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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 049 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 mai 2007

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du jeudi 3 mai 2007 du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.
    Chers collègues, vous avez devant vous l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui. Nous allons poursuivre notre examen du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Nos témoins d'aujourd'hui sont, de l'Assemblée des chefs du Manitoba, la chef Viola Eastman et Iren Linklater, directrice, Recherche et élaboration des politiques. De MKIO, nous accueillons le grand chef Sydney Garrioch, ainsi que Michael Anderson, directeur de recherche, Secrétariat des ressources naturelles. Du Atlantic Policy Congress of First Nation Chiefs Secretariat Inc., nous recevons le chef Lawrence Paul, coprésident et John G. Paul, directeur exécutif. De la Manitoba Southern Chiefs' Organization, nous allons accueillir le grand chef Chris Henderson, qui je crois n'est pas encore des nôtres.
    Bienvenue à tous nos témoins. Nous invitons chacun d'entre vous à présenter une déclaration préliminaire d'environ 10 minutes, après quoi nous vous poserons des questions.
    Nous allons débuter avec Mme Eastman ou Mme Linklater pour présenter un exposé au nom de leur organisation.
    J'aurais seulement besoin d'une précision. S'agit-il seulement de remarques préliminaires ou vous voulez entendre l'ensemble de ma déclaration?
    Votre déclaration préliminaire, ou un exposé de 10 minutes.
    Un exposé de 10 minutes, d'accord. C'est bien, merci.
    [Le témoin s'exprime en Dakota Sioux]
    C'est un grand honneur pour moi d'être ici aujourd'hui au nom de l'Assemblée des chefs du Manitoba (AMC) et de notre grand chef Ron Evans. Je suis ici pour représenter mon peuple et j'amène avec moi nos valeurs intemporelles, les enseignements de ma culture, ma langue et les lois qui me guident dans mon rôle de chef et de coprésidente du Conseil des femmes autochtones de l'AMC.
    Je veux vous transmettre aujourd'hui un message teinté à la foi d'inquiétude et d'optimisme. Nous sommes inquiets quant aux limites de la modification législative proposée dans sa forme actuelle, car elle laisse entrevoir différents problèmes pour les communautés autochtones. Nous voulons nous montrer optimistes en espérant que les recommandations que nous allons formuler aujourd'hui trouveront une oreille attentive de telle sorte que l'on puisse apporter les correctifs susceptibles de répondre à nos préoccupations.
    Dans sa déclaration d'aujourd'hui, l'AMC veut rendre hommage à la Couronne. Les relations entre la Couronne et les premières nations sont fondées sur la reconnaissance du fait qu'il est préférable pour tous de s'assurer de maintenir des relations durables de nation à nation. Certaines nations ont officialisé ces relations en concluant des traités, alors que d'autres, comme celles des Dakota qui ne signent pas de traités avec la Couronne, ont choisi d'autres moyens.
    L'examen législatif auquel se livre le Canada doit s'appuyer sur un juste équilibre entre les droits individuels et collectifs des premières nations dans le domaine des droits de la personne, ainsi que sur une consultation exhaustive et significative des premières nations. Les lois fondamentales et naturelles des premières nations prévoient un équilibre entre individus et collectivités pour les questions de spiritualité, de culture, de langue, de société, de terres, de gouvernement, de justice et toutes nos autres relations. Nous contribuons aux efforts conjoints de la Couronne et des premières nations pour l'établissement de lois. En optant pour une autre façon de procéder, on ne ferait que répéter les erreurs du passé. Les actions unilatérales se sont révélées catastrophiques. Les lois et les politiques canadiennes en matière de justice et de droits de la personne n'ont pas produit de bons résultats pour les deux parties. Dans le présent mémoire, nous allons exposer de graves préoccupations, mais également proposer des idées quant aux moyens à prendre pour obtenir réparation, régler les différends et aller de l'avant.
    J'en arrive à notre mémoire. Vous en avez tous un exemplaire. Je vais maintenant vous en présenter certaines portions.
    D'abord et avant tout, l'AMC est le représentant politique des citoyens autochtones du Manitoba, qu'ils vivent en réserve, en milieu urbain ou en milieu rural. Conformément à la Constitution de l'AMC, le grand chef, qui est actuellement Ron Evans, est le porte-parole élu par les chefs des 64 premières nations du Manitoba, lesquels ont eux-mêmes été élus par les citoyens de chacune des premières nations.
    Les traités et les rapports de nation à nation que nous avons connus étaient marqués par un esprit de cohabitation pacifique, de bénéfice réciproque et de respect mutuel. Cependant, ces rapports sont sans cesse menacés par l'action unilatérale des ministères fédéraux de la Couronne qui adoptent des lois et des politiques sans consulter les premières nations du Canada. Ces actions unilatérales du Canada se sont soldées par un échec lamentable.
    À l'époque de nos rapports antérieurs de nation à nation et de la négociation des traités, les parties se posaient la question consistant à savoir quelle loi, de quelle nation, s'appliquerait. Nos aînés avaient cru comprendre que les nations et leurs gouvernements, les gouvernementaux autochtones et le nouveau gouvernement canadien, adopteraient des lois ensemble, et non pas l'une contre l'autre, comme des adversaires. Il était clair dès le départ qu'il s'agissait d'un véritable partenariat de nation à nation. Ces interprétations se fondent sur la tradition orale, les procès-verbaux des négociations de traités, la jurisprudence et les lois du Canada.
    Je vais passer directement au point de vue de l'AMC.

  (1110)  

    En ce qui concerne les droits humains fondamentaux, les lois des hommes doivent être compatibles avec la vision du monde des premières nations car ces lois, si elles ne suscitent pas l'adhésion, resteront sans effet. Les lois canadiennes sur les droits de la personne doivent être compatibles avec le droit coutumier international afin d'être valides. Les lois autochtones sur les droits de la personne qui sont compatibles avec le droit coutumier international ne peuvent être abolies par le Canada et ne peuvent être remplacées ou abrogées par la LCDP ni par la Charte.
    Bien que la LCDP et la Charte soient des lois canadiennes, il faut, pour abolir l'article 67, obtenir le consentement préalable et éclairé des premières nations autochtones. L'AMC est d'accord avec l'Association du Barreau canadien lorsqu'elle dit que l'application de la LCDP à la Loi sur les Indiens ne doit pas empêcher la tenue d'un exercice complet, bien subventionné et piloté par les premières nations elles-mêmes, de refonte en profondeur du régime de gouvernance prévu par la Loi sur les Indiens (ceci est relié à l'examen juridique recommandé à la page 9 de mon mémoire). On devrait prévoir une période de transition et de consultation de 18 et 30 mois afin de donner des bases solides aux premières nations et aux gouvernements, à la Commission canadienne des droits de la personne dans l'administration de la loi, et au Tribunal dans ses fonctions décisionnelles.
    L'AMC est favorable à un report de l'application de la Loi et à une période de consultation des premières nations de 18 mois pour établir des bases solides, suivies d'une période de transition de six mois pour permettre aux premières nations et aux gouvernements de s'adapter, à la Commission canadienne des droits de la personne de s'initier à ses fonctions d'administration de la Loi, et aux tribunaux de bien comprendre leurs fonctions décisionnelles.
    La disposition interprétative doit faire partie intégrante de la Loi, au lieu d'être une politique ou une directive, afin de guider l'application de la LCDP aux actions ou omissions. Les moyens d'action et les ressources doivent être confirmés.
    Je vais maintenant passer aux consultations.
    L'AMC est d'accord avec le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale qui, dans son rapport du 9 mars 2007, disait ce qui suit :
Le comité enjoint l'État partie à engager une consultation auprès des collectivités autochtones afin que des mécanismes garantissant l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) aux griefs formulés à l'endroit de la Loi sur les indiens soient mis en place après l'abrogation.
    L'AMC a élaboré son approche à la consultation et l'a formulée dans un document de travail rédigé dans un esprit d'égalité et de respect des deux parties en cause dans toutes les décisions, les politiques et les lois qui touchent les populations autochtones du Manitoba, leurs terres, leurs territoires, leurs ressources et leurs collectivités. L'AMC souhaite une démarche de consultation qui vise le consentement préalable, libre et éclairé des citoyens des premières nations.
    Pour ce qui est des droits de la personne, l'AMC a salué plusieurs des recommandations proposées dans le rapport de la Commission canadienne des droits de la personne qui reconnaît aux Premières nations un statut à caractère unique et des droits et intérêts protégés par la Constitution, et propose qu'une disposition interprétative porte sur l'application de la LCDP en contexte autochtone, pour le bénéfice tant des individus que des gouvernements des premières nations.
    Quant aux questions liées à la mise en oeuvre, le projet de loi fédéral reste court et vague dans sa formulation ce qui fait craindre à plusieurs égards que sa mise en oeuvre dans sa forme actuelle ne donne pas les résultats souhaités.
    Au cours des séances d'information que nous avons tenues, le Comité des femmes autochtones de l'AMC a formulé des inquiétudes sur la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Les femmes n'ont pas été consultées. Ces préoccupations ont été transmises au ministre des Affaires indiennes dans une lettre datée du 10 janvier 2007; elles montrent la nécessité de procéder à une mise en oeuvre bien réfléchie.

  (1115)  

    Comme l'exprimait le grand chef de l'AMC au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien dans sa lettre du 5 mars 2007, le Rassemblement des femmes autochtones du Manitoba sur la question du projet de loi C-44 et des biens immobiliers matrimoniaux n'appuie pas l'adoption de cette loi sans consultation préalable auprès des premières nations.
    L'analyse de l'AMC révèle notamment qu'une modification aussi fondamentale et de portée nationale doit être suivie de près par le Canada et les premières nations dès le point de départ, et faire l'objet d'un examen, réalisé en collaboration, tout au long des 18 premiers mois, puis à diverses étapes pendant la période initiale de cinq ans.
    Compte tenu de la diminution des activités et des budgets régionaux du ministère, les engagements financiers devraient être précisés. S'en remettre à la CCDP pour régler tous les éléments nécessaires à la mise en oeuvre serait lui accorder un trop grand rôle.
    L'expression « autorité autochtone » ne veut rien dire. Il faut en donner une définition se rapportant de façon précise aux institutions des premières nations.
    Il faut absolument accorder un soutien financier et logistique aux gouvernements des premières nations pour créer cette structure indépendante, ce qui est tout à fait essentiel si l'on veut correctement servir la population autochtone. Il faut élaborer une disposition interprétative en consultation avec les premières nations.
    Il faut créer un organisme indépendant chargé de déterminer si les changements apportés ont des effets négatifs sur les particuliers et les collectivités des premières nations et sur leurs gouvernements.
    L'AMC soutient l'application de la LCDP aux premières nations et à leurs institutions, moyennant une période de transition de 18 à 30 mois afin de permettre la tenue de consultations sur une éventuelle disposition interprétative et sa mise en oeuvre; des préparatifs afin que les premières nations et la commission puissent mettre en place les mesures nécessaires pour assurer le règlement rapide et efficace des griefs dans un délai de 30 mois; un examen de l'incidence de cette politique sur les premières nations et les mesures préparatoires nécessaires; et un examen juridique de l'incidence sur la Loi sur les Indiens.
    Devoir de consulter. La participation des premières nations doit être un processus distinct, intégré en tant que démarche bien adaptée aux premières nations, à tout processus global de consultation et à toute consultation portant sur la disposition interprétative, afin de permettre d'en arriver à une solution durable pour tous les citoyens des premières nations.
    Trouver l'équilibre entre les droits individuels et collectifs. La modification à la loi ne doit pas compromettre nos droits inhérents ni nous priver de nos droits individuels et collectifs protégés par la Constitution. L'AMC propose une consultation sur la question de l'équilibre à trouver entre les droits individuels et collectifs et l'élaboration de solutions d'esprit communautaire qui contribueront à raffermir les institutions des premières nations.
    Disposition interprétative. L'AMC appuie la recommandation de l'Assemblée des premières nations qui préconise une modification du projet de loi C-44 de manière à comprendre une disposition interprétative afin que la Commission des droits de la personne, le Tribunal et les autres instances soient guidées dans leur application de la LCDP par les droits, intérêts et valeurs inhérentes propres aux particuliers et aux collectivités des premières nations. Une telle disposition interprétative est nécessaire pour guider l'analyse afin que les décisions soient rendues dans le juste équilibre entre les droits individuels et collectifs.
    Confirmation des institutions des premières nations. Les droits de la personne sont absolument fondamentaux pour les sociétés des premières nations. Les institutions qui régissent les droits de la personne doivent donc être confiées aux populations et aux institutions des premières nations qui ont à l'occasion des actions conjointes.
    En conclusion — et j'en arrive enfin au terme de mon allocution — l'AMC, au nom des citoyens et des gouvernements des premières nations qu'elle représente, affirme qu'elle se réjouit à la perspective de voir les droits fondamentaux de la personne s'appliquer à tous, dans le respect des droits individuels, traditionnels, collectifs et constitutionnels des premières nations.

  (1120)  

    C'était là mon exposé, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie.
    Merci, chef Eastman.
    Je constate que notre prochain mémoire est uniquement en anglais; je tiens à en aviser les députés du Bloc.

[Français]

    Mme Eastman a-t-elle été informée que la version française de son document ne nous a pas été remise? On n'a pas ce document en français. Est-ce celui-ci? C'est que les références qu'elle a mentionnées ne concordaient pas.

[Traduction]

    Nous allons le distribuer à l'instant.
    Merci beaucoup, chef Eastman.
    Nous passons maintenant au chef Sydney Garrioch. Bienvenue à vous, nous vous accordons 10 minutes pour votre déclaration.
    Bonjour à vous, monsieur le président, ainsi qu'à toutes les personnes ici présentes. Je tiens à remercier le Comité permanent de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue concernant le projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Nous avons remis notre mémoire à votre greffier; nous vous prions de nous excuser pour l'absence de traduction. Je veux vous présenter Mike Anderson de MKIO, ainsi que Richard Hart, notre directeur général, qui est ici à titre d'observateur.
    Nous représentons 53 000 Autochtones répartis dans 30 communautés des premières nations du nord du Manitoba. Je dois préciser dès le départ que les premières nations du MKIO s'opposent au projet de loi C-44. Le MKIO ne souhaite pas que la Loi canadienne sur les droits de la personne puisse s'appliquer à l'examen des lois et des décisions des gouvernements des premières nations, de leurs citoyens, de leurs responsables et de nos employés.
    Le MKIO rejette également le principe voulant que la Commission canadienne des droits de la personne ou le Tribunal canadien des droits de la personne devrait avoir compétence sur les actes et les décisions des représentants élus au sein des gouvernements autochtones.
    Le MKIO souhaite faire valoir quatre principes que le comité devrait absolument prendre en considération dans son étude du projet de loi C-44 : la relation établie par traité et l'engagement conjoint en faveur du développement d'une nation; nos lois qui sont dans notre langue; Keewatinook Ininew Okimowin; et la consultation et le consentement.
    Le processus d'établissement de traités reconnaît la souveraineté et les pouvoirs que nous a conférés le Créateur au sein de nos territoires traditionnels. Chaque première nation MKIO continue d'exercer sa compétence sur le processus d'établissement des lois conformément à ses coutumes, ses traditions, ses principes et ses croyances. Les premières nations MKIO ont également conclu d'autres traités et ententes avec différents gouvernements, y compris la récente Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.
    Les premières nations que nous représentons et le MKIO lui-même font le nécessaire pour assurer une mise en oeuvre intégrale des objectifs, des modalités et des dispositions de ces traités et de ces ententes et pour établir le processus de gouvernance et les structures requises qui sont prévues par ces traités et ententes. Les premières nations MKIO exercent leur pouvoir décisionnel à l'échelon communautaire en fonction de leur droit coutumier, de leur culture et de leurs croyances. Par exemple, la nation crie Pimicikamak et différentes autres premières nations MKIO ont adopté des lois très détaillées concernant les élections, le développement, la participation communautaire au processus législatif, la gestion des terres et la faune, notamment.
    Collectivement, les premières nations MKIO exercent leurs pouvoirs dans le cadre du Keewatinook Ininew Okimowin, une expression crie qui pourrait se traduire par « gouvernement des peuples du Nord ».
    Les premières nations MKIO ne peuvent pas et ne voudront jamais accepter que Sa Majesté ou le gouvernement du Canada ait la possibilité d'apporter des modifications ou de mettre fin unilatéralement à nos relations sacrées au moyen de mesures législatives et constitutionnelles nationales. Les premières nations MKIO ne reconnaissent au gouvernement du Canada aucun droit découlant de traités ou de la Constitution du Canada lui permettant d'imposer à notre peuple un système de lois étrangères, que ce soit via les tribunaux ou d'autres instances administratives. Sa Majesté a consulté nos peuples afin de concilier nos titres ancestraux et obtenir notre consentement pour le partage de nos terres et de nos ressources ancestrales avec les nouveaux arrivants.
    Des consultations doivent être menées et notre accord doit être obtenu avant qu'on ne puisse modifier les modalités de nos traités ou nous imposer l'application des lois canadiennes. La consultation et le consentement sont des principes d'application obligatoires prévus dans les traités; les relations établies par ces traités ne peuvent en effet être modifiées qu'à la suite de consultations avec l'approbation commune des signataires.
    Je vais maintenant laisser la parole à Mike pour la dernière page de nos recommandations.

  (1125)  

    Merci également à vous, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
    Pour ce qui est du projet de loi C-44, le Manitoba Keewatinook Ininew Okimowin doit informer le comité que nous estimons, après analyse et examen de ce projet de loi, qu'il ne reconnaît pas la souveraineté inhérente des premières nations MKIO telle que décrite par le grand chef Garrioch.
    Le projet de loi C-44 ne tient pas compte des relations sacrées et conjointes établies au moyen des traités conclus par les premières nations MKIO et le gouvernement de Sa Majesté.
    Le projet de loi C-44 constitue une violation, un empiétement et une non-reconnaissance à l'égard des systèmes modernes de gouvernance, de prise de décisions et d'organisation communautaire établis en accord avec le droit coutumier, les principes, les valeurs et les croyances des premières nations MKIO, des systèmes que nous continuons de mettre en oeuvre et d'élaborer suivant nos propres modalités.
    Le projet de loi C-44 ne reconnaît pas l'autorité gouvernementale des premières nations et ne permet pas son expansion future, conformément aux modèles en place qui voient chacune des premières nations MKIO établir des lois dans le cadre d'ententes de gouvernement à gouvernement en s'appuyant sur le développement soutenu de Keewatinook Ininew Okimowin.
    Le projet de loi C-44 est une violation injustifiée des droits reconnus et conférés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, en l'absence notamment de consultations menées par la Couronne conformément aux modalités établies par la Cour suprême du Canada.
    Le projet de loi C-44 aura pour effet d'imposer la vision du Canada en matière de droits de la personne ainsi que les normes du Canada pour la conciliation des droits de la personne et les agissements des gouvernements et des entreprises. Il réduira de façon arbitraire les délais accordés aux représentants élus des premières nations pour la préparation en vue de l'examen et du règlement des plaintes par la Commission canadienne des droits de la personne et le tribunal. Il fera planer un climat d'incertitude sur l'exercice des pouvoirs des premières nations et les processus décisionnels communautaires en donnant compétence au Tribunal canadien des droits de la personne sur des questions qui, sans cela, relèveraient des représentants autochtones élus et des instances décisionnelles locales. Le projet de loi C-44 imposera une révision du droit coutumier, des croyances, des valeurs et des principes des premières nations par le Tribunal canadien des droits de la personne sans que celui-ci ne soit légalement tenu de tenir compte de la manière dont les premières nations MKIO perçoivent les droits de la personne individuels et collectifs ainsi que des concepts de transparence, d'accès et de responsabilisation.
    En outre, le projet de loi C-44 ne prend pas en considération le fait que bon nombre des problèmes importants en matière de droits de la personne pour les premières nations originent directement de politiques du gouvernement fédéral, y compris un sous-financement important et chronique des services sociaux, du logement et des infrastructures que les gouvernements autochtones administrent, sans pourtant avoir les moyens nécessaires pour apporter des correctifs.
    À ce titre, j'aimerais vous citer l'exemple du cas Corbiere où la Cour suprême s'est penchée sur le manque criant de logements dans les collectivités autochtones. La Cour suprême s'est rendue compte que, pour régler la pénurie de logements dans une mesure suffisante pour permettre aux commettants des premières nations d'avoir un lieu de résidence dans les réserves et de pouvoir voter, il faudrait qu'elle donne au gouvernement des directives qu'elle n'était pas disposée à lui soumettre.
    Afin de régler le problème, la cour a créé un motif analogue de résidence autochtone de manière à reconnaître qu'il était impossible de régler le problème de la pénurie de logements dans une communauté des premières nations à l'intérieur du cadre stratégique en place. Elle a aussi créé un motif analogue pour la détermination des cas de discrimination en vertu de la Charte. C'est un exemple parmi bien d'autres de cas où la Cour suprême elle-même n'a pas été en mesure d'envisager un mode de conciliation pour bon nombre des situations pouvant donner lieu à une plainte qui pourrait être soumise à la commission, puis au tribunal.
    Nous voulons aussi faire remarquer que lorsque le groupe d'experts sur l'eau s'est penché sur la question de la suffisance des ressources pour les systèmes d'aqueduc et d'égout des Autochtones et a reçu comme directive ministérielle de ne pas tenir compte du financement dans les paramètres de son étude, il a tout de même précisé dans son rapport que le gouvernement devrait s'employer en priorité à injecter les ressources suffisantes pour les systèmes d'aqueduc et d'égout sur les réserves afin que des services adéquats puissent être offerts.
    Voici donc deux exemples que vous nous voulions soumettre à l'attention de votre comité relativement à cette question.
    Grand chef.

  (1130)  

    J'ajouterais que l'approche du MKIO consiste à chercher un terrain d'entente lorsque les gouvernements des premières nations et nos citoyens élaborent et mettent en oeuvre des systèmes pour protéger les droits de la personne au sein de nos communautés en accord avec nos coutumes, nos traditions, nos principes et nos croyances; pour régler le problème des iniquités qui persistent entre les communautés des premières nations et les non-Autochtones du Canada pour ce qui est de l'accès aux services communautaires de base pouvant donner lieu à des plaintes par des citoyens des premières nations; et pour veiller à ce que les relations établies par des traités et des ententes soient respectées, maintenues et appliquées.
    Selon nous, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord devrait inclure dans son rapport les recommandations suivantes.
    Premièrement, le gouvernement du Canada devrait respecter ses obligations en vertu des traités et de la Constitution en reconnaissant l'autorité inhérente des gouvernements et des institutions autochtones, conformément au droit coutumier, aux principes, aux croyances et aux langues des Autochtones; et en reconnaissant que la relation particulière entre le Canada et les Autochtones est fondée sur les droits et vise à tenir compte des droits ancestraux des Autochtones.
    Deuxièmement, le Parlement devrait rejeter la proposition voulant que la Loi canadienne sur les droits de la personne s'applique aux actes et aux décisions des gouvernements des premières nations ainsi que de leurs représentants et de leurs employés.
    Troisièmement, la Loi canadienne sur les droits de la personne devrait continuer à prévoir une exemption explicite relativement à toutes les dispositions de la Loi sur les Indiens ou à toutes mesures prises en application de cette loi.
    Quatrièmement, la Loi canadienne sur les droits de la personne devrait être modifiée afin qu'il soit bien précisé qu'elle ne s'applique pas aux gouvernements des premières nations ou à toute question pouvant miner ou toucher l'autorité inhérente des premières nations ou l'application de leurs droits coutumiers.
    Cinquièmement, le Parlement devrait recommander au gouvernement du Canada de tenir des consultations auprès des Autochtones quant aux moyens à mettre en oeuvre pour protéger les droits de la personne au sein des communautés autochtones.
    Je veux aussi souligner que MKIO est d'avis que le processus d'examen par le comité ne s'inscrit pas dans le processus de consultation par la Couronne. Cette consultation doit être menée par le gouvernement, à l'extérieur du processus parlementaire, même si le Parlement peut décider d'assurer le suivi des consultations de la Couronne.
    Je vous remercie d'avoir prêté une oreille attentive à notre exposé.

  (1135)  

    Nous allons maintenant écouter M. Lawrence Paul ou M. John Paul. Allez-vous prendre la parole tous les deux?
    Comme son prénom commence par un « L », mon « J » me permet d'avoir la préséance.

  (1140)  

    Comme vous voudrez.
    Merci de nous donner l'occasion de comparaître devant vous.
    Je m'appelle John Paul et je suis directeur exécutif du Atlantic Policy Congress of First Nation Chiefs. Je suis accompagné aujourd'hui de notre coprésident, le chef Lawrence Paul, de la première nation Millbrook en Nouvelle-Écosse pour vous parler du projet de loi C-44.
    Notre organisation représente 37 communautés micmaques, malécites et pescomodys ainsi qu'une communauté Innu qui sont établies dans cinq provinces, en plus des États-Unis, du Canada atlantique jusqu'à la péninsule de la Gaspésie au Québec. Notre organisation a pour mandat d'effectuer des recherches et des analyses en vue d'élaborer des solutions de rechange aux politiques fédérales touchant les membres des premières nations.
    Comme vous le savez, le projet de loi C-44 vise à abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui prévoit ce qui suit : « La présente loi est sans effet sur la Loi sur les Indiens et sur les dispositions prises en vertu de cette loi. »
    Les communautés que nous représentons ne sont pas favorables à ce projet de loi dans sa forme actuelle. En janvier dernier, nos chefs ont adopté une résolution exprimant notre désaccord à l'égard de ce projet de loi en raison de nos craintes considérables quant à ses impacts possibles.
    Voici les principales préoccupations de nos chefs à cet égard.
    Contrairement à ce qu'exigeaient de récentes décisions de la Cour suprême, aucune véritable consultation n'a été tenue auprès des premières nations.
    Cela vient en contradiction avec les principes de droit, exposés dans les décisions de la Cour suprême, qui protègent les intérêts et les droits collectifs de nos communautés.
    Cette modification législative aurait des impacts importants sur les gouvernements autochtones du Canada. Les peuples micmac, malécite et pescomody et innu disposent depuis longtemps de traditions, de cultures et de lois qu'ils souhaitent protéger et renouveler. Toute solution proposée doit tenir compte de cette situation très particulière de nos gouvernements autochtones.
    Ce projet de loi ferait en sorte que les droits des personnes auraient préséance sur les droits collectifs découlant des traités et les autres droits des premières nations.
    Le projet de loi ne comporte aucune disposition interprétative. Il ne permet pas la conciliation des droits individuels et collectifs.
    La période de mise en oeuvre ou de transition de six mois proposée est beaucoup trop courte et tout à fait irréaliste.
    Les premières nations souffrent actuellement d'un sous-financement et ne disposent pas des ressources nécessaires pour gérer cette nouvelle exposition à des obligations financières importantes ou pour prendre des mesures afin d'atténuer les risques à cet égard. Par exemple, les premières nations pourraient avoir des obligations à assumer relativement aux importantes pénuries de logements, aux programmes et services à l'intention des personnes handicapées, à l'attribution des terres et aux droits fonciers, aux règles d'appartenance, aux règles de résidence et à la prestation des programmes et services de base à tous les résidents des réserves, et non uniquement aux membres des bandes autochtones.
    À titre d'exemples, on pourrait citer le Programme des services de santé non assurés offert par Santé Canada et le Programme de soutien aux étudiants du niveau postsecondaire du MAINC.
    Il existe d'importants risques de plaintes par les membres des premières nations pour différents motifs reliés aux politiques de logement et à d'autres décisions semblables relevant des gouvernements autochtones. Il est peu probable que l'arriéré de logements et les autres problèmes similaires puissent être réglés en l'espace de six mois.
    Aucun financement n'est prévu pour aider les collectivités des premières nations à se donner les moyens nécessaires relativement à l'application ou à la mise en oeuvre du projet de loi. Celui-ci alloue une période de grâce de six mois. Cependant, en l'absence d'une injection importante de ressources financières additionnelles afin de minimiser les risques possibles associés aux éventuelles plaintes, une période de grâce prolongée n'apporterait rien de plus. Si l'on ne renforce pas les capacités des premières nations et si l'on ne règle pas les autres problèmes liés à la mise en oeuvre avant l'adoption de ce projet de loi, les premières nations seront inondées de plaintes sans disposer des ressources nécessaires pour les gérer ou les régler efficacement.
    Le projet de loi viole les principes établis dans le Projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies relativement au génocide culturel et aura de très nombreuses conséquences non prévues comme ce fut le cas pour le projet de loi C-31 et à la décision Corbiere. En outre, on ne sait pas exactement quel sera l'impact constitutionnel de cette abrogation.
    Je vais maintenant laisser la parole à mon coprésident, le chef Lawrence Paul.
    Je vous transmets les salutations des micmacs, des malécites et des pescomodys du Canada atlantique. Bonjour à tous.
    Notre organisation appuie entièrement les recommandations formulées précédemment par l'Assemblée des Premières nations dans son mémoire présenté au comité relativement au projet de loi C-44, y compris l'obligation juridique de tenir des consultations. Les membres des premières nations n'ont pas été consultés concernant ce projet de loi. Si l'on veut se conformer à différentes décisions des tribunaux, il faut tenir de véritables consultations auprès des premières nations concernant l'abrogation proposée de l'article 67 de la LCDP et, plus précisément, sur l'élaboration d'une disposition d'interprétation et de non-dérogation, relativement aux impacts possibles sur les droits des Autochtones et ceux découlant de traités ainsi qu'aux questions liées à la mise en oeuvre avant que toute mesure législative ne soit déposée aux fins de la suppression de l'article 67.
    Comme c'est le cas pour la disposition interprétative, l'article 67 ne devrait pas être abrogé tant qu'une clause de non-dérogation n'est pas incluse de manière à ce que les droits des Autochtones protégés par la Constitution ne s'érodent pas encore davantage.
    Il convient également de régler quelques-unes des questions liées à la mise en oeuvre et aux moyens d'action. L'article 67 ne devrait pas être abrogé tant et aussi longtemps que les dispositions nécessaires ne sont pas prises pour fournir aux premières nations les ressources suffisantes ainsi que les mécanismes et les institutions nécessaires pour assumer leurs nouvelles responsabilités et gérer les risques nouveaux auxquels elles seront confrontées.
    Nous devrions également effectuer une analyse constitutionnelle de l'impact sur les droits des Autochtones et les droits découlant de traités. On ne devrait donc pas annuler l'article 67 tant que le gouvernement fédéral n'aura pas effectué une évaluation afin de déterminer les répercussions possibles d'une telle mesure sur les droits des Autochtones et ceux découlant de traités.
    Le gouvernement fédéral devrait reconnaître et/ou créer des institutions autochtones ayant pour mandat d'étudier les plaintes à l'endroit des gouvernements, des agences et des institutions des premières nations.
    De plus, le gouvernement fédéral ne devrait pas procéder à l'abrogation de l'article 67 tant qu'une analyse des activités n'est pas effectuée.
    Nous estimons donc que le gouvernement fédéral ne devrait pas supprimer l'article 67 tant que les premières nations n'ont pas été consultées adéquatement.
    Nous voulons remercier le comité de nous avoir donné l'occasion d'exprimer nos préoccupations relativement au projet de loi C-44 et nous vous prions de bien considérer les impacts juridiques et financiers importants de cette mesure législative tant pour le gouvernement du Canada que pour ceux des premières nations et d'ainsi renoncer à son adoption.
    Au fil des ans, j'ai comparu en de nombreuses occasions devant le comité permanent, en remontant jusqu'à l'époque de Lester B. Pearson pour en arriver au gouvernement actuel, en passant par ceux de Diefenbaker, Trudeau, Mulroney et Chrétien. Jusqu'à maintenant, toutes les fois que nous nous sommes présentés devant ce comité pour faire part de nos revendications, nous sommes rentrés bredouilles. J'ose espérer que la démarche d'aujourd'hui marquera le début pour nous d'un temps nouveau et qu'on prêtera une oreille attentive à nos préoccupations concernant le projet de loi C-44 avant que celui-ci ne soit adopté.
    À titre personnel, j'aimerais recommander que le projet de loi C-44, s'il est éventuellement adopté, ne s'applique qu'aux citoyens des premières nations, à nos gouvernements, à nos chefs et à nos conseils, et aux membres de nos bandes autochtones.
    Nous savons que les responsabilités fiduciaires et les terres réservées par Sa Majesté par l'entremise du gouvernement du Canada sont pour les bandes autochtones et leurs membres. Nous entrevoyons de nombreux problèmes et beaucoup de contestations devant les tribunaux. Nous prévoyons encore plus de pauvreté chez les Autochtones.
    Nous avons des terres; l'acte de l'Amérique du Nord britannique a été inscrit dans la Constitution canadienne au moyen de l'article 35. La première partie de la loi fédérale appelée Loi sur les Indiens prévoit que des terres sont réservées par Sa Majesté la Reine, via le gouvernement fédéral du Canada, au bénéfice des bandes autochtones et de leurs membres.

  (1145)  

    Je vais vous donner un exemple. Si ce projet de loi est adopté, un non-Indien ou une personne qui ne fait pas partie d'une première nation pourrait venir voir le chef et le conseil pour leur dire qu'il veut une maison sur notre territoire. Nous lui dirions : « Non, ce territoire est protégé par une fiducie et la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral ». Il répondrait : « Oui, c'était vrai avant, mais ce ne l'est plus, donc nous allons porter plainte contre vous devant les tribunaux des droits de la personne provincial et fédéral et intenter une poursuite contre vous, parce que vous faites de la discrimination contre nous. »
    C'est ce que nous craignons, et j'espère que ce comité va en tenir compte, parce que nous n'avons pas les ressources ni les moyens financiers pour constamment nous battre contre ces plaintes devant le tribunal des droits de la personne provincial ou fédéral.
    Merci beaucoup.
    Le grand chef Chris Henderson vient de se joindre à nous. Bienvenue au comité.
    Voudriez-vous faire une déclaration avant que nous ne commencions la période des questions?
    Oui, je vous remercie, monsieur le président.
    D'abord et avant tout, je tiens à m'excuser de mon retard. J'avais une réunion avec un éminent sénateur juste avant de venir vous rencontrer.
    J'aimerais saluer les distingués membres du comité permanent, ainsi que mes homologues chefs et mon homologue grand chef M. Sydney Garrioch, bien sûr, qui vient lui aussi du Manitoba.
    Je ne ferai pas de présentation très étoffée, parce que je pense que vous avez déjà tout entendu. Mes collègues ont fait des exposés accrocheurs et éloquents, et je pense que c'est amplement suffisant. Par conséquent, je ne vais faire qu'un exposé très bref afin de laisser du temps pour l'échange de questions et de réponses.
    Au Manitoba, il y a 66 premières nations représentées par trois organisations. L'Assembly of Manitoba Chiefs représente toutes les premières nations du Manitoba, et deux organismes régionaux représentent les premières nations selon leur région d'attache. Le Manitoba Keewatinook Ininew Okimowin, le MKIO, représente les premières nations du Nord, et la Southern Chiefs' Organization, les premières nations du Sud du Manitoba. Je suis ici pour représenter les premières nations du Sud du Manitoba.
    Au sujet du projet de loi C-44 et de l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, j'aimerais exprimer avec le plus grand respect un point de vue différent de celui de notre organisme national, l'Assemblée des Premières Nations. Je sais qu'elle appuie l'abrogation de l'article 67, mais pour l'instant, je serais porté à appuyer la position et le point de vue présentés par le MKIO, qui représente nos frères et nos soeurs du Nord du Manitoba. Ils rejettent le projet de loi C-44 dans sa forme et sa structure actuelles. Pour l'instant, je serais également porté à appuyer cette position au nom des premières nations du Sud du Manitoba.
    Mon opposition vient surtout du fait que, premièrement, il n'y a pas eu de consultation véritable ni de proposition d'adaptation au sujet de ce projet de loi. De plus, si ce projet de loi était adopté et acquerrait force de loi au Canada, je suis d'avis que les perceptions négatives de nos droits autochtones et issus de traités seraient beaucoup trop grandes. Je pense qu'il doit y avoir un équilibre législatif délicat entre les droits des personnes et les droits collectifs que possèdent nos peuples autochtones au Manitoba.
    Pour l'instant, j'appuierais la position du MKIO. La SCO, la Southern Chiefs' Organization, ne peut donc pas appuyer le projet de loi C-44 pour le moment pour ces deux raisons principales.
    Encore une fois, la première raison est l'absence de consultations et de véritables propositions d'adaptation aux premières nations touchées, à qui devrait servir ce projet de loi. Il y a également les effets négatifs potentiels sur nos droits ancestraux ou issus de traités pour ce qui est des droits individuels par rapport aux droits collectifs de nos premières nations.
    Je ne tiens pas à m'étendre beaucoup plus. Comme je l'ai déjà dit, mes collègues vous ont déjà expliqué tout cela. Je suis content que le comité permanent m'ait invité ici. Je vous remercie et je m'excuse encore une fois de mon retard. Je vous prie d'accepter mes sincères excuses.
    Je suis impatient de passer au dialogue respectueux entre les distingués membres du comité et mes collègues de ce côté-ci de la table.
    Merci. Kitchi megwetch.

  (1150)  

    Merci, chef Henderson.
    Mme Neville va commencer notre période de questions.
    J'aimerais commencer par vous remercier tous de vos exposés très étoffés et réfléchis de ce matin. Je vais partager mon temps avec ma collègue du Manitoba, si nous en avons le temps.
    J'ai beaucoup de questions, mais je vais me concentrer sur une chose. Vous avez tous d'une façon ou d'une autre soulevé le problème du manque de consultation. Comment pourrait-on mener des consultations véritables selon vous? En quoi consisteraient des consultations véritables avant le dépôt d'un tel projet de loi, qui est vraiment lourd de conséquence?
    Cette question s'adresse à tout le monde.
    D'accord, nous allons aller de ma gauche à ma droite. Chef Eastman.
    Pour moi, une consultation véritable serait une consultation de toutes les collectivités, de toutes les personnes et de leur première nation, parce que ce projet de loi va les toucher. Il faudrait donc consulter les membres des premières nations.
    Localement?
    Oui.
    Les consultations empiriques visent à recueillir de l'information à des fins d'évaluation. On examine l'information et on en discute, on examine les enjeux auxquels on est confronté pour savoir exactement quelles sont les propositions et établir un dialogue. Quand on a besoin de consultations, on se fait donner des idées sur la façon de faire certaines choses.
    Les consultations se feraient dans les collectivités, à l'échelle régionale et de façon professionnelle aussi. Pour que certaines choses soient pertinentes, il faut mener des consultations. Tous les groupes d'intérêt doivent être informés du lieu et du moment des consultations.
    C'est ce que nous voulons dire du point de vue du MKIO sur les consultations.
    Je vous remercie de cette question, madame Neville.
    Je pense que la norme de consultation a été bien établie lors des audiences de la Commission royale sur les peuples autochtones. Si cette norme ne peut être respectée, je pense qu'il faudrait envisager une norme semblable et l'établir.
    Je sais qu'au Manitoba, il y a eu une autre série de consultations sur les modifications au système de justice provinciale au début des années 90 dans le cadre de l'enquête sur le système de justice des peuples autochtones. Les consultants ont assez bien réussi à prendre le pouls des collectivités, à entrer dans les communautés, à faire parler les gens de leur expérience du système de justice et des changements qu'ils espéreraient voir apporter. Il ne fait aucun doute que les audiences de la CRPA ont été faites de la même façon dynamique dans tout le pays.
    J'espère donc que les pouvoirs qui existent ici, à Ottawa, vont vous porter à tenir compte de cette norme de consultation des peuples des premières nations, de dialogue avec eux et d'écoute.

  (1155)  

    Merci. Chef Paul ou M. Paul.
    Merci.
    Compte tenu de tout ce qui pourrait découler de ce changement, je pense qu'il est très important de mettre tout notre peuple à contribution, parce que tout le monde va être touché d'une manière ou d'une autre, que la personne ait 5 ans ou 70 ans, qu'elle vive dans le Nord du Manitoba, à Vancouver ou à Halifax. Chacun d'entre nous va être touché par cette mesure. Vous devez le comprendre. Dans ce contexte, la norme de consultation doit être très exigeante afin que tous les membres de notre peuple aient leur mot a dire sur ce projet de loi, parce qu'il va toucher profondément chacun d'entre nous et notre peuple à l'avenir.
    Si nous faisons des erreurs ou si vous faites des erreurs à ce sujet aujourd'hui, nous allons payer pour elles au cours des décennies à venir. Vous devez respecter les obligations juridiques. La barre a été mise très haut pour cette norme, et je pense que dans ce cas-ci, il faut prendre la norme la plus rigoureuse possible pour que les membres de notre peuple comprennent parfaitement, comme Sydney l'a dit, comment ces nouvelles règles vont jouer.
    Les représentants de l'Association du Barreau canadien ont affirmé dans leur exposé que c'était comme une série de dominos. C'est un domino qui pourrait avoir des conséquences qu'on ne connaît pas, et c'est ce que nous craignons. Cela semble simple, mais je pense que la norme de consultation doit être exhaustive, complète et répondre à toutes les obligations juridiques qui existent.
    Merci.
    Monsieur le président, j'aurais quelques observations à faire, si possible.
    Je ne vais permettre qu'une observation par groupe, si vous n'y voyez pas trop d'inconvénients.
    Nous allons entendre Mme Keeper.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tout le monde de son exposé. Tous ont été excellents. J'aimerais remercier particulièrement M. Lawrence Paul d'avoir partagé avec nous sa longue expérience de ces questions.
    J'aurais une question à poser en lien avec ce que M. Paul vient de dire. Nous parlons ici de droits de la personne et de la protection des droits de la personne.
    Monsieur Anderson, vous avez mentionné quelques grands enjeux qui touchent les premières nations dans tout le pays, comme le logement, l'eau et tout le reste. J'ai l'impression que si nous voulons protéger les droits de la personne, nous ne commençons pas au bon endroit. Ce ne semble pas être la bonne façon de faire, parce que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous au départ. Il manque de services. Il manque de programmes adéquats. Les enfants souffrent.
    Pourrions-nous en parler, nous demander par quoi nous devrions commencer pour protéger les droits de la personne des premières nations? Est-ce un bon point de départ pour un projet de loi comme le projet de loi C-44? Devrions-nous plutôt commencer par autre chose pour protéger les droits de la personne des premières nations au Canada?
    Est-ce que cette question s'adresse à moi?
    Oui, elle s'adresse à tous nos témoins.
    Nos sept minutes sont déjà écoulées, mais je vais vous laisser répondre.
    Merci, monsieur le président et madame Keeper.
    La recommandation qu'a formulée le MKIO que le comité recommande au Parlement de faire participer les premières nations à des consultations d'État sur les moyens de protéger les droits de la personne des citoyens des premières nations vise justement à ce que nous nous penchions sur les causes sous-jacentes à ces problèmes, qui pourraient donner lieu à ces plaintes. Le fait d'établir un mécanisme pour que les gens se plaignent des problèmes impossibles à résoudre ne résout pas le problème en soi.
    Nous remarquons que le tribunal a le pouvoir absolu de rendre des ordonnances, par exemple, ou de les faire appliquer en présentant une demande à la Cour fédérale. Une première nation qui ferait l'objet d'une telle ordonnance pourrait ne pas avoir les moyens de résoudre le problème sous-jacent à la plainte, comme vous l'avez souligné, qu'il s'agisse du logement, de l'eau, des services à l'enfance et à la famille ou de n'importe quoi d'autre.
    Bref, pour protéger les droits de la personne des citoyens des premières nations, qui est l'enjeu, les partenaires de traités doivent travailler ensemble, mettre l'accent sur le bien-être des citoyens des premières nations à l'échelle locale et trouver des solutions aux causes des problèmes dont on se plaint avant d'établir un mécanisme de traitement de plaintes nécessairement impossibles à régler.

  (1200)  

    Je pense que vous avez mentionné —
    La parole va au Bloc, s'il vous plaît.
    Allez-y, monsieur Lévesque.

[Français]

    Bonjour, mesdames et messieurs.
    On sait que depuis 1977, l'article 67 soustrait la Loi sur les Indiens aux dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En 1977, l'article 67 a été adopté parce qu'une négociation était en cours entre les Autochtones et le gouvernement au sujet de la réforme de la Loi sur les Indiens.
    Des représentants de l'Assemblée des Premières Nations du Canada, de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador et de l'Association des femmes autochtones du Canada disent vouloir que l'article 67 disparaisse. On a besoin de plus de consultations. Le ministre Prentice se présente devant nous pour dire que des négociations sont en cours depuis 1977 et qu'il y a eu de nombreuses discussions et consultations au sujet de l'article 67, et que toutes ont contribué à façonner le projet de loi. À son avis, le consensus général qui en ressort est que l'article 67 devrait être abrogé.
    Le Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, en 2000, et la Commission des droits de la personne, dans son rapport spécial de 2005, ainsi que l'Association des femmes autochtones du Canada ont tous recommandé l'abrogation de l'article 67.
    Contrairement aux précédents projets de loi gouvernementaux, qui contenaient une demande de disposition d'interprétation, le projet de loi C-44 n'en contient pas.
    Pouvez-vous me dire comment une clause interprétative pourrait faciliter l'application, dans les communautés, des droits individuels par rapport aux droits collectifs? Je vous laisse la parole.

[Traduction]

    Madame Linklater.
    Je vais répondre à votre première question, sur la façon dont une disposition interprétative pourrait favoriser l'équilibre entre les droits de la personne et les droits collectifs pour protéger les droits de la personne. Cependant, j'aimerais d'abord parler de la question de savoir s'il y a eu ou non des consultations depuis 1977, quand on a exclu volontairement de l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne la Loi sur les Indiens, de même que les Indiens vivant dans les réserves en raison des problèmes que posait la disposition du projet de loi C-31.
    Je sais que c'est l'information qui a été présentée. Ce sont les raisons pour lesquelles cette exception a été accordée au départ. Par cette exception, le Canada a garanti au peuple des premières nations que toute modification à la loi devait faire l'objet de vastes consultations du peuple. Nous ne croyons pas qu'il y a eu de vastes consultations, parce qu'à ce jour, seuls les organismes politiques nationaux et quelques autres groupes ont été consultés. D'après l'information que vous nous avez donnée, nous ne savons pas qui a été consulté, parce que les consultations n'ont pas eu lieu dans nos villages et ne répondent pas aux critères de consultations déjà énoncées pour obtenir un consentement éclairé de façon planifiée.
    Au sujet de la disposition interprétative, nous ne pourrons pas vous donner aujourd'hui les éléments précis qui devraient être inclus pour orienter l'interprétation de ces articles de manière à ce que nos droits individuels et nos droits collectifs soient tous deux pris en compte pour la protection des droits de la personne. Il faudrait pour cela même effectuer les recherches pertinentes, mener des consultations et discuter entre nous. Cela pourrait entre autres justifier la nécessité de consultations.
    C'est notre réponse à cette question, et j'espère l'avoir bien comprise. Merci.

  (1205)  

[Français]

    Mme Eastman nous dit qu'il faudrait entre 18 et 30 mois pour y arriver. En outre, si j'ai bien compris les paroles de M. Garrioch, il nous dit que de toute manière, les lois canadiennes ou provinciales autres que la loi de la souveraineté du Créateur ne sont pas reconnues.
    Les consultations peuvent-elles permettre, peut-être, d'introduire auprès du Créateur — vous y croyez — des clauses nécessaires pour s'adapter aux applications de la Loi canadienne sur les droits de la personne?
    Selon vous tous, une période de 18 à 30 mois est-elle suffisante pour en venir à une entente en vue de promulguer l'abrogation de l'article 67?

[Traduction]

    Il vous reste une minute pour répondre à cette question.
    Monsieur John Paul.
    Comme je l'ai déjà dit, le fait est que ce problème perdure. C'est une mesure d'un ancien gouvernement qui a mené à la création de cette exception. Aujourd'hui, 20 ou 30 ans plus tard, nous essayons de corriger une erreur faite par le gouvernement d'alors. Nous ne faisons que dire que ce n'est pas en faisant une autre erreur que nous allons la corriger.
    Pour ce qui est de la disposition interprétative, c'est toujours la même chose, nous ne sommes jamais d'accord avec le gouvernement sur l'interprétation de diverses choses. Si nous réclamons une disposition interprétative, c'est pour que nous nous entendions tous sur l'application d'une loi donnée et en particulier de celle-ci, qui va toucher tout le monde d'une façon ou d'une autre, comme nous le répétons sans cesse.
    Merci.
    Madame Crowder.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais faire écho aux remerciements de mes collègues pour votre voyage ici aujourd'hui et votre disposition à comparaître devant le comité sur cette question très importante.
    Vous êtes nombreux à avoir parlé des conséquences involontaires de l'ancienne loi. Je vous renvoie au paragraphe 6(2)du projet de loi C-31.
    Le ministère a fait une analyse des inducteurs de coûts. J'aimerais vous en citer une partie parce qu'il y est question de l'ampleur de l'effet de ce paragraphe, selon la propre évaluation du gouvernement. Elle s'intitulait « Legislative Change/Disruption », et faisait état de ce qui suit :
Il serait probable que dans un avenir rapproché, les articles de la Loi sur les Indiens concernant l'inscription soient contestés avec succès, particulièrement le retranchement prévu au paragraphe 6(2). Il y a plus de 45 000 demandeurs dont la demande d'inscription a été refusée, et 30 000 autres demandes sont en suspens. Elles feront rapidement partie de l'arriéré, qui décuplera. Selon l'incidence de la modification législative, il pourrait falloir revoir toutes les 250 000 demandes présentées en vertu projet de loi C-31 qui se trouvent à l'administration centrale ou même revoir beaucoup d'inscriptions remplies dans les bureaux régionaux aussi, ce qui pourrait représenter encore des centaines de milliers de cas.
    Voici pourquoi je vous en parle. Vous avez été nombreux à nous dire que l'une des choses qui vous dérangeait le plus, c'est que vous n'aviez pas été consultés de manière à prévenir la situation créée par le retranchement prévu au paragraphe 6(2) du projet de loi C-31. Il nie à des gens l'accès à leurs droits.
    Pourriez-vous me parler des conséquences et effets involontaires que des projets de loi comme le projet de loi C-31 ont eus sur vos nations?
    Merci.

  (1210)  

    Madame Crowder, pourrais-je vous demander de nous présenter le document que vous citez?
    Oui, il s'agit d'un document écrit par Jacqueline Cuffley et intitulé « Cost Drivers ». Je peux le laisser à quiconque en a besoin au centre de vérification.
    Merci.
    Je vais donner la parole au chef Garrioch.
    Je remercie les membres du comité permanent.
    Cette question englobe beaucoup de choses. Au sujet de la Loi sur les Indiens et de l'abrogation de cet article du projet de loi C-31, nous n'avons pas été consultés concernant son incidence potentielle sur notre peuple. Cette modification a pour ainsi dire déterminé le rétablissement du statut des premières nations. C'est une chose.
    Il y a également l'annulation des droits issus de traités qu'il y avait dans le système de nos premières nations, de même que les retranchements et l'assimilation qui découlaient de cet exercice.
    Sur cet aspect de la Loi sur les Indiens et le rétablissement potentiel du statut, le grand problème va devenir l'arriéré et les ressources nécessaires aux deux niveaux pour tout gérer. Il y a le système du MAINC pour examiner les demandes et rétablir le statut des membres des premières nations admissibles selon les critères d'inscription. Il y a aussi les démarches nécessaires pour l'inscription de collectivités. Comment tout cela va-t-il se répercuter sur le programme, le sous-financement existant et le système de gouvernement des premières nations? Il va y avoir tout un effet. Cette mesure va tout retarder, tout bloquer et nuire beaucoup au système gouvernemental de programmes et de services. Elle va créer beaucoup de frustrations, non seulement au gouvernement, mais au sein de la population elle-même.
    À ce sujet, s'il y a une modification potentielle, combien va-t-il y avoir de plaintes déposées dans la nation? Est-ce qu'il va y en avoir 50 000, 500 000 ou un million? Comment cet exercice ou ce mécanisme va-t-il fonctionner? À quel point le gouvernement va-t-il pouvoir traiter toutes les plaintes déposées? C'est un bon exemple de modification à la Loi sur les Indiens et de ses incidences sur nous.
    Merci.
    Y a-t-il d'autres points de vue?
    John Paul.
    Je suis d'accord. Je pense que les incidences sont très graves et pour ce qui est des chiffres, il suffit de faire le calcul. Peu importe le chiffre qu'on utilise pour les services de base, qu'il s'agisse des services sociaux, de la santé, du logement, de l'éducation ou des simples services fondamentaux de base. On a qu'à faire le calcul, n'importe quel économiste qui s'y connaît un peu va voir que cela va déstabiliser les collectivités dans leur situation.
    Chez nous, dans nos collectivités, il y en a beaucoup qui ont accueilli beaucoup de nouvelles personnes depuis l'adoption de cette loi, de sorte que la population de certaines collectivités a presque doublé. Depuis le jugement Corbière, toutes ces personnes qui ont fait doubler la population ont eu des enfants, qui ont eu des enfants et ainsi de suite, ce qui fait augmenter d'autant la pression sur un budget à croissance fixe. Par conséquent, il y a vraiment beaucoup de conséquences qui vont jouer dans les prochains temps et faire augmenter la pression financière qui pèse sur le gouvernement et les différentes collectivités.
    Nous nous sommes vraiment demandé quelle était l'intention de tout cela. Est-ce comme une politique qui a été créée en 1969, qu'on avait appelée la politique Chrétien, qui visait à éliminer le statut de citoyen plus et à nous diriger vers une stratégie de démantèlement des collectivités et d'assimilation totale de notre peuple? Est-ce que c'est le but? Je pense que notre peuple est nos chefs s'inquiètent beaucoup de l'intention de cette mesure et de ses résultats, particulièrement pour les enfants et les petits-enfants de nos collectivités. Qui seront-ils à l'avenir? C'est très grave pour nos collectivités.
    Merci.

  (1215)  

    Monsieur Bruinooge.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être venus aujourd'hui, tout spécialement à mes concitoyens manitobains. Évidemment, je n'ai rien contre les gens de la Nouvelle-Écosse.
    Je parlerai d'abord des raisons invoquées par le ministre et le gouvernement pour abroger l'article 67. On veut régler certains problèmes dont le gouvernement a été saisi à de nombreuses occasions, notamment en ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux, lorsque le pacte du mariage est rompu pour une raison quelconque et que la famille doit quitter la maison, non pas par suite d'une répartition directe des biens matrimoniaux, mais suivant le modèle actuellement utilisé dans la plupart des communautés des premières nations, c'est-à-dire l'attribution des biens selon les directives du conseil de bande.
    Le problème que je vois, et que le gouvernement voit à titre de législateur, touche généralement les mères et les enfants, à qui on ne garantit pas nécessairement un logement au moment de la dissolution du mariage.
    Pour remédier à cette situation — et nous croyons que nous devons le faire — on a demandé d'abroger l'article 67, dans le cadre du processus, parce qu'on juge que c'est nécessaire pour assurer des biens immobiliers matrimoniaux. C'est là une des raisons.
    N'êtes-vous pas d'accord pour dire que les biens immobiliers matrimoniaux sont essentiels à la vie des familles dans les réserves et qu'il est important de trouver une solution au problème?
    Je vais poser cette question d'abord à Mme Eastman.
    Merci.
    Concernant les biens immobiliers matrimoniaux, nous avons tenu des séances de dialogue au Manitoba. Vous ne pouvez pas comprendre quelle est la situation dans la communauté. Ces séances de dialogue sont davantage des séances d'information, parce que certaines femmes ne comprennent pas ce que signifie l'expression « biens immobiliers matrimoniaux ». Nous nous sommes retrouvés à donner des renseignements sur les lois provinciales pendant deux jours.
    À la fin des séances, les gens disaient, pourquoi essaient-ils de nous dicter comment nous devons vivre et ce que nous devons faire? Tout d'abord, ce ne sont pas nos terres. Elles ne nous appartiennent même pas. Tout ce que nous avons, ce sont les biens tangibles. Au Manitoba du moins, les terres ne nous appartiennent pas.
    Puis, nous avons les loi naturelles que nous suivons s'il y a dissolution du mariage. Ce ne sont que des lois naturelles selon lesquelles les parents par alliance s'occupent de la famille, des enfants.
    C'était la première fois qu'ils entendaient parler de cela. Ils ont dit, une loi sera adoptée en avril. Cela ne donne que trois mois. Nous devons retourner chez nous et examiner la chose et en discuter.
    Nous avons donné beaucoup d'information, ce qui était une bonne chose. C'était l'aspect positif de l'exercice. Les femmes qui sont venues ont été bien informées. Mais ce sont là certaines choses qui sont ressorties des séances de dialogue que nous avons tenues.
    La portée de cette mesure est très importante au sein de la collectivité. C'est bien différent de vivre dans une communauté en région urbaine. Si chacun d'entre vous veniez vivre dans la communauté pendant un an, vous verriez ce que c'est. Ce n'est pas la même chose que de vivre dans une région urbaine de la province. C'est là une des choses que nous avons constatées.
    C'est tout ce que je vais dire à ce sujet.

  (1220)  

    Je vous répondrai que j'espère, en tant que législateur, de réussir par l'entremise du Parlement à donner cette sécurité aux femmes et aux familles de sorte qu'en cas de dissolution du mariage, elles ont la chance de vivre dans une maison. C'est ce que je souhaite en prenant part à ce processus.
    Nous ne voulons pas que des lois provinciales soient présentées aux collectivités. C'est la première chose que les femmes ont dite.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste une minute et demie.
    Je vais revenir à un des points soulevés par M. Anderson.
    Vous avez dit que certains problèmes ou abus en matière de droits de la personne étaient sans issue. S'il n'existe aucune tribune où les gens peuvent soumettre les problèmes qu'ils ont dans ce domaine, comment est-il possible de quantifier ces problèmes et de dire qu'ils sont sans issue? S'il n'existe aucune tribune comme celle que nous proposons, comment serons-nous en mesure d'affirmer cela?
    Merci, monsieur Bruinooge.
    La question de Mme Keeper portait en quelque sorte sur ce sujet.
    Le mécanisme et la tribune dont vous parlez, ce sont les relations fondées sur les traités. C'est la relation entre la Couronne et les premières nations. C'est le dialogue qui découlerait naturellement du processus continu qui consiste à donner vie à l'engagement perpétuel de bâtir un pays ensemble. Alors les problèmes qui apparaissent dans les communautés des premières nations et qui les préoccupent seraient réglés directement par un contact entre les leaders, les ministres d'État, les parlementaires et les comités comme le vôtre. C'est le dialogue que sous-tend la conclusion d'un traité : deux nations qui construisent un pays ensemble.
    Ce qui nous préoccupe à propos de l'abrogation de l'article 67, c'est qu'on élabore immédiatement un mécanisme de plainte et qu'on fait fi du processus d'engagement. D'après les questions qui ont été posées dans le cadre des consultations, par exemple, nous notons, dans notre étude sur les biens matrimoniaux, que Mme Grant-John recommandait que le ministre et le ministre de la Justice développent une culture de conformité à l'article 35. L'engagement dans cette relation fondée sur un traité suppose entre autres le plein respect de l'obligation de consulter que la Cour suprême du Canada a établie comme doctrine.
    Les questions à poser — existe-t-il un droit, y porte-t-on atteinte et la violation du droit est-elle justifiée — portent toutes sur l'engagement. Jusqu'à présent, nous n'avons pas respecté l'obligation de nous engager dans un processus de consultation de façon pertinente et opérationnelle, selon la doctrine établie par la Cour suprême.
    Merci.
    Nous en sommes maintenant à des interventions de cinq minutes.
    Nous allons donner la parole aux libéraux. Monsieur Russell.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à chacun d'entre vous. Merci d'être ici.
    Je connais un peu le chef Paul, étant moi-même de la région de l'Atlantique. Je n'ai jamais cru que vous aviez une piètre performance dans un dossier quelconque, pour dire franchement. J'ai souvent entendu parler de vos nombreuses réalisations en Nouvelle-Écosse.
    Pour reprendre ce que Tina a dit et ce que vous avez dit devant le comité, si l'on parle du logement, de l'eau et des autres services qui devraient être fournis, l'impact ne serait-il pas plus marqué dans les collectivités des premières nations qui ont moins de capacité? Cela doit être doublement difficile pour certaines d'entre elles. Les communautés plus pauvres, ou celles qui doivent relever plus de défis, seraient plus durement touchées. On présume que toutes les premières nations sont sur le même pied, ce qui n'est pas le cas.
    Prenons par exemple les Innus. Les Innus Mushuau et les Innus de Sheshatshiu au Labrador sont deux nouvelles premières nations. En fait, les Innus de Sheshatshiu ont été constitués en première nation il y a quelques mois à peine. Ils doivent se placer sous le régime de la Loi sur les Indiens et maintenant, on leur impose cela en l'espace de six mois.
    Pouvez-vous nous dire comment cette mesure pourrait être appliquée? Elle pourrait être exaspérante. Le comité a parlé de Pikangikum et de Kashechewan, par exemple, deux communautés dont les médias ont parlé.
    Pouvez-vous faire quelques commentaires à ce sujet, monsieur Paul?

  (1225)  

    Merci pour vos bons mots. Je vous en sais gré.
    Tout d'abord, lorsque je regarde l'ensemble du tableau, comme je l'ai fait depuis que je suis en politique — et cela remonte aux années 60, et c'est pourquoi j'ai dit tout à l'heure que j'avais connu beaucoup de premiers ministres à titre de chef et de conseiller en politiques autochtones — j'ai vu beaucoup de changements. Une chose que je n'ai jamais aimée et que je n'aime toujours pas lorsque je m'entretiens avec votre comité, c'est de me retrouver dans une relation parent-enfant — nous savons ce qui est bon pour vous. J'aime m'entretenir avec les membres du comité d'égal à égal.
    Les réalisations que j'ai faites au sein de ma première nation sont attribuables à mon peuple et au comité du développement économique. Nous avons décidé de faire les choses à notre façon. Pendant des années, un ministère nous a dit ce qu'il fallait faire, et cela n'a jamais marché. Ce fut un échec lamentable. Nous avons donc décidé de prendre les choses en main, de nous tourner vers la libre entreprise et le développement économique et voir comment nous pouvions avancer dans le monde moderne, et nous avons réussi.
    Pour répondre aux questions des députés au sujet des biens matrimoniaux, vous devez reconnaître le mérite des premières nations et reconnaître qu'il y a des gens intelligents dans nos conseils. Par exemple, il y a six diplômés collégiaux au sein de mon conseil.
    Concernant les biens matrimoniaux, nous avons vu ce problème venir et nous avons donc adopté notre propre politique. En cas de rupture, on fait appel au tribunal de la famille. Celui des deux conjoints, homme ou femme, qui obtient la garde des enfants conserve automatiquement la maison.
    Un parent non indien a la responsabilité de gardien, alors il peut vivre dans une maison qui appartient à la bande jusqu'à ce que l'aîné des enfants atteigne l'âge de maturité — je crois que c'est 19 ans maintenant. Il lui revient alors de décider s'il souhaite que son parent non indien vive encore avec lui ou non; c'est lui qui décide maintenant. La décision revient à la famille. Nous croyons que cette situation est équitable.
    Je n'aime pas l'idée d'utiliser les biens matrimoniaux, au-delà de toute comparaison, pour donner cette protection et éliminer l'article 67 par le projet de loi C-44, parce que trop de choses sont en jeu. Il y aura tellement de contestations judiciaires contre les chefs et les conseils. J'ai souvent dit que nous étions tous les deux nécessaires, et nous devrons évidemment poursuivre le gouvernement fédéral. Vous savez qu'il y a des poursuites de l'ordre de 22 milliards de dollars contre le gouvernement fédéral précédent qui ne sont toujours pas réglées. Ce chiffre va doubler avant que tout soit terminé, parce que lorsqu'ils nous poursuivent, nous devons poursuivre le gouvernement. Nous n'avons pas d'autre choix, nous devons utiliser ce recours.
    Présentement, je peux voir que la Loi canadienne sur les droits de la personne va chambarder tout le reste. À l'heure actuelle, ma bande compte 60 p. 100 de mariages mixtes dans les réserves et hors réserve. Les membres de ma bande se trouvent partout, de la Colombie-Britannique à l'Île-du-Prince-Édouard, de la Floride à la Californie, au Massachussetts — ils sont disséminés partout. Conformément à l'arrêt Corbiere, ils votent pour nous.
    Mes collègues et moi sommes ici aujourd'hui pour demander au comité permanent d'écouter ce que nous disons aux députés. Nous voulons ce qui est le mieux pour notre peuple. Nous vivons là. Nous savons que la société d'une première nation est bien différente d'une société au centre-ville de Truro, où je vis. Notre société est différente et a une façon différente de faire les choses.

  (1230)  

    Nous vous demandons d'écouter ce que nous vous disons sur l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette mesure entraînera plus de pauvreté. Elle épuisera les ressources financières limitées que nous avons maintenant. Elle causera des maux de tête, non seulement à nous, mais aux autorités municipales, au gouvernement provincial, parce qu'on ouvrira toutes les portes.
    Ai-je dépassé mon temps, monsieur?
    Oui, je vous prie de résumer. Vous n'avez plus de temps.
    Je suis très inquiet des répercussions qu'aura le projet de loi C-44. Il aura des effets désastreux sur la vie communautaire de nos premières nations et sur les gouvernements locaux.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Je suis désolé. Je dois tenir compte du temps, sinon mes collègues vont me reprocher de ne pas donner des chances égales à tous.
    Nous allons maintenant du côté du parti ministériel. Monsieur Albrecht.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie personnellement chacun des témoins de comparaître aujourd'hui. J'aimerais féliciter tout particulièrement le chef Paul d'avoir survécu à cinq ou six premiers ministres. C'est tout un exploit, surtout pour un député novice comme moi.
    La question de la consultation — une consultation adéquate et entière — a été soulevée non seulement par chacun des témoins aujourd'hui, mais par de nombreux autres témoins que nous avons entendus. En réponse à Mme Neville, je crois, la chef Eastman a dit qu'il s'en suivrait des consultations jusqu'au niveau individuel. Je suis d'accord pour dire que ce serait l'idéal, mais si on songe aux consultations au niveau individuel, puis au niveau des premières nations, au niveau régional, au niveau provincial, au niveau fédéral, que faisons-nous? Nous voulons certes écouter; je crois que c'est très important, mais au bout du compte, nous avons déjà écouté un certain nombre de représentants fédéraux seulement, et nous avons des vues très variées sur ce qui doit être fait.
    Au bout du compte, quelqu'un doit se pencher sur cette question et prendre une décision. Comment pouvons-nous commencer à nous engager dans un dialogue, d'abord au niveau des 600 premières nations que l'on trouve au Canada, puis au niveau individuel, et être encore certains que nous n'avons pas brimé quelqu'un en cours de route? C'est là un défi que vous devez sans doute relever aussi dans vos conseils de bande. Vous prenez des décisions et les gens vont toujours vous dire que vous ne les avez pas écoutés parce que vous n'avez pas suivi la proposition qu'ils vous ont présentée.
    J'aimerais vous demander ceci : comment pouvons-nous vous assurer que nous avons écouté et que nous n'arrivons peut-être pas à la décision que votre groupe aurait préférée? Je dis cela avec tout le respect que je vous dois. Je n'ai pas l'intention de vous offenser. C'est un défi qui nous guette non seulement dans ce dossier, mais dans bien d'autres aussi.
    Si vous pouviez m'aider, je vous en saurais gré.
    Concernant l'application pratique de la politique en matière de consultation, le MKIO a mis beaucoup d'efforts à codifier cette politique pour l'application du processus de consultation de la Couronne au Manitoba. Nous avons commencé à y travailler quelques mois après l'arrêt Sparrow, en avril 1991. Je me rappelle que le conseil exécutif du MKIO avait donné l'instruction de procéder à ces travaux. Maintenant, nous travaillons de concert avec le Centre juridique de l'intérêt public du Manitoba pour la production d'un cahier sur les consultations de la Couronne pour que les premières nations puissent présenter ce cahier lorsqu'une demande de consultation de la Couronne est faite.
    La première nation de Northlands Denesuline a présenté une demande au gouvernement du Manitoba pour qu'on s'engage dans des consultations de la Couronne relativement à des permis d'exploration minière sur son territoire et a demandé qu'aucun autre permis ne soit délivré jusqu'à la fin de ces consultations. Pour valider cela, une réponse sur le processus doit être fournie. C'est ce que nous allons faire.
    J'ajouterais que le MKIO n'a pas participé aux consultations de la Couronne menées conjointement par le Manitoba et le Canada sur le projet de Waskwatum. Les premières nations directement touchées ont pris part à ces consultations. Un rapport a été produit sur cela, alors le mécanisme peut être examiné.
    La consultation représentative ne répond pas aux normes de consultation établies par la Cour suprême dans l'affaire Sparrow, et dans Badger dans notre cas, puis dans les affaires Nation Haida et Taku River. C'est une consultation directe avec les premières nations directement touchées. Les questions que j'ai énumérées tout à l'heure — le droit est-il brimé, la violation est-elle justifiée? — sont les questions qui doivent être posées.
    Comme je fais partie du groupe consultatif sur la politique nationale du comité des pêches de l'APN, nous savons que le MPO attend de voir ce qu'il adviendra du projet de loi C-45. Le ministère des Pêches et des Océans attend la conclusion des travaux menés conjointement par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministère de la Justice pour élaborer une politique de consultation nationale pour le gouvernement du Canada. Nous attendons cela avec impatience. En fait, nous allons soumettre une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et essayer d'obtenir autant d'information que possible immédiatement. Finalement, il s'agit d'un mécanisme codifié. C'est un processus fiable. La chose se passe entre la Couronne et les premières nations, et il y a eu beaucoup de travail préparatoire. La conclusion du processus de consultation est une autre affaire.
    J'aimerais faire un dernier commentaire, si vous me le permettez, monsieur le président.
    Ce qui importe de retenir dans l'arrêt Sparrow, c'est que la présomption de validité de la part du Parlement n'est plus valable. Le processus de consultation de la Couronne ne se résume pas à écouter et à agir. Si la Couronne prend une mesure ou une décision qui brime l'exercice d'un droit reconnu en vertu de l'article 35 de la loi constitutionnelle, elle ne peut le faire à moins de justifier cette violation. La consultation fait partie du mécanisme de justification. On établirait alors un objectif législatif valable qui justifierait cette mesure à la suite de l'analyse consultative.

  (1235)  

    Monsieur le président, est-ce qu'il me reste du temps?
    Non, monsieur Albrecht.
    Monsieur Lessard.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je veux aussi remercier nos invités d'avoir accepté de venir témoigner au sujet de cet important projet de loi. Je pense que son importance est indéniable. La prestation que vous livrez aujourd'hui nous en fait encore une fois la démonstration.
    J'essaie de déterminer où se situe le véritable problème. Est-ce au plan de la forme ou du fond, ou des deux? Présentement, j'ai davantage l'impression que c'est la forme qui pose problème. Je ne voudrais pas faire erreur et c'est pourquoi je vais vous demander des précisions à cet égard.
    L'appel que vous nous lancez ce matin se résume, je pense, par une intervention de M. Lawrence Paul qui nous demande de vous écouter, de procéder par consultation, de respecter vos us, vos coutumes, vos pratiques et de reconnaître la nécessité d'un juste équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs, et tout cela.
    J'ai l'impression — et c'est là qu'il faut parvenir à une meilleure compréhension — que les législateurs précédents ont tenté de vous écouter. Au moment où la loi a été adoptée en 1977, il y a eu cette clause d'exclusion, l'article 67. Il y a eu tout un débat à ce moment-là et durant les années qui ont suivi. Pour résumer, en 1999, un comité très important au palier canadien — je pense que M. Paul a témoigné devant ce comité, tout comme d'autres parmi vous, sûrement — a apporté un ensemble de recommandations en ce qui concerne la responsabilité fiduciaire du fédéral, entre autres, ainsi que l'abrogation de l'article 67. Ce débat a donc eu cours en 1999.
    L'Assemblée des Premières Nations se dit également d'accord sur le principe de l'abrogation de l'article 67. L'Association des femmes autochtones du Canada est plus précise, se disant d'accord sur le principe, mais demandant une disposition d'interprétation. On comprend ce besoin afin de pouvoir tenir compte des particularités que vous souleviez tout à l'heure.
    La perception que l'on a, comme législateurs, c'est qu'on a tenté de vous écouter. Non seulement a-t-on tenté de le faire, mais on vous a permis de vous exprimer. Je viens de vous en donner quelques exemples. Et vous êtes ici aujourd'hui de nouveau.
    Il y a un autre aspect qui, je pense, décrit bien la situation. M. John Paul nous dit que le délai qui est suggéré ne leur permettra pas de respecter les obligations crées par l'abrogation, parce qu'on ne pourra pas nécessairement mettre en place les mesures sanitaires, éducatives, etc. pour répondre aux différentes obligations.
    Je pense que j'ai aussi devant moi des gens de droit qui savent qu'à l'impossible, nul n'est tenu. Cette règle a aussi été appliquée en 1977 pour des communautés autres que les communautés autochtones. Il y avait aussi d'autres communautés très fragiles à l'époque qui ne pouvaient pas répondre à certaines obligations. C'est venu avec le temps.
    Ma question est la suivante : ne croyez-vous pas que si on fait un parallèle entre ce qui s'est passé depuis l'adoption de cette loi, en 1977, et les mesures qui ont été prises jusqu'à aujourd'hui, vous avez un atout supplémentaire? Vous avez un fiduciaire qui a un certain nombre de responsabilités à votre égard, c'est le gouvernement canadien. Ne pensez-vous pas qu'on se trouve davantage devant un débat de forme que devant un débat de fond et que la décision à prendre est de savoir si on adhère au principe ou pas? Je suis peut-être un peu radical ou brutal en vous disant cela, mais est-on véritablement d'accord sur le principe? Ça m'étonnerait de votre part si, par exemple, vous ne respectiez pas les 11 motifs illicites.

  (1240)  

[Traduction]

    Vous disposez d'un temps limité pour répondre à cette question. Je vous prie d'être concis, afin que nous puissions passer au prochain intervenant.
    Monsieur Paul.
    Comme vous l'avez dit, sur les plans du fond et de la forme, nous convenons tous que la situation des communautés a évolué depuis 1977. Mais l'une des choses qui manquent encore, c'est le respect de la promesse relative aux rapports fondés sur des traités et la protection des droits constitutionnels et des ressources financières qui vient avec. Nous sommes pris dans un dilemme qui consiste à faire des compromis, des choix. Pour les communautés, en attendant que vous agissiez d'une façon ou d'une autre, les choses suivront leur cours.
    Comme Lawrence l'a dit plus tôt, on pourrait se retrouver avec 44 milliards de dollars de plus en procédures judiciaires, poursuites et ainsi de suite, mais il y a d'autres problèmes importants à régler dans nos communautés. Si l'on considère cela sous l'angle de la pauvreté, même divisée, celle-ci demeure de la pauvreté. Si l'on n'arrive pas à passer par-dessus, on pourra avoir tous les droits et égalités qu'on voudra, mais on n'en sera pas moins pauvre.
    Nous devons donner à nos gens les moyens de prendre leur destinée en main, de faire partie du Canada et de l'économie, d'occuper un emploi et d'avoir un avenir. Tel doit être notre objectif. Et cela ne suffira pas, à mon avis.
    Monsieur Storseth.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous nos témoins de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Ici, aujourd'hui, une partie de notre travail consiste à nous asseoir pour vous écouter et déterminer quels éléments de cette loi doivent être conservés, et quels autres doivent être modifiés, voire même éliminés. Malheureusement, j'ai seulement cinq minutes. J'adorerais passer beaucoup de temps à en discuter avec vous tous.
    J'aimerais m'adresser d'abord au chef Eastman. J'ai aimé votre exposé, que j'ai trouvé très concis.
    Croyez-vous que le statu quo qui existe aujourd'hui dans la communauté fonctionne?
    Non, il ne fonctionne pas.
    Sans parler trop longuement, pourriez-vous me dire quels éléments nous devrions modifier, selon vous, dans un cas comme celui de l'abrogation de l'article 67, qui n'est pas une bonne première étape, dans la mesure où nous pouvons maintenir certaines des limites que vous avez exposées dans votre mémoire?

  (1245)  

    Je vais demander à Irene de vous répondre, du point de vue de l'AMC.
    Merci, chef Eastman.
    En ce qui concerne la question de savoir si le statu quo est satisfaisant, non, il ne l'est pas, ni dans le fond, ni dans la forme, parce que les droits inhérents, issus des traités ou substantiels des peuples des Premières nations ont été compromis par une législation qu'ils n'ont pas créée eux-mêmes — ce qui constitue la déclaration unilatérale contenue dans l'exposé de l'AMC; parce que nous ne participons pas à l'évaluation des impacts qu'ont les lois sur nous, mais voyons plutôt celles-ci nous être imposées, comme cela se produit en ce moment; et enfin, parce qu'on n'instaure pas de relations fondées sur les traités, faute d'un arrangement fiscal sur un pied d'égalité avec le gouvernement fédéral.
    La relation entre la Couronne et les Premières nations n'a pas été respectée. Fondamentalement, on nous fournit des programmes et des services dans les communautés, et nous avons droit à un ministère de programmes, au lieu d'une relation de nation à nation et de gouvernement à gouvernement.
    Ainsi, à la question de savoir si le statu quo, au sens large, est une bonne chose aujourd'hui, la réponse est non. Beaucoup d'améliorations sont nécessaires. Nous considérons que les droits de la personne ont été et continuent d'être violés, compte tenu de l'insalubrité ou de la pénurie de logements et de l'absence de routes pour se rendre dans certaines de nos communautés, alors qu'ailleurs, c'est une chose qui va de soi.
    On invoque l'argument selon lequel seulement un certain montant d'argent peut être versé, car à chaque exercice financier, les sommes allouées aux Premières nations sont limitées, mais cela viole les droits humains sur le plan international. En matière de droit international, il y a un droit de la personne qui garantit un logement adéquat et suffisant. Tant que le Canada ne tiendra pas compte des principes de droit international liés au consentement préalable en connaissance de cause et autres textes de loi nationaux visant le respect des Autochtones du Canada, nous n'irons pas au-delà du dialogue. Nous échouerons.
    Je ne veux pas vous interrompre.
    Ainsi, vous faites valoir qu'avant de pouvoir implanter ces droits de la personne qui n'existent pas actuellement dans les réserves, nous devons d'abord financer adéquatement ces dernières pour qu'elles puissent veiller au respect des droits de la personne auxquels on passe outre actuellement.
    Un témoin: C'est partiellement —
    M. Brian Storseth: J'ai quelques questions. Je dispose de combien de temps, monsieur le président?
    Vous avez une minute.
    Je vais poser mes deux questions.
    Premièrement, pourriez-vous nous dire de quel montant vous pensez avoir besoin, ne serait-ce que dans votre région, pour atteindre cet objectif?
    Deuxièmement, le chef Eastman a parlé des consultations qui se sont tenues dans votre région en matière de droits relatifs à la propriété matrimoniale. Vous n'avez pas le temps de répondre à toutes les questions, mais de toute évidence, il a dû y avoir de la documentation. Pourriez-vous fournir au comité des renseignements et de la documentation issus de ces séances d'information, afin que nous puissions connaître les points de vue des gens sur le terrain?
    Bien sûr, nous pouvons le faire. Nous disposons des comptes rendus écrits de toutes les séances de dialogue, et je peux vous les faire parvenir. Le ministère des Affaires indiennes devrait les avoir.
    Avez-vous une idée du montant d'argent supplémentaire que le gouvernement fédéral devrait injecter dans le système? Est-ce que quelqu'un dispose de ces chiffres?
    Je pense que cela a fait l'objet d'un analyse. Je sais que l'APN a effectué une évaluation de l'impact des dépenses en capital de la dernière décennie, et à partir de cela...
    On peut considérer cela comme une tarte; elle demeure la même, et ne fait que s'amincir. Nous devons nous en servir pour nourrir de plus en plus de gens, et dans le contexte actuel, à moins que nous ne fixions des normes fondamentales de service pour tout le monde en ce qui a trait à l'ensemble des activités, et ainsi de suite, il s'agit en somme de fournir des services de base aux gens des communautés. Beaucoup de nos gens vivent dans la pauvreté. C'est un problème assez important et, sur le plan national, l'APN a évalué l'impact de l'écart fiscal existant. Si vous examinez la situation de chacune des régions et que, pour chaque communauté, vous regardez de plus près les répercussions au cours de la dernière décennie, vous commencerez vraiment à voir et à comprendre exactement la cause et l'effet de la croissance limitée en matière de financement, et son impact sur les services et programmes communautaires.

  (1250)  

    Alors, si on vous donnait cet argent, est-ce que vous...
    Monsieur Storseth, votre temps est écoulé.
    Madame Crowder.
    Monsieur le président, en fait, le MAINC lui-même a fait une analyse approfondie du sous-financement chronique touchant un projet coûteux qu'il a mis en oeuvre, et les résultats étaient clairs sur plusieurs plans. Le ministère a reconnu qu'il y avait un sérieux manque de financement.
    J'aimerais revenir en arrière pour une seconde. Il semble, en effet, que cette question de l'abrogation de l'article 67 soit présentée de manière assez simpliste; on dit qu'il s'agit d'être pour ou contre les droits humains, et que s'opposer au projet de loi revient à s'opposer aux droits humains. D'après ce que les témoins nous disent d'aujourd'hui, le noeud de la question semble être l'absence de reconnaissance de la nécessité de traiter de nation à nation plutôt qu'au moyen d'un processus de décision unilatéral qui mine les droits conférés par les traités et les relations entre nations. Cela me semble être le genre de mentalité qui constitue un obstacle pour régler la question des droits de la personne, dans le contexte où nous ne pouvons même pas reconnaître ces rapports.
    Pourriez-vous vous prononcer là-dessus?
    Merci, monsieur le député. Votre question précédente, à propos du statu quo, était pertinente.
    Je pense que nous voulons une mesure de protection contre l'érosion, l'annulation ou l'extinction de n'importe lequel de nos droits. Les questions essentielles et les principes de l'Accord de Kelowna pourront servir à régler certains des problèmes fondamentaux à l'origine du fait que les gens se sentent laissés pour compte et victimes de discrimination parce qu'ils ne peuvent accéder à un logement, ou encore obtenir des bourses d'études, des services de soins de santé de base ou autres services essentiels du genre.
    Nous tentons actuellement de composer avec le système pour trouver une solution. Nous reconnaissons les problèmes et faisons de notre mieux pour les résoudre au niveau communautaire.
    Nous avons un droit coutumier qui est entièrement sur papier, mais ces connaissances et cette éducation sont transmises de génération en génération. Ainsi, ce droit coutumier ne rejoint pas seulement les dirigeants, mais aussi les aînés, les femmes, les jeunes, les gens concernés, les parents et les familles immédiates ou élargies. Le processus constitue à essayer de trouver une solution convenable.
    Nous avons donc un système. Mais vous tentez de l'imposer. Votre façon de faire est bonne, mais ce n'est pas la nôtre. Voilà le problème. Nous essayons de faire ce que nous pouvons dans la mesure de nos capacités, de même qu'avec les ressources dont nous disposons en vertu de notre régime.
    Maintenant, si vous souhaitez aborder la question des droits de la personne, des droits issus des traités relatifs à l'éducation, au logement et à la santé ou à n'importe quel aspect de la faune, de la flore et de nos ressources territoriales, et si vous voulez parler du non-respect des droits ou des terres enlevées — Il nous reste bien peu de territoire, et selon l'ancien premier ministre, nous avons volé des terres.
    Voilà la question. Que tentez-vous de faire de plus, avec toutes les implications que cela suppose, pas seulement pour la Commission, mais aussi en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne ou la Loi sur les Indiens, et même ce que l'article 25 de la Loi constitutionnelle est censé protéger? Les droits dont nous disposons ne sont pas nombreux. Nous tentons de protéger le peu qu'il nous reste.
    Vos lois, vos politiques ou votre système auront essentiellement pour effet de nous assimiler. Nous tentons de protéger le peu que nous avons et nous essayons de présenter cela de telle manière — Ne le faites pas à votre façon. Nous avons tenté d'établir un processus qui est déjà en vigueur dans notre communauté. Nous avons déjà un système en place, mais les lois ne sont pas écrites. Voilà les éléments qui requièrent une capacité au sein du système lui-même, car ces dispositions sont là. Ne perturbez pas cela. Ne nous l'enlevez pas. C'est notre droit. Ce sont là les considérations que nous souhaitions faire entendre et soumettre au comité permanent. Nous voulons nous y prendre de la bonne façon.
    Nos gens sont les décideurs. Ce sont eux qui font fonctionner le système. Nous ne devrions pas permettre aux parlementaires de prendre des mesures qui le perturbent ou nous l'enlèvent. Nous essayons seulement de nous assurer que ces dispositions sont en place, souhaitons être en mesure de mettre au point un régime adapté au point de vue de nos peuples et de nos ancêtres et bâtissons un avenir pour mener à bien cette tâche et ces responsabilités. En tant que fiduciaires et dirigeants, nous essayons de faire ce qu'il faut pour préserver cette obligation de fiduciaire en vertu de notre système.
    Si vous souhaitez ouvrir ce dossier, combien de plaintes liées aux droits de la personne et provenant de partout au Canada seront adressées au ministère des Affaires indiennes ou à vous, en tant que députés du Parlement canadien? Voulez-vous rouvrir cela? Et combien de temps cela vous prendra-t-il pour résoudre les problèmes actuels? Tous nos gens peuvent s'inscrire et déposer une plainte contre vous.
    Nous voulons résoudre les problèmes et travailler avec vous; faisons-le d'une façon plus efficace.
    Merci.

  (1255)  

    Merci, chef Garrioch.
    Je pense que nous venons d'achever la série de questions. Je vais vous en poser une, car la parole est de nouveau au gouvernement.
    Monsieur Paul et madame Linklater, vous avez notamment parlé de logement adéquat, d'accès à l'éducation, etc. Ce que je vois de positif dans ce projet de loi, c'est qu'au moyen du système de justice, nous pourrions être en mesure de préciser en quoi consiste un logement convenable et de déterminer ce qu'est un accès raisonnable à l'éducation, et autres choses du genre.
    Je ne fais qu'exprimer ce qui me semble positif, sans pour autant rejeter ce que vous avez dit. Mais quand on parle de la nécessité d'avoir davantage de logements, cela pose problème. Qu'est-ce qu'un logement adéquat?
    Monsieur Paul, peut-être pourriez-vous me répondre brièvement.
    Pour vous l'expliquer, je vais vous donner l'exemple de deux simples statistiques que je garde toujours à l'esprit.
    L'une concerne l'éducation universitaire. Dans le Canada Atlantique, nous avons plus de 800 étudiants inscrits dans des universités de partout au Canada, dont 75 p.100 dans celles de l'Atlantique. Le hic, c'est que 800 personnes de plus souhaitent fréquenter l'université, alors que faire d'eux? Voilà la réalité en ce moment.
    En ce qui a trait aux revenus, une mesure de notre identité, au Canada Atlantique, nos membres des Premières nations gagnent seulement 42 p. 100 des revenus des autres Canadiens de l'Atlantique. Quarante-deux pour cent. Quand on prend conscience de ce fait, on se demande comment nous pouvons participer à quoi que ce soit. Cela fait partie de la réalité.
    La communauté de Lawrence et certaines autres grandes communautés accusent des retards traitement de... Dieu seul le sait. Ma communauté est un peu plus petite que celle de Lawrence, et je sais que le retard de traitement se compte en centaines de demandes.
    Comment répartissez-vous ces places à l'université en ce moment?
    Principalement en fonction de la politique adoptée par la communauté quant à l'établissement d'un ensemble de priorités, élaborée surtout en fonction des lignes directrices E-12 qui ont été créées —
    Donc, si on tenait compte des droits de la personne, ils pourraient être répartis autrement.
    Mais si vous en aviez plus, deux fois plus, alors —
    Vous pourriez utiliser certains autres critères pour attribuer ces places. L'éducation...
    D'accord, je ne vais pas permettre... Monsieur Bruinooge, je vous prie, la présidence ne vous a pas accordé la parole.
    Merci. Je suis heureux que les témoins soient venus pour nous transmettre leurs opinions. Je les en remercie.
    La séance est levée.