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FAAE Rapport du Comité

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Chapitre 8 Le rôle du Canada dans les
organisations internationales et les
approches multilatérales en matière de
développement démocratique

[…] la démocratie […] nous est nécessaire comme assise d’un monde moins dangereux, d’un système de relations internationales plus juste […]

Son Excellence Nino Burjandze,
Présidente du Parlement de la Géorgie
[353]

Le Comité a déjà fait allusion, dans de précédents chapitres, à l’approche multilatéraliste du Canada à l’égard du développement démocratique, qui a été bien accueillie, et à sa contribution utile à des organismes multilatéraux. Il est d’avis qu’il faudrait maintenir cette approche, et l’améliorer là où elle sera la plus efficace, dans le cadre de l’évaluation de l’ensemble de l’aide canadienne au développement démocratique à l’échelle internationale que nous avons recommandée.

Le Comité note également que les organisations internationales œuvrent de plus en plus dans tous les secteurs du développement démocratique et de la gouvernance. Ainsi, lors de notre réunion au Secrétariat du Commonwealth, le secrétaire général a indiqué au Comité que le Secrétariat met l’accent sur le plan culturel et s’efforce, avec les parlements et les partis politiques, de comprendre le rôle de l’opposition et d’introduire des mesures de responsabilisation. Christopher Child, conseiller et chef de la Section de la démocratie, a déclaré : « Nous aimerions faire beaucoup plus de formation dans le domaine des partis politiques[354]. » Le renforcement des systèmes de partis est aussi devenu un dossier important pour l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA). La question du rôle des partis politiques dans le développement démocratique a été abordée lors du Forum du Conseil de l’Europe sur l’avenir de la démocratie qui a eu lieu à Moscou en octobre 2006; y a participé l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à laquelle le Canada envoie des observateurs.

La Banque mondiale, dont le Canada est un important contributeur par l’entremise du ministère des Finances, ne peut, de par sa charte, tenir compte de la nature du régime politique, de sorte que son rôle « en matière de développement politique est donc visiblement restreint », comme l’a indiqué Sanjay Pradhan, directeur de secteur pour la fonction publique, Unité de gouvernance, au Comité à Washington[355]. Toutefois, dans une conception plus large du développement démocratique : « Nous consacrons beaucoup d’efforts à la responsabilisation de l’État envers ses citoyens. » Les activités de la Banque se rapportent donc à des « composantes de base » de la démocratie. M. Pradhan a remis aux participants un document d’une page intitulé : « L’incidence actuelle des activités courantes de la Banque mondiale sur le renforcement de la participation et de la responsabilisation », dans lequel on trouve six secteurs de programme principaux liés à des activités de la Banque, dont celui du « renforcement de la capacité parlementaire »[356].

Steen Lau Jorgensen, directeur du Réseau du développement durable de la Banque, a précisé que certains programmes de la Banque permettent la participation directe des communautés locales dans les décisions relatives au développement, ce qui accroît l’efficacité des projets. Selon l’expérience de la Banque, en général, les pays plus ouverts réussissent plus facilement à atteindre leurs objectifs en matière de développement. Par conséquent, la Banque a intérêt à renforcer la capacité de la société civile et se rapproche maintenant même des processus liés aux élections, comme en Côte d’Ivoire, où elle contribue à compiler une liste d’inscription nationale. Dans ce cas, la Banque collabore avec l’UE et l’ONU, et par le biais du Cabinet du Premier ministre du pays. L’inscription n’est pas effectuée aux seules fins des élections, mais aussi pour établir l’admissibilité des citoyens au bénéfice des services sociaux.

Comme l’a indiqué M. Jorgensen, il y a eu un « changement radical de mentalité » pour ce qui est de considérer les personnes pauvres comme des citoyens ayant des droits et des responsabilités. La décision de la Banque de se retirer des projets de grande infrastructure depuis la fin des années 1980 a été approuvée par son conseil d’administration[357]. La Banque considère que cette décision est liée à l’efficacité du développement, qui intègre un programme de saine gestion et de lutte contre la corruption[358]. Par exemple, dans le processus de marchés publics, la Banque a pris des mesures de surveillance par le biais d’un mécanisme de « surveillance des marchés », et elle a adopté une politique « tolérance zéro » à l’égard de la corruption dans les projets qu’elle appuie. Enfin, l’un des membres a soulevé la possibilité de créer une « Alliance mondiale sur l’intégrité » dans le cadre d’une stratégie de lutte contre la corruption à laquelle participeraient les dirigeants des pays bénéficiaires[359].

Le rôle d’une grande institution financière internationale comme la Banque mondiale est par ailleurs remarquable, car bien des gens croient que ces puissantes organisations internationales ne sont pas elles-mêmes suffisamment responsables démocratiquement envers les populations des pays qui en sont membres. Plusieurs témoins ont abordé devant le Comité la question de la nécessité de faire évoluer les processus de démocratisation d’un niveau de gouvernance local ou national à un niveau mondiale. Ainsi, John Foster de l’Institut Nord-Sud a parlé du « processus d’Helsinki », une initiative de la Finlande qui a mené en 2005 à la production d’un rapport intitulé Gouvernez la mondialisation — Globalisez la gouvernance contenant des recommandations relatives à la surveillance de la démocratisation de l’économie mondiale et au renforcement du rôle des parlementaires et de la société civile à cet égard[360]. Il a aussi parlé du travail du Forum International de Montréal — dont l’essentiel du financement vient de sources non canadiennes — et du Forum mondial de réseaux de la société civile, tenu en Espagne, qui milite en faveur d’une réforme en profondeur du système des institutions internationales[361].

Dans sa présentation devant le Comité, le Mouvement fédéraliste mondial (Canada) a aussi beaucoup insisté sur le développement de la démocratisation au niveau des institutions internationales, en particulier dans le contexte des réformes des Nations Unies. Rappelant qu’en 1993, le Comité avait appuyé l’idée d’une assemblée parlementaire à l’ONU, il a fait cette déclaration :

En avril 2007, le Comité pour une ONU démocratique (un réseau organisateur d’ONG qui travaille avec des parlementaires) tiendra des conférences de presse dans le monde entier pour présenter publiquement un « Appel pour l’établissement d’une Assemblée parlementaire auprès des Nations Unies ». Après cette annonce en avril, une conférence parlementaire internationale se tiendra à Genève en octobre 2007[362].

Les représentants du Mouvement ont exhorté le Comité à accueillir favorablement cet appel international. Le Comité note également que le Parlement européen a appuyé l’idée de créer une assemblée parlementaire à l’ONU dans le cadre de la réforme générale de celle-ci, dans sa récente résolution du 9 juin 2005[363].

Le plus grand réseau de collaboration avec les organisations internationales est évidemment celui des Nations Unies. L’essentiel du financement de l’ONU en matière de développement démocratique et de gouvernance passe par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement). En effet, lorsque le Comité a rencontré Pippa Norris, directrice du Groupe de la gouvernance démocratique, Bureau des politiques de développement, et d’autres hauts fonctionnaires (dont nombre de Canadiens) de l’ONU, à New York, il a appris que ce groupe est le plus important au sein du PNUD[364].

Mme Norris a fait part au Comité du Plan stratégique 2008‑2011 du groupe et a expliqué que ses mandats en gouvernance démocratique découlent de diverses sources de l’ONU, dont la Déclaration du Millénaire et la résolution de l’Assemblée générale en 2000, le document de 2002 sur la pratique de la gouvernance démocratique au PNUD et le récent rapport du Groupe de haut niveau intitulé Unis dans l’action. Le Comité s’est vu remettre des documents sur le Programme mondial du PNUD concernant le renforcement des parlements, l’appui aux parlements arabes, le renforcement du rôle des parlements dans la reconstruction et la prévention des conflits, ainsi que le rapport annuel du Fonds d’affectation spéciale thématique pour la gouvernance démocratique. On lui a aussi remis une note d’information sur la collaboration ACDI-PNUD en Afghanistan. Concernant la situation de la femme, le Comité a appris qu’un réseau international de connaissances sur les femmes et la politique sera lancé plus tard au cours du mois et qu’il reposera sur un outil en ligne pour favoriser la transmission d’information dans ce domaine. De plus, le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) fait œuvre utile en matière d’éducation civique des femmes. Concernant l’assistance électorale, le Comité a appris que la collaboration entre Élections Canada et le PNUD remonte à 1993, au Cambodge. Toutefois, un autre employé canadien du PNUD, Elissar Sarrouh (conseiller pour les politiques, réforme de l’administration publique), — qui a déjà travaillé au Centre parlementaire — a ajouté qu’Élections Canada est toujours à court de ressources; des pays expriment leur intérêt pour l’expertise canadienne, mais les ressources ne permettent pas d’y répondre[365].

Concernant le travail de l’ONU en matière de processus électoraux, le Comité a aussi rencontré Craig Jenness (un autre Canadien), directeur, Division de l’assistance électorale, Affaires politiques, qui a expliqué que cette aide prend la forme tant d’un appui électoral direct que de travaux sur les meilleures pratiques électorales. L’ONU ne fait plus d’observation, mais concentre plutôt son attention sur l’aide aux bureaux électoraux dans les pays d’accueil ou sur l’aide aux opérations électorales dans le cadre de missions de maintien de la paix dans des pays comme la République démocratique du Congo ou Haïti. Le budget est relativement petit et on dénombre une dizaine d’employés au quartier général, mais un large effectif — qui comprend de nombreux Canadiens — travaille aux quatre coins du globe. Un petit fonds fiduciaire permet le déploiement rapide de personnes dans des pays comme le Népal, quand c’est nécessaire. Quelque 102 États membres de l’ONU — et quatre États non membres — ont eu besoin d’aide électorale depuis 1992, et plus d’une trentaine de pays reçoivent de l’aide ou ont en demandé récemment, la plupart situés en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient[366].

Une bonne raison pour demander l’aide de l’ONU, c’est que cela contribue à légitimer le résultat et à le faire accepter — comme en République démocratique du Congo. L’ONU n’intervient que sur demande du gouvernement du pays d’accueil ou avec un mandat du Conseil de sécurité. Elle ne dirige pas le scrutin, mais aide le gouvernement qui en fait la demande à établir les structures requises. Au lendemain d’un conflit, il arrive souvent que chacun aspire à une victoire électorale, mais il est souvent difficile de convaincre les perdants qu’ils ont un vrai rôle à jouer dans l’opposition. Selon M. Jenness, les parlementaires peuvent faire œuvre utile à cet égard, car ils peuvent discuter d’égal à égal avec leurs collègues d’autres pays[367].

Avant de passer à la création du nouveau Fonds des Nations Unies pour la démocratie en 2005 et au rôle que pourrait y jouer le Canada, il importe de reconnaître, malgré tout ce travail, que bien des questions restent sans réponse concernant l’engagement de l’ONU en matière de développement démocratique, ainsi que celui d’organisations internationales comme la Communauté de démocraties ou l’équivalent, qui peuvent être plus explicites que l’ONU quant à leurs objectifs pro-démocratie puisque leurs membres se limitent, du moins par définition, aux États démocratiques.

Faisant observer que « l’ONU se trouve souvent dans une position de défenseur de la démocratie », Jane Boulden, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en relations internationales et en études sur la sécurité, Collège militaire royal du Canada, a dit au Comité :

Il y a des États membres qui ne sont pas contents que l’ONU doive jouer un rôle dans la défense de la démocratie, même après un conflit où les parties conviennent que la démocratie fera partie de l’accord de paix.

C’est lié en partie aux questions récurrentes de la souveraineté. Avec la responsabilité de protéger, par exemple, on accepte de plus en plus que la souveraineté n’est pas sacro-sainte, et pour ceux qui résistent à ces idées, la perspective que la démocratisation ou la démocratie soit une valeur universelle importante est encore perçue comme une autre attrape que les États occidentaux peuvent utiliser comme critère pour intervenir dans d’autres États.

Si nous voulons présenter la démocratie comme une valeur universelle, nous devons être en mesure de l’expliquer mieux que maintenant. C’est un facteur auquel réfléchissent beaucoup les acteurs des Nations Unies, mais je pense qu’il préoccupe tous les États aussi. À cet égard, les perceptions viennent aussi de l’image ou de l’impression dans divers États que l’ONU a beaucoup de standards doubles. Pourquoi, par les Nations Unies, réagissons-nous à certains conflits en y investissant des ressources et nous engageons-nous à régler certains conflits plutôt que d’autres? Quand nous nous posons la question à la lumière de celle de savoir si la démocratie est une valeur occidentale ou non, on peut comprendre comment le tout pose problème[368].

Face au scepticisme à l’égard du multilatéralisme de l’ONU et à la nécessité d’un engagement multilatéral des États-Unis, diverses solutions de rechange ont été proposées. Ainsi, deux éminents chercheurs américains ont récemment proposé dans le détail d’établir un « Concert de démocraties » de 60 membres[369].

Pourtant, on avait déjà créé en 2000, pour contourner le fait que l’ONU compte bien des États non démocratiques, la Communauté des démocraties qui s’est réunie pour la première fois à l’ONU en 2004 sous le nom de « Caucus de démocraties » de l’ONU et dont le Canada était un membre fondateur. Le Comité a appris, lorsqu’il s’est réuni à New York en février 2007, que le « Caucus » de 100 membres est actuellement présidé par le Mali, qui est aussi un membre actif du Groupe des démocraties nouvelles et rétablies. Son Excellence le cheik Sidi Diarra, ambassadeur et représentant permanent du Mali à l’ONU, faisait partie d’un groupe d’ambassadeurs et de représentants permanents à l’ONU qu’a rencontrés le Comité[370]. Nous avons déjà mentionné au chapitre 4 la participation du Canada à la Communauté des démocraties (CD). Un de nos témoins canadiens, Jeffrey Kopstein, a soutenu qu’en raison des faiblesses et des limites de l’ONU, il faudrait promouvoir l’idée de la CD[371]. À Washington, où le Comité a rencontré Richard Rowson, président du conseil de la CD, Theodore Piccone, directeur du Democracy Coalition Project (et représentant du Club de Madrid à Washington), a soutenu que le Canada devrait faire partie du groupe convocateur de la CD et que, malgré sa réputation de multilatéraliste, le Canada « a adopté une position mitigée sur cette question »[372].

D’autres se sont montrés moins convaincus de l’efficacité de la CD. Richard Haas, président du Council on Foreign Relations, a dit au Comité que la CD définit trop vaguement ses critères de démocratie et est trop vaste pour être utile[373]. Thomas Melia, directeur exécutif adjoint de Freedom House, a dit au Comité à Washington que le groupe de convocation de la CD représente en partie les intérêts stratégiques des gouvernements membres. Par exemple, le Maroc est un membre même s’il ne répond pas aux critères de démocratie. M. Melia a également mis les participants en garde contre le fait d’essayer d’établir une coordination à l’échelle mondiale, indiquant que « beaucoup d’efforts peuvent être déviés vers la coordination ». Il a plutôt soulevé un besoin de « complémentarité », indiquant que « le moyen d’y arriver consiste à créer un créneau »[374].

Gareth Evans, président de l’International Crisis Group, a aussi servi cette mise en garde :

N’espérez pas trop des caucus pour la démocratie et des autres grandes stratégies internationales semblables. En principe, il s’agit d’idées attrayantes, mais il existe trop de divergences entre les institutions et entre les intérêts des pays démocratiques pour qu’un front uni sur quoi que ce soit dure bien longtemps, et il est loin d’être certain que les tentatives de mise sur pied de tels mécanismes aient permis jusqu’à maintenant de faire peser utilement des pressions sur les États non démocratiques ou produit de quelconques résultats positifs nets[375].

Par ailleurs, M. Evans, qui demeure un fervent adepte du renforcement et de la réforme de l’ONU, a souligné que les pays démocratiques, pris isolément, notamment ceux qui ont des intérêts d’une grande puissance comme les États-Unis, sont rarement bien placés pour promouvoir le développement démocratique. Même si, comme plusieurs témoins l’ont dit devant le Comité, le Canada peut parfois faire des choses que les États-Unis sont incapables de faire, il ne peut faire cavalier seul dans ce domaine. M. Evans a soutenu qu’une façon d’exercer de l’influence sans trop s’afficher [association avec les intérêts des grandes puissances occidentales], c’est de collaborer avec des mécanismes de coordination multilatéraux à l’ONU et ailleurs — espérons que le nouveau Fonds de l’ONU pour la démocratie, qui vient d’être créé, s’avérera utile à cet égard[376].

Le Comité partage cet espoir. En effet, il n’y a pas d’autres solutions qu’une action de l’ONU, malgré toutes ses lacunes, car c’est la seule instance vraiment mondiale. Le Comité aussi souhaite qu’elle soit réformée en un instrument plus crédible de promotion du développement démocratique. Quant au Fonds de l’ONU pour la démocratie (FNUD) créé à l’issue du Sommet de l’ONU de septembre 2005, il est financé par des donations volontaires et non par des contributions obligatoires. Au premier rang des donateurs, viennent les États-Unis, suivis loin derrière par l’Inde, la démocratie la plus populeuse du monde, avec une contribution de 10 millions de dollars US. Ce montant a été égalé par le Japon au début de mars 2007, portant le FNUD à quelque 65 millions de dollars américains et devenant ainsi le 28pays donateur. Jusqu’à maintenant, le Canada n’est pas dans la course.

Lorsque le Comité a rencontré les représentants du FNUD, Magdy Martinez-Soliman, directeur exécutif par intérim, et Randi Davis, agente de programme supérieure (une Canadienne), à New York en février 2007, M. Martinez-Soliman a fait observer que le Fonds est le premier organisme onusien à comporter dans son titre le mot « démocratie »[377]. De plus, les parlements ont été parmi les meilleurs alliés du Fonds dont le personnel a rencontré des délégations de l’Inde, du Royaume-Uni, de l’Union européenne, des États-Unis et d’autres pays, dont maintenant le Canada. La visite du Comité a été éminemment soulignée sur le site Web du FNUD (http://www.un.org/democracyfund/). Pour le Comité, il est clair que la participation du Canada serait bien accueillie, surtout que de nombreux pays voient la démocratie canadienne d’un œil favorable[378].

Le FNUD est une initiative proposée par les États-Unis dans le cadre du débat sur la réforme de l’ONU, en même temps que d’autres priorités comme les droits de la personne, la réforme de la gestion et la Commission de consolidation de la paix. Le FNUD compte 28 membres, est en excellente santé financière et s’apprête à amorcer des travaux sur le terrain et divers dialogues. (Le Comité a aussi rencontré individuellement la Canadienne Carolyn McAskie, sous-secrétaire générale de l’ONU responsable du Bureau d’appui à la consolidation de la paix[379].) Le FNUD finance principalement des organismes de société civile, ainsi que des partenariats avec d’autres organismes onusiens, notamment des missions de maintien de la paix. La première tranche, en août 2006, a financé quelque 70 ONG, notamment, au Canada, le Centre parlementaire et un groupe de journalistes de Toronto. Il importe également de souligner que le FNUD compte aussi sur des bailleurs de fonds dans le sud. Le FNUD ne fait pas « l’importation-exportation de démocratie », c’est‑à‑dire qu’il n’offre pas un modèle démocratique que les autres peuvent copier. Un élément important à souligner est que le Fonds n’a pas besoin de la permission du gouvernement d’accueil lorsqu’il décide de l’attribution du financement, puisque le Secrétaire général et les six principaux États contributeurs qui composent son conseil d’administration l’appuient et le légitiment. Le Fonds est aussi un des premiers exemples du modèle « une ONU unifiée » qui a été proposé récemment par le nouveau Groupe de haut niveau sur la cohérence du système des Nations Unies dans le rapport Unis dans l’action[380], dont il a aussi été question lors de la réunion du Comité au FNUD.

Le FNUD est encore un organisme jeune, ne comptant que six employés (en février 2007), et commence à peine à travailler sur le terrain, malgré ses quelque 125 projets dans 110 États et territoires. Sa priorité régionale est l’Afrique (37 p. 100), suivie des pays moins développés à l’extérieur du continent africain. Le FNUD choisit les projets en fonction de propositions détaillées après consultation du Département des affaires politiques de l’ONU et d’autres organismes onusiens actifs dans chaque pays; il dresse ensuite une liste des candidats intéressants qu’il présente au conseil, lequel fait une sélection plus serrée encore avant de présenter la liste au Secrétaire général. Le FNUD n’a fait aucune publicité officielle, mais a néanmoins reçu plus de 1 300 demandes au cours des deux premières semaines, quoique 700 d’entre elles ne répondent aux premiers critères. (Cependant, le FNUD a inscrit même les projets refusés dans sa base de données qu’il partage avec d’autres organismes onusiens, de sorte qu’il se peut que les projets soient financés autrement[381].)

Le FNUD comporte deux structures de gouvernance, l’une composée d’États membres de l’ONU et l’autre d’ONG, et l’équilibre géographique est respecté. Guillermo O’Donnell, cité par le Comité au chapitre 1 fait partie du conseil consultatif. Son processus intergouvernemental est comme bien d’autres, bien que chaque gouvernement estime sans doute que son modèle est le meilleur. Quand un membre souligne que le FNUD accepte des fonds d’États comme le Qatar, qui ne sont pas vraiment démocratiques, M. Martinez-Soliman répond que l’organisme ne juge pas du caractère démocratique de ses États membres. Il faut plutôt se demander si les citoyens du pays visé estiment que ce dernier est démocratique, et si d’autres États partagent cette perception[382].

M. Martinez-Soliman a ajouté que le FNUD compte une quinzaine de projets en rapport direct avec les partis politiques dans des pays comme la Bolivie, la Serbie et le Pérou, où le tact est de mise. Certains pays ont resserré les lois concernant le transfert de fonds étrangers aux ONG mais, soucieux d’éviter qu’on ne lui ferme la porte, le FNUD demande que les ONG soient reconnues à l’échelon national ou international. Le FNUD travaille aussi avec des forums interparlementaires régionaux et internationaux — par exemple, l’Union interparlementaire (UIP), particulièrement dans le but d’accroître le nombre de femmes parlementaires, y compris à l’Assemblée parlementaire de la francophonie[383].

Le Comité a appris de John McNee, notre ambassadeur et représentant permanent aux Nations Unis, que la position officielle du Canada concernant le FNUD, consiste toujours à « attendre de voir »[384]. Nous convenons que le FNUD est un projet en cours, mais que, par ailleurs, il fait partie de la réforme de l’ONU et constitue un effort global de l’ONU visant à prendre le développement démocratique au sérieux, objectif qui mérite assurément l’appui du Canada. Nous constatons aussi que les donateurs du FNUD comptent cinq partenaires du Canada au sein du G7 et l’Australie, son partenaire du Commonwealth. Par conséquent, nous estimons que le Canada devrait envisager de devenir un donateur du FNUD.

Enfin, au cours de ses réunions avec des organismes internationaux qui sont financés par le Canada, et qui œuvrent dans le domaine du développement démocratique, le Comité a été frappé par un thème récurrent, à savoir le nombre impressionnant de Canadiens qui travaillent au sein de ces organismes, souvent dans des postes de niveau supérieur. Ils constituent un grand bassin d’expertise et d’expérience à mettre à profit. Certains de ces Canadiens pourraient vouloir retourner au Canada, attirés par la nouvelle fondation canadienne pour le développement démocratique à l’échelle internationale que nous avons proposée dans la recommandation 10, mais il est aussi bon que des Canadiens occupent des postes influents au sein des organismes multilatéraux subventionnés par le Canada.

Le Comité est d’avis qu’il faudrait redoubler d’efforts pour mettre à profit le savoir accumulé par les Canadiens qui travaillent au sein d’organismes multilatéraux. Cela permettrait sans doute de bonifier l’approche canadienne du développement démocratique à mesure qu’elle est élaborée au sein d’un Conseil de la démocratie élargi et par le truchement de la fondation canadienne indépendante que nous avons proposée.

Recommandation 19

L’évaluation indépendante de l’ensemble de l’aide canadienne au développement démocratique que nous avons recommandée devrait aussi porter sur l’efficacité des voies multilatérales empruntées par le Canada pour acheminer son aide et guider la détermination des niveaux de financement.

Recommandation 20

Reconnaissant que les prochains défis de la démocratisation supposeront une gouvernance au niveau des organismes internationaux, ainsi qu’aux échelles nationale et locale, il faudrait que la fondation canadienne pour le développement démocratique à l’échelle internationale inclue ces dimensions dans son mandat et considère à cet égard les propositions d’aide des organismes non gouvernementaux canadiens et des groupes de la société civile qui œuvrent dans ce domaine.

Recommandation 21

Compte tenu du rôle essentiel que jouera l’ONU réformée et renforcée en matière de développement démocratique dans le monde, le Parlement du Canada devrait envisager d’un œil favorable l’établissement d’une assemblée parlementaire des Nations Unies.

Recommandation 22

Compte tenu de la création du Fonds des Nations Unies pour la démocratie (FNUD) dans le cadre du projet de réforme de l’ONU en 2005, le Canada devrait envisager de devenir un donateur du FNUD.

Recommandation 23

Compte tenu de l’expertise et de l’expérience acquises en matière de développement démocratique par les Canadiens qui œuvrent dans ce domaine au sein d’organismes multilatéraux, le Canada devrait s’efforcer de mettre à profit ce bassin de savoir pour parfaire son approche du développement démocratique.


[353]     Allocution de la Présidente Burjandze à l’occasion du Dialogue sur l’approche canadienne en matière de développement démocratique, Ottawa, 15 février 2007.

[354]     Réunion au Secrétariat du Commonwealth, Londres, 11 octobre 2006. Voir aussi, plus globalement, le rapport du Groupe d'experts du Commonwealth sur le développement et la démocratie préparé pour le Secrétariat du Commonwealth, Making Democracy Work for Pro-Poor Development, octobre 2003.

[355]     Réunion à la Banque mondiale, 6 février 2007.

[356]     Ibid.

[357]     Ibid.

[358]     Concernant le rôle de la Banque mondiale et du Comité d’aide au développement de l’OCDE dans l’évolution de la pensée du milieu des donateurs en matière de gouvernance et de développement économique, voir David Gillies, « Democracy and Economic Development », Institut de recherche en politiques publiques, Enjeux publics, vol. 6, no 2, avril 2005.

[359]     Réunion à la Banque mondiale, 6 février 2007.

[360]     John Foster, « Société civile, parlements et démocratie : Participation, transparence et responsabilité croissants de la « base » au niveau mondial », mémoire de l’Institut Nord-Sud, 6 décembre 2006, p. 4 et suivantes. (Voir aussi Témoignages, réunion 35, 6 décembre 2006.) Le rapport en question et les documents connexes sont disponibles en ligne à www.helsinkiprocess.fi (site en anglais).

[361]     Ibid., p. 8.

[362]     « Contribution à l’examen que fait le Comité du rôle du Canada dans la promotion internationale du développement démocratique », 13 février 2007, p. 10. Voir aussi Témoignages, réunion 40, 13 février 2007.

[363]     Le texte complet de la résolution est disponible en ligne à http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2005-0237+0+DOC+XML+V0//FR.

[364]     Réunion du Comité au PNUD, New York, 7 février 2007.

[365]     Ibid.

[366]     Réunion du Comité à l’ONU, New York, 8 février 2007.

[367]     Ibid.

[368]     Témoignages, réunion 35, 6 décembre 2006, p. 5. Voir aussi Jane Boulden, « Democracy and
Peace-Building », Institut de recherche en politiques publiques, Enjeux publics, vol. 6, no 2, avril 2005.

[369]     Ivo Daalder et James Lindsay, « Democracies of the World, Unite », The American Interest Online, Aperçu du numéro de l’hiver 2006, http://www.the-american-interest.com/ai2/article.cfm?Id=219&MId=6.

[370]     Réunion du Comité à New York, 7 février 2007.

[371]     Témoignages, réunion 19, 4 octobre 2006, p. 4.

[372]     Réunion du Comité à Washington, 6 février 2007.

[373]     Réunion du Comité au Council on Foreign Relations, New York, 7 février 2007.

[374]     Réunion du Comité à Washington, 6 février 2007.

[375]     Gareth Evans, « La promotion de la démocratie : l’état de nos connaissances », présentation à l’occasion du symposium How Much do we Really Know about Democracy Promotion? de l’American Enterprise Institute, Washington, 19 septembre 2006.

[376]     Ibid.

[377]     Réunion du Comité à New York, 7 février 2007.

[378]     Ibid.

[379]     Réunion du Comité à New York, 7 février 2007.

[380]     Unis dans l’action : Rapport du Groupe de haut niveau sur la cohérence de l'action du système des Nations Unies dans les domaines de l’aide humanitaire et de l’environnement (A/61/583), 26 novembre 2006, http://www.unsystemceb.org/features/swc/report_systemwidecoherence.pdf/view. Robert Greenhill, président de l’ACDI, faisait partie de ce groupe.

[381]     Réunion avec les représentants du FNUD, New York, 7 février 2007.

[382]     Ibid.

[383]     Ibid.

[384]     Réunion du Comité à la Mission permanente du Canada auprès des Nations Unies, New York, 7 février 2007.