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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 25 avril 2001

• 1636

[Traduction]

Le vice-président (M. Bob Mills (Red Deer, AC)): La séance est ouverte.

Plus tard cet après-midi nous devrons aller voter et nous allons donc essayer d'entendre les témoins aussi rapidement et utilement que possible. Espérons que nous allons pouvoir les entendre avant le vote. Nous ne sommes pas encore sûrs de l'heure à laquelle il aura lieu mais ce sera probablement aux environs de 5 h 45 ou 6 heures. J'en tiendrai compte.

À l'attention des membres des comités je dois dire que nous avons une motion que nous étudierons après le vote si, en fait, nous n'avons pas le temps de le faire auparavant.

Je tiens à accueillir les témoins. Je suis le vice-président du comité, je m'appelle Bob Mills.

Je vous prie de nous faire un court exposé, si cela vous convient, après quoi les députés vous poseront des questions. Je ne suis pas sûr dans quel ordre vous allez faire vos exposés, nous pouvons suivre la liste qui figure à l'ordre du jour à moins que vous n'ayez discuté entre vous d'un ordre différent. Sinon, nous allons demander à M. Beck de commencer.

M. Gregor Beck (directeur de la conservation et des sciences, Federation of Ontario Naturalists): Merci beaucoup.

Au nom de la Federation of Ontario Naturalists, ou FON, je me réjouis d'être parmi vous pour vous présenter cet exposé au nom de notre organisation, et je remercie le comité de bien vouloir nous entendre.

La FON s'emploie à protéger et à rétablir la nature en Ontario. Elle se fait le champion des régions boisées, des zones humides et de la faune et elle cherche à protéger les habitats grâce à son propre réseau de réserves naturelles. Nous sommes une organisation à vocation scientifique qui représente 15 000 membres et qui réunit plus de 110 groupes à travers l'Ontario.

Je suis le directeur de la conservation et des sciences pour la fédération mes antécédents sont dans la recherche, la conservation communautaire, et l'enseignement, étant donné que j'ai travaillé à des projets en Ontario et dans tout le pays.

Lorsque nous nous sommes rencontrés auparavant, on a laissé entendre que vu que je suis le premier témoin, je pourrais peut-être rapidement expliquer ce qu'est un naturaliste. Il n'y a pas une seule définition parce que c'est un groupe diversifié, mais dans l'ensemble nous avons en commun une appréciation de l'environnement et de la nature pour sa valeur intrinsèque. C'est un groupe diversifié qui comprend des gens qui se contentent d'observer les espèces sauvages, et certains de nos membres pêchent et chassent. Donc, c'est une vaste collectivité. Certains, comme moi, ont des antécédents en science et en biologie. D'autres sont peut-être des autodidactes. La plupart participent à certaines formes soit pratiques ou en plein air d'appréciation de la nature, et tous semblent avoir en commun une appréciation des écosystèmes.

J'aimerais ajouter qu'il ne faut pas confondre les naturalistes avec les naturistes comme cela arrive parfois, lesquels constituent un groupe qui aime la vie en plein air mais parfois plus à découvert.

Premièrement, je tiens à dire que notre organisation appuie une loi fédérale sur les espèces en péril. Nous sommes ravis de voir que ce projet de loi a été présenté au début de la nouvelle session du Parlement. Nous estimons que le Canada a réellement besoin d'une loi efficace, vigoureuse et juste pour compléter la législation provinciale actuelle ou pour aider à fournir un dispositif de sécurité, lorsque ces mesures ne sont pas suffisamment vigoureuses. Le Canada a une responsabilité juridique et morale de protéger la biodiversité à l'échelle nationale et internationale, ce qui fait que ce projet de loi est vraiment un premier pas vraiment important. Nous sommes ravis qu'il ait été présenté.

• 1640

Le facteur essentiel à une loi fédérale sur les espèces en péril efficace est d'encourager une bonne intendance de l'environnement et d'établir de bonnes relations. La bonne intendance et l'éducation sont des éléments de base essentiels et le projet de loi à cet égard comporte d'excellentes mesures.

Ce qui importe également à la protection des espèces c'est de protéger les écosystèmes et l'habitat essentiel des espèces en voie de disparition. Tout au long du bill, chaque fois que c'est possible, nous conseillons qu'on apporte des améliorations à son libellé pour qu'il renferme des dispositions plus vigoureuses pour assurer la protection de l'habitat.

La bonne intendance, l'éducation, la bonne volonté, et un rapprochement avec les propriétaires fonciers, sont des éléments essentiels pour assurer la protection de l'habitat et des espèces. Mais parfois, on constate un échec de la bonne intendance et de l'éducation donc il est nécessaire d'avoir des mesures pour que la loi soit appliquée. Lorsque ces mesures sont nécessaires, il importe qu'elles soient appliquées équitablement, et si un dédommagement des propriétaires s'impose, que l'on y procède effectivement aussi.

Dans l'ensemble, nous aimerions qu'on apporte trois améliorations principales au projet de loi avant qu'il ne soit adopté: assurer une protection plus rigoureuse de l'habitat, surtout dans les domaines de compétence fédérale où le gouvernement peut faire preuve d'initiative; un système équitable d'exécution et de dédommagement; et un système à vocation scientifique pour inscrire les espèces sur une liste et les réglementer en vertu de la loi, ce dont je vous parlerai plus tard.

La protection des espèces sauvages sous-entend la protection de leur habitat. Je vous encourage certes à examiner très attentivement la définition de l'habitat essentiel. En Ontario, nous avons une loi qui vise à protéger les espèces en voie de disparition, laquelle interdit de tuer ou de faire du tort aux espèces sauvages. Il est aussi question de l'habitat. Mais cette référence est vague et elle n'est pas appliquée efficacement. Donc, voici la bonne occasion pour la loi fédérale de faire preuve d'initiative dans la protection de l'habitat.

Je pourrais vous citer un exemple précis en Ontario où, à l'heure actuelle, une des aires principales de nidification de la pie-grièche migratrice en voie de disparition est menacée à la suite de propositions concernant le site d'une carrière. Même si nous avons une loi sur les espèces en voie de disparition et si certains aspects d'une loi sur l'aménagement du territoire renferme un libellé qui laisserait entendre que l'habitat et les espèces soient protégés, à l'heure actuelle cela ne donne pas de bons résultats. On en voit un exemple dans la région des plaines Cardin à l'est du lac Simcoe, où l'habitat essentiel de nidification de sept des dernières 36 paires de pies-grièches migratrices est vraiment menacé par une proposition d'exploitation d'une carrière.

Ce n'est là qu'un exemple pour vous montrer la nécessité de définir clairement l'habitat, l'habitat essentiel en particulier. Quand la législation provinciale ne donne aucun résultat, il est très important de pouvoir compter sur une sorte de système fédéral qui assure une protection.

L'autre détail important que je voudrais signaler a trait à l'inscription sur la liste. De toute évidence, il existe un système qui permet d'identifier les espèces en péril grâce au Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. C'est important. Je conseille que lorsque la loi sera adoptée, la liste établie par le COSEPAC qui existe actuellement, devienne la liste par défaut. Toutes les espèces identifiées à l'heure actuelle par le COSEPAC devraient automatiquement être protégées en vertu de la nouvelle loi lorsqu'elle sera adoptée.

Dans l'idéal, nous aimerions voir comme en Nouvelle-Écosse un processus indépendant d'inscription à vocation scientifique.

Mais pour être réaliste, nous comprenons qu'il y a des situations en vertu du projet de loi où les gouvernements pourraient se sentir mal à l'aise en présence d'un groupe scientifique qui établirait une liste précise des espèces menacées et en voie de disparition. Par conséquent, je vais proposer un compromis en vertu duquel l'organe scientifique ferait la proposition après quoi si le cabinet voyait des problèmes au sujet d'une espèce en particulier, il serait tenu de l'examiner et de l'évaluer et il pourrait apposer son veto. Donc, nous recommandons que le projet de loi soit modifié afin que les espèces identifiées par le groupe scientifique deviennent la liste des espèces par défaut. Si le cabinet décide que certaines des espèces recensées ne devraient pas être protégées, il incombera au cabinet de s'opposer à la recommandation et de retirer l'espèce en question. Pour que cette décision puisse avoir l'agrément de nos membres, le cabinet devra pouvoir justifier sa décision grâce à un processus public et ouvert pendant une période définie, de peut-être de 90 jours.

En Ontario, nous sommes particulièrement sensibles aux problèmes associés à une inscription sur une liste complètement rédiger par l'organe politique, parce que c'est la méthode qui existe à l'heure actuelle pour la loi sur les espèces en voie de disparition, et nous avons constaté qu'elle comportait une foule de lacunes. Parfois, le gouvernement fait preuve d'une certaine léthargie lorsqu'il s'agit d'inscrire les espèces sur une liste. Parfois il manque de ressources.

• 1645

Vingt-six espèces en Ontario sont réglementées en vertu de la loi provinciale sur les espèces en voie de disparition et 18 de ces espèces sont identifiées par le COSEPAC, comme des espèces en voie de disparition. Donc, 18 espèces identifiées par le COSEPAC sont protégées en Ontario. Le COSEPAC cependant a noté 50 espèces en Ontario qui sont en voie de disparition. Il y a en outre 30 espèces qui ont été reconnues comme étant menacées dans cette province. Donc, nous avons à l'heure actuelle un grand déficit ou écart dans le nombre des espèces qui sont inscrites sur la liste et qui sont réglementées en vertu de notre loi provinciale sur les espèces en voie de disparition. Cela montre bien le fait que lorsque cette responsabilité incombe uniquement au cabinet, on constate parfois que pas mal de temps s'écoule avant que ces espèces ne soient protégées en vertu de cette loi.

En Ontario également, je peux dire que presque toutes nos espèces menacées ou en voie de disparition sont en péril à cause de la perte de l'habitat, j'insiste sur l'importance de la protection de l'habitat, et pas simplement une définition de l'habitat rudimentaire comme un arbre de nidification ou la présence d'un petit anneau autour d'un arbre où se trouve un nid de pie-grièche migratrice, mais sur une définition plus large visant à englober les régions qui sont critiques pour assurer la reproduction, la migration ou d'autres phases pendant le cycle biologique de l'espèce.

Quand nous inscrivons une espèce sur la liste, et qu'elle est réglementée en vertu d'une loi, c'est important pour un certain nombre de raisons. Cela encourage l'intendance, favorise l'éducation et également déclenche le processus de planification du rétablissement de l'espèce. Si ces mesures ne parviennent pas à protéger l'espèce dans son habitat, cela permet d'imposer des sanctions si les intéressés, de façon ouverte et flagrante, font du tort aux espèces ou à leur habitat.

C'est une question qui a causé pas mal de problèmes aux propriétaires fonciers, mais comme il s'agit d'espèces très rares, on y a recours très rarement. C'est le bâton qu'on emploie lorsqu'on préfère la plupart du temps utiliser la carotte. Voilà qui donne l'occasion également, lorsqu'il s'agit d'une espèce inscrite sur la liste, de dédommager les propriétaires fonciers visés.

En terminant, j'encourage le comité à recommander des améliorations modestes au projet de loi dans les domaines de la protection de l'habitat et de la compétence fédérale, pour envisager un dédommagement et un juste système d'application de la loi et enfin l'établissement d'un système valable et scientifique d'inscription sur la liste.

Un petit détail pour terminer, je trouve que le nom du projet de loi à l'heure actuelle est quelque peu trompeur lorsqu'il parle de «espèces sauvages en péril». La plupart des gens, parmi nos membres assurément, estimeraient que «les espèces sauvages» sont uniquement des animaux, et non pas des catégories plus larges d'espèces en péril, ce qui comprend les plantes et d'autres organismes. La définition donnée dans la loi est générale mais je crois que la plupart des gens comprendraient mieux si on disait simplement «espèces en péril».

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Bob Mills): Merci beaucoup, monsieur Beck.

Madame Murray.

Mme Anne Murray (présidente, Federation of British Columbia Naturalists): Bonjour. Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui devant vous. C'est la première fois que je me rends sur la Colline parlementaire, donc c'est une expérience exaltante.

Je représente la Federation of British Columbia Naturalists, qui a été fondée en 1969. Nous comptons 50 clubs membres, tous en Colombie-Britannique, et nous avons au total environ 5 300 adhérents. Notre devise est la suivante: «connaître la nature et la protéger pour qu'elle puisse valoir la peine d'être connue.»

Nos membres s'intéressent depuis longtemps à la législation fédérale et provinciale concernant les espèces en voie de disparition. Note organisme est l'un des membres fondateurs de la B.C. Endangered Species Coalition qui a peut-être comparu devant vous.

Mon exposé portera aujourd'hui sur trois points essentiels, même si notre mémoire écrit est beaucoup plus détaillé. Je m'en tiendrai oralement à ces trois points: la nécessité d'adopter une mesure législative, les raisons pour lesquelles nous, en tant que naturalistes, estimons qu'il est très important d'avoir une telle mesure; les points forts et les points faibles du projet de loi C-5 et je vous citerai l'exemple d'un animal de la Colombie-Britannique en voie de disparition, sur lequel le projet de loi aura une influence.

En tant que naturalistes, nous reconnaissons le caractère dynamique des écosystèmes naturels, il y a eu une évolution. Diverses forces déterminent l'abondance et la distribution des plantes et des animaux. Donc il est difficile de toujours prédire avec exactitude la façon dont on peut protéger les espèces parce que les circonstances changent constamment. Mais un facteur contraignant semble toujours prévaloir et c'est la disponibilité d'un habitat approprié. Les espèces rares en particulier dépendent de conditions très particulières pour leur survie; c'est pour cela qu'elles sont rares. Si elles pouvaient s'adapter facilement, on en trouverait à bien plus d'endroits.

• 1650

La Colombie-Britannique bénéficie de la plus grande variété d'animaux et de plantes sauvages qui existent dans tout le Canada, ce que nous appelons la biodiversité. Cette biodiversité doit être reconnue, appréciée et protégée. Pour ce faire, nous devons non seulement protéger les créatures individuelles mais aussi l'habitat dont elles dépendent.

La fédération appuie sans réserve l'adoption de cette législation fédérale. Nous savons qu'on peut obtenir beaucoup de résultats grâce à l'éducation et à la coopération mais il existe toujours des circonstances dans lesquelles, seules des conséquences juridiques clairement établies, empêcheront les espèces de disparaître. Des centaines de milliers de dollars par exemple ont été dépensés pour empêcher que la marmotte ne disparaisse de l'Île de Vancouver mais la forêt, qui constitue son habitat, continue à être exploitée. Ce qui fait que la population des marmottes de l'Île de Vancouver continue de décliner chaque année. Il semble bien que cette espèce soit en voie de disparition.

La Colombie-Britannique fait partie des six provinces qui n'ont pas adopté de loi relative aux espèces en voie de disparition. Les espèces en péril sont censées faire l'objet d'une protection en vertu de la B.C. Wildlife Act ou en vertu du Forest Practices Code, mais aucun de ces instruments n'a réussi à protéger la marmotte car ils ne peuvent protéger son habitat. Donc, la fédération attend l'adoption d'une loi fédérale concernant la protection des espèces sauvages qui soit vigoureuse et efficace et qui protégera l'habitat.

Plusieurs aspects de ce nouveau projet de loi sont prometteurs. Le préambule renferme d'excellents passages. Il reconnaît l'importance de l'information communautaire, du savoir traditionnel des peuples autochtones et des activités d'intendance et de conservation exercées par tous les Canadiens. Il privilégie la transparence et, ce qui est des plus excitants, on a l'occasion, à l'article 43, d'adopter une méthode fondée sur plusieurs espèces ou la notion d'écosystèmes.

Cependant, le projet de loi renferme certaines lacunes qui nous préoccupent. Bien que le préambule soit éloquent, dans le corps du texte, où on dit que le projet de loi entraîne des obligations juridiques, le libellé n'est pas aussi convaincant. De nombreuses espèces ne seront pas protégées en vertu de la loi parce qu'elles ne vivent pas sur les terres domaniales et parce qu'elles ne sont pas protégées par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et qu'elles ne sont pas des espèces aquatiques.

J'aimerais vous citer un exemple précis observé en Colombie-Britannique d'un écosystème et d'une espèce en voie de disparition. Je vais vous parler du blaireau d'Amérique mais d'une sous-espèce qu'on trouve en Colombie-Britannique de cette espèce bien mal nommée. Appelons-le simplement le blaireau. Il vit dans les écosystèmes des herbages secs du sud de l'Okanagan et du Lower Similkameen. Ces vallées ont un caractère unique. Aucune autre région de cette taille au Canada n'abrite une pareille diversité d'espèces. Ces vallées, totalisant environ 159 000 hectares, renferment 16 p. 100 des plantes vasculaires répertoriées au Canada, 19 p. 100 des espèces amphibiennes, 24 p. 100 des reptiles, 47 p. 100 des oiseaux et 36 p. 100 des mammifères. Elles renferment également 73 p. 100 des espèces de reptiles et 62 p. 100 des espèces d'oiseaux qu'on trouve en Colombie-Britannique. Il s'agit simplement de deux petites vallées dans le sud de l'Okanagan qui représente une région cruciale. Les pressions exercées par le développement urbain et l'agriculture dans cette région sont intenses et bon nombre des espèces figurant sur la liste du COSEPAC et plus de la moitié des vertébrés inscrits sur les listes rouge et bleue provinciales vivent dans ces vallées.

L'aire de distribution du blaireau englobe les herbages de la Colombie-Britannique mais sa population est réduite et en déclin. C'est un animal à fourrure attrayant. Je voulais vous en apporter un empaillé mais je vous ai apporté une photo à la place au cas où vous n'auriez jamais vu de blaireau. Sa face est rayée, son corps est vigoureux et épais, et il est constitué pour se creuser un terrier.

Historiquement, il a été persécuté parce qu'il est considéré comme un animal nuisible. En effet on croyait que le terrier du blaireau pouvait affecter le bétail donc, jusqu'à tout récemment, on pouvait légalement tuer les blaireaux sur les propriétés privées, si on estimait qu'ils présentaient un danger pour le bétail. Il a aussi été piégé pour sa fourrure, et dans le cadre de programme de dératisation on les a empoisonnés.

Les blaireaux font partie de l'écosystème du sud de l'Okanagan et ils interconnectent étroitement avec tous les autres animaux de l'écosystème. Le blaireau se nourrit d'écureuils terrestres, de marmottes, de souris et de compagnoles ainsi que de petits oiseaux et d'insectes. Ces rongeurs mangent à leur tour des semences, des graines, des racines, des tubercules, des oeufs d'oiseaux et des invertébrés. Ils font tous partie d'un réseau alimentaire dans la région.

• 1655

Les acres d'herbages ondulants de jadis et les forêts de pins clairs de la vallée de l'Okanagan ont été converties en habitations et en terres agricoles, ce qui fait que la population des blaireaux diminue. Le blaireau est une espèce en péril en raison du fait que les habitats appropriés sont rares et que l'activité humaine lui a été préjudiciable.

La population clairsemée de blaireaux est très importante parce qu'elle vit à la limite nord de son aire de distribution géographique. Toutefois, des études récentes ont démontré que les populations vivant en périphérie ou en bordure sont en réalité plus importantes que les populations essentielles pour ce qui est d'empêcher la disparition totale des espèces. Des études fort intéressantes ont été entreprises à ce sujet.

Il s'agit d'une population très importante. Le blaireau creuse des trous profonds dans le sol qu'utilisent d'autres espèces. Ces trous étaient utilisés par la chevêche des terriers jusqu'à ce qu'elle ait pratiquement disparu du sud de l'Okanagan au cours des quelques dernières années. À vrai dire, depuis ma dernière allocution devant votre comité, cette espèce semble avoir disparu. Les terriers des blaireaux servent de refuges à des animaux comme le lapin et le serpent et ils ameublissent le sol, donnant aux plantes et aux arbustes la possibilité de prendre racine et les plantes à leur tour fournissent les semences et les graines qui nourrissent d'autres animaux. Donc, tout cela fait partie d'une sorte de réseau vital de l'écosystème dont nous ne comprenons pas totalement la dynamique.

Le problème, c'est que si nous perdons le blaireau, nous risquons de perdre une grande diversité d'espèces. Nous risquons de perdre tout l'écosystème. Le blaireau ne pourra survivre naturellement si tout l'écosystème—les plantes, les insectes, le sol et les animaux qui le composent—n'est pas protégé. Cela signifie l'habitat, car c'est ce à quoi nous pensons lorsque nous disons l'habitat—toute la végétation et tout le sol.

Une bonne intendance n'est pas suffisante en soi. En Colombie-Britannique, nous avons d'excellents intendants. Il y a même des grands éleveurs qui se rangent de notre côté. Nous avons des douzaines de naturalistes qui sont à l'oeuvre. Nous avons besoin de conséquences juridiques qui serviraient en bout de ligne de facteurs de dissuasion.

La population de blaireaux en Colombie-Britannique a été inscrite dans une catégorie plus sérieuse sur la liste des espèces en voie de disparition du COSEPAC, et elle a été inscrite sur la liste rouge en Colombie-Britannique, de sorte que c'est maintenant crucial. Malheureusement, en vertu du projet de loi C-5, le blaireau ne sera protégé que sur les terres fédérales, qui ne sont pas très nombreuses dans le sud de l'Okanagan. En fait, il n'y a que des terres des Premières nations. Il n'y en a aucune autre sorte. Ce n'est pas un animal aquatique de toute évidence, et il n'est pas visé par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Donc, en raison de l'application limitée du projet de loi, il ne semble pas que l'habitat du blaireau sera suffisamment protégé.

De plus, les blaireaux vivent au sud et au nord de la frontière entre le Canada et les États-Unis. Dans ces herbages, nous ne pouvons dire où se trouve exactement la frontière de sorte qu'il s'agit d'une espèce transfrontalière. Les espèces transfrontalières ne sont pas protégées, même si elles sont du ressort fédéral; elles ne sont pas mentionnées à ce titre dans le projet de loi.

Dans le cas qui nous occupe, l'approche selon l'écosystème ou plusieurs espèces dont il est question au paragraphe 41(3) pourrait être renforcée. Ce serait une bonne approche. Dans cet article, au lieu d'avoir une disposition précisant «peut», on pourrait dire que le ministre «doit» adopter la méthode de plusieurs espèces ou de l'écosystème lorsqu'il convient de le faire ou lorsque c'est biologiquement et économiquement réalisable. Un libellé du genre lui donnerait plus de force.

J'ai mentionné beaucoup d'articles, tels que 33, 34 et 58, dans mon mémoire écrit à l'intention de ceux et celles d'entre vous qui veulent avoir plus de précisions. Nous avons besoin d'un resserrement pour protéger l'habitat.

En conclusion, ce que nous recherchons, c'est que la protection de l'habitat essentiel soit obligatoire non seulement sur les terres fédérales, mais pour toutes les espèces relevant de la compétence fédérale, ce qui inclurait le blaireau, parce qu'il est transfrontalier. La loi fédérale doit être un filet de sécurité et assurer une protection égale pour toutes les espèces en voie de disparition ou menacées, peu importe où elles se trouvent au Canada, et faire preuve de leadership lorsqu'une province comme la nôtre n'a pas de loi à cet effet.

Des lois rigoureuses déterminent la valeur que nous accordons à nos écosystèmes. Elles indiquent aux populations humaines que les temps ont changé et qu'elles doivent adopter une approche différente face à la faune. Vous pouvez faire preuve de ce leadership en créant le filet de sécurité.

Nous ne pouvons nous permettre de laisser s'épuiser la biodiversité, pendant que nous sommes ici à ne rien faire, alors que nos écosystèmes s'affaiblissent et que le tissu même de la biosphère est détruit. Je suis convaincue que vous en conviendrez avec moi, et je sais que vous allez vous y employer avec toute votre énergie. Je vous en remercie, car je pense que ce sera merveilleux de pouvoir enfin compter sur une loi fédérale sur les espèces en voie de disparition.

Merci.

• 1700

Le vice-président (M. Bob Mills): Merci, madame Murray.

Monsieur Chanady, s'il vous plaît.

M. Attila Chanady (directeur de la conservation, Nature Saskatchewan): Merci.

Je m'appelle Attila Chanady, et je suis le directeur de la conservation de Nature Saskatchewan, un organisme provincial fondé en 1949. Nous sommes affiliés à la Fédération canadienne de la nature, et nous accueillons également avec plaisir la présentation du projet de loi C-5. Nous appuyons avec vigueur un grand nombre des dispositions qui visent à protéger les espèces sauvages en péril au Canada.

Nous sommes plus particulièrement frappés par certains des principes et idéaux énoncés dans le préambule de la loi: «le gouvernement du Canada s'est engagé à conserver la biodiversité biologique»; «l'habitat des espèces en péril est important pour leur conservation»; et «les aires protégées au Canada, plus particulièrement les parcs nationaux, sont importants pour la protection et le rétablissement des espèces en péril». Nous sommes également reconnaissants de l'accent mis, dans le préambule et dans la loi, sur les activités volontaires et d'intendance ainsi que sur l'importance de la coopération entre les gouvernements du pays.

Je vais aborder la question d'intendance et l'importance des activités volontaires un peu plus tard, mais j'aimerais dire que le projet de loi ne vise pas le problème plus large de la diversité des écosystèmes et ne s'y attaque pas. La diversité biologique doit être vue sous l'aspect de la génétique, des espèces et de la diversité des écosystèmes. Mais le projet de loi ne permet pas au ministre compétent d'adopter une approche en fonction des diverses espèces ou de l'écosystème lorsqu'il prépare des stratégies de rétablissement et des plans d'action.

Nous recommandons qu'un énoncé clair soit inclus dans le préambule, selon lequel le gouvernement adoptera, dès que possible, une approche fondée sur les écosystèmes en ce qui concerne la protection des espèces en péril dans tous les domaines relevant de sa compétence, et nous demandons avec instance aux autorités provinciales et territoriales d'en faire de même. Déjà, dans le cadre d'un mémoire présenté l'année dernière, nous avions formulé une suggestion semblable, et j'aimerais insister encore sur l'importance que nous accordons aux écosystèmes.

Nous avions laissé entendre que la préservation efficace de la biodiversité implique néanmoins plus que le fait de sauver quelques espèces visibles et populaires. Elle exige un programme plus ambitieux et plus exhaustif de protection et de rétablissement de l'habitat et de l'écosystème, fondé sur une approche synergétique de la préservation. Par conséquent, nous pressons le gouvernement fédéral d'annoncer clairement—dans le préambule ou dans une déclaration formelle distincte de préférence—son engagement non équivoque à faire tout ce que ses pouvoirs constitutionnels lui permettent de faire pour élaborer un tel programme et une telle loi en collaboration avec les provinces, les scientifiques et les intervenants locaux.

Au chapitre de l'intendance, vous vous rendrez compte que Nature Saskatchewan compte de nombreuses années d'expérience exhaustive dans ce domaine et dans les programmes volontaires. La société a participé directement au projet Opération chevêche des terriers—elle l'administre, de fait—aux ententes de servitudes du patrimoine, et aux programmes d'aménagement d'habitat. Nous avons connu des succès dignes de mention. Nous avons conclu un partenariat avec la Société canadienne pour la conservation de la nature, la Saskatchewan Wetland Conservation Corporation, et plusieurs autres organismes nationaux ou provinciaux, et nous essayons de réaliser ce que prévoit notre énoncé de mission—c'est-à-dire la conservation et la préservation du patrimoine naturel de la Saskatchewan.

Je pense qu'un soutien fédéral fort, reposant sur des lois, est indispensable pour tous les programmes volontaires et d'intendance. Il en est de même pour le financement de projets de sensibilisation et d'éducation du public. Cet élément semble être la clé du succès des programmes volontaires d'intendance, plus particulièrement lorsque nous tenons compte de programmes en association avec des propriétaires terriens, des agriculteurs, des grands éleveurs, et tout le reste, dans le sud de la Saskatchewan.

• 1705

Le milieu agricole doit être convaincu que la Loi sur la protection des espèces en péril n'aura pas un effet adverse sur ses intérêts légitimes, et ne mènera encore moins à la confiscation de biens privés. À notre avis, la cause de la conservation sur des terres privées est mieux servie par des incitatifs en matière d'intendance et la collaboration avec les propriétaires terriens.

Nous l'avons fait. Tel que je l'ai indiqué, nous offrons plusieurs programmes. Nous avons des employés rémunérés et du personnel bénévole qui font des recherches et des sondages, qui parlent aux propriétaires terriens, qui posent des panneaux, notamment des panneaux pour la chevêche des terriers, des panneaux d'avertissement, et tout le reste. Nous publions des bulletins, nous diffusons de l'information aux propriétaires terriens et à divers organismes représentant des intérêts concernés par les pâturages agricoles, et j'en passe, dans le sud de la Saskatchewan.

Je pense qu'il est important de souligner la nécessité d'appuyer et de financer des programmes d'intendance. Cependant, ce n'est pas et ne peut pas être un remède universel. Nous avons toujours besoin de lois fortes, de la protection de l'habitat et d'un processus de listes, comme certains de mes collègues l'ont fait valoir cet après-midi.

J'aimerais parler de ces autres questions très rapidement. Dans des mémoires présentés précédemment, nous avons recommandé que l'inscription sur des listes légales des espèces en péril soit confiée aux scientifiques. Nous comprenons les préoccupations, tout comme les naturalistes de l'Ontario, au sujet des répercussions socio-économiques éventuelles des plans de rétablissement et des plans d'action. Advenant que de telles répercussions soient jugées suffisamment adverses pour la collectivité ou d'autres intérêts, les espèces en péril ne seraient pas énumérées en vertu des dispositions actuelles du projet de loi C-5. Il ne serait pas interdit de les tuer ou de leur nuire.

Nous sommes d'accord avec nos collègues de l'Ontario qu'il y a une façon de s'en sortir, un compromis. Nous appuyons la notion d'une liste par défaut, la liste du COSEPAC ou la liste des scientifiques, mais nous convenons que le gouvernement devrait avoir, ou pourrait encore avoir, le pouvoir discrétionnaire de bloquer du moins provisoirement la mise en oeuvre de plans de rétablissement et de plans d'action, ou même de retirer une espèce de la liste légale si une situation exceptionnelle et les intérêts d'une collectivité l'exigeaient.

Les interdictions et la mise en oeuvre de stratégies de rétablissement sont, à mon avis, des mécanismes que le gouvernement utiliserait pour exercer en toute légitimité son pouvoir de protéger certains intérêts de la collectivité ou de la société.

L'aspect critique et le plus litigieux de la protection des espèces en voie de disparition et des espèces menacées est l'habitat. Je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point. Malheureusement, le projet de Loi C-5 est relativement faible en ce qui concerne la protection de l'habitat. Nous demandons que le gouvernement fasse preuve de leadership à cet égard en rendant obligatoire et non discrétionnaire la protection de l'habitat dans tous les domaines relevant de la compétence fédérale, y compris les parcs nationaux, les espèces aquatiques visées par la Loi sur les pêches, les espèces visées par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, et les espèces qui traversent des frontières internationales.

Permettez-moi de revenir à la chevêche des terriers pendant quelques instants. Nous avons découvert récemment qu'elle migre pendant l'hiver aux États-Unis, en Arizona et au Texas. Cet oiseau, une espèce en voie de disparition, traverse donc des frontières internationales. Par conséquent, je pense qu'il relève tout à fait de la compétence fédérale d'aider à la protéger. Elle n'est pas visée par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Elle n'est pas inscrite sur la liste aux termes de cette loi. C'est donc d'autant plus important, à mon avis, pour les autorités fédérales et provinciales d'agir avant que ces superbes petits animaux disparaissent à tout jamais.

• 1710

De toute évidence, le principal problème dans le sud de la Saskatchewan est la perte de l'habitat, la transformation des herbages en terres de culture, la défriche. Il reste très peu d'herbages indigènes en Saskatchewan, de sorte que sa protection s'impose si nous voulons protéger les espèces en voie de disparition.

Ceci dit, j'aimerais vous remercier une fois de plus de nous avoir invités à comparaître devant votre comité. Nous espérons que le projet de loi, avec quelques amendements, sera adopté et qu'il représentera une forte action de la part du gouvernement fédéral pour s'acquitter de son mandat et respecter ses obligations en vertu de la Convention sur la biodiversité.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Bob Mills): Merci, monsieur Chanady.

Monsieur Drolet, s'il vous plaît.

[Français]

M. Charles-Antoine Drolet (biologiste, Union québécoise pour la conservation de la nature): Bonjour. Je m'appelle Charles-Antoine Drolet. Je suis retraité de la fonction publique fédérale, où j'ai oeuvré pendant plusieurs années au sein du Service canadien de la faune. J'étais responsable, dans la région de Québec, de la conservation des oiseaux migrateurs et j'ai occupé des fonctions de chercheur pour différentes espèces dans les Maritimes et dans le nord du Québec. Je suis présentement bénévole de l'Union québécoise pour la conservation de la nature et c'est au nom de l'UQCN que je me présente ici aujourd'hui.

L'UQCN désire d'abord remercier le comité de l'occasion qui lui est offerte de présenter son point de vue sur cet important projet de loi. Les espèces en péril représentent une préoccupation environnementale majeure, et nous ne pouvons qu'exprimer notre satisfaction de voir ce projet de loi poursuivre les étapes de son adoption. En fait, nous voulons féliciter le ministre, ses collègues et ses fonctionnaires de leur ténacité et nous voulons les encourager à continuer.

Dans l'ensemble, nous sommes d'avis que le projet de loi constitue un pas important vers la préservation et la réhabilitation des espèces en péril. Nous considérons que la reconnaissance explicite des habitats essentiels, ainsi que le programme d'intendance pour la protection de ces habitats sont des points très positifs. En effet, nous ne considérons pas que la protection des espèces en péril puisse être réalisée sans la composante habitat, même si elle ne pourra pas toujours être applicable.

Ce qui nous semble problématique au niveau des habitats essentiels, c'est qu'il semble que personne au Canada ne prenne vraiment la responsabilité de la protection de la biodiversité. Nous croyons que la responsabilité ultime de la conservation de la biodiversité au Canada devrait être celle du gouvernement fédéral. Il y a des exemples concrets, au Québec, de situations où l'habitat d'espèces désignées menacées n'est pas protégé. On peut même qualifier la situation de cynique. Il y a huit espèces animales qui ont été désignées menacées. Même si la loi du gouvernement du Québec l'oblige à protéger l'habitat de ces espèces, il se soustrait à cette obligation en émettant des décrets en conseil et des décisions à l'encontre de cette obligation.

Le problème principal de l'application de la loi fédérale sur les espèces menacées est qu'on ne sait pas qui va prendre la responsabilité ultime de la conservation de ces espèces et de leur habitat. Je partage entièrement le point de vue de M. Chanady, qui dit que le ministre fédéral devrait se donner cette responsabilité en accroissant les obligations que cette loi lui confie et lui donne.

Il y a un cas d'espèce au Québec, celui des audiences publiques pour l'établissement d'un site d'enfouissement dans la région du Haut-Richelieu. On a prévu établir ce site d'enfouissement dans une forêt importante qui est à peu près le seul boisé qui reste dans le secteur du Haut-Richelieu et qui, aussi, constitue le milieu où on retrouve une espèce de plante menacée. Alors, c'est un peu un cas d'espèce pour nous. On va voir ce que le Québec va faire à l'égard de ces audiences publiques du BAPE et si une action réelle va être menée pour protéger l'habitat.

• 1715

Présentement, le promoteur s'est engagé à déplacer les plantes menacées à un autre endroit comme mesure de mitigation pour le projet qui a été mis de l'avant. On trouve ça tout à fait inacceptable, mais on va voir ce qui va se passer. Donc, c'est mon problème principal à l'égard de la conservation des espèces menacées et de leurs habitats. Personne ne semble se donner la responsabilité réelle d'agir.

Je propose que cette loi soit modifiée pour que le ministre se donne cette responsabilité ultime afin, finalement, qu'on soit assurés d'une action significative au Canada à l'égard des espèces menacées.

Je termine ici mes commentaires. J'avais préparé ce document qui a été distribué. D'autres aspects sont présentés, mais je crois qu'ils sont de nature secondaire si on considère cet aspect particulièrement crucial et important.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bob Mills): Merci beaucoup de votre exposé.

Paul, vous avez la parole.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, AC): Merci beaucoup.

Aujourd'hui, nous accueillons effectivement la Federation of Ontario Naturalists, la Federation of B.C. Naturalists, Nature Saskatchewan et l'Union québécoise pour la conservation de la nature. Merci à tous d'être venus.

Je pose la question suivante en raison de la nature de vos organisations, et j'aimerais que tous y répondent brièvement. Dans vos efforts de conservation, quelle est la meilleure façon d'inciter les propriétaires terriens à collaborer?

Vous voyez, une partie du projet de loi, s'il doit vraiment fonctionner, fait appel à une collaboration volontaire, dans le cadre d'initiatives locales et d'innovations. Nous avons besoin de la bonne volonté des gens pour que le projet de loi fonctionne vraiment. Donc, puisque vous êtes les organismes que vous êtes, c'est-à-dire étroitement branchés sur les réalités locales, je vous demande une fois de plus quelle est votre meilleure façon d'inciter les propriétaires terriens ou d'autres intervenants locaux qui sont en mesure d'exercer le contrôle à collaborer, plus particulièrement pour ce qui est des questions de la préservation de l'habitat?

Vous pourriez peut-être suivre le même ordre que celui dans lequel vous avez comparu.

M. Gregor Beck: Je pense que l'un des aspects les plus importants, c'est que les propriétaires terriens et les personnes qui s'occupent à titre personnel des questions d'intendance comprennent bien ce qui est et n'est pas en fait dans la mesure législative. D'après un certain nombre de mes propres entretiens avec des propriétaires terriens—de fait, certains étant de ma parenté—dans certains cas, on se méprend sur ce qui a été proposé. Donc, pour commencer, je pense qu'il est important que les gens comprennent bien ce qui se passe, comme l'a souligné M. Chanady, et d'examiner certaines des inquiétudes et des préoccupations. Donc, nous avons besoin d'éducation pour connaître ce que prévoit la mesure législative et les mesures que les personnes peuvent prendre pour aider la question d'intendance des terres et de l'habitat faunique.

Dans de nombreux cas, une personne peut continuer à faire de nombreuses choses au paysage que peut-être, par méprise, elle n'estimait pas possible. Donc, dans de nombreux cas, en collaborant avec les propriétaires terriens, certains accords d'intendance peuvent être pris.

En Ontario, qui a sa Loi sur les espèces en voie de disparition, une partie de la léthargie dont j'ai parlé dans notre province découle de bonnes intentions, alors que le ministère des Ressources naturelles a entrepris de consulter tous les propriétaires terriens concernés dans les régions où une espèce en voie de disparition était sur le point d'être réglementée. Ce processus est très exigeant en main-d'oeuvre, mais c'est ce qui a effectivement été fait. De concert avec les divers organismes gouvernementaux, et de fait un certain nombre de nos propres groupes grâce à notre réseau de groupes membres et de personnes, nous pouvons aider à transmettre le message de ce que les personnes peuvent faire.

Je dirais donc qu'une bonne compréhension de la loi est une chose très importante, de même que les possibilités d'incitatifs, que ce soit au moyen de servitudes du patrimoine, qui sont assorties d'avantages fiscaux dans certains cas, ou... Par exemple, la désignation d'une espèce en Ontario peut aider également à instituer des incitatifs financiers par le biais, dans notre cas, d'incitatifs fonciers pour la conservation.

Il y a donc une gamme de moyens: la bonne compréhension; la modification de l'habitat pour protéger une espèce; la possibilité d'incitatifs fiscaux.

• 1720

Le vice-président (M. Bob Mills): Je prierais nos témoins de répondre de la façon la plus concise possible. J'aimerais que l'on s'en tienne à cinq minutes par question et réponse.

Mme Anne Murray: Très bien. Puis-je répondre?

Premièrement, lorsque nous avons affaire à une espèce rare, il ne s'agit pas de procéder à des mesures de protection générale de l'habitat. C'est une situation qui sort de l'ordinaire lorsqu'une personne possède un terrain où se trouve une espèce rare. Les gens ne devraient donc pas être amenés à penser tout de suite qu'ils vont devoir renoncer à leur terrain ou accepter qu'on y fixe des contraintes. C'est une chose rare. Et d'après ce que j'ai vu, le plus souvent, lorsque l'on explique aux gens tout l'intérêt et la rareté de l'espèce, on constate ordinairement beaucoup de bonne volonté, car ils sont vraiment intéressés à aider. Ce qui leur déplaît, c'est de voir des gens arriver de l'extérieur. Malheureusement, en Colombie-Britannique, on voit bien souvent quelqu'un arriver d'Ottawa et dire aux gens que faire. Par contre, lorsqu'on va voir les gens personnellement pour leur parler de la présence de l'espèce sur leur terrain et pour discuter avec eux des mesures qu'ils peuvent prendre pour aider, on constate le plus souvent qu'il y a beaucoup de bonne volonté.

Il y a cependant une réserve: il faut être juste. Bien souvent, lorsque les gens collaborent sur le plan environnemental ou écologique, ils sont exposés à un fardeau financier, auquel leurs concurrents échappent. Nous l'avons vu dans le cas des vignobles de l'Okanagan Sud, où des gens plaçaient des filets sur leurs vignes et même si cette mesure leur coûtait plus cher, elle protégeait les oiseaux en les empêchant de se faire prendre sous la vigne. Les viticulteurs faisaient preuve d'une grande collaboration à cet égard et faisaient de leur mieux pour empêcher les oiseaux de se faire prendre. Toutefois, il y a eu un viticulteur qui n'a pas voulu assumer la dépense et des oiseaux ont été tués sur son terrain. Les autres y ont vu quelque chose de très injuste et de mal. C'est une bonne chose d'avoir un bâton dans ces cas, d'être en mesure d'appliquer une loi quelconque, pour que ce soit juste pour tout le monde. Lorsque les gens sont prêts à prendre les mesures nécessaires, il faut être certain qu'il n'y en aura pas qui sont injustement pénalisés.

Donc la solution, selon moi, c'est d'engager le dialogue le plus tôt possible et de veiller à ce que tout soit juste.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Chanady, vous avez la parole.

M. Attila Chanady: Évidemment, il faut aborder la situation de nombreux angles et ce n'est pas simple. J'ai mentionné dans mon petit exposé que nous faisions du travail de sensibilisation et d'éducation. Il faut prendre la peine d'aller voir ces gens et de leur parler. Je dirais cependant que nombreux sont les agriculteurs qui, attachés à la terre, si l'on peut dire, savent très bien ce que c'est que la conservation. Ils pratiquent une gérance éclairée de la terre. Ils ne savent peut-être pas ce que c'est que la biologie de la conservation, mais ils savent ce qu'il faut faire pour que le sol reste productif et pour qu'il y ait autour d'eux des arbres, des arbustes, des animaux et des oiseaux en santé. J'estime donc que l'éducation est essentielle dans tout cela, au cas où ils ne comprennent pas parfaitement ou s'ils ont besoin de renseignements supplémentaires.

Je vais me servir du problème des engrais pour montrer combien il est facile aux gens de comprendre ce qu'est la pollution. Si nous leur expliquons clairement ce que veut dire l'interdépendance dans la nature, les principes écologiques qui interviennent et ce qu'ils représentent, je suis sûr qu'ils comprendront. Les engrais sont aussi importants, sinon plus, que les polluants et tout le reste. Il y a davantage à la vie que produire et vendre et profiter des gains, et ainsi de suite—il y a l'interaction, l'interdépendance des espèces, la trame de la vie, si vous voulez. J'estime donc que tout cela fait partie de notre travail d'éducation.

Il y a aussi les incitatifs. Nous offrons bel et bien des incitatifs financiers pour que les agriculteurs réensemencent, pour qu'ils remettent leurs terres cultivées à l'état de prairies. D'autres programmes de gérance de l'habitat sont aussi assortis de mesures de financement, de sorte que l'argent a manifestement un rôle. D'après notre expérience, les contacts personnels sont quand même très importants aussi.

• 1725

En Saskatchewan, la population n'est pas très considérable, nous le savons tous, si bien qu'au moyen d'un bon groupe de bénévoles, de fonctionnaires venant du Service de la gestion des ressources et de l'environnement de la Saskatchewan, et ainsi de suite, il est possible de tendre la main et de convaincre ces gens que nous ne sommes pas là pour leur nuire.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Drolet, je vous prie d'être très concis. Nous avons un grand nombre de questions.

[Français]

M. Charles-Antoine Drolet: L'UQCN est responsable au Québec de la mise en oeuvre d'un programme qui s'appelle ZICO: les Zones importantes pour la conservation des oiseaux. On travaille à la mise en oeuvre de ces programmes. On travaille localement avec les gens. On s'adresse à des associations locales. On responsabilise les communautés, on développe des plans d'action qui sont soutenus par la population locale et on cherche à trouver des encouragements financiers quelconques, des emplois de courte ou moyenne durée, associés à la mise en oeuvre de ces plans d'implantation des Zones importantes pour la conservation des oiseaux. Je vois beaucoup de parallèles avec ce qui pourrait être fait pour les habitats essentiels des espèces menacées.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bob Mills): Je vous remercie.

Monsieur Bigras, allez-y.

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Merci, monsieur le président.

Je me joins à mes collègues pour remercier nos invités de leur témoignage en comité. Mes questions vont essentiellement s'adresser à M. Drolet.

Monsieur Drolet, vous semblez nous dire, par votre intervention, que l'environnement est, naturellement, une compétence partagée, ce sur quoi on est tous d'accord. Vous avez dit aussi qu'il était essentiel d'avoir une loi fédérale sur la protection des espèces, ce sur quoi on est aussi d'accord.

Depuis 1989, le Québec s'est doté d'une Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. Il y a aussi une Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. On s'est aussi donné un règlement sur les pêches qui nous permet de protéger un certain nombre d'espèces. On s'entend, vous et moi, pour dire que l'ensemble des mesures comporte de très grandes lacunes, et c'est ce que je vais aller plaider vendredi auprès du ministre de l'Environnement du Québec, afin de procéder à un renforcement des lois, entre autres la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, pour qu'on puisse en venir à une désignation plus large, à de plus grandes peines et à une obligation de se doter de plans de rétablissement.

Le fédéral se donne aussi une loi. Cette loi, comme plusieurs intervenants nous l'ont dit, protège très peu les territoires domaniaux, les terres fédérales. On nous a dit aussi que dans le cadre des responsabilités fédérales, entre autres dans le cas des oiseaux migrateurs, la loi ne protège pas ces espèces.

N'admettez-vous pas qu'au fond, la meilleure approche à prendre et la plus efficace serait de renforcer la Loi québécoise sur les espèces menacées ou vulnérables, de se donner tous les moyens nécessaires par la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, de se doter de règlements vigoureux et de faire en sorte que la loi fédérale puisse s'appliquer rigoureusement sur les terres fédérales ainsi que dans les secteurs touchant ses responsabilités, entre autres celui des oiseaux migrateurs?

M. Charles-Antoine Drolet: Je suis tout à fait d'accord avec vous que la responsabilité devrait être entre les mains des provinces. Si vous pouviez encourager le Québec à agir dans ce sens-là, je serais très heureux qu'on voie un progrès se réaliser. Mais on doit faire le constat, présentement, qu'il y a un problème sérieux au Québec quant à la mise en oeuvre de la loi que le Québec s'est donnée. En cours de route, la loi a même été modifiée pour réduire les obligations que le Québec s'était données. L'obligation de protéger les habitats a été réduite dans la loi et, de toute évidence, le Québec ne désire pas agir pour protéger les habitats des espèces qu'il désigne lui-même. C'est le constat qu'on fait. Je reconnais avec vous que si le Québec agissait et remplissait ses obligations, ce serait parfait. Je pense qu'on devrait aller dans ce sens-là. Je vous encourage à faire pression auprès du ministre du Québec pour que ça se réalise.

M. Bernard Bigras: J'ai une autre question. Vous indiquez dans vos commentaires:

    ...nous ne voyons pas comment va pouvoir s'appliquer l'obligation que s'est donné le gouvernement fédéral à l'article 61 de protéger les habitats essentiels désignés par décret.

Je voudrais savoir ce que vous entendez par cela.

M. Charles-Antoine Drolet: Comme je le dis ailleurs, il faut un partenariat efficace entre les différents niveaux de gouvernement pour réaliser de tels objectif. Le gouvernement fédéral, à l'article 61, désigne par décret, mais après consultation avec les provinces et à certaines conditions. La désignation par décret est loin d'être automatique et elle est loin d'avoir la force qu'elle pourrait avoir si on voulait s'assurer que le ministre fédéral ait finalement et ultimement, au Canada, la responsabilité de la conservation de la biodiversité. Alors, je vois ici un problème dû au fait que les relations entre les niveaux de gouvernement sont très mauvaises et qu'on ne peut pas développer un réel partenariat pour arriver à réaliser ces objectifs de conservation des habitats.

• 1730

[Traduction]

Le vice-président (M. Bob Mills): Merci.

Si vous me permettez d'interrompre un instant. Un projet de motion nous a été présenté. Mme Carroll n'est pas ici pour proposer cette motion. Je crois que c'est l'un des rares cas du côté gouvernemental où nous aurions pu avoir une motion mais où nous avons eu une réponse avant le dépôt de la motion. C'est ainsi qu'avec la permission du comité—tous les députés ont une copie de cette lettre—, si c'est une chose que l'on peut accepter, à moins que quelqu'un s'y oppose—il pourrait certainement y avoir des questions et nous pourrions prendre le temps d'en discuter—, mais dans le but de respecter l'horaire, car nous avons des invités ici, je propose que nous sautions la motion et que nous acceptions cette lettre. Si Mme Carroll revient et tient à présenter une autre motion ou à demander d'autres questions, nous pourrons y procéder, si le comité est d'accord.

Des voix: D'accord.

Le vice-président (M. Bob Mills): Oui, madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Pour que ce soit bien clair, si, après la lecture de la lettre, le comité a des questions qui surviennent plus tard, je serai heureuse de m'en occuper.

Le vice-président (M. Bob Mills): Très bien, je vous remercie infiniment.

Madame Karen Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Je vous remercie.

Madame Murray, j'aimerais une précision à propos d'une chose que vous avez dite dans votre exposé lorsque vous parliez du blaireau et des espèces qui franchissent la frontière. Selon l'une de vos recommandations, la protection de l'habitat essentiel de toutes les espèces relevant de l'administration fédérale devrait être obligatoire. Vous avez ajouté je crois qu'une telle mesure permettrait de protéger le blaireau parce qu'il s'agit d'une espèce qui franchit la frontière. Est-ce bien ce que vous avez dit?

Mme Anne Murray: Je ne saurais vous dire si ce sont précisément mes paroles, car je ne suivais pas de texte. C'est vrai cependant, le projet de loi est muet à propos des espèces transfrontalières—du moins, je n'ai vu aucune disposition qui en parlait.

Mme Karen Kraft Sloan: C'est vrai, il n'y en a pas.

Mme Anne Murray: C'est une espèce qui franchit la frontière et, à ma connaissance, cela en fait une espèce qui relève de l'administration fédérale. Si la protection de l'habitat des espèces qui relèvent de l'administration fédérale était obligatoire, le blaireau serait protégé.

Mme Karen Kraft Sloan: Je vous remercie beaucoup.

C'est malheureux, parce que dans une mesure législative antérieure dont le comité et la Chambre ont été saisis en 1997, il y avait un article qui portait sur les espèces transfrontalières, qui faisait intervenir le gouvernement fédéral lorsqu'une province n'était pas dotée d'une mesure comparable, et il s'agissait d'une mesure contraignante. Il n'y a rien de tout cela dans la présente mesure législative.

J'ai une autre question pour les témoins—et vous êtes tous libres d'y répondre. Nous avons entendu un avocat de Justice Canada, qui était détaché à Environnement Canada, je suppose, qui a dit que le simple fait pour une espèce d'être une espèce transfrontalière n'en faisait pas une espèce relevant automatiquement de l'administration fédérale. Je me demande ce que vous en pensez—l'un ou l'autre.

Mme Anne Murray: Si j'ai fait une telle recommandation, c'est pour donner suite à un avis que nous avons reçu du Sierra Legal Defence Fund; il s'agit donc peut-être d'interprétations divergentes de la part d'avocats.

M. Attila Chanady: Dans le cas d'une espèce tranfrontalière, une espèce qui franchit les frontières internationales, qui au Canada est autorisée à transiger avec, par exemple, le gouvernement des États-Unis? Les gouvernements provinciaux ne sont pas autorisés, c'est le gouvernement fédéral. Dès qu'il s'agit d'une situation internationale, d'une situation transfrontalière, il faut que le gouvernement fédéral s'en occupe. Le gouvernement provincial n'a pas le pouvoir, n'a pas les compétences pour entamer des négociations avec le gouvernement des États-Unis.

Mme Karen Kraft Sloan: Je vous remercie infiniment.

M. Gregor Beck: Le groupe d'espèces transfrontalières tombant dans la catégorie des oiseaux relèverait de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. C'est peut-être là où il faut regarder.

• 1735

Mme Karen Kraft Sloan: Très bien, je vous remercie beaucoup.

Le président: Monsieur Comartin, vous avez la parole.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Je vous remercie, monsieur le président. Je m'excuse pour avoir dû quitter la salle un moment.

J'ai une question pour M. Beck. Quelqu'un l'a peut-être déjà posée, je m'excuse si c'est le cas, mais c'est un point qui m'intéresse et j'obtiendrai les renseignements ailleurs. Vous avez dit qu'aux termes de la loi de l'Ontario, il y avait 26 espèces réglementées.

M. Gregor Beck: C'est exact.

M. Joe Comartin: De ces espèces, il y en a seulement 18 qui figurent sur la liste du COSEPAC.

M. Gregor Beck: C'est exact.

M. Joe Comartin: Pouvez-vous me dire pourquoi les autres huit espèces ne figurent pas sur la liste du COSEPAC? Je sais qu'il y a de nombreuses autres espèces sur la liste du COSEPAC qui ne figurent pas sur la liste des espèces réglementées, mais pourquoi y a-t-il huit espèces sur la liste réglementée qui ne figurent pas sur la liste du COSEPAC?

M. Gregor Beck: Il y a des espèces de l'Ontario qui sont en péril dans notre province mais qui ne le sont peut-être pas à l'échelle nationale.

M. Joe Comartin: Très bien, il se peut donc qu'elles se portent très bien dans certaines des autres provinces.

J'ai terminé, monsieur le président.

Le président: Je donne la parole à M. Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je suis devant un dilemme. Je viens d'une région du pays qui s'urbanise à un rythme époustouflant. Plus de la moitié des espèces en péril sont des espèces aquatiques, mais nous nous occupons avant tout de la belle chevêche des terriers et tout le reste, en ne prêtant aucune attention à la vie marine peu attrayante. J'aimerais savoir si vous avez des idées sur la façon de corriger cette situation.

Le lac Ontario subit des assauts depuis de nombreuses années. Nous en sommes au point où le ministère des Ressources naturelles recommande que si on attrape du poisson dans ce lac, il ne faut pas en manger beaucoup, et si l'on est une femme enceinte, il ne faut pas en manger du tout. Pourtant, les ingénieurs qui s'occupent de l'urbanisation n'ont pas cessé d'aménager des tuyaux jusque dans le lac pour en retirer de l'eau et pour y rejeter les eaux usées pour que tout se dilue.

Ce que je n'aime pas de ce projet de loi, c'est qu'il ne vise que des espèces terrestres et des espèces que l'on ne trouve pas dans le milieu urbain. Il en résulte que le Canada urbain peut très facilement s'indigner à propos des espèces en voie de disparition, de ces chevêches des terriers et ces grizzlys dans le sud de la Colombie-Britannique, etc., mais on trouve très commode de pouvoir ignorer les bélugas du fleuve Saint-Laurent, qui jouent le rôle du pinson dans la mine pour nous dire que le fleuve est devenu toxique. Avez-vous des suggestions qui pourraient nous aider ici?

M. Gregor Beck: Monsieur Reed, vos observations sont fort pertinentes et bien senties. On y voit l'importance de l'approche plus générale des écosystèmes pour traiter les questions environnementales dans leur ensemble. Ce qui est rejeté dans les canalisations qui aboutissent dans la rivière Credit ou ce qui part de la municipalité de Norval pour aboutir dans le lac Ontario se retrouve inévitablement, j'en suis bien conscient, dans l'égout du fleuve Saint-Laurent. C'est ainsi que lorsqu'il est question de pollution, nous devons adopter l'approche des bassins hydrographiques afin d'aborder les problèmes de façon plus holistique.

Le lac Ontario est en proie à des dégradations de l'environnement. Il est en proie à de graves problèmes de biodiversité. Fondamentalement, le lac Ontario est un zoo aquatique. La plupart des espèces de poisson dominantes sont des espèces étrangères que des services gouvernementaux et parfois la province elle-même ont introduites dans le lac. L'urbanisation tentaculaire et l'évolution des pratiques agricoles dans le sud-ouest de l'Ontario ont d'immenses répercussions sur les espèces aquatiques. Le nombre d'espèces aquatiques qui devront figurer sur nos listes ne cesse de croître au fur et à mesure que nous nous en occupons. Leur nombre augmente sans doute beaucoup plus rapidement que les espèces terrestres—toutes sortes de moules et de palourdes étranges et des choses de la sorte. C'est là où se produira la prochaine vague de disparition d'espèces au Canada, c'est-à-dire dans nos espèces aquatiques.

• 1740

Bien souvent, dans le cas de certaines espèces, la disparition sera directement attribuable à la perte de l'habitat forestier et marécageux contigu à la rivière, ainsi qu'à la pollution. Il peut donc être très facile dans certains cas d'établir une corrélation directe avec les pratiques d'utilisation des sols employées à côté d'un cours d'eau et touchant certaines espèces, et il conviendrait peut-être que ce projet de loi vise les problèmes de pollution et d'habitat entourant certaines de ces zones aquatiques. Nous devons toutefois aborder les choses dans une perspective plus globale. Une loi sur les espèces en péril est un dernier recours. C'est un outil parmi d'autres, mais je crois que c'est le filet de sécurité plus général qu'il nous faut.

M. Julian Reed: Vaut-il la peine de se lancer dans une campagne auprès des ingénieurs urbanistes pour leur montrer qu'il y a d'autres solutions que l'aménagement de canalisations d'égout se déversant dans le lac Ontario?

Vous parlez de l'utilisation des sols et je sais que des mesures ont été prises à cet égard le long de la rivière Credit et que des travaux de reboisement ont été effectués. Je sais que les choses ont changé énormément. Toutefois, la croissance urbaine vient d'annuler ces progrès et les services techniques de ces municipalités ne cessent d'aménager des égouts pluviaux menant jusqu'à la rivière.

M. Gregor Beck: Le plus grand problème des rivières en milieu urbain et suburbain est le ruissellement de l'eau de pluie et, dans les municipalités plus anciennes, ce ruissellement est combiné aux eaux usées, qui comprennent des eaux d'égout brutes. Il y a donc d'énormes problèmes techniques qui doivent être corrigés. Tous les programmes de plantation d'arbres et de mise en valeur de marécages sont formidables pour l'éducation et pour la biodiversité par les habitats qu'on y crée, mais ce ne sont pas des solutions efficaces aux problèmes de pollution, qui, bien souvent, sont ce qui explique que certaines espèces sont en péril.

M. Julian Reed: Comment pouvons-nous trouver une solution?

Mme Anne Murray: Si vous permettez, nous avons lancé un projet en Colombie-Britannique en collaboration avec la fédération des naturalistes de cette province et nous avons reçu une subvention pour l'adapter à l'Ontario. Il s'agit du projet «La vie au bord de l'eau». Il vise les gens qui habitent le long d'un cours d'eau ou qui font partie d'une collectivité riveraine et il met l'accent sur la collaboration nécessaire pour améliorer la santé des populations humaines et des habitats sauvages, parce que, malheureusement, les gens ne sont guère intéressés à aider les animaux sauvages tels qu'on les retrouve dans la nature mais ils agiront si c'est pour protéger leur propre santé. Le thème du projet est: «Des habitats humains et sauvages plus sains le long des cours d'eau du Canada». Voilà vers quoi le projet s'oriente.

L'année dernière, nous avons eu la chance de toucher des sommes provenant du fonds du millénaire, et certains partenaires, tels que le MPO et d'autres, nous ont fourni des crédits. Il faut espérer que des programmes d'éducation de cette nature donneront des résultats, en plus des nouvelles lois qu'on pourrait adopter. Peut-être que cette loi sur les espèces en péril n'est qu'un début. Si nous réussissons à la mettre en place, il y aurait peut-être moyen d'en envisager d'autres.

En Colombie-Britannique, nous songeons à une telle loi pour désigner des zones marines protégées où il sera interdit de pêcher et qui seront conservées à l'état vierge et propre afin de constituer des centres de régénération de stocks. Personnellement, j'espère que le milieu de la protection de l'environnement, de la conservation et des naturalistes commencera à établir des objectifs semblables à ceux qui ont été établis pour les zones protégées terrestres et à calculer des pourcentages quelconques pour les parties du rivage qui devraient être protégées.

Quiconque peut encourager de telles initiatives fait donc oeuvre très utile et plus les gens parlent de ces questions, comme nous le faisons aujourd'hui, plus nous réussirons à éduquer la population, car c'est ce qu'il faut faire.

Le président: La parole est à M. Chanady.

M. Attila Chanady: J'aimerais ajouter que la Saskatchewan administre le projet «La vie au bord de l'eau» pour la Saskatchewan et le Manitoba, et les résultats sont très encourageants. C'est un projet éducatif fort utile.

J'aimerais dire quelques mots également des bassins hydrographiques. De nombreux plans de gestion des forêts ne font malheureusement aucune place à l'approche fondée sur les bassins hydrographiques. Par exemple, dans le nord-est de la Saskatchewan, il en résultera de graves problèmes au cours des dix prochaines années environ dans le cas de la rivière Churchill et aussi de la rivière Swan et de la rivière Assiniboine. Nous avons là un dossier où la collaboration interprovinciale assortie d'un rôle fédéral énergique aiderait à imaginer un plan de gestion qui serait fondé sur le concept des bassins hydrographiques et non pas simplement sur une rivière isolée ou sur la pollution provoquée par un seul contaminant. Nous avons affaire à tout le bassin hydrographique et c'est une méthode qui ressemble à celle des écosystèmes.

• 1745

Il s'est avéré très difficile d'adopter la méthode des bassins hydrographiques pour la conservation de l'eau—pour la surveillance de la qualité de l'eau. Même au XIXe siècle, il a fallu des générations en Grande-Bretagne pour que les comtés parviennent à s'entendre sur une méthode de conservation fondée sur les bassins hydrographiques. On peut voir donc que, malheureusement, c'est toujours un problème énorme au Canada.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Laliberte, vous avez la parole.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Pour poursuivre dans la même veine, il y a eu cet été un rassemblement appelé «Venons à la rivière», et tout cela reprend l'idée que les cours d'eau sont la source de la vie.

En travaillant à me documenter, j'ai appris de l'histoire. En 1909, il y avait ici au Parlement un Conseil canadien de la conservation qui a duré 12 ans. Il est tombé lentement en déconfiture après le départ du président. Selon l'une des recommandations, l'exploitation forestière intensive—ou n'importe quel type d'exploitation forestière—devait être interdite dans le cours supérieur de toutes les rivières. Tout le micro-écosystème est très sensible, surtout dans le cours supérieur d'une rivière. J'ai fait des recherches et je me suis documenté sur tout cela. Je lisais donc ces documents et l'histoire de ce conseil et je suis arrivé à ce projet de loi. À l'article 7 du projet de loi, on parle du Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril.

Dans la recommandation que vous formulez ou que vous invitez le gouvernement à adopter, vous dites qu'il faut non seulement s'occuper de l'habitat des espèces en péril ou des espèces elles-mêmes, mais aussi penser à toute la trame et à la chaîne alimentaire. Nous devrions peut-être revenir à ce que notre histoire nous enseigne, retrancher les espèces en péril de ce conseil de conservation et créer un Conseil canadien pour la conservation, qui comprendrait les provinces, les territoires, la Chambre des communes et les ministères, peut-être le Sénat et peut-être des représentants des Autochtones, de sorte que tous les habitants de notre pays y trouveraient leur compte. On s'occuperait des tâches qui se présenteraient. Il y a la science, le savoir traditionnel, les régions et des micro-écorégions en proie à des dégradations que nous ignorons, mais une fois qu'elles ont été détruites, il y a une réaction en chaîne dans toute la rivière.

Pour terminer, j'aimerais vous demander s'il y a dans cette loi des mesures que vous pensez que nous pourrions prendre pour élargir le travail de conservation que vous avez décrit. Je crois que c'est Nature Saskatchewan qui a proposé ce travail. J'ignore si les autres témoins étaient d'avis eux aussi qu'il fallait élargir ce travail pour qu'il aille au-delà des espèces en péril inscrites à la liste.

Mme Anne Murray: Il y a la paragraphe 41(3), permettant peut-être l'adoption de la méthode des écosystèmes, mais il en est question très rapidement en passant. C'est tout ce que j'ai pu trouver, à la page 21. Cette petite disposition semble en dire long et il y a peut-être moyen d'en élargir l'action.

M. Gregor Beck: Je crois que l'autre aspect où il est question de populations d'espèces menacées ou en voie de disparition, que l'on retrouve dans l'Okanagan ainsi qu'à l'extrémité sud-ouest de l'Ontario dans la zone carolinienne... On fait bien d'aborder ces problèmes à partir de la méthode des écosystèmes, mais on doit parfois envisager les choses sous différents angles. On peut travailler à protéger les espèces à partir de ces zones essentielles—la forêt carolinienne ou la forêt boréale—, mais on ne ferait rien pour résoudre les problèmes que M. Reed a décrits en parlant des effets en aval dans les bassins hydrographiques.

Dans le cas des espèces aquatiques, il faut tenir compte également de cette notion de bassin hydrographique, et nous touchons là certainement à un dossier transfrontalier. Le bassin hydrographique des Grands Lacs devrait en fait correspondre aux Grands Lacs et au bassin hydrographique du Saint-Laurent, car ces eaux sont reliées. Il y a 45 millions d'habitants dans cette région, et ils ne sont pas tous Canadiens. Il faut donc parfois aborder les choses sous différents angles lorsqu'il est question de protéger les espèces et les habitats. Veut-on protéger les espèces dans la zone carolinienne? Dans l'affirmative, il faut aborder ces dossiers à partir de ces zones vitales. Cependant, dans le cas des espèces aquatiques, il faut tenir compte des bassins hydrographiques, et ils peuvent regrouper plusieurs de ces zones.

• 1750

[Français]

M. Charles-Antoine Drolet: J'ai un commentaire à faire. En effet, j'avais fait un commentaire concernant votre préoccupation, monsieur Laliberte. C'est que cette loi ne constitue qu'un aspect d'une stratégie de conservation des espèces, et je disais qu'elle doit être accompagnée d'une approche de gestion durable de l'environnement. Est-ce qu'on peut se donner une loi pour assurer une gestion durable de l'environnement, qui serait le seul gage d'une véritable stratégie de conservation de l'écosystème et des espèces?

On propose des mesures législatives qui portent sur des aspects particuliers de la conservation, et ces aspects particuliers ne sont jamais complets, évidemment. Ils ne comprennent pas l'image globale. M. Reed, tout à l'heure, mentionnait le problème de la conservation des espèces en milieu marin. Au Québec, par exemple, on a créé le Parc marin du Saguenay—Saint-Laurent pour conserver une population menacée de bélugas. Mais cette population de bélugas n'est pas nécessairement protégée par le fait qu'il y a un parc. Elle souffre de la mauvaise qualité de l'eau, et les bélugas continuent de développer des problèmes de cancer à cause des résidus cancérigènes qui se trouvent dans l'eau.

Donc, la solution n'est pas nécessairement d'assurer la protection d'un habitat pour le béluga; c'est de s'assurer que l'ensemble du bassin de drainage du Saint-Laurent soit nettoyé de ses contaminants. Ce n'est pas une simple petite mesure législative qui peut permettre de réaliser cela, en effet.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bob Mills): Madame Sloan, je vous en prie.

Mme Karen Kraft Sloan: Je vous remercie, monsieur le président.

Je pense qu'il se dit ici des choses très importantes. La perspective que vous représentez nous aide à mettre l'accent sur cette méthode plus générale des écosystèmes et à protéger certains écosystèmes, qu'il s'agisse de marécages ou de bassins hydrographiques, compte tenu de leur interdépendance et des forêts environnantes, et ainsi de suite.

Notre problème, c'est que la protection de l'habitat est discrétionnaire dans cette mesure législative. Nous avons beau adopter une méthode fondée sur les écosystèmes, telle qu'on l'a décrite, mais nous n'allons pas laisser entendre généralement que la mesure doit s'appliquer à de vastes catégories d'écosystèmes ou doit viser à les protéger. Nous n'envisageons même pas la protection obligatoire des habitats critiques. C'est tout un problème, car on ne peut même pas poser un jalon quelque part et commencer à travailler à partir de là, aller plus loin et apporter des améliorations.

Autre chose, à propos des espèces transfrontalières et du partage des pouvoirs, les Américains ont institué la protection obligatoire des habitats, mais pas nous. Les espèces qui passent l'hiver aux États-Unis sont mieux protégées; celles qui passent l'été au Canada ne sont pas protégées, sauf dans certains cas.

C'est donc une situation qui crée de vraies difficultés. Je suis sûre que vous avez des choses à ajouter à propos de la protection facultative des habitats.

Mme Anne Murray: Vous renchérissez sur ce que nous avons dit tout à l'heure, c'est-à-dire que nous tenons à la protection obligatoire des habitats dans le cas des espèces qui relèvent de l'administration fédérale dans toutes les terres fédérales. J'aimerais bien que cette protection s'étende à d'autres terres également. Dans notre province, il n'y a pas de loi provinciale sur les espèces en danger de disparition, et une grande partie de nos terres sont des terres publiques, de sorte qu'il y a là un immense secteur qui est exclu. Je suppose qu'adopter une telle mesure déclencherait un trop grand nombre de conflits de compétence, mais il ne faut certainement pas hésiter lorsque le gouvernement fédéral a compétence.

[Français]

M. Charles-Antoine Drolet: En effet, le ministre ne se donne même pas l'obligation de protéger les espèces de responsabilité fédérale sur les terres fédérales. En commençant, on devrait exiger que le ministre se donne l'obligation de protéger l'habitat des espèces menacées, au moins sur les terres fédérales. Dans un deuxième temps, le ministre devrait se donner l'obligation de protéger l'habitat des espèces de responsabilité fédérale. À mon sens, c'est un minimum.

• 1755

[Traduction]

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Beck, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Gregor Beck: Donner l'exemple est un outil didactique très efficace. Si le gouvernement fédéral tient vraiment à rallier des appuis à la gérance et à la protection des espèces en péril et des habitats, il lui incombe de donner l'exemple. Les terres fédérales et la responsabilité fédérale constituent le point de départ. À défaut de procéder ainsi, on va avoir du mal à convaincre les provinces, les territoires et les propriétaires fonciers.

Le vice-président (M. Bob Mills): Je vous remercie.

Monsieur Chanady, allez-y.

M. Attila Chanady: J'aimerais ajouter deux choses. En Saskatchewan, il y a une loi sur les espèces sauvages et une loi sur la protection des habitats, mais ces lois sont entièrement discrétionnaires, nullement d'application obligatoire. La participation ou la collaboration fédérale au niveau fédéral-procincial serait donc très utile.

Il y a un problème de protection des habitats même dans les parcs nationaux. Selon la Loi sur les parcs nationaux, qui est entrée en vigueur cette année, l'intégrité écologique doit l'emporter dans toutes les décisions de gestion. Pourtant, dans le Parc national Prince Albert en Saskatchewan, il a été impossible ou très difficile de procéder ainsi. Il y a beaucoup d'opposition à la protection des habitats au sein du parc de la part de personnes qui ont des intérêts dans l'industrie du loisir, l'industrie du tourisme, la pêche sportive et ainsi de suite.

Nous avons recommandé que l'un des trois importants lacs fasse l'objet d'un rezonage et soit entièrement protégé, mais rien n'a été fait jusqu'ici. Il y a beaucoup d'opposition à de telles mesures. Un autre problème digne de mention dans le Parc national Prince Albert est le barrage qui empêche le poisson des lacs importants à l'extérieur du parc national de gagner les lacs du parc même. Les barrages constituent un obstacle à l'échange génétique. Là encore, des intérêts privés, des particuliers et des habitants de Waskesiu s'opposent au démantèlement du barrage. Il y a donc des problèmes même dans un parc national, où l'on croirait que la protection est une chose acquise. Je m'arrêterai là. C'est un vrai problème.

Le vice-président (M. Bob Mills): Je vous remercie.

Madame Redman, à vous.

Mme Karen Redman: Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Beck, vous avez parlé tout à l'heure d'un système d'indemnisation juste. C'est tout un précédent que de prévoir une telle mesure dans ce projet de loi. Je me demandais si vous aviez lu le rapport de M. Pearse. Ce document a permis de lancer la discussion sur une question très complexe. Je me demandais si vous pouviez nous en dire plus long sur ce qui constitue, selon vous, un système d'indemnisation juste.

M. Gregor Beck: Je n'ai pas lu le rapport et je ne pourrai donc pas vous en parler.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter pour le moment, mais je consulterai volontiers mes collègues qui s'occupent d'indemnisation et je pourrai vous remettre un complément d'information.

Notre organisme s'occupe de dossiers de cette nature lorsque nous aidons les propriétaires fonciers avec des choses telles que les servitudes du patrimoine. Lorsqu'un terrain est visé par des restrictions, il y a des conséquences pour la vente éventuelle et l'utilisation de ce terrain. C'est un aspect à retenir. Toute cette notion est encore embryonnaire, et personne ne sait au juste ce qui se passera pendant les autres 999 ans d'un accord de servitude. C'est quand même là un exemple d'un moyen qui a été adopté.

Il y a des incitatifs fiscaux en Ontario qui peuvent également être des exemples à suivre, tels que le programme des incitatifs fiscaux pour les forêts aménagées ou les incitatifs fonciers pour la conservation. Les mesures possibles sont multiples et je serai heureux de fournir de plus amples renseignements dans un mémoire complémentaire.

Mme Karen Redman: Je vous remercie infiniment.

• 1800

Le vice-président (M. Bob Mills): Je vous remercie.

[Français]

Monsieur Bigras.

M. Bernard Bigras: Ça vient vite.

Il y a quelques minutes, à la suite d'une intervention de Mme Kraft Sloan, monsieur Beck, madame Murray et monsieur Drolet, vous avez dit assez clairement que le fédéral ne donnait pas l'exemple par ce projet de loi en n'inscrivant pas une obligation de protéger les espèces sur le territoire domanial, entre autres sur les terres fédérales.

Pourtant, par le même projet de loi, le gouvernement fédéral se donne le pouvoir d'intervenir sur des territoires fauniques gérés par le gouvernement du Québec. Je pense, entre autres, aux réserves fauniques du Québec, qu'elles soient de Portneuf ou d'ailleurs. Les fonctionnaires ont été clairs: il y a des dispositions dans le projet de loi qui créent des agents de l'autorité fédérale, alors que nous, en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, nous avons ce qu'on appelle, si je ne me trompe pas, des agents de conservation de la faune.

Je voudrais savoir, monsieur Drolet, comment vous voyez l'application de cette loi, entre autres sur les espaces et les territoires fauniques gérés par le gouvernement du Québec. Où l'intervention des agents de l'autorité fédérale devrait-elle commencer et où devrait-elle se terminer? Où l'intervention des agents de la protection de la faune au Québec devrait-elle commencer et où devrait-elle s'arrêter?

M. Charles-Antoine Drolet: En effet, c'est une question assez cruciale. Quant à moi, je souhaiterais que ces questions-là soient débattues entre le niveau fédéral et le niveau provincial et qu'on arrive à faire des ententes de fonctionnement qui satisferont les deux niveaux. Tout à l'heure, vous me demandiez si je ne préférerais pas que ce soit les provinces qui appliquent la loi à l'égard des espèces menacées, et je vous ai répondu que oui, je souhaiterais fortement que les provinces, le Québec en particulier, appliquent les lois et s'acquittent de la responsabilité de protéger les habitats sur les territoires qui relèvent de leur responsabilité. Je maintiens la même position en répondant à la question que vous venez de me poser. Ça s'applique encore plus dans les territoires protégés par les provinces, bien sûr.

M. Bernard Bigras: Je suis d'accord. J'ai juste un commentaire, mais ce n'est pas une question. Ce que je comprends dans le projet de loi, c'est qu'un agent de l'autorité fédérale pourra intervenir dans une réserve faunique du Québec alors qu'un agent de la protection de la faune, lui, ne pourra pas intervenir dans le Parc national de la Mauricie. Est-ce que c'est votre interprétation?

M. Charles-Antoine Drolet: On a déjà cette situation au Québec: il y a des agents de conservation de la faune fédéraux et des agents de conservation de la faune provinciaux. Je ne pense pas qu'il y ait de problème présentement au Québec concernant les agissements des agents de conservation fédéraux à l'égard du Québec. Selon mon expérience—j'ai supervisé du personnel d'application de la loi au niveau fédéral au Québec—, on a toujours fonctionné en collaboration avec le Québec dans les domaines d'application de la loi touchant les oiseaux migrateurs.

M. Bernard Bigras: Vous êtes en train de me dire, de par votre expérience, qu'il existe actuellement un protocole d'entente d'intervention entre les deux niveaux de gouvernement.

M. Charles-Antoine Drolet: Je ne peux pas vous assurer que c'est un protocole ferme d'entente rédigé sur papier, mais c'est un fonctionnement de tous les jours qui ne présente pas de problème. J'ai vu fréquemment une collaboration très productive s'établir entre les niveaux provincial et fédéral pour l'application de la loi.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bob Mills): La parole est à M. Reed.

M. Julian Reed: Je vous remercie, monsieur le président.

J'ai une question bien simple et je vous invite chacun à tenter d'y répondre.

Les humains font-ils partie de la nature?

• 1805

M. Gregor Beck: Oui.

Mme Anne Murray: C'est une question facile.

M. Attila Chanady: Oui.

M. Julian Reed: Je vous remercie. Voilà qui est diamétralement opposé à ce qu'un biologiste m'a dit, c'est-à-dire que nous n'en faisons pas partie. Je vous remercie.

Le vice-président (M. Bob Mills): J'aurais deux ou trois questions si vous me permettez. J'ai voulu attendre à la fin.

Premièrement, j'ai remarqué, monsieur Drolet, dans le mémoire que j'ai lu hier soir, que vous insistiez sur le nombre de réunions, le nombre de professionnels qui devraient intervenir, et que vous craigniez que tout cela coûterait très cher. J'aimerais savoir ce que chacun d'entre vous pense des sommes à consacrer pour sauver les espèces en voie de disparition, compte tenu de tout l'appareil administratif que nous pourrions peut-être créer pour essayer d'administrer une loi comme celle-ci. Il y en a même, dans mon coin de pays, qui pourraient demander si nous avons vraiment besoin de tout cet appareil administratif et de toute cette législation, parce qu'ils tiennent déjà à collaborer pour sauver les espèces sauvages—qu'on nous dise quelles sont ces espèces et quelles mesures nous devons prendre pour aider. C'est déjà ce qu'ils font d'ailleurs dans le cadre d'une foule de programmes. C'est vrai qu'il faut des lois, mais en faut-il autant et qu'elles sont vos réserves à ce sujet?

Je poserai mes trois questions et vous pourrez y réfléchir car vous êtes libres d'y répondre.

En ce qui concerne l'indemnisation, les propriétaires fonciers, les exploitants de ranch et les agriculteurs me disent que c'est une chose qui les inquiète. Je dirais même que c'est leur plus grand sujet de préoccupation.

Troisièmement, le président du COSEPAC est venu témoigner hier et l'une de ses réponses m'a laissé perplexe. Il a dit que sa responsabilité et son travail s'arrêtaient à la frontière. Vous avez été nombreux à parler des espèces transfrontalières, et la chose qui me dérange est lorsque nous inscrivons à la liste une espèce qui est nombreuse aux États-Unis mais dont quelques individus ont franchi la frontière et qui constituent ainsi une espèce très rare dans la province. Il m'a répondu qu'il s'agissait bel et bien d'une espèce en voie de disparition, parce que ce qui se passe au-delà de la frontière ne le concerne pas. J'ai trouvé ça curieux, car ces animaux, ces plantes, ces graines ou que sais-je encore ne savent sans doute pas où se trouve la frontière. Je me demandais si vous aviez quelque chose à dire à propos de ces trois questions ou ce que vous en pensez.

Mme Anne Murray: J'ai des observations à propos du dernier point. Le monsieur du COSEPAC parlait sans doute d'espèces telles que le moqueur des armoises de l'Okanagan Sud—parfois il y en a quelques-uns et parfois nous n'en voyons pas, mais il y en a un plus grand nombre plus loin au sud. J'ai mentionné toutefois dans mon exposé l'importance génétique des espèces périphériques du Nord, des études récentes ayant démontré que bien souvent ce sont ces populations de bordure qui assurent la pérennité de l'espèce dans son ensemble—elle est formée de ces populations.

J'ai lu dernièrement dans Nature un article que je pourrai vous envoyer, si cela vous intéresse. Je l'ai trouvé fort intéressant, parce qu'il dit le contraire de ce que l'on serait porté à penser. Dans le cas d'une population importante, on serait porté à penser que la partie centrale resterait stable tandis que la population en périphérie s'effriterait, mais en réalité c'est le contraire qui se produit. On peut lire dans l'article que l'écotone est bien souvent la zone qui assure la pérennité de l'espèce, tandis que la population de la zone centrale disparaît. C'est un peu contre-intuitif, selon moi en tout cas.

Donc, il ne faut pas dire qu'une espèce est secondaire parce qu'elle fréquente l'écotone et parce qu'il y en a des populations importantes ailleurs. De plus, avec le changement climatique, il va y avoir des espèces qui vont migrer vers le nord, et les deux ou trois individus que nous voyons aujourd'hui sont peut-être des éclaireurs.

Cela nous amène à votre deuxième point à propos des coûts. Je dirais qu'on pourrait sans doute s'occuper très bien de ces types d'espèces occasionnels par la gérance et l'éducation plutôt qu'en adoptant surtout des lois. Il pourrait y avoir une approche discrétionnaire de la part de ceux qui sont chargés d'appliquer la loi, même dans le cas des espèces dont la protection est obligatoire, si jamais il faut traîner quelqu'un en cour. Il pourrait fort bien y avoir des mesures discrétionnaires dans ces cas-là. À mon avis, on ne va pas imposer des peines dans chaque cas et quelle que soit l'espèce.

Le vice-président (M. Bob Mills): Nous espérons bien que non.

Mme Anne Murray: C'est ce que je pense.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Beck, allez-y.

• 1810

M. Gregor Beck: En ce qui concerne les espèces qui franchissent la frontière et qui ne constituent peut-être qu'une toute petite population au Canada, une telle chose peut se produire parce que notre région constitue la bordure de l'aire spécifique, comme Mme Murray l'a mentionné. Il peut y avoir des espèces qui sont nombreuses au sud de la frontière mais qui ne le sont pas ici, mais la raison à cela peut être différente. Ce peut être parce que nous avons détruit l'habitat où elles se trouvaient autrefois. La zone écologique carolinienne du sud-ouest de l'Ontario en est un bon exemple. Presque toute cette zone a été détruite par l'exploitation forestière et les pratiques agricoles.

Quant à notre degré de culpabilité et de responsabilité, si une espèce existe au Canada en bordure de son aire spécifique et est particulièrement en péril parce que nous avons modifié l'habitat, j'estime que nous avons une responsabilité considérable sur le plan de la conservation. Nous avons une responsabilité également pour la biodiversité, comme on l'a mentionné tout à l'heure.

Il y a cependant des espèces dont les individus ne sont pas nombreux. Autrefois, le COSEPAC les appelait des espèces rares, par exemple la mouette rosée. Il y en a seulement un petit nombre qui viennent au Canada pour la nidification. Il y a une population plus importante, sans toutefois être particulièrement considérable, en Sibérie. Voilà à mon avis une distinction qu'il faut faire.

[Français]

M. Charles-Antoine Drolet: Je crois que les portions de population qui se trouvent à la limite de leur distribution ont plus de chances de montrer de la diversité génétique que l'ensemble de la population qu'on peut retrouver ailleurs. Je crois que le seul fait qu'on retrouve une population en abondance au-delà de la frontière n'est pas un argument pour nous empêcher de prendre des actions de conservation de ces populations-là parce que, comme le disait Mme Murray, on ne sait pas si c'est une population en expansion ou une population en régression. Alors, je pense qu'il faut prendre des mesures pour conserver quand même ces groupes.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bob Mills): Je vous remercie.

M. Attila Chanady: Je me dis que c'est être idéaliste que de penser que nous pouvons sauver une espèce et son habitat sans avoir de loi et tout le reste. Après tout, il n'y a pas eu de loi pendant des centaines d'années et voyez ce qui est arrivé. Des espèces disparaissent à un rythme de plus en plus grand. Sauf tout le respect que je dois aux gens qui s'intéressent à la conservation, que ce soit en Alberta, en Saskatchewan ou ailleurs au Canada ou dans le monde, il y a encore beaucoup trop de gens qui doivent être rappelés à l'ordre au moyen d'une loi et de règles et qui ont besoin de la méthode de la carotte et du bâton. À mon avis, il faut des lois, et l'histoire de la conservation au cours des 200 ou 300 dernières années le prouve.

En ce qui concerne la distribution géographique des espèces, on ne peut éviter ce rétrécissement progressif et, comme d'autres l'ont signalé, ce n'est pas là une raison pour ne rien faire. Même au Canada on peut trouver une espèce d'oiseau qui est menacée dans une province mais qui est peut-être plus abondante, moins menacée, ou seulement préoccupante dans une province voisine. Il peut y avoir de telles variations. Cependant, dès qu'une espèce devient préoccupante et que l'on constate que, par exemple, dans la province voisine du Manitoba, l'oiseau est en voie de disparition ou est disparu de la province, il faut agir tout de suite. Il faut prendre des mesures pour sauver cet oiseau. Sinon, il subira le même sort que ses congénères au Manitoba. C'est la même chose dans le cas des bélugas et des nombreux oiseaux qui migrent du nord au sud et qui reviennent, les migrateurs néotropicaux, et tous les autres.

Le vice-président (M. Bob Mills): Je tiens à remercier nos témoins. Je vous remercie infiniment d'avoir attendu une heure. Je pense que vous en connaissez la raison. Beaucoup de députés ont pu ainsi être présents ailleurs, et vous savez où. N'hésitez pas à communiquer avec notre comité. Vous êtes au courant de nos travaux et de nos méthodes. Je vous remercie de votre contribution.

La séance est levée.

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