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CC27 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-27


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 6 juin 2007

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Nous entamons cette réunion du Comité législatif chargé du projet de loi C-27.

[Français]

    C'est notre quatrième séance. Nos témoins aujourd'hui sont M. Tony Cannavino, président de l'Association canadienne des policiers,

[Traduction]

et le cadre exécutif, M. David Griffin. Nous avons reçu leurs mémoires.
    Messieurs, je vous donne la parole pour que vous nous fassiez vos remarques liminaires.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ignore si cette réunion est la dernière avant les vacances ou bien s'il y en aura encore en juin et juillet. J'espère que vous aurez votre congé.
    L'Association canadienne des policiers est heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant le Comité législatif chargé du projet de loi C-27, Loi modifiant le Code criminel (délinquants dangereux et engagement de ne pas troubler l'ordre public).
    L'ACP est le porte-parole national de 56 000 policiers et policières du Canada. Par l'intermédiaire de nos 170 associations membres, l'effectif de l'ACP comprend du personnel oeuvrant dans les services policiers d'un bout à l'autre du pays, desservant autant les plus petits villages que les grandes agglomérations urbaines, au sein des corps policiers municipaux et provinciaux, ainsi que dans la GRC, la Police des chemins de fer et la Police des Premières Nations.
    Notre but est de travailler de concert avec les représentants élus de tous les partis afin de réaliser d'importantes réformes pour ainsi améliorer le niveau de la sécurité et assurer la protection de tous les Canadiens et Canadiennes, y compris ceux et celles qui ont fait serment de protéger nos collectivités.
    Depuis plus d'une décennie, les associations policières préconisent la réforme de notre système judiciaire canadien. Nous réclamons, plus particulièrement, des changements qui appuieraient les dispositions relatives à la détermination des peines, à la détention, et à la libération conditionnelle de contrevenants violents.
    L'Association canadienne des policiers exhorte les gouvernements depuis longtemps de mettre fin au syndrome de la « porte tournante » du système judiciaire canadien. Les multirécidivistes et les contrevenants violents entrent par une porte des systèmes, correctionnel et judiciaire, pour en sortir par une autre, ce qui engendre un élément de frustration au sein du personnel policier, en plus de provoquer un sentiment d'incertitude et de crainte dans nos communautés et d'augmenter les coûts et les ressources du système correctionnel et du système judiciaire. L'ACP accueille favorablement les modifications présentées dans le projet de loi C-27 pour resserrer les règles qui s'appliquent aux récidivistes violents ainsi qu'aux prédateurs sexuels.
    Le projet de loi C-27 apporte les changements suivants au Code criminel du Canada. Premièrement, le délinquant reconnu coupable d'une troisième infraction avec violence ou d'ordre sexuel (infraction primaire méritant un emprisonnement de deux ans ou plus) est présumé être un délinquant dangereux, et il sera donc emprisonné tant qu'il présentera un risque inacceptable pour la société. L'engagement de ne pas troubler l'ordre public peut être ordonné pour une période maximale de deux ans à l'égard d'un défendeur ayant déjà été reconnu coupable d'une infraction avec violence ou de nature sexuelle. Les conditions d'un engagement à ne pas troubler l'ordre public relatif à une infraction avec violence ou de nature sexuelle peuvent inclure, notamment, la participation à une thérapie, le port d'un dispositif de surveillance électronique ou l'obligation de respecter un couvre-feu.

[Français]

    Actuellement, les demandes de déclaration de délinquant dangereux sont faites sur une base très occasionnelle, étant donné que les procureurs de la Couronne considèrent le seuil de crédibilité et celui du fardeau de la preuve élevés. Une déclaration de délinquant dangereux établit automatiquement une peine d'emprisonnement indéterminée en milieu pénitentiaire. Alors que le délinquant dangereux n'est pas admissible à une libération d'office, ce dernier sera admissible à une semi-liberté après avoir purgé quatre ans de sa peine, et à une libération complète après sept ans.
    Après cette période de temps, la Commission des libérations conditionnelles doit réexaminer le dossier de chacun des délinquants tous les deux ans. Les délinquants dangereux, lorsque libérés, demeurent en liberté conditionnelle à vie. Dans l'éventualité que la commission reconnaisse qu'ils continuent de présenter un risque inacceptable pour la société, ils peuvent alors être incarcérés à perpétuité.
    Le projet de loi C-27 ne change aucunement les disposition relatives à la détermination des peines et aux libérations conditionnelles. Un délinquant peut faire appel de sa déclaration de délinquant dangereux.

  (1535)  

[Traduction]

    Vu le temps dont nous disposons, je me retiendrai d'expliquer le processus de déclaration de délinquant dangereux, étant donné que cela est clairement explicité dans le résumé législatif préparé par la Bibliothèque du Parlement ainsi que dans notre mémoire. Je tiens cependant à souligner que la Cour suprême du Canada a rendu plusieurs décisions confirmant le processus de déclaration de délinquant dangereux.
    Dans l'arrêt Mack, de 1988, la Cour suprême du Canada a soutenu que la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne s'applique que lorsque la culpabilité ou l'innocence de l'accusé sont en cause.
    Dans l'arrêt Lyons, de 1987, la majorité de la Cour suprême du Canada était d'avis que le droit d'être présumé innocent n'était pas applicable dans le contexte d'une demande de délinquant dangereux.
    Dans l'arrêt Lyons, la Cour suprême du Canada a décidé que la peine d'emprisonnement pour une période indéterminée ne constituait pas une peine cruelle et inusitée.
    Dans l'arrêt Lyons, la Cour suprême du Canada affirmait que le régime applicable aux délinquants dangereux ne contrevenait pas à l'article 9 de la Charte, protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraire.
    La Cour suprême du Canada a décidé, dans l'arrêt Johnson, en 2003, qu'avant d'envisager de déclarer qu'un délinquant est un délinquant dangereux, le juge doit établir si le risque que présente le délinquant peut être adéquatement contrôlé en collectivité, et donc s'il serait plus approprié d'appliquer les règles relatives aux délinquants à contrôler. Selon la cour, le tribunal n'est justifié d'infliger une peine de détention d'une durée déterminée que si cela sert la protection de la société.
    Le projet de loi C-27 ne modifie pas cet état de fait. Le tribunal conserve son pouvoir discrétionnaire de ne pas ordonner une déclaration de délinquant dangereux dans le cas où une autre peine protégerait suffisamment le public, et peut décider d'imposer une peine moins sévère, c'est-à-dire, soit faire une déclaration de délinquant à contrôler, soit imposer une peine quelconque pour l'infraction sous-jacente, telle que décrite au paragraphe 3(2) du projet de loi.
    L'ACP serait cependant favorable à un amendement à cette disposition, exigeant que le fardeau de la preuve revienne à l'accusé pour établir que le public serait suffisamment protégé, soit en le déclarant un délinquant à contrôler soit en lui imposant une peine pour l'infraction pour laquelle il a été déclaré coupable. Nous soumettons que cela est en accord avec le renversement du fardeau de la preuve pour la déclaration de délinquant dangereux pour les récidivistes.
    L'ACP est en faveur du projet de loi C-27, avec les amendements proposées, en tant que mesure raisonnable et proportionnelle à l'égard des délinquants dangereux récidivistes qui présentent un sérieux risque de récidive.
    Premièrement, les modifications présentées dans le projet de loi C-27 traitent spécifiquement des délinquants qui ont déjà commis un nombre de délits graves.
    Deuxièmement, afin de protéger la société contre les récidivistes violents, il est nécessaire d'imposer une limite raisonnable aux droits et libertés des délinquants.
    Troisièmement, le projet de loi C-27 prévoit des mesures de protection, comme cela a déjà été mentionné. Le projet de loi C-27 ne modifie pas le régime applicable aux délinquants à contrôler, sauf en ce qui concerne l'évaluation du délinquant. Le projet de loi C-27 modifie le processus d'évaluation pour les délinquants dangereux et les récidivistes dangereux.
    L'ACP serait favorable à un amendement au projet de loi C-27 qui traiterait de la violation de l'ordonnance de surveillance de longue durée. Présentement, une condamnation pour l'acte criminel qu'est la violation d'une ordonnance de surveillance de longue durée, punissable par un emprisonnement d'une durée maximale de dix ans, ne peut mener à une demande de déclaration de délinquant dangereux par le procureur de la Couronne. L'ACP serait favorable à l'inclusion de la violation d'ordonnance de surveillance de longue durée comme infraction criminelle dans la liste des infractions désignées à l'article 1 du projet de loi C-27. Si adoptée, elle assurerait alors que le récidiviste trouvé coupable de violation de son ordonnance de surveillance puisse faire l'objet d'une demande d'audition pour délinquant dangereux.
    L'ACP exhorte depuis longtemps à reconnaître le problème à l'égard de la mise en liberté, au sein de la société, des délinquants présentant un risque élevé de récidive, à la date d'expiration du mandat. Les mises en liberté notoires de Karla Homolka et de Clermont Bégin ont suscité un vif intérêt à l'égard de cette question de la part du public.

  (1540)  

    Les mécanismes actuellement en place s'avèrent des méthodes inefficaces pour assurer le traitement suffisant pour protéger le public contre les personnes identifiées comme présentant un risque important pour sa sécurité, qui sont sur le point de terminer de purger leur peine complète sans avoir réussi à obtenir une semi-liberté, et qui n'ont pas été désignées en tant que délinquant dangereux au moment de l'imposition de la peine. Bien que l'ACP soit favorable à la mise en oeuvre d'un processus qui permettrait d'examiner de nouveau une telle désignation avant l'expiration du mandat, cela soulèverait de sérieuses difficultés dans le contexte de la Charte.
    Des engagements à ne pas troubler l'ordre public ont jusqu'à un certain point été utilisés pour maintenir la surveillance et comme mesure préventive à l'endroit d'individus identifiés comme présentant un tel risque.
    Le projet de loi C-27 ne traite que d'engagements relativement à certaines infractions sexuelles à l'égard de personnes âgées de moins de 14 ans, et avec sévices graves à la personne.
    Le projet de loi C-27 prolonge la durée maximale du type d'engagement relativement à ces infractions de 12 mois à deux ans, et élargit la portée des conditions pouvant être imposées par le juge dans de tels cas. L'ACP appuie les modifications proposées dans le projet de loi C-27 à l'égard de la supervision des engagements.

[Français]

    En conclusion, le projet de loi C-27 se veut une mesure proportionnelle et justifiable pour protéger les Canadiens et les Canadiennes des délinquants dangereux récidivistes et assurer la sécurité de nos communautés. L'Association canadienne des policiers donne son appui au projet de loi et propose au Parlement de modifier et d'adopter ce projet de loi sans délai. L'ACP est également favorable aux dispositions contenues dans le projet de loi C-27 visant les délinquants dangereux avec les modifications proposées, notamment en tant qu'approche raisonnable et proportionnelle à l'égard des délinquants dangereux récidivistes qui présentent un risque important de récidive. L'ACP serait favorable à une modification qui exigerait qu'il appartienne à l'accusé d'établir la preuve que le public sera suffisamment protégé en le déclarant un délinquant contrôlé ou en lui imposant une peine pour l'infraction pour laquelle il a été reconnu coupable. L'ACP serait favorable à l'inclusion d'une violation de l'ordonnance de surveillance de longue durée comme une infraction criminelle établie dans la liste des définitions des infractions désignées de l'article 1 du projet de loi C-27. L'ACP appuie également les modifications proposées au projet de loi C-27 visant les dispositions afin de prolonger la période maximale du type d'engagement relativement à ces infractions de 12 mois à deux ans, et d'élargir la portée des conditions que le juge peut imposer dans ces cas.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Cannavino.
    On va commencer le premier tour de sept minutes avec Mme Jennings.
    Je voudrais vous souligner, madame Jennings, que les sept minutes incluent vos questions et les réponses. Le total est donc de sept minutes.
    Madame Jennings.
    Merci, monsieur le président. Merci pour le petit rappel.
    J'aimerais aussi rappeler aux témoins que, si le temps alloué pour les questions et les réponses n'est pas suffisant pour répondre à toutes les questions posées, ils ont le droit de fournir leurs réponses par écrit au comité, dans une lettre envoyée au président du comité législatif.
    J'aimerais commencer en m'excusant de mon retard. J'étais retenue à la Chambre. Évidemment, j'ai manqué une partie de votre présentation. Heureusement, je suis arrivée au moment où vous parliez du fait que vous seriez en faveur des amendements que les libéraux aimeraient proposer selon lesquels une violation de l'ordre de surveillance par un délinquant à long terme serait incluse dans les actes criminels qui pourraient provoquer une audition pour délinquant dangereux. Je suis très contente d'entendre cela.
    Lors de la comparution du ministre de la Justice, plusieurs membres du comité l'ont beaucoup questionné au sujet du renversement du fardeau de la preuve et de la constitutionnalité de cette question. J'aimerais savoir si l'Association canadienne des policiers a examiné cette question. Nous, les libéraux, avons beaucoup de réticence quant à cela et nous proposons qu'au lieu du renversement, une troisième condamnation pour les actes criminels désignés dans le projet de loi provoque automatiquement une demande d'évaluation.

  (1545)  

    On n'a pas embauché de constitutionnalistes; par contre, j'ai eu la possibilité de discuter avec des procureurs de la Couronne. J'ai assisté à des auditions de libération conditionnelle récemment, entre autres à celle de M. Forget, un individu qui a tenté d'assassiner deux policiers. J'ai eu l'occasion de discuter précisément du renversement du fardeau de la preuve.
    Démontrer qu'un individu est un délinquant dangereux est tout un fardeau pour les procureurs. Ils disent que c'est très exigeant. C'est si difficile que dans bien des cas, au lieu d'appliquer ce principe, ils laissent tomber. Ça demande trop d'énergie, c'est coûteux et ça implique tout un processus. C'est déplorable, selon eux, parce que les gens ayant commis des crimes de cette nature devraient normalement être déclarés délinquants dangereux.
    Les procureurs se demandent donc pourquoi le fardeau de la preuve ne leur incombe pas. Le fait qu'ils les ont trouvé coupables trois fois démontre, selon eux, que ces gens étaient coupables des gestes qu'ils ont posés. C'est ce que m'ont dit les procureurs de la Couronne avec qui j'ai discuté.

[Traduction]

    Merci beaucoup de votre explication. J'aurai encore quelques questions, s'il me reste encore du temps sur les sept minutes dont je disposais. Oh, surprise, il me reste quatre minutes.
    Si le projet de loi C-27 était adopté tel quel, dans son entier, sans amendement aucun, le poursuivant n'aurait toujours pas d'obligation de faire une demande d'ordonnance de renvoi et d'évaluation. Si le juge en fait la demande, lorsque l'ordonnance d'évaluation est déposée, selon les conclusions du rapport d'évaluation, le poursuivant a la possibilité de demander une audition de demande de déclaration de délinquant dangereux.
    En vertu du système actuel, une fois déposée une demande de déclaration de délinquant dangereux et une fois l'évaluation effectuée, si la Couronne prouve hors de tout doute raisonnable que tous les critères statutaires en vue de la déclaration de délinquant dangereux ont été satisfaits hors de tout doute raisonnable, le juge doit se pencher sur la question de savoir si le risque que pose le délinquant dangereux pour la collectivité peut être contrôlé au sein de celle-ci.
    J'ai moi aussi eu des discussions avec des procureurs, et ils m'ont en gros dit que, par suite de l'affaire R. c. Johnson, les tribunaux exigent de plus en plus que le poursuivant établisse de façon négative que l'intéressé ne doit pas être déclaré un délinquant à contrôler: le risque et le contrôle ne peuvent pas être maîtrisés au sein de la collectivité pour les raisons X, Y et Z. C'est ainsi que les libéraux sont en train d'envisager le dépôt d'un amendement qui imposerait au délinquant le fardeau de prouver qu'il peut être contrôlé au sein de la collectivité, auquel cas il serait admissible à la désignation de délinquant à contrôler.
    Nous ne pensons pas que cela pose de problème sur le plan constitutionnel, car les critères pour la détermination d'un contrevenant comme étant un délinquant dangereux ont déjà été prouvés par la Couronne hors de tout doute raisonnable. Nous estimons que ce serait plus efficace que l'amendement du gouvernement, qui dit qu'aucune des parties ne subit en la matière de fardeau.
    Si ce n'est pas une chose que l'ACP a eu l'occasion d'examiner, j'apprécierais beaucoup que vous vous y penchiez et que vous nous reveniez là-dessus.
    Nous appuierions cela tant et aussi longtemps qu'il s'agit d'un ajout et non pas d'une substitution, car, pour nous, le renversement du fardeau de la preuve doit être là s'il s'agit d'un délinquant dangereux ou d'un délinquant à contrôler. S'il s'agit d'un ajout, alors cela nous convient.
    Si le renversement du fardeau de la preuve ne visait que la désignation de délinquant à contrôler mais non pas la désignation de délinquant dangereux, alors nous serions contre un tel amendement. D'après notre lecture de votre amendement, celui-ci demande que le renversement du fardeau de la preuve s'applique et à la désignation de délinquant dangereux et à la désignation de délinquant à contrôler. Voilà ce que nous appuierions.

  (1550)  

[Français]

    Votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Ménard, vous avez sept minutes exactement.
    Sept minutes, incluant questions, réponses, échanges, blagues et humour. Tout est inclus.
    Je vous souhaite la bienvenue. C'est toujours un plaisir pour moi de vous retrouver.
    Évidemment, je n'ai pas été surpris quand j'ai compris que vous appuyiez le projet de loi. J'espère que vous allez me conserver votre amitié si je vous dis que le Bloc québécois ne l'appuiera pas. On en a appuyé beaucoup, mais on ne voit pas la nécessité de celui-ci. De plus, on pense qu'il y a un danger que le précédent qui sera créé puisse causer des automatismes.
    Je veux vous poser deux questions. Hier, j'ai essayé de comprendre. D'abord, je pense qu'il n'y a pas lieu de se surprendre du fait que le fardeau de la preuve soit élevé lorsqu'on parle d'emprisonner une personne pour une période indéterminée. On ne parle pas d'un individu qui sera emprisonné pour trois, quatre, cinq ou dix ans. Des gens ont été déclarés délinquants dangereux à juste titre; ils étaient une menace pour la société. On est clair à ce sujet. Il doit y avoir des dispositions dans le Code criminel pour qu'un individu soit déclaré délinquant dangereux. On s'entend sur cela. On n'a pas besoin d'attendre qu'il ait commis trois infractions. J'espère que dès la première infraction, l'individu qui ne contrôle pas ses pulsions et qu'on soupçonne d'être un tueur en série sera déclaré délinquant dangereux et qu'on n'attendra pas trois infractions. On convient que le fardeau de la preuve doit être élevé.
    Qu'est-ce qui vous apparaît problématique dans le régime actuel, au-delà du fait que le fardeau de la preuve soit élevé? Pourquoi les procureurs? Pourquoi le poursuivant? Comme organisme porte-parole des policiers canadiens, qu'est-ce qui fait que ce régime, dans la façon dont il fonctionne, connaît des ratés?
    Premièrement, cela ne changera évidemment pas la relation d'amitié que nous avons...
    M. Réal Ménard: Cela me rassure.
    M. Tony Cannavino: ... même si nous considérons que le Bloc fait fausse route dans le cas de ce projet de loi.
    M. Réal Ménard: Ne dites donc pas cela.
    M. Tony Cannavino: Selon l'Association canadienne des policiers, pour avoir discuté, comme je vous disais, avec des procureurs de la Couronne travaillant à de tels dossiers, il est très rare de voir quelqu'un déclaré délinquant dangereux après avoir commis seulement un crime. C'est très rare, même si le crime est grave. Je n'ai pas les statistiques, mais je peux vous dire que cela ne dépasse pas 1 p. 100. C'est même inférieur à cela. Il faudrait que cette personne soit de toute évidence un psychopathe déclaré et qu'elle ait commis un crime où elle aurait tué 10 personnes en même temps, de façon très sadique. Un tel cas serait exceptionnel.
    Alors, il doit y avoir un cheminement, une série de crimes commis, confirmant que cette personne commet toujours des crimes violents, au-delà d'avoir simplement tiré sur quelqu'un lors d'un vol de banque, par exemple. Le fait de tuer quelqu'un lors d'un vol de banque peut même être considéré comme un geste posé, mais pas vraiment prémédité. Donc, c'est vraiment quelque chose de particulier.
    L'autre raison expliquant pourquoi le renversement du fardeau de la preuve est important pour nous est la difficulté pour un procureur de la Couronne de démontrer hors de tout doute raisonnable que l'accusé représente un danger. Ceux qui pratiquent la profession savent que cela signifie qu'il n'y a vraiment pas d'échappatoire. Il devient très difficile de faire cette démonstration, même après que l'accusé ait subi des procès, qu'il ait été déclaré coupable et que sa sentence ait été prononcée.
    Vous convenez qu'il faut que ce doit ainsi. Si on emprisonne quelqu'un pour le reste de ses jours, on ne peut tout de même pas le faire à la lumière des preuves de droit civil. Il faut quand même que le niveau de preuve soit sérieux. Vous en convenez.
    On n'est pas en désaccord sur le fait que l'individu qui sera désigné délinquant dangereux ou délinquant devant être contrôlé devra avoir posé des gestes vraiment sérieux. On est d'accord sur cette partie.
    Cependant, ce que nous disons et ce que dit l'équipe de procureurs, c'est qu'on a convaincu un jury ou un juge que cette personne a commis tel crime. Or, on nous demande en plus de prouver qu'elle n'est pas dangereuse pour la société. Le fardeau de la preuve devrait revenir à l'accusé, car les crimes commis démontrent qu'il est dangereux ou qu'il est un criminel que l'on doit contrôler. Telle est la difficulté.

  (1555)  

    D'abord, on parle d'un phénomène marginal. Il y a 354 délinquants dangereux réputés comme tels au Canada. C'est tant mieux; on ne va pas s'en plaindre. Cependant, c'est un phénomène qui existe.
    Malheureusement, le chiffre ne devrait pas être celui-là. Les gens qui ont commis des gestes de cette nature...
    Je suis d'accord. Je souhaiterais vivre dans une société où il n'y a pas de criminalité du tout.
    L'Éden n'existe pas encore.
    Voila! En tant que législateur, je ne peux dire que je ne suis pas préoccupé par le fait qu'il faut se protéger, en tant que société, contre les délinquants dont le niveau de sadisme est tel qu'ils sont dangereux ou qu'ils doivent être contrôlés.
    Le raisonnement que je ne comprends pas est le suivant. En quoi le fait qu'un automatisme du renversement du fardeau de la preuve... D'abord, le fardeau de la preuve ne sera pas changé.
    Alors, si la difficulté est de l'ordre de l'administration de la justice...
    Oui.
    
    C'est-à-dire qu'il est renversé.
    Mais c'est énorme.
    Oui, c'est énorme, mais un juge ne pourra pas déclarer quelqu'un... La différence, évidemment — et je conviens qu'elle est fondamentale —, est qu'il reviendra au délinquant de prouver qu'il doit être libéré. Pour être déclaré délinquant dangereux, il faudra quand même qu'une personne ait à son actif des antécédents sérieux.
    Ce que je ne comprends pas, c'est que s'il y a une difficulté au niveau procédural, administratif ou dans la façon dont la justice est rendue, n'attendons pas que la personne en soit rendue à sa troisième infraction.
    Monsieur Ménard, on va traiter de cela dans le dossier de la révision du Service correctionnel du Canada. On y travaille présentement. On est en train de monter un dossier à cet effet. Ce qui s'y passe est épeurant.
    C'est directement relié. Il y a un corollaire entre cela et ce qui se passe dans les cours. En outre, le fait qu'il devient difficile pour la Couronne de faire déclarer quelqu'un délinquant dangereux ou délinquant à contrôler a un impact direct sur la façon dont on détient cet individu et les gestes qu'il posera en prison, c'est-à-dire sur sa participation ou non à un programme de réhabilitation. On aura un débat à ce sujet dans un autre comité.
    Si ce qui se passe à la cour est traité de la bonne façon, je pense que même en y ajoutant les amendements... On appuie les amendements, évidemment, parce qu'il y en a maintenant deux sur le renversement du fardeau de la preuve. Ce n'est pas strictement pour la désignation de délinquant dangereux: ce sera également pour le long terme. Cela veut dire que selon de niveau de dangerosité d'un criminel, ce dernier devra expliquer pourquoi il ne devrait pas être contrôlé à long terme ou pourquoi il ne devrait pas être désigné dangereux.
    Votre tour est fini. C'est maintenant au tour du NPD d'avoir la parole.
    Monsieur Comartin, vous avez exactement sept minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être de nouveau des nôtres.
    Je n'ai en réalité qu'une question ou qu'un aspect que je souhaite examiner avec vous. Il me faut dire que j'ai regardé votre recommandation 2(a) et ma réaction a été que cela n'est pas nécessaire. Il me faut dire que, comme M. Ménard, je ne suis pas en faveur de l'inversion du fardeau de la preuve dans ces genres de circonstances.
    Je ne pense pas que vous soyez l'un ou l'autre avocat, mais avez-vous demandé à un avocat ou à un procureur d'examiner cela? Mon impression est que le projet de loi, dans son libellé actuel, exigerait que le fardeau inversé soit imposé à l'accusé après sa troisième condamnation pour infraction grave; ce ne serait que dans ces circonstances que s'appliquerait l'inversion du fardeau de la preuve. L'accusé devrait alors établir non seulement qu'il ne devrait pas être considéré comme un délinquant dangereux, mais également que la désignation de délinquant à contrôler ou une autre sanction serait appropriée pour traiter de l'aspect sécurité.
    Je suppose que je suis donc à la recherche d'une explication. Nous ne pouvons pas examiner de cas concrets, car il n'y a pas à l'heure actuelle de fardeau inversé.

  (1600)  

    Non, précisément.
    Je ne sais pas. Je vous lance tout simplement cette idée, mais il me semble que cela n'était pas nécessaire, car, d'après mon interprétation du paragraphe 753(1.2) proposé, cela est déjà couvert.
    Vous avez manifestement une interprétation différente. Pourriez-vous expliquer un peu cela et pourquoi vous estimez que cela est nécessaire?
    Si je comprends bien votre question, nous tenons à veiller... J'ai eu une discussion avec des procureurs de la Couronne, mais c'est très difficile pour moi, car je ne peux pas fournir leurs noms et ce serait à eux de venir ici, et je ne voudrais pas interpréter leurs propos. Ils ont cependant été très favorables au fardeau inversé, même avec l'amendement. Lorsque nous avons entendu parler de l'amendement, j'ai fait quelques appels téléphoniques tout simplement pour vérifier que ce serait une bonne chose à faire et si cela les aiderait. Le fardeau inversé, dans ce texte-ci, s'applique aux deux cas de figure.
    L'avez-vous devant les yeux? Allez-y.
    Comme vous l'avez souligné à juste titre, je ne suis moi non plus avocat, mais si je regarde l'article 753 du projet de loi...
    Il s'agit, soit dit en passant, du paragraphe (1.1) et non du paragraphe (1.2). Excusez-moi, mais j'avais indiqué le mauvais paragraphe.
    Le paragraphe 3(1) du projet de loi modifie le paragraphe 753(1) et propose deux nouveaux paragraphes, soit les paragraphes 753(1.1) et 753(1.2).
    Le paragraphe 753(1.2) du projet de loi dit ceci:
Malgré le paragraphe (1), le tribunal ne peut déclarer que le délinquant est un délinquant dangereux s'il est convaincu, sur le fondement des éléments mis en preuve lors de l'audition de la demande visée à ce paragraphe, qu'une peine moins sévère — le déclarer délinquant à contrôler ou lui imposer une peine pour l'infraction pour laquelle il a été déclaré coupable — protégerait de façon suffisante le public, les parties n'assumant à cet égard aucune charge de preuve.
    Mais si vous comprenez la façon dont fonctionne le processus, lorsque la cour est saisie d'une demande de déclaration de délinquant dangereux, il y a toujours une considération, comme avec le concept « d'infraction incluse », toujours la possibilité d'une déclaration de délinquant à contrôler ou de l'imposition d'une autre sanction pénale si le juge conclut que cela serait suffisant.
    Si vous retournez donc au paragraphe proposé 753(1.1), le fardeau inversé s'applique là. Il me semble que si cet article est adopté, ce que je n'espère pas, le renversement du fardeau s'appliquerait également à la nécessité pour l'accusé d'établir qu'il serait suffisant de le déclarer délinquant à contrôler ou de lui imposer une autre sanction par suite d'une troisième condamnation.
    Je ne pense pas que nous ayons considéré cela comme étant automatique, et je pense que c'est la dernière ligne du paragraphe 753(1.2) qui élargit ce doute, car...
    À cause de l'exigence qu'aucun n'ait la prépondérance des probabilités...
    Aucun n'a... En ce qui nous concerne, donc, c'est un petit peu un effet en cascade. Le premier critère est celui de la détermination ou non du statut de délinquant dangereux. Le deuxième donc, serait...
    Nous allons manquer de temps.
    Votre position serait donc que si nous options pour ce qui est proposé ici, nous devrions, au paragraphe 753(1.2), retirer la dernière phrase et y inscrire votre suggestion que le fardeau inversé s'applique là également?
    Oui.
    Dans ce cas, j'aurais une rapide question de suivi. Il y a eu un débat. En fait, il y a en cours dans ce pays des affaires pour lesquelles il y a un conflit quant à savoir si le poursuivant a la responsabilité, le fardeau, ou bien s'il y a une preuve hors de tout doute raisonnable ou seulement selon la prépondérance des probabilités. Avez-vous une position là-dessus?
    Non.
    J'en ai terminé avec mes questions, monsieur le président. Merci.
    Bien, mais vous n'avez pas utilisé tout le temps qui vous était alloué, alors nous allons tout simplement rester ici les bras croisés pendant deux minutes.
    Je blague.
    Madame Davidson.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup de vos exposés.
    Ma question va peut-être nous lancer sur une voie quelque peu différente. Je ne suis pas avocate, alors je vais aborder la chose d'un point de vue différent. Je crois qu'il y a dans ce pays un droit fondamental pour le grand public de vivre dans une atmosphère de sécurité relative. Je crois également qu'il existe au sein de notre société des segments vulnérables qui doivent être protégés dans ce sens. En ma qualité de législateur, je pense que nous avons pour responsabilité d'y veiller.
    J'ai relevé avec intérêt la partie de votre exposé où vous dites:
Les mécanismes actuellement en place s'avèrent des méthodes inefficaces pour assurer le traitement suffisant pour protéger le public des personnes identifiées comme représentant un risque important pour leur sécurité, qui sont sur le point de terminer de purger leur peine complète sans avoir réussi à obtenir une semi-liberté, et qui n'ont pas été désignées en tant que délinquants dangereux au moment de l'imposition de la peine.
    Vous dites également:
Le projet de loi C-27 prolonge la période maximale du type d'engagement relativement à ces infractions de 12 mois à deux ans et élargit l'envergure des conditions que peut imposer le juge dans de tels cas.
    Mes questions pour vous seraient donc les suivantes. Quels seraient certains des aspects positifs du doublement de l'article concernant les engagements à ne pas troubler l'ordre public? Deuxièmement, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire quel genre de rôle joue la police dans la surveillance des délinquants à contrôler? Troisièmement, les ordonnances d'engagement aideront-elles la police vis-à-vis des délinquants dangereux?

  (1605)  

    Notre rôle est d'assurer la surveillance. Il n'y a pas grand-chose qui soit fait par nous. Il nous faut être francs. Cela relève normalement du Service correctionnel du Canada. Cela fait partie de son mandat.
    Alors, malheureusement — et vous entendrez sans doute cela lorsque nous comparaîtrons devant ce comité-là —, nous expliquerons ce qu'ils font, véritablement, et quelles sont les ressources consacrées à les contrôler ou à les surveiller. D'après les renseignements dont nous disposons, c'est vraiment très décevant.
    En ce qui concerne nos policiers, si nous savons qu'une personne a été libérée ou qu'il y a eu une violation des conditions, alors nous intervenons. Mais c'est en vérité beaucoup demander au personnel policier de faire ce qu'il nous faut faire, et c'est pourquoi nous demandons qu'on augmente nos ressources. Nous espérons obtenir ces ressources car il est très difficile de faire cette partie du travail, de compenser pour le manque de ressources que vit le SCC.
    Ces amendements présentent deux avantages. Premièrement, il y a le prolongement, bien sûr, la période de temps plus longue. Je suppose que l'on pourrait toujours discuter de ce qui constituerait une période de temps appropriée, de ce que devrait être sa durée, et cela peut dépendre du cas dont il est question, mais il serait logique de supposer que si une personne est passée à travers cette période de deux ans après l'expiration du mandat, il serait alors plus difficile de prouver qu'il y a nécessité de maintenir cela indéfiniment. Le fait que la personne ait passé deux années au sein de la collectivité semble être l'indication que c'est une période de temps raisonnable.
    D'autre part, il y a le prolongement des différentes conditions qui pourraient être imposées à certains de ces délinquants lorsqu'ils réintègrent la collectivité. Nous sommes heureux de les voir elles aussi élargies dans le projet de loi C-27.
    En ce qui concerne les conditions, le juge décidera de ce qu'il ajoutera aux conditions, et cela nous convient.
    Me reste-t-il encore du temps?
    Il vous reste plus de trois minutes.
    Lorsque nous regardons ce projet de loi, et vous avez fait plusieurs commentaires à son sujet et en avez plusieurs fois évoqué les éléments d'inversion du fardeau de la preuve, et ainsi de suite, vous vient-il à l'esprit des cas dans lesquels ce projet de loi aurait été bénéfique dans la gestion de délinquants dangereux ou aurait aidé la police?
    Je peux penser à plusieurs cas du genre. Il y a eu le cas Brassard et le cas Bégin, et je pourrais dresser toute une liste. J'ai également mentionné le cas de Karla Homolka. Lorsque vous traitez avec ces personnes, vous parlez de délinquants réellement dangereux — violents. Ce sont des personnes qui ont commis plus d'un crime. Vous ne voyez pas une personne qui n'a commis qu'un seul crime se faire déclarer délinquant dangereux. Je n'ai jamais, pendant toute ma carrière, qui dure maintenant depuis 35 ans, vu un cas du genre. Vous ciblez ces personnes qui constituent une grave menace.
    Dans l'affaire Brassard, que j'ai mentionnée, celui-ci avait été déclaré un psychopathe avec 100 p. 100 de risque de récidive, et il a été déclaré délinquant dangereux. Ces cas sont tristes.
    Pourriez-vous prononcer également sur la prolongation du délai pour le dépôt d'une évaluation psychiatrique? Cela va-t-il aider dans certains cas? Cela va-t-il avoir une incidence?
    Dans ces cas — et je parle toujours de l'examen fait par le SCC, car cela est également important —, tout ce qui pourrait être mis en place nous aiderait nous, ou aiderait le Service correctionnel ou les collectivités si cette personne allait récidiver, ou si elle suivait un traitement et était aujourd'hui... Nous serions heureux de tout ajout d'outils qui serviraient l'intérêt de la collectivité. C'est pourquoi, pour nous, ce sont des choses qui sont très importantes à avoir dans la boîte à outils.

  (1610)  

    Nous entamons maintenant le deuxième tour, où chacun disposera de cinq minutes, et nous allons commencer avec M. Easter.
    Bienvenue, messieurs. Cela fait longtemps que je ne vous ai pas vus.
    L'une des difficultés avec ce genre de projet de loi, surtout en ce qui concerne le fardeau inversé, est que nous entamons peut-être une pente glissante lorsque l'équilibre entre libertés civiles et justice devient asymétrique. Je comprends votre point de vue et je conviens que les délinquants dangereux ne doivent pas être lâchés dans la rue. Mme Davidson a soulevé la question de la sécurité des collectivités.
    Avec ces changements, vous attendez-vous à ce que davantage de délinquants dangereux soient empêchés de se promener dans nos rues? Quelle est votre opinion là-dessus? Pourra-t-on en empêcher un plus grand nombre de se retrouver dans la collectivité?
    Je poserai ma deuxième question lorsque vous aurez répondu à ma première.
    Vous avez parlé d'une pente glissante. Les personnes que nous ciblons réellement ici — et je m'efforce de bien choisir mes mots — sont les contrevenants dangereux, qui ont été condamnés trois fois pour des crimes violents. Nous ne parlons pas de voleurs à l'étalage. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose de voler à l'étalage, mais ce ne sont pas ces gens-là que nous visons. Nous visons les délinquants dangereux, les délinquants sexuels. Vous savez de qui nous parlons. Voilà pourquoi nous ne craignons pas que ce soit une pente glissante. Nous ciblons réellement ces gens-là.
    Et il nous faut trouver un moyen de les garder enfermés. J'ai assisté à une audition il y a une semaine et demie, et des gens devaient y aller et comparaître pour essayer de convaincre la commission des libérations conditionnelles de garder le tueur derrière les barreaux. L'une de ces personnes avait dû suivre cinq semaines de thérapie, cinq jours par semaine, tout simplement pour pouvoir assister à une audience qui avait duré moins d'une heure. Le criminel ne s'est même pas présenté à l'audience. Il ne pensait pas qu'il était utile pour lui d'être là, d'y assister.
    Ce sont des gens bizarres, qui sont dangereux pour notre société, et je ne crains pas du tout que nous entamions une pente glissante, pas du tout.
    Je comprends ce côté-là de la médaille. J'ai assisté à plusieurs auditions de la commission des libérations conditionnelles.
    Avec ces changements, dans votre exemple de cette personne ayant dû suivre des séances de thérapie pendant plusieurs semaines et de tout le stress mental et même financier que vivent certaines personnes afin d'assister à ces audiences, cette approche allégerait-elle l'incidence sur ces personnes et, dans l'affirmative, comment?
    Eh bien, dans ces cas, avec ces personnes, il ne se passerait pas ce qui s'est passé avec Clermont Bégin. Il n'a jamais suivi le moindre programme. Il a purgé sa peine, puis a dit: « Très bien. Salut. Je sors ». Tout le monde dit que ce gars-là va récidiver.
    Vous auriez des gens qui iraient à ces audiences et qui comprendraient à quel point il est important qu'ils y soient pour maintenir ces personnes en prison, peu importe que ce soit pendant 10 ans, 15 ans ou 20 ans. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de limite. Si vous êtes un délinquant déclaré dangereux, alors il n'y a aucune limite à votre peine. Si vous suivez des cours de thérapie et d'autres programmes pour tenter de vous améliorer ou de chercher de l'aide, et si cela donne de bons résultats, alors vous sortirez; dans le cas contraire, vous ne pourrez plus abuser du système.
    Je pense donc que cela changerait énormément les choses sur ce plan-là. Les choses ne fonctionneraient pas comme c'est le cas à l'heure actuelle, le seuil étant si élevé pour les procureurs de la Couronne... Et pourquoi est-ce que ce le devrait pour les procureurs de la Couronne, une fois que l'intéressé a été trois fois condamné pour des crimes violents? Pourquoi devrait-il revenir aux procureurs de la Couronne de prouver que vous êtes un danger pour la société alors que ce devrait être à vous, le criminel violent, de le faire.

  (1615)  

    Mais pour ce qui est de défendre l'inversion du fardeau, Tony, pourriez-vous être un petit peu plus précis en ce qui concerne les personnes qui auraient peut-être à comparaître pour plaider leur cas contre le délinquant dangereux? Je pense qu'il nous faudrait des arguments quant à la façon dont cela allégerait leur propre stress, le stress pour le système dans son entier, et quant à la façon dont cela aidera à mettre la société à l'abri des délinquants dangereux.
    Pourriez-vous être un petit peu plus précis?
    Je suppose que le contexte que nous avons essayé d'étayer dans notre mémoire est que, si nous regardons la situation actuelle et les caractéristiques de la population carcérale dangereuse qui est présentement dans le système, il y a un nombre élevé de contrevenants qui ont été condamnés. Dans bien des cas, il s'agit de personnes qui entrent dans le système lorsqu'ils sont jeunes, en tant que jeunes contrevenants, et qui continuent par la suite. Nous avons un chiffre qui a été fourni par la Bibliothèque du Parlement: 45 p. 100 d'entre eux avaient au moins 15 condamnations pénales pour infractions graves avant d'être déclarés délinquants dangereux.
    Le critère qui est maintenant en train d'être établi pour l'inversion du fardeau de la preuve multipliera, nous l'espérons, les demandes de déclaration de délinquant dangereux et imposera aux personnes accusées, dans de telles situations, et ayant un sérieux passé criminel, de prouver pourquoi elles devraient en fait être libérées dans la collectivité, étant donné leurs antécédents criminels. Mais en bout de ligne, le juge continuera, que le critère soit ou non satisfait, d'avoir le pouvoir discrétionnaire de déclarer un contrevenant délinquant dangereux. Et d'après mon interprétation du projet de loi, il ne changera rien aux critères, aux caractéristiques devant être évaluées, avant de pouvoir faire une telle désignation, et le processus d'évaluation continuera d'exiger que les mêmes experts évaluent eux aussi le détenu.
    À notre avis, cela devrait-il augmenter le nombre de demandes de déclaration de délinquant dangereux? Nous l'espérons. Cela instaurera-t-il des critères différents sur lesquels devront s'appuyer les juges dans leur évaluation? Non. De notre point de vue, en tout cas, les caractéristiques et les risques devant être évalués dans le cadre du processus demeureront les mêmes.
    Merci. Nous allons arrêter là cet échange.
    Monsieur Moore, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les deux d'être des nôtres ici aujourd'hui.
    Notre séance d'hier au sujet du projet de loi a été intéressante. Un exposé nous a été fait par un avocat au criminel. Il a utilisé un scénario que nous avons jugé plutôt extrême, mettant en scène une personne ayant commis, sur une échelle allant de majeur à mineur, une agression sexuelle qui aurait été considérée comme mineure, mais qui avait pour quelque raison mené à un désignation de délinquant dangereux, alors que personne ne l'aurait considéré comme étant un délinquant dangereux.
    Ce que j'ai entendu de vous aujourd'hui, et ce que nous devrions, je pense, tous, autour de cette table, savoir est que lorsque nous parlons de délinquants dangereux, nous parlons absolument des pires éléments parmi les pires criminels qui soient. L'on parle de ceux qui s'attaqueraient à leurs concitoyens, qui s'attaqueraient à des Canadiens innocents et, dans bien des cas, à des Canadiens vulnérables. Cela fait près d'un siècle qu'il y a un réel intérêt public à l'égard de ces personnes car, dans certains cas, la protection de la société doit être la considération primordiale.
    Des mesures de protection importantes continueront d'être en place avec les changements proposés. Tout ce que font ces changements c'est, à partir de la troisième infraction désignée, qui sont les plus graves, reporter sur le contrevenant le fardeau de prouver, après sa condamnation, pourquoi il ne devrait pas être désigné délinquant dangereux.
    J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. Il s'agit d'un seuil si élevé, nous a-t-on dit hier, qu'il y a certaines personnes qui auraient dû être désignées — et j'aimerais entendre ce que vous avez à en dire — et dont toute personne objective aurait dit qu'elles méritaient d'être déclarées délinquant dangereux. Ces personnes auraient dû être ainsi désignées, et la société aurait dû être protégée, mais à cause de tout ce qui doit intervenir et des obstacles à surmonter, cela ne se fait tout simplement pas. Les changements envisagés donnent le signal que nous reconnaissons cela, et les récidivistes les plus dangereux devront, après leur troisième condamnation, prouver pourquoi ils ne devraient pas être désignés délinquant dangereux. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.
    D'autre part, certains de vos chiffres disent que 98 p. 100 des délinquants dangereux sont considérés comme risquant très fort de récidiver. Dès que nous déposons un projet de loi, très souvent tout l'accent est mis sur le contrevenant — la protection des droits du contrevenant, des droits de l'accusé — et très peu de temps est consacré aux victimes. Il y a, pour chaque acte criminel, une victime quelque part. Selon vos statistiques, 98 p. 100 des délinquants dangereux présentent un risque élevé de récidive.
    J'ai posé cette même question hier aux témoins. Ma deuxième question est la suivante. J'aimerais vous demander de nous donner une petite idée des genres de personnes dont nous parlons ici — peut-être ce qu'elles pensent de la vie humaine, ce qu'elles pensent de leurs concitoyens — et de certaines des choses qu'elles ont faites, ou du désintérêt total qu'elles ont peut-être quant à la sécurité de la société, et pourquoi cette désignation est nécessaire pour ces cas les plus graves.

  (1620)  

    En ce qui concerne le premier point, mis de l'avant par le témoin hier — et je n'ai pas lu ce témoignage —, il existe certainement dans le processus des mesures de protection, dont le droit de la personne qui a peut-être été désignée à tort délinquant dangereux d'en appeler de la décision. Il est donc possible d'en appeler de la décision de la cour si le contrevenant estime lui-même avoir été ainsi désigné à tort.
    Nous avons fois après fois entendu parler de cas où il y avait une hésitation à pousser plus loin la chose, le seuil étant considéré comme étant très élevé. En réalité, ce projet de loi ne change pas ce seuil. Il n'y est aucunement dit que nous allons réduire le seuil de façon à incarcérer davantage de gens; on y dit simplement que l'on va réduire le seuil pour ce qui est de ces demandes, pour favoriser le dépôt de demandes de désignation après trois condamnations pour crimes graves.
    Les statistiques contenues dans notre mémoire ont simplement été puisées dans la documentation déjà fournie en la matière par la Bibliothèque du Parlement au Parlement, mais elles brossent clairement un tableau de psychopathes, de personnes aux prises avec de sérieux problèmes d'abus sexuels, de personnes qui victimisent généralement des femmes et des enfants, et — bien sûr, il y a ici beaucoup de généralisations — dans bien des cas, de personnes qui sont considérées comme étant au bout extrême de l'échelle ou du spectre du potentiel de réhabilitation.
    À cause de cela, et à cause de comportements répétés et d'échecs des tentatives de réhabilitation de ces contrevenants, il est déterminé que la personne ne devrait plus, du fait des risques, être renvoyée dans la collectivité. Il demeure cependant en place un processus en vertu duquel même une fois la désignation faite, il faille que celle-ci soit revue tous les deux ans après sept ans.
    Il y a donc des freins et contrepoids à l'échelle du système tout entier. De notre point de vue, il y a des gens qui vivent au sein de nos collectivités — et, dans certains cas, leurs vies n'ont peut-être pas démarré d'un très bon pied — et qui, malheureusement, posent à autrui un risque tel que leur liberté doit être limitée.

  (1625)  

    Ce sera tout pour vous. Merci, monsieur Moore.

[Français]

    Mme Freeman posera la dernière question.
    Bonjour, monsieur Cannavino et monsieur Griffin. Merci d'être là.
    Ce n'est pas sans surprise que vous allez apprendre que le Bloc n'est pas tout à fait en faveur de ce projet de loi. Le renversement du fardeau de la preuve est pour nous assez inquiétant, surtout que trois infractions entraînent automatiquement le renversement du fardeau de la preuve.
    Dans le moment, environ 384 délinquants dangereux ont été recensés. De ce nombre, 20,3 p. 100 sont des Autochtones. Donc, sur 384, il y en a environ 80 qui sont des Autochtones. Comment voyez-vous l'avenir de ces Autochtones incarcérés comme délinquants dangereux?
    Cela va continuer. Ils commettront trois infractions et seront automatiquement incarcérés comme délinquants dangereux. On sait très bien que les Autochtones sont surreprésentés dans nos pénitenciers. Ne trouvez-vous pas que cette population sera davantage victime de discrimination, d'une façon ou d'une autre? Comment ces gens pourront-ils se défendre?
    Madame Freeman, je ne pense pas que c'est ce que l'on pourrait appeler une clientèle cible. Ceux qui se retrouvent en prison et qui sont des criminels dangereux ne sont pas des individus qui ont commis trois infractions. Ce sont des gens qui ont reçu une peine pour trois crimes graves. Trois infractions, c'est une chose: ce peut être n'importe quoi. On parle de trois peines pour des crimes violents ou de nature sexuelle grave. Ce sont ces gens. Qu'ils soient des Autochtones, des Italiens ou des Portugais, si ce sont des criminels dangereux, pour moi, il n'y a pas de distinction de race, de nationalité ou de quoi que ce soit. Ce sont des gens qui ont commis des crimes graves et qui constituent une menace sérieuse pour la population.
    J'ai un peu de mal à suivre le raisonnement du Bloc, bien que j'aie beaucoup de plaisir à parler avec vous. On s'attaque aux criminels violents dangereux. Il ne s'agit pas de kleptomanes. Un kleptomane ne sera pas déclaré délinquant dangereux.
    Monsieur Cannavino, on s'attaque à des délinquants dangereux, mais on s'attaque aussi à un principe de droit fondamental: le renversement du fardeau de la preuve.
    Madame, ce sont ces gens qui commettent des crimes. Ce sont ces gens qui, en général, sont évalués et déclarés psychopathes dont les chances de récidive sont de 100 p. 100. Ce sont ces gens qu'on veut garder en prison.
    Les principes de droit philosophique et de la Charte sont bien beaux, mais il reste qu'ils sont aussi faits pour protéger les citoyens. Je ne veux pas dépenser mon énergie à protéger des criminels dangereux qui, eux, se foutent carrément de la vie des citoyens. Ce sont des prédateurs qu'on relâche dans la population. Je veux tout faire pour les garder en prison.
    Si ces gens, après avoir commis un crime violent, suivent des thérapies et essaient de se soigner, de guérir, c'est autre chose. Cependant, quand ces gens bafouent le système, ne participent même pas aux programmes de thérapie, purgent leur peine et qu'on ne peut les garder en prison, c'est révoltant pour les citoyens.
    Je comprends les principes et je suis bien d'accord là-dessus. Cela ne concernera pas quelqu'un qui a commis une erreur ou qui a vécu un passage difficile dans sa vie qui l'a amené à commettre un crime. On parle de trois sentences, c'est-à-dire d'une personne qui a été condamnée trois fois pour des crimes violents. C'est grave. Ce ne sont pas trois crimes, ce peut être trois séries de crimes.
    On a compris.
    Je sais que vous avez compris, mais je veux faire cette distinction. Le principe pour moi, madame Freeman, est qu'il faut faire attention aux citoyens qui sont les victimes.
    Il y a quand même un fondement de droit qui...
    Oui, je ne réfute pas cela. Au contraire, on pense que c'est important. Cependant, il faut protéger les citoyens contre les prédateurs, les tueurs en série, les gens qui commettent des crimes continuellement. Il faut garder ces gens en prison et il faut trouver des façons de le faire. Ceci constitue une telle façon. Je sais que même le ministre de la Sécurité publique du Québec a tenté de trouver une solution pour garder des types tels que Clermont Bégin, pour qu'ils soient traités différemment, pour qu'ils soient désignés différemment. Pourquoi? Parce que les gens sont démunis. La Couronne n'a pas les outils pour garder ces gens en prison.

  (1630)  

    Ai-je le temps de poser une autre question?
    Il vous reste 10 secondes.
    Il y a 75 p. 100 des délinquants dangereux qui possèdent un dossier de jeune contrevenant. Il y en a 96,6 p. 100 qui auraient commis des actes sexuels par contrainte avant l'âge de 16 ans. Donc, on se rend compte que la clientèle des délinquants dangereux, à 96,6 p. 100 et à 75 p. 100, est composée de jeunes délinquants.
    Monsieur Cannavino, en tant que président de votre association, que pensez-vous des mesures préventives, puisqu'on voit que 96,6 p. 100 des délinquants dangereux avaient déjà commis des actes criminels avant l'âge de 16 ans?
    C'est la raison pour laquelle je vous dis que...
    Monsieur Cannavino, il ne vous reste que 30 secondes pour répondre.
    N'y aurait-il pas moyen de trouver des moyens d'aider?
    Madame Freeman, oui, je pense qu'il y a moyen d'aider ces gens, et c'est la raison pour laquelle l'Association canadienne des policiers a demandé une révision du système correctionnel canadien. On souhaite justement pouvoir trouver des outils et des programmes pour tenter de sauver certaines de ces personnes.
    Voilà. Vous pensez que le fait d'investir dans la réhabilitation, d'essayer d'aider ces jeunes...
    Certains pourraient s'en sortir. Les autres, il faudra...
    On pourrait peut-être éviter le surpeuplement des pénitenciers plus tard.
    Je voudrais remercier les témoins, M. Griffin et M. Cannavino.
    Il y aura une autre réunion dans trois minutes.