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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 2 avril 2003




¹ 1550
V         Le président (Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.))

Á 2320
V         M. Pat Martin (Winnipeg-Centre)
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

Á 2325

Á 2330
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

Á 2335

Á 2340
V         Le président
V         M. Pat Martin

Á 2345

Á 2355
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

0000

0005
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

0010

0015
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

0020

0025
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         Le président
V         M. Charles Hubbard (Miramichi)
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Pat Martin

0030

0035
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

0040

0045
V         Le président

0050
V         M. Pat Martin

0055
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Charles Hubbard

· 0100
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

· 0105
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

· 0110
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

· 0115

· 0120
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

· 0125

· 0130
V         Le président
V         M. Pat Martin

· 0135

· 0140
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

· 0145

· 0150
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Charles Hubbard

· 0155
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan)
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 059 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 avril 2003

[Enregistrement électronique]
[Énregistrement électronique]

¹  +(1550)  

[Traduction]

+

    Le président (Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): La séance est ouverte.

    La première motion est celle de M. Vellacott. Êtes-vous prêts à passer au vote?

Á  +-(2320)  

+-

    M. Pat Martin (Winnipeg-Centre): Monsieur le président, nous avons des intervenants au sujet de la motion, mais j'ai d'abord une question à poser.

    Pourquoi ne sommes-nous pas saisis de la motion sur la rémunération de Jodie-Lynn Waddilove?

+-

    Le président: Parce que nous examinons l'avis de motion de M. Vellacott.

    Nous sommes ici pour un bon bout de temps et nous passerons tout en revue ce soir.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le président, M. Vellacott n'est pas là.

+-

    Le président: Justement, si je peux continuer, je dirai que M. Vellacott n'est pas là, mais que quelqu'un d'autre peut proposer la motion à sa place. Donnez-moi la chance de le faire. M. Martin avait de l'information à soumettre.

[Traduction]

    M. Vellacott n'est pas ici. Quelqu'un veut-il présenter sa motion à sa place?

    Si elle n'est pas présentée en bonne et due forme, je suppose que nous allons la lui rendre.

+-

    M. Pat Martin: Que va-t-il arriver à la motion de M. Vellacott? Va-t-elle simplement tomber au bas de l'ordre du jour?

+-

    Le président: Non, je viens de dire que nous allions la lui rendre.

+-

    M. Pat Martin: Pourquoi ne reste-t-elle pas à l'ordre du jour de futures séances?

+-

    Le président: Tout simplement parce que nous examinons ce soir la question des travaux futurs et qu'il n'est pas là. S'il se présente avant l'ajournement de la séance, nous la représenterons.

    Nous passons maintenant à une motion de M. Part Martin:

Que le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes demande la publication immédiate de tous les avis juridiques que le gouvernement du Canada a produits ou commandés...

    Puis-je me dispenser de lire le reste?

    Des voix: D'accord.

    Le président: Dispensé.

    Êtes-vous prêt à passer au vote? Tous ceux qui en faveur de la motion?

+-

    M. Pat Martin: Je veux prendre la parole au sujet de la motion.

+-

    Le président: Voilà pourquoi j'ai demandé si vous étiez prêt à passer au vote. Vous allez donc prendre la parole au sujet de la motion?

+-

    M. Pat Martin: Non, vous n'avez pas dit: «Êtes-vous prêt à passer au vote.» Vous avez dit: «Puis-je me dispenser de lire le reste?»

+-

    Le président: Dois-je demander le vote?

    M. Pat Martin: Non. Vous ne devriez pas demander le vote car je veux prendre la parole.

    Le président: Allez-y. Vous avez dix minutes.

+-

    M. Pat Martin : L'Association du barreau autochtone a comparu devant le comité le 21 mars 2003. À cette occasion, ses représentants ont émis leur opinion juridique. Selon eux, le projet de loi C-7 porte atteinte aux droits ancestraux et issus de traités reconnus dans la Constitution. Autrement dit, le projet de loi C-7 sous sa forme actuelle ferait l'objet d'une contestation constitutionnelle portant sur les droits ancestraux et issus de traités reconnus au paragraphe 35 de la Constitution.

    L'Association du barreau autochtone, qui regroupe un certain nombre d'avocats, a effectué une analyse approfondie du projet de loi C-7. Selon l'opinion de ces professionnels, cette mesure est anticonstitutionnelle, si vous voulez, et ils ont rédigé des avis juridiques à cet effet.

    Il aurait été utile que les membres du comité aient été mis au courant de cela plus tôt. S'il y avait des opinions juridiques contraires, elles auraient dû nous être communiquées par les experts du ministère de la Justice.

    Lorsque l'Association du barreau autochtone a porté cela à l'attention du bureau de la ministre, on lui a fait savoir qu'on avait des avis juridiques contraires, que ce n'était pas là une question constitutionnelle et qu'aucune disposition du projet de loi C-7 ne portait atteinte aux droits des Autochtones ni n'avait pour effet de les éteindre. Mais lorsque les porte-parole de l'Association du barreau autochtone ont demandé à consulter ces avis juridiques, on leur a dit qu'ils ne pouvaient en prendre connaissance. En fait, ils ont même présenté une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. À ce moment-là, on leur a répondu qu'on ne pouvait leur communiquer ces avis car il s'agissait de documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

    Nous trouvons cela scandaleux. Si le gouvernement est convaincu que le projet de loi C-7 n'a rien à voir avec la relation de fiduciaire de la Couronne vis-à-vis des Indiens, c'est à lui de motiver clairement cette conviction qui est la sienne car les avocats de l'Association du barreau du Québec et de l'Association du barreau autochtone ont affirmé sans ambages le contraire.

    Il est paradoxal qu'un projet de loi qui souhaite favoriser la transparence et la reddition comptes au sein des peuples des Premières nations soit enveloppé dans une atmosphère de mystère, et que le gouvernement soit réticent à rendre publics des documents qui sont manifestement pertinents dans toute cette affaire. Pour être crédible, le gouvernement du Canada, qui se présente comme un gouvernement transparent et responsable, doit se soumettre aux mêmes normes de transparence qu'il exige d'autrui et rendre publics ces documents importants.

    Je serais des plus mécontents si l'on tenait le même discours au comité, soit que ces avis juridiques et documents de recherche, qu'ils aient été rédigés par des fonctionnaires du ministère de la Justice du gouvernement du Canada ou commandés au nom du ministre, par l'INAC ou le MAINC... Quoi qu'il en soit, nous devons pouvoir consulter ces opinions juridiques qui, d'après le gouvernement, démontrent qu'aucune disposition du projet de loi C-7 ne porte atteinte aux droits inhérents des peuples autochtones.

    D'après le critère établi dans l'affaire R. c. Sparrow, pour déterminer s'il y a eu une violation injustifiable des droits ancestraux ou issus de traités, il est nécessaire de fournir une preuve de l'existence des droits en question, établir qu'il y a bel et bien eu violation et si celle-ci est justifiable.

    Dans les arrêts Delgamuukw et Sparrow, la Cour suprême a déclaré clairement que si, à un moment donné, le gouvernement juge nécessaire de porter atteinte aux droits inhérents, il doit justifier cette nécessité. Le processus de justification consisterait à évaluer le tort causé par la violation au regard de l'avantage ou du bien commun qui en découle.

Á  +-(2325)  

    Pour pouvoir nier qu'il y ait eu quelque atteinte que ce soit aux droits constitutionnels, il nous faut prendre connaissance de toute la documentation en ce sens, car de plus en plus, on nous dit que le projet de loi C-7 a effectivement pareille conséquence. Sans vouloir trop insister, je vous rappelle que c'est un fait historique que les peuples autochtones exercent les droits associés à une nation et à un gouvernement autonomes. Toute mesure législative ayant pour effet de restreindre ou d'entraver ces droits inhérents serait anticonstitutionnelle.

    Chose tout aussi importante, pour que s'appliquent les obligations constitutionnelles du gouvernement d'organiser avec elles des consultations sérieuses et de leur fournir des logements, les Premières nations ne sont pas tenues de prouver l'existence des droits prévus à l'article 35 devant un tribunal. En fait, c'est le but visé : ce sont des droits reconnus par la Constitution. Les peuples autochtones ne sont pas obligés de prouver l'existence de droits inhérents, de droits reconnus à l'article 35. Il appartient à la Couronne de prouver que ce qu'elle fait ne porte pas atteinte à cette reconnaissance.

    Si le projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, les conseillers juridiques des Premières nations affirment que la LGPN s'attaquera à un droit qui a existé et qui continue d'être exercé par les peuples autochtones depuis des temps immémoriaux. Bien qu'il soit clair que l'actuelle Loi sur les Indiens constitue à bien des égards une atteinte au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, ce fait, à lui seul, ne suffit pas à justifier que l'on impose le projet de loi C-7 à des personnes qui ne l'acceptent pas, par l'entremise d'un processus qui ne respecte pas les normes législatives établies par les tribunaux, même en ce qui a trait à la tenue de consultations sérieuses.

    Monsieur le président, nous sommes en présence d'un manque de consultations et d'une violation possible de ces droits. Le processus en vertu duquel la Couronne a entrepris de présenter le projet de loi C-7 ne respecte même pas les exigences minimales de consultations sérieuses exigées dans Delgamuukw et Sparrow. Il ne fait pas appel aux Premières nations dans l'intention de répondre pleinement à leurs préoccupations. Cette absence de consultations sérieuses constitue en soi une violation, je suppose, de l'aspect des droits inhérents.

    AINC a offert de rencontrer les Premières nations pour discuter du projet de loi, mais pas d'amorcer un dialogue avec elles pour l'élaborer en premier lieu. C'est un point qui a été soulevé par de très nombreuses personnes qui ont comparu. AINC a proposé de rencontrer les Premières nations pour répondre à leurs questions au sujet du projet de loi, mais il ne leur a pas demandé de participer pleinement à l'élaboration de la mesure, pas plus qu'il n'a discuté avec les Premières nations des raisons pour lesquelles il estime que ce projet de loi est pertinent. En conséquence, AINC n'a pas été ouvert et transparent en ce qui concerne le partage de l'information.

    Qui plus est, l'information la plus convaincante que le ministère aurait dû communiquer, ce sont les opinions juridiques qui l'autorisent à violer les droits inhérents ou à y porter atteinte. En conséquence, le processus même qui a permis l'élaboration et la promotion du projet de loi C-7 jusqu'à maintenant contrevient aux exigences des tribunaux.

    La justification exige au strict minimum la tenue de consultations sérieuses. Dans certains cas, si l'enjeu en question a une incidence fondamentale sur les droits des peuples autochtones, leur consentement sera requis. Chose certaine, personne ne peut faire valoir que les consultations ont été suffisantes ou qu'elles correspondent à la définition de consultations vastes et sincères. Assurément, personne ne serait assez présomptueux pour affirmer qu'en l'occurrence, il y a eu consentement.

    L'Association du barreau autochtone a argué que les modalités du choix des dirigeants, la gestion financière ainsi que la structure de gouvernement des Premières nations et de ses institutions sont les assises mêmes du droit à l'autonomie gouvernementale. Cela confère la plus haute importance à la question de l'organisation de consultations sérieuses exigée de la Couronne. Autrement dit, nous sommes d'avis que le sujet du projet de loi et la nature de ses répercussions sur les droits inhérents exige le plein consentement des Premières nations, et non seulement des consultations.

    Je rappelle encore une fois à la présidence que dans l'affaire Delgamuukw c. la Colombie-Britannique, sur la question des consultations, la Cour suprême du Canada a déclaré que même dans les rares cas où la norme minimale acceptable est la consultation, cette consultation doit être menée de bonne foi et dans l'intention de satisfaire pleinement les préoccupations des peuples autochtones dont les terres sont en cause. Dans la plupart des cas, il faudra dépasser la simple consultation. Certaines situations pourraient même exiger le plein consentement d'une nation autochtone, particulièrement lorsque les autorités provinciales adoptent des règlements de chasse et de pêche applicables aux peuples autochtones.

    Monsieur le président, il est évident pour tous ceux qui sont ici qu'à tout le moins, en ce qui concerne la divulgation des objectifs globaux du gouvernement, l'absence d'une disposition dérogatoire devrait à elle seule alerter toute personne douée de raison que la Couronne est pleinement consciente qu'elle violera et même éteindra des droits autochtones inhérents en présentant le projet de loi C-7.

Á  +-(2330)  

    Je trouve scandaleux que la Couronne ait refusé de communiquer les avis juridiques pertinents à l'Association du barreau autochtone en invoquant—et je cite un passage de la lettre...

+-

    Le président: Merci, monsieur Martin.

    Monsieur Loubier, dix minutes.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Monsieur le président, comme mon collègue du NPD, M. Martin, je suis d'accord pour dire que certains témoignages, entre autres ceux de l'Association du barreau autochtone et du Barreau du Québec, nous ont permis de voir les problèmes législatifs qui pourraient survenir--à l'égard de la Charte des droits et libertés, en particulier, mais aussi d'autres lois de nature plus administrative qui sont gérées par le gouvernement fédéral--dans le cadre de l'application du projet de loi C-7, si ce projet de loi était adopté.

    Le Barreau du Québec, particulièrement, a prévenu les membres du comité que le projet de loi C-7, loin de réduire les différends juridiques, aurait pour effet de les multiplier. La Loi sur les Indiens ne disparaîtra pas avec l'adoption du projet de loi C-7; les deux vont se conjuguer. Ce phénomène fera en sorte que plusieurs articles de lois canadiennes seront en contradiction directe avec les dispositions contenues dans le projet de loi C-7 ainsi que dans la Loi sur les Indiens.

    Le Barreau du Québec nous a aussi prévenus de ce qu'il y avait des zones grises dans le projet de loi C-7, et que ces dernières pourraient créer un genre de vide juridique. Ce problème ne pourrait être résolu ni par le projet de loi C-7 ni par la Loi sur les Indiens, et encore moins par la conjonction du projet de loi C-7 et des autres lois fédérales.

    Monsieur le président, je pense que c'est faire preuve de sagesse que de demander des avis juridiques sur l'application des nouvelles dispositions d'un projet de loi aussi important que celui-ci. D'ailleurs, il est de pratique courante, lorsque le législateur n'est pas certain de la portée et surtout de la légalité des gestes qu'il s'apprête à poser, de demander de tels avis juridiques.

    La motion de M. Martin va dans ce sens-là. En réalité, cette motion vise à nous protéger. Elle vise à éviter les écueils qui pourraient survenir si de nombreuses contestations juridiques avaient lieu, si le manque de clarté de certaines dispositions ou le manque de formulation complémentaire à celles qui se trouvent dans certains des articles du projet de loi C-7 donnait lieu à des problèmes d'interprétation juridique flagrants.

    Monsieur le président, il me semble que ce serait faire preuve d'une prudence toute élémentaire que de tester la validité et la portée juridique d'une telle loi avant de l'adopter. Il est évident--mon collègue du NPD et moi-même avons eu l'occasion d'en parler--que la portée du projet de loi C-7 est immense et que cela amènera les nations autochtones à fomenter un genre de contestation qui a été rarement vue jusqu'à maintenant.

    Les nations autochtones ont reconnu de façon quasi unanime que ce projet de loi était pire que la Loi sur les Indiens et qu'au lieu de régler des choses, il multiplierait les combats juridiques entre les nations autochtones et le gouvernement fédéral. Je suis sûr que le gouvernement ne veut pas accentuer ces batailles juridiques et qu'il ne veut pas non plus se retrouver dans une situation où les contestations auprès des cours seraient plus nombreuses qu'elles le sont aujourd'hui. Si on en arrive à une situation pire que celle qu'on observe aujourd'hui au chapitre des poursuites judiciaires, cela voudra dire qu'on aura passé à côté d'une occasion en or d'éviter que les nouvelles relations entre les nations autochtones et le gouvernement fédéral, au cours des prochaines décennies, soient pires que celles qui ont prévalu au cours des dernières années.

Á  +-(2335)  

    Nous avons débattu des travers de ce projet de loi C-7 à huis clos, malheureusement, parce qu'on ne nous permettait pas d'en débattre publiquement. Nous avons mis l'accent en particulier sur le fait que tous les problèmes réels vécus par les nations autochtones ne trouvaient aucune réponse dans le projet de loi C-7, que des problèmes liés à l'absence d'un approvisionnement en eau potable sur bien des réserves du Canada, un problème qu'on associe normalement au Tiers-Monde--nous avons notre propre Tiers-Monde au Canada--, des problèmes d'éducation, des problèmes de suicide chez les jeunes, des problèmes d'alcoolisme, des problèmes d'alcoolisme foetal, des problèmes de polytoxicomanie ne trouvaient aucune réponse. Il n'y a aucun espoir d'amélioration dans ce projet de loi.

    À cet aspect inutile du projet de loi, on doit ajouter un aspect nuisible, parce qu'il va susciter encore plus de chicanes stériles sur le plan juridique à cause d'une espèce de top loading, car il y aura la Loi sur les Indiens, la Loi C-7, les différentes lois fédérales. On n'est pas sorti du bois. On risque de se retrouver dans une situation où, loin d'améliorer les choses et de trouver des solutions aux problèmes criants des nations autochtones, on aura ajouté à leur désarroi, à leurs problèmes et aux contestations juridiques que doivent faire les nations autochtones depuis des années pour faire valoir leurs droits, contestations qui sont déjà trop nombreuses.

    Le droit des nations autochtones n'est pas un droit qu'on leur donne. C'est un droit inhérent. C'est un droit qui existe par lui-même. C'est un droit à l'autonomie gouvernementale notamment. Ce sont des droits ancestraux basés sur des traités qui existent. La tradition orale nous dit aujourd'hui qu'il y a eu des ententes entre nos ancêtres et les nations autochtones, des ententes qu'on ne respecte pas en raison de l'infâme Loi sur les Indiens qui existe depuis plus de 130 ans.

    Déjà on a des problèmes et des poursuites judiciaires pour l'expression du droit des autochtones avec les dispositions actuelles de la Loi sur les Indiens et des autres lois. Imaginez ce que ce sera quand on aura ajouté un autre texte de loi important comme le C-7 qui, de l'avis même des spécialistes--on ne parle pas d'une interprétation partisane, mais de celle du Barreau du Québec, par exemple--, est une espèce d'amalgame de tissus gangreneux sur le plan juridique.

    On a donné des exemples. Lorsque le Barreau du Québec a comparu à Montréal, il a donné des exemples d'incongruités dans le projet de loi et de contradictions entre les dispositions du projet de loi et de certaines lois de nature fédérale. Je vous donne un exemple tiré du mémoire du Barreau du Québec. On dit à la page 11, et je cite:

Le code portant sur la gestion financière doit comprendre des règles concernant « la rémunération des membres du conseil et des employés de la bande » (article 7(e)). Mais selon le Conseil canadien des relations de travail [...], les dispositions d’un tel code ne pourront contredire une autre loi adoptée par le Parlement tel le Code canadien du travail.

    Le Barreau du Québec dit aussi:

...si les employés d’une bande étaient syndiqués, une fois l'avis de négociation collective donné ou une fois une convention collective négociée, le Conseil de bande ne pourrait modifier ni les taux des salaires ni les autres avantages sans contrevenir aux articles 50 et 56 du Codecanadien du travail car cette loi du Parlement a préséance sur les instruments adoptés en vertu d’une loi, tel un code adopté en vertu de la Loi sur la gouvernance.

    Et voici la conclusion à laquelle est arrivé le Barreau du Québec sur cet aspect des relations de travail et du Code canadien du travail:

Donc contrairement au gouvernement fédéral qui peut, par ses lois, passer outre les conventions collectives qu’il a négociées, les Conseils de bande seront liés par la loi adoptée par le Parlement et ce, nonobstant leurs codes portant sur la gestion financière.

    Il y a déjà un problème au niveau de l'application du Code canadien du travail et des dispositions mêmes du processus.

Á  +-(2340)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

    Monsieur Martin, voulez-vous répliquer? Vous avez dix minutes.

+-

    M. Pat Martin: Oui, il y a un certain nombre de questions qu'a soulevées M. Loubier auxquelles j'aimerais répondre dans les dix minutes qui me restent en vertu de notre tout nouveau règlement. Je tirerai volontiers parti de mon temps de parole pour au moins aborder un élément important.

    La motion que j'ai présentée, et dont nous discutons maintenant, comporte deux aspects. D'ailleurs, lorsqu'il en a fait lecture, le président n'en a lue qu'une partie.

    Il y a deux choses que nous demandons par l'entremise de la motion, soit :

Que le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes demande la publication immédiate de tous les avis juridiques que le gouvernement du Canada a produits ou commandés afin de déterminer si des dispositions du projet de loi C-7 violent des droits des peuples autochtones ou des droits issus d'un traité...

    Et voici le deuxième volet, soit «..et si le projet de loi C-7 aura une incidence sur les plus de 200 causes en instance» opposant les Premières nations et le gouvernement du Canada au sujet des droits ancestraux et issus de traités.

    C'est donc au sujet de ces deux aspects que je souhaite en apprendre davantage. J'estime qu'en tant que membre du comité, je pose une question légitime. En tant que membres du Comité permanent des affaires autochtones, cette information devrait être à notre disposition, mais comme M. Loubier l'a signalé, nous avons entendu des témoins nous dire qu'ils ont énormément de difficultés à obtenir accès à ces précieux renseignements.

    Et ce qui est particulièrement exaspérant, c'est que le ministre justifie la présentation de ce projet de loi en faisant valoir, entre autres, qu'elle veut ainsi réduire les multiples poursuites judiciaires en suspens auxquelles le gouvernement fait présentement face sur les questions autochtones et, dans une certaine façon, diminuer le nombre de cas soumis aux tribunaux à l'avenir. C'est particulièrement irritant puisque nous voulons précisément savoir en quoi le projet de loi C-7 aidera le ministre à réaliser cet objectif. Quelles caractéristiques du projet de loi C-7 amènent le ministre à croire qu'il influera sur les causes dont sont présentement saisis les tribunaux? Cela représente un avantage matériel pour le gouvernement, je suppose; on doit croire que la mesure aura un effet quelconque.

    Dans un article de journal paru le 2 janvier 2002, l'honorable Robert Nault aurait dit que les changements apportés à la Loi sur les Indiens s'imposent en raison du volume des poursuites concernant certaines de ses dispositions. Il a été fait mention à plusieurs reprises des plus de 200 cas en instance devant les tribunaux. Par conséquent, nous voulons simplement comprendre quelle incidence le projet de loi C-7 aurait sur les poursuites judiciaires dont sont présentement saisis les tribunaux.

    Nous savons que le 4 janvier 2002, des avocats ont présenté au bureau d'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels du ministère des Affaires indiennes, une demande officielle pour obtenir une liste de tous les cas mentionnés par le ministre, ainsi que des explications sur la façon dont la mesure proposée contribuerait à régler le problème des poursuites judiciaires.

    Devant le refus du bureau d'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels du ministère, des avocats de l'Association du barreau autochtone ont logé une plainte officielle auprès du Commissariat à l'information du Canada. Il y a plus d'un an maintenant qu'ils ont pris contact avec le Commissariat et à ce jour, le 21 mars 2003, ils n'ont toujours pas eu de réponse. Ils ne peuvent obtenir ces renseignements. Il existe des avis juridiques concernant les 200 cas en suspens, mais on refuse de les divulguer aux personnes qui représentent les parties en cause ou le plus susceptibles d'être touchées par la mesure envisagée.

    Une fois terminé le processus de consultation de AINC et après l'introduction du projet de loi C-7, ces demandes ont été réitérées sans plus de succès. Voilà pourquoi j'estime qu'il incombe à notre comité de réclamer cette même information pour notre propre usage, si ce n'est pour celui d'autres personnes. Si le respect des renseignements personnels exige, dans l'intérêt national, que cette information ne soit pas rendue publique, le comité pourrait peut-être convenir, par le biais d'une motion, de ne pas diffuser l'information en question. Chose certaine, les députés du comité devraient avoir accès aux avis juridiques rédigés par le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord ou par toute autre personne en son nom au sujet de l'effet éventuel du projet de loi C-7 sur les 200 causes en instance devant les tribunaux.

    En outre, au moyen de cette motion, nous souhaitons aussi obtenir du ministère des renseignements concernant l'incidence potentielle du projet de loi C-7 tant sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale que sur la relation de fiduciaire de la Couronne vis-à-vis des Indiens.

Á  +-(2345)  

    Si le projet de loi C-7 risque d'avoir un effet, positif ou négatif, sur le langage relatif au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale inscrit dans la Constitution ou sur la relation de fiduciaire de la Couronne à l'égard des Indiens, nous voulons le savoir. Et cette allégation a certainement été faite.

    En fait, la quête que je mène ici a été inspirée par la publication du rapport du Comité consultatif ministériel mixte. Ce rapport reposait sur la prémisse que la mesure législative proposée n'altérerait en rien la responsabilité de fiduciaire du gouvernement et ne porterait pas atteinte au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Autrement, je ne pense pas que ces personnes de principe auraient accepté de participer à cet exercice. Elles ont affirmé sans détour qu'elles n'avaliseraient pas l'introduction d'une mesure susceptible de modifier la responsabilité fiduciaire.

    Nous savons aussi qu'à cette époque, le ministre Nault a fait des déclarations allant dans le même sens. Il a réitéré qu'aucune disposition du projet de loi C-7 ne se traduirait par une atteinte au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ou à la relation fiduciaire. Encore là, des avocats de l'Association du barreau autochtone ont présenté des demandes officielles afin d'obtenir des informations qui confirmeraient ou contrediraient les hypothèses sous-jacentes énoncées dans le rapport du comité mixte et souvent répétées par les fonctionnaires de AINC.

    S'il est vrai qu'à AINC on est convaincu qu'aucune disposition du projet de loi C-7 ne modifie la relation fiduciaire ou ne porte atteinte au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, alors qu'on nous fournisse les avis juridiques. Montrez-nous la preuve empirique. Communiquez-nous les documents de recherche qui auraient amené ces personnes à faire des déclarations aussi absolues. On affirme en grande fanfare et avec beaucoup de panache, qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter au sujet du projet de loi C-7; pourtant, les personnes qui font autorité dans le domaine sont très inquiètes. Elles craignent énormément que la mesure bafoue les droits autochtones inhérents et issus de traités reconnus par la Constitution.

    Le 14 août 2002, une lettre a été envoyée au bureau de l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels des Affaires indiennes réclamant «du ministère des Affaires indiennes et du Nord ou du ministère de la Justice toute information susceptible de corroborer ou de contredire ces hypothèses.» Par la suite, une plainte a dû être logée auprès du Commissariat à l'information car jusqu'à maintenant, aucun renseignement n'a été fourni par le ministère au sujet de ces hypothèses.

    Encore là, on nous a servi l'excuse suivante: l'information existe, mais personne ne peut y avoir accès.

    Dans une lettre envoyée le 16 octobre 2002, le bureau d'accès à l'information de AINC a précisé que l'information requise ne serait pas divulguée car elle concerne—et je cite—«des documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada». On ne nie pas que cette information existe; on refuse tout simplement de la divulguer aux avocats représentant les Premières nations qui sont touchées au premier chef.

    Monsieur le président, cela ressemble furieusement à un complot en vue de tromper, un complot du silence, un complot pour cacher de l'information pertinente et valable. Vous savez comme moi que dans le contexte d'un tribunal judiciaire, on doit se soumettre à l'obligation de divulguer toute information qui pourrait être utilisée lors de procédures subséquentes. En l'occurrence, il s'agit d'une preuve pertinente, si vous voulez, et si cette preuve est favorable au gouvernement, pourquoi ce dernier n'érigerait-il pas un panneau pour afficher ces documents, se faire de la publicité et s'autocongratuler? Mais si le gouvernement a honte des documents en question, ou s'il a quelque chose à cacher, à ce moment-là, on comprend qu'il ne veuille pas les communiquer aux conseillers juridiques des Premières nations du Canada.

    Par conséquent, j'exerce mon droit et mon privilège en tant que député du Parlement pour présenter une motion pour que notre comité puisse à tout le moins être mis au courant de la teneur de ces documents confidentiels que MAINC et AINC ont peut-être commandés. Nous connaissons l'existence de ces documents car les autorités ne l'ont pas niée. Tout ce qu'elles disent, c'est qu'elles refusent de les transmettre aux conseillers juridiques de l'Assemblée des premières nations.

    C'est affreux, et c'est humiliant. En fait, si je n'obtiens pas satisfaction, je concluerai à la violation de mes privilèges en tant que député du Parlement car cela signifiera qu'on me cache une information importante et pertinente concernant le projet de loi C-7. On me refusera l'accès à l'information que le gouvernement a précisément utilisée pour conférer légitimité au projet de loi dont il fait la promotion à l'heure actuelle, maintenant que...

Á  +-(2355)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Martin. Cela met fin à votre temps de parole. En tant que parrain de la motion, c'est vous qui aviez le dernier mot.

    Nous sommes prêts à passer au vote.

    (La motion est rejetée)

+-

    M. Pat Martin: Je réclame un vote par appel nominal.

+-

    Le président: C'est trop tard. Nous avons voté.

+-

    M. Pat Martin: Comment peut-il être trop tard?

+-

    Le président: Il fallait le demander. C'est trop tard.

    Motion 6, présentée par M. Pat Martin...

+-

    M. Pat Martin: Je réclame un vote par appel nominal.

+-

    Le président: C'est trop tard. Il n'en est pas question. Il n'y a pas à discuter. C'est trop tard. Nous avons voté. Et c'est tellement fondamental qu'il est presque gênant d'en parler.

    M. Martin propose la motion suivante:

Que compte tenu des résultats des audiences pancanadiennes tenues en 2003 par le Comité permanent des affaires autochtones, je propose que celui-ci présente à la Chambre des communes une recommandation pour que le projet de loi C-7 soit retiré du feuilleton et remanié en consultation avec des représentants de l'Assemblée des Premières nations.

    Votre motion est presque redondante car il y a eu un vote sur la représentation, mais je vais l'accepter pour que nous puissions en disposer.

    Monsieur Martin, dix minutes.

+-

    M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.

    Je n'ai pas vraiment compris vos dernières observations au sujet du débat.

+-

    Le président: Je les répéterai si vous ne comprenez pas.

+-

    M. Pat Martin: Je suis heureux de prendre la parole au sujet de ma motion. À la lumière des résultats de la tournée pancanadienne au cours de laquelle nous avons entendu les Premières nations, nous recommandons que le comité présente à la Chambre des communes une recommandation pour que le projet de loi C-7 soit retiré du feuilleton et remanié en consultation avec des représentants des Premières nations de tout le pays. Voilà la teneur de ma motion. C'est mon voeu le plus cher. À vrai dire, c'est le voeu de la grande majorité des intervenants qui ont présenté des instances au comité permanent à l'occasion de sa tournée dans tout le pays.

    Monsieur le président, nous avons entendu les dirigeants autochtones légitimement élus dans pratiquement toutes les provinces, ainsi que les porte-parole de leur organisation plénière nationale, l'Assemblée des premières nations, nous dire que le projet de loi ne règle pas le problème de la Loi sur les Indiens d'une façon adéquate, opportune ou nécessaire. Je ne pense pas qu'il y ait au pays une seule personne qui croit encore que la Loi sur les Indiens est un document digne d'une démocratie libre. Tout le monde s'entend pour dire qu'elle devrait être mise au rancart.

    La plupart des Canadiens reconnaissent volontiers que la Loi sur les Indiens est un document obsolète responsable d'une tragédie sociale qui dure depuis 130 ans. La plupart des Canadiens reconnaissent aussi volontiers, comme on nous l'a dit au cours de nos déplacements, que le projet de loi C-7 n'atténue en rien les effets néfastes de la Loi sur les Indiens sur la vie des peuples des Premières nations. En fait, la majorité des Canadiens que nous avons entendus conviennent sans réserve qu'en bout de ligne, le projet de loi C-7 accentue le problème. C'est difficile à croire, mais au lieu de transférer un véritable pouvoir de gouvernance aux Premières nations, la mesure solidifie et augmente le pouvoir discrétionnaire du ministre de s'ingérer dans la vie des peuples des Premières nations partout dans le pays.

    Monsieur le président, à tous points de vue, nous sommes déçus de constater que le projet de loi ne répond pas aux préoccupations, aux espoirs et aux aspirations légitimes des Premières nations. Qui plus est, je déplore que notre action et l'initiative du ministre aient fait reculer nos relations avec les peuples des Premières nations de plus de 50 ans. En effet, jamais les rapports entre la Couronne ou le gouvernement du Canada et les peuples des Premières nations n'ont été aussi tendus et aussi proches de l'effondrement total.

    Monsieur le président, bon nombre d'entre nous ont participé à cette initiative en vue de modifier la Loi sur les Indiens mus par l'optimisme et l'espoir que notre attitude et notre approche à l'égard des peuples des Premières nations avaient gagné en maturité et dépassé le colonialisme de la Loi sur les Indiens. Il nous faut malheureusement reconnaître que cette maturité nous fait défaut. Pis encore, on constate une régression vers une forme encore plus méprisable de colonialisme, un colonialisme moderne qui n'a même plus l'excuse de la naïveté du passé. Nous ne pouvons plus prétexter la naïveté et l'ignorance car nous connaissons les échecs de la Loi sur les Indiens et nous avons choisi consciemment de faire la sourde oreille aux préoccupations qui ont été exprimées, de privilégier le colonialisme, de triturer la Loi sur les Indiens d'une façon qui a pour seul effet d'en augmenter et d'en aggraver les carences.

    Nous avons entendu les dirigeants légitimes, les dirigeants élus en toute légitimité des Premières nations d'un bout à l'autre du pays, et ils sont unanimes à condamner le projet de loi C-7. Nous n'avons pu trouver personne durant notre tournée qui ait quoi que ce soit de positif à dire au sujet du projet de loi C-7. La plupart y voient une perte de temps, un gaspillage de temps absolu et phénoménal, et aussi un phénoménal gaspillage d'argent. Les seuls qui semblent appuyer le projet de loi C-7 sont ceux qui ont été achetés et payés par le ministre durant le semblant de processus de consultation.

    Nous sommes offusqués d'avoir à perdre notre temps ici ce soir, monsieur le président, et nous croyons que la seule chose responsable à faire, c'est de mettre ce projet de loi au rancart, de prendre du recul, de tout recommencer à neuf en procédant à une véritable consultation, et de présenter enfin un projet de loi modifiant la Loi sur les Indiens en s'inspirant des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones.

  +-(0000)  

    Pour commencer, il faudrait vraiment limiter la portée du projet de loi C-7, en limiter les paramètres, se contenter de donner un sens et une définition de l'article 35 de la Constitution et de la mise en oeuvre du processus issu des traités; retourner à la table de négociation, et donner vie et un sens au libellé des documents des traités que les peuples autochtones tiennent encore pour valables, en dépit de leur récente expérience avec le gouvernement du Canada.

    À titre de député de l'opposition au Parlement, la seule chose que je peux dire au sujet du projet de loi C-7, c'est que le ministre devrait faire la seule chose honorable, c'est-à-dire prendre du recul et reformuler le projet de loi C-7, refaire de fond en comble le projet de loi C-7, en coopération et en tenant compte des préoccupations qui ont été portées à son attention, remédier à certaines lacunes du projet de loi et apporter des changements véritables à la Loi sur les Indiens, avec le but et l'objectif ultime d'abroger la Loi sur les Indiens dans un délai raisonnable. Le ministre devrait souscrire au processus de négociation et appuyer ce processus qui, dans diverses provinces, est en cours en vue de conclure des ententes-cadres et des protocoles d'entente qui aideraient les Premières nations à se libérer du boulet de la Loi sur les Indiens. Rien, dans le projet de loi C-7, ne peut leur donner satisfaction dans le cadre de ce processus.

    Bien des gens ont invoqué l'argument que le projet de loi C-7 n'a en réalité pas grand-chose à voir avec l'obligation de rendre compte et la transparence, que le projet de loi C-7 a un objectif secondaire qui est beaucoup plus sinistre. Les tenants de cet argument considèrent le projet comme un cheval de Troie, car il y a une conviction profondément ancrée parmi les Premières nations que le véritable objectif, la véritable intention est d'empiéter sur les droits autochtones ancestraux et issus de traités, inhérents et reconnus par la Constitution, d'ébranler ces droits et de se débarrasser de la responsabilité fiduciaire de la Couronne envers les peuples des Premières nations.

    Le changement du statut juridique des collectivités des Premières nations est odieux aux yeux de tous ceux qui ont été consultés lorsque le processus de consultation a effectivement eu lieu. Quand nous avons eu le temps de sillonner le pays d'un bout à l'autre pour demander aux gens des Premières nations ce qu'ils pensaient d'un projet de loi qui était déjà rédigé, leur opinion était que le fait de changer le statut juridique pour adopter celui d'une municipalité, ce qui est finalement le résultat net du projet de loi C-7, est un changement négatif et un changement qu'ils n'appuient pas.

    Donc, les membres des Premières nations d'un bout à l'autre du pays n'appuient pas le projet de loi C-7. Ils l'ont dit haut et fort à une majorité écrasante, et la seule chose responsable à faire, de la part d'un gouvernement responsable qui se prétend le moindrement comptable devant les gens qu'il représente, c'est de retirer le projet de loi C-7, de retourner à la planche à dessin et d'entreprendre une véritable consultation, ou alors simplement d'ouvrir à n'importe quelle page le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones et de mettre en oeuvre les changements recommandés par la commission, parce que chacune de ces recommandations a été mûrement réfléchie et soigneusement rédigée, et élaborée dans le cadre d'une véritable consultation avec les membres des Premières nations.

    Ainsi, au lieu d'insulter encore davantage les Premières nations en adoptant une attitude colonialiste, paternaliste, eurocentrique, nous devons reconnaître le droit inhérent de se gouverner soi-même. Nous devons reconnaître la souveraineté des nations. Nous devons établir un troisième palier de gouvernement au Canada, c'est-à-dire la structure de gouvernance dont avaient toujours joui les peuples des Premières nations avant l'arrivée des Européens, structure à laquelle ils n'ont jamais renoncé. Nous devons commencer à discuter d'un partage légitime du territoire, des ressources et de la gestion de ces ressources, si nous voulons encourager et favoriser le développement économique partout au Canada en tendant la main aux Premières nations.

    Ce projet de loi n'établit pas de loi habilitante susceptible d'encourager un véritable développement économique. Il apporte simplement des retouches aux pratiques comptables des dirigeants des Premières nations, et il est fondé sur l'hypothèse raciste que les Premières nations sont actuellement ineptes ou corrompues, l'un ou l'autre. Nous trouvons insultant que le fondement même du projet de loi C-7 soit l'hypothèse qu'il y a corruption généralisée parmi les dirigeants des Premières nations et les collectivités des Premières nations. Nous trouvons que c'est offensant, que c'est fondamentalement faux et que c'est une insulte aux communautés des Premières nations. C'est aussi une insulte pour ceux d'entre nous, sur les banquettes de l'opposition, qui s'efforcent ces derniers temps de dire tout cela de façon claire et non équivoque à chaque fois que nous en avons l'occasion...

    Le président: Merci, monsieur Martin.

    M. Pat Martin: ...en dépit du bâillon qu'on nous a imposé durant notre débat sur cette question.

  +-(0005)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Martin.

    Monsieur Loubier, dix minutes.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

    Je suis tout à fait d'accord sur les prémisses et l'analyse de mon collègue M. Martin du NPD. Il est de notre devoir de recommander au gouvernement de prendre ce projet de loi, de le foutre à la poubelle et de le remplacer par une véritable solution de rechange qui va répondre aux besoins des nations autochtones du Canada.

    Monsieur le président, les nombreux témoignages que nous avons entendus des premières nations d'un peu partout au Canada et les nombreux mémoires que nous avons lus nous apprennent une chose: ce projet de loi fait l'unanimité contre lui. À peu près toutes les personnes les plus concernées, c'est-à-dire les représentants des premières nations, nous ont dit qu'il fallait retirer ce projet de loi. Pourquoi? Parce que ce projet de loi n'est aucunement une réponse aux nombreux problèmes auxquels sont confrontées les premières nations au Canada: des problèmes de sous-emploi, des problèmes sociaux de toutes sortes et des problèmes de sous-développement économique.

    Deuxièmement, on nous a dit que la prémisse de départ de ce projet de loi était inconvenante. Tous les rapports qui ont été publiés au cours des dernières années, y compris le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, le fameux rapport de la Commission Erasmus-Dussault, nous ont dit--et on doit prendre acte de cette chose--que si on doit redéfinir les relations entre nous et les nations autochtones du Canada, il faut le faire sur des bases différentes de celles qui ont présidé à ces relations pendant les 130 ans d'application de l'infâme, indigne et détestable Loi sur les Indiens, la loi qui fait en sorte qu'on parque les membres des nations autochtones sur des réserves, qu'on leur enlève leurs territoires, qu'on leur enlève leurs richesses et qu'on profite de ces richesses à leur place, tout en les appauvrissant et en tentant de les assimiler décennie après décennie.

    On ne donne rien aux nations autochtones. On ne donne rien aux membres de ces nations autochtones au Canada. On ne leur donne pas de droits. Ils ont des droits ancestraux. Ils ont un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ils étaient là avant nous. Ils disposaient du territoire à leur façon, selon leur culture et selon leurs pratiques ancestrales de pêche, de chasse et de trappage.

    On les a entassés dans des réserves et souvent, on les a fait déménager plusieurs fois parce qu'on découvrait des ressources naturelles sur les territoires qu'ils revendiquaient ou qu'ils occupaient. On a dévasté les territoires de certaines de ces premières nations. Les sociétés forestières ont procédé à des coupes à blanc, leur enlevant leurs territoires de chasse, de pêche et de trappe. On a l'exemple de la première nation des Lubicons, qui a été tassée et écrasée dans ses revendications territoriales pour faire place à une entreprise pétrolière qui fait de la transformation sur son territoire et qui cause des problèmes environnementaux flagrants, qui causent eux-mêmes des problèmes de santé aux membres de cette première nation.

    Monsieur le président, on croyait qu'après le rapport de la Commission Erasmus-Dussault et les nombreux jugements de la Cour suprême en faveur des autochtones, on aurait un projet de loi plus sérieux que celui-là, un projet de loi collant aux réalités des années 2000.

    D'ailleurs, en 1969, lorsque l'actuel premier ministre était ministre des Affaires indiennes, on avait tenté de faire le même coup qu'on est en train de préparer aux nations autochtones avec le projet de loi C-7. Je crois que le premier ministre a une idée fixe: il veut se rendre là. En 1969, on avait tenté d'éteindre leurs droits ancestraux issus de traités. On avait tenté aussi d'éliminer leurs prétentions territoriales. On avait tenté de les assimiler par une intégration aux systèmes fiscaux, fonciers et municipaux du Canada. On avait tenté de le faire par le livre blanc de 1969. Aujourd'hui, on répète l'exercice.

    Comme membres de ce comité, on a entendu le cri du coeur de plusieurs représentants des premières nations au Canada. On a aussi été témoins de l'agressivité dont font preuve les membres des premières nations face à un projet de loi qui les infantilise encore davantage que la Loi sur les Indiens.

  +-(0010)  

On a vu la rage qui animait les témoins qui se sont présentés devant nous, les premiers concernés, c'est-à-dire les représentants des autochtones du Canada. Après avoir vu tout cela, il me semble qu'on devrait être sensibilisés au fait qu'il faut jeter ce projet de loi à la poubelle. Nous devons prendre nos responsabilités et ne pas préparer le terrain pour des chicanes stériles, voire des affrontements au cours des prochaines années.

    D'ailleurs, la Commission royale sur les peuples autochtones, la Commission Erasmus-Dussault, concluait d'entrée de jeu, dans ses recommandations, que si rien n'était fait à court terme pour favoriser le droit à l'autonomie gouvernementale des nations autochtones et pour faire en sorte que les nations autochtones se prennent en main, prennent leur développement en main à partir de leurs droits coutumiers, à partir de ce qu'ils sont, à partir de ce qu'ils veulent comme développement et des objectifs de société qu'ils poursuivent, on se préparait à mettre la table pour de l'agressivité, voire de la violence. Si cette conclusion de la Commission Erasmus-Dussault était vraie il y a quelques années, lors de la publication du rapport, elle est encore plus vraie aujourd'hui.

    L'appréciation que les nations autochtones font du projet de loi C-7 devrait sonner l'alarme. Si cette conclusion du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, qui n'est pas un rapport qui a émané du Saint-Esprit, qui est un rapport sérieux, était vraie à ce moment-là, il me semble qu'elle doit être saprement vraie aujourd'hui.

    Eh bien, non. On poursuit comme si de rien n'était. On nous a même imposé un bâillon. Il a fallu se battre pendant deux jours pour convaincre le gouvernement qu'il fallait discuter publiquement de ce projet de loi et avoir le temps nécessaire pour en discuter, parce qu'il risquait d'avoir des incidences incroyables à l'avenir.

    Pensez-vous que vous allez passer votre rouleau compresseur et que vous allez nous forcer à avaler une loi comme celle-là, qui mécontente tout le monde, qui rend tout le monde agressif et qui met la table pour la violence, et qu'il ne se passera rien? Pensez-vous que les jeunes autochtones, qui comptent pour 50 p. 100 de la population autochtone au Canada, vont se fermer les yeux et que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes? Absolument pas! Déjà, les anciens ont du mal à les retenir. C'est dur de leur dire qu'on va continuer ce processus, qu'on va négocier et qu'il y a encore de l'espoir. C'est dur, surtout lorsqu'on leur présente une cochonnerie comme le projet de loi C-7.

    Si j'étais un jeune membre d'une nation autochtone, si je voyais mon horizon bouché, comme c'est le cas à l'heure actuelle, si je ne voyais aucune perspective d'avenir intéressante pour ma communauté et pour moi, comme jeune, cela ferait longtemps que je vous l'aurais dit avec agressivité.

    Ce n'est pas normal qu'après des années et des années d'études, de relations conflictuelles sur le plan juridique et même de relations conflictuelles--tout le monde se rappelle les événements d'Oka, et il y en a eu d'autres--, et qu'après 130 ans d'application de l'infâme Loi sur les Indiens, on se retrouve avec une autre Loi sur les Indiens qui est aussi mauvaise que la première, d'autant plus que la première ne disparaît même pas.

    On va assister à des chicanes juridiques comme on n'en a jamais eu. Si on pense aujourd'hui qu'on a recours aux tribunaux parce que les choses ne sont pas claires, imaginez-vous ce que ce sera si on ajoute un projet de loi d'une complexité telle que même le Barreau du Québec dit qu'il y a des contradictions entre les dispositions du projet de loi, la Loi sur les Indiens et les différentes lois fédérales, dont les lois du travail, etc. Cela va être abominable. Les seuls qui vont gagner là-dedans seront les avocats, qui s'alimentent à coups de chicanes juridiques, et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. C'est un peu comme à Pêches et Océans. Il n'y a plus de poisson, mais on a doublé et même triplé les effectifs et les budgets de ce ministère.

    On dit que bientôt il n'y aura plus de Loi sur les Indiens, qu'il va y avoir une gouvernance, mais on a fait passer le budget du ministère des Affaires indiennes de 1,3 milliard de dollars à 13 milliards de dollars en 10 ans. Je ne comprends pas. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.

    Ou bien on redonne leur autonomie aux nations autochtones et on a donc moins besoin de les tenir en tutelle et de les infantiliser par l'entremise du ministère...

  +-(0015)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Monsieur Martin.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: [Note de la rédaction: inaudible].

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Martin, souhaitez-vous intervenir pour le mot de la fin? Vous avez dix minutes.

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, je voudrais aborder certaines des nombreuses préoccupations qui ont été soulevées par mes collègues.

+-

    Le président: Si vous voulez, monsieur Martin, par courtoisie, et je m'adresse à vous deux, je peux ouvrir mon micro quand il vous restera une minute. Est-ce que cela vous serait utile? Je n'aime pas couper la parole pour annoncer qu'il ne reste plus de temps. Aimeriez-vous que je vous donne un préavis d'une minute?

+-

    M. Pat Martin: Non, je ne pense pas que ce soit nécessaire, monsieur le président. Merci.

    Pour revenir sur quelques-uns des nombreux points soulevés par M. Loubier, je suis content d'avoir quelques minutes pour conclure, parce que ma motion, je le suppose, est la plus catégorique de toutes les motions dont nous sommes saisis. Ma motion est simple, je recommande que le projet de loi soit retiré, que nous recommandions à la Chambre des communes, dans notre rapport, de retirer le projet de loi C-7. De très nombreux témoins ont fait cette recommandation et beaucoup des témoins que nous avons entendus estimaient qu'il n'était pas possible d'améliorer le projet de loi en y apportant des amendements et qu'il n'y avait vraiment qu'une seule solution, c'est-à-dire le retirer.

    Beaucoup de témoignages que nous avons entendus insistaient sur le fait que la Loi sur la gouvernance des Premières nations prétend remédier à un certain nombre de questions légitimes relativement à la reddition de comptes, la transparence et d'autres aspects de la gouvernance. Cependant, ayant à l'esprit ce que nous avons entendu, l'analyse faite par les dirigeants des Premières nations de cette Loi sur la gouvernance des Premières nations nous amène à tirer la conclusion contraire, à savoir qu'en dépit des soi-disant préoccupations pour ce qui est d'aider les Premières nations à se doter d'outils efficaces d'autogouvernance, ce qui frappe le plus, c'est le degré auquel les questions de gouvernance dans la Loi sur la gouvernance des Premières nations ne sont pas laissées aux Premières nations. En fait, les dispositions de la Loi sur la gouvernance des Premières nations nous amènent à nous demander si même le gouvernement fédéral est le moindrement engagé à réaliser l'autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones. Ainsi, en dépit du libellé du préambule, dans lequel on reconnaît soit disant le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, il n'y a pas grand-chose dans le projet de loi sur l'autonomie gouvernementale. C'est donc un échec au départ, avant même d'aborder le fond du projet de loi.

    Les échéanciers établis par le projet de loi rendent quasi impossible de le prendre au sérieux parce qu'en fait, on demande à une Première nation de se doter d'un gouvernement en deux ans. C'est une tâche complexe pour n'importe quelle société, qui exige non seulement l'élaboration d'institutions, mais aussi un dialogue interne et le règlement d'éventuels désaccords internes. Alors quel sera l'impact de cet échéancier sur la qualité et l'efficacité des institutions qui en résulteront et sur le degré d'appui que l'on obtiendra auprès des communautés indigènes? L'échéance de deux ans, à elle seule, monsieur le président, est une raison suffisante pour se débarrasser du projet de loi C-7, parce que c'est une recette pour l'échec. C'est conçu au départ pour échouer; toute initiative visant à une véritable autonomie gouvernementale est impossible dans ce délai de deux ans.

    Nous croyons, monsieur le président, et beaucoup d'intervenants croient également que le gouvernement canadien risque de suivre une approche répandue mais erronée de la décentralisation gouvernementale, qui consiste à établir un modèle unique et de l'imposer ensuite contre leur volonté aux collectivités locales. Ce processus, monsieur le président, ne tient pas compte de la diversité des communautés locales, ni du fait que les collectivités seraient plus enclines à appuyer des institutions qu'elles auraient contribué à créer, et cette approche aboutit souvent, monsieur le président, à cette attitude négative envers un gouvernement dont la communauté locale ne veut pas et qu'elle n'appuie pas.

    Le gouvernement canadien, à franchement parler, risque de s'embourber dans un échec lamentable pour n'avoir pas su reconnaître, ou peut-être refuse-t-il de reconnaître que la première étape nécessaire à une bonne gouvernance, c'est la souveraineté et l'autonomie gouvernementale. La souveraineté doit être reconnue avant que l'on introduise des instruments de bonne gouvernance. La formule que je n'ai cessé de répéter tout au long des audiences, c'est qu'une bonne gouvernance en l'absence de pouvoirs souverains a à peu près autant de chances de réussir à améliorer le bien-être des Premières nations que des pouvoirs souverains pourraient le faire en l'absence d'une bonne gouvernance.

    La Loi sur la gouvernance des Premières nations accorde beaucoup d'attention à l'obligation de rendre compte; cependant, les prises de décisions et l'obligation de rendre compte sont liées. En l'absence d'un transfert de pouvoirs et de compétences et du véritable pouvoir de prendre des décisions, la reddition de comptes ne suivra pas nécessairement. Donc, si le gouvernement fédéral veut tenir les nations autochtones comptables de ce qui va se passer, alors il doit conférer à ces nations un véritable pouvoir de décision. Si, par contre,il veut conserver par devers lui le pouvoir décisionnaire, alors il doit assumer la principale responsabilité des résultats, monsieur le président. C'est aussi simple que cela.

    Donc, beaucoup d'intervenants qui ont témoigné devant le comité craignaient que la Loi sur la gouvernance des Premières nations n'accorde pas suffisamment d'attention à la diversité entre les Premières nations, et ils sont convaincus que cette approche consistant à imposer un modèle unique est vouée à l'échec.

  +-(0020)  

    Monsieur le président, le comité devrait recommander que l'on renvoie le projet de loi à la Chambre pour qu'il soit récrit en consultation avec les représentants de l'Assemblée des premières nations, parce qu'il y a au moins trois raisons générales de douter que la Loi sur la gouvernance des Premières nations puisse jamais atteindre les objectifs annoncés.

    Premièrement, elle ne tient presqu'aucun compte des questions de compétence. Elle ne délègue aucun pouvoir, aucune compétence aux Premières nations, contrairement à la promesse faite dans le préambule, tout au moins la promesse sous-entendue. Deuxièmement, en précisant les détails de la structure et des pratiques de gouvernement et en forçant les Premières nations à adopter intégralement ce modèle, la loi sape l'idée même d'autonomie gouvernementale, qui, de l'avis de tout penseur moderne, englobe la tâche de concevoir des institutions de bonne gouvernance qui correspondent aux idéaux de la collectivité. La troisième raison pour laquelle ce projet de loi est voué à l'échec, monsieur le président, est celle que j'ai déjà exprimée, à savoir l'approche consistant à imposer un modèle unique qui est caractéristique de bien des aspects du projet de loi, qui néglige la diversité des cultures et des circonstances et qui soulève de sérieuses questions de légitimité.

    Ainsi, en dépit de l'objet déclaré de la LGPN, nous ne sommes absolument pas certains que le gouvernement canadien puisse atteindre ses objectifs, et la mesure soulève au moins une question : souhaite-t-on simplement améliorer les pratiques administratives et électorales des Premières nations, ou bien veut-on vraiment l'autonomie gouvernementale? Je pense que la réponse s'impose d'elle-même, monsieur le président, pour quiconque a écouté l'un ou l'autre des exposés faits par les dirigeants des Premières nations d'un bout à l'autre du pays.

    Nous sommes d'avis, monsieur le président, que nous ne pouvons pas faire du projet de loi C-7 un bon projet de loi. Premièrement, nous n'avons aucune confiance que le comité soit le moindrement disposé à apporter des amendements sérieux, en dépit de l'assurance du ministre qui a dit que si la mesure était renvoyée au comité en première lecture, il y aurait plus d'occasions d'apporter des amendements de fond. Nous n'avons pas vu d'indices d'une telle ouverture d'esprit de la part du comité, jusqu'à maintenant, d'après notre expérience, et nous sommes toujours mal à l'aise avec le processus, étant donné qu'on nous a imposé l'attribution de temps et le bâillon, et qu'on nous a même empêchés d'introduire les thèmes que nous voulons aborder dans le processus d'amendement qui suivra, lorsque nous aborderons l'étude article par article.

    Nous ne discernons aucune tentative sincère et légitime de la part du gouvernement d'introduire même les éléments de base de l'autonomie gouvernementale, parce que la comptabilité et l'obligation de rendre compte viennent après la réalisation de l'indépendance. L'obligation de rendre compte présuppose l'autonomie gouvernementale. Nous sommes donc passablement convaincus, monsieur le président, qu'il serait très difficile de faire du projet de loi C-7 une mesure qui mériterait notre appui. Nous sommes d'avis que nous ne serons pas en mesure de proposer des amendements suffisamment étoffés pour le rendre digne de notre appui.

    Nous sommes désolés parce que la Loi sur la gouvernance des Premières nations représente une belle occasion perdue, parce que d'un bout à l'autre du pays, nous avons vu beaucoup d'espoir et d'optimisme dans les yeux des nombreux intervenants qui ont témoigné devant nous. Ils ont pris cette occasion très au sérieux, et ils ont reconnu qu'il n'arrive qu'une fois par génération qu'on ait l'occasion d'apporter des amendements à la Loi sur les Indiens et d'essayer d'enfoncer un pieu en plein coeur de cette Loi sur les Indiens pour qu'elle cesse de représenter un véritable fléau pour les peuples des Premières nations à cause de ses dispositions répugnantes.

    À moins qu'on ne veuille établir la souveraineté sur le plan pratique, nous ne serons pas en mesure de discuter de reddition de comptes et de transparence. À moins qu'on soit prêt à mettre en place des institutions de gouvernance solides, culturellement appropriées et qui correspondent aux coutumes et aux traditions des Premières nations, nous ne serons pas en mesure de parler sérieusement de reddition de comptes et de développement économique, et tant qu'on ne discutera pas de la dimension culturelle qui est tellement nécessaire pour faire le pont entre les institutions officielles de gouvernance et les conceptions autochtones de l'exercice et de l'organisation du pouvoir, nous ne pourrons pas dégager des appuis au sein de la communauté en question en faveur des institutions elles-mêmes.

    En fait, la communauté va rejeter l'imposition de ces institutions et s'y opposer. C'est non seulement une recette pour les troubles sociaux et le mécontentement, mais ce sera en plus un gaspillage de temps très coûteux, parce que si nous forçons 633 Premières nations à élaborer des codes de gouvernance dont elles n'ont pas besoin et dont elles ne veulent pas, elles vont s'y opposer. Et je ne sais pas comment le gouvernement trouvera assez d'argent et d'énergie et de ressources pour forcer ces collectivités à respecter la loi.

  +-(0025)  

    Au bout du compte, vous ferez du ministre des Affaires indiennes le...

+-

    Le président: Merci, monsieur Martin. Je vais maintenant mettre la question aux voix.

+-

    M. Pat Martin: Nous voulons un vote par appel nominal.

+-

    Le président: Un appel nominal, a recorded vote.

    (La motion est rejetée par 8 voix contre 2)

+-

    Le président: Numéro 7. C'est une motion de Pat Martin:

Que le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes ne procède pas à l'étude du projet de loi C-7 ou du projet de loi C-19...

    Est-ce que je continue la lecture?

    Une voix: Oui.

    Le président:

[...] avant qu'une analyse de ces projets de loi fondée sur l'égalité homme-femme ait été réalisée et présentée au comité. Ces analyses comparatives entre les sexes doivent être entreprises conformément aux directives de Condition féminine Canada, lesquelles correspondent aux dispositions contenues dans des documents comme la Charte canadienne des droits et libertés, le Plan fédéral pour l'égalité entre les sexes et la Loi canadienne sur les droits de la personne.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi): J'en appelle au Règlement.

+-

    Le président: Nous allons vous écouter avant de donner la parole à M. Martin.

+-

    M. Charles Hubbard: J'aimerais remettre à la greffière l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme qui avait été faite en même temps que le projet de loi présenté au Parlement.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: J'aimerais parler de ma motion, puisque cette motion ne nous a jamais été fournie. Nous ne savons absolument pas de quoi il en retourne, ni si le contenu est complet ou s'il tient compte des nombreux articles du projet de loi sur lesquels nous voulons nous pencher, ni s'il contient, tel que requis ou tel que je l'envisage dans ma motion, une analyse du projet de loi C-19 et de la Loi sur les Indiens elle-même, puisque si l'on fait une analyse comparative entre les sexes portant sur le projet de loi C-7, il incombe également au gouvernement d'examiner la Loi sur les Indiens elle-même et de reconnaître que la Loi sur les Indiens contient des préjugés évidents touchant les femmes et les questions se rapportant à la propriété et aux autres droits.

    Je constate avec regret que le gouvernement du Canada ne considère pas comme un critère important de bonne gouvernance de remédier aux injustices passées de la Loi sur les Indiens afin d'accorder à l'avenir un traitement équitable. C'est la seule conclusion que nous pouvons retenir, monsieur le président, puisque, même si le projet de loi C-7 a fait l'objet d'une analyse—sur la foi du secrétaire parlementaire qui soutient qu'un tel document a été déposé—nous constatons que cette analyse n'a pas été appliquée au corps central de la Loi sur les Indiens alors que c'est justement la partie de cette loi qui nécessite des modifications.

    Nous soulevons cette question parce que le projet de loi C-7 est insatisfaisant s'il ne contient pas des mesures visant à rectifier les injustices historiques inhérentes à la Loi sur les Indiens elle-même. Nous nous demandons vraiment si l'engagement vis-à-vis de la bonne gouvernance vise à corriger les injustices du passé en matière de préjudices subis par les femmes autochtones. Apparemment, le gouvernement du Canada ne considère pas que le respect des droits fondamentaux de la personne se rapportant aux femmes soit une pierre d'angle de l'initiative gouvernementale concernant la gouvernance. Sinon, il se serait livré à un examen complet de la Loi sur les Indiens afin d'en éliminer tous les termes qui ne sont pas conformes par exemple à la Charte canadienne des droits et libertés, au Plan fédéral pour l'égalité entre les sexes et à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

    Aussi, le projet de loi C-7 laisse à désirer et une fois que la Loi sur les Indienssera mise à l'étude afin de modifier certains articles, il incombera au gouvernement d'en profiter pour modifier également les nombreux articles qui vont à l'encontre des trois documents que j'ai cités : la Charte canadienne, la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Plan fédéral pour l'égalité entre les sexes.

    Les femmes autochtones souffrent de formes de discrimination qui comptent parmi les plus flagrantes, de la part des gouvernements des Premières nations, affirment certaines d'entre elles, et de la part du gouvernement du Canada. Or, en vertu de la Loi sur les Indiens et en vertu de la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral, c'est à ce gouvernement qu'il incombe de veiller à empêcher le harcèlement et la discrimination.

    Aucun changement visant les pratiques comptables ne changera rien à cette situation. C'est pourquoi nous disons qu'il y a une lacune dans le projet de loi C-7. Par exemple, le problème de l'obligation de rendre compte intervient uniquement lorsque les conseils de bande choisissent de défier les modifications apportées en 1985 à la Loi sur les Indiens en refusant aux femmes et aux enfants qui ont recouvré leurs droits, la possibilité de revenir s'installer dans leurs collectivités.

    Nous connaissons la cause de tout cela et de nombreux témoins en ont parlé à plusieurs reprises, mais ce sont précisément les Femmes autochtones du Québec, organe fondateur de l'Association des femmes autochtones du Canada qui en ont parlé. Elles affirment que le projet de loi C-31 n'était pas accompagné, en 1985, d'un financement proportionnel permettant de réintégrer les personnes réadmises dans la collectivité en vertu du projet de loi C-31, afin de leur permettre de bénéficier des droits et des avantages qui découlent de l'appartenance à une bande. Par conséquent, nous n'avons pas inclus dans notre examen de la Loi sur les Indiens la question du financement et de la mise en oeuvre du projet de loi C-31 et beaucoup de personnes en subissent actuellement les conséquences.

  +-(0030)  

    Le projet de loi C-7 peut-il améliorer ce type de situations? Non, parce que le gouvernement du Canada n'est pas, d'après nous, intéressé à apporter des modifications dans sa façon de traiter les questions touchant les femmes dans le projet de loi C-7. Le gouvernement met l'accent sur les questions administratives afin de distraire les gens de la discrimination continue dont il est l'auteur contre les femmes des Premières nations, en infraction avec la Constitution du Canada et avec ses obligations internationales et que cette discrimination est la cause première de la misère réelle dans laquelle vivent les femmes autochtones et leurs enfants. On peut dire que le projet de loi C-7 est une occasion manquée de remédier à cette situation et que, par le fait même, le gouvernement du Canada manque à son obligation de remédier aux injustices dont les femmes sont victimes à cause de la Loi sur les Indiens.

    Par la présente motion, nous réclamons une analyse complète de toute la Loi sur les Indiens. Je crois que vous constaterez à la lecture des directives de Condition féminine Canada ou de la Secrétaire d'État à la situation de la femme que chaque fois que ces instances revoient un texte législatif relevant des niveaux fédéral, provincial, municipal, scolaire, ou même du secteur privé ou des institutions civiles, une modification complète du texte législatif concerné devrait avoir lieu pour éviter toute préférence d'un sexe par rapport à l'autre et pour garantir l'équité dans tous les aspects ou même dans un énoncé de mission auquel elles se rapportent.

    Monsieur le président, nous estimons que pour cette seule raison, il faudrait retarder l'adoption du projet de loi C-7. Il faudrait attendre que l'on ait réglé de manière satisfaisante toutes les questions que les femmes autochtones ont soulevées devant nous au sujet des propriétés foncières, des droits de douaire, de la réadmission des ayants droit en vertu du projet de loi C-31 et, en ce qui a trait à la Loi sur les Indiens, les questions concernant l'appartenance aux bandes et les critères de définition d'un Indien pour les besoins de la loi. Le fait est que dans la situation actuelle, de moins en moins de personnes répondront aux critères de la définition actuelle d'Indiens au Canada. En bout de ligne, ce sera l'assimilation des Autochtones et cela va à l'encontre du droit à l'autodétermination et à la gouvernance. Par conséquent, le projet de loi C-7 est imparfait et s'avère incapable de répondre aux nombreuses préoccupations légitimes soulevées par les Autochtones—les femmes autochtones—lors des nombreuses consultations qui ont été entreprises.

    Je cite la Commission d'enquête sur l'administration de la justice et les Autochtones du Manitoba qui, parallèlement aux questions de l'égalité et du manque de protection et de traitement équitable pour les femmes autochtones...souligne que la loi encourage et entraîne d'autres formes de discrimination contre elles de la part du MAINC et parfois même des conseils de bande. La commission d'enquête l'explique de manière très succincte:

La Loi sur les Indiens ne reconnaît aucun partage égal des biens en cas d'échec d'un mariage. Il faut absolument remédier à cette situation. Nous savons que la modification de la Loi sur les Indiens n'est pas une grande priorité du gouvernement fédéral ni des dirigeants autochtones du Canada, mais nous estimons que cette situation mérite une attention immédiate. Le traitement inéquitable des femmes autochtones par la loi n'est pas seulement probablement anticonstitutionnelle, elle paraît également encourager une certaine discrimination par l'administration dans l'octroi des services de logement et autres services aux femmes autochtones par le ministère des Affaires indiennes et les administrations locales.

    La Commission d'enquête sur l'administration de la justice et les Autochtones du Manitoba a recommandé expressément de modifier la Loi sur les Indiens afin de permettre une répartition égale des biens en cas d'échec du mariage. Monsieur le président, nous constatons que ces questions ne sont pas abordées par le projet de loi C-7 et nous ne voyons aucun effort dans ce sens au stade des amendements. Les membres du comité du parti ministériel ne semblent manifester aucune volonté d'envisager les amendements contenus dans la motion que j'ai présentée aujourd'hui.

    La négligence du Canada à mettre en oeuvre ces recommandations est contraire par ailleurs à ses obligations internationales. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies le rappelle dans ses observations générales sur l'équité entre les hommes et les femmes:

En devenant parties à la convention, les États signataires, conformément à l'article 3, s'engagent à assurer l'égalité des droits entre les hommes et les femmes et la jouissance de tous les droits civils et politiques établis dans la convention, et en conformité de l'article 5, aucune disposition de la convention ne pouvant être interprétée comme une possibilité pour un État, un groupe ou une personne de se donner le droit de se livrer à une activité ou d'exécuter une action visant l'élimination des droits stipulés dans l'article 3, ou à imposer des limites non prévues par la convention. De plus, on ne tolérera aucune restriction ni dérogation à une égale jouissance par les femmes de tous les droits fondamentaux...

  +-(0035)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Martin.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

    Je trouve dommage que mon collègue n'ait pas pu continuer son excellente démonstration, mais ce sont les désavantages du bâillon qu'on nous impose. C'est une question tellement importante qu'on aurait dû en parler pendant des heures et des heures, puisque c'est justement à ce type de problème, lorsqu'on parle d'égalité entre les sexes, que ne répond pas le projet de loi C-7.

    D'ailleurs, les nombreux débats que mon collègue du NPD, M. Martin, et moi-même avons initiés il y a deux jours pour tenter d'infléchir la décision des membres du comité de nous imposer un bâillon et de nous contraindre à des règles très restrictives pour parler de ces problèmes fondamentaux auraient dû vous éclairer sur le fait que dans le projet de loi C-7, on ne trouve aucune réponse aux problèmes auxquels sont confrontées les premières nations du Canada.

    On ne trouve aucune réponse aux revendications territoriales. Pourtant, il y a plein de négociations en cours à l'heure actuelle. On se serait attendu à ce que ces revendications soient accélérées pour donner une assise à l'exercice du droit à l'autonomie gouvernementale. On aurait dû trouver une espèce d'accélération des compensations pour les préjudices passés. On aurait dû trouver une section sur le partage des ressources, puisque ces ressource se trouvent sur des territoires déjà concédés ou sur des territoires sur lesquels les nations autochtones ont, avec justesse, des prétentions territoriales.

    On aurait pu trouver une réponse concernant l'appui du gouvernement fédéral aux nations autochtones pour leur permettre de réaliser leur objectif de société, et on aurait dû trouver des réponses, entre autres, aux nombreuses formes de discrimination dont sont victimes les femmes autochtones.

    Au lieu de cela, on se retrouve avec un projet administratif d'une portée considérable en ce qu'il préside à l'extinction des droits des nations autochtones, soit le droit inhérent et les droits ancestraux liés aux traités. On trouve un projet de loi qui ajoute l'insulte à l'injure, un projet de loi qui ne règle absolument rien en ce qui a trait à la discrimination et aux injustices dont sont victimes les femmes autochtones.

    Une tournée, c'est fait justement pour recevoir des témoins afin que ces derniers puissent nous instruire, en tant que membres du comité, de façon à ce que nous puissions porter un jugement et apporter un éclairage sur les lacunes ou les aspects positifs d'un projet de loi.

    Lors de notre tournée, lorsque nous avons entendu des témoins à Montréal récemment, l'association Femmes Autochtones du Québec nous a apporté un éclairage précieux sur la situation vécue par les femmes autochtones depuis belle lurette, sur des cas de discrimination, sur des décisions prises à leur encontre et à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. L'association Femmes Autochtones du Québec, par l'entremise de sa présidente, Mme Michèle Audette, a formulé sept recommandations pour que le gouvernement s'attaque en priorité aux vraies questions, c'est-à-dire à la discrimination à laquelle elles font face.

    La première de ces recommandations demande:

Que le MAINC soit tenu de rapporter à ce Comité les détails des sommes versées pour les programmes aux bandes qui refusent d'offrir des avantages et des services aux femmes réinscrites et à leurs enfants ainsi que les détails relatifs aux dépenses liées à la création de services parallèles pour les personnes incapables d'obtenir ces services de leur bande à cause de la discrimination ainsi que la liste des bandes en cause et des sommes s'y rattachant.

    Mes collègues libéraux devraient écouter ce qu'on a à leur dire et ce que les femmes autochtones du Québec ont à dire sur la discrimination dont elles sont victimes.

    La deuxième recommandation formulée par Mme Audette se lit comme suit:

Que le financement des programmes soit suspendu pour les Premières Nations qui défient la Loi sur les Indiens en faisant preuve de discrimination à l'égard des femmes réinscrites et de leurs enfants dans la prestation des programmes et des services.

  +-(0040)  

    La troisième recommandation est:

Que l'article 5 du projet de Loi sur la gouvernance des Premières Nations soit modifié pour que tous les codes portant sur le choix des dirigeants respectent les droits de tous les membres et qu'il n'existe pas de distinction possible entre les droits de vote des différentes catégories de membres.

    Je pense qu'on devrait en prendre acte et que les collègues libéraux devraient écouter ce que les femmes autochtones du Québec et du Canada ont à leur dire.

    La quatrième recommandation est celle-ci:

Que la Loi sur les Indiens soit modifiée de façon à en éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. À cette fin, il faut que soient réinscrits en tant qu'Indiens non seulement les femmes qui ont perdu ce statut en raison de la discrimination dont elles ont historiquement fait l'objet, mais aussi leurs enfants et leurs petits-enfants.

    La cinquième recommandation va justement dans le sens des correctifs à l'égard des femmes que voudrait apporter mon collègue Pat Martin par l'introduction de sa motion. Elle se lit comme suit:

Que la Loi sur les Indiens soit modifiée de façon à assurer que les personnes mariées à des Indiens mais qui ne sont pas indiennes elles-mêmes, ainsi que les enfants issus de ces mariages, aient le droit de résider dans la réserve.

    La sixième recommandation est:

Que la Loi sur les Indiens soit modifiée pour assurer l'égalité des conjoints en matière de propriété et de partage des biens en cas de divorce.

    Et voici enfin la septième recommandation:

Que la politique administrative du ministère des Affaires indiennes exigeant l'identification du père ou la reconnaissance de paternité d'un enfant d'une mère célibataire soit immédiatement abolie et remplacée par l'exigence d'un affidavit signé par la mère ou d'une déclaration sous serment du seul statut du père de l'enfant.

    Ça, ce sont des problèmes concrets, monsieur le président, et ça, ce sont des solutions concrètes à des problèmes réels. Mais je vois que ce qui préoccupe le plus mes collègues libéraux, c'est de traiter d'un projet de loi minable qui n'aborde aucunement les problèmes fondamentaux et les priorités des nations autochtones. Lorsqu'on parle de cela, ils sont tout ouïe, mais lorsqu'on parle des véritables problèmes auxquels sont confrontées les nations autochtones, les femmes autochtones en particulier, ils préfèrent parler de la pluie et du beau temps, de leur prochaine saison de golf ou d'autres sujets futiles qui ne sont pas d'intérêt public.

    On ne retrouve pas dans le projet de loi C-7 de solutions aux véritables problèmes. Et l'esprit qui anime ce projet de loi est aussi minable que le projet de loi lui-même, puisque c'est un esprit qui est digne de l'ancien apartheid en Afrique du Sud. C'est un esprit qui commande l'infantilisation des nations autochtones, qui poursuit «l'oeuvre» de 130 ans d'application de l'infâme, démente et complètement indécente Loi sur les Indiens. C'est ce qu'on poursuit, tout à fait à l'encontre des recommandations d'une commission royale dont l'encre du rapport commence à peine à sécher.

    Pire encore, savez-vous ce que les femmes autochtones du Québec, par la bouche de leur représentante, Mme Audette, nous ont donné comme information? Eh bien, figurez-vous que depuis que l'association Femmes Autochtones du Québec s'oppose au projet de loi C-7 et demande des correctifs immédiats pour éliminer la discrimination dont on fait preuve à leur endroit, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a coupé la subvention à Femmes Autochtones du Québec.

    Elles avaient droit à une subvention de 50 000 $ par année, mais aussitôt que cette association de femmes s'est opposée au projet de loi C-7, alléguant que ce projet de loi ne corrigeait en rien la discrimination dont elles étaient l'objet, on a réduit leur financement à 4 000 $. Et cette année, on leur a dit de repasser l'année prochaine parce qu'il n'y avait plus d'argent.

    C'est ainsi que ça marche dans ce gouvernement: par intimidation. Le crime organisé fonctionne de cette façon. Le gouvernement libéral agit comme le crime organisé, à coups d'intimidation. On coupe les ressources, on écrase, on annihile les nations autochtones, on nie leurs droits, on veut procéder à l'extinction de ces droits. Et le premier ministre du Canada, qui a déjà été ministre des Affaires indiennes, rêve depuis 1969, soit depuis la publication de son livre blanc, de repartir sur des bases nouvelles dans les relations avec les autochtones, mais en faisant essentiellement deux choses: en présidant à l'extinction de leurs droits ancestraux, au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et aux droits liés aux traités, et en poursuivant une politique d'assimilation systématique comme celle qu'on a pu observer en 130 ans d'application de la Loi sur les Indiens.

    C'est infâme, condamnable, indigne d'un Parlement. C'est aussi indigne et incohérent par rapport aux nombreux jugements de la Cour suprême et à tout ce qui apparaît dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies.

  +-(0045)  

    D'ailleurs, le Canada a été souvent blâmé pour le traitement qu'il réserve aux nations autochtones du Canada. Les instances internationales ont souvent demandé que le Canada considère les nations autochtones d'égal à égal et qu'il les respecte.

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

    Quelqu'un d'autre?

    Monsieur Martin.

  +-(0050)  

+-

    M. Pat Martin : Je vais utiliser les dix minutes qui me restent pour souligner que la motion numéro 7 que j'ai présentée et dans laquelle je réclame une analyse officielle des projets de loi C-7 et C-19 fondée sur l'égalité homme-femme peut être interprétée comme incluant la Loi sur les Indiens elle-même. Rien n'a vraiment été fait pour tenir compte des nombreuses injustices historiques entérinées à l'époque par la Loi sur les Indiens, en 1873, alors que, naïvement ou volontairement, le Canada n'a pas jugé bon de se pencher sur les préoccupations légitimes soulevées par les femmes autochtones relativement à la Loi sur les Indiens.

    Le projet de loi C-7 contient de nombreuses lacunes, mais la plus flagrante est l'omission ou la volonté de ne pas examiner les nombreuses questions dont le gouvernement fédéral sait pertinemment qu'elles illustrent le traitement injuste des femmes autochtones par la Loi sur les Indiens.

    J'ai été intéressé par l'exposé présenté par les Femmes autochtones du Québec et les nombreux points soulevés par M. Loubier en leur nom. Nous estimons que leur exposé est conforme aux positions de l'Association des femmes autochtones du Canada qui est l'organe légitime élu qui représente les femmes autochtones du pays.

    Nous devrions aussi nous inquiéter du fait que l'Association des femmes autochtones du Canada a été privée de son financement lorsqu'elle a manifesté son opposition à la Loi sur la gouvernance des Premières nations et qu'une nouvelle association parallèle des femmes autochtones a vu le jour, dotée d'un financement de deux millions de dollars. Nous sommes offusqués que le ministre ait recours à cette approche de la carotte et du bâton pour recueillir des appuis pour un projet de loi rejeté par tous les dirigeants légitimement élus des Premières nations.

    Monsieur le président, nous avons souligné les arguments apportés à Prince George par Judith Sayers, chef élue de la Première nation Hupacasath et auteure d'une étude approfondie pour le Centre de recherches politiques du gouvernement du Canada intitulée First Nations Women, Governance and the Indian Act. Je n'ai pas le temps de passer en revue tous les points qu'elle a soulevés, mais je tiens à préciser aux fins du compte rendu que nous appuyons les recommandations de l'étude approfondie réalisée par Judith Sayers et que nous reconnaissons les lacunes qu'elle a signalées dans la Loi sur les Indiens. Nous estimons qu'il est utile de le noter et nous ne manquerons pas de le souligner à l'appui de l'argument que nous présentons selon lequel le projet de loi C-7, dans sa forme actuelle, ne mérite pas notre appui étant donné qu'il contient de nombreuses failles pointées à juste titre par les femmes autochtones de tout le pays.

    Mme Sayers recommande entre autres choses que les femmes des Premières nations de tout le pays devraient être mieux reconnues qu'actuellement ou que leurs aspirations et préoccupations légitimes soient prises en compte. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord n'a prévu aucune analyse complète fondée sur l'égalité homme-femme ou, tout au moins, le projet de loi que nous avons devant nous n'en fait pas état.

    C'est pourquoi, monsieur le président, il est dommage de clore notre débat ce soir sur une question qui mérite, aux yeux de la plupart des Canadiens, je crois, le soutien et l'attention de notre comité. Je serais déçu que les membres du comité décident de voter contre une question aussi fondamentale qu'une analyse de la Loi sur les Indiens fondée sur l'égalité homme-femme alors qu'on peut dire de manière raisonnable que toutes les personnes assises autour de cette table savent que la Loi sur les Indiens est injuste à l'égard des femmes autochtones.

    Nous estimons que la Loi sur les Indiens devrait respecter les directives, les dispositions et les documents tels que la Charte canadienne des droits et libertés, le Plan fédéral pour l'égalité entre les sexes et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle devrait être conforme aux directives présentées par la Secrétaire d'État à la situation de la femme dans le document qu'elle a publié récemment qui encourage tous les paliers de gouvernement à soumettre tous les textes législatifs actuellement à l'étude à une analyse complète fondée sur l'égalité homme-femme en vue de remédier aux nombreuses situations qui ont été portées à notre attention au cours de la tournée que nous avons faite dans les diverses régions du pays.

  +-(0055)  

    Les femmes des Premières nations sont doublement désavantagées sous plusieurs angles. Beaucoup de femmes qui sont émancipées de leurs collectivités vivent à l'extérieur des réserves au centre de nombreuses villes canadiennes comme Winnipeg. Il est clair qu'elles ne bénéficient pas des avantages auxquels elles ont droit en leur qualité de membres des Premières nations puisqu'elles ne vivent pas dans des réserves et souvent à cause de l'insuffisance des ressources octroyées aux Premières nations pour subvenir aux besoins essentiels de leurs membres.

    Il faudrait examiner en même temps la question plus générale des transferts en vertu des accords de contribution. Je ne crois pas que l'on puisse traiter isolément les questions d'égalité homme-femme. Pour pouvoir répondre aux besoins fondamentaux des femmes des Premières nations, il faut commencer par examiner les questions plus vastes de l'augmentation du financement dans les accords de contribution. Et souvent, la situation des enfants est liée à celle des femmes.

    Voilà qui conclut mes remarques, monsieur le président. Je crois que j'ai tout dit.

+-

    Le président: Merci, monsieur Martin.

    Nous allons passer directement au vote par appel nominal.

    (L'amendement est rejeté par 8 voix contre 2)

    Le président: Nous allons maintenant établir le calendrier pour l'examen du projet de loi C-7.

    Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: Je propose que le comité adopte le calendrier suivant pour l'examen des projets de loi C-7 et C-19. Le calendrier est annexé à l'avis de réunion de la séance 58 sous réserve que le vendredi 4 avril, tous les amendements au projet de loi C-7 soient remis à la greffière au plus tard à 7 heures et que le lundi 7 avril, tous les amendements soient distribués dans les bureaux des membres à 9 h 30 avec une séance d'information technique qui...

+-

    Le président: Si nous le prenons par écrit, nous allons noter lundi...

+-

    M. Charles Hubbard: Je vais le déposer pour vous.

+-

    Le président: Oui, mais cela concerne tout le monde, il faut que l'on puisse le prendre en note.

+-

    M. Charles Hubbard: Très bien.

+-

    Le président : Que les amendements soient distribués dans les bureaux des membres le lundi...

+-

    M. Charles Hubbard: Avant 9 h 30 et que la séance d'information technique ait lieu à 7 heures, à la salle 104 de l'Édifice de la Justice.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

+-

    Le président: Un instant, il est au milieu de son...

+-

    M. Yvan Loubier: Je ne comprends pas ce qu'il dit.

+-

    Le président: Tu vas comprendre; on va recommencer après.

[Traduction]

    Monsieur Hubbard, permettez-nous de vous interrompre—M. Loubier est l'auteur de l'interruption—pendant que vous expliquez votre motion?

+-

    M. Charles Hubbard: Je pense que ce serait difficile.

+-

    Le président: Voulez-vous continuer?

+-

    M. Charles Hubbard: Poursuivons: que les mardi, mercredi et jeudi 8, 9 et 10 avril, le comité étudie le projet de loi article par article et que le président du comité dépose à la Chambre le rapport sur le projet de loi C-7 le vendredi 11 avril.

    Par ailleurs, monsieur le président, je propose que notre comité se penche sur le projet de loi C-19 le 29 et le 30 avril ainsi que le 1er mai qui sont des mardi, mercredi et jeudi—tous les jours sont sacrés; la plupart des jours, nous sommes contents d'être de ce côté, monsieur Martin—et que nous fassions l'examen article par article le mardi 6 mai.

    Je vous présente cette motion, monsieur le président.

·  +-(0100)  

+-

    Le président: Et maintenant, à l'intention de M. Loubier et les autres, si nous regardons le calendrier à partir du mardi 8 avril, la seule chose que nous ajoutons est «Vendredi 11 avril, dépôt du rapport à la Chambre». Précisons qu'il s'agit du projet de loi C-7. C'est, je crois, ce que vous avez dit.

    Pour le lundi 7 avril, on remarque qu'il s'agit d'une séance d'information technique à 19 heures, salle 104, Justice, et que les copies des amendements seront distribuées dans les bureaux des membres du comité avant 9 h 30. Plus haut, on note que le vendredi 4 avril, les amendements sont remis à la greffière avant 17 heures. Tout ce qui est prévu dans la recommandation précédente avant le vendredi 4 avril est annulé.

    Est-ce que c'est clair pour la motion de M. Hubbard?

+-

    M. Pat Martin: À débattre.

+-

    Le président: Tout d'abord, est-ce que M. Hubbard souhaite un débat? Non.

    Débat, monsieur Martin, dix minutes.

+-

    M. Pat Martin: Monsieur le président, j'invoque les principes élémentaires d'impartialité et de loyauté pour m'opposer vigoureusement au calendrier proposé . C'est un calendrier tout à fait déraisonnable pour examiner les nombreux enjeux que soulève le projet de loi C-7. Il est tout à fait injuste d'exiger que les amendements soient déposés jeudi avant 15 heures. Si j'ai bien compris, la limite pour le dépôt des amendements est fixée pour jeudi à 15 heures.

+-

    Le président: Non, c'est vendredi 4 avril à 15 heures.

+-

    M. Pat Martin: Cela nous donne moins d'un jour ouvrable pour élaborer ces amendements et les présenter. Je tiens à rappeler à tous—puisque certains d'entre vous n'êtes pas des membres habituels du comité—que nous devions entendre des témoins à Val d'Or, au Québec, le lundi 31 mars. Ce calendrier est inacceptable.

    Ce n'est pas équitable et je demande aux membres du comité de reconnaître que ce calendrier va à l'encontre des intérêts de tous. Si nous voulons vraiment élaborer une loi juste, nous devons rejeter ce piège qui n'est dans l'intérêt de personne puisqu'en bout de ligne, cela va nous empêcher d'examiner correctement le projet de loi.

    À mon avis, rien ne justifie cet examen accéléré du projet de loi. C'est tout à fait arbitraire de se donner pour obligation de déposer le rapport à la Chambre le 11 avril, d'autant plus que ce jour-là, la Chambre ajourne pour deux semaines et qu'il ne se passera rien à la Chambre des communes au sujet du projet de loi jusqu'à notre retour le 29 avril au plus tôt et encore, tout dépendra du calendrier fixé par les leaders parlementaires pour la deuxième lecture du projet de loi à la Chambre des communes. Ce n'est dans l'intérêt de personne et je suis même convaincu que cela va nettement à l'encontre des intérêts des personnes mêmes que ce projet de loi touchera le plus, à savoir les Autochtones qui se ressentiront directement de l'introduction de ce projet de loi.

    Par conséquent, il n'y a aucune raison valable d'examiner rapidement ce projet de loi pour le moment. La Loi sur les Indiens est une tragédie sociale qui dure depuis 130 ans. Pourquoi être si pressé tout à coup de faire adopter ce projet de loi avant même que le grand public ou la population la plus touchée soient mis au courant des détails, avant même que les informations soient parvenues aux collectivités locales qui sont en mesure de comprendre les implications de ce texte législatif et peut-être de prendre contact avec leurs députés pour exprimer leurs préoccupations ou leurs commentaires? Rien de tout cela ne sera possible avec un tel calendrier.

    Ce calendrier nous est imposé par le ministre ou par le premier ministre. Il ne vise certainement pas le bien-être des personnes que le projet de loi est censé servir. Aussi, au nom des très nombreuses personnes qui ont communiqué avec moi pour me demander de faire quelque chose au sujet du projet de loi C-7, je m'objecte de la façon la plus ferme possible à ce calendrier restrictif. Ce calendrier me prive du droit de présenter des amendements réfléchis et de leur donner le temps qu'ils méritent pour élaborer des amendements qui permettront d'apporter des modifications significatives à ce texte législatif insatisfaisant.

    Personne au pays ne veut de ce projet de loi dans sa forme actuelle. Je n'ai rencontré en fait qu'une seule personne qui est faveur de ce projet de loi et c'est Stan de Thunder Bay qui semble fixé et déterminé—il semble convaincu que tous les chefs des Premières nations sont des voleurs et que nous devons leur imposer des règles afin de protéger les droits de Stan et de son petit cercle d'amis. Moi je dis que Stan ne comprend absolument pas la portée de ce projet de loi. Il est l'instrument du ministre, un pion du ministre, un larbin du ministre, même dans ses activités...

·  +-(0105)  

+-

    Le président: Minute.

+-

    M. Pat Martin: ..et il commence à m'énerver encore plus qu'avant.

+-

    Le président: Silence!

    Je vous ai laissé faire tant que vous ne vous en preniez pas à une personne, mais c'est tout à fait incorrect de traiter quelqu'un de «larbin». Je déclare qu'il s'agit là d'un terme incorrect et je vous demande de ne plus l'utiliser et de ne plus parler des autres membres du comité de façon négative.

+-

    M. Pat Martin: Ce projet de loi soulève une telle opposition dans tout le pays qu'il est encore plus impensable de l'examiner de façon si urgente.

    J'ignore qui peut avoir intérêt à ce que ce projet de loi soit déposé aussi rapidement à la Chambre des communes, mais si le gouvernement croit pouvoir passer inaperçu, il se trompe car la population n'est pas dupe. Les personnes qui sont les plus touchées par ce projet de loi sont bien conscientes de ce qui se passe et elles font appel à tous ceux qui veulent bien les écouter. Elles demandent de bloquer ce projet de loi et de prendre le temps nécessaire pour l'examiner et y apporter des amendements importants.

    Je crois que le fait d'accélérer l'examen article par article comme le propose le calendrier, ne donnera pas suffisamment de temps pour une telle analyse. Plus de 100 amendements seront présentés et je ne pense pas qu'on pourra examiner attentivement ces amendements en poursuivant les débats jusqu'en plein coeur de la nuit.

    Si le président a l'intention de nous garder debout toute la nuit pour faire l'examen article par article, il faut qu'il sache que, ce faisant, il nuit à l'importance du projet de loi et à l'importance des amendements et qu'il les banalise en essayant de faire adopter ce texte en comptant sur l'épuisement de l'opposition. C'est une stratégie insultante que de vouloir nous faire travailler jusqu'à une heure du matin.

    Au nom du caucus du NPD, je dénonce cette stratégie et je dénonce cette tactique du président et du comité qui tentent de nous épuiser physiquement de manière à nous empêcher de présenter correctement les nombreux arguments que nous devons exposer pour recueillir un appui pour les amendements que nous allons déposer lors de l'analyse article par article.

    C'est pourquoi je résiste, je m'oppose et je m'objecte à ce calendrier. Je présente mes excuses aux nombreux chefs des Premières nations qui s'opposent à ce projet de loi... Je leur demande de m'excuser d'être membre de ce comité. Nous ne rendons pas services aux chefs des Premières nations du pays.

    Je les prie d'excuser mes collègues qui me mettent dans l'embarras par la façon dont ils traitent cette question importante et j'espère que les gens comprennent que par cette intervention, le gouvernement ne peut pas compter sur l'appui de tous les membres de ce comité lorsqu'il veut imposer ce texte de loi aux gens des Premières nations qui ont dit bien clairement qu'ils n'en veulent pas et qu'ils n'en ont pas besoin.

    Le gouvernement a trouvé l'instrument qu'il lui faut s'il souhaite détruire tout semblant de relation entre le gouvernement fédéral et les Premières nations. En adoptant un tel projet de loi, le gouvernement ne rend pas service aux Canadiens; il ne rend pas service aux Autochtones qui espéraient, avec un certain optimisme, que la Loi sur les Indiens soit modifiée et que certaines de leurs préoccupations légitimes soient prises en compte.

    Il est clair qu'avec le calendrier que propose le comité, nous n'aurons pas le temps d'examiner comme il se doit bon nombre des questions importantes dont nous avons été saisis. Nous ne pourrons même pas prendre correctement connaissance des nombreux exposés qui ont été présentés au comité au cours de sa tournée dans le pays.

    Le calendrier recommandé ne nous laisse pas suffisamment de temps pour entreprendre une analyse des recommandations présentées. Si le gouvernement n'a pas l'intention de tenir compte des exposés qui ont été présentés, cela veut dire qu'il n'écoute pas la population, que ce projet de loi a été élaboré sans aucune consultation et que le ministre nous a induits en erreur dès le premier jour.

    Le ministre avait laissé entendre qu'il y aurait amplement de temps pour examiner les amendements lorsque ce projet de loi serait présenté en première lecture au comité, qu'il prendrait sérieusement en considération tous les témoignages recueillis par le comité et qu'il en tiendrait compte dans la loi. Il me semble que nous entamons ce processus sur un mensonge éhonté—c'est tout ce que je peux dire—parce que je ne vois aucune preuve d'une volonté quelconque de la part du gouvernement de prendre en compte les préoccupations légitimes qui ont été soulevées. Le calendrier et l'ordre du jour qui nous sont proposés nous donnent la preuve que ce projet de loi se moque tout bonnement des besoins des Premières nations.

    C'est pourquoi, l'opposition est déçue que le gouvernement ne tienne compte d'aucune des préoccupations présentées. Nous protestons et nous nous objectons fermement.

·  +-(0110)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Martin.

[Français]

    Monsieur Loubier, vous avez 10 minutes.

+-

    M. Yvan Loubier: Je demande, en fonction des nouvelles règles que nous venons d'adopter en vertu de la motion de M. Finlay, qu'on ait plus de temps que les 10 minutes réglementaires pour pouvoir disposer du calendrier. Il est très important qu'on le sache puisque le calendrier est assez volumineux. Je demande donc un vote, monsieur le président, pour me permettre et pour permettre à M. Martin d'aller au-delà de 10 minutes.

+-

    Le président: Vous avez posé la question. Je n'ai pas besoin de discours. Il est deux heures du matin.

[Traduction]

+-

    Le président: M. Loubier demande qu'on lui permette de parler pendant plus de dix minutes. Il n'y aura pas de débat.

    Que ceux qui sont pour lèvent la main. Qui est contre?

    La demande est rejetée.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Je demande un vote par appel nominal, monsieur le président.

+-

    Le président: Il est trop tard.

[Traduction]

    Demande rejetée.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Comment ça, il est trop tard?

+-

    Le président: Lis le livre et tu verras qu'il faut le demander avant le vote.

+-

    M. Yvan Loubier: T'es «viré sur le top», toi. Voyons donc, j'ai le droit de demander un vote par appel nominal. Il est en train de péter les plombs, lui. À partir d'une heure, il n'est plus capable de raisonner.

+-

    Le président: Continuez, l'heure avance.

+-

    M. Yvan Loubier: J'ai demandé un vote par appel nominal. Pourquoi me dites-vous qu'il est trop tard?

+-

    Le président: Vous l'avez demandé après la tenue du vote.

+-

    M. Yvan Loubier: Le président pète les plombs à partir d'une heure du matin. Avec le calendrier serré qu'on a, imaginez à quel point le président va péter les plombs lorsqu'on va procéder à l'étude article par article s'il n'est pas capable de travailler plus tard que 1 h 15, alors que nous, on peut travailler toute la nuit sans problème.

    Une voix: First vote on the new rules.

    M. Yvan Loubier: Absolument. Eh bien oui, des nouvelles règles, c'est plaisant. Cet aspect positif à lui seul aurait pu nous aider quelque part, mais non, c'est défait tout de suite en partant lorsque vient le temps de discuter d'un horaire de travail comme celui-là.

    Je m'oppose à la proposition de M. Hubbard sur le calendrier parce que je trouve que cela n'a aucun sens. Compte tenu de la date d'aujourd'hui, au lieu de fixer au vendredi 4 avril la date limite pour remettre les amendements au bureau du greffier, on aurait dû fixer ce jour au 11 avril, car il nous reste une journée et demie avant cette date fatidique.

    La même chose vaut pour les séances d'information technique. On oublie aussi qu'on est en congé du 14 au 27 avril. On aurait tenu la séance d'information technique vers le 28 avril plutôt que le 7 avril si avait été suffisamment intelligent pour proposer un horaire de travail et un calendrier qui se tiennent. Mais non, on ne l'est pas assez; on propose des dates qui n'ont pas de bon sens. Compte tenu de l'évolution de nos travaux, l'étude article par article devrait avoir lieu les 29 et 30 avril et le 1er mai, plutôt que les 8, 9, et 10 avril. Cela n'a aucun sens. Comment voulez-vous qu'on puisse se faire une idée plus juste du projet de loi, étant donné les derniers témoignages qu'on a entendus et les analyses dont on a besoin, surtout sur les aspects juridiques, et en arriver à respecter cet échéancier tout en faisant notre travail correctement? On ne fera jamais notre travail correctement avec un calendrier de cette nature. Le dépôt du rapport à la Chambre est prévu le 11 avril.

    Je ne comprends rien là-dedans. Le ministre est venu nous voir et nous a dit que c'était un projet de loi d'une grande portée, dont les tentacules allaient se déployer sur toutes les façons de faire des nations autochtones et sur leur avenir, et on a trois jours pour procéder à son étude article par article. Ça se fera à partir de la semaine prochaine, alors qu'on n'aura même pas terminé l'analyse des mémoires. On veut procéder à toute vitesse, à toute vapeur, avec une proposition de calendrier tout à fait dénuée d'intelligence.

    C'est la même chose pour le projet de loi C-19. On a retenu le 29 avril; on aurait dû proposer le 6 mai. Quant à la proposition du mercredi 30 avril, aurait dû proposer le 7 ou le 8 mai, et on aurait dû retenir le 13 mai pour l'analyse et le vote article par article du projet de loi C-19.

    Je trouve que cela n'a aucun sens de nous imposer un rythme et des échéanciers de travail pareils pour un projet de loi d'une telle importance. Je commence à croire que vous vous moquez éperdument de tout le monde, que vous vous foutez complètement des nations autochtones, que vous crachez sur leur avenir, que vous vous foutez éperdument de ce qu'elles peuvent penser ou de ce qu'elles peuvent faire ou ne pas faire avec ce projet de loi, que vous ne vous souciez pas de jeter les bases d'une relation d'égal à égal entre nations avec les autochtones. Je commence à croire que vous vous foutez éperdument d'améliorer leur situation ou de l'empirer, puisque le projet de loi C-7...

    Si on avait encore plus de temps pour en discuter avant de procéder à l'étude article par article, on arriverait à vous prouver qu'on n'améliore absolument rien avec ce projet. Au lieu d'améliorer les choses, vous exacerbez les problèmes qui existent déjà.

    Pourquoi être bouché à ce point et vouloir adopter à toute vapeur, à partir d'un calendrier tout à fait débile, un projet de loi dont personne ne veut, un projet de loi qui est tout à fait irrespectueux des nations autochtones, un projet de loi qui est indigne de ce Parlement, un projet de loi qui bafoue les droits liés à des traités, les droits ancestraux et le droit à l'autonomie gouvernementale des nations autochtones?

    Comment se fait-il que vous soyez capables de nous imposer ce calendrier ridicule, stupide et indécent pour l'adoption à toute vapeur d'un projet de loi qui va saper les droits fondamentaux des peuples autochtones?

·  +-(0115)  

    Comment pouvez-vous adopter une attitude aussi cynique et méprisante à l'égard des nations autochtones? Comment pensez-vous que les nations autochtones vont vous considérer? Comment croyez-vous que les jeunes autochtones vont concevoir leur avenir tel que vous le leur imposez en quelques jours, à partir d'un projet de loi qui est tout à fait détestable et démentiel? Pouvez-vous m'expliquer où est l'urgence d'adopter un projet de loi qui est rejeté par les premiers concernés, d'est en ouest au Canada, qui n'est accepté que par ceux et celles que vous avez achetés ou que vous avez menacés par de l'intimidation digne du crime organisé, par exemple en menaçant de couper les subventions qui font vivre les groupes de défense des droits des autochtones?

    Mon collègue du NPD et moi-même allons faire beaucoup de démarches publiques pour expliquer l'ineptie du gouvernement, pour expliquer l'approche tout à fait odieuse que vous adoptez pour tracer la voie aux relations futures qu'on entretiendra avec les nations autochtones au Canada, des relations qui les infantilisent, qui sont méprisantes à leur endroit, qui ne respectent aucunement les nombreux jugements de la Cour suprême, qui vont à l'encontre des voies que vous ont tracées, entre autres, les recommandations du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Comment pouvez-vous être à ce point bouchés, à ce point bornés par l'idée que vous vous faites imposer par un ministre tout à fait incompétent sur les relations qui doivent s'établir entre les nations autochtones et le gouvernement fédéral? Comment pouvez-vous être à ce point fermés à toute critique et dire que vous avez raison de façon tout à fait arrogante et cynique, dire que vous avez la vérité, prétendre que vous savez mieux que les peuples autochtones ce qui est bon pour eux?

    Monsieur le président, plus ça va, plus les membres ministériels de ce comité sont détestables. Je trouve ça tout à fait inconvenant, tout à fait méprisant envers les peuples autochtones que de vouloir procéder à toute vapeur à l'adoption d'un projet de loi cynique qui ne règle rien et qui tente de les assimiler. On parle même, chez certains représentants des premières nations, d'un génocide législatif. Ce sont des choses qu'on devrait considérer. Mais non. Espèces de dictateurs! Je n'ai jamais vu des gens comme ça.

    J'ai envie de proposer un amendement pour qu'on dépose les amendements le 11 avril et non le 4 avril, ce qui nous donnerait au moins donner une petite chance. Je dépose un amendement qui propose qu'on inscrive le 11 avril comme date butoir pour déposer les amendements pour au moins nous donner une chance. Ayez donc la décence d'accepter cette proposition.

·  +-(0120)  

+-

    Le président: Attendez un instant. On va discuter de votre amendement.

+-

    M. Yvan Loubier: Écoutez, je n'ai pas fini mes 10 minutes.

+-

    Le président: Oui, vous avez fini en déposant un amendement.

+-

    M. Yvan Loubier: Mes 10 minutes sont écoulées?

+-

    Le président: Vous allez avoir encore 10 minutes pour votre amendement.

+-

    M. Yvan Loubier: D'accord, parfait.

+-

    Le président: Et vous aurez encore 10 minutes à la fin.

    Alors, qu'est-ce qu'on change?

+-

    M. Yvan Loubier: Au lieu du 4 avril, ce serait le 11 avril, pour nous laisser au moins quelques jours...

+-

    Le président: Je ne peux pas accepter l'amendement, parce qu'on ne peut pas faire l'étude du projet de loi article par article avant de déposer les amendements.

    Alors, je n'accepte pas l'amendement.

+-

    M. Yvan Loubier: Mais on décalerait l'étude article par article en conséquence.

+-

    Le président: Votre amendement dit que vous voulez les amendements le 11 avril.

+-

    M. Yvan Loubier: Oui, je veux remplacer le 4 avril par le 11 avril et décaler les dates du calendrier.

+-

    Le président: Alors, veuillez nous en parler. Quel est votre amendement?

+-

    M. Yvan Loubier: Mon amendement est de remplacer le vendredi 4 avril comme date de dépôt des amendements par le vendredi 11 avril, et de décaler toutes les autres dates d'une semaine, pour qu'on en arrive à l'analyse article par article autour du 15 mai plutôt que le 29 avril.

+-

    Le président: Vous avez donc un amendement. Alors, parlez de votre amendement.

+-

    M. Yvan Loubier: J'avais déjà commencé à parler de mon amendement, monsieur le président, en finissant mon exposé.

    Si on veut vraiment faire un travail le moindrement sérieux, en tout cas dans la mesure du possible, étant donné le bâillon qu'on nous a imposé et la rigidité de fonctionnement pour l'analyse de ce projet de loi et le dépôt des amendements, il nous faut plus de temps, surtout pour présenter des amendements. On ne peut pas, avec le délai de moins d'une journée et demie qu'il nous reste, déposer des amendements et respecter le calendrier que vous nous imposez. Cela n'a aucun sens, d'autant plus qu'il y a beaucoup d'amendements.

    En effet, si on veut améliorer un tant soit peu ce projet de loi et si on veut tenter de colmater les failles incroyables qui auront des conséquences incommensurables et non mesurables pour l'instant, parce que c'est plutôt à long terme qu'on va les voir, il faut beaucoup d'amendements. Et pour préparer ces amendements, il faut du temps. Nous n'avons pas l'appareil gouvernemental, nous, pour nous aider, comme partis de l'opposition, à préparer des amendements qui ont du sens et qui peuvent contribuer à améliorer le projet de loi C-7.

    Il me semble que déjà, vous nous avez confinés à des règles de débat qui sont extrêmement rigides. Vous avez voté majoritairement une motion d'attribution de temps qui nous brime dans nos droits comme députés. Vous nous imposez un calendrier qui n'a aucun sens au niveau du rythme de travail, sans tenir compte du sérieux que requiert l'élaboration d'amendements qui sont valables et qui vont dans le sens de l'amélioration du projet de loi.

    Vous faites fi de l'opposition des premières nations qui ont comparu devant nous, une opposition qui est virulente et qui risque de le devenir davantage si on adopte à toute vitesse un projet de loi qui est tout à fait inacceptable et qui ne règle rien des problèmes fondamentaux vécus par les membres des premières nations. Vous faites preuve d'une arrogance assez incroyable face aux revendications des premières nations et face à la représentativité de l'Assemblée des Premières Nations.

    Vous avez voté tout à l'heure, ce qui m'a complètement étonné, contre la motion visant à tenter de corriger la discrimination dont sont victimes les femmes autochtones. Vous avez tous voté contre l'amélioration de la situation à cet égard. Cela va un peu dans le sens de ce que j'avais pressenti dès le début de ma participation à ce comité.

    Vous ne respectez pas les nations autochtones. Vous ne les respectez pas comme étant des partenaires. Vous ne les respectez pas comme étant des nations ayant des droits. Vous ne considérez pas que ces droits sont inhérents. Vous ne considérez pas qu'il y a des traités qui exposent clairement ces droits. Vous ne comprenez absolument pas qu'il y a eu plusieurs jugements de la Cour suprême qui sont allés et continuent d'aller dans le sens du respect des droits ancestraux et des droits issus de traités des nations autochtones, de même que du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

    Vous ne comprenez pas qu'on n'est pas au XIXe siècle et que les droits ancestraux, les droits issus de traités et le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale sont tous des droits qui sont acquis aux autochtones. Ce ne sont pas des droits qu'on leur donne parce que ce sont des droits qu'ils ont, et on ne peut présider à l'extinction de ces droits. Mais vous continuez à prétendre, à l'instar de ce que vous avez fait avec la Loi sur les Indiens, que par l'entremise du projet de loi C-7, vous allez arriver à procéder à cette extinction des droits fondamentaux, du droit inhérent, des droits liés aux traités et des droits ancestraux des nations autochtones.

·  +-(0125)  

    Dans quel siècle vivez-vous? Quelles pensées vous animent? Quelle philosophie vous enthousiasme au point que vous avez du plaisir à frapper sur les droits des autochtones, à ignorer les problèmes incroyables auxquels sont confrontées les premières nations au Canada, des problèmes concrets, pas des problèmes de bureaucrates en mal de pouvoir du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, mais des problèmes sociaux, des problèmes économiques, des problèmes d'injustice, des problèmes de vol de terres, de vol de ressources, de non-respect des traités ancestraux qui partageaient les richesses, qui partageaient le territoire?

    Vous voulez nous imposer un calendrier aussi débile et dément que celui-là. En plus de ça, non contents de procéder de cette façon avec le projet de loi C-7, d'ignorer les revendications des nations autochtones, de les brimer dans leurs droits, d'aller à l'encontre même de la Déclaration universelle des droits de l'homme, vous faites fi des blâmes que vous avez eus dans le passé concernant les politiques gouvernementales fédérales et la façon dont vous abordez les revendications des autochtones.

    Vous ne respectez même pas les jugements de la Cour suprême. Mais quelle sorte de députés êtes-vous? Quelle sorte de gouvernement constituez-vous? Un gouvernement de république bananière? Je pense qu'on en est rendu là. Pour présenter des choses comme ça avec une procédure aussi insignifiante et imbécile, il faut être devenu une république bananière.

    Le pire, c'est qu'en voulant adopter à toute vapeur ce projet de loi, vous accélérez les frustrations incroyables que vivent les nations autochtones. On en a eu des exemples lors de notre tournée. On en a des exemples tous les jours aussi. Pensez-vous que les autochtones vont rester les bras croisés à vous regarder faire et accepter que vous accélériez l'adoption d'un projet de loi dont ils ne veulent pas? Pensez-vous que les jeunes autochtones vont se laisser voler leurs droits, piquer leur avenir, boucher leur horizon par un gouvernement prétentieux constitué de députés aussi prétentieux, arrogants et cyniques face aux nations autochtones? Pensez-vous qu'ils vont vous laisser faire?

    Vous vous trouvez brillants, ce soir? Vous vous trouvez très brillants avec toutes les manoeuvres que vous avez déployées pour nous enlever notre droit de parole ainsi que la liberté et la flexibilité nécessaires pour faire notre travail. Vous vous trouvez brillants quand vous riez les revendications des autochtones, quand vous niez leur droit à la différence, leur droit au développement, à la préservation de leur culture et de leur langue, au respect pour ce qu'ils sont. Vous trouvez ça drôle, aujourd'hui. Vous n'avez pas idée de l'effet que vous allez provoquer auprès des premières nations et en particulier auprès des jeunes, qui sont déjà impatients d'en découdre parce qu'ils en ont marre qu'on les écoeure comme ça.

    Il me semble que lors de la tournée, à moins que vous soyez tout à fait insensibles, que vous n'ayez pas de coeur ou que vous soyez dénués d'intelligence, ce dont je doute, ça se sentait que l'heure n'était pas aux discours et à l'imposition d'un projet de loi dont personne ne veut dans les premières nations, mais que l'heure était au dialogue.

    D'ailleurs, la Commission Erasmus-Dussault nous invitait au dialogue et nous engageait à reprendre les discussions avec les nations autochtones sur des bases de nation, dans le respect, avec l'idée de donner aux nations autochtones les moyens de se reconstruire, de se refaire, de retrouver leur dignité perdue, de retrouver la fierté, ou plutôt, comme ils ont déjà cette fierté, d'aiguiser davantage la fierté de ce qu'ils sont.

    Je m'explique mal votre empressement à vouloir adopter un projet de loi aussi détestable et minable que celui-là, et aussi votre empressement à utiliser des astuces pour nous enlever le droit d'effectuer correctement notre travail. Vous savez, vous allez le payer à un moment donné. Comme mon père aurait dit, on ne peut pas indéfiniment écoeurer le peuple sans que le peuple se révolte. Et dans le cas des nations autochtones, on est arrivé à un point de saturation.

·  +-(0130)  

Même les coprésidents de la Commission royale sur les peuples autochtones, M. Erasmus et M. Dussault, sont arrivés à cette conclusion.

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

    Est-ce qu'il y a un autre débat sur l'amendement?

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Pour l'amendement, monsieur le président, je suis convaincu que l'argument de M. Loubier est tout à fait valide quand il affirme que le calendrier que vous proposez ne permet pas d'examiner suffisamment les questions sur lesquelles il est de notre devoir de nous pencher.

    L'avantage de la recommandation ou de la suggestion que présente M. Loubier au comité est qu'elle nous donnerait suffisamment de temps pour examiner le déroulement de cet ordre du jour, pour la présentation des séances d'information technique et l'audition des témoins supplémentaires que beaucoup d'entre nous sont intéressés à entendre. En fait, on espérait même pouvoir inviter le ministre lui-même à se présenter devant le comité avant le dépôt des amendements, car le comité pourrait ainsi présenter au ministre les observations qu'il a faites au cours de sa tournée dans le pays.

    Le ministre a la fâcheuse réputation de ne pas assister aux réunions auxquelles participent des Indiens. Il n'aime pas se trouver en présence d'Indiens, parce que les Indiens ne l'apprécient pas. Cela a posé problème lors de nombreuses réunions—le ministre des Affaires indiennes ne peut pas côtoyer des chefs autochtones, parce que c'est immédiatement la bagarre dès qu'ils se rencontrent.

    Nous avons assisté à des réunions où le ministre s'est enfui comme un lapin par une porte dérobée. Il ne voulait pas écouter les doléances qui lui sont présentées. Tout récemment, au Pas, dans le Manitoba, où le grand chef Francis Flett et le grand chef Margaret Swan ont coprésidé une réunion du conseil de développement économique—les deux régions du Manitoba se sont rencontrées au Pas pour comparer les meilleures pratiques en matière de développement économique dans leurs collectivités. Il n'y avait rien de politique là-dedans; en fait, le débat n'était pas politique.

    Le ministre était l'orateur invité ce soir-là et tous les chefs du Manitoba étaient venus—c'est assez récent; c'était le mois dernier—et le ministre ne s'est pas présenté. Là encore, il a préféré ne pas se montrer.

    Pourtant, c'aurait été l'occasion pour le ministre des Affaires indiennes de découvrir le point de vue des Indiens du pays. Puisqu'il nous a chargés de nous rendre partout au pays pour entendre les témoignages des gens des Premières nations, on peut penser qu'il serait intéressé à nous entendre parler de tous ces témoignages.

    Il aurait été utile, comme l'a proposé M. Loubier pour le calendrier, que nous ayons des consultations le matin et l'après-midi du mercredi 9 avril comme cela est prévu maintenant pour le mercredi 2 avril : «  peut-être avec le ministre ». Je suis convaincu que le ministre devrait se présenter devant le comité avant que nous ayons terminé le dépôt des amendements et avant que nous commencions l'étude article par article.

    L'autre raison c'est qu'il n'est pas habituel—ce n'est vraiment pas très courant—pour nous d'examiner des amendements après la première lecture. Nous n'avons même pas fait d'intervention en deuxième lecture sur cette question à la Chambre des communes. Nous n'avons jamais eu l'occasion à la Chambre des communes d'entendre le point de vue de nos collègues parlementaires sur le projet de loi C-7 puisqu'en vertu de cette demande unique, le projet de loi a été soumis au comité après la première lecture. Par conséquent, il n'y a eu aucun débat en chambre. Ironiquement, ces amendements vastes et complets de la Loi sur les Indiens seront déposés et entérinés avant même que le projet de loi ne soit examiné à la Chambre des communes.

    Par conséquent, il est d'autant plusus normal de prendre plus de temps pour mener à bien ce processus, consulter nos propres caucus et même consulter les nombreux députés qui ne sont pas membres du présent comité mais qui représentent plusieurs communautés des Premières nations ou tout au moins des Autochtones de leurs circonscriptions.

    Les bonnes raisons ne manquent pas pour s'opposer à l'examen accéléré de ce projet de loi. Nous devrions suivre le conseil donné par M. Loubier dans son amendement. Je pense que M. Loubier a présenté un amendement très pratique et très réaliste en demandant une prolongation dans un amendement assez modeste.

·  +-(0135)  

    Si M. Loubier n'avait pas été sérieux ou s'il avait tout simplement voulu adopter une tactique dilatoire, il aurait proposé une prolongation d'un mois ou même jusqu'à l'ajournement d'été, par exemple. Ce n'est pas ce qu'il a fait. Il a proposé une prolongation d'une semaine, ce qui nous aurait amenés à remplacer le 4 avril par le 11 avril sur ce calendrier et à reporter toutes les activités en conséquence.

    Il est important à mon avis de tenir compte du raisonnement de M. Loubier si nous voulons bien faire les choses. Il est clair que le comité doit entendre les spécialistes de Justice Canada avant de pouvoir terminer l'étude article par article du projet de loi.

    J'ai appris après en avoir fait l'expérience que le projet de loi ne sera pas soumis à nouveau au comité après la deuxième lecture à la Chambre des communes. Nous n'aurons pas une deuxième possibilité de faire ce que nous considérons comme le travail du comité, après la deuxième lecture. Nous n'aurons pas d'autre occasion que celle-ci. Plus tard, au moment de la troisième lecture, il est possible, je suppose, de présenter des amendements à la Chambre, mais nous ne serons pas en mesure de présenter ces amendements. Nous autres assis autour de cette table ne pouvons pas présenter d'amendements au stade de la troisième lecture. Seuls les députés qui ne sont pas membres de notre comité peuvent proposer des amendements après la troisième lecture.

    Par conséquent, c'est notre seule chance de présenter des recommandations en vue d'amendements au projet de loi et de plaider en faveur de ces amendements. Sinon, les possibilités sont beaucoup plus limitées à la Chambre des communes. Chacun sait que c'est au stade de l'examen en comité que les amendements sont généralement présentés et débattus.

    Or, le calendrier ne nous en laisse pas le temps, compte tenu des limites étroites stipulées dans la motion présentée par le secrétaire parlementaire—et je sais qu'il l'a fait exprès car il ne veut pas nous laisser de temps—pour préparer les amendements et préparer les arguments nécessaires pour débattre de ces amendements. Si les amendements sont nombreux, nous voulons pouvoir consulter des personnes de l'extérieur, parler aux gens que nous représentons, lors de l'élaboration de ces amendements. Personne ne peut prétendre que nous aurons suffisamment de temps entre ce soir et demain matin, moment où nous sommes censés commencer à étudier les amendements. Il est absolument impossible par exemple de consulter les conseillers techniques de l'Assemblée des Premières nations au sujet des amendements, parce que nous n'avons tout simplement pas le temps.

    Les Premières nations sont encore une fois bâillonnées. Pour la deuxième fois, on leur ferme la porte au nez, pour ainsi dire, puisque la première fois, lorsqu'elles ont manifesté leur opposition à la Loi sur la gouvernance des Premières nations, on leur a coupé les vivres. Elles ont perdu 50 p. 100 de leur financement et ont dû se séparer de bon nombre de leurs spécialistes en matière d'autonomie gouvernementale. Et maintenant, les Premières nations n'ont même pas la possibilité de présenter des amendements de manière à limiter les dégâts causés par le projet de loi C-7 et on ne leur donne même pas suffisamment de temps pour donner leur point de vue dans le cadre du processus de révision préalable à l'adoption de ce projet de loi.

    Par conséquent, les Premières nations sont doublement exclues de ce processus. Les spécialistes mêmes de cette question, ceux qui ont fait des études universitaires sur le sujet et qui sont devenus des experts dans le domaine de l'autonomie gouvernementale des Premières nations, n'ont pas le droit de participer au processus.

    Ce droit leur est refusé de trois manières différentes. Premièrement, il n'y a pas eu de processus de consultation et n'importe qui peut en témoigner. Deuxièmement, les Autochtones ont été affaiblis par le fait de devoir se séparer des spécialistes de ce domaine à l'Assemblée des Premières nations . Troisièmement, nous n'aurons pas suffisamment de temps pour examiner les questions, étant donné tous les témoignages que nous avons entendus dans le pays et nous n'aurons pas suffisamment de temps pour leur présenter les différents enjeux et leur permettre d'avoir leur mot à dire dans l'élaboration des amendements à ce projet de loi.

    Par conséquent, la participation des Autochtones à l'élaboration de ce projet de loi est nulle, absolument négligeable. Même le Comité consultatif ministériel conjoint qui s'est rencontré pendant 18 mois avant le dépôt de ce projet de loi, avait présenté des recommandations dont on n'a pas tenu compte. Des Autochtones siégeaient au CCMC. Des chefs très respectés des Premières nations ont participé avec optimisme à ce comité consultatif, espérant qu'ils pourraient apporter quelques changements importants. Le plus souvent, même leurs recommandations pratiques n'ont pas été prises en compte et n'ont eu aucune incidence sur le projet de loi.

    Nous ne pourrons même pas téléphoner aux principaux membres du CCMC pour obtenir leur opinion, puisque nous n'en aurons pas le temps.

·  +-(0140)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Martin.

    Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

    Êtes-vous prêts pour la question?

[Français]

    Est-ce que tu veux un vote par appel nominal?

+-

    M. Yvan Loubier: J'ai encore 10 minutes.

+-

    Le président: Quand je demande s'il y a d'autres commentaire, dites-moi s'il y en a.

+-

    M. Yvan Loubier: Cela va automatiquement avec les nouvelles règles.

+-

    Le président: Tu ne bouges pas. Est-ce que je suis censé deviner?

+-

    M. Yvan Loubier: Ne fais pas ton smart.

+-

    Le président: Est-ce que tu veux parler?

+-

    M. Yvan Loubier: Bien sûr que je veux parler.

+-

    Le président: Monsieur Loubier, vous avez 10 minutes.

+-

    M. Yvan Loubier: Il me semble que c'est automatique avec les nouvelles règles qu'on a adoptées. Mais quel arrogant! C'est incroyable! Il est à l'image de son gouvernement. Quelle honte d'arriver avec une situation comme celle-là, où il n'y a plus de respect de la part de la présidence pour les membres de ce comité. Je veux bien croire qu'il est presque deux heures du matin, mais il me semble qu'il faudrait garder son calme. Il faudrait aussi faire preuve de bonne humeur, puisqu'il faut discuter du projet de calendrier qui est devant nous, qu'on le veuille ou non. Il faut en débattre et en arriver à un consensus.

    Je trouve que le fait de proposer le dépôt des amendements pour vendredi n'a aucun sens et qu'il faut plutôt prévoir une semaine de plus pour nous permettre de faire notre travail correctement.

    En plus de nous pénaliser avec les délais, vous nous traitez comme si on était des moins que rien, monsieur le président. Il faudrait faire attention parce qu'à un moment donné, ça va vous retomber dans la face. D'ailleurs, demain, on aura une première discussion à la Chambre des communes sur la façon dont vous vous êtes comporté aujourd'hui, à l'encontre même des règles régissant les travaux du comité, en acceptant la mise aux voix d'une proposition de M. Hubbard, alors que vous ne deviez pas le faire. Mais c'est une autre question.

    Pourquoi faut-il absolument que notre rapport soit déposé à la Chambre le 11 avril? Qu'est-ce qui est si urgent? Qu'est-ce qui presse le gouvernement d'adopter rapidement ce projet de loi, alors que les autochtones attendent depuis 130 ans qu'on remplace l'infâme Loi sur les Indiens par de nouvelles bases de relations entre les nations autochtones et le gouvernement fédéral, des relations respectueuses de ce que sont les nations autochtones, c'est-à-dire de vraies nations qui veulent se reconstruire et faire en sorte que tous les préjudices qu'on leur a fait subir depuis 130 ans soient réparés? Les peuples autochtones veulent repartir sur de nouvelles bases. Ils veulent se faire respecter et ils veulent qu'on respecte ce qu'ils sont et ce qu'ils étaient avant l'arrivée des Européens. Ce que nous leur avons enlevé, ils le réclament aujourd'hui.

    Ils ont des alliés assez incroyables: l'Organisation des Nations Unies, la Cour suprême du Canada et celle des États-Unis qui, dans leurs nombreux jugements, leur donnent raison. Pourquoi êtes-vous si pressés d'adopter un projet de loi qui ne remplace aucunement l'indécente Loi sur les Indiens, mais qui s'y ajoute pour compliquer considérablement des choses qui sont déjà complexes aujourd'hui?

    J'ai du mal à m'expliquer l'empressement du gouvernement et surtout des députés membres du Comité des affaires autochtones à procéder à la vitesse de l'éclair à l'analyse du projet de loi et des amendements dont nous allons débattre, à nous imposer un carcan, une espèce de bâillon, une attribution de temps sur des questions aussi fondamentales que celles-là.

    Il me semble qu'on est rendu plus loin que ce que nous propose le projet de loi C-7. On est rendu beaucoup plus loin, et cela depuis la publication du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Le constat qu'on a fait dans les travaux de cette commission est vraiment remarquable. Entre autres, lorsqu'on lit attentivement le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, une conclusion s'impose à nous: c'est qu'il ne faut absolument pas reproduire les erreurs du passé. Permettez-moi de citer un passage de ce rapport:

Notre conclusion essentielle peut se résumer en quelques mots: c'est une mauvaise ligne de conduite qui a été suivie pendant plus de 150 ans par les gouvernements coloniaux et par les gouvernements canadiens ultérieurs.

Les gouvernements successifs ont tenté--parfois intentionnellement, parfois par simple ignorance--d'assimiler les autochtones dans la société canadienne et d'éliminer tout ce qui en fait des peuples distincts. Au fil des années et des décennies, les politiques ont miné et presque anéanti les cultures et les identités autochtones.

    Aujourd'hui, on ne peut plus plaider l'ignorance. Ce que vous faites est intentionnel: vous voulez éteindre leurs droits.

·  +-(0145)  

    Le rapport Erasmus-Dussault qualifie de mauvaise la ligne de conduite qui a été suivie pendant plus de 150 ans par les gouvernements coloniaux et par les gouvernements canadiens ultérieurs. Cela implique donc qu'on ne doit pas refaire les mêmes choses et qu'il ne faut plus poursuivre de la même façon les relations--qui sont plutôt, en l'occurrence, des relations d'écrasement--que nous avons entreprises et entretenues avec les nations autochtones, surtout à partir de l'adoption de la Loi sur les Indiens.

    Il faut donc recommencer sur des bases solides qui mettent en exergue le respect mutuel et le respect envers les nations autochtones, pour ce qu'elles sont et pour ce qu'elles ont représenté dans l'histoire et la construction de ce pays. Il faut prendre en compte ce qu'on leur a enlevé, les traités qu'on a conclus mais qu'on n'a pas respectés, par exemple. En effet, plusieurs traités n'ont pas été respectés par le gouvernement canadien. Plusieurs d'entre eux ont été foulés du pied, et de nombreux droits ont été niés aux nations autochtones. Il faut reprendre le débat sur d'autres bases et il faut surtout faire participer les représentants autochtones à l'élaboration de ces nouvelles bases pour que celles-ci soient consensuelles.

    Comment peut-on dire aux nations autochtones qu'on leur impose un projet qui les concerne et qui concerne leur gouvernance, que c'est à prendre ou à laisser, et que l'offre est finale, tout en leur disant, d'un autre côté, que ce n'est pas ce qu'on veut, que ça ne règle rien et qu'en plus, ça ne fait que créer des problèmes? Comment voulez-vous qu'on établisse les bases d'un partenariat à partir d'un processus comme celui-là?

    On a proposé à quelques reprises, lorsqu'il était question de redéfinir ces bases, de faire appel aux services de représentants autochtones. Ces derniers savent mieux que quiconque se trouvant autour de cette table ce dont ils ont besoin, ce qu'ils veulent pour l'avenir, ce qu'ils souhaitent accomplir pour reconstruire leur nation et ce qu'ils souhaitent en termes de perspectives d'avenir pour leurs jeunes. Il me semble logique, dans la perspective de reconstruire des partenariats--dans ce cas-ci, il s'agit en fait de construire des partenariats qui n'existent pas à l'heure actuelle--, de s'associer dès le départ à nos futurs partenaires. Il me semble que c'est la logique même. Il est insensé de travailler de notre côté et de leur imposer des choses, pour ensuite leur présenter la nouvelle base du partenariat. Ce n'est pas une façon logique et correcte de procéder.

    Mais chaque fois que mon collègue Pat Martin et moi-même avons proposé d'inviter des représentants des nations autochtones à participer à nos travaux, on nous a dit que cela n'avait aucun sens et qu'il n'était pas acceptable que des non-élus fassent partie d'un comité permanent. Que sont les sénateurs, sinon des non-élus? Pourtant, ils font partie des comités mixtes sénatoriaux. Nous siégeons à des sous-comités avec eux. Ces gens-là ne sont pas élus.

    Quelle est la différence entre le fait que le premier ministre nomme des sénateurs pour siéger à nos comités et celui de nommer des représentants autochtones--à partir de recommandations faites par les premières nations--pour redéfinir avec nous les bases d'un nouveau partenariat et proposer un projet de loi qui soit plus acceptable que le genre d'amalgame de stupidités qui se trouvent dans le projet de loi C-7?

    On dit que le temps, c'est de l'argent. Le temps, c'est aussi une ressource précieuse qui peut nous permettre d'évaluer correctement la situation et de proposer des alternatives viables et acceptables aux premiers concernés, c'est-à-dire les gens qui constituent les premières nations au Canada. Jusqu'à présent, on a failli à cette tâche. On a ignoré pendant des décennies des revendications justes et correctes exprimées par les nations autochtones. On a nié leurs droits, et aujourd'hui, on perpétue l'attitude adoptée il y a 130 ou 150 ans, dépendamment de la perspective qu'on donne à l'analyse. Il faut qu'à un moment donné, ces choses cessent et qu'on mette un terme à cette stratégie d'affrontement qui fait qu'on enfonce dans leur gorge des choses dont les nations autochtones ne veulent pas.

·  +-(0150)  

    Monsieur le président, je vais demander que ma motion fasse l'objet d'un vote par appel nominal, parce que je veux justement qu'on identifie...

[Traduction]

+-

    Le président: D'accord.

    Nous sommes prêts pour le vote. On a demandé un vote par appel nominal.

    (L'amendement est rejeté par 8 voix contre 2)

    Le président: Passons maintenant à la motion principale...

+-

    M. Charles Hubbard: Monsieur le président, avant de passer au vote, j'aimerais présenter quelques arguments au sujet de la motion principale.

+-

    Le président: Monsieur Hubbard, vous avez la parole pour vous exprimer au sujet de la motion principale.

+-

    M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

    Je tiens à préciser, pour le compte rendu, que depuis trois jours maintenant—le 27 mars et ensuite le 1er et le 2 avril—notre comité a écouté le monologue de deux membres de l'autre côté de la table qui nous ont englouti sous un déluge d'information ne menant nulle part. Ils ont insulté les membres du comité assis de ce côté de la table; ils ont dit que nous étions têtus. Je peux vous assurer, monsieur le président, que nous sommes peut-être têtus, mais nous ne sommes pas stupides.

    J'aimerais rajouter, aux fins du compte rendu, que les deux membres assis en face ont parlé de consensus. Si j'avais adhéré à leur consensus, je pense que je ne serais jamais venu à Ottawa. Je n'aurais jamais accepté d'adhérer au type de consensus et à la vision qu'ils proposent de ce projet de loi.

    Je suis déçu, parce qu'au cours de notre tournée dans les régions du pays, un membre de notre comité n'a manqué aucune occasion de se prononcer contre le projet de loi, allant même jusqu'à le déformer au point de donner des impressions fausses à bon nombre de membres des Premières nations.

    Là-dessus, j'aimerais que l'on vote et que l'on mette un point final à cette soirée.

·  -(0155)  

+-

    Le président: Vote sur la motion principale...

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Un vote par appel nominal, s'il vous plaît.

+-

    Le président: Vous l'avez demandé à temps.

[Traduction]

    C'est un vote par appel nominal.

    (La motion est adoptée par 7 voix contre 2)

    Le président: Revenons maintenant au début de l'ordre du jour et nous allons commencer par les collations de travail. Ça ne devrait pas être très long. Je suppose que nous en avons déjà pris quelques-unes.

Que les collations commandées pour le comité durant l'étude du projet de loi C-7 soient portées au budget du comité.

    Est-ce que quelqu'un propose cette motion?

+-

    M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan): Je propose.

-

    Le président: Est-ce que nous devons en discuter? Êtes-vous prêts à vous prononcer?

    (La motion est adoptée)

    Le président: Passons maintenant à la motion numéro 2 concernant Jodie-Lynn Waddilove:

Qu'aux fins de son étude du projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des Premières nations , le comité retienne les services de Jodie-Lynn Waddilove et la charge de résumer les mémoires au taux horaire de 20 $, à concurrence de 200 heures et d'une note de frais totale de 4 000 $, TPS en sus.

    Est-ce que quelqu'un propose cette motion? Motion proposée par M. Pacetti.

    Est-ce qu'il y a un débat? Êtes-vous prêts à vous prononcer?

    (La motion est adoptée)

    Le président: La séance est maintenant levée.