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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ DES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 12 décembre 2001

• 1530

[Traduction]

Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Je vous souhaite la bienvenue à ce qui sera notre dernière réunion de cette année civile portant sur notre étude des enfants autochtones de zéro à douze ans, mettant l'accent au départ sur les réserves, mais étant par ailleurs entendu que, compte tenu de la nature de notre étude, quand nous discutons avec des représentants des ministères et d'autres personnes, nous sommes parfois amenés à parler simultanément des Indiens hors réserve.

Avant d'accueillir nos invités, je voudrais leur rappeler le format et l'objet de nos réunions. Nous essayons d'examiner horizontalement, au départ, ce que le gouvernement du Canada fait pour et avec les enfants autochtones. Dans ce but, nous avons reçu les représentants de divers ministères, notamment le ministère des Affaires indiennes et du Nord, Santé Canada, Justice Canada et, aujourd'hui, le ministère du Patrimoine canadien.

Chemin faisant, j'ai tenté de tirer profit de la présence de visiteurs qui se trouvaient à être présents dans la salle ou qui séjournaient dans notre ville. Quand j'ai appris que Charles Coffey, qui est vice-président exécutif de la Banque Royale, était ici, même si je me rends compte qu'il n'est pas à strictement parler et d'aucune façon un ministère du gouvernement—il pourrait tout aussi bien l'être—j'ai pensé que c'était une occasion trop intéressante pour la laisser passer, parce que Charles Coffey a joué un rôle unique dans le secteur privé, premièrement, pour ce qui est de faire la promotion du développement des jeunes enfants.

Il est actuellement le coprésident, avec Margaret McCain, d'une commission sur l'apprentissage précoce pour la ville de Toronto.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Coffey.

Il connaît le domaine que nous étudions, à savoir le développement des jeunes enfants de zéro à six ans, ainsi que les travaux que nous avons faits précédemment sur ce groupe démographique, et il a également beaucoup d'expérience auprès des communautés autochtones dans les réserves et hors-réserve et il apporte non seulement la perspective du secteur privé, mais aussi un point de vue unique qui met l'accent à la fois sur les Autochtones et sur le développement des jeunes enfants. J'ai pensé que je ferais aussi bien de lui mettre le grappin dessus puisqu'il se trouvait à passer par ici, et j'espère que le comité me pardonnera mon impudence.

Nous sommes aussi ravis d'accueillir Norman Moyer, du Patrimoine canadien, qui est sous-ministre adjoint et qui assume la formidable responsabilité de s'occuper de l'identité canadienne. Premièrement, il doit cerner cette identité, et ensuite, s'il arrive à déterminer en quoi elle consiste, il doit en faire la promotion, mais il nous apporte aussi une très riche expérience. Nous sommes ravis d'accueillir avec nous un haut fonctionnaire aussi éminent du ministère du Patrimoine canadien qui va nous exposer les problèmes de ce ministère.

J'ai pensé que nous pourrions, puisque nous sommes très peu portés sur les formalités et que nous sommes entre amis, commencer par Norman Moyer, après quoi nous céderons la parole à Charles Coffey, puis nous ferons un tour de table comme d'habitude.

Nous devrons peut-être donner congé à M. Coffey un peu avant la fin de la réunion à 17 heures, parce qu'il a un autre engagement, mais nous sommes ravis d'accueillir ces deux messieurs.

Nous vous souhaitons la bienvenue et je demanderais à M. Moyer de lancer la discussion.

[Français]

M. Norman Moyer (sous-ministre adjoint, Identité canadienne, ministère du Patrimoine canadien): Monsieur le président, merci de votre invitation d'aujourd'hui et d'avoir si bien présenté les complexités et les points obscurs de mes tâches au ministère du Patrimoine canadien.

[Traduction]

Nous avons aujourd'hui l'occasion d'examiner plus particulièrement ceux de nos programmes qui touchent les jeunes Autochtones. Bien que nos programmes n'aient pas été conçus expressément pour aborder les questions précises qui intéressent le comité, à bien des égards, ils sont pertinents aux dossiers que vous avez décidé d'explorer.

Nous avons des programmes en place pour les jeunes Autochtones, y compris les jeunes à risque. Nous visons surtout les jeunes qui vivent en dehors des réserves, mais comme je vais vous l'expliquer, certains de nos programmes sont en fait accessibles à tous les jeunes Autochtones. Nos programmes s'adressent en fait à tous les Autochtones. Nous avons tendance à mettre en oeuvre des programmes qui rejoignent tous les groupes au sein de la communauté autochtone au moyen de structures uniformes de prestation.

Notre objectif est de faire en sorte qu'il soit plus facile pour les Autochtones de participer à notre société selon des modalités qui reconnaissent leurs propres atouts culturels qu'ils apportent au Canada.

Dans le secteur de l'identité canadienne, le Programme des peuples autochtones administre au total 11 programmes séparés, et je vais vous en décrire quelques-uns aujourd'hui de façon détaillée. D'autres services de notre ministère administrent aussi des programmes qui sont pertinents à vos travaux. Je vais vous parler un peu plus tard des programmes d'échange et des programmes destinés aux athlètes.

• 1535

J'ai remis au greffier de votre comité une liste complète de tous les programmes que notre ministère offre aux peuples autochtones et que les Autochtones utilisent effectivement. Les programmes que nous avons et qui s'adressent expressément aux Autochtones ont un budget annuel d'environ 70 millions de dollars par année.

[Français]

Ces programmes visent toutes les populations autochtones qui ne vivent pas sur les réserves, soit des Métis, des Inuits et des Indiens. La majorité d'entre eux visent les populations en milieu urbain. Beaucoup de ces programmes sont communautaires et sont administrés par des partenaires autochtones. Les programmes de mon ministère ne s'adressent pas particulièrement aux enfants à risque. Ils répondent davantage aux aspirations et aux besoins culturels et sociaux des communautés autochtones.

Les objectifs particuliers varient d'un programme à l'autre. Cependant, ils visent tous quatre éléments: renforcer l'identité et la fierté culturelles de nos populations autochtones; bâtir l'estime de soi et la confiance; encourager des modes de vie pratiques et sains; favoriser un sentiment d'appartenance chez ces jeunes. Selon nous, ce sont des objectifs essentiels au développement social et psychologique de ces jeunes.

[Traduction]

Je vais maintenant vous décrire brièvement certains éléments des programmes que nous avons. Le plus ancien de nos programmes et le plus fondamental est le programme des Centres d'amitié autochtones.

Ce programme a été créé il y a environ 40 ans et il existe depuis lors dans les grandes villes du Canada pour aider les Autochtones qui arrivent dans un milieu urbain à réussir leur transition de la vie rurale qu'ils vivaient dans leurs réserves à la vie dans une grande ville. Les centres d'amitié sont le foyer de toute la programmation destinée aux Autochtones. Ils offrent des services aux enfants, aux jeunes et aux familles. Les services que les Autochtones peuvent trouver dans un centre d'amitié comprennent le logement, l'éducation, le développement des ressources humaines, les services aux jeunes et aux familles, la santé, les loisirs et la culture.

Il existe 118 centres de ce genre au Canada. Nous les finançons au moyen d'un arrangement avec l'Association nationale des centres d'amitié. À l'heure actuelle, 99 centres sont financés et il y en a 18 autres que nous essayons de trouver le moyen d'aider financièrement.

[Français]

Le deuxième programme existe seulement depuis quatre ans. C'est l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones. C'est un programme qui vise les jeunes autochtones vivant en situation urbaine. Le programme finance des projets qui sont accessibles, qui sont planifiés par des jeunes, qui sont communautaires, qui sont culturellement pertinents et qui visent les problèmes pratiques des jeunes. Ce programme répond à des propositions qui nous arrivent des jeunes qui vivent dans les communautés, et les services sont souvent livrés par des jeunes issus de ces communautés. Ce programme aide les jeunes en leur donnant des occasions de travail, mais aussi en leur offrant des services.

[Traduction]

Nous avons aussi le programme des langues autochtones, qui existe depuis trois ans et par l'entremise duquel nous aidons toutes les communautés autochtones, en l'occurrence autant dans les réserves qu'hors réserve, dans leurs efforts pour assurer la conservation, la préservation, l'enrichissement et la consolidation de leur langue.

Je mentionne ce programme dans le contexte de vos audiences parce que nous croyons, et nous avons de plus en plus de preuves que la langue, qui est le noyau de la conservation de la culture, est un véhicule qui permet aux jeunes Autochtones de renouer avec leurs propres valeurs sociétales.

Nous faisons la promotion des relations entre les anciens et les jeunes. La situation linguistique des communautés autochtones reflète largement l'existence d'un véritable trou intergénérationnel. Les grands-parents parlent encore leur langue ancestrale. Les petits-enfants sont parfois en mesure de l'apprendre dans des écoles d'immersion. Très souvent, les parents ont été laissés pour compte dans cette équation, au cours de cette période pendant laquelle il y a eu un consensus dans notre société, c'est-à-dire que l'on croyait que les Autochtones ne devraient pas s'instruire dans leur langue ni même être autorisés à parler leur propre langue.

• 1540

Dans ce cas également, le programme des langues autochtones répond à des propositions précises. Il est mis en oeuvre par les principales organisations représentatives, nommément Inuit Tapirisat, le Conseil national métis et l'Assemblée des premières nations, mais dans le cadre du programme, on donne suite à des demandes présentées par des particuliers.

Je vais maintenant vous dire quelques mots de nos programmes dans le domaine du sport.

[Français]

J'ai lu le compte rendu de la rencontre que votre comité a eue avec le Cercle sportif autochtone, un groupe qui est appuyé par notre ministère.

Nous croyons que le sport est une des façons de promouvoir le développement de la fierté, les contacts entre différents groupes autochtones et les contacts entre la société autochtone et la société majoritaire.

Nous appuyons le Cercle sportif autochtone, qui vise à créer une génération d'entraîneurs capables de travailler dans les communautés autochtones. Ils font la promotion des jeux dans les communautés autochtones et s'occupent des contacts dans le domaine du sport.

[Traduction]

Les Jeux autochtones de l'Amérique du Nord sont un autre élément des activités sportives que nous créons à l'intention des jeunes Autochtones. Ces jeux ont lieu tous les quatre ans au Canada et en principe à tout le moins, tous les quatre ans aux États-Unis, de sorte que cet événement revient tous les deux ans. Le Canada a toujours été très fidèle pour ce qui est de l'organisation de ces jeux. Les Américains, pour leur part, ont été moins efficaces pour tenir les jeux sur leur territoire.

De plus en plus, les jeunes Autochtones considèrent ces jeux autochtones comme une tribune pour démontrer les nouvelles habiletés qu'ils ont acquises et afficher la fierté qu'ils ressentent. Les prochains jeux auront lieu à Winnipeg l'été prochain et ce sera là le plus vaste rassemblement de jeunes Autochtones dans le pays.

Monsieur le président, vous voudrez peut-être envisager d'envoyer une délégation de votre comité aux Jeux autochtones de l'Amérique du Nord l'été prochain. C'est une occasion formidable de rencontrer des jeunes.

Le président: Pour autant qu'ils ne nous demandent pas de compétitionner contre eux.

M. Norman Moyer: Si vous ne voulez pas attendre à l'été prochain, en mars de l'année prochaine, les Jeux de l'Arctique auront lieu à Iqaluit. Les Jeux de l'Arctique constituent un forum très important qui permet aux Autochtones du nord de se rencontrer et de pratiquer les sports nordiques. Cette année, pour la première fois, la tenue de ces jeux est organisée conjointement à Iqaluit et dans la capitale du Groenland.

Nous faisons également des efforts tout particuliers pour inciter les jeunes Autochtones à participer à nos programmes d'échange pour les jeunes et à cet effet, nous y avons inclus des éléments spécifiques pour rejoindre la jeunesse autochtone.

Grâce aux efforts particuliers déployés pour cibler les jeunes Autochtones et d'autres jeunes défavorisés, la première année de ce nouveau programme, nous avons accueilli 750 jeunes Autochtones qui ont participé aux échanges, soit deux fois plus que nous avions imaginé. Déjà, cette année, nous avons reçu trois fois plus de demandes que l'année dernière provenant de jeunes Autochtones. Ces initiatives favorisent les échanges entre communautés autochtones et entre communautés autochtones et non autochtones, ce qui permet aux jeunes de mieux se connaître.

Même si ce n'est pas l'objet de votre étude en ce moment, nous accueillons également dans ce groupe une bonne proportion de jeunes avec déficience. Plus de 440 de ces jeunes ont participé au programme, à l'instar de jeunes de familles à faible revenu, qui sont aussi visés, de même que de jeunes venant de régions rurales et de villages éloignés.

Je voudrais signaler également que l'an dernier, dans le contexte des consultations poussées que notre ministère a effectuées en préparation de la Conférence mondiale sur le racisme qui s'est tenue à Durban cet été, nous avons constaté que la population autochtone, dirigeants et jeunes confondus, souhaitait vivement comparaître devant notre groupe de fonctionnaires ainsi que devant la secrétaire d'État Hedy Fry pour parler du racisme et de son incidence sur leur vie. De plus en plus, les collectivités autochtones veulent parler de certains problèmes auxquels ils font face dans notre société à cause du racisme. Ils souhaitaient vivement discuter avec nous de ce sujet.

Mais il faut comprendre que nos programmes sont modestes compte tenu de la croissance de la population autochtone hors- réserve. Ils ne touchent qu'une petite partie de la population. On ne peut absolument pas dire que nous fournissons des services exhaustifs.

• 1545

J'ai constaté que les membres de votre comité s'intéressent à ce que font les provinces et les municipalités. Pour nous, c'est un élément essentiel du portrait. C'est uniquement lorsque nous collaborons avec les provinces, les municipalités et le secteur privé pour offrir des débouchés aux jeunes Autochtones que nous pouvons espérer un succès, même modeste. Notre ministère ne peut pas fournir toute la solution. Nous pouvons uniquement y contribuer.

Merci beaucoup.

Le président: Merci à vous. Votre exposé est très utile.

Vous avez parlé de jeunes handicapés. À cet égard, je vous mentionne que notre comité, qui fonctionne de façon horizontale a, de concert avec un comité connexe de Développement des ressources humaines chargé du dossier des personnes handicapées, des séances communes sur les enfants handicapés. Comme je l'ai redécouvert hier, lorsque j'étais à Akwesasne, il y a une forte incidence de déficience chez les Autochtones en général et chez les enfants autochtones en particulier. Nous avons donc un troisième éclairage, si vous voulez. À Akwesasne, environ 33 p. 100 de la population se déclare handicapée. Vous avez donc eu raison d'évoquer le sujet lorsque vous avez parlé du programme d'échange.

Bienvenue, monsieur Coffey.

M. Charles S. Coffey (vice-président exécutif, Affaires gouvernementales et communautaires, Banque Royale du Canada; coprésident, Commission sur la petite enfance et l'apprentissage précoce, Ville de Toronto): Merci, monsieur le président, et bon après-midi tout le monde.

Monsieur Godfrey, je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole ici et je suis ravi de voir que mon député, l'honorable représentant de Don Valley-Ouest, préside le comité.

Le président: C'est notre petit secret honteux. Vous n'étiez pas censé le dire.

Des voix: Oh, oh!

M. Charles Coffey: Non, je suis très fier de résider à Don Valley-Ouest et du fait que vous représentiez fort bien cette circonscription. Je n'ai pas honte de le dire.

C'est bon de voir certaines personnes de Toronto.

Monsieur Tonks, je suis heureux de vous revoir, ainsi que mon ami de Winnipeg. Je n'ai pas encore rencontré vos autres collègues, mais j'espère que je pourrai le faire d'ici la fin de la journée.

Je voudrais vous expliquer brièvement pourquoi, en tant que membre de la direction de la Banque Royale, je m'intéresse à la petite enfance et plus particulièrement aux questions autochtones, pourquoi ma banque s'y intéresse et pourquoi il est important que le secteur privé comprenne les problèmes que vous étudiez.

D'entrée de jeu, je vous dirai que les problèmes auxquels sont confrontés les peuples autochtones au Canada doivent nécessairement intéresser tous les Canadiens. Rapidement, je peux vous raconter qu'en 1989, j'ai été muté de Toronto, où j'avais passé 20 ans dans nos bureaux du centre-ville, à Bay Street, à Winnipeg à titre de chef des opérations de la banque dans cette ville. Et ce que j'y ai vu m'a énormément perturbé.

Quelques jours après mon arrivée, j'ai déambulé au nord de Main Street et plus tard, j'ai eu l'occasion de visiter des collectivités éloignées et de m'entretenir avec un grand nombre de personnes. Comme je l'ai dit à maintes reprises, pendant que je me familiarisais avec les problèmes socio-économiques très complexes auxquels faisaient face les gens des Premières nations du Canada je me disais: «Ce n'est pas le Canada que je connais». Et je me suis promis à ce moment-là de m'élever publiquement contre le sort fait aux membres des Premières nations.

Ça, c'était sur le plan personnel. Sur le plan professionnel, j'ai eu droit à un apprentissage accéléré lorsque nous, les dirigeants des banques du Manitoba, avons rencontré le grand chef de l'Assemblée des premières nations à l'époque, M. Phil Fontaine. Lors de cette réunion, j'ai posé la question suivante: «Monsieur Fontaine, quelle est votre opinion des banques?» Il m'a répondu: «C'est une question très intéressante, monsieur Coffey», et il a poursuivi en disant: «Dans ma culture, nous avons une carte de pointage. Vous êtes soit un ami soit un ennemi. Et je tiens à vous dire que chaque banque que vous représentez et tous les banquiers qui sont ici dans la salle sont dans la colonne des ennemis compte tenu de la façon dont vos institutions traitent notre peuple.»

M. Fontaine a alors ajouté: «Soit dit en passant, nous avons logé 12 plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne au sujet de vos pratiques d'embauche et je vous signale que votre banque, monsieur Coffey, figure parmi les trois qui sont dans notre ligne de mire.» Rappelez-vous que je n'étais arrivé à Winnipeg que six ou huit semaines auparavant, et j'ai vu devant mes yeux ma carrière descendue en flammes à la suite de plaintes devant la Commission canadienne des droits de la personne.

Le lendemain, j'ai donc pris contact avec M. Fontaine. Je lui ai dit: «Écoutez, il faut que je comprenne ce qui se passe ici». Il m'a dit: «D'accord, je vais vous aider à comprendre».

• 1550

Nous nous sommes d'abord penchés sur le problème de l'équité d'emploi pour faire en sorte que nos employés autochtones à Winnipeg reflètent le marché que nous desservions. Par la suite, nous sommes passés rapidement au domaine du développement économique car je demeure convaincu, encore aujourd'hui, que le développement économique est le moteur qui apportera prospérité et bien-être aux Autochtones.

J'ai ensuite intensifié mes discussions au niveau communautaire et j'ai rencontré des aînés ainsi que le chef et le conseil de diverses bandes au Manitoba. J'ai rencontré les dirigeants de la municipalité de Winnipeg pour avoir une idée de ce qui se passait et encore une fois, j'ai commencé à donner des conférences sur la nécessité d'améliorer les choses et à en parler à quiconque voudrait bien m'entendre.

Je vais maintenant avancer jusqu'en 1997, environ un an après la publication du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Cette commission royale a été l'une des plus coûteuses de l'histoire du Canada et a mis cinq ans à produire son rapport. Ce document a été remis au ministre de l'époque, Ron Irwin, sans que rien ne se passe pour autant. Évidemment, il y a eu étude par- dessus étude par-dessus étude.

C'est alors que j'ai eu une discussion avec mon collègue, John McCallum, qui était à l'époque économiste en chef de la Banque Royale du Canada, et qui est maintenant l'honorable député de Markham, au sujet de la commission royale et de la nécessité pour le secteur privé de prendre position. Lui et moi avons donc uni nos efforts à ceux de certains membres du Conseil pour l'avancement des agents de développement autochtones et nous avons rédigé un rapport intitulé The Cost of Doing Nothing, que je déposerai auprès de la greffière, avec votre permission, monsieur le président.

J'ai demandé à John de se pencher sur les problèmes auxquels sont confrontés les Autochtones dans la perspective d'un économiste, et les tableaux que renferme le rapport sont effarants. Permettez-moi de relever certaines données.

Quarante-six pour cent seulement des Autochtones ont un diplôme d'études secondaires, comparativement à 67 p. 100 de la population totale. D'après les statistiques de 1995, le taux de pauvreté chez les Autochtones s'élevait à 44 p. 100 comparativement à 20 p. 100 pour l'ensemble des Canadiens; 60 p. 100 des enfants autochtones de moins de six ans vivaient dans des familles à faible revenu comparativement au pourcentage national de 25 p. 100. Fait renversant, 46 p. 100 des enfants autochtones en milieu urbain vivaient dans une famille monoparentale comparativement à la moyenne nationale de 17 p. 100.

Il y a autre chose qui m'a littéralement renversé. L'incidence de la tuberculose et du diabète chez les Autochtones est 17 fois et trois fois plus élevée respectivement que dans l'ensemble de la population. Comme vous le savez peut-être, chez les Inuits, particulièrement ceux du nord du Québec, cette incidence est 21 fois plus élevée. Les statistiques indiquent que 65 p. 100 des habitations dans les réserves et 49 p. 100 des habitations hors- réserve sont en deçà des normes. Les taux d'incarcération sont très élevés chez les Autochtones. Le taux de suicide chez les jeunes en particulier était de quatre à six fois plus élevé que la moyenne nationale.

Après avoir discuté de ces statistiques, nous avons décidé de communiquer ce message aux entreprises canadiennes et nous avons lancé une série de trois colloques, le premier portant particulièrement sur les membres des Premières nations du Canada. Nous en avons ensuite organisé un spécifiquement sur les problèmes des Métis à l'occasion d'une conférence sur les droits des Métis tenue à Winnipeg à la fin de 1997. Ensuite, en 1998, nous avons fait équipe avec l'organisation Inuit Tapirisat en vue de mettre en lumière les problèmes des Inuits du Labrador, du nord du Québec, du Nunavut et de l'Arctique de l'Ouest.

À quelques exceptions près, la réaction des chefs d'entreprise à nos exposés a été un silence assourdissant. C'est un problème social. C'est un problème qui relève du gouvernement. Pourquoi le secteur privé devrait-il s'en soucier?

Sans relâche, nous avons dit au secteur privé qu'il devrait s'intéresser à ce dossier pour les raisons suivantes. Premièrement, le taux de croissance démographique des Autochtones—vous avez vu les statistiques concernant les enfants dans cette communauté—est très élevé. Dans notre optique, il représente une source potentielle d'employés et égoïstement, de clients. Les règlements des revendications territoriales, certains fort généreux, ont mis un pouvoir économique considérable entre les mains des membres des Premières nations, et la réaction du gouvernement du Canada à la Commission royale a contribué pour beaucoup à repositionner certains problèmes qu'il faut régler.

Mais malgré tout ces efforts, il y a encore trop peu de dirigeants d'entreprises du secteur privé qui se sentent concernés par le problème et qui prennent des mesures très concrètes pour aider à le régler. Comment les encourager à faire davantage? Je peux vous dire qu'à la Banque Royale du Canada, nous continuerons de nous faire les champions de la cause des Autochtones. Le Conference Board du Canada a un comité chargé de ce dossier. Je sais que John Kim Bell sera l'hôte d'un colloque d'un jour sur les problèmes des jeunes Autochtones qui aura lieu le 6 février 2002 à Calgary. Ce colloque sera coprésidé par Paul Tellier du CN, John Hunkin de CIBC et M. George de Suncor.

• 1555

L'aspect économique lié à l'amélioration du sort des Autochtones du Canada ne doit pas et ne devrait pas échapper au secteur privé. Je peux vous dire avec une certaine fierté que j'ai été en mesure d'établir un lien entre la condition de cette communauté et la valorisation de nos actions.

Les gens me demandent: «Mais qu'est-ce que tous ces efforts signifient pour l'actionnaire» car au bout du compte, c'est mon travail que de veiller au bien-être de nos actionnaires. Dans notre cas, cela s'est traduit par une augmentation sensible des occasions d'affaires. Cela s'est traduit par l'arrivée dans nos rangs de personnes d'origine autochtone très talentueuses. L'argument économique est donc valable, mais il faut faire encore davantage.

Il nous faut mettre l'accent sur des modèles dans la collectivité, de Ted Nolan, l'ancien entraîneur chef des Sabres de Buffalo—si vous n'avez pas encore eu l'occasion de lui parler, je vous encourage vivement à le faire car c'est un modèle incroyable à mon avis—à Tattoo, un Inuit qui a été récemment le premier à être repêché par la LNH. À l'heure actuelle, il joue pour les Wheat Kings de Brandon.

Sur le plan local, il existe un établissement que certains d'entre vous connaissent, appelé le Centre de santé Wabano pour les Autochtones. Ce centre est dirigé par Allison Fisher, qui en est la directrice générale. Il s'agit là d'un établissement unique très spécial. C'est un établissement de santé communautaire, situé au 299, chemin Montreal, qui est sensible à la différence culturelle. L'année dernière, le centre a connu une augmentation de 45 p. 100 de sa clientèle, 44 p. 100 des patients étant des jeunes. Le centre offre des séances éducatives sur les MTS et le HIV/sida ainsi que des ateliers sur des questions de santé en général. À mon avis, monsieur le président, il s'agit là de joyaux cachés qu'il faut mettre en lumière de plus en plus et célébrer.

Vous voulez savoir quel est l'objet de mon propos? À mon avis, votre comité doit inciter davantage le secteur privé à s'engager. Si vous me permettez l'expression, il doit mettre les PDG au défi d'intervenir auprès de la communauté autochtone et particulièrement auprès des enfants de zéro à douze ans ou même de zéro à dix-huit ans.

Je vais vous relater une brève anecdote concernant des gens qui sont venus me voir la semaine dernière. Sur la réserve des Premières nations de Curve Lake, au nord de Peterborough, il n'y a pas d'école secondaire locale. Les jeunes fréquentent l'école secondaire de Lakefield. Les dirigeants communautaires locaux ont constaté un taux d'abandon scolaire important et ils ont lancé un programme de niveau secondaire expérimental pour faire en sorte que ces jeunes puissent au moins décrocher leur diplôme d'études secondaires. Une dame nommée Shelly Fife, est directrice des services éducatifs là-bas.

Le programme accueille 10 jeunes qui avaient décroché de l'école secondaire traditionnelle. C'est le second groupe qui en bénéficie et à quelques mois d'intervalle, ils viennent à Toronto pour visiter divers endroits, dont mon bureau. Ils ne sont pas de tout repos, et je le dis avec le plus grand respect.

L'un d'eux m'a dit qu'il avait besoin d'une cigarette et il voulait monter sur le toit du 40e étage de l'édifice de la banque. Je lui ai dit qu'il était interdit de fumer et que je ne pouvais pas accéder au toit. Il m'a répété qu'il voulait monter là-haut. Je lui ai dit d'accord. Le 40e étage de la Plaza de la Banque Royale à Toronto accueille les bureaux du conseil d'administration. Je les y ai donc emmenés. Il y a dans la salle une grande table environ quatre fois la taille de celle-ci, et ils se sont assis autour pour discuter. Ce qui m'a frappé, c'est un jeune de 18 ans, qui avait abandonné l'école en dixième année qui m'a dit, les larmes aux yeux: «Monsieur Coffey, un jour je serai assis à cette table et je vous dirai quoi faire».

J'ai raconté cette histoire à bon nombre de représentants du secteur privé qui me demandent de quelle façon ils peuvent aider des jeunes comme celui-là. Ce n'est pas la mer à boire, mais il faut que quelqu'un donne l'exemple.

Je vous raconte sans doute plus d'anecdotes que vous ne voulez en entendre. C'est une question très importante pour notre pays. S'il y a un prix à payer pour l'inaction, ce qui est le titre que nous avons donné à notre rapport, il y a aussi un prix à payer si nous n'en faisons pas assez.

• 1600

J'aborderai deux points en conclusion. L'importance des sports ne saurait être minimisée dans le contexte des peuples autochtones. Certains d'entre vous étiez peut-être déjà au courant des jeux dont a parlé mon collègue, M. Moyer. Je fais partie d'un comité qui recueille des fonds pour la Fondation de ressourcement innu. Nous ramassons de l'argent pour construire un centre récréatif pour les Inuits du Labrador afin de contrer les problèmes qui ont fait la manchette des journaux et qui ont fait l'objet de reportages à Newsworld et à la télévision de Radio-Canada il y a quelques mois à peine.

Le sport joue un rôle important. La Banque Royale est l'un des commanditaires des Jeux autochtones depuis leurs débuts, et nous continuerons d'appuyer cette manifestation. Je me rendrai d'ailleurs à Iqaluit le 16 mars pour participer à l'ouverture des Jeux d'hiver de l'Arctique. Je salue les efforts du gouvernement du Canada pour injecter des fonds dans la construction d'installations sportives pour les Autochtones. À cet égard, le travail de John Kim Bell est certainement digne de mention.

Enfin, pour revenir au contexte urbain, le mouvement des centres d'amitié a joué un rôle stratégique important, ce qui a d'ailleurs été mentionné. Il existe 117 centres d'amitié disséminés dans le pays. Il y a cinq ans, la Banque Royale a conclu un partenariat stratégique avec un centre d'amitié afin de soutenir des programmes à l'intention des jeunes. Nous avons également pris des dispositions pour que les employés et les amis du mouvement des centres d'amitié aient droit à un accueil spécial lorsqu'ils se rendent dans n'importe quelle succursale de la Banque Royale au pays.

Monsieur le président, je vais m'arrêter là. J'ai beaucoup parlé, et de toutes sortes de choses. Peut-être que vos collègues ou d'autres personnes dans la salle voudront remettre en cause certains de mes propos ou obtenir d'autres informations. Je vais laisser cette documentation au comité. Bien qu'elle remonte à deux ou trois ans, son contenu est toujours d'actualité.

Permettez-moi simplement de dire que mon organisation et moi- même continuons d'appuyer les efforts du comité dans ce dossier.

Le président: Merci beaucoup. C'est formidable d'avoir cette dimension supplémentaire pour nos travaux. En fait, nous avons tiré parti de la présence de Rick Brant alors qu'il était dans la salle. Il ne savait pas qu'il allait témoigner. Il accompagnait le Cercle sportif autochtone. Par conséquent, notre comité travaille en cercle continu, comme si nous savions vraiment ce que nous faisons.

Je vais demander à Carol Skelton de commencer, si elle le veut bien.

Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Premièrement, je vous remercie beaucoup d'être venu aujourd'hui. Je suis désolé d'être arrivée en retard, mais je suis allée rencontrer tout à l'heure la première femme ministre d'Afghanistan. Je n'aime pas être en retard car votre comparution m'intéresse beaucoup, ainsi que tous les exposés.

Ma question s'adresse à M. Coffey. Combien d'employés des Premières nations travaillent à la Banque Royale?

M. Charles Coffey: Pas suffisamment.

Mme Carol Skelton: Avez-vous un chiffre?

M. Charles Coffey: Neuf cent...

Mme Carol Skelton: Un chiffre approximatif.

M. Charles Coffey: Je préférerais fournir au comité un chiffre exact plutôt qu'un chiffre approximatif.

Mme Carol Skelton: Cela n'a pas d'importance. Je veux simplement avoir une idée.

Le président: Un ordre de grandeur.

M. Charles Coffey: À l'échelle nationale, je dirais environ 930. J'ajouterais à ce sujet que nous n'avons pas de mal à attirer des employés d'origine autochtone. Le problème est plutôt de les garder. C'est un défi considérable, qui nous a amenés à implanter des programmes de mentorat en vertu duquel chaque employé autochtone est jumelé à quelqu'un d'autre, et à organiser des séances trimestrielles pour comprendre les problèmes.

D'après mon expérience à Winnipeg, certains de nos employés jugeaient nécessaire de quitter le travail et de rentrer chez eux sans avertissement, dans certains cas. J'ai dit à mon équipe: «Nous devons comprendre pourquoi cela se produit. Si cela est perçu comme un échec, ils doivent être autorisés à échouer deux, trois, quatre ou cinq fois».

Nous avons dû appliquer un modèle non traditionnel pour favoriser la transition. Bien des Canadiens trouvent les banques intimidantes, mais nous avons dû élaborer certains programmes pour faciliter les choses. Dans un domaine connexe, nous avons mis sur pied un programme de lutte au décrochage à l'intention des Autochtones. Ce sont là autant d'efforts pour positionner la banque comme un employeur compréhensif et un milieu de travail accueillant.

Pour ce qui est des chiffres, je vais me renseigner et vous le fournir, monsieur le président, avec une ventilation par province. Il n'y a pas de ventilation selon les trois groupes.

Je vous ai donné une réponse un peu décousue. L'auto- identification demeure un défi pour nous.

Mme Carol Skelton: Mon mari et moi-même et notre famille faisons tous affaire avec la Banque Royale.

M. Charles Coffey: Je vous en remercie.

Mme Carol Skelton: Nous sommes de la Saskatchewan, mais je dois dire que je n'ai jamais vu une personne des Premières nations dans l'une des succursales de la Banque Royale que je fréquente en Saskatchewan. Je vais donc regarder autour de moi. Je vais vérifier.

• 1605

M. Charles Coffey: Et je vais vous faire parvenir le renseignement quand je serai de retour à Toronto demain.

Mme Carol Skelton: Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissante.

Par ailleurs, avez-vous des banques dans les réserves?

M. Charles Coffey: Oui, nous en avons sept. La première Banque Royale offrant toute la gamme des services était à Ohsweken, dans la réserve des Six Nations, dans le sud de l'Ontario. Nous avons ouvert des succursales à la Première nation Peguis et à Cross Lake, et nous en avons deux en Colombie-Britannique. Nous avons une succursale dans chacun des territoires du Nunavut.

Nous nous dirigeons maintenant... En fait, la toute première était à l'île Manitoulin où nous «franchisons» en fait notre banque à des entrepreneurs locaux, si je peux me permettre d'utiliser cette expression. Ils utilisent nos processus et nos systèmes, mais la succursale est dirigée par une personne de la collectivité. Toute notre infrastructure est à l'arrière-plan et tout est identifié comme appartenant à la Banque Royale. Les dépôts sont assurés et tout le reste. Ce n'est pas une franchise à proprement parler, mais c'est une agence autonome qui exploite la banque.

Mme Carol Skelton: Mais c'est dirigé par le conseil de bande?

M. Charles Coffey: Nous fournissons l'encadrement, la régie et l'infrastructure, mais toute l'affaire est dirigée par des gens de l'endroit.

Mme Carol Skelton: Merci.

Monsieur Moyer, vos programmes sont mis en oeuvre en coordination avec les provinces. Cette coordination entre vous-même et les provinces a-t-elle bien fonctionné et serait-il possible de l'améliorer?

M. Norman Moyer: La collaboration avec les provinces varie, et elle part de la base et non pas du sommet. Nous n'avons pas une structure d'accords de coopération avec les provinces qui précèdent la mise en place de nos programmes. Nous finançons un centre d'amitié et c'est celui-ci qui établit des relations avec la municipalité et la province. Dans certains cas, cela fonctionne très bien. Dans d'autres cas, c'est beaucoup moins efficace.

On peut en dire autant de l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones. Il y a des raisons historiques pour lesquelles les provinces et le gouvernement fédéral n'ont pas bien fait les choses au départ pour ce qui est de se répartir les responsabilités et d'établir un cadre de coopération dans ce domaine. Nous constatons que lorsque nous fonctionnons comme nous le faisons en passant par les centres, il y a en fait une bien meilleure chance de coopération que si nous tentons de faire cela de gouvernement à gouvernement et d'organiser une entente-cadre générale.

Mme Carol Skelton: Quelles mesures concrètes prenez-vous pour évaluer l'efficacité des programmes axés sur les jeunes?

M. Norman Moyer: Nous avons un programme d'évaluation pour les deux programmes que j'ai évoqués—en fait, les trois, si l'on inclut le programme de langues. Les centres d'amitié font l'objet d'une évaluation en deux étapes. Premièrement, nous avons évalué nos relations avec l'Association nationale des centres d'amitié autochtones afin de déterminer s'il s'agit d'un bon mécanisme de prestation de services. Nous avons terminé cette évaluation, qui a avalisé largement cette façon de faire, soit offrir des programmes par l'entremise de l'Association nationale des centres d'amitié autochtones.

À l'heure actuelle, nous faisons une évaluation des incidences qui nous amènera à examiner le rayonnement de centres d'amitié spécifiques au niveau communautaire. Nous prévoyons que cette évaluation sera terminée d'ici 2002. Elle nous permettra entre autres de répondre à certaines questions que nous nous posons, notamment pourquoi certains centres sont beaucoup plus efficaces que d'autres. Nous souhaitons recueillir des renseignements axés sur les résultats qui nous aideront dans cette démarche. L'Association nationale des centres d'amitié autochtones s'intéresse à cette évaluation car elle souhaite faire circuler d'un centre à l'autre les bonnes idées et elle pourra le faire plus efficacement à l'aide de ces résultats.

Pour ce qui est de l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes autochtones, nous avons un processus d'évaluation qui sera aussi entrepris l'année prochaine et qui nous fournira une évaluation fondée sur les résultats recueillis auprès des jeunes dans certaines communautés spécifiques. Nous appliquerons la même démarche pour l'initiative des langues autochtones. Après trois ans d'expérience, nous amorçons un processus d'élaboration de recommandations stratégiques à l'intention du gouvernement en vue d'élargir l'éventail des langues.

Mme Carol Skelton: Une dernière chose, monsieur Coffey. Avez- vous des exemplaires de cette étude pour nous tous ou en avez-vous un seul?

• 1610

M. Charles Coffey: Je vais déposer celui-ci auprès du greffier. Je peux vous faire parvenir des exemplaires supplémentaires par messager à vos bureaux demain, si vous le voulez. Je vais obtenir la liste des membres du comité et je les leur ferai parvenir.

Mme Carol Skelton: Je vous en remercie.

Le président: Ce serait formidable. Avez-vous une version française également?

M. Charles Coffey: Oui.

Le président: Formidable. Merci.

[Français]

Madame Guay.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, monsieur le président.

Premièrement, je vous souhaite la bienvenue au comité. Jusqu'à présent, nous avons rencontré plusieurs ministères, entre autres le ministère de la Justice, le ministère des Affaires autochtones et plusieurs autres ministères. Quelque part, on s'est rendu compte qu'il y avait des chevauchements entre certains ministères et qu'il fallait qu'il y ait certains ajustements dans les programmes. Avez-vous vécu la même situation, monsieur Moyer?

M. Norman Moyer: D'abord, entre notre ministère et le ministère des Affaires indiennes et du Nord, il y a le problème d'une population en transition. Qui en est responsable quand? Ces jeunes personnes ne restent pas toujours au même endroit. Elles ne vivent pas en permanence en situation urbaine. Elles passent d'une situation à l'autre. On essaie de travailler avec le ministère, mais à cause d'une certaine rigidité, surtout dans notre façon de travailler avec les nations autochtones, il nous est très difficile de nous assurer que les gens passent facilement d'une situation à l'autre.

Notre programme, qui vise spécifiquement les jeunes en situation urbaine, a évidemment un lien avec plusieurs programmes du ministère de la Justice. Ils ont été invités à participer avec nous à cela par les centres d'amitié, qui administrent ces centres. La coordination se fait à ce niveau-là, dans les communautés. Non seulement le ministère de la Justice ou celui du solliciteur général du Canada, mais aussi la police locale et la province doivent être impliqués. Notre façon de nous organiser, avec un conseil d'administration local, permet que cette coopération ait lieu à la base. Nous travaillons avec des groupes ici, mais je trouve que c'est beaucoup plus pratique quand on le fait là.

Mme Monique Guay: Sur le terrain. C'est compréhensible. Vous devez faire affaire avec plusieurs juridictions. On parle de polices municipales et d'autochtones hors réserve. Qui a juridiction sur qui? Cela peut compliquer un peu les choses. Au Québec, dans certaines réserves, les autochtones ont leur propre système de police, ce qui facilite souvent les choses.

Je vais poser une dernière question à M. Moyer et je passerai ensuite à M. Coffey, à qui j'ai plusieurs questions à poser.

Quels programmes spécifiques avez-vous pour les enfants de 0 à 12 ans? On sait qu'à cet âge-là, c'est toute la base importante qu'on donne à un enfant. C'est primordial. Avez-vous des programmes spécifiques pour ces enfants au niveau culturel ou à un autre niveau? Je vois que vous vous concentrez beaucoup sur la culture et les sports. Donc, avez-vous des programmes très spécifiques ciblant les enfants de 0 à 12 ans?

M. Norman Moyer: Non. Je peux vous dire qu'on n'a pas un seul programme qui vise spécifiquement ce créneau d'âge. Ces enfants sont parfois très touchés par certains de nos programmes dans le domaine des langues, dans les centres d'amitié dans les villes, où il y a des groupes qui travaillent avec des jeunes mères qui sont souvent parents seuls, mais nous n'avons pas de programmes qui visent spécifiquement ces enfants.

Mme Monique Guay: Serait-il souhaitable que de tels programmes existent?

M. Norman Moyer: Pour ma part, je trouve qu'il y a des problèmes liés à ce groupe d'âge. Est-ce le gouvernement du Canada, par l'entremise de notre ministère, qui devrait viser spécifiquement ce groupe? Je préférerais qu'il y ait des initiatives créées et administrées dans les villes pour ces gens. On pourrait peut-être y contribuer dans le cadre d'une formule plus globale.

Mme Monique Guay: Une formule qui existe peut-être déjà, mais que vous pourriez bonifier pour atteindre ces cibles-là.

M. Norman Moyer: Les centres d'amitié ont les contacts nécessaires pour devenir un réseau dans ce domaine.

Mme Monique Guay: Je suis tout à fait d'accord avec vous.

• 1615

Monsieur Coffey, c'est assez impressionnant de voir des banques qui s'impliquent au niveau social, au niveau de l'aide aux autochtones. C'est drôle que vous soyez là aujourd'hui, parce que présentement, le grand comité du Développement des ressources humaines, sur lequel je siège, est en train de réviser toute la Loi sur l'équité en matière d'emploi. On discute de la présence, dans les entreprises, des femmes, des personnes des minorités visibles, etc. Donc, ça tombe bien qu'on discute de ces sujets-là. Selon les statistiques contenues dans les rapports qui nous ont été remis par Statistique Canada, les autochtones sont très, très en retard. Il y a donc beaucoup de rattrapage à faire quant à leur présence dans les entreprises. D'ailleurs, M. Tonks pourra en témoigner.

Vous avez dit qu'il y avait 900 et quelques autochtones à la Banque Royale. Pourriez-vous nous donner plus tard les chiffres sur le nombre de personnes par province? Il serait intéressant que nous ayons cela dans nos dossiers.

Est-ce que les banques financent aussi des programmes spécifiques? Au Québec, les caisses populaires financent souvent des activités spécifiques sur le plan social, au niveau local, régional ou même national. Avez-vous des programmes à cet effet pour les autochtones, entre autres?

[Traduction]

M. Charles Coffey: Avec votre permission, je répondrai en anglais.

Une diversité de programmes allant de la commandite à la philanthropie aux programmes de lutte contre le décrochage, à l'octroi de bourses d'étude... Depuis 1993, nous avons un programme de bourses autochtones. Chaque année, nous choisissons cinq étudiants qui reçoivent jusqu'à concurrence de 4 000 $ par année pendant quatre ans pour financer leurs études universitaires.

Nous ratissons large et nous ciblons des jeunes en collaboration avec de tierces parties—par exemple, le mouvement des centres d'amitié autochtones. Il y a un groupe avec lequel nous sommes fiers d'être associés qui a son siège social à Québec. Il s'agit de l'Association d'affaires des Premiers Peuples de Québec, dont la directrice générale est Johanne Robertson, de la Première nation de Pointe Bleue près de Roberval. Nous collaborons avec ce groupe depuis cinq ou six ans pour offrir certains programmes encore une fois axés sur la jeunesse.

Par conséquent, nous offrons toute une gamme d'initiatives au niveau local et cela, en consultation avec les communautés concernées.

[Français]

Mme Monique Guay: Voici une dernière question, monsieur le président. On fera peut-être un autre tour tout à l'heure.

Il y a un autre problème. À la Banque Royale, quand vous allez chercher des personnes de minorités visibles ou d'autres groupes, ou encore des autochtones pour travailler dans l'entreprise, leur donnez-vous une formation spécifique pour les aider à s'intégrer? Est-ce que la banque fait cet effort?

[Traduction]

M. Charles Coffey: Nous visons surtout les cadres et nous organisons à leur intention des séances approfondies de sensibilisation à la culture autochtone. Nous savons pertinemment qu'en tant qu'institution constituée sous le régime de la loi fédérale, nous sommes tenus de faire en sorte que nos effectifs reflètent la clientèle que nous desservons, y compris les Autochtones, les personnes handicapées, les minorités visibles et les femmes.

Dès que ces personnes adhèrent à notre organisation, nous faisons deux choses. Premièrement pour aider les nouveaux venus à comprendre notre organisation, nous leur offrons des programmes de formation spécifiques comportant un volet technique et un volet d'information sur nos pratiques de gestion. D'autre part, nous déployons de sérieux efforts pour faire comprendre à tous nos gestionnaires l'importance des enjeux culturels, qu'il s'agisse des rapports avec les communautés des Premières nations...

Sans vouloir digresser, nous faisons en sorte qu'ils comprennent l'importance d'une cérémonie de purification. Souvent, toute fumée est interdite dans les édifices, de sorte qu'il est impossible de tenir de telles cérémonies. Je peux vous dire que dans certains cas, nous avons dû contrevenir au règlement municipal pour être sensibles aux réalités culturelles. Nous tentons aussi de faire comprendre l'importance du tambour qui bat au rythme du coeur du pays. Cela dépasse les chants «heya, heya, heya». Toutes ces manifestations ont une signification importante que nos gestionnaires doivent comprendre et cette sensibilité aux différences culturelles ne touche pas uniquement les peuples autochtones. Cela vaut également dans les rapports avec d'autres groupes ethniques.

[Français]

Mme Monique Guay: À chacun sa culture. Il faut respecter tout le monde dans son environnement. Les autochtones ont des cérémonials qui leur appartiennent, qui leur sont propres, et il n'est pas toujours évident pour d'autres personnes de tout comprendre. Il y a donc un grand travail de sensibilisation à faire.

Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

• 1620

Le président: Merci, madame Guay.

[Traduction]

Anita Neville, suivie de M. Tonks.

Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je remercie nos deux témoins d'aujourd'hui.

Monsieur Moyer, je m'excuse d'être arrivée en retard. Tout comme Mme Skelton, j'ai participé à une rencontre avec le vice- premier ministre.

Je ne veux pas mettre M. Coffey dans l'embarras, mais je veux d'abord le remercier d'être venu. J'ai eu l'occasion de le côtoyer à Winnipeg, et je peux dire à mes collègues qu'ils s'entretiennent avec l'un des pionniers du milieu des affaires pour ce qui est de défendre les intérêts des peuples des Premières nations du Canada.

J'étais très présente dans le dossier de la division scolaire de Winnipeg, dans le programme de formation et d'emploi et dans l'initiative du centre-ville de Winnipeg à l'époque où M. Coffey y travaillait. Je peux vous dire que l'héritage qu'il a laissé à Winnipeg, et au reste du Canada, a des répercussions profondes et continuera d'avoir des répercussions profondes. En effet, il a été un catalyseur important de changement dans notre communauté et, d'après moi, dans tout le pays. Je tenais à le signaler ici aujourd'hui.

L'un des plus sérieux problèmes auxquels font face les communautés autochtones urbaines est celui du partage des compétences. Lorsque les Autochtones quittent les réserves pour s'installer en milieu urbain, cela provoque des problèmes de compétence. Les politiques d'autres ministères du gouvernement ont une incidence sur le mouvement des Autochtones des Premières nations. Les politiques des gouvernements provinciaux entrent également en jeu. C'est une question très vaste, mais je me demandais si vous aviez réfléchi aux difficultés que posait cette diversité des compétences pour une approche holistique.

Je sais que vous ne pourrez pas me répondre en cinq minutes, mais pour ce qui est des problèmes de compétence et de la nécessité d'avoir une approche holistique face aux communautés des Premières nations dans les domaines de la santé, du transport, de la culture, des sports et de l'éducation, avez-vous, l'un ou l'autre, des observations?

M. Charles Coffey: Je pense que cet aspect est au coeur du problème. À mon avis, il faudrait qu'au niveau fédéral—commençons par là, il y ait un ministère pangouvernemental, panautochtone, si vous voulez.

Mme Anita Neville: Je suis d'accord.

M. Charles Coffey: Ce n'est pas à moi de dire au premier ministre ou à d'autres élus quoi faire, mais personnellement, je souhaiterais qu'il y ait un secrétaire d'État ou un ministre responsable de la population autochtone du Canada, ce qui comprendrait les Autochtones vivant sur les réserves ou en milieu urbain, les Métis, les Inuits, etc.

Personnellement, je pense qu'on a politisé à outrance toute la situation. J'estime que ces débats sur l'application des compétences causent énormément de torts. S'il y a un dossier qui devrait rallier les dirigeants politiques, que ce soit au niveau fédéral, provincial et municipal, ce devrait être celui des Autochtones, et particulièrement des jeunes Autochtones de zéro à douze ans.

Cela m'amène à parler du dossier dont je m'occupe maintenant en tant que coprésident de la commission de la ville de Toronto sur la petite enfance. Pourquoi le gouvernement fédéral ne peut-il pas donner de l'argent à la ville de Toronto pour les garderies? Parce que le gouvernement de Queen's Park s'y oppose. Pourquoi? C'est un problème constitutionnel.

À Toronto, quelque 17 000 enfants attendent une place dans les garderies subventionnées, et on se demande pourquoi l'argent devant servir au développement du jeune enfant ne sert pas à financer les garderies. Je ne veux pas m'aventurer sur ce terrain; j'en aurais pour des heures. Je traiterai de ce problème dans notre rapport en février.

Pour ce qui est de votre question concernant les Autochtones, je pense que le temps nous presse. Encore une fois, il y a un prix à payer pour l'inaction et pour la tiédeur. Du côté du secteur privé, des organisations comme la Banque Royale, Syncrude et l'Association d'affaires des Premiers Peuples de la ville de Québec, ainsi que les Cris du Québec, continueront de défendre ce dossier et d'exercer des pressions pour obtenir l'application d'un modèle différent.

Le président: Je pense que M. Moyer voulait ajouter quelque chose.

M. Norman Moyer: Parfois, la meilleure solution n'est pas de s'attaquer aux grands problèmes de partage des compétences, mais de procéder de façon pragmatique, communauté par communauté.

• 1625

Parce que la volonté d'agir était là et que la conjoncture s'y prêtait, nous avons été en mesure de conclure à l'égard du quartier est du centre-ville de Vancouver un accord-cadre avec les autorités municipales, provinciales et fédérales. Dans le contexte de cet accord, nous oeuvrons de concert pour régler les problèmes dans ce quartier urbain qui est le plus pauvre au Canada. Il y vit des Autochtones, mais aussi de nombreuses personnes d'autres cultures.

Il n'y a pas de raison qu'un tel modèle ne puisse être appliqué ailleurs. Il est très difficile pour l'un ou l'autre des trois paliers de gouvernement de le proposer en raison des contraintes dont vous avez parlé, mais un Charles Coffey, à titre de dirigeant de la Banque Royale à Winnipeg, pourrait nous faire honte à tous...

Mme Anita Neville: Comme il l'a fait.

M. Norman Moyer: ... s'il nous invitait à une rencontre et qu'il mettait le problème sur la table. Par conséquent, trouver des solutions pragmatiques... Je pense que nous perdons beaucoup de temps à essayer de résoudre le problème juridictionnel. Trouvons plutôt des cas où s'allient volonté et occasion d'agir et faisons quelque chose. Assurément, notre ministère est à l'affût d'initiatives de ce genre.

M. Charles Coffey: Monsieur le président, puis-je ajouter une chose?

Au risque de m'aventurer en terrain glissant, je vous invite simplement à discuter à votre convenance de la nécessité pour la communauté autochtone—comment dirais-je?—d'être à l'écoute de la voix de la femme autochtone.

Mme Monique Guay: Absolument.

M. Charles Coffey: Je n'en dirai pas plus.

Le président: C'est une observation riche en implications.

Mme Anita Neville: Et en conséquences.

Le président: Monsieur Tonks, voulez-vous commencer?

M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Comme ma collègue Mme Guay l'a dit, il s'agit de la quatrième ou de la cinquième délégation que nous accueillons. Le comité a entendu des représentants du ministère de la Justice et de la Commission des droits de la personne. Tout récemment, des gens de la division responsable de l'équité en matière d'emploi, chargés de faire correspondre des régimes enregistrés d'équité en matière d'emploi aux groupes désignés ont comparu. Si l'on additionne les divers programmes, y compris le vôtre, qui est de l'ordre de 74 millions de dollars, l'initiative des Premières nations mise en oeuvre par le ministère des Affaires indiennes relativement aux stratégies urbaines et la composante de la petite enfance, Bon départ, cela fait beaucoup de programmes, de nombreuses avenues d'intervention.

Je suis dans la confusion la plus totale. Il faut que vous compreniez ma frustration; de plus, je ne fais pas partie du comité depuis aussi longtemps qu'Anita, que Charles et d'autres. En 1998, le gouvernement fédéral a lancé une initiative d'envergure, un plan stratégique visant à combler les lacunes dans tous les services relativement aux Autochtones vivant sur les réserves et en milieu urbain. Il s'agissait du rapport Rassembler nos forces. De ce rapport a émergé la stratégie autochtone.

Aujourd'hui, nous sommes en 2001. J'ai deux questions.

Monsieur Moyer, où s'intègre le ministère du Patrimoine? Quelle est votre créneau dans ce plan stratégique? Dans quel volet de ce plan tactique s'inscrivent les centres d'amitié autochtones?

Deuxièmement, y aura-t-il, en 2001, une évaluation qui nous amènera à la phase suivante de cette initiative stratégique? À mon avis, cela serait éclairant au point où nous saurions si nous sommes sur la bonne voie car permettez-moi de vous dire que d'après les indicateurs dont nous avons pris connaissance, nous ne faisons guère de progrès. Voilà qui explique mon sentiment de frustration.

En disant cela, je me fais l'écho, j'en suis sûr, de Charlie et de nombreux autres députés qui s'intéressent à ce dossier depuis plusieurs décennies.

Ce sont donc mes deux grandes questions. Où se situe le mouvement des centres d'amitié dans le cadre de l'initiative stratégique? Avez-vous des suggestions sur les moyens à prendre pour obtenir de meilleurs résultats? Deuxièmement, quel est le bilan jusqu'ici et qu'est-ce que cela augure pour l'avenir?

M. Norman Moyer: Les centres d'amitié ont deux fonctions très importantes.

Permettez-moi de revenir en arrière. Vous vouliez savoir quelle est la place de Patrimoine Canada dans cette galaxie de services. En fait, dans le contexte actuel, ce sont les Autochtones en milieu urbain qui nous intéressent principalement.

• 1630

Les centres d'amitié autochtones sont nos principaux partenaires et véhicules pour accomplir deux choses très importantes. Premièrement, ils donnent aux Autochtones vivant hors- réserve une voix dans les collectivités où ils sont présents. Les centres d'amitié, lorsqu'ils sont bien administrés—et la plupart le sont—, sont des institutions importantes de défense des Autochtones dans leurs communautés. C'est d'ailleurs l'un des rôles que nous leur demandons explicitement de jouer et pour lequel nous les finançons.

En outre, ce sont de très bons véhicules pour la prestation de services spécialisés, parfois en partenariat avec les municipalités, les provinces et d'autres ministères fédéraux. C'est un lieu sûr où les Autochtones peuvent soit obtenir directement des services ou être référés ailleurs pour obtenir des services.

Notre intervention est due au fait historique que les bandes des Premières nations ne souhaitaient pas voir le ministère fédéral des Affaires indiennes et du Développement du Nord s'occuper des Autochtones qui ne vivent pas dans les réserves. C'est une question de politique entre le leadership traditionnel des communautés autochtones et le gouvernement fédéral. Voilà pourquoi il y a toujours eu un ministère distinct du gouvernement—à l'origine c'était le Secrétariat d'État et maintenant c'est notre ministère—chargé de la prestation des services.

Il y a un élément de notre programme dont je n'ai pas parlé, mais un commentaire de M. Coffey m'incite à le faire. Nous appuyons également divers groupes d'intérêt autochtones afin de donner au plus grand nombre d'Autochtones du pays la possibilité de se faire entendre. Par conséquent, nous aidons et appuyons les conseils.

Il y a quelques années, nous avons constaté que les femmes se plaignaient que ces groupes ne donnaient pas à leurs propres représentantes la possibilité d'être entendues. Nous avons donc divisé le programme en deux et créé un programme pour les femmes autochtones. Ainsi, les groupes de femmes au sein des communautés autochtones ont un financement distinct, une structure organisationnelle distincte qui leur permet de se faire entendre.

En ce qui concerne des initiatives comme celle des langues autochtones, qui nous occupe à l'heure actuelle, je ne pense pas que l'on puisse réaliser de progrès sans l'apport des femmes aînées dans les collectivités.

M. Alan Tonks: En matière de responsabilisation, où en sommes- nous pour ce qui est de mesurer ce qu'accomplissent les centres d'amitié et les autres programmes? Y a-t-il un examen en cours.

M. Norman Moyer: Oui. Nous sommes à mi-chemin du processus pour ce qui est des centres d'amitié. Nous avons passé en revue le volet administration. Le contrat global qui nous lie à l'Association nationale des centres d'amitié autochtones fonctionne-t-il? Cette évaluation est terminée et disponible. Elle renferme quelques recommandations mais sur le fond, l'Association nationale des centres d'amitié autochtones a reçu la note de passage. C'est un bon modèle pour assurer la prestation de services.

Nous en sommes maintenant à la seconde phase de l'évaluation, qui consiste à examiner les résultats obtenus par les centres individuellement dans les communautés. Il va de soi que recueillir ce genre d'information sur les changements réels survenus dans les collectivités où nous travaillons de concert avec l'Association nationale des centres d'amitié autochtones est un défi de taille. Nous prévoyons avoir les résultats de cette évaluation des incidences plus tard en 2002.

M. Charles Coffey: Monsieur le président, avec votre permission, j'aimerais répondre à cette question.

Vous avez évoqué le rapport Rassembler nos forces: Le plan d'action du Canada pour les questions autochtones. Le 7 janvier 1998, la ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord de l'époque, Mme Jane Stewart, a annoncé la réponse du gouvernement à la commission royale et le financement de la Fondation pour la guérison des Autochtones. La création de la Fondation pour la guérison des Autochtones a été un événement d'une grande importance car je suis convaincu que tout progrès passe par cette période de guérison. Et c'est ce qui est en train de se passer. D'après ce que je sais des réalisations de la fondation, elle affiche des résultats mesurables.

Quant à votre question sur la responsabilité, il y a à peine deux semaines, les 79 signataires d'ententes aux termes du Conseil sectoriel de développement des ressources humaines autochtones se sont réunis ici à Ottawa. Voici le message que j'ai livré aux 500 personnes qui étaient réunies: vous devez mesurer et produire la preuve que cet argent est dépensé judicieusement, parce que dans mon domaine, dans le secteur privé, ce qui est mesuré s'améliore et ce qui est mesuré attire l'attention.

C'est facile à dire. Après coup, certains m'ont dit: «Aidez- nous à mettre au point ces outils de mesure». Je pense donc que le dossier dans lequel le secteur privé peut se rendre utile, monsieur Tonks, c'est le transfert des connaissances sur la manière de mesurer certains programmes sociaux. Il y a des modèles qui permettent de faire exactement cela.

• 1635

Je crois comprendre que le gouvernement actuel accorde énormément d'importance à la reddition de comptes. Je ne veux pas utiliser le mot «gouvernance», parce que cela semble s'appliquer absolument à tout, depuis le fait de traverser illégalement la rue jusqu'à la gestion financière dans certaines collectivités. Mais cette idée de produire un rapport et de présenter des preuves concrètes que l'argent a été dépensé judicieusement et a permis d'obtenir des résultats est essentielle. Dans le secteur privé, je pense que c'est d'une immense importance. Et il reste encore beaucoup à faire.

M. Alan Tonks: Je vous suis reconnaissant pour ces observations, qui vont au coeur de l'affaire. Merci.

Le président: Avez-vous une question, monsieur Tirabassi?

M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Non, monsieur le président. Je voudrais seulement remercier les témoins pour leur comparution et leur présenter mes excuses d'être arrivé tellement en retard. J'avais une autre réunion. Je n'ai pas de questions.

Le président: Nous sommes ravis d'avoir des gens ici, en dépit de toutes les distractions là-bas.

J'aurais deux ou trois questions et s'il reste du temps, on pourra peut-être en poser encore quelques-unes.

Monsieur Coffey, si vous devez partir, je comprendrai.

Il semble y avoir communauté de pensée parmi toutes les personnes présentes, qu'il faut faire quelque chose. Ce que l'on envisage, c'est...

[Français]

en français, on dirait, un projet de société

[Traduction]

et en anglais, peut-être, un projet national de quelque sorte, où l'on dirait: «Écoutez, ce dossier est d'une telle importance et est tellement crucial qu'il faut enrôler tout le monde». Et quand je dis «tout le monde», cela ne vise pas seulement les gouvernements, mais aussi le secteur privé et la société civile. Pourtant, il me semble que l'une des difficultés est que le gouvernement fédéral est en quelque sorte mal placé pour participer lui-même ou inviter les autres à le faire, parce que nous semblons fonctionner de manière compartimentée, avec tous ces régimes différents qui se côtoient. Nous en avons en quelque sorte la preuve flagrante au comité, puisque nous accueillons des gens qui représentent un portefeuille ou un ministère. Nous savons qu'il y a des réunions à un niveau plus élevé convoquées par M. Dion, mais je ne sais pas très bien ce qui se passe.

La réalité, sur le terrain, que ce soit dans une réserve ou dans une ville, c'est que ce n'est pas très facile, pour les gens que nous essayons d'aider, de s'y retrouver dans la foule de programmes et les centaines d'initiatives que nous avons. Comment peut-on les rejoindre de façon conviviale? Si l'on s'adresse à un centre d'amitié, peut-on y trouver tous les programmes du gouvernement fédéral auxquels les gens ont accès, sans même parler des programmes provinciaux, et sans parler non plus de ce qui peut exister dans le secteur privé?

L'une des caractéristiques de notre comité, c'est que nous essayons de travailler dans le mode horizontal. Nous savons qu'il y a des appuis en ce sens de la part de diverses organisations, notamment le Bureau du vérificateur général, qui est conscient de l'importance pour nous d'agir de cette manière. Cela soulève par ailleurs d'importantes questions pour ce qui est de la collaboration avec les provinces, et aussi de mesurer les résultats, afin que nous puissions vraiment voir si nous faisons des progrès. Je pense que la question des résultats obtenus est d'une immense importance.

Je ne veux pas tendre un piège à M. Moyer, et je doute que j'y parviendrais même si j'essayais, mais je l'inviterais à réfléchir un peu sur le fait que le gouvernement, à l'aube du XXIe siècle, doit s'améliorer. Il devra s'y retrouver dans ces dossiers horizontaux, parce que la pauvreté et le développement des jeunes enfants ne sont pas des questions ministérielles, ni des questions constitutionnelles, à un niveau ou l'autre du gouvernement. Ce ne sont même pas des questions intéressant exclusivement le secteur privé ou le secteur public. Ce sont seulement d'immenses défis que nous devons tous relever.

Au risque de vous entraîner à mettre votre carrière en péril—et je ne veux nullement faire cela—j'aimerais vous inviter à faire des conjectures à ce sujet, à titre de quelqu'un qui travaille dans l'appareil gouvernemental depuis longtemps, à réfléchir à la façon dont nous pouvons nous rendre utiles. Où s'en va-t-on dans ce dossier? Comment pouvons-nous être utiles? Comment pouvons-nous relever le défi que M. Coffey nous a lancé dans ce dossier, et aussi dans d'autres dossiers de même nature?

M. Norman Moyer: Premièrement, l'expérience que le gouvernement a mise en place avec le groupe de référence de ministres, présidé par M. Dion, et les répercussions de cette expérience sur la fonction publique, tout cela est bon et créateur. Cela permet à un groupe de sous-ministres, assumant des responsabilités relativement à des aspects différents du dossier autochtone, et à des sous-ministres adjoints de s'asseoir tous ensemble autour de la même table. Cette initiative a besoin d'appuis, notamment de la part de votre comité.

C'est exactement une réaction à la même perception dans le dossier de la santé des Autochtones; nous ne pouvons pas nous en occuper sans être conscients de ce qui se passe dans les réserves ou dans les centres-villes. Nous ne pouvons pas nous attaquer aux problèmes du grand nombre d'Autochtones qui peuplent nos prisons sans comprendre la situation dans le dossier de la santé et dans d'autres.

• 1640

J'ai fait carrière dans la fonction publique et je ne suis pas tellement un chaud partisan des grands changements d'appareil, comme si l'on décidait de créer tout à coup un nouveau ministère qui serait chargé de faire absolument tout pour les Autochtones dans n'importe quel dossier. Cela fonctionne rarement et c'est très difficile de convaincre le gouvernement de le faire, à juste titre.

Si l'on rassemblait tous les dossiers, la santé, ce que fait le solliciteur général et ce que l'on fait dans mon ministère, et que l'on mettait tout cela dans ce super ministère, il y aurait d'autres solutions de continuité qui seraient tout aussi difficiles à gérer. C'est pourquoi je dis que le gouvernement est bien inspiré actuellement de mettre sur pied cette structure. Quant à savoir si cela réussira, c'est ce que l'on va voir.

L'autre manière de procéder, pour revenir à la conversation que nous avons eue tout à l'heure, serait de tout bâtir à partir de la base, d'aller sur place et de dégager un consensus parmi la collectivité de la Saskatchewan; compte tenu de l'ampleur du problème en Saskatchewan, cela pourrait devenir une sorte de projet pilote pour toute la créativité que nous pouvons injecter dans ce dossier. Ce consensus n'existe pas aujourd'hui, mais ce devrait être prioritaire pour tout le monde, parce qu'étant donné la croissance démographique en Saskatchewan, les problèmes et les possibilités sont tellement immenses que c'est probablement là que nous pouvons faire preuve de créativité. Peut-être que ce sera à Winnipeg, ou peut-être à Saskatoon ou Regina, mais il faudra que ce soit dans un endroit de ce genre, parce qu'à un moment donné, nous ne pourrons plus l'éviter.

Le président: Merci.

Je vais faire une observation avant de donner la parole à Mme Guay. Après ma visite à Akwesasne hier, j'ai décidé que, si l'on peut le faire à Akwesasne, on peut le faire n'importe où, parce qu'il y a deux pays, deux provinces, un État et plusieurs gouvernements Mohawk différents, tout cela sur un très petit territoire. Si nous pouvons résoudre cela dans le dossier des personnes handicapées, nous devrions être capables de résoudre n'importe quel problème.

[Français]

Madame Guay.

Mme Monique Guay: Monsieur le président, je pense qu'on ne peut pas faire du mur-à-mur. Ce que je déplore un peu depuis qu'on a des rencontres avec différents témoins, c'est qu'on n'arrive pas à voir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce qui est efficace, ce qui ne l'est pas. Je ne veux pas être méchante, mais chaque ministère a sa chasse gardée. On arrive avec des programmes d'un côté et vous avez les vôtres pour leurs réserves.

Je me sens un peu débordée devant tout ce qu'on nous présente. Je pense qu'il est très clair qu'on ne peut pas faire du mur-à-mur. Tout dépend de la province dans laquelle sont les autochtones et des services qui sont déjà offerts. Au Québec, par l'entremise des CLSC, les autochtones reçoivent énormément de services qui leur sont précisément destinés dans certaines régions. On sait qu'on a des communautés autochtones qui ont besoin de services spécifiques: des services prénatals pour les mères, préventifs, pour la petite enfance, etc.

Chez nous, il y a peut-être des services qui sont existants et qu'on utilise parce qu'ils sont là. On ne commence pas à se chicaner pour savoir si c'est provincial ou fédéral. Une mère, c'est une mère, et elle a droit à tous les services, qu'elle soit autochtone ou de n'importe quelle autre nationalité. Donc, c'est impossible de faire du mur-à-mur parce que dans d'autres provinces, vous n'aurez pas ce service-là. Il sera différent ou il sera adapté à une autre culture, à une autre façon de vivre.

Les autochtones ne voient pas les choses de la même façon, selon la région où ils sont et leurs façons de faire dans chacune de leurs réserves. Dans certaines réserves, il y a des femmes qui ont beaucoup de pouvoir et dans d'autres réserves, les femmes sont complètement laissées de côté. Quelque part, il faut essayer de voir comment nous pouvons mettre cela en application sur le terrain.

Monsieur le président, j'aimerais voir clair dans tout cela, parce que je suis un peu débordée par tout ce qu'on voit, par les différents programmes. On parle de millions ici, de millions là, de millions ailleurs. Je veux que ça aille mieux. Je vois des enfants, des situations et des statistiques qui me disent que ça n'a pas de bon sens et qu'on n'avance pas. Les enfants vont de mal en pis. Il y a des jeunes autochtones en prison. C'est incroyable, le nombre de jeunes autochtones qu'il y a en prison. Il y a le taux de suicide chez les jeunes, le taux d'alcoolisme, la drogue, etc. Il faut trouver des façons de faire différentes.

Je pense qu'il faut innover et j'aimerais qu'à un moment donné, on puisse vraiment avoir un rapport. C'est là qu'on va faire appel à notre recherchiste. Il faut qu'on ait des choses précises. S'il y a des améliorations à apporter, il faut les apporter. Nous allons aussi avoir recours à votre aide, monsieur Moyer, et à celle de tous les autres, ainsi qu'à votre expérience à vous, monsieur Coffey, qui travaillez dans un autre secteur.

• 1645

C'était mon commentaire, monsieur le président.

Le président: Je ne sais pas s'il y a des réponses.

[Traduction]

M. Charles Coffey: J'ai quelques observations à formuler, et je partage votre préoccupation au sujet du grand nombre de programmes. Les solutions doivent venir de la base, absolument.

Quant à cette question culturelle, pendant votre intervention, je songeais à des gens du nord du Québec qui descendent vers Montréal ou vers Québec. Je pense que nous devons comprendre—et j'ai dit cela à Winnipeg—que ces gens-là se déplacent peut-être sur une distance de 100 milles, mais en réalité, ils font un bond de 100 ans dans l'avenir, passant d'une horloge saisonnière à une horloge mécanique, passant—et je dis cela avec beaucoup de respect—d'un environnement préindustriel à l'ère de l'information. Comment les aider à faire la transition? Je ne crois pas que l'on puisse régler le problème à coups d'argent.

Je pense qu'il y a un besoin d'une plus grande participation communautaire. Nous avons de grandes organisations au sommet de la pyramide, l'Assemblée des premières nations, Inuit Tapirisat, la Nation métisse. Ce sont des organisations politiques et je pense qu'elles doivent demeurer des organisations politiques et qu'elles ne doivent pas nécessairement avoir personnellement leur mot à dire dans la mise en oeuvre des programmes. Elles doivent être ancrées dans la collectivité.

Je n'ai pas de réponse à vous donner, mais je me débats avec le besoin de trouver une piste d'espoir, de rétablir l'estime de soi et la confiance en soi parmi les Premières nations à titre de Canadiens ou de Québécois ou d'habitants des Maritimes ou des Prairies. Je connais quelques mesures qui doivent être prises et ce dossier des modèles de comportement est d'une grande importance pour moi, je le répète, mais au niveau communautaire.

Je sympathise donc avec vous...

[Français]

Mme Monique Guay: On va essayer de trouver des solutions à ce comité.

Le président: Je suis tout à fait d'accord.

[Traduction]

Carol Skelton.

Mme Carol Skelton: Monsieur Moyer, j'aimerais bien avoir une ventilation précisant l'emplacement des centres d'amitié et les services que vous offrez en divers endroits du Canada.

Quant à vous, monsieur Coffey, quand pouvons-nous vous faire venir en Saskatchewan?

M. Charles Coffey: Il suffit de m'inviter et je vais y aller, quand vous voudrez.

Le président: Vous venez de prononcer des paroles fatales.

M. Charles Coffey: Sérieusement, si vous voulez que je prenne la parole devant un groupe ou que je rencontre quelqu'un en Saskatchewan, je serais ravi d'y aller.

Mme Carol Skelton: Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissante. Ma circonscription se trouve dans le secteur de Riversdale, le centre-ville. Nous avons d'énormes problèmes. C'est un très beau quartier de la ville, mais il y a beaucoup de problèmes. Mon coeur saigne pour les jeunes de notre région. Je vous remercie donc du fond du coeur.

M. Charles Coffey: Je vais vous faire parvenir demain le texte d'un discours que j'ai prononcé à Vaskesiu devant l'Ordre des avocats de la Saskatchewan sur toute cette question de la diversité, et plus précisément en ce qui a trait aux peuples autochtones et aux femmes autochtones.

Monsieur le président, si je peux me permettre—cela vous intéressa peut-être—jeudi prochain, Gord Martineau du canal City-TV de Toronto aura une autre émission d'une heure sur ce qui fera de Toronto une ville plus vivable. On m'a demandé d'y aller et j'ai choisi d'aborder la question des Autochtones urbains.

Nous allons donc nous promener dans les rues pendant la nuit avec une équipe de cameramen pour discuter de ces questions avec les gens et notamment du rôle que peut jouer le secteur privé. Cela pourrait se faire dans les rues de Chicoutimi, ou de Rivière-du- Loup ou de Regina ou de Saskatoon. Il se trouve que ce sera à Toronto, qui est la plus grande réserve au Canada, comme vous le savez. Je dis cela à titre d'information.

Le président: Pourriez-vous nous en envoyer une copie?

M. Charles Coffey: Oui. Quand l'émission aura été filmée, je vais certainement vous envoyer la cassette.

Monsieur le président, je vais rapporter cela avec moi et je vais m'assurer que les membres de votre comité en reçoivent une copie.

Le président: Excellent—dans les deux langues.

M. Charles Coffey: Il y en a en anglais, en français et en inuktitut.

Le président: Je pense que cela ira pour nous.

Monsieur Tirabassi, voudriez-vous l'avoir en Inuktitut?

M. Tony Tirabassi: Non.

Le président: C'est une idée qui m'est venue. Je veux être sensible.

M. Charles Coffey: Avec votre permission, je vais envoyer le rapport aux bureaux de circonscription.

Le président: Parfait.

Monsieur Moyer.

M. Norman Moyer: Je veux seulement vérifier si nous avons avec nous aujourd'hui une liste des endroits où se trouvent nos centres d'amitié.

Nous devons vous la faire parvenir.

Mme Monique Guay: Envoyez-la à la greffière.

M. Norman Moyer: Nous enverrons une liste d'adresses de tous les 117 centres d'amitié. Cela vous donnera une idée de l'emplacement de nos principaux points de contact avec les diverses communautés.

• 1650

Mme Monique Guay: Merci.

Mme Carol Skelton: Merci beaucoup.

Le président: Je pense que ce que je vais faire, s'il n'y a pas d'autres observations, c'est de clore la discussion en faisant un résumé qui, je l'espère, sera utile à nos recherchistes pendant les vacances parlementaires. J'ai été tout à fait frappé par ce que Mme Guay a dit, quand elle a demandé que l'on organise cette immense quantité d'informations de manière que l'on puisse s'y retrouver, pour que cela nous soit utile.

En fait, les propos de nos deux invités ont été un peu utiles. Je lance seulement ces idées pour que l'attaché de recherche y réfléchisse et nous revienne quand nous nous réunirons pour la première fois dans la nouvelle année avec un document quelconque établissant notre position actuelle et les orientations futures; nous ne rédigerons pas le rapport pendant les vacances parce que nous n'en sommes pas encore arrivés à des conclusions quelconques. Mais il me semble que l'un des thèmes qui a assurément émergé est tout le concept des transitions.

Si l'on étudie l'histoire du développement humain, tous les programmes que nous avons examinés et que nous examinerons portent sur les transitions: la transition vers la vie, quand on se penche sur le syndrome d'alcoolisme foetal et tout le reste; la transition vers l'école; la transition vers l'adolescence; la transition vers le lieu de travail. D'après nos amis Mustard et McCain, ces périodes de transition sont particulièrement cruciales et il faut que nous sachions dans quelle mesure nos efforts sont couronnés de succès.

C'est une grille que nous pouvons appliquer à notre analyse—de voir dans quelle mesure nous sommes efficaces pour ce qui est d'aider les enfants autochtones à opérer des transitions. Combien d'entre eux rejoignons-nous? Qui est laissé pour compte? C'est une grille.

Il y a aussi les transitions dont s'occupent les centres d'amitié et dont nous a parlé M. Coffey, la transition des «100 mille, 100 ans», la transition vers la ville, la transition vers le monde du travail, la transition vers l'école et toutes les autres transitions que les gens trouvent difficiles et qui vont au-delà du cycle normal de développement de l'être humain. Je pense que c'est peut-être là une autre manière d'essayer de comprendre comment nous pouvons faire tout cela ensemble.

Et puis il y a la question des chevauchements—nous espérons que ce ne sont pas vraiment des dédoublements, pas nécessairement—la façon dont... Je vais revenir un peu en arrière et dire ce que nous avons constaté dans nos travaux, à mon avis, avant de tourner notre attention vers les enfants et les jeunes Autochtones, constatations qui ont été renforcées par tout ce qui a été dit aujourd'hui, à savoir que toutes ces histoires, bien qu'elles se passent dans un pays donné, sont vécues au niveau de la communauté.

La meilleure façon de mobiliser les ressources—vous avez donné l'exemple du quartier est du centre-ville de Vancouver, où l'on procède au cas par cas, ou encore à Winnipeg—bien qu'il faut toujours être conscient des réseaux nationaux, provinciaux et municipaux, c'est là où la qualité de vie se définit, là où s'élabore le vécu des enfants et des familles: dans le quartier, dans la communauté. C'est là que se trouvent les parcs. C'est là que l'on se fait des amis. C'est là qu'il y a des appuis ou du respect ou tout ce dont l'être humain a besoin pour s'épanouir.

Je pense donc que la communauté doit être le point de convergence pour ce qui est de mesurer notre réussite et notre progrès, sans oublier que toutes ces communautés et collectivités s'additionnent pour former une province et un pays et que nous avons des systèmes et des réseaux nationaux, qu'il s'agisse du soutien du revenu ou des services, qui doivent également être suffisamment souples.

[Français]

afin que ce ne soit pas du mur-à-mur, parce que ça ne fonctionne vraiment pas. Mais il ne faut pas que ce soit le chaos total non plus.

[Traduction]

Il faut que les systèmes nationaux soutiennent au niveau de la base la cohésion de la communauté, la cohésion sociale, le sentiment d'appartenance, le sens des valeurs, le sens de la culture qui nous permettent vraiment à tous de nous épanouir, peu importe que l'on soit aborigène ou non.

C'est une série complexe de relations et nous n'avons pas abordé la question sous cet angle. Nous l'avons plutôt abordée par compartiments étanches. Le défi de notre comité, qui s'est voué à atteindre une certaine compréhension du développement humain et à faire valoir certaines convictions quant à l'importance de la communauté, est de déconstruire les cloisons étanches ou de les réarranger et aussi, finalement, d'être capable de mesurer jusqu'à quel point nous sommes efficaces pour ce qui est de favoriser les résultats que nous souhaitons obtenir, afin que nous comprenions à la fois les mécanismes du développement—le développement communautaire, individuel, culturel—et que nous ayons des moyens quelconques d'assurer la reddition de comptes et la mesure des résultats qui sont absolument cruciaux dans le monde des affaires et qui devraient l'être également au gouvernement, il faudrait mesurer les «résultats horizontaux», comme le dit le vérificateur général.

• 1655

J'ai toujours cru que les travaux de notre comité sont importants non seulement en raison du sujet précis abordé, en l'occurrence un meilleur avenir pour les enfants autochtones, mais aussi pour la façon dont nous faisons nos travaux. L'approche que nous adoptons a des répercussions plus générales pour l'ensemble du gouvernement, parce que si nous pouvons nous attaquer à l'un des problèmes culturels et sociaux les plus épineux du pays et parvenir à formuler des recommandations qui feraient avancer les choses, cela a des répercussions dans d'autres dossiers qui sont peut-être moins difficultueux, ou qui le sont peut-être tout autant.

J'espère que cette longue conclusion quelque peu décousue a donné matière à réflexion à notre attaché de recherche: allez-y, mettez-vous à l'ouvrage.

Des voix: Oh, oh!

M. Charles Coffey: Monsieur le président, je ne veux pas vous enlever le dernier mot, mais je dois vous dire que je suis extraordinairement encouragé par ce que j'ai entendu ici cet après- midi de la part des représentants élus. Mon taux d'adrénaline a remonté; je pars dans un état d'excitation au sujet de tout ce qui se passe ici.

Je voudrais toutefois, en terminant, vous rappeler que le temps presse. Nous devons avoir collectivement un sentiment d'urgence dans tous ces dossiers. Les jeunes des communautés autochtones ne seront pas aussi patients que leurs mères et leurs pères et leurs grands-parents l'ont été. Ils sont en quête de changements, ils exigent des changements et s'ils n'en obtiennent pas bientôt, je crains qu'ils ne prennent sur eux de les provoquer, et je ne pense pas que c'est ce que nous voulons. Je pense qu'ils ont des attentes, ils se tournent vers les dirigeants qui sont assis autour de cette table et ailleurs et ils veulent de l'action.

Mon dernier commentaire est celui-ci: si vous parlez de ces 10 ou 100 silos séparés par des cloisons, tout cela se rejoint au niveau de la base. Si vous parlez d'une surcharge d'informations, comment voulez-vous qu'une collectivité locale...?

Enfin, je suis désolé, monsieur le président; c'est vous qui avez le dernier mot, je vais me la fermer.

Le président: Non, vous avez respecté les formes.

Cela dit, merci beaucoup.

[Français]

Bonnes Fêtes et à bientôt.

Mme Monique Guay: Joyeux Noël.

Le président: Joyeux Noël à tous.

[Traduction]

La séance est levée.

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