mérites des politiques du gouvernement dont il est question dans ce projet de loi et je ne pourrai donc pas répondre à telles questions.

Toutefois, il est possible que le comité ait des questions portant sur des sujets traités dans le projet de loi qui ont été examinés dans nos rapports, et je serai heureux de répondre aux questions liés à ces rapports si cela peut vous être utile.

Monsieur le président, le comité a sans doute pris connaissance de notre dernier rapport qui a été déposé au Parlement mardi dernier. Le chapitre 9 de ce rapport, «La présentation des résultats financiers du gouvernement: l'importance de respecter des normes comptables objectives», a un lien assez direct avec vos discussions sur la partie 1 de ce projet de loi.

L'article 46 du projet de loi autorise le ministre des Finances à verser 2,5 milliards de dollars à la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Le ministre prévoit comptabiliser cette opération comme une dépense du gouvernement au cours de l'exercice terminé le 31 mars 1998 en dépit du fait que le comité n'a pas encore terminé l'étude du projet de loi et que le Parlement doit suivre les différentes étapes consécutives avant que le projet de loi ne soit adopté.

Cette méthode comptable proposée par le gouvernement représente, selon nous, une dérogation importante aux normes comptables objectives établies par le Conseil sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public de l'Institut canadien des comptables agréés.

Les normes ont été élaborées principalement par des représentants des différents gouvernements canadiens pour renforcer la crédibilité des états financiers au Canada. Cela va bien au-delà d'un simple désaccord entre comptables. J'espère donc que le gouvernement reconsidérera le traitement comptable qu'il propose pour la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire avant de finaliser ses états financiers de 1997-1998.

Monsieur le président, afin d'aider les membres du comité à comprendre les arguments techniques présentés dans le chapitre, j'ai préparé un sommaire d'une page qui se trouve en annexe à mon commentaire.

[Traduction]

Je peux assurer le Comité que la pratique comptable proposée n'est certainement pas appliquée par le secteur privé, et que le gouvernement du Canada lui-même n'accepterait pas que le secteur privé suive une telle pratique pour l'établissement des cotisations de l'impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers.

Monsieur le président, comme dans le cas de la Fondation canadienne pour l'innovation, l'année dernière, la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire représente une méthode assez différente d'exécution d'un nouveau programme important qui nécessite un déboursement considérable de fonds publics. Cette méthode suscite certaines questions que le Comité voudra peut-être examiner.

• 1535

Selon notre interprétation, dès la sanction royale du projet de loi C-36, l'article 46 permettrait que l'on verse la totalité de 2,5 milliards de dollars à la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Probablement, comme dans le cas de la Fondation canadienne pour l'innovation, une entente de financement serait signée entre l'État et la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, qui établirait les conditions d'investissement et de placement des fonds, ainsi que d'autres questions administratives.

On peut lire dans le budget que, grâce à ce montant principal auquel s'ajouteront des revenus de placement, on pourra décerner des bourses d'une valeur annuelle de 325 millions de dollars sur une période de dix ans à compter de l'an 2000. Le Comité devrait savoir que le versement initial de 2,5 milliards de dollars diffère de la politique du Conseil du Trésor en matière de paiements de transfert, c'est-à-dire que les subventions et les contributions ne doivent pas être versées aux bénéficiaires avant que ceux-ci en aient besoin.

Je constate avec plaisir que les articles 36 à 39 du projet de loi tiennent compte, pour la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, de la plupart des préoccupations que j'ai exprimées sur la reddition de comptes et la surveillance parlementaire dans mon rapport de décembre 1997 au sujet de la Fondation canadienne pour l'innovation. Cependant, cela soulève une autre question que je mentionne brièvement dans le chapitre 9. Plus particulièrement, est-il possible de mettre en place des mécanismes adéquats de reddition de comptes et de surveillance parlementaire pour de telles fondations, et qu'elles fonctionnent encore, réellement, de façon indépendante du gouvernement?

De plus, étant donné que le gouvernement a le droit de nommer un nombre important d'administrateurs au conseil d'administration de ces fondations, que leur seule source de financement est le gouvernement et, de ce fait, elles doivent se conformer à ses exigences quant à la manière dont l'argent doit être investi et dépensé, et qu'elles sont tenues légalement de rendre des comptes au Parlement, à tout le moins dans le cas de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, de telles organisations sont-elles vraiment indépendantes du gouvernement? J'ai l'intention d'examiner ces questions plus en profondeur dans le cadre de ma vérification des états financiers du gouvernement pour l'exercice terminé le 31 mars 1998.

Si je peux me permettre une dernière remarque, monsieur le président, dans les Comptes publics de 1997, nous avons recommandé au gouvernement et au Parlement de réexaminer le besoin et l'utilité continus du Compte de service et de réduction de la dette. Dans le Budget de 1998, le gouvernement a indiqué qu'il demanderait au Comité d'examiner ma recommandation, et j'espère que le Comité aura le temps de le faire.

Monsieur le président, voilà qui conclut mon commentaire d'introduction. Je serais heureux de répondre aux questions du Comité. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Desautels. Avant de passer aux questions, nous allons entendre M. Peter Harder, secrétaire du Conseil du Trésor et contrôleur général du Canada, et M. Colin Potts.

Une fois de plus, bienvenue. Vous pouvez commencer.

[Français]

M. Peter Harder (secrétaire du Conseil du Trésor et contrôleur général du Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada): Merci, monsieur le président.

Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter avec vous et avec les membres du comité de la question soulevée par le vérificateur général à propos des rapports financiers du gouvernement.

Je suis accompagné de M. Colin Potts, le sous-contrôleur général, qui est chargé de l'application des politiques comptables à la préparation des états financiers du gouvernement. M. Potts est un comptable professionnel, un partenaire du cabinet d'experts-comptables Deloitte & Touche. Il travaille présentement avec nous dans le cadre du programme d'échange de personnel de direction.

[Traduction]

La question qui nous occupe est celle de la comptabilisation d'un élément de passif par le gouvernement dans ses états financiers du 31 mars 1998, relatif aux obligations financières envers la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Le vérificateur général ne croit pas que cet élément doive être comptabilisé avant l'exercice 1999, conformément aux recommandations comptables du Comité sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public (le CCVSP) de l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA).

Le gouvernement estime que ses politiques et pratiques comptables sont généralement conformes à l'esprit de ces recommandations. Le gouvernement estime que sa décision de financer des organisations sans lien de dépendance telles que la Fondation des bourses d'études du millénaire a pour effet de créer des éléments de passif qui doivent être comptabilisés pendant l'année au cours de laquelle la décision est prise. En outre, le gouvernement estime qu'il vaut mieux, pour des raisons de transparence et de responsabilisation, que les passifs soient comptabilisés au cours de l'année pendant laquelle le gouvernement a pris la décision de les engager.

Le gouvernement n'en est pas venu à cette conclusion à la légère. En fait, la question a été longuement discutée au sein du gouvernement ainsi qu'avec le vérificateur général et son personnel. Le gouvernement a demandé également l'avis d'une entreprise réputée dans le domaine de la comptabilité au Canada sur l'à-propos du traitement comptable choisi. Une copie de la lettre de cette entreprise est à la disposition des membres du Comité pour information et examen.

• 1540

Je voudrais également attirer l'attention du Comité sur le récent rapport à la Chambre, sur cette question, du Comité permanent des comptes publics. Quoiqu'il y ait eu une opinion divergente, le Comité a souscrit à la façon dont le gouvernement a comptabilisé un paiement semblable à la Fondation canadienne pour l'innovation, comptabilisé dans les états financiers de 1996-1997. Le Comité déclarait dans son rapport:

    Nous avons pris note des points soulevés par le vérificateur général et comprenons tout à fait les raisons à l'origine de ces préoccupations. Le Comité est toutefois d'avis que l'évolution de la situation économique et de la situation financière du Canada fait intervenir un vaste éventail de facteurs. Ces facteurs englobent notamment des aspects de conservatisme, la cohérence, la comparabilité et la clarté des états financiers pour le lecteur.

Même si le gouvernement du Canada n'est pas légalement tenu de se conformer aux recommandations du CCVSP, il est conscient de la valeur de la contribution de ce dernier aux normes comptables du secteur public et tient compte de ces normes lorsqu'il formule sa politique comptable.

Dans le cas de la Fondation des bourses d'études du millénaire, nous ne méprisons pas les recommandations du CCVSP, mais, en fait, nous nous inspirons des principes fondamentaux qui les sous-tendent. Ces principes sont notamment les suivants:

1. Les états financiers doivent exprimer l'essence des transactions et des événements, et pas seulement leur forme juridique.

2. L'exercice du jugement est essentiel à la détermination de ce qui constitue une présentation adéquate, instructive et juste de la position et des résultats financiers.

Le CCVSP reconnaît que ces principes sont fondamentaux dans la préparation des états financiers, et c'est pourquoi il déclare, dans l'introduction à ses recommandations:

    En faisant ses recommandations, le CCVSP reconnaît qu'aucune règle générale ne peut s'appliquer à tous les cas ou à toutes les combinaisons de circonstances qui pourraient se produire, et qu'il n'y a pas de solutions de rechange à l'exercice d'un jugement professionnel pour déterminer ce qui constitue une juste présentation ou une bonne pratique dans un cas particulier.

La position du gouvernement, qui est de tenir compte de ces concepts fondamentaux, est appuyée par l'avis professionnel que nous avons reçu et que j'ai fait circuler aujourd'hui. Le cabinet consulté nous écrit:

    Lorsque l'on interprète et qu'on applique les recommandations du CCVSP, il est essentiel de tenir compte de toutes les sections potentiellement pertinentes, y compris l'introduction et les principes; cela s'applique également aux sections d'application générale et à celles qui portent sur des éléments précis d'application relativement limitée.

La principale question qui se pose en cette affaire consiste à savoir s'il existe une obligation financière envers la Fondation des bourses d'études du millénaire à la date du 31 mars 1998. Si l'on adopte un point de vue étroit, formaliste, la réponse est peut-être «non», puisque la Fondation n'existait pas en tant que personne morale à cette date. Cependant, si l'on adopte un point de vue plus élevé et qu'on applique le principe de la prééminence du fond sur la forme, on peut juger que le gouvernement a effectivement une obligation financière. Cette obligation ne peut être vérifiée qu'en confirmant les événements subséquents à la clôture de l'exercice. Ces événements seraient la création de la Fondation par le Parlement, l'autorisation du paiement et la conclusion d'une entente entre le gouvernement et la Fondation, dans le cadre de laquelle le paiement deviendrait non discrétionnaire.

Le gouvernement estime que cette approche plus générale, confirmée par les événements subséquents, devrait l'emporter pour les besoins de la transparence, de la reddition de comptes au Parlement, et parce que cela représente mieux la réalité économique.

Enfin, je voudrais traiter de la question de la crédibilité des états financiers du gouvernement. L'intention qu'a le gouvernement de divulguer entièrement les détails de la transaction en cause devrait permettre de garantir que les états soient extrêmement crédibles. Nos conseillers déclarent:

    Aucun degré de déclaration ne peut compenser une écriture inexacte, mais la divulgation complète permettrait à l'utilisateur des états financiers de faire les rajustements nécessaires et les effets sur les états financiers sont, à notre avis, facilement compréhensibles, et ne sont pas déterminants au point d'altérer fondamentalement l'utilité des états financiers dans leur ensemble.

En conclusion, monsieur le président, l'avis que nous avons reçu réitère le besoin d'exercer un jugement professionnel. Nos conseillers poursuivent en déclarant: «Dans des cas délicats tels que celui-ci, on peut s'attendre à ce que les opinions professionnelles diffèrent raisonnablement». Toutefois, la responsabilité finale des états financiers et de leur déclaration appartient au gouvernement. Nous avons opté pour une déclaration complète, pour la transparence, la cohérence et la responsabilisation.

M. Potts et moi-même serions heureux de répondre à toute question que vous-même ou les membres du Comité pourriez vouloir nous poser.

Le président: Merci beaucoup, messieurs Harder et Potts.

Nous passons maintenant aux questions et réponses, en commençant par M. Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je crois que j'adresserai ma question soit à M. Desautels, soit à M. Harder. Depuis combien de temps le gouvernement a-t-il fait établir ces normes comptables objectives par le Conseil sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public? Depuis combien de temps celles-ci sont-elles en place?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je peux essayer de répondre à cette question.

• 1545

L'Institut canadien des comptables agréés a mis sur pied ce conseil particulier au début des années 80. Ce dernier a commencé dès lors à énoncer des prises de position et le gouvernement fédéral a suivi en général ces recommandations.

M. Monte Solberg: Outre les trois exemples notoires depuis que le présent gouvernement est au pouvoir, y a-t-il d'autres exemples où les gouvernements ont dérogé à ces normes?

M. Denis Desautels: Ce sont là des situations assez uniques. Dans le modèle de comptabilisation du gouvernement fédéral, il y a des domaines où l'on ne se conforme pas pleinement aux recommandations en matière de comptabilité et de vérification dans le secteur public, et ce depuis le tout début, et il ne s'agit donc pas de dérogation soudaine de ce qui se faisait avant. Ceux-ci sont notés parfaitement et nous en avons traité dans certains de nos rapports antérieurs, et nous avons eu l'assurance du gouvernement qu'il avait, en fait, l'intention éventuellement d'adopter ces recommandations, par exemple, relativement à la comptabilisation des immobilisations.

M. Monte Solberg: Donc, dans ces situations du moins, le gouvernement reconnaît qu'il vaut la peine de se conformer à ces normes de l'Institut canadien des comptables agréés. Ce à quoi je veux en venir, c'est que beaucoup d'entre nous, selon moi, ont eu l'illusion que ces normes liaient d'une certaine manière le gouvernement ou que ce dernier s'estimait obligé en quelque sorte de les respecter. Toutefois, il semble que ce ne soit pas le cas.

M. Peter Harder: Ce sont des normes. Celles-ci ne lient pas le gouvernement. Toutefois, comme je l'ai indiqué, nous croyons que le gouvernement a accepté, même pour la question qui nous occupe, les principes des normes du CCVSP. À certains égards, il s'agit d'une question de jugement entre professionnels, et comme l'indique l'avis que j'ai déposé aujourd'hui, il est très légitime entre professionnels d'avoir un désaccord en matière d'interprétation. Selon moi, c'est ce dont il est question aujourd'hui.

M. Monte Solberg: On lit dans le rapport que des discussions ont été tenues alors avec le Bureau du vérificateur général pour savoir comment on traiterait cette comptabilisation. Y a-t-il eu des discussions au préalable avec le CCVSP?

M. Colin Potts (sous-contrôleur général, Secrétariat du Conseil du Trésor): Non, il n'y a pas eu de discussions tenues avec le CCVSP, et ce n'est pas le rôle de l'ICCA et du CCVSP de tenir des discussions sur ce genre de questions avec deux parties. Le rôle de l'ICCA est d'établir des principes et des normes. Il appartient ensuite aux membres de la profession d'interpréter les normes et de régler ensuite les différends.

M. Monte Solberg: Cependant, vous avez indiqué qu'il s'agit là de normes. Si vous désirez être cohérent et respecter ces normes, ne devriez-vous pas en prendre connaissance préalablement, si vous prévoyez faire quelque chose comme cela, pour vous assurer de tous suivre la même procédure?

M. Colin Potts: Il s'agit réellement d'interpréter les normes. Nous croyons, et c'est ce qu'indique l'avis que nous avons reçu, qu'on appuie la position du gouvernement dans cette affaire, selon les principes comptables de l'ICCA.

M. Monte Solberg: Toutefois, on déroge beaucoup à la pratique antérieure, et vous indiquez que cela s'explique par la nature de la dépense faite. Est-ce exact?

M. Peter Harder: Si vous me permettez d'intervenir, il y a eu deux cas antérieurs, la question de l'harmonisation de la TPS, et ensuite le fonds pour l'innovation, et il y a maintenant le cas du fonds des bourses d'études du millénaire.

Durant la dernière année, ce que nous avons tenté de faire lors de nos discussions tenues avec le vérificateur général et son personnel, c'était de fournir un contexte général pour indiquer, de façon transparente, comment nous traiterions de cela sur une base régulière, car d'une certaine façon c'est une question nouvelle et parce que la capacité de la profession à nous aider au sujet de questions nouvelles dans le secteur public n'est pas aussi grande que dans le secteur privé. Ce que nous tentons de faire, et ce qui est précisé dans les lettres que nous avons échangées avec le vérificateur général et l'avis que je dépose aujourd'hui, c'est d'indiquer essentiellement que l'approche que le gouvernement a adoptée dans les deux derniers cas, et dans le présent cas, est transparente, cohérente, ouverte et appropriée relativement aux divers jugements et aux diverses interprétations touchant les normes de la CCVSP.

• 1550

M. Monte Solberg: Le ministre des Finances a dit que cette façon de procéder est conforme à ce qui se fait dans le secteur privé, mais le vérificateur général a déclaré que cela n'est pas cohérent—et je ne veux pas lui faire dire des choses qu'il n'a pas dites—avec ce qui se passe dans le secteur privé. Je me demande si vous pouvez expliquer cela.

M. Peter Harder: Je ne peux pas parler au nom du ministre des Finances et je ne connais pas non plus les termes précis qu'il a utilisés. Ce que le ministre des Finances et le président du Conseil du Trésor ont déclaré de façon constante durant les dernières années, c'est qu'en adoptant cette approche, nous avons tenté de faire preuve de transparence, et d'avoir une interprétation très étroite et dans ce sens prudente des obligations de sorte que la comptabilité du gouvernement reflète les obligations qu'il avait assumées, sous réserve des contraintes que nous avons indiquées aujourd'hui. Il est clair que si le Parlement devait ne pas approuver cette fondation, et si celle-ci devait ne pas être en place selon les critères précisés dans mes commentaires et dans mes déclarations, nous ne la comptabiliserions pas au moment de fermer les livres.

M. Monte Solberg: Cependant, est-ce que cette approche permet au gouvernement d'utiliser ces crédits pour faire toutes sortes d'abus, par exemple pour dissimuler des excédents, ce qui pourrait s'être produit dans ce cas précis, selon ce que disent beaucoup de personnes?

M. Peter Harder: Ma réponse à ce sujet serait qu'il doit s'agir de la dissimulation la plus transparente qu'un gouvernement a faite.

M. Monte Solberg: Très bien. Cela a certes été fait au grand jour, ce qui peut être aussi une effronterie. Mais le fait demeure que dans ce cas particulier, le gouvernement avait un excédent à la fin de l'exercice et que celui-ci a subitement disparu, en partie en raison de ce fonds. Des ramifications politiques s'y rattachent, et vous ne désirez probablement pas vous en mêler. Mon point est qu'il devient très difficile, à titre de législateur, de comprendre ce qui se passe lorsqu'il semble que le gouvernement change arbitrairement les règles de comptabilité en fonction de ses fins politiques. C'est pourquoi je deviens de plus en plus inquiet et c'est pourquoi je me préoccupe de ce qui s'est passé dans ce cas- ci.

M. Peter Harder: Je laisserai la politique aux membres du Comité. Ce qui m'intéresse, c'est la cohérence et la transparence, et le fait que la crédibilité des comptes du gouvernement ne soit pas remise en question. Je crois que la transparence de l'approche, que nos engagements pris quant à la manière et au moment de comptabiliser ces opérations et que la manière cohérente de traiter celles-ci à deux reprises dans le passé, en plus de la présente situation, ne jettent pas le discrédit sur les comptes du gouvernement du Canada. À preuve, ce n'est pas là une question qui a suscité des commentaires de la part des marchés, des institutions financières ou des agences de cotation.

M. Monte Solberg: Le vérificateur général, qui est le surveillant du Parlement sur les questions financières, a aussi constamment fait des critiques à ce sujet. Il ne serait donc pas faux de dire aussi, à tout le moins, que des gens qui jouissent d'une très grande crédibilité sur ces questions ne voient pas cela du même oeil que vous. Plutôt que de foncer et de procéder constamment ainsi, pourquoi ne peut-on pas en arriver à un accord à ce sujet entre le vérificateur général et les fonctionnaires du Conseil du Trésor? Pourquoi dans tous ses rapports, le vérificateur général doit-il toujours signaler ces incohérences?

M. Peter Harder: Monsieur Solberg, nous cherchions à nous entendre et nous n'avons pas pu en arriver à l'accord dont vous parlez. Il ne s'agit pas simplement d'un caprice de quelques fonctionnaires du Conseil du Trésor; c'est crédible, autant que l'avis de Coopers & Lybrand que je dépose, qui est elle-même une firme crédible, aussi crédible que le vérificateur général...

M. Monte Solberg: Je n'irais pas jusque-là.

M. Peter Harder: Peut-être est-il de Ernst & Young. Il s'agit d'une question technique de jugement. Nous sommes transparents lorsque nous disons cela et déclarons, selon notre jugement, et lorsque nous sommes appuyés par l'avis que je dépose aujourd'hui, que nous respectons les normes du CCVSP.

M. Monte Solberg: J'aimerais aussi entendre les commentaires, le cas échéant, du vérificateur général sur les points que nous avons soulevés.

M. Denis Desautels: Dans l'ensemble, je ne suis pas d'accord avec les positions présentées aujourd'hui et attribuées à l'avis ou à l'opinion reçu de Coopers & Lybrand. En général, nos raisons sont très bien expliquées, selon nous, dans notre réponse à la correspondance du gouvernement.

• 1555

Plus précisément, nous estimons que l'ICCA donne des directives spécifiques sur ce type de question. Les directives spécifiques, comme nous l'avons expliqué dans notre correspondance, l'emportent sur les arguments plus généraux. Il existe une directive très claire sur la manière dont les paiements de transfert devraient être comptabilisés.

L'approche proposée présente, selon nous, des dangers parce que les gouvernements futurs bénéficieraient de trop de flexibilité pour déterminer les résultats financiers d'un exercice donné. Je pense que les états financiers des gouvernements de tout le Canada ont été plus crédibles parce qu'ils étaient préparés avec plus de rigueur par suite des prises de position et des conseils de l'ICCA.

J'aimerais—beaucoup—que les choses continuent dans la même veine pour que les auteurs d'états financiers de tout gouvernement soient assujettis à des règles assez claires et qu'ils s'y conforment.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): En ce qui concerne cette lettre de Coopers & Lybrand adressée à M. Potts, qui a rédigé cette lettre?

M. Colin Potts: Il s'agit d'un avis de la firme Coopers & Lybrand.

M. Nelson Riis: Quelqu'un ne signe-t-il pas habituellement la lettre?

M. Colin Potts: Vous constaterez que cette lettre est signée «Cooper & Lybrand», ce qui est conforme aux firmes comptables lorsque l'avis est demandé à la firme plutôt qu'à une personne qui travaille pour celle-ci. C'est la position de la firme sur cet avis donné au gouvernement concernant cette question précise.

Le président: Est-ce que cela répond à votre question, monsieur Riis?

M. Nelson Riis: En réalité, nous ignorons donc qui l'a rédigé. Quelqu'un au sein de cette firme l'a rédigée.

Le président: La firme se porte garante de cette lettre, manifestement. C'est très clair.

M. Peter Harder: C'est une pratique courante.

Le président: C'est une pratique courante. Voulez-vous ajouter quelque chose à cela, monsieur Riis?

M. Nelson Riis: Non, c'est tout.

Le président: D'accord. Monsieur Solberg, avez-vous d'autres questions?

M. Monte Solberg: Oh, est-ce que j'ai le temps d'en poser d'autres?

Le président: Oh, oui.

M. Monte Solberg: Oh, d'accord. J'y reviendrai plus tard, monsieur le président. Vous avez signalé antérieurement que nous avions peut-être terminé.

Le président: D'accord, je vérifie seulement si tout va bien.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): J'ai beaucoup de questions. Il s'agit de savoir par quel bout commencer. C'est un dossier qui est fondamental, à mon point de vue, qui porte sur quelque chose qui n'est pas anodin. Depuis quelques années, on nous a habitués, au gouvernement, à des états financiers qui n'étaient pas tout à fait conformes, année après année, à ce qui se passait véritablement au niveau des dépenses et des recettes. C'est la troisième fois que cela se produit. Après l'harmonisation de la TPS et des taxes de vente provinciales dans les Maritimes et la fondation de la recherche, on a maintenant le Fonds des bourses d'étude du millénaire.

J'écoutais M. Harder qui, en réponse à mon honorable collègue, M. Solberg, disait que si c'était un camouflage des vrais chiffres, un camouflage des véritables surplus annuels, c'était un camouflage très transparent. Il ajoutait du même souffle qu'il ne voulait pas faire de politique, qu'il laissait cela aux autres autour de la table, mais c'est une déclaration très politique qu'il a faite là.

Je ne vois pas où sont la transparence, la cohérence, l'ouverture et la méthode comptable appropriée. D'une année à l'autre, on ne peut pas être certains des chiffres que vous présentez dans vos états financiers. Comment peut-on suivre à la trace des dépenses qui sont censées être faites une année alors qu'on trafique de cette façon les états financiers? Les états financiers doivent donner une idée juste, année après année, de ce qui est véritablement dépensé par le gouvernement et de ce qui est véritablement investi, ainsi que des recettes. Avec cette méthode telle qu'on la pratique pour la troisième fois, on n'est pas assurés de cette cohérence d'une année à l'autre. On n'est pas assurés d'avoir le portrait juste de la situation. Je ne sais pas si M. Desautels sera d'accord avec moi, mais je me demande quelle sera la crédibilité des états financiers si on persiste à trafiquer les chiffres de cette manière. Vous avez choisi la méthode du camouflage transparent, comme vous l'avez mentionné. Eh bien, la crédibilité de ces états financiers en souffre.

• 1600

Il y a quelques jours, j'ai eu l'occasion de parler avec des gens de l'Australie. Ils sont très au fait. Ce sont des comptables australiens. Je leur parlais tout bonnement de cette méthode-là, et ils ont trouvé que c'était une aberration considérable. Ils disaient que si on pratiquait ça chez eux, leur vérificateur général le leur reprocherait. J'ai signifié que c'était bien le cas ici, qu'à trois reprises, le vérificateur général avait mis le doigt sur le problème.

Si c'est tout simplement une divergence entre spécialistes, comment se fait-il que cette façon de faire ne corresponde pas aux normes généralement appliquées, les normes de l'Institut canadien des comptables agréés? Et comment se fait-il que le vérificateur général, qui n'est pas partisan, revienne constamment avec cette question d'imputabilité des montants effectivement dépensés ou non, année après année, dans trois cas?

J'attends votre explication, monsieur Harder, et vos commentaires, monsieur Desautels, sur ce qui se fait ailleurs dans le monde industrialisé en matière d'états financiers.

M. Peter Harder: Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

Je devrai répéter ce que j'ai déjà déclaré, c'est-à-dire que notre position est, selon nous, cohérente et transparente.

L'avis que j'ai déposé abonde dans le même sens, et ce n'est donc pas seulement l'avis des employés du bureau du contrôleur général. Cela est conforme aux normes du CCVSP et aux jugements qu'on demande à des professionnels de rendre.

Je dois admettre être en minorité à cette table, parce que je ne suis pas comptable de profession, et je dois donc me fier à mon sous-contrôleur général. Comme je l'ai déjà mentionné, il est partenaire d'une autre firme à charte fédérale, Deloitte et Touche, et il travaille actuellement avec nous dans le cadre du programme d'échange de personnel de direction.

Nous prenons très au sérieux nos obligations professionnelles et nous croyons que notre interprétation correspond de manière cohérente au bon jugement professionnel, ce que Coopers & Lybrand confirme aujourd'hui.

[Français]

M. Yvan Loubier: Et qu'adviendrait-il, monsieur Harder, si vous n'obteniez pas la sanction royale pour le projet de loi C-36 avant longtemps? Est-ce que vous recommenceriez à trafiquer les états financiers pour tenir compte d'un report l'année suivante? Comment présenteriez-vous cela à la population?

[Traduction]

M. Peter Harder: Comme nous l'avons indiqué, si le Parlement n'approuve pas cette législation, si les opérations ne sont pas terminées, puisque j'ai indiqué qu'elles le doivent, nous ne comptabiliserons pas cette opération si elle ne survient pas avant de fermer nos livres. Ce serait là faire un affront au Parlement. Cependant, nous croyons réellement que si toutes ces conditions sont remplies, il serait approprié de comptabiliser les engagements pris dans un budget pour l'exercice durant lequel nous les comptabilisons. Nous nous sommes engagés à l'égard de cette procédure et nous nous y conformerons aussi.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur Desautels, voulez-vous faire un commentaire sur la crédibilité des états financiers du gouvernement fédéral alors qu'on prend constamment ce genre de mesure, dans des cas qui semblent différents d'une fois à l'autre?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, la crédibilité des états financiers est au coeur de nos inquiétudes, et nous avons d'ailleurs soulevé cette question dans le chapitre 9 que nous avons publié la semaine dernière. C'est pourquoi nous espérons que ce genre de pratique pourra cesser le plus rapidement possible. Je dois dire que jusqu'à maintenant, les états financiers du gouvernement canadien ont joui de beaucoup de crédibilité. On a investi beaucoup d'efforts là-dedans, autant du côté du gouvernement que de notre côté, et je pense que, sur le plan mondial, le Canada a une bonne réputation. Je trouverais ça dommage qu'on recule, tant peu soit-il, de ce côté-là. J'espère donc qu'on pourra résoudre cette question ou, du moins, ne pas répéter dans les années futures ce que nous avons soulevé cette année.

M. Yvan Loubier: Monsieur Desautels, à votre connaissance, est-ce que le Canada est le seul, parmi les pays qui lui ressemblent le plus, à faire ce genre de chose? Je vous parlais de mon contact australien qui me disait que cela ne se faisait pas chez lui. D'après vous, ce genre de manipulation des chiffres se fait-il ailleurs dans le monde? Vous devez avoir des contacts avec des gens d'autres pays.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, nous avons effectivement beaucoup de contacts avec des gens d'autres pays, mais nous avons également de bons contacts ici même, au Canada, avec les gouvernements provinciaux et leurs vérificateurs.

• 1605

Il y a d'autres gouvernements qui ont des problèmes de ce genre ici même, au Canada. Je dois dire que les vérificateurs généraux de la Colombie-Britannique et du Québec ont exprimé des réserves sur les états financiers de leurs gouvernements. En Nouvelle-Écosse, le vérificateur général a également des réserves sur la façon de faire du gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

Par contre, tous essaient d'utiliser comme point de départ, pour juger de la validité des états financiers, les normes établies par l'Institut canadien des comptables agréés. Cela sert de barème à tous les vérificateurs généraux.

M. Yvan Loubier: Je parlais du type de problème qu'on rencontre ici. On fait une annonce, et même si on sait que les premiers débours seront faits seulement dans deux ans, on impute l'ensemble des montants prévus aux états financiers de l'année de l'annonce. Est-il normal de faire cela? C'est ce qu'on avait fait dans le cas de l'harmonisation de la TPS. Est-ce qu'une telle chose se fait ailleurs?

En passant, j'ai été très heureux, lors du dernier budget à Québec, de voir que le ministre des Finances avait répondu favorablement à toutes les recommandations du vérificateur général et qu'il les mettra en application dès l'année courante. Ça fait du bien d'entendre ce genre de chose. Je m'attendais à la même ouverture de la part du ministre des Finances canadien, mais cela n'a pas été le cas.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, dans la plupart des cas que j'ai connus et que d'autres vérificateurs ont rencontrés, la tendance est plutôt à sous-estimer les dépenses. Actuellement, ici, c'est le contraire. Le seul autre cas semblable qui est d'actualité au Canada est en Nouvelle-Écosse, où le gouvernement avait comptabilisé avant le moment propice certaines dépenses d'immobilisation.

M. Yvan Loubier: Nous constatons depuis trois ou quatre ans que les chiffres ne sont plus fiables d'une année à l'autre, ou qu'ils sont de moins en moins fiables. Je ne parle pas seulement des états financiers, mais aussi de toutes les prévisions de dépenses, de revenus et de déficits annuels. Cette année, c'est une vraie risée. Si j'étais un contribuable, je me poserais de sérieuses questions sur le sarcasme avec lequel on présente certaines données. Pour 1997-1998, 1998-1999 et 1999-2000, on met un déficit égal à zéro, alors qu'on sait que pour le dernier exercice financier, on prévoyait, avec les chiffres des trois premiers trimestres, un surplus de 4 milliards de dollars au bas mot. Êtes-vous inquiet qu'on puisse gonfler ainsi des dépenses ou les réduire, gonfler des recettes ou les réduire pour répondre aux préoccupations plus politiques des gouvernements?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, notre rôle, comme vous le savez, est de donner une opinion sur les chiffres historiques, les résultats réels du gouvernement et non pas sur les prévisions budgétaires. Cependant, la crédibilité de tout l'ensemble des chiffres est importante. La contribution que je peux faire, c'est d'exercer de la pression pour que les états financiers reflètent le plus près possible la réalité et, donc, soient crédibles.

M. Yvan Loubier: Avez-vous senti de la part du ministre des Finances une certaine ouverture face à vos recommandations? Il y avait une très grande fermeture au début. Sentez-vous qu'on reçoit maintenant vos arguments? Ce n'est pas la première fois que vous en débattez et ce n'est pas la première fois que vos arguments sont rendus publics. Vous avez aussi récemment comparu au Comité des comptes publics.

Sentez-vous qu'il y a un certain assouplissement de la part du ministre des Finances ou s'il est fermé et croit qu'il a raison?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, à la fin de chaque exercice financier, nous avons des discussions avec le ministère des Finances et le contrôleur général sur le traitement comptable de certaines transactions qui sont assez inusitées, sur certaines estimations comptables et ainsi de suite. À chaque fin d'exercice, nous avons des discussions, parfois assez musclées, sur certains sujets. Dans la plupart des cas, nous réussissons à nous entendre sur le meilleur traitement comptable de ces transactions-là.

Dans le cas actuel, cependant, nous ne sommes pas d'accord. En fait, chacun a sa position. Il n'y a pas encore eu de mouvement pour nous rapprocher dans une position commune.

M. Yvan Loubier: Monsieur Harder, qu'est-ce qui rapproche les deux cas les plus connus? On parle de l'harmonisation de la TPS avec les taxes de vente des Maritimes et des bourses du millénaires. Quels critères avez-vous utilisés pour choisir une telle méthode comptable plutôt qu'une autre dans les deux cas?

• 1610

Est-ce qu'il y a des rapprochements à faire? Quelle a été votre réflexion sur le traitement que vous avez fait de ces deux dossiers, qui semblent assez différents l'un de l'autre? Pourquoi avoir utilisé cette méthode peu courante?

[Traduction]

M. Peter Harder: Nous avons adopté ces procédures parce que le gouvernement estime qu'en comptabilisant ses dépenses durant l'exercice et en prenant les engagements—et le projet de loi budgétaire lui-même a respecté ces engagements—c'est la façon la plus transparente et la plus appropriée de le faire.

Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration, il y a des critères évidents à respecter, c'est-à-dire que le projet de loi doit avoir reçu la sanction royale. L'organisation doit avoir été établie suivant les modalités de financement convenues. Des critères existaient dans les cas antérieurs auxquels vous avez fait allusion. Si le Parlement devait adopter le projet de loi C-36 et si existaient les conditions que j'ai décrites, nous aurions l'intention de comptabiliser la dépense du Fonds des bourses d'études du millénaire en 1997-1998. Nous croyons que c'est la façon la plus appropriée, la plus crédible et la plus transparente de procéder.

Très franchement, nous serions en désaccord, puisqu'il y a désaccord au sein de la profession, sur l'interprétation des règles du CCVSP. Faire autrement remettrait en cause la crédibilité des états financiers.

Comme l'a indiqué M. Desautels, dans d'autres provinces, le problème s'est posé lorsque les gouvernements n'ont pas été transparents et n'ont pas comptabilisé des dépenses engagées. Nous avons été très prudents en comptabilisant ces dépenses de sorte que les chiffres soient crédibles pour tous.

Sur la question de la crédibilité, je signalerais aussi que même si 2,5 milliards de dollars représentent un gros montant, nous parlons d'une infime partie des dépenses globales du gouvernement sur laquelle le vérificateur général formule des commentaires. Nous sommes en désaccord avec son interprétation. Dans l'ensemble, comme le déclare le vérificateur général, nous sommes d'accord sur les questions d'interprétation. Je suis heureux de mentionner que dans ses commentaires, il a fait l'éloge de la position avant-gardiste que le Canada a adoptée sur les questions de comptabilisation.

Les députés qui ont rencontré des représentants d'autres pays comprendront cela. Notre voisin du sud n'a même pas encore produit d'état consolidé pour le gouvernement, et nous sommes en train de débattre chez nous la question de savoir si un montant de 2,5 milliards de dollars d'engagements devrait être comptabilisé durant un exercice ou un autre.

[Français]

M. Yvan Loubier: J'ai deux dernières petites questions, monsieur le président, parce que je trouve que c'est important.

Comment peut-on trouver normale, transparente, cohérente, appropriée et ouverte une telle approche? Dans le cas de l'harmonisation de la TPS avec les taxes de ventes des Maritimes, on a voté d'abord et avant tout sur le budget et ensuite on a voté sur le projet de loi d'harmonisation. Il y a quelque chose d'incohérent dans le processus décisionnel lié à vos états financiers, lié aux chiffres que le gouvernement nous propose et sur lesquels on est obligés de voter avant même qu'il y ait des débours de faits.

Si on appliquait la même logique aux recettes, est-ce que vous trouveriez cela logique? Si le gouvernement annonçait un projet qui doit générer des recettes dans deux ans et appliquait ces recettes à l'exercice financier courant, est-ce que vous trouveriez logique une telle procédure?

[Traduction]

M. Peter Harder: Cela dépend de votre logique. Je ne suis pas d'accord car nous avons cherché à donner l'interprétation la plus prudente possible de nos obligations. En ce qui a trait aux recettes, je voudrais voir l'argent. Cependant, pour ce qui est de nos dépenses connues, nous désirons les comptabiliser lorsque nous avons dépensé les crédits.

Il ne s'agit pas d'annoncer le Fonds des bourses d'études du millénaire. Il est prévu dans le projet de loi que vous avez devant vous. Le Parlement décidera s'il accepte cet élément du projet de loi budgétaire.

[Français]

M. Yvan Loubier: Juste un petit commentaire, monsieur le président. L'avis de Coopers & Lybrand—et je trouve que c'est un bon point que M. Riis a soulevé—n'est pas valable pour moi. Il n'y a pas de signature d'un associé de Coopers & Lybrand. On ne peut pas retracer celui qui a donné cet avis-là. Pour moi, cette avis n'a pas beaucoup de valeur.

Normalement, la pratique n'est pas de signer «Coopers & Lybrand». Lorsqu'on a un avis d'une boîte de fiscalistes, ce n'est pas courant. En tout cas, je n'ai jamais rien vu de semblable.

• 1615

[Traduction]

M. Peter Harder: Eh bien, c'est en fait une pratique comptable que de faire signer la firme comme dans le cas actuel sur la base des opinions qui représentent les points de vue de celle-ci. Il ne s'agit pas simplement de chercher à obtenir l'avis d'une personne en particulier. En réalité, cela a beaucoup plus de force.

Le président: Merci, monsieur Loubier.

Monsieur Desautels, êtes-vous d'accord avec M. Harder concernant la lettre? Est-ce une pratique courante qu'une firme signe de cette manière?

M. Denis Desautels: Eh bien, il est assez courant que la firme signe en son nom; de toute évidence, c'est acceptable.

Il y a des variations à ce sujet. Parfois, la personne qui a effectivement rédigé la lettre mentionnera son nom quelque part ailleurs après la signature de la firme. Il existe différentes pratiques de ce genre, mais la plus usuelle est...

Le président: De ce genre. Très bien. C'est une question très simple.

À titre de comité, cette lettre nous est soumise. Vous êtes le vérificateur général du Canada. Bien sûr, vous connaissez la firme Coopers & Lybrand. Est-ce une pratique courante et reconnue d'obtenir une signature de ce genre? Autrement dit, est-ce une lettre authentique que nous pouvons accepter à titre de comité? C'est une question très simple: oui ou non?

M. Denis Desautels: Oui, monsieur.

Le président: Très bien, merci.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Harder, vous êtes placé aujourd'hui dans une situation difficile. Je ne veux pas dire cela parce que vous n'êtes pas comptable, mais parce que vous devez justifier ce que certaines personnes appellent «trafiquer les états financiers».

Vous avez déclaré que si le projet de loi C-36 était adopté, et patati et patata. Le fait qu'il y a six libéraux de ce côté-là et trois députés de l'opposition de ce côté-ci donne l'impression que cela va passer. Cela n'est jamais remis en question.

Je pense que cela reflète la façon dont nous faisons des estimations. En principe, le Parlement doit étudier les estimations, les revoir systématiquement, etc. Eh bien, il y a belle lurette que ce n'est plus le cas. Tout cet exercice est maintenant tout à fait dérisoire, et tout le monde le sait. C'est pourquoi lorsque nous constatons ce genre de pratiques, nous nous demandons si nous ne nous dirigeons pas davantage dans cette direction.

Monsieur Harder, vous avez mentionné le Fonds des bourses d'études du millénaire, le Fonds pour l'harmonisation et le Fonds pour l'innovation. Quand cela cessera-t-il? Va-t-on présenter le prochain budget et dire que nous prévoyons faire cela—je pense que nous devrons garder cette question au sein du Parlement—dans un délai de deux ou trois ans?

Si on a simplement une liste complète de choses qui seront présentées d'ici trois ou quatre ans avec un gouvernement majoritaire, et que nous trouvons alors tout cela dans ce budget, y a-t-il une fin à ce processus?

M. Peter Harder: Monsieur Riis, je ne peux prévoir ce que le ministre des Finances et ses collègues du Cabinet désireront faire dans le prochain budget.

M. Nelson Riis: Permettez-moi d'être plus précis. Est-ce que le gouvernement pourrait dire qu'il veut avoir un nouveau programme d'infrastructure fédéral-provincial d'un montant de 10 millions de dollars, à mettre en marche dans trois ans, mais le budgétiser durant le budget du présent exercice?

M. Peter Harder: Je ne pourrais pas le faire, sauf si existaient les conditions que j'ai mentionnées. Cela dépendrait de la gestion publique et de la nature sans lien de dépendance de l'organisation, de la loi adoptée, des arrangements prévus en matière de financement, etc.

J'avancerais que le gouvernement s'est engagé à l'égard d'une norme assez rigoureuse de transparence et du processus établi, et de la responsabilisation sur le plan public et sur le plan de la transparence. Le...

M. Nelson Riis: Désolé, êtes-vous en train de dire que c'est plutôt une situation unique alors, et que nous ne reverrons probablement pas cette pratique dans l'avenir?

M. Peter Harder: Je pense qu'on en a vu un élément dans les trois derniers budgets, dont celui-ci. Selon la situation financière du gouvernement, s'il y a des cas dans lesquels ce mécanisme serait approprié tant sur le plan de la gestion que de la politique publiques, je pense que le gouvernement ne devrait pas— et il ne le ferait pas non plus—s'engager à se parjurer en utilisant cet instrument.

M. Nelson Riis: La page 9 de la lettre-mystère de Coopers & Lybrand déclare ce qui suit:

    Cependant, nous notons que si l'obligation de créer le fonds est constatée le 31 mars 1998, il n'existe à cette date aucune entité par rapport à laquelle l'actif correspondant peut être comptabilisé, ce qui résulterait en une certaine perte temporaire de responsabilisation.

Et l'avant-dernière phrase de votre document indique que «Nous avons opté pour une déclaration complète, pour la transparence, la cohérence et la responsabilisation». N'y a-t-il pas une certaine incohérence ici dans votre lettre, et par rapport à ce que vous dites?

M. Peter Harder: Eh bien, je dirais que non, parce que ce que la législation prévoit et les conditions que nous avons indiquées respecter permettrait de s'assurer que...

M. Nelson Riis: Eh bien, je sais, je veux dire cette lettre... en avez-vous un exemplaire?

M. Peter Harder: Oui, bien sûr.

M. Nelson Riis: À la page 9, juste au-dessus du sommaire, on indique «perte temporaire de responsabilisation». Que veut-on dire par cela?

• 1620

M. Peter Harder: Comme vous le savez très bien, le Parlement n'avait pas adopté cette loi le 31 mars 1998. Ce que nous faisons est sous réserve de la volonté du Parlement et des assurances que les organisations, les instruments et les arrangements en matière de financement, etc. sont en place, avant de pouvoir fermer les livres. Il n'y a pas absence de responsabilisation lorsque quelqu'un prend l'argent et lorsque nous ignorons où cet argent se trouve.

M. Nelson Riis: Que voulez-vous dire par là?

M. Peter Harder: C'est une description assez technique. Je demanderai à mon...

M. Nelson Riis: Une certaine perte temporaire de responsabilisation—qu'est-ce que cela veut dire, monsieur Potts?

M. Colin Potts: Je pense qu'on fait allusion au fait que le 31 mars—et M. Harder y a fait allusion—la loi n'avait pas été approuvée officiellement. Par conséquent, si un passif est constaté dans les livres, à qui ce passif est-il attribuable? Donc, temporairement, jusqu'à ce que le travail juridique final soit exécuté, il y a un «peut-être», je pense que ce sont les termes qu'on utilise.

M. Nelson Riis: Non, on n'utilise pas de «peut-être».

M. Colin Potts: Non, on n'en utilise pas. Je suis désolé, je retire ce que j'ai dit.

M. Nelson Riis: Quoi qu'il en soit, il y a un élément ici d'incohérence.

M. Colin Potts: Oui.

M. Nelson Riis: D'accord, j'en resterai là.

Monsieur Desautels, si des pratiques comptables appropriées, selon votre jugement, avaient été suivies, quel aurait pu être le résultat dans ce budget? Qu'est-ce-qui aurait changé dans ce budget?

M. Denis Desautels: Les dépenses auraient été inférieures de 2,5 milliards de dollars.

M. Nelson Riis: Ce qui refléterait, d'après vous, beaucoup plus fidèlement la réalité.

M. Denis Desautels: C'est exact. Je crois que la suite logique de mon argument est que ce montant n'aurait pas dû être comptabilisé, et sa non-comptabilisation a pour résultat de mieux refléter les dépenses.

M. Nelson Riis:

[Note de la rédaction: Inaudible]... pour comptabiliser le fonds pour l'innovation, de sorte que le résultat net sur l'exercice, si vous étiez cohérent d'une année à l'autre, aurait été minime.

Pourquoi un gouvernement...? Il y a d'autres gouvernements qui ont tenté d'utiliser la même tactique. À quoi veut-on en venir? Il doit y avoir des gains politiques pour certaines personnes dans ce cas-ci. Pourquoi utiliseraient-elles une telle tactique?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, il m'est difficile d'attribuer des motifs particuliers à ce que le gouvernement a choisi de faire. Je fais toujours attention lorsque vient le temps d'interpréter ce quÂest, selon moi, la position du gouvernement, et je la décris toujours comme étant une divergence de points de vue sur la manière de comptabiliser ce type d'opération. On m'a présenté des arguments, lesquels ne m'ont pas convaincu. Non seulement n'ai-je pas été convaincu, mais j'ai toujours beaucoup d'avis à ce sujet de personnes qui sont du même calibre que ceux de Coopers & Lybrand, par exemple.

Pour m'aider, j'ai un comité consultatif indépendant composé de huit personnes, dont Mme O'Malley de KPMG, MM. Scott et Boomgaardt de Price Waterhouse, M. Paré de Ernst & Young et le professeur Boritz de Waterloo. Par conséquent, ces conseils abondent dans le même sens que moi pour dire qu'il ne s'agit pas de bonne comptabilisation.

M. Nelson Riis: Diriez-vous qu'il s'agit simplement d'une divergence d'opinions honnête, ou y a-t-il plus que cela? Selon moi, il s'agit d'un changement très important. Nous avons entendu, à part ce cas particulier, des situations où les gouvernements provinciaux ont utilisé des tactiques semblables. Les gros titres sont Livres trafiqués et trompeurs et toutes sortes d'accusations. Est-ce simplement une divergence d'opinions honnête entre personnes qui formulent des commentaires sur les mêmes questions?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, selon moi, c'est une question qu'il vaut mieux poser au gouvernement. Tout ce que je peux dire, c'est que trois années de suite, la tendance a été que des dépenses ont été comptabilisées au moins une année avant la période où, selon moi, elles auraient dû l'être.

M. Nelson Riis: D'accord.

J'ai de nombreuses questions, mais je vais en poser une dernière, pour permettre à mes collègues de figurer aussi au compte rendu. Vous avez dit quelque chose d'intéressant dans votre rapport. L'un des scénarios que vous avez présentés... vous vous êtes interrogé sur le fait de savoir s'il était nécessaire d'adopter un programme d'avantages pour les personnes âgées. Les trois scénarios que vous avez utilisés dans votre dernier rapport relativement aux divers degrés d'allégement de la dette et de réduction du ratio dette-PIB, d'après l'un de ceux-ci indiqueraient... vous vous êtes demandé si le programme d'avantages proposé pour les personnes âgées pouvait même être nécessaire.

• 1625

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je ne suis pas tout à fait sûr exactement à quoi fait allusion M. Riis, mais le chapitre 6 portait sur la démographie et la nécessité d'avoir une idée à plus long terme pour refléter les effets de la nouvelle démographie. Nous indiquions que si cela était fait, on pourrait envisager certaines propositions de manière différente.

M. Nelson Riis: Monsieur Harder, je passerai à vous pour cette question. Pourquoi le gouvernement hésite-t-il à fournir ces scénarios à plus long terme pour que nous puissions décider s'il est nécessaire d'apporter ces changements proposés au programme d'avantages?

M. Peter Harder: Monsieur Riis, ce commentaire concernait le ministère des Finances. Il conviendrait mieux de poser cette question à mon collègue, le sous-ministre des Finances, qui serait heureux d'être ici, j'en suis sûr.

M. Nelson Riis: J'en conviens. Merci.

Le président: Merci, monsieur Riis.

Nous commencerons du côté du gouvernement par M. Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je veux poursuivre avec le genre de questions que M. Riis a posées. Monsieur le vérificateur général, dans votre lettre datée du 18 mars qui était adressée au sous-ministre des Finances et au secrétaire du Conseil du Trésor, vous avez déclaré:

    Je crois que cette modification permettra aux gouvernements d'influer sur les résultats présentés. Il leur suffira d'annoncer leurs intentions dans leurs budgets et de décider ensuite des éléments à inclure dans le déficit ou l'excédent après la fin de l'exercice, une fois les chiffres préliminaires connus.

À mon avis, ce que vous indiquez dans cette déclaration, c'est que durant l'été le gouvernement va décider ou non de comptabiliser un passif pour le Fonds des bourses d'études du millénaire en 1997- 1998, ou durant un autre exercice, suivant ce que sembleront être alors les résultats financiers. Dans vos observations antérieures, vous avez déclaré que, selon vous, cette flexibilité pourrait être un peu dangereuse.

Cependant, les conditions qui sont réellement imposées dans ce cas-ci, le fait que le Fonds des bourses d'études du millénaire a d'abord été annoncé dans le discours du Trône, et non, comme l'a indiqué initialement M. Solberg, en raison d'un excédent—pour utiliser ses propres mots—a semblé que ce Fonds de bourses d'études du millénaire avait un peu l'air... Cela a été annoncé dans le discours du Trône bien avant tout budget. Cela a été confirmé dans le budget de 1998 et inclus dans l'objectif budgétaire de l'exercice 1997-1998. Cela est contenu dans la législation déposée avant le 31 mars, et nous l'examinons aujourd'hui.

Je trouve un peu étrange que cette déclaration ait été faite à ce moment-là et que vous croyez que le gouvernement fédéral, à la fin de l'exercice, déciderait alors de comptabiliser cet événement lorsque cela a été connu depuis le discours du Trône. On savait très bien que nous allions mettre en marche ce programme et que nous devrions le payer.

Vous mentionnez aussi que la politique gouvernementale pour la comptabilisation de ce genre de passif constitue une dérogation aux normes comptables objectives. M. Riis a indiqué que ce qui se produit dans ce cas-ci, c'est une divergence d'opinions. Êtes-vous en train de dire qu'il n'y a pas de place pour le débat entre les vérificateurs? Nous avons ici une divergence d'interprétation.

M. Solberg a mentionné plus tôt les commentaires du ministre. Avec la permission du président, pour le bénéfice des membres du présent comité, je déposerai un document de Ernst & Young, sur lequel le ministre s'est fondé pour formuler ses commentaires. Il mentionne comment le secteur privé traite ce type de situation, comment celui-ci s'en occuperait.

Tout cela suppose qu'il y ait une interprétation différente dans ce cas-ci. Premièrement, les vérificateurs du gouvernement diffèrent. Ernst & Young a une interprétation différente et Coopers & Lybrand a indiqué que son interprétation différait. Malgré que je comprenne que vous êtes le vérificateur du Parlement—le Conseil du Trésor est le vérificateur du gouvernement—il n'y a aucune exigence juridique de respecter les principes comptables du CCVSP. Toute cette information semble indiquer qu'il y a une interprétation différente et qu'un jugement professionnel devrait être appliqué, comme dans le cas qui nous intéresse.

Je peux peut-être obtenir un commentaire ici et j'ai ensuite deux ou trois autres questions supplémentaires.

M. Denis Desautels: Merci, monsieur le président. Permettez- moi de tenter de répondre à tous ces points.

D'abord, concernant notre lettre datée du 18 mars et le paragraphe auquel a fait allusion M. Valeri, ce dernier traite de la modification comptable ou de la modification de la politique comptable qui est proposée. Il ne traite pas strictement du Fonds des bourses d'études du millénaire. Il traite des conséquences de ce changement sur les gouvernements futurs et du degré de flexibilité que cela pourrait comporter, mis à part le Fonds de bourses d'études du millénaire.

• 1630

Je sais que le montant pour le Fonds des bourses d'études du millénaire est fixé dans le budget, et cela est très clair, mais les politiques comptables que j'aurais suggérées dans ce cas-ci inviteraient tout gouvernement futur à annoncer un changement de cette nature avant la fin de l'exercice et, lorsque surviendraient ensuite des événements à la fermeture des livres, à fixer le montant réel à comptabiliser pour cette opération donnée.

C'est là la question qu'on soulevait dans ce paragraphe précis. Celui-ci ne voulait pas dire que c'était le cas pour le Fonds de bourses d'études du millénaire, parce que nous savons que les montants ont été très...

M. Tony Valeri: Il était précisé dans le discours du Trône et c'était...

M. Denis Desautels: Exactement.

M. Valeri se demande s'il y a place pour un débat. Il y a toujours de place pour un débat. Comme je l'ai indiqué dans une réponse à une question antérieure, nous discutons chaque année avec les auteurs des états financiers d'une série de problèmes, et nous trouvons habituellement une solution à ceux-ci. Il s'agit normalement de questions portant sur des montants élevés et non pas sur de petits montants. Il y a donc de place pour un débat. Cependant, la détermination de l'excédent ou du déficit annuel du gouvernement est, à mon avis, l'un des plus importants exercices comptables que nous effectuons, et nous devons tous le faire le mieux possible.

À titre de vérificateur du Parlement, j'ai une obligation. Si je suis réellement en désaccord après qu'on a étudié une position gouvernementale précise, j'ai l'obligation de le dire au Parlement. Dans ce cas-ci, c'est exactement ce que je fais, et ce que j'ai fait l'année dernière et l'année avant.

Monsieur le président, j'ai entendu que l'on faisait référence à une autre preuve—une lettre de Ernst & Young. Vous posiez plus tôt des questions sur la pratique reconnue ou normale. Cela me perturbe un peu, parce que la pratique normale est que si un vérificateur professionnel donne une seconde opinion sur le travail d'un autre vérificateur, il y a habituellement au moins quelques échanges de vues entre eux pour s'assurer qu'ils possèdent tous les faits exacts. Je n'ai jamais vu ces deux lettres avant aujourd'hui, et elles constituent toute une surprise. À mon avis, il aurait été utile que les auteurs de ces lettres communiquent avec moi pour savoir si nous utilisions les mêmes données de base.

Le président: Monsieur Harder.

M. Peter Harder: Je ne peux me prononcer sur la lettre de Ernst & Young—je l'ai seulement vu lorsqu'elle a été distribuée— mais le document de Coopers & Lybrand est un avis donné au gouvernement. Il est tout à fait conforme à la pratique, comme je crois la comprendre, que cet avis ne respecte pas l'obligation plus élevée ou l'obligation professionnelle.

Je demanderai à M. Potts de fournir une réponse, parce que c'est une accusation grave.

M. Colin Potts: Le gouvernement a consulté Coopers & Lybrand sur cette question précise et il lui a demandé seulement son avis, comme l'indique clairement le paragraphe initial de sa lettre. Au sujet des diverses répercussions sur l'à-propos des traitements comptables choisis... Nous ne lui demandions pas un avis sur le fait de savoir si nous avions raison ou non. Nous lui demandions quelles étaient les questions appropriées et si elle pouvait nous donner un avis, et c'est ce qu'elle a fait.

M. Tony Valeri: Merci. La lettre de Ernst & Young constituait aussi un avis donné au ministre.

Je désire revenir sur votre point selon lequel le paragraphe n'était pas un commentaire sur le Fonds de bourses d'études du millénaire, mais plutôt sur le processus. Dites-vous alors que le fait que le Fonds des bourses d'études du millénaire a été annoncé d'abord dans le discours du Trône et confirmé dans le budget de 1998—que ce n'était pas une chose que le gouvernement a décidé de faire après réflexion à la fin de l'exercice, mais qu'il s'agissait essentiellement d'un engagement que le gouvernement était prêt à prendre bien avant le 31 mars et que nous établissons une provision pour dette pour traiter celui-ci?

• 1635

Vous avez indiqué que ce commentaire ou paragraphe ne concernait pas précisément le Fonds des bourses d'études du millénaire, mais d'autres gouvernements futurs et la flexibilité dont ils disposeraient, à votre avis. Mon interprétation de ce que vous venez de dire est-elle exacte?

M. Denis Desautels: Ce paragraphe précis traite du changement apporté à la politique elle-même et des conséquences de celui-ci sur tous les gouvernements futurs.

M. Tony Valeri: Cependant, en ce qui concerne précisément le Fonds de bourses d'études du millénaire, vous n'y faites pas référence dans ce paragraphe.

M. Denis Desautels: Bien entendu, il existe un lien entre les deux questions. Je pense que le gouvernement dit qu'il change sa politique comptable afin de s'assurer que le Fonds des bourses d'études du millénaire est conforme à la politique; il est difficile de dissocier les deux. Je ne suis pas d'accord avec ce changement pour commencer, mais le danger que je signale dans une autre lettre, c'est que si vous permettez que cela soit fait avec vos principes comptables, vous accordez une plus grande flexibilité aux auteurs futurs des états financiers qu'il n'est souhaitable, à mon avis.

M. Tony Valeri: Cependant, dans le cas du Fonds des bourses d'études du millénaire—et je fais référence à votre paragraphe dans lequel vous déclarez que nous permettrons au gouvernement d'influencer les résultats déclarés—nous indiquons déjà bien avant de savoir quels sont ces résultats à la fin de l'exercice que nous comptabilisons ce passif de 2,5 milliards de dollars. Il n'est pas question d'attendre à la fin de l'exercice et de déclarer voici les résultats; parbleu!, apportons un changement pour pouvoir influencer ces résultats. C'est là où je veux en venir au sujet de ce paragraphe précis.

Vous prétendez aussi que les états financiers «avec réserve» du gouvernement du Canada signifie qu'ils ne sont plus crédibles, et vous faites une analogie avec le secteur privé dans votre rapport d'avril, et je cite: «Les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières voient les opinions avec réserve d'un très mauvais oeil». Est-ce que cela s'applique au gouvernement fédéral? Lorsque vous avez donné une opinion avec réserve l'année dernière, y a-t-il eu une réaction négative dans les marchés financiers ou de la part des agences de cotisation?

M. Denis Desautels: Je pense que fournir une opinion avec réserve sur les états financiers du gouvernement du Canada ou de tout autre gouvernement n'aide pas la crédibilité de ces états financiers. Ce n'est pas la même situation que celle qui existe dans le secteur privé ou pour toute entreprise dont les actions sont vendues sur la place publique. Selon moi, il s'agit ici de la crédibilité des états. Si les états financiers du gouvernement devaient être avec réserve d'une année à l'autre, je pense qu'ils perdraient de leur crédibilité.

M. Tony Valeri: Cependant, il n'y a eu aucune réaction négative dans les marchés financiers ou de la part des agences de cotation.

M. Denis Desautels: Les marchés financiers et les agences de cotation disposent de tous les experts nécessaires pour analyser les états financiers du gouvernement et ils font leurs propres calculs du déficit et effectuent leurs propres ajustements. Je pense que ce dont nous parlons ici, c'est de s'assurer que l'information que nous donnons aux députés et aux contribuables et aux citoyens en général est aussi claire et simple que possible.

M. Tony Valeri: Je suis pleinement d'accord avec votre dernière observation. Et je terminerai en disant que, selon moi, la raison pour laquelle il y a eu une réaction négative, c'est que ces agences de cotation et ces marchés ont la capacité de faire les évaluations, de façon à constater la complète transparence de ce que le gouvernement a fait et la totale imputabilité de ce que le gouvernement a fait, et ont pris leurs décisions en fonction de cela. Je suis donc tout à fait d'accord avec votre dernière observation.

Merci, monsieur le président.

M. Denis Desautels: Je pense pouvoir parler d'expérience et dire que depuis 20 ans, les analystes financiers, les agences de cotation et autres ont toujours effectué leurs propres ajustements par rapport aux chiffres gouvernementaux. Mais les états financiers du gouvernement se sont améliorés avec le temps, et le nombre de ces ajustements a diminué régulièrement, ce qui est tout à fait souhaitable.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

J'aurais trois questions. Monsieur Desautels, dans votre rapport vous citez le chapitre 3410 du manuel du CCVSP qui indique que:

    «l'exercice du jugement professionnel est nécessaire pour que les transferts soient comptabilisés de la manière qui exprime le mieux la substance des faits donnant lieu aux transferts, et non leur forme ou le profil de financement.»

• 1640

Vous dites ensuite que l'exercice du jugement n'est pas nécessaire dans ce cas. Cela me semble quelque peu contradictoire et, en fait, il semble que vous ne soyez pas en accord avec le CCVSP.

M. Ron Thompson (vérificateur général adjoint du Canada): Si vous le permettez, monsieur le président, monsieur Szabo, ce que nous disons dans ce texte, c'est qu'il existe un autre chapitre SP3410 qui, à notre avis, montre très clairement que la méthode comptable proposée n'est pas conforme aux recommandations du CCVSP. Il n'est donc pas nécessaire d'exercer un jugement ou en tout cas très peu. Selon notre lecture des faits, la fondation n'existe pas. Elle n'existe pas aujourd'hui. Et il n'existe pas d'entente de financement entre la fondation, qui n'existe pas, évidemment, et le gouvernement. Comment les exigences du chapitre SP3410 pourraient- elles être respectées dans ce cas? Nous pensons qu'il est évident que cela n'est pas possible et que cette méthode comptable proposée ainsi que la transaction concernant la Fondation des bourses du millénaire dérogent très nettement à ce que prévoit le CCVSP.

M. Paul Szabo: Ma deuxième question a trait à votre rapport d'avril 1998, dans lequel vous dites que vous ne croyez pas qu'il soit nécessaire de chercher ailleurs que dans le chapitre SP3410 des directives supplémentaires et que ce chapitre lui-même «exige l'exercice du jugement pour que les transferts soient comptabilisés de la manière qui exprime le mieux la substance des faits». Cela ne veut-il pas dire que vous devez tenir compte d'autres principes comptables fondamentaux?

M. Ron Thompson: Monsieur Szabo, lorsqu'il a rédigé le chapitre SP3410, le Conseil sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public a tenu compte des autres principes dont vous parlez et a essayé de réunir les meilleurs spécialistes avec le gouvernement pour décider comment les gouvernements devraient comptabiliser les paiements de transfert et en rendre compte, paiements qui sont des opérations uniques au secteur public. À notre avis, il existe des directives très précises et très claires en ce qui concerne la façon dont les gouvernements doivent comptabiliser les paiements de transfert et en rendre compte. C'est ce dont traite le chapitre SP3410. Et pour les raisons que nous avons mentionnées dans cette annexe, nous croyons que ce qui est proposé enfreint les dispositions de ce chapitre.

M. Paul Szabo: Ma dernière question porte sur la forme de la transaction. Le Conseil du Trésor pourra peut-être m'aider à ce sujet.

Si le gouvernement décide d'administrer la Fondation canadienne des bourses du millénaire par le biais de la Fondation canadienne pour l'innovation qui, elle, existe, étant entendu qu'elle serait appliquée selon les mêmes modalités que le Fonds de dotation des bourses du millénaire et que l'argent serait en fait transféré à la Fondation pour l'innovation avant le 31 mars 1998, nous aurions un instrument qui serait administré selon les mêmes formes et de la même façon—autrement dit, il serait exécuté finalement de la même façon—et le gouvernement comptabiliserait ces 2,5 milliards de dollars. À votre avis, cela serait-il une pratique comptable acceptable de comptabiliser ces 2,5 milliards de dollars au cours de l'année se terminant le 31 mars 1998?

M. Ron Thompson: S'il existe un destinataire légitime à la fin de l'année, monsieur Szabo, et qu'une entente de financement soit signée avant la fin de l'année entre le gouvernement et cet organisme et que l'argent soit versé, dans ce cas, il me semble que les exigences du chapitre 3410 du CCVSP seraient respectées.

M. Paul Szabo: D'accord.

M. Ron Thompson: Cela ne veut pas dire que l'entité, comme M. Desautels l'a dit dans ses remarques préliminaires, serait sans lien de dépendance, si l'on y regarde bien. Mais en lisant le chapitre SP3410 et compte tenu des faits que vous avez mentionnés, je dirais que les dispositions du chapitre sont respectées.

M. Paul Szabo: Donc, techniquement, la Fondation canadienne des bourses du millénaire et le fonds auraient pu être établis et structurés, etc. d'une façon que vous auriez jugé acceptable. Je ne sais pas vraiment pourquoi on n'a pas procédé de cette façon, si c'était si facile.

• 1645

Cela est très important car, monsieur Desautels, vous avez dit que le calcul du déficit et de l'excédent est extrêmement important et que c'est là votre fonction. Et pourtant, je viens juste de vous montrer une façon dont ces 2,5 milliards de dollars pourraient être comptabilisés légitimement de sorte que le déficit et l'excédent seraient exactement conformes à la façon dont le gouvernement en rend compte actuellement.

Mais il semble qu'il y ait de bonnes raisons pour établir une fondation distincte et ne pas avoir de lien de dépendance. Il doit y avoir une bonne raison d'affaires. Mais pour ce qui est de déterminer le déficit ou l'excédent, c'est simplement une question technique.

Il semble donc qu'il y ait une très bonne raison, très solide, de suggérer qu'il y a un désaccord, ou une base de désaccord, entre le vérificateur général et les autres parties.

M. Peter Harder: Monsieur le président, ma réponse serait la suivante—si je peux la résumer en une seule phrase—:pour le vérificateur général, la forme l'emporte sur le fond alors que pour le contrôleur général le fond l'emporte sur la forme.

M. Denis Desautels: Eh bien, monsieur le président, je ne suis pas d'accord. Chaque opération, chaque situation, doit être examinée au cas par cas, et la situation à laquelle nous sommes confrontés actuellement est, dans une certaine mesure, une question hypothétique.

Lorsqu'on décide, peu avant la fin de l'exercice, de dépenser 2,5 milliards de dollars, il faut agir avec beaucoup de prudence et s'assurer d'avoir un organisme sans lien de dépendance auquel on peut accorder 2,5 milliards de dollars. Tout cela prend du temps et il faut prendre le temps de le faire bien. On ne peut pas simplement verser payer 2,5 milliards de dollars à un organisme quelconque.

Et si l'on doit remettre ces fonds à un organisme qui a un lien de dépendance—et c'est ce que l'on pourrait dire de la Fondation pour l'innovation—vous n'avez rien fait. Vous vous êtes simplement payé des fonds à vous-même. Cela ne serait pas comptabilisé.

Il y a donc un certain nombre de questions et de conditions à respecter pour comptabiliser correctement ce genre d'opération. Dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas une question de fond et de forme, c'est un cas où il y a des règles assez claires à respecter afin d'être sûr que les états financiers sont préparés objectivement.

Le président: Merci, monsieur Desautels.

Nous allons passer à Mme Torsney.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

Monsieur Desautels, vous êtes une personne plutôt importante. Je crois comprendre que vous avez même davantage de personnel que le ministre des Finances. C'est pourquoi lorsque vous dites que l'on utilise des méthodes comptables curieuses dans ce cas, les gens prêtent attention et s'inquiètent.

Ce débat me donne l'impression d'une dispute entre comptables et, n'étant pas comptable moi-même, j'essaie de comprendre comment cela touche mes commettants. Comment cela touche-t-il Mme Tremblay de la rue X? Cela fait-il une différence? Car il me semble que cette personne va me dire «vous savez, Paddy, votre gouvernement a fait cet engagement de 2,5 milliards de dollars et il serait préférable qu'il continue sur sa lancée et que l'argent soit là». C'est pourquoi je pense qu'elle serait d'avis que le fait de comptabiliser cette somme maintenant est important.

M. Denis Desautels: J'ai déjà dit que selon moi, cela n'est pas strictement une dispute de comptables. Le calcul de l'excédent annuel donne un certain résultat et ce résultat influencera probablement le débat à la Chambre ou à l'extérieur de la Chambre ou autre. J'ai donc l'impression que pour la plupart des députés, il est important de savoir si la dépense représente un passif ou si les 2,5 milliards de dollars sont en plus en moins.

En plus d'être une discussion technique intéressante, cela donne également un résultat que les gens trouveront certainement intéressant sur le plan de la discussion politique.

Mme Paddy Torsney: Mais l'argent sera dépensé et c'est l'argent des contribuables. Pour vous, cela peut faire une différence que ce soit entre le 31 mars et le 1er avril, mais dans l'esprit du contribuable, c'est son argent et c'est le même argent qui est dépensé. Il a été engagé par le gouvernement, et je serai jugée d'après cette norme, d'après le fait que l'argent a été engagé. Cela devient donc un débat entre comptables. Vous avez donné le nom de vos cinq comptables, le Conseil du Trésor a énuméré ses deux ou trois comptables et nous avons également toute la firme de Coopers & Lybrand.

• 1650

Il s'agit d'une méthode comptable qui ne semble pas faire une énorme différence dans ma vie quotidienne. Peut-être le Conseil du Trésor aimerait faire une observation également.

Si le CCVSP a un ensemble de règles différent, s'il dit que les passifs non récurrents peuvent être reconnus dans l'année où la décision d'engager la dépense est prise, à condition que la loi habilitante ou l'autorisation du paiement reçoive l'approbation du Parlement avant que les états financiers de cette année-là soient fermés, serions-nous ici aujourd'hui?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, le CCVSP a eu le choix d'établir une politique ou une recommandation comptable allant dans ce sens, mais il a décidé autre chose, après un long débat.

Ces politiques et ces recommandations n'ont pas été publiées à la légère et elles font l'objet d'un consensus. Le gouvernement fédéral a été consulté lorsque cette politique du CCVSP a été élaborée.

Mme Paddy Torsney: Donc, un groupe de comptables a pris cette décision. Ils ont pris une décision plutôt qu'une autre, et il y a probablement eu des discussions des deux côtés.

Tous les gouvernements suivent-ils les mêmes règles? On nous a dit que le gouvernement fédéral est un chef de file mondial en matière de rapports financiers. Peut-être le Conseil du Trésor pourrait-il nous dire comment nous nous situons par rapport à d'autres pays en matière de principes comptables.

Vous nous avez dit tous les deux que nous faisons la même chose depuis trois ans. M. Desautels a dit qu'il craignait que nous continuions ainsi année après année. Je dois vous dire que la constance est plutôt une bonne chose, à mon avis. C'est pourquoi je ne suis pas certaine que nous ayons ce genre de problème ici.

Monsieur Harder.

M. Peter Harder: Du point de vue du gouvernement du Canada, les politiques comptables du gouvernement du Canada relèvent du président du Conseil du Trésor par le biais du Contrôleur général du Canada. Normalement, nous suivons les lignes directrices du CCVSP. Nous croyons que nous exerçons le jugement que préconise le CCVSP dans l'application de ces lignes directrices.

Je dois également souligner à nouveau les commentaires que le vérificateur général a faits plus tôt. Le gouvernement du Canada a depuis de nombreuses années assujetti les institutions publiques à des procédures comptables. Je vais en Allemagne et en Europe régulièrement. Ils ne comptabilisent pas...

Mme Paddy Torsney: Pas très régulièrement.

M. Peter Harder: J'espère pas très régulièrement.

Ils ne comptabilisent pas les pensions du secteur public comme nous le faisons. C'est important. Cela représente 17 à 20 p. 100 de notre dette accumulée, soit 10 milliards de dollars de dépenses annuelles. Les Européens ne le comptabilisent pas. Les Américains n'ont même pas d'états consolidés, comme je l'ai dit tout à l'heure. Je suis particulièrement prudent pour ce qui est des règles que nous appliquons pour comptabiliser les états financiers du gouvernement. Nous croyons que cela est conforme aux valeurs canadiennes et nous les appliquons chaque année de façon constante et nous continuerons de le faire.

M. Denis Desautels: Comme je l'ai dit tout à l'heure, le gouvernement canadien est parmi les chefs de file en matière de rapports financiers. Je peux vous dire que je participe personnellement à ce genre d'exercice depuis le début des années 80, au moment où l'ICCA a commencé à y participer. Je suis tout à fait engagé et je souhaite continuer.

Comme je l'ai dit, ce que je n'aime pas dans cette situation, c'est que pendant trois ans, une opération a été consignée d'une façon qui est contraire aux directives du CCVSP et j'espère que cela cessera. Si le gouvernement maintient sa position, ce à quoi je m'attends, très bien, mais j'espère que c'est la dernière fois que j'ai à contester.

Mme Paddy Torsney: C'est contraire aux principes, mais cela fait cependant appel au jugement. Nous avons plusieurs sociétés comptables qui affirment que c'est une façon appropriée de procéder.

• 1655

M. Denis Desautels: Non, monsieur le président, je ne peux pas être d'accord. Je crois que cette opération est contraire à la norme qui est clairement établie. On peut utiliser d'autres notions pour la contester, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsqu'une norme traite d'une situation particulière, il n'est pas toujours nécessaire de s'appuyer sur des arguments de fond ou de forme ou d'exercer son jugement pour prendre une décision différente. Dans ce cas, à mon avis, ce n'est pas évidemment pas une pratique comptable correcte. Comme je l'ai dit, ceux qui ont bien étudié la question tendent à être de mon avis.

Mme Paddy Torsney: Mais pas Coopers & Lybrand et pas...

M. Denis Desautels: Comme je l'ai dit, je ne peux pas parler de la lettre de Coopers & Lybrand. Je ne l'avais pas vue jusqu'à aujourd'hui. Il me semble que c'est une deuxième opinion. Si c'est le cas, nous aurions dû être consultés avant qu'elle ne soit rédigée.

Mme Paddy Torsney: Vous êtes comptable et M. Potts est comptable et il est d'accord avec la façon dont les fonds ont été comptabilisés.

J'essaie simplement de comprendre les deux aspects. Pour moi, c'est un désaccord entre comptables. C'est ce que l'on me dit constamment. Et j'essaie de comprendre ce que cela signifie réellement pour mes commettants—pas grand chose en réalité.

Vous avez parlé d'articles importants par rapport à des articles moins importants. S'agit-il d'un article très important ou d'un article peu important? C'est votre échelle.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je pense qu'il s'agit d'un article très important.

M. Colin Potts: C'est un article important, mais je pense que si l'on prend l'ensemble des états financiers du gouvernement du Canada, qui a accumulé une dette nette de plus de 500 milliards de dollars, ce n'est pas très important.

Mme Paddy Torsney: Cela me semble plutôt évident. C'est un engagement qui a été pris et pour lequel je serais tenue responsable au moment des élections. C'est pourquoi il est important que l'argent soit là. Je pense que ce que le gouvernement a fait est très prudent et conforme à ce qu'il a déjà fait.

Je pense que pour vous apaiser, nous devrions travailler au sein de l'organisation—et je pense que nous avons des membres autour de cette table—et suggérer une autre façon de procéder ou même un changement de la politique. Après tout, les politiques changent tout le temps lorsqu'il y a accord entre les gens. Aucune des décisions ne me semble vraiment mauvaise, simplement différente.

Le président: Merci, madame Torsney.

S'il n'y a pas d'autres observations, j'aimerais vous poser une question fondamentale. Vous êtes confronté à deux opinions différentes sur cette question particulière. Je m'intéresse à la résolution des conflits. Comment allez-vous procéder pour améliorer les choses? Il me semble que vous êtes plutôt ferme dans votre position et que le vérificateur général est plutôt ferme dans la sienne. Est-ce en fait simplement une question de différent professionnel? Comment allons-nous résoudre ce problème?

M. Peter Harder: Monsieur le président, il serait évidemment préférable de résoudre la question, mais le fait est que le vérificateur général, dans sa position et le gouvernement dans la sienne, au cours des dernières années, ont été très clairs sur nos différences. Cela contribue à la transparence et à l'explication de la question, qui est plutôt une question d'ordre public.

Finalement, c'est le gouvernement du Canada qui a la responsabilité d'établir les politiques comptables qui doivent être divulguées et il prend ses responsabilités très au sérieux. Nous ne voudrions pas nous retrouver dans une position où l'opinion nous serait défavorable.

• 1700

Nous adoptons cette position car nous croyons qu'elle est conforme aux responsabilités qu'a le gouvernement d'être cohérent, prudent dans ses pratiques comptables et ouvert dans ses pratiques.

Le vérificateur général a une autre opinion. Certains de ses conseillers, dont je n'ai pas eu les avis, le soutiennent. L'avis que j'ai déposé va dans mon sens.

Nous sommes transparents. Nous reviendrons probablement. S'il est possible de discuter avec le groupe du CCVSP de nouvelles questions, car il s'agit d'une technique relativement nouvelle, nous serons très heureux de le faire. Nous essayons depuis l'an dernier.

Le président: M. Desautels allait répondre à la question.

M. Denis Desautels: Merci, monsieur le président.

Je voudrais simplement ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Harder. Dans notre chapitre 9, nous recommandons simplement que le gouvernement du Canada s'assure de suivre ou s'engage à suivre les recommandations du CCVSP. D'autres gouvernements se sont engagés à le faire de façon très claire. Ce n'était pas une garantie qu'il n'y aurait pas d'autres discussions, mais au moins, je pense que cela réduira au minimum les cas où nous pourrions finir par être en désaccord sur un traitement particulier.

Le président: Il y a toujours une petite marge.

Monsieur Desautels, je suis très fier de ce que vous avez dit il y a quelques minutes sur le fait que nous sommes un chef de file mondial en matière de rapports financiers. En tant que Canadien et parlementaire, je suis très fier que nous soyons des chefs de file mondiaux en matière de procédures comptables gouvernementales. Nous souhaitons beaucoup maintenir cette position dans le monde, mais il va y avoir de temps en temps des désaccords, normalement des désaccords d'opinion plutôt que de fond. C'est ici l'essentiel de l'argument d'après ce que M. Harder, M. Potts, M. Thompson et vous- même avez dit.

Je vais passer à Mme Torsney pour une dernière question.

Mme Paddy Torsney: C'est une question que Mme Redman voulait poser mais elle a dû partir pour un projet de loi d'initiative parlementaire.

Sa question au Conseil du Trésor est celle-ci: Utilise-t-on uniquement les événements se produisant juste avant la clôture de l'exercice pour déterminer s'il y a un passif? Peut-il encore se passer des événements après la clôture d'un exercice que vous avez consignés au cours de l'exercice précédent, lorsque les livres sont finalement fermés?

M. Colin Potts: Oui, il existe une disposition selon laquelle on doit tenir compte des événements postérieurs, c'est-à-dire les événements qui se produisent après la fin de l'exercice mais avant la fermeture des livres. L'opinion est signée par le vérificateur. Il y a généralement deux types d'événements postérieurs: ceux qui donneraient des preuves supplémentaires d'une condition existante à la fin de l'exercice et ceux qui indiquent des conditions qui se produiront après la fin de l'exercice mais qui n'ont pas d'effet sur l'exercice à l'étude. Il faut en tenir compte pour former une opinion.

Mme Paddy Torsney: Ce qui serait quand?

M. Colin Potts: Prenons l'exemple des poursuites judiciaires. À la fin de l'année, ou juste avant la fin de l'année, une poursuite judiciaire qui influe sur l'exercice en cours peut être intentée contre une société. Cela serait pris en compte. La poursuite peut avoir été réglée, mais on n'a peut-être pas prévu suffisamment pour assumer les frais. C'est une mesure, et on a d'autres indications pour y revenir et ajuster les états.

Le président: Merci, monsieur Potts.

Monsieur Desautels.

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je pense que je pourrais renvoyer le député à notre page 9-29 du chapitre dans lequel nous parlons des événements postérieurs et la façon dont ils sont pris en compte. Nous disons dans ce chapitre que les événements postérieurs servent à mesurer plus exactement un passif qui existait en principe à la fin de l'exercice. C'est ce que nous expliquons à la page 9-29.

Mme Paddy Torsney: Merci.

Le président: Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg: Merci beaucoup, monsieur le président.

Premièrement, une correction pour mon ami. Le Fonds des bourses du millénaire n'a pas vraiment été annoncé dans le discours du Trône.

Je veux simplement donner suite à ce que Mme Torsney disait au sujet de Mme Tremblay dans la rue X. Elle se demandait pourquoi Mme Tremblay devrait s'intéresser à cette petite dispute comptable. Je pense que la raison pour laquelle elle devrait s'y intéresser, c'est que cette pratique donne au ministre des Finances, et du fait de la flexibilité des députés de ce côté-ci du gouvernement, un pouvoir énorme pour changer la position financière du gouvernement pratiquement à volonté.

• 1705

Cela a des répercussions pour Mme Tremblay, car aux dernières élections, par exemple, le gouvernement a promis qu'il consacrerait 50 p. 100 de tout excédent à de nouvelles dépenses et 50 p. 100 à la réduction de la dette et l'abaissement des impôts. Eh bien, s'il peut faire disparaître l'excédent, cela veut dire qu'il n'y a pas d'argent pour payer la dette, abaisser les impôts et même payer les victimes de l'hépatite C. C'est pourquoi je pense que Mme Smith devrait s'intéresser à la question, et c'est ce que je voulais dire à Mme Torsney.

Je me demande si M. Harder peut me dire s'il y a un autre pays dans le monde qui permette ce genre de pratique comptable, qui permet de comptabiliser les dépenses à l'avance.

M. Peter Harder: M. Solberg, avant de répondre, j'aimerais faire une remarque au sujet de votre préambule. Je pense qu'il est important que les députés comprennent que les livres du Canada ne sont pas signés par les ministres mais par les hauts fonctionnaires: le contrôleur général du Canada, le receveur général Canada et le sous-ministre des Finances.

Vous pouvez dire ce que vous voulez au sujet du fait qu'il s'agit de hauts fonctionnaires, mais il s'agit de souligner leur jugement professionnel et les responsabilités qu'ils assument dans l'exercice de jugement.

Je sais que moi-même et mes collègues prenons cela très au sérieux. Ce n'est donc pas simplement selon le bon vouloir d'un ministre que les livres sont fermés. Nous avons une obligation professionnelle que nous prenons très au sérieux.

M. Monte Solberg: C'est très bien, mais nous devons nous rappeler que ces hauts fonctionnaires sont redevables au ministre des Finances de leur poste. Le vérificateur général est le gardien public. Il sert le Parlement et il n'est pas en conflit d'intérêt comme eux. C'est la raison pour laquelle il occupe ce poste pour commencer.

M. Peter Harder: Non. Je conviens avec vous que son poste est plus sûr que le mien, mais je ne pense pas que cela lui donne le monopole du professionnalisme ou d'une conduite appropriée...

M. Monte Solberg: Vous avez raison.

M. Peter Harder: ... et je voulais que cela soit bien clair.

M. Monte Solberg: Vous avez raison, mais son poste a été créé parce que ce conflit n'existait pas. C'est pourquoi des gens comme moi ont tendance à donner peut-être à son opinion un peu plus de poids qu'à une opinion de quelqu'un qui occupe un poste quasi-politique.

[Français]

M. Yvan Loubier: Arrêtez de faire les vierges offensées. On a des questions à poser avant de partir.

[Traduction]

M. Peter Harder: La réponse à la question sur le fait de savoir si d'autres pays agissent ainsi est non, mais je vais vous dire pourquoi. Ils ne divulguent pas d'autres obligations comme les pensions. Nous avons les règles les plus rigoureuses en matière de comptabilité publique et de divulgation. C'est pourquoi le genre de déclarations dont nous parlons ne serait pas pertinent dans leur cas.

Le président: Merci, M. Harder.

[Français]

M. Yvan Loubier: Pour renchérir sur ce que mon collègue Solberg vient de dire, je me rappelle que le vérificateur avait dénoncé, il y a deux ans, le transfert de deux milliards de dollars de fiducies familiales aux États-Unis. Dès le départ, les fonctionnaires de votre ministère des Finances et de votre ministère du Revenu lui étaient entrés dedans.

Nous avons toujours fait confiance au vérificateur général. Venant de l'extérieur, il est objectif. Dans ce cas précis, c'est lui qui a eu raison à la fin, et le ministre des Finances a déposé un projet de loi pour colmater les brèches qu'on avait dénoncées à partir du rapport du vérificateur général. Moi, je ferais davantage confiance au vérificateur général, à qui j'ai une question à poser d'ailleurs. Vous, vous avez assez parlé.

Vous avez été surpris tout à l'heure...

Le président: Excuse me.

Mme Paddy Torsney: J'invoque le Règlement. Il est impossible aux interprètes de faire leur travail lorsque vous parlez aussi vite.

M. Yvan Loubier: On m'a dit que je n'avais que deux minutes pour poser ma question. Il faut donc que je me dépêche.

Je vous rappelle donc, monsieur le président, puisque vous étiez là, qu'il y a deux ans, il y avait eu un débat sur la loi fiscale et la notion de biens canadiens imposables. Le vérificateur avait mis le doigt sur une pratique du ministère des Finances et du ministère du Revenu qui n'était pas conforme aux intentions du législateur.

Dès le départ, les députés libéraux et les hauts fonctionnaires du ministère du Revenu et du ministère des Finances avaient tapé sur cette dénonciation en disant qu'il n'y avait pas de problème. Le vérificateur général n'a rien à gagner. Si vous ne connaissez pas encore son rôle, je vous dirai qu'il est redevable au Parlement. Il n'a pas de rôle partisan et il a le devoir de présenter ces choses-là. Entre son opinion et l'opinion des autres, je préfère choisir la sienne. Finalement, le ministre des Finances avait déposé un projet de loi pour justement colmater des brèches dénoncées par le vérificateur général. J'espère que ce sera la même chose dans ce cas-ci. Étant donné ses arguments, il faut qu'on lui donne raison.

Monsieur Desautels, vous avez semblé surpris tout à l'heure lorsque M. Valeri a parlé des avis donnés par Coopers & Lybrand et Ernst & Young. Il m'a semblé que c'était la première fois que vous preniez connaissance de l'une ou l'autre des lettres ou des deux lettres. Est-ce vraiment le cas? Est-il normal d'agir comme cela et de rendre publique une lettre ou l'interprétation d'une firme comptable lorsqu'il y a un différend avec le vérificateur général sans en informer ce dernier auparavant?

• 1710

M. Denis Desautels: Monsieur le président, c'est la première fois aujourd'hui que je vois la lettre de Coopers & Lybrand. Je ne l'ai même pas lue au moment où se parle. Je n'ai jamais vu la lettre d'Ernst & Young, sauf que j'avais vu une allusion à cette dernière dans les débats du Sénat la semaine dernière. Je n'ai aucune idée de ce qu'elle contient.

À première vue, la lettre de Coopers & Lybrand me donne l'impression d'être une deuxième opinion sur le sujet en question. Les règlements qui régissent les rapports entre comptables agréés exigent que si on demande à un professionnel une deuxième opinion, ce dernier a l'obligation de consulter le premier professionnel qui avait donné l'opinion pour s'assurer qu'il se sert exactement des mêmes faits pour donner sa deuxième opinion.

M. Yvan Loubier: Alors, cette façon de procéder est incorrecte. On n'aurait pas dû publier la lettre d'interprétation de Coopers & Lybrand avant même de vous avoir mis au courant qu'il existait une deuxième interprétation.

M. Denis Desautels: Comme je vous le disais, monsieur le président, cette lettre me surprend. Bien que je ne l'ai pas vue, j'ai l'impression que c'est une deuxième opinion.

M. Yvan Loubier: Pourquoi fonctionne-t-on de cette façon-là? Ce n'est pas courant d'agir ainsi. Pourquoi ne vous a-t-on pas mis au fait de l'existence de cette deuxième interprétation?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je ne peux pas répondre à cette question.

M. Yvan Loubier: Monsieur Harder, pourquoi n'a-t-on pas mis le vérificateur général au fait de l'existence d'une deuxième interprétation, alors qu'il y a un différend très profond entre le vérificateur général et le Conseil du Trésor?

[Traduction]

M. Peter Harder: M. Loubier, nous avons demandé l'opinion de Coopers & Lybrand. Comme vous le voyez dans la documentation, nous avons reçu cette opinion sous sa forme finale aujourd'hui. J'ai pensé qu'il était approprié de la déposer au Parlement en raison de la question qui nous occupe.

Ce n'est pas une deuxième opinion que nous sommes aller chercher pour éviter d'assumer nos responsabilités au sujet de notre décision sur la façon de comptabiliser cette transaction, mais elle porte sur certaines des questions que le vérificateur général a soulevées dans son document de la semaine dernière.

Tout ce que je peux dire, c'est que nous n'avons pas eu accès aux conseils dont le vérificateur général bénéficie pour donner son opinion et faire son rapport, mais nous avons estimé qu'il était important de faire connaître aux parlementaires l'avis que nous avons reçu.

[Français]

M. Yvan Loubier: Oui, mais pourquoi avez-vous transgressé cette fois-ci une règle qui est fort bien établie et qui consiste à mettre au fait de l'existence d'une deuxième interprétation juridique le premier intéressé? C'est la règle habituelle. C'est cela que je ne comprends pas. Est-ce que vous êtes à ce point à court d'arguments qu'il faut que vous violiez les règles existantes entre vous et le vérificateur général?

[Traduction]

M. Peter Harder: Non, je ne crois pas que nous ayons enfreint de règles.

Le président: Avez-vous une question, M. Loubier?

[Français]

M. Yvan Loubier: Arrive-t-il souvent qu'on outrepasse des règles établies telles que celle que vous décriviez tout à l'heure, en ne vous mettant pas au fait de l'existence d'une autre interprétation que celle déjà connue par vous ou par le public?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, cela arrive très rarement. L'obligation, dans de telles situations, appartient à l'autre professionnel, à celui qui rend la deuxième opinion, de consulter le premier professionnel, et non pas au client.

M. Yvan Loubier: Sachant que le second professionnel n'avait pas consulté le premier, est-ce que le Conseil du Trésor ne devait pas vous mettre au fait avant tout le monde, étant donné la divergence profonde qui existe entre votre interprétation et la leur, de l'existence de cette deuxième interprétation avant de la rendre publique au comité cet après-midi?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, évidemment, j'aurais apprécié avoir eu l'occasion de prendre connaissance de la lettre avant aujourd'hui. J'aurais pu mieux réagir à son contenu et peut-être mieux éclairer les membres du comité sur ma réaction.

• 1715

[Traduction]

Le président: Merci.

M. Riis.

M. Nelson Riis: Une simple observation pour répondre à la question de mon amie madame Torsney sur la raison pour laquelle le Canadien moyen devrait se préoccuper de ce débat.

Je pense que ceux d'entre nous qui ne sont pas comptables peuvent penser qu'il s'agit d'une pratique quelque peu curieuse de budgétiser cette année des dépenses qui n'auront pas en fait lieu avant deux ans. Je pense qu'une personne normale se demanderait pourquoi on agirait ainsi car cela semble un peu douteux. Cela donne l'impression de trafiquer les livres. C'est pourquoi je pense que le Canadien moyen serait curieux de savoir. Pourquoi quelqu'un ferait-il une chose pareille? Je ne le fais pas, les entreprises ne le font pas mais le gouvernement du Canada a décidé dans ces trois cas, et peut-être d'autres, de le faire.

C'est pourquoi les gens soupçonnent le gouvernement et se demandent pourquoi il est tellement endetté. C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question. Il doit y avoir une raison, mais je ne crois pas qu'elle soit politique. Je sais que vous ne pouvez pas me répondre et je ne vais même pas poser la question, mais ce genre de pratique me semble un peu douteuse.

M. Peter Harder: Je répondrais, M. Riis, qu'il est prudent de consigner nos passifs. C'est un engagement du Parlement. Ce sera, si le Parlement le décide, une loi du Parlement. Les conditions dont j'ai parlé devraient être respectées avant que nous les comptabilisions. En général, à mesure que nous adoptons la comptabilité d'exercice, par rapport à la comptabilité de caisse, nous constaterons les engagements sur une base d'exercice.

Le président: Merci, monsieur Harder. Merci, monsieur Riis.

Monsieur Pillitteri, la dernière question est pour vous.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Aujourd'hui, j'ai été très attentif au débat et aux questions et réponses. J'aimerais simplement poser la question suivante à ces messieurs. Je suis un pauvre agriculteur qui a parfois du mal à payer ses factures. Je vois cette nouvelle façon de procéder du point de vue du gestionnaire de cette activité. Je me demande simplement si je l'aurais engagé, car non seulement il paye les factures mais il pense à l'avenir.

Quant à l'opinion des comptables, en tant qu'homme d'affaires, j'engage des comptables et j'obtiens des opinions différentes. Bien entendu, il est facile de critiquer après coup. C'est le rôle du Parti réformiste. Vous savez qu'ils font ça très bien. Ils devraient rester là en permanence et critiquer.

M. Riis a parlé de la façon dont les gens d'affaires comptabilisent les choses. Laissez moi vous dire quelque chose au sujet des gens d'affaires. Ils pensent surtout à payer le moins d'impôt possible. Peu importe l'année de comptabilisation, cette année, l'année prochaine ou l'année d'après, le fait est que cette nouvelle façon de procéder est une innovation par rapport aux pratiques passées. C'est tout ce que je peux voir.

Voulez-vous faire une observation?

M. Denis Desautels: Je pourrais commencer.

Je pense que si vous me demandez de comparer avec les entreprises dans un domaine comme celui-ci, je vous donnerais l'exemple suivant. Supposons une entreprise qui a eu une année plutôt bonne. Elle décide, puisqu'elle a fait un profit, de consacrer 10 millions de dollars à une campagne de relations publiques au cours des deux ou trois années suivantes. Elle ne peut pas comptabiliser cette année là cette somme de 10 millions de dollars. Les règles comptables normales du secteur privé de permettent pas de reconnaître une intention de ce genre et de cette façon et de la consigner dans les livres. De même, Revenu Canada ne permettrait pas une déduction sur une dépense de cette nature.

Bien entendu, il faut être prudent. Si vous avez l'intention de dépenser l'argent plus tard. Vous devez vous assurer d'économiser les fonds. Mais c'est bien différent que d'inscrire la somme maintenant alors que les fonds n'ont pas encore été dépensés. C'est ce que voulais...

M. Gary Pillitteri: C'est de la comptabilité innovatrice.

Le président: Nous avons une dernière observation de M. Harder.

• 1720

M. Peter Harder: L'analogie avec le secteur privé a ses limites, mais je dois dire que la planification d'une campagne de relations publiques est bien différente du projet de loi que vous étudiez, projet de loi que le Parlement doit approuver. Il y a d'autres conditions dont j'ai parlé et qui doivent être respectées, notamment le fait qu'il doit s'agir d'un organisme sans lien de dépendance, l'entente de financement, le conseil d'administration, etc., avant de fermer les livres.

Comme les députés en ont discuté entre eux, il s'agit du secteur public où il y a des obligations de transparence et des règles qui ne s'appliquent pas au secteur privé. Nous avons essayé de montrer clairement, dans la présentation de notre position, pourquoi nous croyons plus prudent de comptabiliser cette fondation, sous réserve de l'approbation du Parlement et des autres conditions, en 1997-1998. C'est une obligation dans nos livres, et c'est ce que nous voulions indiquer clairement aux Canadiens, y compris ceux qui examinent les comptes du gouvernement du Canada dans le contexte des décisions d'investissement et les institutions financières. Je crois que cela ne change en rien—en fait cela la renforce selon moi—la crédibilité des comptes du gouvernement du Canada.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Harder.

Monsieur Desautels et monsieur Thompson, nous aimerions, au nom du comité, vous remercier beaucoup de vos interventions aujourd'hui. Nous reconnaissons également votre travail de vérificateur général du Canada. C'est un travail important pour le gouvernement et pour les parlementaires.

De même, monsieur Harder et monsieur Potts, nous reconnaissons ce que vous faites au nom des Canadiens. Nous espérons que le Canada continuera de jouer un rôle de chef de file mondial en matière de comptabilité publique.

Merci. Nous reprendrons demain l'étude article par article du projet de loi C-36 dans cette salle. Assurez-vous de passer une bonne nuit.

La séance est levée.