Passer au contenu
Début du contenu

FOPO Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

Le rôle du gouvernement fédéral en aquaculture

Lois et règlements actuels

Un des grands facteurs qui touche la gestion et le développement de l’aquaculture au Canada est le cadre complexe de lois et de règlements qui en régissent la pratique. Le gouvernement fédéral dispose de plusieurs champs de responsabilités en aquaculture, résumées au Tableau 4.

Tableau 4 : Responsabilités des organismes fédéraux en aquaculture

Les articles 34, 35 et 36 de la Loi sur les pêches interdisent la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson (DDPH), ainsi que le rejet de substances nocives. La Garde côtière canadienne est tenue d’approuver les fermes aquacoles situées en eau navigable, en vertu de l’article 5 de la Loi sur la protection des eaux navigables. L’approbation des concessions en vertu de cette loi ou des dispositions DDPH de la Loi sur les pêches peut faire l’objet d’une évaluation de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale.

Dans 8 des 13 provinces et territoires18, les mandats du fédéral et de la province ou du territoire sont précisés dans un protocole d’entente bilatéral sur le développement de l’aquaculture19, qui délimite les responsabilités, évite les dédoublements et améliore l’appui au secteur. Les protocoles assignent au fédéral les responsabilités suivantes : santé et inspection du poisson; protection de l’habitat; recherche scientifique. Les provinces et les territoires sont responsables de la promotion, du développement et de la réglementation de l’aquaculture. Ils délivrent généralement les permis et les baux, à l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard où le fédéral conserve cette responsabilité.

Une loi fédérale sur l’aquaculture

La plupart des provinces et toutes celles qui ont accès à la mer disposent de lois ou de règlements sur l’aquaculture20, mais il n’existe pas de loi fédérale sur l’aquaculture et aucune loi ni règlement fédéral n’en traite précisément. Leur absence cause des problèmes à la fois aux aquaculteurs et aux autres intervenants. À titre de nouveau secteur d’activité, l’aquaculture doit concurrencer sur son terrain des secteurs établis comme la pêche traditionnelle et le transport maritime. La responsabilité des règlements touchant l’aquaculture est répartie entre plusieurs ministères et organismes fédéraux; ces règlements sont généralement conçus à l’intention d’autres activités que l’aquaculture.

L’aquaculture n’est pas de la pêche au sens traditionnel, mais une activité beaucoup plus voisine de l’élevage du bétail. À ce titre, elle nécessite des lois et des règlements qui répondent à ses besoins et à son contexte particuliers. La légitimité et les droits de l’aquaculture, que le gouvernement fédéral appuie vigoureusement, doivent être établis non seulement en politique, mais également en droit. En même temps, les responsabilités des aquaculteurs doivent être formulées sans ambiguïté afin que ces derniers soient tenus à des normes claires.

La Loi sur les océans, entrée en vigueur en janvier 1997, est le fondement législatif de la Stratégie de gestion des océans. Cette stratégie s’appuie sur trois principes : le développement durable, la gestion intégrée des activités; le principe de précaution. Selon certains témoins, ces principes ne sont pas respectés à l’égard de l’aquaculture. Certains soutiennent que la salmoniculture n’est pas pratiquée de façon écologique et que le principe de précaution n’a pas été appliqué lorsqu’on a permis la salmoniculture en cage en filet. Par ailleurs, certains soutiennent que les opposants à la salmoniculture brandissent le principe de précaution pour freiner le développement légitime de l’aquaculture en exigeant une garantie de risque nul. Le Comité estime qu’une définition claire du développement durable et du principe de précaution, appliqués à l’aquaculture, aiderait à résoudre ce débat.

Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 1

Que le gouvernement fédéral adopte une loi sur l’aquaculture qui :

 reconnaîtra en droit l’aquaculture comme utilisateur légitime des ressources aquatiques;
 donnera une définition légale de l’aquaculture;
 formulera les droits et obligations des aquaculteurs;
 reconnaîtra que l’aquaculture n’est pas une pêche en soi mais une forme d’élevage;
 sera le fondement légal d’une politique adéquate;
 définira le développement durable comme suit :

Développement qui répond aux besoins actuels sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs21;

 définira le principe de précaution comme suit :

En cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement22;

 visera à consolider les lois régissant l’aquaculture afin d’éviter les dédoublements et les procédures inutiles;
 donnera le pouvoir de consolider et de simplifier les règlements applicables à l’aquaculture en un règlement fédéral complet sur l’aquaculture.

Règlement fédéral sur l’aquaculture (principes généraux)

Comme les règlements traduisent les lois dans la pratique, il importe également que le gouvernement rédige le règlement d’application d’une nouvelle loi fédérale sur l’aquaculture dans un délai raisonnable. Comme l’aquaculture est une activité économique importante depuis seulement 20 ans au Canada, l’essentiel des règlements actuels ne convient pas à cette activité. Les règlements actuels qui s’appliquent à l’aquaculture sont éparpillés dans les lois fédérales et, comme on a dit au Comité, sont parfois appliqués de façon différente selon les régions du pays. Aucun règlement fédéral ne vise l’aquaculture pour ce qui est un des enjeux les plus importants de l’utilisation des ressources aquatiques, la protection de l’habitat du poisson et le rejet des déchets.

Cette situation cause doute et confusion chez les aquaculteurs et pourrait nuire au développement raisonnable de leur secteur. Elle frustre également d’autres acteurs des milieux marin et d’eau douce, qui perçoivent que le contrôle et l’application des règles et des normes à l’aquaculture est inégal, voire inexistant.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 2

Qu’un règlement d’application de la loi fédérale sur l’aquaculture soit rédigé qui :

 contiendra un ensemble de normes claires pour les aquaculteurs, les autres intervenants et le public;
 assurera la transparence, l’uniformité et la responsabilité face au public de tous les mécanismes prévus au règlement;
 assurera une application uniforme de normes nationales élevées en aquaculture partout au pays; et, enfin
 assurera la stabilité à long terme du secteur et encouragera une croissance responsable et viable de l’aquaculture.

De nombreux témoins ont souligné au Comité que la réglementation actuelle n’était pas appliquée. Or, un règlement qui n’est pas appliqué est sans valeur. Pour déterminer si les aquaculteurs le respectent, le MPO doit améliorer son contrôle des établissements d’élevage et y assigner les ressources humaines et financières nécessaires. Le Comité estime que le fait de garantir que les aquaculteurs répondent à des normes nationales élevées profitera au secteur dans son ensemble et améliorera la perception de l’aquaculture chez le public.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 3

Que le ministère des Pêches et des Océans affecte les ressources financières et humaines nécessaires pour garantir le respect des règlements fédéraux sur l’environnement dans les exploitations aquacoles marines; dans les provinces et territoires qui ont des règlements, que le MPO collabore avec ceux-ci pour s’assurer que les normes, le contrôle et l’application sont en tout point conformes aux normes fédérales. Pour aider à financer ces activités, le MPO devrait établir des mécanismes de partage des coûts avec l’industrie, partage qui se justifie par l’accès qui lui est donné à une ressource publique.

En aquaculture comme dans tout autre secteur, il y aura parfois des exploitants irresponsables ou motivés par le profit à court terme. Quand ces cas sont exposés dans les médias, on a tendance à juger que tout le secteur est en faute, au détriment de la majorité des aquaculteurs compétents et honnêtes.

Selon l’Alliance de l’industrie canadienne de l’aquiculture, le secteur est mal équipé pour discipliner les mauvais aquaculteurs. Le gouvernement fédéral doit s’assurer lui-même que les exploitations aquacoles respectent ses règlements et directives.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 4

Que le gouvernement fédéral établisse un mécanisme lui permettant de s’assurer que des sanctions sont imposées aux aquaculteurs qui contreviennent à la réglementation fédérale. Ce mécanisme doit prévoir la protection des dénonciateurs à l’emploi du secteur de l’aquaculture et de l’État.

La Politique du MPO en matière d’aquaculture demande au Ministère d’établir des conditions visant à convaincre le public que l’aquaculture se pratique de façon écologique et à favoriser la compétitivité du secteur sur le marché mondial. La viabilité écologique est dans l’intérêt de la société comme du secteur aquacole. Il est essentiel que l’aquaculture soit écologique, et que le public canadien le sache. À cette fin, le gouvernement fédéral pourrait promouvoir, et le secteur adopter, un système international reconnu de gestion environnementale comme la norme ISO 1400123. Cela convaincrait le public et les autres intervenants que le secteur s’engage à respecter les plus hautes normes de rendement environnemental; l’accréditation ISO pourrait également se révéler un bon outil de marketing dans un marché mondial très concurrentiel.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 5

Que le gouvernement fédéral favorise un système d’amélioration environnemental continu pour l’aquaculture, comme la norme ISO 14001, et que le Canada fasse la promotion de ce système internationalement pour uniformiser les règles du jeu.

Compétences et application

Le MPO a le mandat légal de protéger le poisson et son habitat, et ce mandat demeure même quand des ententes administratives en délèguent la responsabilité aux provinces. Une bonne partie des critiques adressées à l’aquaculture viennent de l’impression que le gouvernement fédéral, par le MPO et Environnement Canada, n’assume pas pleinement sa responsabilité de protéger les stocks de poisson sauvage et l’environnement des effets potentiellement nocifs de l’aquaculture. Cette situation nuit à l’intérêt public comme à celui de l’aquaculture. Le MPO doit reconnaître sa responsabilité issue de la Loi sur les pêches, de protéger les stocks sauvages et leur habitat.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 6

Que les dispositions de la Loi sur les pêches, de la Loi sur la protection des eaux navigables et de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement soient appliquées à tous les établissements aquacoles actuels et futurs;

Que le MPO assume pleinement sa responsabilité de sauvegarder les stocks de poisson sauvage et les ressources marines en agissant comme gardien de l’intérêt public tant en aquaculture qu’en pêche commerciale.

Clarification des attributions du fédéral et des provinces

Même si les attributions du fédéral, des provinces et des territoires sont formulées dans une série de protocoles d’entente bilatéraux sur le développement aquacole, il semble y avoir souvent confusion à cet égard. Il y a également souvent chevauchement de responsabilités : ainsi, la Colombie-Britannique a établi son propre règlement sur la gestion des déchets. La Politique du MPO en matière d’aquaculture cherche à améliorer la compétitivité du secteur sur le marché mondial même si, aux termes des protocoles d’entente, les provinces et territoires sont responsables de la promotion et du développement du secteur et le gouvernement fédéral est responsable de la protection du poisson et de son habitat24.

Dans un mémoire au Comité, le Sierra Legal Defence Fund a présenté des arguments qui font selon lui la preuve que les pratiques aquacoles actuelles en Colombie-Britannique contreviennent à la Loi constitutionnelle, au droit canadien et au droit international. Plus précisément, le Sierra Legal Defence Fund affirme que le règlement provincial sur les déchets aquacoles outrepasse la compétence de la Colombie-Britannique car, selon son analyse, le gouvernement fédéral a la responsabilité exclusive de la pollution marine.

Le Sierra Legal Defence Fund a envoyé son mémoire au procureur général du Canada et lui a demandé d’entamer une poursuite pour mettre fin à l’expansion proposée des fermes aquacoles en Colombie-Britannique.

Le Comité ne formule pas de recommandation précise sur la foi du mémoire du Sierra Legal Defence Fund, mais prend bonne note de son contenu et de ses conséquences sérieuses éventuelles. Le mémoire souligne un problème fondamental de responsabilités en matière d’aquaculture. Le Comité craint que le MPO soit en train de céder une compétence constitutionnelle fédérale aux provinces et estime donc qu’il est de la plus haute importance que les deux paliers de gouvernement précisent leurs responsabilités législatives respectives.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 7

Que le MPO affirme la compétence constitutionnelle du gouvernement fédéral concernant la protection du poisson et de son habitat;

Que le gouvernement fédéral négocie avec les provinces et territoires sur les questions de compétence partagée afin de s’assurer que les attributions et les responsabilités réglementaires des deux paliers de gouvernement soient clarifiées;

Que le MPO, s’il est incapable de s’entendre avec les provinces et territoires dans un délai raisonnable, exhorte le gouverneur en conseil à demander un renvoi à la Cour suprême du Canada en vertu de l’article 53 de la Loi sur la Cour suprême.

L’aquaculture évolue rapidement et se trouve à des stades de développement différents selon les régions du pays. Ce qui peut avoir été suffisamment convenu entre le fédéral, les provinces et les territoires à un moment donné changera presque certainement avec les exigences, le contexte et les capacités.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 8

Que la pertinence et le respect des ententes administratives entre le fédéral et les provinces ou territoires soient réexaminés à tous les cinq ans ou plus tôt si l’un des deux paliers de gouvernement exprime une inquiétude à cet égard.

Bureau du Commissaire au développement de l’aquaculture

Le 17 décembre 1998, le ministre des Pêches et des Océans, David Anderson, a nommé M. Yves Bastien au poste nouvellement créé de Commissaire fédéral au développement de l’aquaculture. Le Commissaire a été chargé de développer l’aquaculture au Canada au nom du gouvernement fédéral.

Le mandat du Commissaire consistait à réunir toutes les ressources fédérales pertinentes, à apporter les réformes requises aux règlements et à collaborer avec les provinces au développement d’une aquaculture dynamique et écologique. Le Commissaire devait mettre en œuvre la Stratégie fédérale de développement de l’aquaculture de 1995.

En novembre 2001, les attributions du Bureau du Commissaire au développement de l’aquaculture (BCDA) et le mandat du Commissaire actuel ont été reconduits pour deux ans, jusqu’au 31 mars 2004. Ce prolongement doit permettre au Commissaire de rédiger une vision décennale du développement de l’aquaculture au Canada et de formuler des recommandations sur tous les aspects du rôle fédéral.

Le Comité estime que le Commissaire a un rôle essentiel dans la réforme de la réglementation de l’industrie et dans la création d’un climat favorable pour son développement. Cependant, de nombreux intervenants estiment qu’il y a conflit entre son mandat de développer et de promouvoir l’aquaculture d’une part, et la responsabilité du ministère de bien la réglementer d’autre part. Beaucoup pensent également que la réglementation a été reléguée au deuxième rang par rapport au développement et à la promotion de l’aquaculture au Ministère. Le fait que le Commissaire relève aujourd’hui directement du ministre des Pêches et des Océans renforce cette opinion, engendrant confusion et scepticisme. Cela mine l’objectif du Ministère de convaincre le public que l’aquaculture se développe de façon viable. Le Comité estime qu’il doit y avoir une séparation nette entre la responsabilité du Commissaire au développement de l’aquaculture et celle du Ministère de réglementer, de contrôler et d’appliquer la loi, en particulier si le mandat du Commissaire et du BCDA doit se prolonger au-delà de l’échéance actuelle.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 9

Que les mandats respectifs du Bureau du commissaire au développement de l’aquaculture (BCDA) et du MPO soient clairement définis afin qu’il soit bien compris que le rôle du BCDA est de favoriser le développement de l’industrie tandis que celui du Ministère est de protéger le poisson sauvage et son habitat en réglementant et en contrôlant l’industrie et en s’assurant qu’elle respecte la loi.

Emplacement des fermes et gestion du littoral

Une des raisons souvent mentionnées pour le grand potentiel de l’aquaculture au Canada, c’est notre « abondance de ressources naturelles ». Le Canada dispose du plus long littoral parmi tous les pays du monde, et fait face presque partout à une mer propre et non polluée. Dans les faits cependant, la plus grande partie du littoral canadien ne convient pas à l’aquaculture, parce que l’eau y est trop froide ou parce que ce littoral est trop exposé ou trop éloigné. Conséquemment, la plupart des fermes aquacoles se sont installées à ce jour dans quelques zones très circonscrites, comme l’archipel de Broughton et la baie de Clayoquot en Colombie-Britannique, la baie de Fundy au Nouveau-Brunswick (salmoniculture) et la côte de l’Île-du-Prince-Édouard (conchyliculture).

Une ferme bien située peut réduire au minimum une bonne partie des dangers pour l’environnement et l’écologie. Les sites propices se caractérisent notamment par : une eau propre, des températures, un taux d’oxygène, une salinité, un débit, une profondeur et un type de fond convenables; une protection suffisante; et la proximité des infrastructures (carburant, énergie, communication, transport). Malheureusement, une bonne partie des caractéristiques les plus prisées pour l’aquaculture le sont aussi pour d’autres usages, et sont susceptibles de donner lieu à des conflits avec d’autres acteurs, humains ou non.

L’emplacement des fermes d’élevage est une responsabilité avant tout provinciale. Comme on l’a dit plus haut, en vertu des protocoles d’entente fédéraux-provinciaux, les provinces (sauf l’Î.-P.-É.) sont responsables à la fois de la délivrance des concessions d’aquaculture et de l’administration des baux. Quoiqu’il en soit, l’établissement des fermes d’élevage empiète sur plusieurs domaines de responsabilité fédérale, notamment la protection du poisson et de son habitat prévus aux articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches et la protection des eaux navigables en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables.

Plusieurs témoins se sont inquiétés devant nous des sites choisis pour la salmoniculture : accès et choix des sites; problèmes environnementaux et écologiques, comme la proximité des fermes existantes par rapport aux routes de migration du saumon sauvage et aux rivières à saumon, ainsi que la proximité des fermes les unes par rapport aux autres (et la question connexe de la densité d’occupation des installations); fermes salmonicoles situées dans des endroits qui ne conviennent pas à l’aquaculture; enfin, sur la côte Ouest, doléances des Premières Nations au sujet des fermes situées en eaux « autochtones », ce qui empièterait sur leurs titres et leurs droits.

Les aquaculteurs formulent eux aussi des doléances au sujet du choix des sites. Les salmoniculteurs ont besoin d’avoir accès à des lieux convenant à leurs élevages. Une des principales craintes concerne l’accès à de nouveaux sites; sans accès raisonnable à des endroits favorables, l’expansion de la salmoniculture sera limitée. On mentionne d’autres problèmes : la durée des baux et la stabilité des concessions, ainsi que le coût des permis pour les nouveaux emplacements. Il peut se passer plusieurs années avant qu’un nouvel élevage ne devienne rentable, d’où l’importance de baux stables à long terme, afin d’attirer l’investissement privé. La délivrance actuelle des permis pour les nouveaux sites est longue et coûteuse. Ainsi, on nous a dit qu’une autorisation en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la protection des eaux navigables n’est valide que cinq ans25, ce qui est trop court pour qu’une ferme aquacole génère un profit. Les aquaculteurs affirment que le permis coûte cher et que le délai de traitement augmente les frais. Selon l’AICA26, à peu près chaque ferme aquacole doit aujourd’hui subir une évaluation environnementale avant de recevoir un permis; le coût de cette évaluation est évalué à plus de 100 000 $ pour une ferme salmonicole et à environ 20 000 $ pour une ferme conchylicole.

Le Commissaire au développement de l’aquaculture a traité de cette question dans son Examen des lois et règlements applicables à l’aquaculture au Canada. Il note que la plupart des structures de culture en suspension sont considérées comme des ouvrages en vertu de l’article 5 de la Loi sur la protection des eaux navigables, ce qui donne lieu à une évaluation environnementale en vertu de la LCEE27. Cette exigence est relativement récente : aucun outil n’existe pour aider les aquiculteurs à comprendre cette exigence et à s’y conformer. Le Commissaire indique que beaucoup de questions environnementales étant les mêmes pour plusieurs activités aquacoles, l’Examen préalable28 par catégorie pourrait contribuer à simplifier l’évaluation, réduire les coûts et la durée tout en assurant la qualité des évaluations. L’AICA appuie cette approche, mais hésite à la défendre de peur qu’on pense qu’elle minimise un élément important de sa stratégie globale de viabilité écologique.

On a allégué devant nous des lacunes dans le mode de choix des sites d’élevage au Nouveau-Brunswick. On mentionne notamment la relocalisation de fermes sans permission, l’octroi de permis d’installation avant la fin des consultations, des fermes qui constituent un danger pour la navigation29 ainsi qu’un manque d’uniformité et de transparence dans le processus de détermination des sites30.

Des allégations du même genre visent le choix des sites en Colombie-Britannique. À partir des coordonnées des fermes aquacoles obtenues de la province, des cartes de navigation informatisées considérées à jour et de l’information provenant de la Garde côtière sur l’emplacement des fermes, le Sierra Legal Defence Fund a effectué l’inventaire des fermes aquacoles dans l’archipel de Broughton. On a découvert que beaucoup de fermes ne se trouvent pas du tout aux endroits indiqués à la province ou à la Garde côtière ni aux endroits indiqués sur les cartes de navigation. Il n’est donc pas surprenant qu’on trouve également des fermes aquacoles à des endroits où l’information du gouvernement indique qu’il n’y en a pas31.

Selon le Sierra Legal Defence Fund, une recherche dans le répertoire de la LCEE indique l’absence presque complète d’évaluations de fermes aquacoles32. Il ne semble y avoir que trois évaluations complètes.

L’AICA nie que le choix des emplacements manque de transparence, mais concède qu’on pourrait l’améliorer33.

Selon le MPO, une de ses priorités immédiates dans la région des Maritimes est le développement d’un mode d’examen simple et effectif pour les demandes d’implantation de fermes aquacoles, qui serait bien compris et accessible aux aquaculteurs et au grand public. Au moment de la visite du Comité dans les Maritimes, à l’automne 2000, le MPO, de concert avec les provinces, était en train de revoir toutes les demandes en instance34.

Ce qui frappe dans les témoignages reçus, c’est le fossé actuel entre les tenants et les opposants de l’aquaculture : les opposants affirment que le secteur est mal réglementé; les aquaculteurs affirment qu’il est très réglementé et doit répondre à des normes qui ne sont pas exigées ailleurs. Cette polarisation tient peut-être en bonne partie au fait qu’il y a beaucoup d’inconnus dans le développement de l’aquaculture. Dans une certaine mesure, l’aquaculture menace peut-être également les intérêts des intervenants établis du milieu marin. Quoiqu’il en soit, la croissance du secteur risque d’envenimer le débat.

La gestion intégrée est un des deux programmes destinés à mettre en œuvre la Loi sur les océans (l’autre étant les zones de protection marine — ZPM). La gestion intégrée est un mode de décision par lequel les intervenants et les pouvoirs publics collaborent à des objectifs, des plans et des politiques communs touchant des questions et des régions précises. Elle postule que les intervenants, y compris l’État fédéral, devraient chercher à collaborer avec les autres acteurs dans la mise en œuvre de plans visant les océans, que les différends devraient être abordés à l’étape de la planification et que les plans de gestion à long terme doivent viser des objectifs régionaux et nationaux.

Le Comité estime que la gestion intégrée pourrait atténuer certains différends entre des intervenants et les aquaculteurs tout en garantissant au secteur aquacole un accès équitable aux ressources aquatiques et, en respectant, en même temps, les intérêts légitimes des autres intervenants.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 10

Que le gouvernement fédéral adopte pour l’aquaculture une gestion intégrée, par zone côtière, comme le demande la Loi sur les océans, afin d’établir les endroits les plus propices à l’aquaculture et aux autres activités en mer et de favoriser :

 

l’intégration de l’aquaculture aux localités côtières, les décisions locales et les retombées de l’aquaculture pour les populations locales;

 

un développement ordonné du secteur pour préserver l’environnement et les écosystèmes, de concert avec la population côtière et les autres intervenants;

 

la communication entre intervenants, la réduction et l’atténuation des différends éventuels entre utilisateurs et la sensibilisation du public aux bénéfices sociaux et économiques du secteur;

 

des liens mutuellement bénéfiques entre l’aquaculture et la pêche traditionnelle.


18À l’exception de l’Ontario, de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba et du Nunavut
19Ces protocoles ont été signés entre 1987 (T.N.-O. et Î.-P.-É.) et 1995 (N.-É.). Le gouvernement fédéral et la Nouvelle-Écosse ont renouvelé le protocole d’entente sur le développement de l’aquaculture le 18 juin 2002.
20Colombie-Britannique, Fisheries Act, Aquaculture Regulations; Nouveau-Brunswick, Loi sur l’aquaculture, Règlement sur l’aquaculture; Nouvelle-Écosse, Fisheries and Coastal Resources Act, Aquaculture Licence and Lease Regulations, Fisheries and Aquaculture Loan Regulations; Terre-Neuve et Labrador, Aquaculture Act, Aquaculture Regulations; Île-du-Prince-Édouard, Fisheries Act; Québec, Loi relative aux pêches commerciales et à l’aquaculture, Règlement sur l’aquaculture commerciale; Ontario, Fish and Wildlife Conservation Act, O. Reg. 664/98; Nunavut, non; Manitoba, non; Saskatchewan, Fisheries Act, Pt VIII of Fisheries Regulations; Yukon, non; Alberta, Fisheries (Alberta) Act, General Fisheries (Alberta) Regulation, Fisheries (Ministerial) Regulation; Territoires du Nord-Ouest, non.
21C’est la définition adoptée par la Loi sur les océans, la Loi sur le vérificateur général, la Loi sur la protection de l’environnement et qui provient de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement (Rapport Brundtland).
22Définition adoptée par la Loi sur la protection de l’environnement (sous le nom de principe de la prudence) et qui provient de la Déclaration de Rio de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement de 1992.
23La norme ISO (Organisation internationale de normalisation) 14001 exige qu’une organisation contrôle et mesure le rendement environnemental de ses activités, de ses produits et de ses services afin d’améliorer continuellement sa performance à cet égard.
24Pêches et Océans, Affaires intergouvernementales, Résumé des protocoles d’entente signés avec les provinces côtières, reçu le 19 février 2002.
25Règlement sur les ouvrages construits dans les eaux navigables, paragraphe 3(1).
26Mémoire au Comité, 30 octobre 2001.
27Pêches et Océans Canada, Bureau du commissaire au développement de l’aquaculture, Examen des lois et règlements applicables à l’aquaculture au Canada, Ottawa, mars 2001, p. 24-25.
28Ibid. « L’examen préalable par catégorie est un processus de planification selon lequel les projets qui sont assujettis à un examen préalable en vertu de la LCEE et qui ont en commun certaines caractéristiques ainsi que des effets environnementaux prévisibles et atténuables, sont soumis à un examen préalable en fonction d’un « modèle de rapport d’examen préalable par catégorie » approuvé par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale et selon une méthode d’examen formulée dans la Loi. »
29Grand Manan Fishermen’s Association, présentation devant le Comité, 16 octobre 2000.
30Fédération du saumon atlantique, Mémoire au Comité, 30 octobre 2001.
31Sierra Legal Defence Fund, Mémoire au Comité, 8 mai 2002.
32Ibid.
33Témoignages du Comité, 30 octobre 2001.
34Mémoire au Comité, 18 octobre 2000.