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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 008 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 décembre 2007

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. C'est la séance no 8 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale et nous poursuivons notre étude du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (certificat et défenseur) et une autre loi en conséquence.
    Nous apprécions beaucoup que nos témoins comparaissent avec un préavis aussi court. Certains d'entre vous ont fait de gros efforts pour venir ici. Nous l'apprécions beaucoup et nous vous en remercions.
    Je ne sais pas si vous avez discuté entre vous pour savoir qui allait commencer. Nous allons suivre le même ordre.
    Je vais vous demander de vous présenter. Nous allons commencer par Amnistie Internationale Canada. Nous passerons ensuite à la Fédération canado-arabe et la représentante de Human Rights Watch, Mme Julia Hall, sera la troisième à prendre la parole.
    Vous pouvez disposer chacun d'une dizaine de minutes. Nous n'allons pas vous couper la parole trop vite, mais faites votre déclaration préliminaire, après quoi, comme d'habitude, nous donnerons à chaque membre du comité l'occasion de faire des observations et de poser des questions.
    Nous vous souhaitons la bienvenue encore une fois. Veuillez d'abord vous présenter et vous pourrez commencer.
    Je m'appelle Alex Neve et je suis le secrétaire général d'Amnistie Internationale. C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui. Nous sommes reconnaissants au comité de tenir des audiences supplémentaires, ce qui nous permet de comparaître.
    Amnistie Internationale a commencé à émettre des préoccupations au sujet des certificats de sécurité émis dans le contexte de l'immigration en 1997, dans le cas de Manickavasagam Suresh. À l'époque, nous avions mis en lumière deux problèmes distincts, mais certainement reliés et très graves touchant les droits de la personne et, 10 ans plus tard, ces deux questions, soit l'application régulière de la loi et la protection contre la torture continuent de poser des problèmes très importants et évidents.
    Amnistie Internationale a abordé son examen du projet de loi C-3 sous trois angles. Premièrement, assure-t-il un processus répondant aux normes internationales et qui garantit que les personnes faisant l'objet d'un certificat seront traitées équitablement? Deuxièmement, est-ce un processus qui renforce la protection des droits de la personne dans les lois et procédures canadiennes touchant la sécurité? Et troisièmement, reconnaissant l'importance de l'exemple que le Canada donne au reste du monde, cette démarche témoigne-t-elle d'un leadership au niveau mondial pour faire en sorte ce que les droits de la personne ne soient pas sacrifiés au nom de la sécurité?
    Nous vous exhortons à tenir compte de cette dernière considération dans vos délibérations. Depuis six ans, suite aux événements du 11 septembre, les normes à l'égard des droits de la personne sont menacées dans le monde. Les garanties essentielles contre la torture et la détention arbitraire, le droit à un procès équitable et les autres principes primordiaux des droits humains ont été menacés. Il est essentiel que le Canada défende fermement ces principes et fasse bien comprendre qu'une sécurité réelle et durable ne sera possible que si l'on respecte scrupuleusement ces normes universelles qui ont été difficilement gagnées.
    Amnistie Internationale a élaboré des principes qui devraient guider la réforme du régime des certificats de sécurité et qui découlent des obligations internationales du Canada dans le domaine des droits de la personne. Nous avions l'intention de promouvoir ces principes à l'occasion des consultations dont nous attendions la tenue avant la préparation de ce projet de loi. Malheureusement, ces consultations n'ont jamais eu lieu.
    Après avoir décrit ces principes, je vais mettre en lumière un certain nombre de lacunes plus problématiques du projet de loi C-3 en ce qui concerne le modèle de défenseur proposé et je terminerai par la principale recommandation d'Amnistie Internationale qui est d'abandonner ce modèle et de le remplacer plutôt par des mesures permettant à l'avocat de l'intéressé d'assurer efficacement la défense de ce dernier.
    Les principes les plus importants — et il y en a neuf — sont les suivants. J'espère que vous pourrez les avoir plus tard par écrit. Le préavis était trop court pour que nous puissions préparer notre mémoire dans les deux langues, mais nous l'avons remis au greffier qui m'a dit qu'il vous serait distribué bientôt. Ces principes sont énoncés de façon plus complète par écrit, mais je tiens à vous faire part des principaux concepts.
    Premièrement, aucune procédure ne devrait entraîner le renvoi ou le transfert d'une personne du Canada vers un pays où elle risque sérieusement d'être torturée ou soumise à un traitement cruel, inhumain ou dégradant.
    Deuxièmement, aucune procédure ne devrait entraîner le renvoi d'une personne si cela lui permettra d'échapper à la justice pour ses crimes.
    Troisièmement, il faudrait entamer une procédure criminelle au Canada lorsque le renvoi ou le transfert n'est pas possible.
    Quatrièmement, les mesures de renvoi ne devraient pas être des extraditions déguisées.
    Cinquièmement, dans les instances d'immigration liées à la sécurité, la procédure devrait se conformer aux mêmes normes d'équité rigoureuses que la procédure pénale canadienne.
    Sixièmement, le droit à une défense pleine et entière doit être protégé scrupuleusement dans toute instance d'immigration liée à la sécurité.
    Septièmement, on ne devrait jamais refuser de révéler les preuves pour l'unique raison que leur divulgation causerait du tort aux relations internationales. L'enquête sur l'affaire Arar a révélé des exemples inquiétants de la mesure dans laquelle la crainte de nuire aux relations internationales est invoquée de façon entièrement injustifiée pour refuser de divulguer des preuves importantes.

  (1545)  

    Huitièmement, dans une instance d'immigration liée à la sécurité, la détention doit être une solution de dernier ressort. Cette détention ne doit pas être prolongée et ne peut jamais être d'une durée indéterminée.
    Enfin, neuvièmement, en matière d'immigration la détention ne doit jamais être traitée de la même façon qu'en matière pénale.
    Malheureusement, la démarche que propose le projet de loi C-3 ne répond pas à ces principes. Bien entendu, c'est en grande partie parce que le projet de loi n'inclut pas de dispositions pour combler les nombreuses lacunes très inquiétantes relatives au régime de certificats de sécurité, notamment en ce qui concerne l'expulsion vers des pays pratiquant la torture, l'impunité et la détention.
    La disposition qui prévoit un défenseur et qui cherche, de toute évidence, à améliorer l'équité, n'apporte qu'une amélioration marginale et ne fait pas grand-chose pour que le droit à un procès équitable soit bien protégé.
    Les amendements proposés à l'égard du défenseur ressemblent de près au modèle existant au Royaume-Uni. Comme la Cour suprême l'a mentionné dans le jugement Charkaoui, le modèle britannique a été largement critiqué au Royaume-Uni par les commissions parlementaires, les tribunaux, les détenus et leurs avocats et même par les défenseurs qui ont parfois préféré démissionner que de continuer à donner un semblant de légalité à des dispositions fondamentalement défectueuses.
    Je voudrais passer rapidement en revue certaines des faiblesses les plus flagrantes du régime proposé. Nos préoccupations sont décrites plus en détail dans le mémoire que vous recevrez plus tard.
    Premièrement, le défenseur n'a pas le droit explicite d'avoir accès à tous les renseignements pertinents en la possession du gouvernement. C'est aggravé par le pouvoir qu'a le ministre de retirer des renseignements de l'instance. L'absence d'obligation clairement exprimée de la part du gouvernement de divulguer toute l'information pertinente a suscité de sérieuses préoccupations au Royaume-Uni où des défenseurs ont dit avoir été informés de cas où d'importants renseignements disculpatoires ne leur avaient pas été divulgués. Si des renseignements sont susceptibles d'être disculpatoires, le ministre doit avoir l'obligation de les divulguer et il ne doit pas être autorisé à les retirer de l'instance.
    Deuxièmement, même si le projet de loi C-3 permet de nommer un défenseur pour un contrôle judiciaire ou un appel d'une décision rendue par le juge désigné, il ne prévoit aucun mécanisme permettant au défenseur d'entamer une procédure de contrôle judiciaire ou d'appel lorsqu'un problème surgit dans le contexte des délibérations à huis clos.
    Le projet de loi C-3 n'établit pas de critères pour la nomination du défenseur. Il ne précise pas quelles sont les qualités ou les compétences requises du défenseur, laissant cela à la discrétion du ministre. Le projet de loi ne prévoit aucune disposition pour la formation et le soutien administratif du défenseur ou pour lui donner accès à des experts.
    Le comité des affaires constitutionnelles de la Chambre des communes du Royaume-Uni a sévèrement critiqué le manque de ressources mis à la disposition des défenseurs au Royaume-Uni une fois qu'ils sont nommés. Par exemple, le manque de personnel arabophone a engendré des situations dans lesquelles des documents n'ont pas été communiqués à l'intéressé alors qu'ils étaient publics et accessibles sur Internet et qu'ils auraient pu l'aider à préparer sa défense.
    Quatrièmement, la relation entre la personne en cause et son défenseur soulève des problèmes fondamentaux. Premièrement, l'intéressé ne joue qu'un rôle très minime dans la nomination de son défenseur et, deuxièmement, ses rapports avec ce dernier ne sont pas ceux qui existent entre un avocat et son client, ce qui nuit à la confiance qui est nécessaire entre le défenseur et la personne en cause.
    Pour ce qui est de la nomination, c'est le juge plutôt que l'intéressé qui choisit le défenseur à partir d'une liste de personnes établie par le ministre de la Justice. Le juge peut également congédier le défenseur. L'intéressé ne joue qu'un rôle limité dans le processus de sélection.
    Le fait que le défenseur est nommé par un juge sans que l'intéressé n'ait grand-chose à dire peut donner l'impression que le défenseur n'est pas l'avocat de l'intéressé et ce dernier peut considérer le défenseur comme un agent de l'État.

  (1550)  

    Le rôle du défenseur est également compromis parce qu'il n'est pas tenu au secret des communications entre l'avocat et son client. Le projet de loi reste silencieux au sujet du secret professionnel auquel un avocat est normalement tenu. Cette ambigüité va refroidir les communications entre l'intéressé et le défenseur.
    La cinquième et dernière objection d'Amnistie Internationale au sujet du projet de loi C-3 concerne les restrictions quant à la capacité du défenseur de communiquer avec l'intéressé ou qui que ce soit d'autre après avoir obtenu la divulgation de renseignements secrets. Bien entendu, le défenseur peut demander l'autorisation du juge pour communiquer avec des gens de l'extérieur, y compris l'intéressé. Cette disposition est similaire à celle que l'on trouve dans le modèle de défenseur du Royaume-Uni où le juge a rarement donné cette autorisation et où celle-ci est rarement demandée, car les questions que le défenseur désire poser doivent être d'abord soumises au gouvernement.
    Cette interdiction de communiquer avec l'intéressé après la divulgation de renseignements secrets a fait l'objet de vives critiques au Royaume-Uni, non seulement de la part des organismes qui défendent les droits de la personne et des défenseurs, mais aussi de la part des parlementaires. Les mêmes critiques s'appliquent au projet de loi C-3.
    On ne sait pas exactement si le défenseur peut faire comparaître des témoins pour témoigner en faveur de l'intéressé. La limitation de sa capacité de présenter d'autres preuves, telles que des preuves documentaires, en faveur de l'intéressé est moins ambiguë. Il ne peut le faire qu'avec l'autorisation du juge.
    Quelle est la solution? Bien entendu, des amendements pourraient répondre, dans une certaine mesure, aux préoccupations que j'ai émises. Il est décevant que le projet de loi n'apporte pas ce genre d'améliorations dont la nécessité ressort clairement de l'expérience britannique et des déclarations publiques. Il s'agit de voir si le modèle du défenseur peut être amélioré au point d'éliminer ces graves faiblesses. Amnistie Internationale estime que non.
    Les améliorations requises pour assurer l'indépendance réelle et apparente du défenseur, favoriser une relation de confiance, protéger la confidentialité des communications et le droit au secret professionnel et assurer la continuité des rapports tout au long de l'instance conféreraient au défenseur un rôle similaire à celui que l'avocat de l'intéressé devrait jouer. Par conséquent, reconnaissant l'importance fondamentale des rapports qui existent normalement entre l'avocat et son client dans tout procès équitable, ainsi que les droits importants qui sont associés au choix de son propre avocat, particulièrement dans une instance dans laquelle le secret peut être invoqué, Amnistie Internationale exhorte le comité à modifier le projet de loi C-3 en cherchant plutôt à permettre à l'avocat personnel de l'intéressé de défendre efficacement ce dernier.
    Cette suggestion n'a rien de farfelu. La justice canadienne a déjà reconnu que pour préparer une défense efficace dans les causes portant sur des renseignements confidentiels comme celles qui portent sur la sécurité nationale, il est nécessaire de faire preuve d'imagination pour résoudre le problème de la divulgation. Par exemple, une solution qui a été utilisée consiste à demander à l'avocat de la défense de se soumettre à une enquête de sécurité pour avoir accès à la preuve, et de s'engager de façon limitée à ne pas divulguer certains éléments de cette preuve à son client.
    Le meilleur exemple de solutions de ce genre qui ont été utilisées dans le contexte de la sécurité nationale se trouve dans des affaires criminelles comme le procès qui a récemment eu lieu au sujet d'Air India. Dans ce procès, la Couronne a donné à l'avocat de la défense un accès provisoire limité aux dossiers pertinents du SCRS en échange d'une promesse de ne pas divulguer la preuve à d'autres personnes, y compris son client. Reconnaissant qu'il aurait été trop long de demander l'autorisation d'un juge pour chaque document, les parties ont établi leur propre système pour négocier quels documents pouvaient être ensuite divulgués à l'accusé.
    Le recours à ce genre d'engagement dans l'affaire Air India reposait sur des précédents relatifs à la confidentialité de l'identité d'un informateur, les écoutes faites par un tiers, les dossiers de renseignement de la police et les documents confidentiels. Ironiquement, étant donné les graves problèmes que soulève la nature du système de justice dont il est question ici, les modèles utilisés par les États-Unis relativement aux détenus de Guantanamo constituent un exemple à considérer également.
    Un avocat militaire est attribué aux détenus traduits devant la commission militaire pour les défendre, en plus d'un avocat civil et dans les deux cas, les communications entre l'avocat et le client restent confidentielles. L'avocat militaire peut prendre connaissance des renseignements classifiés, mais il peut lui être interdit d'échanger ces renseignements avec le détenu et son avocat civil.

  (1555)  

    Les États-Unis se sont servis du droit pénal pour juger des personnes soupçonnées d'activité terroriste. Ahmed Ressam a été reconnu coupable d'avoir conspiré pour faire exploser l'Aéroport international de Los Angeles et son procès était un procès criminel qui a eu lieu en public. Lors du prononcé de la sentence, le juge John C. Coughenour a déclaré :
Nous n'avons pas besoin d'utiliser un tribunal militaire secret ou de détenir le défendeur indéfiniment en tant que combattant ennemi ni de lui refuser le droit à un avocat ou de le soumettre à une procédure qui va au-delà ou à l'encontre de celle que garantit la Constitution des États-Unis. (Traduction)
    Pour résumer, le modèle du défenseur devrait être supprimé. Le projet de loi C-3 devrait plutôt proposer un processus pour attribuer une autorisation sécuritaire à l'avocat de la personne désignée dans un certificat de sécurité et demander à cet avocat de s'engager à ne pas divulguer certains des éléments de preuve auxquels il a accès. Il est également regrettable que le projet de loi C-3 ne cherche pas à résoudre les sérieux problèmes relatifs aux droits de la personne qui se posent dans ce genre de cas, notamment en interdisant le renvoi du détenu vers un pays qui pratique la torture, en s'assurant que les criminels n'échappent pas à la justice, en interdisant que les torts causés aux relations internationales soient invoqués pour retenir des preuves et en améliorant les dispositions régissant la détention dans le contexte des certificats de sécurité.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la Fédération canado-arabe. Veuillez vous présenter et faire votre exposé.
    Je m'appelle Mohamed Boudjenane. Je suis le directeur général de la Fédération canado-arabe et je suis accompagné aujourd'hui de James Kafieh, notre conseiller juridique.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais remercier les membres du comité de nous avoir invités ici aujourd'hui. Je pense qu'il est crucial et très important pour les membres de ce comité d'entendre les communautés les plus affectées par ce genre de projet de loi, notamment la communauté arabe et musulmane de ce pays. Je vous remercie de nous avoir invités ici.

[Traduction]

    La Fédération canado-arabe est l'organe national d'une des deux communautés minoritaires du Canada qui ont été les plus touchées par les stéréotypes résultant des événements du 11 septembre. Ce projet de loi ne protège pas contre les effets de ces stéréotypes et les perpétue par inadvertance. Chaque fois qu'un Arabe est détenu dans le cadre de ce régime, cela renforce le stéréotype social voulant que tous les Arabes sont des terroristes dans l'esprit de nombreux Canadiens. C'est un stéréotype raciste, bien entendu.
    Les Arabes du Canada forment une communauté extrêmement diverse. Contrairement à la croyance populaire, la plupart des Arabes du Canada sont des chrétiens. En fait, vous en avez deux exemples devant vous aujourd'hui. Je suis originaire du Maroc. Je suis un Arabe musulman tandis que James Kalieh est un Canadien originaire de Palestine, qui est chrétien.
    Les Arabes chrétiens et musulmans sont des membres pacifiques et productifs de notre société qui adhèrent à nos valeurs démocratiques. Ils s'inquiètent autant de la sécurité que tous les autres Canadiens. Malgré cela, dans la réalité sociale de la discrimination qui a suivi les événements du 11 septembre, les Arabes sont victimes de préjugés. Si vous voyagez alors que vous êtes Arabe, vous faites l'objet d'un profilage racial.
    Pourquoi tous les Arabes ont-ils immédiatement été perçus comme des terroristes au lendemain du 11 septembre alors que les Écossais ou les Irlandais ne l'ont pas été après l'attentat à la bombe d'Oklahoma City? C'est en raison de la réalité sociale qui a précédé ces événements en ce qui concerne la discrimination et les stéréotypes.
    En fait, une étude intéressante a été réalisée aux États-Unis par un chercheur arabe qui a parlé de la représentation des méchants dans la culture populaire américaine, dans les films, bandes dessinées, etc. Les Arabes et les musulmans sont toujours représentés comme des gens à qui vous ne pouvez pas faire confiance et qui sont des étrangers.
    En réalité, Timothy McVeigh était une personne comme tout le monde alors que les pirates de l'air du 11 septembre étaient des gens différents. Comme je l'ai dit, c'est une perception favorisée par certains stéréotypes qui existaient déjà dans notre société.
    Les Arabes forment une communauté à risque. Les Arabes du Canada vivent dans une société où les stéréotypes ont été réduits à une simple équation: Arabe égale musulman et musulman égale terroriste. Malheureusement, ce genre de projet de loi envoie un important message qui contribue au discours public actuel. Le discours public est celui de nos leaders d'opinion, de la classe politique, de nos médias et des gens qui ont une certaine influence sur la perception du public. Depuis le 11 septembre, bien entendu, les médias utilisent dans leurs titres des qualificatifs comme « barbares », « arriérés », « ne respectant pas les valeurs des Canadiens » lorsqu'ils parlent des Arabes et des musulmans.
    Les leaders d'opinion et certains membres de la classe politique — et je me souviens d'avoir entendu récemment M. Harper déclarer, après l'arrestation des 17 jeunes accusés de terrorisme à Toronto, que c'est « nous contre eux ». Nous savons tous que la majorité de ces jeunes étaient des citoyens canadiens et qu'ils étaient tous nés ici, au Canada. Ce genre de message envoie un signal très clair et a une forte influence sur l'homme de la rue. Il a une forte influence sur la perception du public.
    Les stéréotypes et ce projet de loi donnent également carte blanche à nos agents de sécurité et organismes de sécurité pour faire du profilage racial et harceler les membres de nos communautés. La Fédération canado-arabe a reçu des plaintes de personnes qui ont été détenues et interrogées à la frontière ou qui font régulièrement l'objet d'un profilage racial de la part des agents de sécurité.
    Nous avons toujours des automobiles du SCRS et de la GRC stationnées devant les mosquées de Toronto, Montréal et des autres grandes villes pour espionner les gens, soumettre les membres de la communauté à un chantage en leur disant: « Si vous n'espionnez pas votre coreligionnaire vous ne pourrez peut-être pas obtenir la citoyenneté canadienne », ou « la demande que vous avez présentée pour faire venir votre famille ici sera peut-être retardée ». Telle est la réalité et nous avons été saisis de nombreux cas de ce genre…
    Dans nos campus et nos universités, les femmes arabes sont attaquées. Les femmes musulmanes sont harcelées et nous sommes tous au courant du grand débat qui a lieu actuellement au Québec au sujet des accommodements raisonnables et où l'on fait une description assez négative des Arabes et des musulmans.
    L'autre conséquence, bien entendu, c'est la marginalisation et l'ostracisme dont les membres de la communauté se sentent victimes. Les Canadiens arabes et musulmans ont maintenant l'impression d'être des étrangers. Ils ont le sentiment d'être considérés comme des ennemis. Cela se répercute clairement sur la façon dont ils se comportent dans la société. Cela a une forte influence sur la façon dont ils participent à la société civile. Je vais vous en donner quelques exemples.

  (1600)  

    Récemment, le Congrès du travail du Canada a publié une étude sur le taux de chômage des différents groupes raciaux minoritaires au Canada. Les Arabes et les gens originaires de l'Asie de l'Ouest sont ceux qui connaissent le taux de chômage le plus élevé à l'heure actuelle, même si c'est une des populations immigrantes les plus instruites du pays.
    Alors que nous avions de nombreux organismes qui levaient des fonds pour aider les gens au Moyen-Orient ou dans d'autres régions du monde, en Afrique ou en Asie du Sud, cette capacité est maintenant limitée. Tous ceux qui lèvent des fonds ou essaient d'organiser des initiatives pour aider cette région du monde sont soupçonnés d'aider une organisation terroriste au Moyen-Orient. Cela a eu un impact important sur la façon dont nous nous comportons en tant que citoyens de ce pays.
    Nous ne pouvons plus nous organiser, nous faire entendre ou exprimer nos opinions de façon régulière. Par exemple, la semaine dernière, un Arabe, ou plutôt un Canadien musulman… Il poursuit Air Canada auprès de la Commission canadienne des droits de la personne parce qu'il a fait l'objet d'un profilage racial. On l'a empêché de prendre l'avion. Il pense que c'est uniquement parce qu'il est musulman ou qu'il a vivement critiqué l'administration Bush. C'est un caricaturiste.
    Nous nous demandons maintenant si notre propre liberté d'expression existe toujours étant donné que ce projet de loi nous vise.
    Enfin, je crois que cela a de sérieuses répercussions sur les autres minorités raciales et immigrants. Hier, Statistique Canada a publié de nouveaux chiffres concernant le nouveau visage du Canada qui nous révèlent que maintenant, un Canadien sur cinq est né à l'étranger.
    Le Canada est un pays d'immigrants. Nous avons besoin des immigrants. Le Canada a toujours été décrit comme un pays de possibilités et un pays de diversité, mais en réalité, nous créons maintenant avec ce projet de loi un système juridique à deux niveaux: un pour les immigrants à qui nous disons: si vous venez au Canada et si nous vous considérons comme une menace, vous pourrez être détenu indéfiniment; et un autre pour les citoyens canadiens. Cela ne fait pas partie de nos valeurs en tant que société juste et démocratique.
    Nos recommandations sont simples et directes. Je ne vais pas répéter notre principal argument. Alex Neve en a parlé et je suis certain que Mme Hall en parlera également. Nous pensons que ce projet de loin n'a pas sa place dans notre société. Nous pensons que nous avons suffisamment de munitions dans notre système juridique pour lutter contre les criminels — et un terroriste est un criminel. Nous avons arrêté et détenu récemment les 17 jeunes de Toronto accusés de terrorisme sans recourir aux certificats de sécurité ou ni même au projet de loi C-36. Comme je l'ai dit, notre système juridique nous offre suffisamment de munitions pour être certains de pouvoir détenir, arrêter et punir les criminels.
    Je voudrais conclure en disant que c'est intéressant, mais qu'à un moment donné, nous avons déclaré au Canada qu'il fallait sacrifier certaines de nos libertés civiles et les droits de la personne pour que nous puissions vivre en sécurité. En réalité, nous sommes prêts à sacrifier les libertés civiles et les droits humains d'un certain groupe de notre société. Ce n'est pas le genre de Canada que nous défendons.
    Nous venons à vous, en tant que législateurs, pour vous rappeler que vous avez le devoir de veiller à ce que la société canadienne reste inclusive, qu'il n'ait pas de lois de ce genre qui puissent favoriser le profilage racial ou le racisme contre un groupe de notre société. Merci beaucoup.

  (1605)  

    C'est maintenant au tour de Human Rigths Watch.
    Merci, monsieur le président et je remercie également tous les membres du comité d'avoir invité Human Rights Watch à comparaître aujourd'hui.
    Je crois que le comité envisage de faire comparaître des témoins supplémentaires et, bien sûr, nous nous en réjouissons également.
    Je voudrais seulement dire, pour commencer, que Human Rights Watch partage les inquiétudes d'Amnistie Internationale au sujet du projet de loi C-3, mais je voudrais vous ramener deux ans en arrière, au premier commentaire de Human Rights Watch concernant les certificats de sécurité. Dans un rapport d'avril 2005, nous recommandions qu'il fallait :
Abroger de toute urgence la section 9 (articles 76-87) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR), prévoyant l'utilisation de certificats de sécurité qui autorisent le gouvernement à détenir et expulser des gens sur la foi de preuves secrètes présentées à des audiences ex parte et sans garanties de procédure, parce qu'elles sont soupçonnées de représenter un danger imminent pour la sécurité du Canada, y compris la possibilité de les transférer dans des pays où elles risquent d'être torturées ou maltraitées.
    Nous avions également fait remarquer à l'époque que même si la LIPR ne prévoyait pas expressément une détention pour une période indéfinie sans que les personnes visées par un certificat de sécurité ne fassent l'objet d'accusations ou d'un procès, en pratique, le régime de détention qui accompagne le certificat pourrait se traduire par une détention pendant une période indéfinie. Si un juge déterminait qu'une personne constitue une menace pour la sécurité nationale, s'il n'était pas possible de l'expulser, l'intéressé risquerait d'être incarcéré pour une période indéfinie étant donné les lacunes de la loi. Human Rights Watch a demandé que cette lacune soit éliminée étant donné que la détention pour une période indéfinie sans accusation ou sans procès est, par sa nature même, arbitraire et contraire au droit international relatif aux droits de la personne.
    Un grand nombre de ces préoccupations ont été exprimées dans le mémoire que nous avons présenté, à titre d'intervenant désintéressé, dans la cause Charkaoui dont le jugement a invalidé certaines dispositions de la LIPR.
    Nous comparaissons devant vous aujourd'hui pour parler du projet de loi C-3, dont le but était de remédier aux déficiences de la LIPR mises en lumière par la Cour suprême dans l'affaire Charkaoui. Toutefois, nous regrettons vivement que le projet de loi C-3 ne fasse rien de tel. En fait, les critiques qui ont été portées à l'endroit de la LIPR avant l'affaire Charkaoui, en 2005, s'appliquent également au projet de loi C-3. Il n'est pas possible de remédier aux faiblesses que nous avions constatées en 2005 sur le plan du fond et de la forme en ajoutant simplement une tierce partie possédant l'autorisation sécuritaire voulue qui joue le rôle de défenseur. Malheureusement, le projet de loi C-3 ne permet toujours pas à une personne faisant l'objet d'un certificat de sécurité d'avoir accès aux preuves secrètes sur la foi desquelles elle est jugée constituer une menace pour la sécurité nationale, pas plus qu'aux preuves secrètes utilisées pour évaluer le risque qu'elle se fasse torturer à son retour. Une personne à qui un défenseur est attribué ne bénéficiera pas des rapports qui existent normalement entre un avocat et son client, ce qui veut dire que toute communication entre les deux risque d'être divulguée. Le gouvernement n'a toujours pas l'obligation expresse de divulguer la totalité de la preuve, y compris les renseignements disculpatoires, dans ce cas au défenseur, ce qui limite encore plus l'utilité de ce dernier.
    J'ai comparu comme témoin expert devant la commission spéciale d'appel de l'immigration du Royaume-Uni dans la cause Abu Qatada. J'étais là pour parler du risque de torture et des assurances diplomatiques ou de ce qu'on appelle au Royaume-Uni des protocoles d'entente. J'ai pu voir personnellement, à plusieurs reprises, les défenseurs désignés pour cette affaire se plaindre au juge, en séance publique, que le gouvernement n'avait pas entièrement répondu à des demandes de divulgation remontant à plusieurs mois. Le juge en chef Ouseley avait alors demandé le huis clos pour discuter plus à fond de la question. Ceux d'entre nous qui se trouvaient dans l'auditoire ou qui témoignaient comme experts ont trouvé très intéressant de voir que les défenseurs ont jugé nécessaire, en séance publique, de dénoncer le manque de coopération du gouvernement à l'égard de la divulgation.
    Enfin, aux termes du projet de loi C-3, la détention pour une période indéfinie sans accusation ou procès demeure une véritable possibilité étant donné qu'un juge pourrait décider qu'une personne constitue une menace pour la sécurité nationale, mais reconnaître en même temps qu'il n'est pas possible de l'expulser parce qu'elle risque la torture à son retour. Vous constaterez également dans nos observations écrites que Human Rights Watch ne croit pas que les assurances diplomatiques, c'est-à-dire la promesse du gouvernement du pays qu'une personne ne sera pas torturée à son retour, soient suffisamment fiables pour réduire le risque de torture. Notre lecture du projet de loi C-3 nous a donné une certaine impression de déjà-vu.

  (1610)  

    Les déficiences de ce projet de loi ne répondent pas non plus aux critiques exprimées par d'autres organismes internationaux et je dois souligner que nous présentons, dans une mesure, un point de vue international sur le projet de loi.
    En avril 2006, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies s'est inquiété de ce que certaines personnes faisant l'objet de certificats de sécurité au Canada avaient été détenues pendant plusieurs années sans qu'aucune accusation criminelle ne soit portée contre elles, sans avoir été informées adéquatement des raisons de leur détention, avec un contrôle judiciaire limité et a demandé au gouvernement du Canada de préciser dans la loi la durée maximale de ce genre de détention.
    Le paragraphe dans lequel le Comité des droits de l'homme des Nations Unies exprime ses préoccupations résume toutes nos réserves à l'égard du projet de loi C-3. Ces propos sont très semblables aux recommandations que le Comité a adressées au gouvernement des États-Unis à l'égard des détentions à Gantanamo.
    En décembre 2006, le Comité des droits de l'homme a demandé aux États-Unis de donner aux détenus accès à un avocat de leur choix et s'est dit préoccupé de ce que les détenus ne bénéficiaient pas d'une application régulière de la loi en raison des restrictions touchant leur droit de prendre connaissance de « la totalité des délibérations et de la preuve ».
    L'utilisation de preuves secrètes et la désignation de défenseur a fait l'objet de nombreux commentaires, comme en témoignent les mémoires que le Comité a reçus, y compris ceux de Human Rights Watch. Je voudrais toutefois vous citer quelques extraits d'une conférence donnée par le juge Arthur Chaskalson, le président de la International Commission of Jurists et président du Eminent Jurists Panel de l'IJC. Cette conférence a été donnée à l'Université de Cambridge, en mai 2007 et elle s'intitulait: « The Widening Gyre: Counter-Terrorism, Human Rights and the Rule of Law ».
    Premièrement, le juge Chaskalson félicite le Canada et la Cour suprême du Canada d'avoir invalidé les dispositions de la LIPR qui n'étaient pas conformes à la Charte ou aux obligations internationales en matière de droits de la personne. Mais il ajoute ceci :
Toutefois, la nomination d'un défenseur dans ce but [pour évaluer les preuves secrètes] n'est pas la panacée. On déclare aux personnes contre qui des accusations ont été portées que les preuves ayant permis de décider de prendre des mesures contre elles ne peuvent pas leur être divulguées. Le gouvernement qui a pris ces mesures nomme des avocats ayant l'autorisation de sécurité requise pour défendre leurs intérêts. Les avocats peuvent voir la preuve, mais sans pouvoir leur dire en quoi elle consiste. Ils doivent simplement faire de leur mieux, dans les circonstances, sans pouvoir obtenir des instructions détaillées des personnes touchées au sujet des renseignements qui ne peuvent leur être divulgués. Je ne sais pas ce qu'une famille anglaise dont un enfant serait détenu dans un pays étranger penserait d'un tel système ou ce qu'en penserait une famille anglaise ayant un enfant détenu en Angleterre. (Traduction)
    Je dois avouer que j'ai énormément de réserves quant à l'équité de ce processus.
    Pour conclure, je dirais que le défenseur proposé dans le projet de loi C-3 ne répond tout simplement pas à l'exigence de transparence qui est inscrite dans le droit international relatif aux droits de la personne pour ce qui est des garanties de procès équitable. Par conséquent, cette disposition du projet de loi C-3 ne donne pas à une personne qui fait l'objet d'un certificat de sécurité la capacité de préparer sa défense.
    Human Rights Watch estime donc que le projet de loi C-3 et les dispositions relatives au défenseur devraient être rejetées catégoriquement.
    Merci.

  (1615)  

    Nous allons commencer notre tour de questions et d'observations par l'opposition officielle.
    Monsieur Dosanjh, partagez-vous votre temps avec Mme Barnes?
    Tout d'abord, je vous remercie tous d'être venus ici avec un préavis aussi court. Vous faites partie de nos témoins supplémentaires; il y en aura d'autres.
    J'apprécie toutes les préoccupations et observations que vous avez formulées. Comme nous n'avons pas énormément de temps, je vais simplement poser une question à M. Neve.
    Vous avez parlé des preuves disculpatoires et de la nécessité d'obliger la Couronne à divulguer ses preuves. Bien entendu, c'est très important, mais vous reconnaîtrez — je ne cherche pas à justifier quoi que ce soit — que les procureurs de la Couronne ont tous les jours, devant les tribunaux, l'obligation de divulguer à l'accusé les preuves disculpatoires. Rien dans cette loi ne leur accorderait le droit d'aller à l'encontre de cette convention ou de cette obligation et on pourrait dire la même chose à propos du gouvernement comme tel. Néanmoins, vous demandez une obligation expresse de fournir les preuves disculpatoires. Je ne suis pas nécessairement contre, mais que pensez-vous de ce que je viens de dire? Cela n'impose-t-il pas à la Couronne, y compris au gouvernement, une obligation inhérente de divulguer ces renseignements?
    L'incertitude vient sans doute en partie du fait que la procédure suivie pour les certificats de sécurité n'est pas en soi une procédure pénale. Vous avez raison de dire que l'obligation de divulgation est clairement établie pour les instances criminelles, mais dans le contexte de l'immigration — et ce n'est pas le seul où nous constatons cela — il est moins clair, ou moins certain, que ces conventions et principes seront respectés. Cela peut fort bien être l'intention du gouvernement.
    Comme je l'ai mentionné, je pense qu'il faut tenir compte de l'expérience au Royaume-Uni où il y a les mêmes conventions bien établies — peut-être même depuis plus longtemps — en ce qui concerne la divulgation dans les instances criminelles. Nous avons pu voir que les choses ne s'étaient pas passées ainsi et que les défenseurs ont souvent dénoncé… Généralement, c'est arrivé parce qu'ils interviennent dans plusieurs causes. Ils s'aperçoivent que certains renseignements qu'ils obtiennent dans d'autres causes où ils jouent un rôle auraient été pertinents, et peut-être même disculpatoires dans une cause précédente dont ils se sont occupés, mais qu'ils n'ont pas été divulgués.
    Je tiens à préciser que cela ne règle pas à nos yeux les problèmes associés à ce modèle, mais nous pensons que c'est un principe très important, car peu importe si c'est un défenseur qui intervient ou si le système est amélioré pour conférer ce pouvoir à l'avocat de l'intéressé, ce dernier doit pouvoir compter sur une divulgation pleine et entière.

  (1620)  

    Merci.
    Merci beaucoup.
    Merci d'être venus. Je respecte ce que vous essayez de nous dire. Malheureusement, pour une question de procédure, un grand nombre des exemples d'amendements que vous nous proposez outrepassent le cadre des amendements que nous pouvons apporter à un projet de loi après la deuxième lecture.
    Je vais donc vous parler de certaines des questions que je crois être de notre ressort. L'une d'elles est le choix d'un avocat. Une autre est l'interdiction d'utiliser les preuves obtenues sous la torture. Une autre encore est la confidentialité des communications étant donné que le projet de loi précise que les rapports entre le défenseur et l'intéressé ne sont pas ceux qui existent entre un avocat et son client.
    Je voudrais savoir quelle importance vous accordez à chacun de ces éléments. Nous ne sommes pas absolument certains que cela fait partie des amendements que nous pourrions apporter, mais je peux vous citer certains autres amendements qui sont certainement, à mon avis, en dehors de notre compétence. Il ne s'agit pas d'un projet de loi… Lorsqu'un projet de loi nous est renvoyé après la deuxième lecture, nous pouvons le modifier à notre guise. Par conséquent, même si je comprends ce que vous nous avez dit, vous et d'autres témoins, je vous précise seulement que nous ne pouvons pas apporter maintenant certains de ces amendements dont la portée est plus vaste.
    Cela dit, je voudrais m'adresser à la Fédération canado-arabe, car je crois que dans ce genre de situation, le choix d'un avocat devrait être un élément essentiel du projet de loi. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Absolument, nous sommes d'accord avec vous. Nous demandons toutefois s'il est vraiment nécessaire d'avoir ce genre de loi extraordinaire.
    J'ai bien compris.
    J'essaie de voir s'il y a des choses que vous jugez extrêmement importantes si nous apportions des amendements à ce projet de loi qui, nous le savons, fera l'objet d'un vote de confiance.
    Les trois choses que vous avez mentionnées sont toutes importantes, mais pas suffisantes. Une des réalités fondamentales que je dois souligner est qu'en fait, cela permettra de priver quelqu'un de sa liberté et de l'enfermer en isolement pendant des années. Tel est l'effet de cette mesure.
    Dans notre système juridique, un des principes fondamentaux est que si un accusé est jugé compétent pour subir un procès, on examine, parmi d'autres critères, s'il va pouvoir aider son avocat à assurer sa défense. S'il ne peut pas avoir accès aux renseignements, s'il ignore sur quoi se fondent les allégations, cela lui est impossible.
    Par conséquent, un tribunal administratif peut priver une personne de sa liberté, lui infliger ce qui constitue peut-être le châtiment le plus grave que nous puissions envisager, et cela alors que l'intéressé n'a pas été déclaré coupable devant un tribunal pénal et qu'il est détenu sur de simples soupçons.
    Pour ce qui est des arguments que vous avez soulevés, je comprends ce que vous nous dites, que le comité n'a pas des pouvoirs illimités, mais je vous dirais que ces dispositions ne font vraiment pas grand-chose pour résoudre le problème.
    Je peux vous dire que si nous formions le gouvernement, je ne pense pas que nous présenterions ce projet de loi. Mais nous ne sommes pas au pouvoir.
    Madame Hall.
    Je dirais simplement la même chose. Peu importe quel défenseur vous choisiriez. Le fait est qu'il ne peut pas vraiment défendre vos intérêts dans le cadre d'une relation entre un avocat et son client et vous communiquer des preuves qui peuvent être d'une importance cruciale pour vous disculper.
    Pour ce qui est de l'absence de preuves de torture, c'est déjà codifié dans une certaine mesure dans le droit canadien…
    Et les conventions internationales que le Canada a ratifiées.
    C'est exact.
    Je référerais le comité à une observation générale publiée tout récemment, le 27 novembre, pour la deuxième fois seulement de notre histoire, par le Comité contre la torture. Le Comité contre la torture inclut catégoriquement les mauvais traitements dans cette interdiction,car les conditions d'emprisonnement et de détention sont souvent considérées comme des mauvais traitements plutôt que de la torture. Vous avez la vision sensationnelle de la torture — par exemple, le fait d'être suspendu par les pieds et d'être électrocuté. Le Comité a décidé que la définition de la torture incluait les pratiques qui constituent des mauvais traitements.
    Je dirais que le droit canadien en général et toutes les lois que le comité adopte devraient interdire les preuves extraites au moyen de la torture ou de mauvais traitements.
    Voilà ma réponse à votre question.

  (1625)  

    Merci. Votre temps est écoulé.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Je ne vous ai rien entendu dire sur le processus d'appel. Êtes-vous satisfait du processus d'appel prévu dans ce projet de loi?

[Traduction]

    Amnistie Internationale a fait valoir que le défenseur n'a pas la possibilité de demander lui-même un contrôle judiciaire ou un appel. C'est à l'intéressé et à son propre avocat d'en décider. Toutefois, comme le défenseur est le seul des trois à avoir accès aux délibérations à huis clos, à savoir vraiment ce qui se passe, il aurait un point de vue très différent quant à la nécessité d'un contrôle judiciaire ou d'un appel. Toutefois, il n'a pas le pouvoir d'entamer lui-même ces procédures et il ne peut même pas avoir une conversation avec l'intéressé ou son avocat pour leur dire qu'un contrôle judiciaire ou un appel pourrait être nécessaire pour certaines raisons.
    Je pense donc qu'il y a là certaines lacunes.

[Français]

    Si c'est tout ce que vous mentionnez sur l'appel, je conclus que vous êtes heureux du fait que ce soit la personne qui accepte le certificat et, donc, qui maintient l'incarcération d'une personne qui décide elle-même quel motif d'appel sera inscrit, ainsi que du fait que cet appel sera limité à des questions d'intérêt général. Ai-je raison?
     Croyez-vous que cette personne sera mieux traitée qu'une personne qui serait condamnée pour meurtre au second degré et dont la sentence pourrait être de 10 ans seulement? Celle-ci pourrait en appeler d'une question de droits et de faits devant un banc de trois autres personnes pour décider d'une question aussi importante qu'une incarcération de 10 ans.

[Traduction]

    Non, certainement pas. Nous partageons toutes ces préoccupations.

[Français]

    Il semble que personne n'ait vu le problème. J'espère que je ne serai pas le seul.
    En ce qui concerne la Fédération canado-arabe...

[Traduction]

    Monsieur Ménard, l'interprète ne peut pas vous entendre. Pourriez-vous vous rapprocher de votre micro? Les interprètes n'entendent pas tout.
    Allez-y, monsieur Boudjenane.

[Français]

    Je n'allais pas répondre directement à votre question, mais j'allais plutôt faire un commentaire en ce qui concerne l'esprit de ce projet de loi.
    Nous avons répété plusieurs fois qu'en ce qui nous concerne, ce genre de projet de loi n'a pas lieu d'exister dans une société démocratique, transparente et respectueuse du processus de la loi.
     Quelle que soit la situation, notre système pénal — vous le connaissez mieux que moi, puisque vous êtes avocat — a tous les leviers nécessaires pour s'attaquer à des criminels. En ce qui a trait aux terroristes — si du moins on considère quelqu'un comme pouvant être un terroriste potentiel —, ils sont aussi des criminels. On ne voit donc pas pourquoi il y aurait lieu de débattre de ce genre de projet de loi.
    Selon Mme Barnes, il semble que vous n'ayez quasiment pas le choix: vous avez reçu un projet de loi en deuxième lecture, vous êtes limités quant au type d'amendements que vous pouvez y apporter et vous devez travailler dans ces limites.
    À notre avis, en ce qui concerne la communauté arabe, le Bloc québécois a toujours été progressiste. Il a toujours été la voie à suivre quand il s'agissait de protéger nos libertés civiles et les droits de la personne. Comment peut-il même considérer débattre d'un tel projet de loi?
    Il semble que vous ne compreniez pas très bien notre procédure. Attendez la fin du processus; vous comprendrez mieux.
    Pour le moment, vous devez quand même réaliser que la Cour suprême accepte ce genre de processus s'il est amélioré.
    On peut différer d'opinion sur l'amélioration. De fait, on peut évidemment avoir une opinion différente de celle du gouvernement quant à savoir si l'amélioration est suffisante pour empêcher qu'on conteste ce projet de loi avec succès devant la Cour suprême. Pendant ce temps, il doit vivre. Cependant, on peut l'améliorer, et c'est ce qu'on essaie de faire actuellement.
    J'ai écouté attentivement votre proposition, monsieur Neve, qui a d'ailleurs pris la majorité de votre intervention. Je comprends que vous êtes plutôt favorable à ce que la personne choisisse son avocat.
    Ces avocats auront besoin d'une formation en matière de sécurité, nous dit-on. Vous croyez que, lorsque la personne aura choisi son avocat, on demandera à ce dernier de se soumettre à une enquête de sécurité pour savoir si l'on peut effectivement lui faire confiance au regard des documents secrets, de sorte que les secrets soient gardés, et qu'on lui donnera cette formation.
    Est-ce ainsi que vous adapteriez cela? Cela nous éviterait d'ailleurs d'en former des tonnes inutilement.

  (1630)  

[Traduction]

    Nous n'insistons pas tant sur la question de la formation. Bien entendu, c'est l'intéressé qui choisit son propre avocat et il a un avocat pour le défendre. Comme chacun sait, il y a au Canada un groupe d'avocats qui se sont spécialisés dans les causes touchant la sécurité nationale dans le contexte de l'immigration. Par conséquent, les personnes en question vont sans doute davantage se tourner vers eux et vers les nouveaux avocats qui continuent de développer leurs compétences. Il faudrait que ces avocats puissent obtenir l'autorisation de sécurité nécessaire pour avoir accès aux renseignements, en prenant les engagements nécessaires et, comme je l'ai dit, il y a eu des précédents de ce genre dans le système juridique canadien, y compris dans le contexte de la sécurité nationale.

[Français]

    Et s'il n'obtient pas son certificat de sécurité? Je ne peux m'empêcher de penser à Robert Lemieux qui, dans les années 1970, défendait les terroristes du FLQ, et qui était continuellement suivi par la police. Je suis certain qu'on ne lui aurait pas fait confiance au regard de documents secrets.

[Traduction]

    Il arriverait certainement des cas où le choix de l'avocat dépendrait de sa capacité d'obtenir une autorisation de sécurité. Il peut même arriver que l'autorisation de sécurité soit refusée et que l'intéressé ait à choisir un autre avocat, mais cela n'arriverait pas souvent, du moins nous l'espérons.
    Nous allons devoir terminer ce tour.

[Français]

    Vous êtes confiant qu'on peut trouver des avocats en grand nombre au Canada.

[Traduction]

    J'aurais plusieurs choses à dire, notamment qu'il n'y aurait pas des centaines de cas de ce genre. Même si tous ces avocats avaient besoin d'une formation, ils ne seraient pas très nombreux. Il y a une grosse différence entre l'obligation de choisir un avocat parmi un groupe sélectionné d'avance et la possibilité de choisir parmi tous les avocats du Canada étant entendu que si l'avocat que l'on choisit ne peut pas obtenir une autorisation de sécurité, il faudra en choisir un autre. Ce n'est pas du tout la même chose.
    Merci.
    Madame Priddy, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, et je remercie Amnistie Internationale, Human Rights Watch et la Fédération canado-arabe pour leur présence ici aujourd'hui.
    Afin de situer le contexte de ma question, comme vous le savez peut-être, le NPD s'oppose à ce projet de loi et croit qu'on aurait pu procéder différemment. Nous pensons que les certificats de sécurité vont à l'encontre d'un certain nombre de valeurs démocratiques sur lesquelles repose notre démocratie. Par conséquent, notre rôle ici consiste à poser des questions et, si possible, veiller à ce que nous causions le minimum de torts.
    Je voudrais d'abord poser à Amnistie Internationale une question qui semblera peut-être s'écarter un peu du sujet, mais pas vraiment. Un certain nombre d'organismes, y compris le vôtre, je pense, ont soulevé des questions au sujet des faiblesses dans la procédure d'immigration reliée à la sécurité. Pourriez-vous rapidement — car je veux m'adresser à chacun de vous — formuler quelques observations à ce sujet?

  (1635)  

    Ce que je trouve important c'est que le projet de loi C-3 porte sur un aspect particulier de la façon dont la sécurité intervient dans le régime d'immigration. Il y a diverses autres façons, instances et procédures où elle intervient et suscite un bon nombre des mêmes préoccupations au sujet du secret et de la possibilité de se défendre.
    Il y a également les préoccupations plus vastes dont j'ai parlé et qui ne sont pas abordées dans le projet de loi C-3 ou ailleurs dans la législation canadienne à propos de ce genre d'instances qui peuvent conduire à l'expulsion d'une personne vers un pays où elle risque sérieusement d'être torturée ou à l'expulsion d'un individu contre qui pèsent de graves allégations de criminalité, qu'il s'agisse de terrorisme ou de participation à des crimes de guerre ou à des crimes contre l'humanité, ce qui lui permet d'échapper à la justice.
    Dans ces deux cas, les faiblesses de notre régime d'immigration devraient nous préoccuper. Nous ne devrions pas contribuer à l'injustice en envoyant des gens risquer d'être victimes de violations des droits de la personne. Nous ne devrions pas non plus permettre à des gens d'échapper à la justice en les renvoyant.
    Très bien, merci.
    Madame Hall, que pensez-vous du fait que le NPD considère que si une personne complote contre notre pays, elle devrait être jugée en ayant droit à l'application régulière de la loi, condamnée et punie comme nous punirions n'importe qui d'autre qui agirait de la même façon?
    Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez? Je ne vous ai pas entendu en parler. Vous l'avez peut-être fait lorsque je me suis levée.
    La position officielle de Human Rights Watch, que ce soit dans le cas de Guantanamo ou des gens qu'on a laissés en prison pendant des années au Canada en vertu d'un certificat de sécurité est qu'il faut poursuivre ou libérer. La poursuite est le principal moyen d'exiger des comptes de toute personne soupçonnée d'un crime relié au terrorisme.
    Étant donné que je travaille au niveau international, il me paraît de plus en plus évident qu'en Europe, en Amérique et même maintenant dans certaines républiques d'Asie centrale, les lois d'immigration servent à remplacer les poursuites pénales, et je pense que nous devrions tous prendre conscience de ce glissement.
    Alors que le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis pensent peut-être que l'utilisation des lois d'immigration à cette fin peut être contrôlée, testée et mesurée, nous voyons des pays, qui ne sont peut-être pas aussi consciencieux, se servir également des mécanismes d'immigration pour faire exactement la même chose.
    Très bien. Merci.
    Ai-je le temps de poser une autre question? Elle sera très brève.
    Oui, il vous reste trois minutes.
    Dans ce cas, je vais ralentir ou poser quelques questions de plus.
    Je m'adresse à la Fédération canado-arabe. Monsieur Boudjenane, au début de votre déclaration, vous avez mentionné les données que Statistique Canada a publiées hier. Certains d'entre nous n'ont pas été très étonnés par ces renseignements, selon la circonscription que nous représentons. Je vis à Surrey où il y a déjà une forte population sikhe ainsi qu'une population musulmane de plus en plus nombreuses. Je n'ai certainement pas été étonnée d'apprendre à quoi ressemble le sud de la Colombie-Britannique.
    Pourriez-vous toutefois me dire si, à votre avis, ces statistiques sont pertinentes en ce qui concerne l'avenir de ce genre de loi?
    Comme je l'ai dit, le message que nous envoyons aux gens qui aspirent à venir dans ce pays, à apporter leur contribution à ce pays, est que si vous êtes un immigrant et que vous êtes soupçonné d'un crime que nous considérons comme une menace pour la sécurité nationale, vous pourrez être détenu et cela indéfiniment en vertu de cette loi. Le message que nous envoyons c'est que nous créons clairement un système à deux niveaux: un pour les Canadiens et un pour les immigrants, les gens qui deviendront Canadiens à un moment donné. Je pense que ce n'est pas une bonne chose pour la cohésion sociale, l'image et l'avenir de notre pays.
    Pensez-vous que cela touchera tous les immigrants ou ceux qui, selon vous, sont actuellement visés?
    Cela touche de nombreux immigrants. Je me souviens du 11 septembre et un des premiers actes de vandalisme et crimes haineux qui ont été commis l'a été contre la communauté sikhe dans un temple de Hamilton. Que vous portiez un turban sur la tête ou une barbe… nous sommes tous les mêmes. Les minorités raciales et les minorités en général sont la cible de ce type de mesures contre le terrorisme.

  (1640)  

    Merci.
    Monsieur MacKenzie.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins. Je sais que le préavis était court. Comme il est déjà difficile de se préparer quand le préavis est long, j'apprécie beaucoup votre présence parmi nous.
    Je voudrais clarifier certaines questions. Pour commencer par la Fédération canado-arabe, quand vous avez fait votre exposé tout à l'heure, vous avez dit que le 11 septembre avait entraîné un profilage racial. Je suis sûr que vous êtes parfaitement au courant du nombre de certificats de sécurité qui ont été émis au Canada. Vous ne serez pas étonné si je vous dis qu'en réalité il y en a eu seulement deux. Immédiatement après le 11 septembre, il y en a eu un troisième, plus un autre, contre un Russe qui a décidé de rentrer chez lui suite à une affaire d'espionnage industriel. Il n'y en a eu que trois alors que 28 certificats ont émis depuis 1991. N'est-il pas illogique de dire que nous avons commencé à viser un groupe particulier de gens immédiatement après le 11 septembre?
    En réalité, après le 11 septembre et un peu avant comme vous l'avez dit… six hommes ont récemment été détenus en vertu d'un certificat de sécurité.
    Non.
    Je sais que ces certificats ont été émis avant le 11 septembre comme vous le soulignez. Après le 11 septembre, seulement trois certificats ont été émis contre des Arabes et des musulmans. C'est ce que vous me dites, n'est-ce pas?
    Tout ce que je dis c'est que vous prétendez que l'attention a été dirigée tout à coup vers un groupe particulier alors qu'il y a eu seulement trois certificats depuis le 11 septembre.
    Oui, mais depuis le 11 septembre, nous avons également eu l'affaire Maher Arar.
    Il ne s'agissait pas d'un certificat de sécurité, monsieur.
    Non, mais je vous parle des conséquences du 11 septembre, de ce genre de loi et du tort que cela peut causer à une communauté. Je n'ai pas dit que le certificat de sécurité exige que l'on détienne des Arabes et des musulmans. Je n'ai jamais dit cela. La loi ne le dit pas, mais c'est l'impression qu'elle donne. Le fait que sur les six hommes qui ont été détenus récemment, cinq étaient Arabes et musulmans contribue à cette perception et aux stéréotypes négatifs. Voilà ce que je vous dis. Je n'ai pas dit que la loi a été conçue pour s'en prendre aux Arabes et aux musulmans.
    Je suis d'accord avec vous, mais nous faisons ce que la Cour suprême nous a ordonné de faire. Je dis seulement qu'à vous entendre tout cela est le résultat du 11 septembre et je ne suis pas d'accord avec vous. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je ne pense pas que l'émission des certificats de sécurité ait changé suite au 11 septembre.
    Toutefois, pour revenir sur l'autre déclaration que vous avez faite au sujet d'un homme qui se plaint d'avoir été harcelé par Air Canada, à quand cela remonte-t-il?
    C'était l'année dernière.
    L'année dernière.
    Oui, et il vient seulement de déposer sa plainte.
    Vous semblez dire que cela révèle certains problèmes. Reconnaissez-vous également avec moi que des gens prétendent être harcelés pour toutes sortes de raisons? C'est certainement un cas qui n'a pas été confirmé par les tribunaux, mais c'est ce qu'il allègue.
    Je vous ai donné cet exemple, mais je pourrais vous citer des centaines de cas de gens qui nous appellent régulièrement, qui ont été détenus pendant des heures sans aucune raison.
    Je le comprends et je pense que nous recevons quotidiennement des appels de gens qui disent avoir été harcelés parce qu'ils sont des hommes ou parce qu'ils sont des femmes ou pour une raison quelconque. Je pense que le harcèlement est quelque chose d'assez répandu.
    Si vous le permettez, monsieur, lorsque l'IRA plantait des bombes à gauche et à droite à Londres, je ne pense pas que la communauté irlandaise du Canada a été ciblée ou que de nombreux membres de la communauté irlandaise du Canada se soient plaints de faire l'objet d'un profilage racial.
    Néanmoins, cette fois-ci, il y a dans notre société un groupe de gens qui, en raison de leur affiliation religieuse ou de leur couleur ont été clairement la cible…
    C'est là que nous ne sommes pas d'accord. Je ne pense pas qu'il y ait du harcèlement. Vous croyez le contraire. Je peux vous dire que mon bureau reçoit des plaintes de gens qui croient être harcelés parce qu'ils sont des hommes ou des femmes ou pour une raison quelconque.
    Je vous dirais que c'est très répandu et lorsque vous dites que ce projet de loi présente des faiblesses à cause de ce que vous considérez…

  (1645)  

    Non, j'ai dit que ce projet de loi s'inscrit dans une législation qui a certainement un impact sur nos communautés et qui contribue à certains stéréotypes.
    Je pense que M. Neve désire dire quelque chose.
    Je serai très bref, car je suis certain que vous disposez de peu de temps. En ce qui concerne le profilage, je crois essentiel de ne pas oublier qu'il y a la réalité et la perception et que ce sont deux choses auxquelles les législateurs, les défenseurs et la société doivent être très sensibles.
    En ce qui concerne la perception et les certificats de sécurité en particulier, le fait que tout ce secret ait entouré le processus contribue largement à la perception d'un profilage. C'est une raison de plus, selon moi, pour ouvrir le processus afin qu'il devienne plus transparent, plus conforme aux normes internationales concernant l'application régulière de la loi, car cela pourrait contribuer à dissiper cette perception.
    Je suis plutôt d'accord avec vous sur toutes ces questions. Dans la région d'où je viens, des hommes se sont plaints d'être victimes de discrimination de la part des tribunaux dans les cas de violence conjugale, de ne pas avoir été écoutés, entre autres choses.
    Je le comprends et si nous pouvons éliminer cela, c'est la meilleure chose que nous puissions faire.
    D'autre part, monsieur Neve, quand vous avez suggéré d'apporter des changements à l'égard du défenseur, je ne crois pas que la Cour suprême ait laissé entendre dans son jugement que nous devions accorder une autorisation de sécurité à l'avocat pour qu'il puisse jouer ce rôle. La Cour a plutôt dit, je pense, que nous devions recourir à un défenseur ou à un modèle comparable au CSARS.
    Je ne pense pas que la Cour se soit prononcée quant au modèle à adopter. Elle a plutôt mentionné le modèle du défenseur et du CSARS pour indiquer que le gouvernement a à sa disposition d'autres solutions qui portent moins atteinte aux droits, rejetant les arguments selon lesquels ce n'était pas contraire à la Charte.
    C'est exact.
    Je pense donc qu'en ce qui concerne le défenseur, il est vrai que la Cour en a reconnu l'existence et a indiqué que ce serait préférable au système existant, mais elle a également reconnu, sans toutefois se prononcer, que ce processus fait également l'objet de critiques.
    Je pense donc, dans une certaine mesure, que nous ne savons pas vraiment ce que la Cour pensera de ce modèle.
    Mais elle ne l'a pas écarté. Elle n'a pas écarté cette possibilité, sans doute parmi bien d'autres, et elle l'a mentionnée comme option envisageable.
    Elle ne l'a pas rejetée. Toutefois, comme les législateurs essaient de trouver un système qui sera solide et qui résistera à d'inévitables contestations devant les tribunaux, le fait que le modèle britannique ait fait l'objet d'autant de critiques de la part non seulement de groupes radicaux, mais d'organisations grand public, du Parlement et même des défenseurs montre bien qu'un très puissant dossier sera soumis aux tribunaux, ce qui accroît le risque que cette proposition ne puisse pas résister aux contestations en vertu de la Charte. Je suppose que vous voudrez agir pour éviter ce genre de choses.
    Certainement.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Oui. Allez-y. Vous pouvez encore faire quelques observations.
    Madame Hall, vous avez dit que le risque de torture pose un problème. Je me demande si vous savez ce qu'il est advenu des 20 ou 21 personnes qui ont fait l'objet d'un certificat de sécurité au Canada et qui ont été renvoyées dans leur pays d'origine.
    Savez-vous si des gens ont été torturés à leur retour?
    Comme je l'ai dit, nous nous sommes intéressés aux certificats de sécurité à compter de 2005 dans le cas des cinq détenus en question. Ces renvois devraient être faits vers le Maroc, la Syrie et l'Égypte. Nous avons soigneusement étudié chacun de ces cas. Chaque cas qui soulève le principe du non-refoulement fait l'objet d'une évaluation. Par conséquent, peu importe si aucune des 20 personnes qui ont été renvoyées n'a été torturée. Il faut se demander si la personne en cause risque d'être torturée compte tenu des conditions sur le terrain en général et de la situation particulière de la personne en question. Il est bien établi, en droit international, que cette évaluation doit se faire au cas par cas.
    Pour ce qui est des cinq détenus visés par un certificat de sécurité que nous avons suivis attentivement, nous sommes convaincus qu'aucun des cinq ne pourrait être renvoyé dans son pays d'origine sans risquer la torture ou des mauvais traitements, même avec les assurances diplomatiques données par ces pays.

  (1650)  

    Très bien, merci.
    Voulez-vous faire une brève observation?
    Oui. Je voudrais simplement revenir sur une des questions soulevées tout à l'heure.
    Si vous dites que le racisme anti-arabe n'a pas commencé au Canada le 11 septembre, je suis d'accord avec vous. Je crois important de le dire. Ce racisme remonte à plusieurs décennies. Mais vous devez comprendre qu'il y a eu un changement depuis le 11 septembre.
    Par exemple, les certificats de sécurité existaient avant le 11 septembre. Néanmoins, à cause du 11 septembre et du fait que les autorités ont dû montrer aux Canadiens ce qu'elles faisaient pour les protéger, les certificats de sécurité retiennent maintenant beaucoup plus l'attention et suscitent beaucoup plus de susceptibilité de la part de la communauté canado-arabe et de la communauté musulmane aujourd'hui qu'avant le 11 septembre.
    Je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que le racisme anti-arabe n'a pas commencé le 11 septembre. Le terrain avait certainement déjà été préparé. Tous ceux d'entre nous qui ont connu toutes ces périodes ont pris conscience de l'existence de la loi et son orientation.
    Très bien.
    Monsieur Cullen, s'il vous plaît.
    Merci monsieur le président et je remercie les témoins d'être venus ici aujourd'hui.
    Une des initiatives que notre gouvernement a lancée au cours de son dernier mandat par l'entremise de l'Agence des services frontaliers du Canada était l'Initiative en matière d'équité et nous avons lancé un processus de consultations. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mai cela s'adressait aux personnes qui traversaient la frontière et estimaient être traitées de façon injuste. Une tierce partie objective devait étudier le dossier. Cette initiative s'adressait en partie aux personnes qui estimaient avoir été visées à cause de leur race, de leur religion ou de leur origine.
    Je ne sais pas si le gouvernement actuel compte mettre ces mesures en oeuvre, mais je crois que vous devriez l'inciter à le faire. Même si les services frontaliers appliquent un modèle de gestion des risques, il y a certaines circonstances dans lesquelles les agents peuvent faire preuve d'injustice et cela offrirait une possibilité de contestation. Je vous suggère d'en parler avec le gouvernement, car c'est dans le site Web, mais c'est en train de disparaître graduellement.
    Je m'adresse maintenant à Amnistie Internationale. J'ai une ou deux questions à vous poser, monsieur Neve.
    Premièrement, une loi ne peut pas tout inclure. Je ne pense pas, mais je me trompe peut-être, que vous avez proposé d'inclure dans la loi la description de tâches du défenseur, les qualités requises, des précisions quant à savoir s'il doit être avocat et depuis combien d'années. Je sais que tout est important et nous aimerions que ce soit précisé dans la loi, mais en pratique, une bonne partie de ces renseignements figureront dans le règlement d'application. Peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez.
    J'ai une deuxième question à vous poser, monsieur.
    Les personnes qui sont détenues en vertu d'un certificat de sécurité choisissent leur propre avocat. Je pense que cela pose certains problèmes pratiques en ce sens que cela nécessite une certaine formation et sensibilisation. Deuxièmement, il ne suffirait pas que l'avocat promette de ne rien dire à personne. Il faudrait qu'il s'engage sous serment à ne rien révéler jusqu'à la fin de ses jours, je pense.
    L'idée d'avoir un groupe de défenseurs… En fait, dans le rapport de notre sous-comité, nous avons recommandé des défenseurs, non seulement pour les certificats de sécurité, mais aussi pour l'établissement de la liste d'organisations terroristes et la radiation des organismes de bienfaisance, pour lesquels il y a également une sorte de chambre étoilée, si je puis dire. Le gouvernement n'a pas fini d'évaluer ces recommandations.
    Voilà donc mes deux questions. À quel point peut-on être précis dans un projet de loi? Deuxièmement, le processus d'autorisation de sécurité prend du temps. Il ne suffit pas de prendre le téléphone et de dire: « Nous aimerions engager cet avocat ». Une enquête de sécurité exige du temps. Et il faut que ces avocats s'engagent sous serment à ne jamais rien révéler, car la vie de certaines personnes est en jeu ainsi que nos secrets avec nos amis et nos alliés.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Certainement. Merci.
    Pour ce qui est de votre première question, je reconnais qu'il faut respecter un juste équilibre. Il n'y a rien dans le projet de loi qui signale, même de façon générale, l'importance de certains des critères ou du genre d'expérience que doit posséder le défenseur et c'est ce qui nous inquiète. Je suis entièrement d'accord pour dire qu'il n'est pas nécessaire de préciser quels doivent être ses diplômes universitaires, ses années d'expérience, etc., mais nous pensons que le libellé actuel n'est pas du tout suffisant.
    Pour ce qui est de soumettre les avocats à une enquête de sécurité, nous ne disons pas que cela ne posera pas de problèmes, mais nous pensons que c'est faisable. Comme on l'a dit tout à l'heure, il n'y a des dizaines et des dizaines de cas par année et certainement pas des centaines. Il n'y en a qu'un petit nombre. Comme le groupe d'avocats qui s'occupe déjà très activement de ces dossiers avec compétence est assez petit, les difficultés que pose l'autorisation de sécurité ne sont pas insurmontables.
    Vous avez raison de dire que l'obligation de s'engager sous serment à ne pas divulguer certains éléments de preuve revêt une importance absolument cruciale pour ce modèle, mais cela n'a rien de nouveau. Les avocats doivent quotidiennement prendre des engagements les uns envers les autres et envers le tribunal pour toutes sortes de questions.
    J'allais parler de l'intégrité des avocats. Étant avocat moi-même, je sais que ce n'est pas toujours le cas, mais un principe fondamental veut que nous puissions nous fier aux engagements, aux serments et aux promesses que font les avocats pour ce genre de questions judiciaires.

  (1655)  

    Comme je suis comptable, nous ne serons pas toujours d'accord sur le crédit à accorder aux perceptions.
    Je me demande si un de nos témoins voudrait aborder cette question. Les médias donnent parfois l'impression que la personne qui est détenue, ou qui devrait être détenue en vertu d'un certificat de sécurité n'a aucune idée de ce dont on l'accuse. Je pense que la quantité d'information fournie pose certainement un problème, mais c'est pourquoi il est question de ces défenseurs et d'autres options. Néanmoins, un juge de la Cour fédérale peut transmettre des renseignements du moment qu'ils ne risquent pas de nuire à la sécurité nationale ou de mettre en danger la vie de certaines personnes. Cela pourrait être n'importe qui. Cela pourrait être quelqu'un qui a infiltré une organisation, par exemple.
    Par conséquent, on doit dire aux gens qu'on ne peut malheureusement pas leur communiquer tous les renseignements.
    Nos services de sécurité, la GRC et le SCRS ont la réputation d'invoquer la sécurité nationale pour garder des renseignements confidentiels. Les faits ne confirment pas que l'intéressé obtiendra des renseignements suffisants.
    J'ai l'impression que certains s'imaginent que si vous êtes supposément un terroriste, vous savez pourquoi vous êtes là. Devant des cas de ce genre, des millions de Canadiens se disent qu'on ne traiterait pas ainsi un bon citoyen et qu'il doit donc s'agir d'un terroriste qui, par conséquent, sait pourquoi il est là et qu'il n'est pas nécessaire de le lui préciser.
    Le fait est, pourtant, qu'un accusé doit être présumé innocent tant qu'il n'a pas été jugé coupable. Notre système judiciaire repose sur ce principe. Si c'est le cas, l'accusé ne devrait pas avoir à deviner; on devrait lui dire ce qu'on lui reproche. Il faudrait qu'il puisse répondre aux accusations.
    On leur dit ce qu'on leur reproche, mais pas quelle est la source des renseignements.
    Parlons…
    Je reconnais que la quantité d'information communiquée soulève des questions. Nous pourrions peut-être faire mieux pour veiller à ce que tous les renseignements soient fournis.
    Je mentionnerais rapidement qu'Ernst Zundel a fait l'objet d'un certificat de sécurité, de même que ce Russe, et si vous remontez… Je pense qu'il faut se méfier lorsqu'on parle de racisme contre les Arabes ou les musulmans. Si vous prenez le nombre de certificats de sécurité qui ont été émis, vous avez certainement vérifié combien visaient des gens originaires de pays arabes et de pays non-arabes. Avez-vous fait cette recherche?
    Non, nous ne l'avons pas faite, mais comme nous l'avons déclaré tout à l'heure — et je pense que c'est ce qu'a dit ce monsieur — il s'agit maintenant d'un instrument contre le terrorisme. Ce n'est plus un instrument d'immigration; il sert à combattre le terrorisme, comme le projet de loi C-36 et les autres dispositions existantes.
    Les problèmes que pose ce genre de loi et ce projet de loi ont été démontrés. Ils ont laissé des traces. Je n'ai pas besoin de vous rappeler l'affaire Maher Arar et l'incompétence flagrante de nos agents et organismes de sécurité. Je n'ai pas à vous rappeler que la Commission Iacobucci se penche actuellement sur le cas de trois autres Arabes et musulmans. Il y a là une tendance évidente et c'est ce que nous préoccupe. Nous sommes inquiets. Nous ne disons pas que vous faites des lois qui visent nos communautés, mais c'est…
    Je dois vous interrompre ici.
    Monsieur Ménard, aviez-vous d'autres questions?

  (1700)  

[Français]

    Non, monsieur.

[Traduction]

    Très bien. Allez-y.

[Français]

    Je vous remercie de votre présence.
    Monsieur Neve, j'ai écouté votre exposé et j'ai pris des notes. Il est certain qu'Amnistie internationale a beaucoup d'expérience dans ces dossiers. Vous avez mentionné qu'en Europe, le principe des certificats de sécurité est aussi reconnu, mais qu'il est très critiqué, notamment au Royaume-Uni.
     J'aimerais que vous me disiez comment cela a évolué et ce que pensent maintenant les Européens des certificats de sécurité.

[Traduction]

    Pour ce qui est des critiques formulées au Royaume-Uni, ce dont je parlais, elles ne visaient pas tant le certificat de sécurité que le défenseur et le rôle qu'il joue dans ce processus. C'est là que se situent nos préoccupations. Nous ne pensons pas que le modèle de défenseur proposé, même avec certaines améliorations, suffira à assurer à l'intéressé un procès équitable et la capacité de préparer efficacement sa défense. Voilà pourquoi nous avons proposé de chercher plutôt à améliorer les moyens dont son propre avocat dispose pour assurer sa défense.
    Mme Hall connaît sans doute mieux que moi la situation sur la scène européenne.
    Je voudrais également répondre — je suis désolée, je ne connais pas votre nom — à votre question précédente au sujet de la divulgation de tous les renseignements.
    Il y a eu récemment, devant la commission spéciale des appels de l'immigration, un cas qui devrait beaucoup vous intéresser, car non seulement la personne qui a comparu devant cette commission n'a pas eu accès à la preuve présentée contre elle dans cette cause touchant la sécurité nationale, à l'exception d'un très bref résumé, mais elle n'a pas eu non plus accès à la preuve présentée contre elle en ce qui concerne l'évaluation des risques. Ensuite, le jugement a été rendu à huis clos. Il y a eu un très bref jugement public suivi d'un jugement à huis clos.
    Ce qui se passe sur le terrain en Europe nous montre que le secret de la preuve prend une dimension très inquiétante. Il était vraiment frappant de voir un tribunal officiel du Royaume-Uni prononcer un jugement à huis clos auquel personne n'a eu accès, pas même les avocats de l'intéressé. Son défenseur y a eu accès, mais ni lui ni ses avocats. Personnellement, je trouve cela très inquiétant et je dois avertir le comité que ce genre de procédure a pris une direction inquiétante au Royaume-Uni.

[Français]

    La Fédération canado-arabe a-t-elle étudié la situation ailleurs, dans d'autres pays européens? Avez-vous contacté d'autres associations?
    Le seul exemple, c'est celui en Angleterre, et on a vu les limites de cet ami de la Couronne, comme l'ont justement expliqué M. Neve et Mme Hall. La situation des communautés musulmanes et arabes est presque similaire, sauf que dans certains pays — la France, les pays scandinaves, etc. —, il n'y a pas de lois ou de projets spéciaux qui ont été édifiés pour lutter contre le terrorisme. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne sais pas si aujourd'hui c'est devenu un outil important pour lutter contre le terrorisme, mais les certificats de sécurité n'ont jamais été développés en ce sens et avec cet objectif.
    À notre sens, cela fait partie de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et sert à pouvoir éventuellement expulser des gens qu'on considère indésirables, qui peuvent être dangereux, mais ça n'a jamais été utilisé comme un processus qui ressemble à ce qu'on fait à Guantanamo Bay, où il n'y a pas de transparence et où le public n'est pas informé.
    Par contre, dans votre exposé, vous nous faites quand même des recommandations. Vous dites qu'il serait intéressant d'intégrer ces droits au droit criminel. Vous n'êtes donc pas nécessairement contre le principe du certificat de sécurité, mais vous souhaiteriez qu'il soit mieux encadré.
    Essentiellement, nous croyons que, dans notre système juridique, dans le système pénal, il y a assez de mesures pour lutter contre les crimes. Si jamais on considère quelqu'un comme un terroriste potentiel, des mesures législatives et des lois peuvent justement nous permettre de juger des gens et de les inculper, mais dans un processus qui respecte la démocratie et le système juridique canadien.
    Parfait, merci.

[Traduction]

    Monsieur Mayes.

  (1705)  

    Hier soir, j'ai assisté à une réception où un juge de l'Ontario a pris la parole devant un groupe de décideurs. Un des conseils qu'il nous a donnés était d'être sûrs de connaître tous les faits avant de porter un jugement, comme il se doit.
    C'est intéressant, car lorsque j'examine le mémoire de la Fédération canado-arabe, il formule certaines accusations concernant le profilage racial. On peut lire que: « La dernière liste… établie par le gouvernement Harper est révélatrice du niveau de profilage racial ». Cela revient à me « profiler », car je fais partie de ce gouvernement. Je n'apprécie pas ce manque de respect, car c'est le premier ministre Harper et je crois qu'en tant que citoyens nous devrions toujours désigner notre premier ministre par son titre, peu importe le gouvernement dont il s'agit.
    Un peu plus loin, on peut lire: « Des agents de sécurité ont commis plusieurs erreurs graves dans le passé ». Vous généralisez. Plus loin, vous dites: « Les agences de sécurité ont carte blanche pour violer nos droits et libertés ». C'est un stéréotype des agents de sécurité.
    Vous avez taquiné un peu les avocats et vous les avez stéréotypés. C'est assez courant. Si vous croyez être victime… J'aimerais avoir des faits et non pas ce qui est écrit dans les médias. Je voudrais savoir combien de fois le gouvernement du Canada et les personnes au service de notre nation, que ce soit comme agents des services de sécurité ou non, ont violé les droits et les libertés de nos citoyens. C'est très rare.
    Je tiens à le dire, car je pense que nous accusons les gens qui travaillent pour assurer la sécurité de notre pays et j'avoue avoir davantage confiance en eux qu'en ce que vous avez écrit dans ce document.
    Je voudrais poser la question suivante à Mme Hall. Pourrait-elle me dire quelle est la procédure équivalente en France et en Allemagne?
    Je vous remercie pour cette question, car c'est très intéressant. Un des membres du comité a mentionné que les certificats de sécurité étaient utilisés en Europe. En fait, on procède à des renvois en vertu des lois d'immigration en Europe et il y en a eu un certain nombre en France.
    Vous avez peut-être entendu parler d'imams islamistes radicaux qui avaient prêché certaines choses dans des mosquées, dont la situation était irrégulière et qui ont été expulsés et qui, dans certains cas, même après leur renvoi, ont interjeté appel devant un tribunal français ou, par exemple, auprès du Comité contre la torture ou la Cour européenne des droits de l'homme. Par conséquent, cela fait partie des mesures relatives aux droits de la personne, à l'immigration et à la lutte contre le terrorisme, dans pratiquement tous les pays d'Europe de l'Ouest — et nous venons d'avoir un cas de ce genre en Slovaquie — qui cherchent à renvoyer ou expulser des personnes soupçonnées d'avoir tenu des propos séditieux ou d'être associées à des activités terroristes.
    D'une certaine façon, l'expulsion devient rapidement l'outil de choix plutôt que la poursuite. La situation est à peu près la même en Allemagne. Vous avez peut-être entendu parler du cas de Metin Kaplan, un imam islamiste radical qui a été extradé en Turquie. L'expulsion et le renvoi, la privation du statut de réfugié sont considérés comme des instruments acceptables de lutte contre le terrorisme dans la plupart des pays de l'Europe de l'Ouest.
    J'ajouterais toutefois que dans un cas récent qui vient d'être cité cette année, celui d'un homme du nom d'Adel Tebourski que la France a renvoyé vers la Tunisie, je crois, le Comité contre la torture a jugé que la France avait violé ses droits en vertu de l'article 3 et qu'en fait il risquait la torture.
    Par conséquent, comme ces cas se sont produits surtout au cours des deux dernières années, nous avons commencé à accumuler une certaine jurisprudence disant que les gouvernements européens ne respectent pas leurs obligations concernant le non-refoulement en se servant des lois d'immigration pour renvoyer des gens vers des pays où ils ne seront pas en sécurité.

  (1710)  

    Puis-je faire une observation au sujet de vos observations, si vous le permettez?
    Votre temps est terminé. Aviez-vous autre chose à dire, monsieur Mayes?
    Non.
    Très bien. Nous pourrons y revenir.
    Monsieur Dosanjh.
    C'est une observation plutôt qu'une question, mais vous pourrez ensuite me dire ce que vous en pensez si vous le désirez, car je n'ai peut-être pas raison.
    Le certificat de sécurité est un instrument qui remonte à longtemps, à plusieurs décennies, au Canada. Si j'ai bien compris, il a été créés pour faire face à des organisations criminelles qui avaient peut-être leurs racines ailleurs et des ramifications chez nous, par l'entremise de ressortissants étrangers ou d'immigrants, de résidents permanents ou de visiteurs. Par conséquent, lorsqu'il fallait lutter contre des individus qui se livraient à de l'espionnage ou du terrorisme, du moins pour ceux qui n'étaient pas des citoyens, c'était un outil pratique parce qu'il servait à lutter contre la criminalité.
    Je comprends toutes vos préoccupations, car je partage vos vues en ce qui concerne les droits de la personne, mais je ne crois que le certificat de sécurité soit maintenant utilisé de cette façon. Je pense qu'on s'en sert pour expulser les criminels qu'on ne pourrait pas poursuivre autrement parce que les preuves ne se trouvent pas ici, mais ailleurs et qu'elles ne peuvent pas être produites pour prouver qu'il y a eu crime hors de tout doute raisonnable. Par conséquent, comme il s'agissait de résidents permanents ou de visiteurs, de gens n'ayant pas la citoyenneté, nous avons pris la liberté de les considérer comme des indésirables dont nous ne voulons pas chez nous.
    À l'heure actuelle, nous nous servons aussi de ce certificat contre ceux dont nous craignons qu'ils puissent nous causer du tort. Ce n'est pas l'instrument le plus idéal, mais ce régime existe depuis des décennies pour se débarrasser des résidents permanents ou visiteurs indésirables. Par conséquent, même si vous n'êtes pas vraiment un terroriste et que vous êtes seulement reconnu coupable de viol ou d'autre chose, on peut vous expulser suite à la décision rendue par la Commission d'appel de l'immigration, sans avoir à prouver hors de tout doute raisonnable que vous constituerez toujours une menace pour la société.
    De nombreux témoins ont soulevé cette question pour dire que ce régime étant légèrement différent du régime de droit pénal, il est moins justifié. Je suis peut-être d'accord avec vous, mais qu'avez-vous à dire à ce sujet?
    Pourrais-je dire simplement que nous avons sans doute tous des points de vue légèrement différents et des choses différentes à dire au sujet des relations entre les lois d'immigration et le droit pénal dans ce domaine.
    Amnistie Internationale n'a jamais prétendu que les lois d'immigration n'ont pas un rôle à jouer, notamment en ce qui concerne la sécurité nationale. Nous avons toutefois souligné deux limitations importantes dont on n'a pas tenu compte dans le droit canadien ou en pratique.
    La première est l'obligation de ne pas se servir des lois d'immigration, mais plutôt des lois pénales pour expulser, extrader ou renvoyer quelqu'un du Canada sous un prétexte quelconque, si cela doit entraîner de graves violations des droits de la personne telles que la torture. En pareils cas, nous disons — et le droit international est très clair à ce sujet — que le Canada doit plutôt poursuivre ou libérer, comme Julia Hall l'a déclaré tout à l'heure.
    L'autre est l'impunité. Je ne pense pas qu'on ait prêté suffisamment d'attention à cette question au cours de ce débat. Il y a une longue tradition non seulement à l'égard des cas de terrorisme, mais de tous types de criminalité: la criminalité internationale, les criminels de guerre, ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité. Au Canada et dans le reste du monde, comme Julia Hall vient de le souligner, on a largement l'habitude en Europe ces jours-ci d'expulser au lieu de poursuivre, ce qui n'est pas souhaitable lorsque les individus en question font l'objet de graves allégations de ce genre.
    Est-il parfois difficile d'intenter ces poursuites? Oui. Cela peut être compliqué et coûteux. Je pense toutefois qu'en 2007, en tout cas par rapport à 1997 ou 1987, on a consacré beaucoup plus de connaissances, de savoir-faire et de ressources à examiner la façon d'intenter ce genre de poursuites.
    Nous sommes à l'ère de la Cour pénale internationale. La communauté mondiale reconnaît que nous devons pouvoir faire la justice à l'échelle mondiale. Cela peut avoir lieu parfois dans des tribunaux nationaux et parfois dans des tribunaux internationaux, mais nous devons nous attaquer à ce problème parce que c'est fondamental pour protéger les droits et assurer la sécurité.

  (1715)  

    J'ajouterais qu'en fait on peut dire que les certificats de sécurité ont toujours existé, mais le gouvernement du Royaume-Uni pourrait dire que la Commission spéciale d'appel de l'immigration existe depuis l'affaire Chahal, depuis que la Cour européenne a rendu l'arrêt qui a fait reconnaître sa compétence. Néanmoins, ce ne sont pas seulement les organismes qui défendent les droits de la personne ou qui représentent les minorités qui voient une nette différence depuis le 11 septembre. Ce sont les médias, comme un membre du comité l'a mentionné, mais aussi le gouvernement.
    Lorsque Gordon Brown et Tony McNulty sont entrés en fonction, ils ont pris bien soin de se dissocier des politiques du gouvernement Blair qui ont fait suite au 11 septembre. C'était pour une raison bien particulière. Je crois que Gordon Brown, son parti et son gouvernement ont reconnu les torts qui avaient été causés par les mesures contre le terrorisme qui violaient les libertés civiles et les droits de la personne après le 11 septembre. Ils ont essayé de remettre en place des normes plus rigoureuses.
    Ce ne sont pas seulement nos amis de la Fédération canado-arabe, mais aussi les gouvernements qui commencent à reconnaître que nous sommes peut-être allés trop loin et qu'il faudrait rétablir un juste équilibre. C'est ce que semble croire le gouvernement qui a lancé ce projet de tribunal spécial de l'immigration spécialisé dans les expulsions au nom de la sécurité nationale et qui prévoit la nomination d'un défenseur. Ces réserves sont émises par ce même gouvernement.
    Vous pouvez dire que ces certificats existent depuis très longtemps, mais nous ne sommes pas les seuls à constater que le 11 septembre et les attentats à la bombe d'Espagne et de Londres ont vraiment changé la perspective dans laquelle nous voyons tout cela.
    Merci.
    Quelqu'un d'autre veut la parole? Tout le monde a terminé?
    Veuillez attendre un peu. J'ai une annonce à faire aux membres du comité.
    Pourrais-je répondre aux observations de monsieur, brièvement, avant que nous ne terminions?
    Il ne vous a pas posé de question. Vous voulez dire quelque chose?
    Vous n'y voyez pas d'objection…?
    Je n'y vois pas d'objection.
    Très bien.
    C'est important. Je voulais seulement vous dire qu'il ne s'agit pas d'un mémoire politique. Ce n'est pas une critique de M. Harper ou du gouvernement conservateur. Nous abordons ce sujet parce que vous êtes le gouvernement en place et que nous n'avons pas d'autre moyen d'exprimer nos opinions et nos préoccupations. Il est vrai que notre mémoire critique vivement votre gouvernement, car nous avons des inquiétudes.
    Cela dit, vous avez certainement beaucoup de respect pour le juge O'Connor et les recommandations qu'il a formulées dans le cas de la commission sur l'affaire Maher Arar. Il a clairement déclaré que les agents de sécurité avaient été incompétents, qu'ils pratiquaient le profilage racial et qu'un grand nombre de ces décisions s'adressaient à certains groupes et à une certaine communauté.
    De nombreux rapports ont été publiés à ce sujet. L'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, a récemment publié son rapport sur les crimes haineux dans lequel elle cible ces politiques et les crimes haineux au Canada en parlant de crimes haineux contre les Arabes et les musulmans.
    Je ne suis pas seulement venu ici pour critiquer votre gouvernement. Ce n'est pas mon but. Mon but est de vous dire ce que nous ressentons, comment votre gouvernement est perçu afin que vous puissiez peut-être changer cette perception et ces préjugés.
    Une voix: Merci.
    La séance est levée.