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INST Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE DU BLOC QUÉBÉCOIS

Contexte

Le gouvernement libéral, largement financé par les télécommunicateurs, a confié au Comité le mandat d’étudier les restrictions à l’investissement étranger dans les télécommunications.

Les recommandations adoptées par le comité ne règlent pas les difficultés rencontrées par l’ensemble des télécommunicateurs, sont contraires aux intérêts des consommateurs et des travailleurs québécois et constituent une démission face à la protection de l’espace culturel canadien et québécois. Pour ces raisons, le Bloc Québécois s’oppose à toute augmentation de la participation étrangère dans les entreprises de télécommunication. Nous croyons que la libéralisation de la propriété est une solution inappropriée. Les problèmes de l’industrie dépassent largement la question de la propriété.

Souveraineté culturelle

Nous nous opposons à la levée du statu quo car nous croyons que la déréglementation de la propriété éroderait irrémédiablement la capacité des autorités à réglementer la diffusion de contenu local.

Nous constatons que le contrôle de la propriété a permis de maintenir des exigences de contenu qui ont bien servi les entreprises culturelles au Québec et au Canada. Nous croyons que cet encadrement doit être maintenu et qu’il ne peut surtout pas être étudié en vase clos en faisant abstraction de l’avis du comité permanent du Patrimoine.

Les députés du Bloc Québécois s’étonneront toujours d’avoir à rappeler aux parlementaires des autres formations politiques, particulièrement ceux en provenance du Québec, que la souveraineté culturelle doit être jalousement protégée et non diluée.

Une industrie mal aimée par le gouvernement fédéral

Les consultations menant à la production de ce rapport ont permis de faire un premier bilan des enjeux auxquels sont confrontées les entreprises de télécommunication :

 Endettement
 Érosion de la capitalisation boursière
 Chute des investissements
 Réglementation inadéquate
 Etc.

Le Bloc Québécois est sensible aux doléances des télécommunicateurs. Nous croyons qu’il est nécessaire de revoir l’intervention de l’activité gouvernementale face à cette industrie afin de stimuler l’innovation et la concurrence.

Par contre, le Bloc Québécois ne croit pas que la déréglementation de la propriété et l’arrivée de capitaux étrangers permettraient de résoudre les malaises qui rongent l’industrie.

À court terme, l’ajout de capitaux nouveaux, sans modification des conditions d’accès aux réseaux des entreprises titulaires, permettrait, au mieux, d’éponger les dettes des télécommunicateurs et, au pire, favoriserait une guerre des prix malsaine. En effet, les entreprises titulaires, qui sont toujours en situation de monopole, résisteraient sans doute aux assauts des nouveaux concurrents en coupant momentanément les prix et en investissant massivement dans la publicité et les promotions de reconquête des consommateurs. En bout de ligne, ces nouveaux capitaux forceraient les télécommunicateurs à investir démesurément dans la mise en marché et ce, au détriment de la R&D et des investissements en infrastructure.

Protection des consommateurs

Les recommandations du comité ne correspondent pas aux intérêts des consommateurs. Rappelons d’ailleurs que :

 L’Union des consommateurs, entendue le 4 février 2003 proposait de maintenir les restrictions à la propriété étrangère. L’Union craint une baisse de la qualité du service.
 Un sondage Decima réalisé en décembre 2002 révélait que 72% des consommateurs s’opposent à tout changement permettant d’augmenter la propriété étrangère dans les entreprises de média et de télécommunication.

Le Bloc Québécois ne croit pas que la déréglementation de la propriété réponde aux besoins des consommateurs qui recherchent, en priorité :

 De justes prix à la consommation et
 Un accès aux technologies

Les députés du Bloc Québécois constatent que le CRTC, particulièrement en régions périphériques, n’a pas su permettre un accès démocratique aux technologies de communications. Il est permis de croire que la libéralisation de la propriété érodera encore plus la capacité du CRTC à réglementer l’industrie.

Protection des travailleurs

L’augmentation des intérêts étrangers dans le secteur des communications se traduira par un recul en matière d’emploi. Divers témoignages, rejetés par la majorité libérale, ont pourtant soutenu cette thèse :

 L’Alliance nationale des syndicats en communications, représentant les employés d’entreprises telles qu’Aliant, Bell Canada, Manitoba Telecom Services, Sasktel, Telus et AT&T Canada, estime que «  la centralisation des services et des réseaux essentiels déplacera les emplois au sud de la frontière  »1.
 Pour l’Union des consommateurs, «  la dilution de la propriété canadienne a pour corollaire une réorganisation des entreprises qui encouragera aux alliances stratégiques Nord-Sud en vue de réaliser des gains de productivité. Compte tenu du type de services offerts en téléphonie, il s’agit d’un domaine particulièrement sensible à la délocalisation des activités.  »2

Le Bloc Québécois ne saurait inciter le gouvernement fédéral à engager les milliers de travailleurs de l’industrie des télécommunications sur une avenue parsemée d’incertitudes.

Protection du marché des télécommunicateurs canadiens et québécois

Les règles relatives à l’investissement étranger font l’objet de négociations à l’OMC. Les négociations touchant les télécommunications doivent se terminer d’ici 2005.

Il nous apparaît tout à fait aberrant qu’un comité parlementaire recommande, à ce stade-ci des négociations multilatérales, un assouplissement de la position canadienne sans avoir obtenu les garanties de réciprocité de nos partenaires. En ce sens, nous croyons que le présent rapport affaiblira la position de négociation du Canada. En conséquence, nous partageons l’opinion exprimée par certains télécommunicateurs, dont BCE, qui réclament une approche prudente. Le Canada ne doit pas abattre ses cartes avant que les négociations en cours n’aboutissent.

Le Bloc Québécois souhaite que les recommandations 4 et 1 du rapport soient mises en place rapidement en permettant aux membres du comité du Patrimoine canadien de participer au comité mixte.

Conclusion

Au Canada, la «  déréglementation  » n’a jamais eu lieu. Depuis que l’on a introduit la concurrence dans l’interurbain, jamais l’activité du CRTC n’a été aussi intense3. L’autorité réglementaire a dû, par exemple, établir les paramètres d’interconnexion entre les réseaux des entreprises titulaires et ceux des nouveaux venus et veiller au respect de ces paramètres. À notre avis, il serait plus juste de parler d’une période de « re-réglementation » où le CRTC a tenté d’introduire la concurrence dans les télécommunications en instaurant un régime asymétrique devant permettre aux nouveaux venus de concurrencer les monopoles locaux. Le Bloc Québécois fait un constat d’échec de cette politique qui aura donné le pire des deux mondes aux consommateurs et investisseurs canadiens et québécois :

 Alourdissement du cadre réglementaire
 Ralentissement de la pénétration des technologies de communication en région, malgré les promesses des plans d’amélioration de service.
 Fin de l’interfinancement et hausse des tarifs du service de base
 Affaiblissement des entreprises titulaires, sans gains véritables du côté de la concurrence
 Ralentissement des investissements dans le domaine de la recherche et du développement.

Le Bloc Québécois croit que la réduction des restrictions aux investissements étrangers ne ferait qu’accélérer ces phénomènes et éroderait la capacité de protéger la culture canadienne et québécoise. C’est pourquoi nous nous dissocions de ce rapport.

 

Paul Crête, député de Kamouraska—Rivière-du-Loup-Témiscouata—Les Basques
Porte-parole pour le Bloc Québécois en matière d’Industrie


1Communiqué de presse du 19 février 2003.
2Mémoire déposé par l’Union des consommateurs.
3Kevin G. Wilson : « Du monopole à la compétition: la déréglementation des télécommunications au Canada et aux Etats-Unis », Université du Québec — Télé-université, Sainte-Foy, 1999.