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AGRI Rapport du Comité

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CULTIVONS L'AVENIR 2 : (COMPREND UN SOMMAIRE
DE L'ÉTUDE SUR L'INDUSTRIE DE LA BIOTECHNOLOGIE

INTRODUCTION

En juillet 2008, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux (FPT) ont annoncé la conclusion de l’accord-cadre quinquennal pour l’agriculture intitulée Cultivons l’avenir. Ce cadre stratégique encadre les politiques et programmes mis en place afin d’appuyer le secteur agricole et agroalimentaire canadien. Cultivons l’avenir a remplacé l’ancien Cadre stratégique pour l’agriculture (CSA).

Le présent cadre viendra à échéance le 31 mars 2013 et Cultivons l’avenir 2 lui succédera dès le 1er avril 2013. Les travaux pour le renouvellement de Cultivons l’avenir ont déjà débuté. En juillet 2011, les ministres FPT ont signé la déclaration de Saint Andrews lors de leur réunion annuelle. Cette déclaration fournit la marche à suivre pour élaborer Cultivons l’avenir 2 et décrit les éléments essentiels que les ministres rechercheront dans le prochain cadre stratégique pour l’agriculture.

Il est donc naturel pour le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire (appelé ci-après le « Comité ») de s’intéresser au renouvellement de Cultivons l’avenir et de favoriser la discussion sur ce que doit contenir la nouvelle politique agricole canadienne. Le Comité a tenu 24 audiences publiques entre octobre 2011 et février 2012. Il a consulté des représentants de diverses industries, des universitaires et autres groupes d’intérêt, ainsi que des représentants d’Agriculture et agroalimentaire Canada (AAC).

Le Comité a divisé l’étude en plusieurs thèmes qui correspondent aux différentes orientations stratégiques de Cultivons l’avenir, soit la science et l’innovation, la gestion des risques de l’entreprises, le développement du commerce et des marchés, le développement d’entreprises compétitives, et un secteur qui répond aux demandes des consommateurs. Le rapport discute dans une première partie des priorités du cadre stratégique. Les parties suivantes correspondent aux différents thèmes de l’étude et abordent les divers enjeux soulevés par les témoins.

LES PRIORITÉS DE CULTIVONS L’AVENIR 2

Le cadre stratégique Cultivons l’avenir comporte trois orientations fondamentales, soit un secteur compétitif et innovateur, qui contribue aux priorités de la société et qui gère les risques de manière proactive. Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement fédéral offre, dans le cadre de Cultivons l’avenir, une série de programmes qui peuvent être divisés en deux groupes : ceux reliés à la gestion des risques de l’entreprise (GRE), qui protègent les revenus agricoles contre diverses pertes, et ceux non liés à la GRE (appelé ci-après initiatives stratégiques). La plupart des programmes sont à frais partagés entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux selon un ratio de 60:40. Certaines initiatives stratégiques sont uniquement financées par le gouvernement fédéral.

Le tableau 1 présente les informations financières sur les dépenses du gouvernement fédéral selon les résultats stratégiques de Cultivons l’avenir pour la période qui couvre les années fiscales 2009-2010 à 2012-2013. Pour la période 2009-2010 à 2012-2013, la part du fédéral s’élèvera à plus de 1,3 milliard de dollars pour les initiatives stratégiques et à plus de 5 milliards de dollars pour les programmes de GRE.

Tableau 1 : Information financière sur les dépenses de Cultivons l’avenir pour les années
fiscales de 2009-10 à 2012-13 – dépenses de transfert et d’administration (million de $)

Orientations stratégiques

Initiatives à coût partagé (part du fédéral)

Initiatives du fédéral

Secteur compétitif et innovateur

Accélérer le rythme de l'innovation et faciliter l'adoption de nouvelles technologies (Science et innovation)

103,9

142,3

Favoriser la mise en place d'entreprises et de secteurs concurrentiels (Entreprises compétitives)

148,7

112,4

Miser sur les forces du Canada pour réussir sur les marchés intérieurs et internationaux (Marketing et commerce)

14,1

148,8

Secteur qui contribue aux priorités de la société (Demandes des consommateurs)

Améliorer la salubrité et la sécurité du système alimentaire canadien

71,1

-

Promouvoir une production agricole respectueuse de l'environnement

221,8

154

Secteur qui gère les risques de manière proactive

Réduire au minimum la fréquence et l'ampleur des incidents liés aux risques (Initiatives stratégiques)

119,3

37,8

Autres programmes (cooperatives, etc.)

-

101,7

Total Initiatives stratégiques

678,9

697,0

Total programmes de GRE

5 271,5

3

Source : Agriculture et agroalimentaire Canada

Notes : Les données de 2009-10 et 2010-11 sont basées sur les dépenses réelles (comptes publics), celles de 2011-12 sur les montants prévisionnels, et celles de 2012-13 sur le budget principal des dépenses.

Les ministres provinciaux, territoriaux et fédéral[1] ont signé la déclaration de Saint Andrews lors de leur réunion annuelle tenue en juillet 2011. Cette déclaration constitue la feuille de route pour l’élaboration de Cultivons l’avenir 2. Il contient deux objectifs stratégiques — Compétitivité sur les marchés intérieurs et extérieurs; et adaptabilité et durabilité pour le secteur — avec des objectifs plus précis comme « être compétitif sur le plan des coûts »; « répondre aux demandes des consommateurs concernant les attributs des produits »; « tirer parti des nouveaux débouchés commerciaux »; et « accroître l'accès aux marchés tout en conservant ceux existants ».

Dans le contexte économique et budgétaire actuel, les témoins ont reconnu qu’il ne fallait pas s’attendre à une augmentation significative de l’enveloppe dédiée à Cultivons l’avenir 2, sous réserve des obligations légales en vertu des programmes de GRE. Plusieurs témoins pensent toutefois que c’est le moment d’avoir une discussion sur la manière dont les fonds sont répartis entre les différents types d’initiatives, notamment entre les programmes de GRE et les initiatives stratégiques. Pour plusieurs, l’enveloppe budgétaire qui est principalement dirigée vers le soutien du revenu au moyen des programmes GRE doit aussi s’orienter vers le soutien de la compétitivité du secteur grâce, notamment à l’innovation et l’accès aux marchés. L’important est que l’agriculture vive des revenus du marché et non de l’aide gouvernementale.

Je crois que nous devons nous demander si nous voulons mettre tout notre argent, ou la plus grande partie de notre argent, dans les programmes de GRE. À mon avis, nous devrions en transférer une partie pour investir davantage dans l'innovation, dans l'amélioration de la productivité à tous les niveaux et dans la recherche et le développement. […] Nous devons investir dans le développement de nouveaux marchés et également dans la transformation industrielle des aliments[2].

Cultivons l'avenir 2 doit être une stratégie commerciale axée sur les enjeux qui permettent à notre industrie de rester compétitive sur le marché international[3].

Lors des discussions sur les priorités de Cultivons l’avenir 2, la question d’une stratégie nationale alimentaire a été soulevée à plusieurs reprises. Plusieurs initiatives de développement d’une stratégie alimentaire sont présentement en cours. Les témoins en ont notamment mentionné trois, pilotées par l'Institut canadien des politiques agroalimentaires, la Fédération de l'agriculture et le Conference Board du Canada. Selon les témoins impliqués dans ces initiatives, les thèmes communs qui ressortent sont la compétitivité de l’agriculture canadienne sur la scène internationale, le lien entre l'alimentation et la santé, et le concept de durabilité. Toutefois, certains témoins remettent en cause l’accent trop prononcé sur la vocation exportatrice de l’agriculture canadienne et voudraient qu’une stratégie alimentaire nationale privilégie le développement de systèmes agroalimentaires locaux, c'est-à-dire une production et une transformation des aliments axées sur la proximité des consommateurs. Cette approche est illustrée par la Politique alimentaire populaire élaborée par Sécurité alimentaire Canada[4].

Le Canada peut jouer un rôle de chef de file mondial en saisissant cette possibilité de changement et en répondant aux besoins des consommateurs tout en renforçant la société, la santé globale de la population et l'économie. Cette approche serait fondée sur la priorité absolue de la politique alimentaire populaire, à laquelle ont participé des milliers de Canadiens d'un bout à l'autre du pays: un système alimentaire local durable.

Pour d’autres, il faut jouer sur les liens qui existent entre l’agriculture et les autres secteurs de l’économie afin que le secteur agricole et agroalimentaire canadien puisse multiplier ses occasions d’affaire.

Je propose non seulement que nous aidions directement les producteurs agricoles, mais aussi que nous créions de nouveaux emplois en milieu rural et en milieu urbain en combinant l’agriculture et d’autres secteurs de l’économie qui pourraient employer beaucoup plus de gens. C’est une stratégie que j’appelle « ag plus », par exemple, ag plus gaz naturel, ag plus exploitation minière, ag plus industries manufacturières, etc.[5]

Les avantages d’établir une stratégie alimentaire seraient d’initier une discussion plus large avec le public sur la place de l’agriculture dans l’économie et la société canadiennes, et de faciliter l’élaboration de politiques publiques. Selon les témoins, une stratégie alimentaire doit proposer une vision d’ensemble de ce que doit être le secteur. Les témoins ont également remarqué que les stratégies alimentaires nationales existantes comportent des cibles précises et simples, mais à un très haut niveau, comme par exemple, accroître les exportations ou la production biologique d’un certain pourcentage, augmenter d’un certain pourcentage la part des produits nationaux sur le marché intérieur, etc. Ces cibles permettent ensuite aux gouvernements d’établir des politiques appropriées pour les atteindre.

Même si plusieurs initiatives sont présentement en cours, le Comité pense qu’il ne peut y avoir qu’une seule stratégie et rejoint les témoins qui proposent que le rôle du gouvernement est de faciliter son élaboration en réunissant les parties concernées. Il pourrait aussi aider à tenir une discussion sur le lien qui existe entre la stratégie et l'accord-cadre Cultivons l’avenir 2. Selon des témoins, le cadre Cultivons l’avenir 2 pourrait constituer le bras opérationnel d’une stratégie alimentaire. Il n’est cependant pas sûr que les initiatives de stratégie alimentaire pourront être conclues suffisamment tôt pour influencer Cultivons l’avenir 2, mais certains éléments d’une possible stratégie, comme l’innovation et l’ouverture des marchés, ont été clairement identifiés par les témoins comme des priorités du cadre stratégique.

Recommandation 1

Le Comité recommande que Cultivons l’avenir 2 reconnaisse que la prospérité du secteur agricole et agroalimentaire canadien passe par sa capacité à tirer avantage des tendances des marchés internationaux et domestique; et que le cadre stratégique se concentre sur des programmes qui améliorent la compétitivité du secteur comme l’appui à l’innovation et au commerce.

SCIENCE ET INNOVATION

Le secteur agricole et agroalimentaire en entier le reconnait : la recherche, la science et l’innovation sont essentielles pour répondre aux défis mondiaux que sont la sécurité alimentaire, et l’impact des variations climatiques. Elles sont également essentielles pour répondre aux demandes croissantes des consommateurs pour des produits sains et abordables et pour améliorer la rentabilité économique des exploitations agricoles en diminuant les coûts de production et en favorisant l’accès aux marchés. Il est également reconnu que pour chaque dollar investi en recherche, le retour sur l’investissement au niveau des exploitations est multiplié plusieurs fois.

De manière générale, la recherche produit un rendement six fois supérieur à l'investissement. Ce ratio est plus élevé encore si l'on tient compte des investissements consentis par les producteurs[6].

C’est donc sans surprise que les témoins ont unanimement exprimé leur appui aux initiatives du gouvernement fédéral concernant la recherche. Grâce aux programmes de Cultivons l’avenir, et aussi aux centres de recherche d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et du Conseil national de recherches Canada (CNRC), le gouvernement fédéral est l’un des principaux acteurs de la recherche en agriculture et agroalimentaire au Canada.

Les programmes d’appui à la science et l’innovation qui existent sous Cultivons l’avenir ne sont qu’une partie de l’aide gouvernementale à la recherche agricole et agroalimentaire. Lors des réunions, les témoins ont ainsi parlé d’un certain nombre d’enjeux qui sont ou ne sont pas visés par le cadre stratégique. La première section présente ces enjeux d’une manière générale et donne des orientations de politiques générales qui pourraient être intégrer dans des programmes, la section suivante examine de plus près les programmes de Cultivons l’avenir.

A. Les éléments d’une recherche efficace au pays

1. Favoriser les partenariats

La recherche agricole et agroalimentaire au Canada est le fait d’un grand nombre d’intervenants : producteurs, universités, gouvernements, fournisseurs d’intrants, et transformateurs, entre autres. Par conséquent, tous les témoins ont fortement insisté sur l’importance de relier tous ces acteurs pour des raisons évidentes d’efficacité : le rythme rapide des changements qui interviennent sur les marchés et dans la production agricole exige une recherche coordonnée. Chaque industrie du secteur agricole et agroalimentaire fait face à des enjeux propres qui nécessitent des investissements en recherche, comme une maladie, le besoin d’améliorer la qualité nutritive ou le bilan environnemental. Les discussions du Comité ont montré que ces priorités de recherche doivent être définies par l’industrie elle-même et qu’elle doit ensuite aller chercher l’appui du milieu de la recherche et des gouvernements. L’industrie sait mieux que personne où les investissements en recherche et innovation seront les plus efficaces; par conséquent elle doit prendre l’initiative pour identifier où les fonds sont dirigés.

Les initiatives de collaboration existent déjà et les témoins ont présenté de nombreux partenariats qui ont été développés au niveau régional ou sectoriel pour favoriser la recherche, par exemple, l’initiative du Conseil des plantes fourragères du Manitoba, le Vineland Research and Innovation Centre, et le consortium industriel qui finance la recherche sur les maladies du canola. Louées par de nombreux témoins, les Grappes agro-scientifiques, dont il sera question dans la section sur les programmes de Cultivons l’avenir, ont aussi grandement aidé à la création de partenariats entre les différents acteurs du secteur. Toutefois, les témoins ont soulevé des difficultés qui existent pour amener certaines entités à travailler ensemble.

Les scientifiques disent qu'il est parfois plus facile d'établir des partenariats avec une entreprise du secteur privé qu'avec un laboratoire qui fait partie du même organisme. Pour des questions d’assurance ou de directives administratives, il peut être impossible de partager des ressources comme de la machinerie ou d’accéder à des infrastructures de recherche du gouvernement. Dans d’autres cas, les laboratoires d’AAC et du CNRC ne sont pas des partenaires admissibles aux subventions des programmes de recherches. Un témoin a également relaté la difficulté de conclure des ententes entre des organismes publics pour mettre en commun et exploiter des biens intellectuels pour réaliser des projets communs. Par conséquent,

Recommandation 2

Le Comité recommande qu’Agriculture et agroalimentaire Canada fasse une analyse de ses pratiques et politiques administratives qui peuvent faire obstacle à la collaboration entre différents organismes de recherche et propose des solutions pour les surmonter.

2. Améliorer l’étape de la commercialisation et du transfert

Comme l’a expliqué un témoin, les activités de recherche peuvent être considérées comme un continuum qui va de la recherche fondamentale ou conceptuelle à la recherche appliquée, à l'innovation et à l'application. Chaque étape de la recherche prend appui sur les résultats de la précédente. Une rupture ou une faiblesse dans n'importe quelle partie de la chaîne nuit aux autres parties et provoque une réduction importante du rendement de l'investissement dans la recherche.

Il est apparu évident lors des audiences que la commercialisation et/ou le transfert technologique sont vus comme le maillon faible du continuum de la recherche au Canada. De nombreux efforts ont été faits pour améliorer cet aspect et les témoins ont insisté sur le fait que toute stratégie de recherche doit incorporer dès le départ un élément de commercialisation ou de transfert technologique. Plusieurs industries ont mis en place des structures qui permettent la prise en compte de cet aspect, mais il reste que certaines industries sont plus avancées que d’autres dans ce domaine.

Par exemple, l’industrie laitière a créé le Portail canadien de la recherche laitière, un site Web proposant de l'information sur tous les chercheurs du domaine laitier, tous les établissements de recherche et tous les projets de recherche réalisés depuis 1996. L’industrie bovine s’est inspirée de modèles comme ceux de l'Australie et d'Israël, pour développer des initiatives de transfert technologiques : impliquer les fournisseurs, les transformateurs, les compagnies pharmaceutiques en plus des services de vulgarisation, qui sont principalement provinciaux, ce qui permet d’utiliser différentes façons de faire, et de joindre les groupes voulus avec tous les résultats de recherche. Les industries du canola et des légumineuses sont également reconnues comme étant avancées en matière de partenariat avec tous les acteurs de la chaîne de valeur pour proposer des innovations très proches de la demande. À l’inverse, dans le cas de l'agriculture biologique, il y a très peu de programmes de soutien de la vulgarisation. Certaines provinces, comme le Québec et la Colombie-Britannique, ont engagé des spécialistes de la vulgarisation et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) a appuyé la création d'un poste d'agent de vulgarisation dans le domaine de l'agriculture biologique au Canada atlantique, mais ces exemples restent des exceptions.

Les témoins ont également insisté sur le besoin d’intégrer les consommateurs dans les stratégies de recherche et d’innovation, par exemple en impliquant des disciplines comme les sciences sociales dans les projets de recherche. Pour certains, l’industrie est à l’écoute du marché et intègre donc déjà le consommateur dans la définition de ses priorités de recherche et d’innovation. Mais comme l’ont mentionné d’autres témoins, il existe des tensions entre les attentes de la population urbaine envers la capacité de l’agriculture canadienne de les approvisionner en nourriture et la réalité des agriculteurs, qui se livrent concurrence à l'échelle mondiale sur les prix et la qualité. Le débat sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) témoigne de ces tensions. Tous reconnaissent donc le besoin de développer une meilleure compréhension entre les consommateurs et le secteur agricole et agroalimentaire afin d’atténuer les mauvaises perceptions qui peuvent exister. Selon plusieurs témoins, l’agriculture n’a pas un problème d’image, mais de confiance qu’il faut sans cesse regagner.

Le manque de capital de risque pour amener les innovations à la phase de commercialisation est un autre facteur limitant dans la chaîne d’innovation au Canada. Un nouveau cultivar ou un nouveau pesticide demandent des investissements de 100 à 250 millions de dollars et peuvent prendre jusqu’à 10 ans avant de se retrouver sur le marché. La prudence est donc de mise lorsqu’il faut investir. Un témoin a indiqué que la plupart des entreprises naissantes ont dans le meilleur des cas une cote de crédit triple B alors que les banques ne vont faire affaire qu’avec des entreprises cotées double B ou mieux. Il faut donc un mécanisme pour aider ces entreprises à financer la première phase d'installation qui leur permettra de relever leur cote de crédit et faire affaire avec les banques. Bioenterprise, entre autres, tente de mettre sur pied un fonds de capital-risque pour l'agriculture. Selon un autre témoin, il existe de nombreux cercles d’investisseurs providentiels, mais ceux-ci communiquent peu entre eux. Le gouvernement pourrait devenir un courtier pour ces investisseurs, en établissant un mécanisme pour former un partenariat entre les gouvernements, l'industrie et les investisseurs providentiels.

Parmi les autres outils qui pourraient être mis en place, des témoins ont exprimé leur intérêt pour les actions accréditives, qui pourraient être aussi avantageuses pour le secteur des sciences de la vie qu’elles ont pu l’être pour le secteur pétrolier et gazier. D’autres ont suggéré que le gouvernement propose des subventions de commercialisation pour des chercheurs qui trouvent des partenaires industriels pour amener un produit à la commercialisation. Les prêts garantis par le gouvernement seraient aussi une avenue à explorer. Le Comité a, notamment appris que les d'entreprises américaines de produits chimiques d'origine biologique peuvent facilement obtenir des prêts garantis du gouvernement fédéral et avoir accès à des fonds de l'État.

Un dernier élément d’atténuation des risques et d’amélioration de la phase de commercialisation est la réglementation des nouveaux produits. Selon les représentants de l’industrie, celle-ci doit établir des principes scientifiques, mais aussi permettre de mettre en marché de nouveaux produits, de nouvelles technologies et des solutions novatrices rapidement et de manière prévisible.

Recommandation 3

Le Comité recommande que Cultivons l’avenir 2 prévoit un soutien à la commercialisation et à l’adaptation des innovations, semblable au Programme d’innovation en agriculture actuel, ou d’autres incitatifs responsables sur le plan financier.

3. Soutenir la capacité de recherche

La recherche et l’innovation évoluent très vite et la crainte de ne pas être capable d’attirer les experts nécessaires dans de nouveaux champs de recherche est une préoccupation importante du secteur. Parfois, l'industrie ne peut aller de l’avant avec des projets dans des domaines importants, car personne n'a encore développé l‘expertise requise dans les universités ou le gouvernement. De même, la perte d’expertise dans certains domaines plus traditionnels comme les pathologies végétales ou l’entomologie soulève des questions sur la capacité future du Canada à appuyer correctement la recherche et l’innovation dans certaines productions.

Les témoins ont insisté sur la complémentarité des institutions de recherche privées, universitaires et gouvernementales pour fournir la capacité de recherche nécessaire. Alors que tous soulignent l’efficacité du secteur privé à entreprendre des recherches à des étapes proches de la commercialisation, les témoins ont souligné l’importance d’AAC pour conduire des projets de recherche de base à long terme, car ni le secteur privé ni les universités ne peuvent remplir ce rôle aussi efficacement.

Dans le cas de certaines productions, la recherche gouvernementale est la seule qui est en mesure de suivre toute la chaîne d’innovation; soit parce qu’il n’y a pas de produit à commercialiser à la clé (par exemple dans le cas d’une pratique agronomique), soit parce qu’il y a peu d’incitatifs économiques pour le secteur privé. Par exemple, les volumes de vente des semences fourragères au Canada n’incitent pas le secteur privé à investir dans la sélection de ces plantes, contrairement à des productions comme le canola ou le maïs. Pour les représentants de cette industrie, il est nécessaire que les gouvernements fédéral et provinciaux s'engagent à assumer cette responsabilité et à combler ce manque. Les représentants de l’industrie horticole ont également mentionné l’importance des stations de recherche fédérales pour la recherche sur les maladies et la création de nouvelles variétés adaptées au contexte canadien. Ils demandent ainsi à AAC de combler certains postes de spécialistes qui partent à la retraite.

Pour certains, le Canada peut tirer profit de la recherche qui se fait ailleurs dans le monde : pour créer de la valeur, cette recherche doit être capturée et appliquée au Canada. Par exemple, il existe au sein du Centre de recherche et d'innovation de Vineland un responsable de la technologie qui s'occupe de recenser les outils technologiques dans le monde qui gagneraient à faire l'objet de travaux de développement à l'échelon régional ou local. Il porte ces outils à l'attention du Centre de recherche et d'innovation de Vineland et d'autres organismes, et c'est une façon de tirer profit d'outils technologiques qui peuvent avoir été étudiés ailleurs pour ensuite être perfectionnés ou adaptés au pays. D’autres ont toutefois déclaré que notre pays présente des caractéristiques uniques et qu’on ne peut pas abandonner totalement certains pans de recherche sans prendre un risque important.

Les témoins ont proposé un certain nombre de solutions pour renforcer la capacité de recherche privée et publique, comme accroître l’implication d’AAC dans la formation des chercheurs et des techniciens, créer des incitatifs pour que les universités engagent les personnes capables de fournir l’expertise à l'industrie, et améliorer l’information sur les possibilités de carrière dans la recherche agricole. Mais pour beaucoup de témoins, le problème vient du manque de continuité et de la fragmentation du financement de la recherche. Ils ont noté que les financements gouvernementaux ont eu tendance à raccourcir les échéances des projets de recherche et par la même occasion ont privilégié les projets à plus court terme.

Pourtant, toute innovation ne prend pas le même temps à voir le jour. Par exemple, un projet à court terme pourrait porter sur l’enregistrement d’un herbicide particulier pour une nouvelle culture : quelques années peuvent suffire à montrer que le produit ne pose pas de risque et qu’il est efficace. Par contre, la mise au point d’un nouvel herbicide ou d’une nouvelle variété végétale exige de longs travaux et des efforts sur plus de 10 ans. La génétique, et les banques d’agents pathogènes à maintenir sont des exemples de projet qui montrent la difficulté de limiter les programmes à cinq ans. Certains ont donc proposé que le gouvernement maintienne une combinaison de possibilités de financement et d'échéanciers pour les programmes de recherche.

La stabilité du financement est un élément important pour attirer et garder des chercheurs au pays. Des témoins ont également dit que le recul de la recherche scientifique fondamentale et des premières étapes de la recherche appliquée au gouvernement fédéral, le raccourcissement des horizons de planification, et la concentration des projets vers l’aval du continuum de recherche risquent de faire perdre au Canada des intervenants stratégiques importants.

B. Les programmes de Cultivons l’avenir

1. Les Grappes agro-scientifiques canadiennes

L’initiative des Grappes agro-scientifiques canadiennes a permis la création de 10 grappes scientifiques regroupées selon les productions suivantes : élevage bovin, produits laitiers, porc, volaille, canola/lin, légumineuses à grains, sélection du blé, horticulture comestible, horticulture ornementale et agriculture biologique. Les grappes sont gérées par des intervenants du secteur agricole et agroalimentaire. Elles définissent des projets de recherche et reçoivent des contributions financières afin qu'elles mènent ces projets avec des universités et d'autres organismes de recherche et développement. Les contributions de l'industrie varient entre 15 et 30 % des coûts des projets.

Hormis quelques problèmes courants lors de l’établissement d’un nouveau programme, comme une réduction de sa durée et des changements de critères à la dernière minute, tous les témoins ont reconnu que cette initiative propose un modèle de recherche efficace et doit être reconduite. Elle permet à l’industrie de déterminer ses priorités et de coordonner les efforts de recherche au niveau national en évitant, notamment le dédoublement des projets de recherche. Elle permet également de rassembler les ressources scientifiques et techniques nationales, qui sont souvent éparpillées à travers le pays, et de faciliter les partenariats. L’approche qui implique toute la chaîne de valeur d’un produit permet aussi une bonne transmission des résultats. D’une manière générale, cette initiative répond à certains enjeux identifiés dans la section précédente comme le besoin de relier les acteurs de la chaîne de valeur d’un produit.

Certains témoins ont exprimé le souhait que le financement total de l’initiative soit bonifié, et la plupart semblent satisfaits du ratio de financement qui tourne autour de 25 % venant de l’industrie, et 75 % du gouvernement fédéral. Ils ont également insisté sur le fait que le programme soit étalé sur un minimum de cinq ans, avec une mise en place immédiate au 1er avril 2013 pour que les projets de recherche puissent démarrer le plus vite possible. En effet, le programme actuel, originellement prévu pour cinq ans, n’a pu être exécuté que sur une période de trois ans suite à des délais dans sa mise en place. Un témoin a également suggéré d’améliorer l’interaction entre les différentes grappes afin qu’elles ne deviennent pas un groupe de projets isolés.

Toutefois, la principale amélioration à apporter identifiée par les témoins est de donner davantage de souplesse au programme. Cette souplesse est essentielle compte tenu de l’incertitude entourant la recherche, particulièrement pour des projets pluriannuels. Même si les règles actuelles permettent des mouvements de fonds d’un projet à un autre, elles n’offrent pas cette flexibilité entre les périodes. Selon les témoins, il est difficile de fixer des échéanciers pour la recherche, particulièrement lorsqu’elle porte sur des organismes vivants. Autoriser le transfert d’une partie, au moins, du financement d’un exercice financier à un autre permettrait de tenir compte de cette incertitude. Par ailleurs, il arrive souvent que les chercheurs changent d’orientation de manière significative à la lumière des résultats des premiers travaux, et l’initiative des Grappes devrait pouvoir tenir en compte de cette éventualité.

Recommandation 4

Le Comité recommande que l’initiative des Grappes agro-scientifiques soit reconduite et incorpore des règles permettant de réorienter les projets de recherche et de réaffecter les fonds entre les périodes.

2. Autres programmes

L’initiative de Développement de produits agricoles innovateurs est le second programme en importance de stimulation des sciences et de l’innovation de Cultivons l’avenir. Elle appuie financièrement des projets scientifiques et technologiques, menés par l’industrie, pour combler l’écart entre les idées et découvertes et l’arrivée d’un produit sur le marché. Les projets peuvent viser des stratégies de développement de nouveaux débouchés, ou de mise en œuvre de projets en sciences appliquées, en développement de technologies et projets pilotes pour transformer les idées novatrices en nouveaux produits. L’initiative a permis, par exemple, d’appuyer la commercialisation de nouvelles variétés de pommes créées à la station de recherche d’AAC à Summerland
(Colombie-Britannique) en finançant des essais dans d’autres provinces productrices du Canada pour voir le potentiel de production de ces variétés dans d’autres régions. Cette initiative a aussi permis d’appuyer le programme d'amélioration génétique des haricots secs de l’Université de Guelph. Ce programme est vu comme un outil essentiel pour aider à la commercialisation de nouveaux produits.

D’autres initiatives, comme le Fonds de flexibilité pour l’agriculture (ou Fonds Agri-flexibilité), qui ne font pas partie de Cultivons l’avenir, sont également très utilisées par les chercheurs. Ces programmes offrent des sources de financement alternatives pour des enjeux ponctuels ou à plus long terme qui peuvent être complexes et/ou concerner plus d’une production. Selon un témoin, les programmes s'échelonnant sur cinq ans peuvent finir par exiger beaucoup de ressources, et certains chercheurs peuvent ainsi devenir des « orphelins » du système. Il parait donc important d'offrir au sein de Cultivons l’avenir 2 des programmes de financement à plus court ou à plus long terme, en plus des programmes actuels. Ces programmes permettraient l’élaboration de projets de recherche pour des problèmes émergents qui ne seraient pas restreints par l'échéancier de cinq ans.

Recommandation 5

Le Comité recommande que l’Initiative de Développement de produits agricoles innovateurs soit reconduite et qu’un programme comme le Fonds Agri-flexibilité soit inclus dans Cultivons l’avenir 2, pour devenir une source de financement alternative et souple pour faciliter la recherche à court ou long terme sur des enjeux émergents qui peuvent concerner une ou plusieurs productions.

3. Administration des programmes

L’administration et la reddition de comptes sont des aspects que les témoins aimeraient voir améliorés dans tous les programmes d’appui à la recherche. Les témoins reconnaissent l’importance de rendre des comptes, mais remarquent que les tâches administratives sont relativement lourdes et peuvent prendre beaucoup de temps. Certaines règles peuvent également créer des obstacles à un fonctionnement optimal du programme.

D’après certains témoins préparer un projet et le faire examiner par un comité de pairs peut prendre une année complète. S’il s’agit d’une subvention de deux ans, il ne reste qu’une fenêtre d’environ six mois pour faire rapport sur l'utilisation de la subvention, à cela s'ajoutent les rapports, dans bien des cas trimestriels, qu'il faut faire sur l'avancement du projet. Un chercheur-boursier, qui bénéficie de plusieurs subventions, a besoin de quelqu'un pour s'occuper de l’administration, ou il passerait son temps à remplir des demandes et ne ferait pas le travail pour lequel il est engagé.

Les organisations qui gèrent les Grappes ont indiqué qu’il a fallu du temps pour s’habituer aux règles du Conseil du trésor comme les types de crédits qui ne correspondent pas nécessairement aux pratiques d’autres institutions de recherche. Ceci a eu pour effet de retarder nombre de projets. Par conséquent, les universités ont été obligées d’employer les techniciens pour réaliser les projets plutôt que des étudiants, ce qui a un effet sur la formation de la relève.

D’autres témoins regrettent que certaines dépenses soient admissibles pour les chercheurs d’université, mais ne le soient pas pour les chercheurs du gouvernement fédéral. Cette séparation entre ce qui va aux chercheurs d'AAC et ce qui va aux universités crée un problème de gestion, car aucun montant ne peut être transféré d'une colonne à l'autre, même lorsque ce serait logique. Ces fonds doivent être gérés séparément et cela pose des difficultés que les organismes qui gèrent ces fonds doivent résoudre. Par exemple, un témoin a mentionné que même si l’Initiative des Grappes permet d’amener des chercheurs de tout le pays à travailler de concert avec d'autres chercheurs, ils ne peuvent pas se réunir à cause des restrictions sur les budgets de voyage et les frais y afférents imposées par les lignes directrices du Conseil du Trésor.

Parmi les suggestions pour réduire le fardeau administratif, des témoins ont suggéré de faire des vérifications comme des audits plutôt que de demander des preuves à échéances régulières.

Recommandation 6

Le Comité recommande qu’Agriculture et agroalimentaire Canada simplifie les procédures administratives et de reddition de compte pour ses programmes d’appui à la recherche et l’innovation, en mettant en place, entre autres, un système de vérification appropriée et en veillant à ce que les règles s’appliquent à toutes les institutions de recherche de façon uniforme.

LE MARKETING ET LE COMMERCE

A. Les marchés d’exportation

Le Canada exporte chaque année pour environ 40 milliards de dollars de denrées agricoles et alimentaires ce qui en fait le quatrième plus gros exportateur de denrées agroalimentaires au monde. Ces exportations représentent la moitié de toute la production agroalimentaire canadienne, mais cette proportion cache le fait que certaines productions sont essentiellement tournées vers l’exportation : par exemple, 60 % de la production porcine, 85 % de la production de canola et 80 % de la production de légumineuses à grain sont exportés. Il va sans dire que sans les marchés étrangers, la structure et la taille de la production primaire et du secteur de la transformation au Canada seraient sérieusement touchées.

1. La politique commerciale agroalimentaire

La politique commerciale agroalimentaire du Canada vise l'expansion des marchés d'exportation dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur l'agriculture, et des négociations régionales et bilatérales, comme l’accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, tout en s’assurant de protéger le système de gestion de l’offre. Le cadre stratégique Cultivons l’avenir ne couvre pas la politique commerciale agroalimentaire canadienne, mais il la complémente et les témoins ont presque unanimement souligné le besoin de poursuivre une politique active d’ouverture des marchés d’exportation.

La méthode de libéralisation des échanges privilégiée par le Canada a toujours été l'approche multilatérale par le biais des négociations au sein de l'OMC. Le multilatéralisme protège les intérêts d'un pays de taille moyenne comme le Canada, tout en faisant échec aux ambitions des plus grands partenaires. Il offre également un plus large éventail d'options en termes de marchés. Les négociations à l’OMC permettent aussi de s’attaquer aux subventions à l'exportation et aux programmes de soutien interne qui faussent les échanges. Les témoins reconnaissent toutefois que les négociations actuelles sont dans une impasse, mais souhaitent que le gouvernement continue malgré tout à travailler avec les autres membres de l'OMC pour essayer d'insuffler un nouveau souffle à ces négociations. Entretemps, les témoins s’entendent pour dire que le Canada doit continuer de mettre l'accent sur les accords commerciaux bilatéraux pour régler les problèmes commerciaux du secteur agricole et agroalimentaire.

Le plan d'action commerciale canadien est relativement ambitieux, car le gouvernement considère maintenant la possibilité d'accords commerciaux avec des marchés lucratifs ou en expansion comme l'Union européenne, l'Inde, la Corée du Sud, le Japon et les pays du Partenariat transpacifique. Combinés, ces accords pourraient augmenter les exportations agricoles de façon considérable, mais pour de nombreux représentants de groupements de production spécialisée c’est plutôt l’absence du Canada à la table de ces négociations qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour leurs secteurs d'activités.

Par exemple, la signature d’un accord bilatéral avec la Colombie a ouvert immédiatement des marchés pour les producteurs canadiens de légumineuses à grain. Les producteurs canadiens avaient du mal à percer ce marché étant donné que les Américains jouissaient d'un traitement tarifaire préférentiel. Les accords bilatéraux deviennent donc extrêmement importants pour éliminer ou éviter les désavantages tarifaires que pourraient avoir les producteurs canadiens par rapport à leurs concurrents comme les producteurs américains. Bien que le Canada soit bien avancé avec l’Union européenne, il a du rattrapage à faire en ce qui concerne des accords de libre-échange avec d’autres pays comme le Maroc, la Corée du Sud et certains pays du Partenariat transpacifique, où il s’est fait dépasser par les compétiteurs qu’il doit maintenant rattraper.

Ce qu'il y a d'intéressant avec le PTP, puisqu'il est régional, c'est que certains des membres fondateurs espèrent qu'il sera la genèse de quelque chose de beaucoup plus vaste. C'est pourquoi le Canada doit en être. Je peux vous dire que si vous incluez le Japon et le Mexique, 65 p. 100 de nos exportations agricoles vont déjà aux pays du PTP. Si nous n'adhérons pas à cet accord, leur petit groupe va commencer à occuper l'espace que nous occupons à l'heure actuelle avec nos exportations. Nous aurons un gros problème si nous sommes exclus d'un accord commercial qui touche 65 p. 100 de nos exportations[7].

Certains témoins ont souligné que les accords doivent être ambitieux pour que le secteur agricole et agroalimentaire tire son épingle du jeu. Pour d’autres, il faut réaliser qu’il serait difficile  d’ouvrir complètement les marchés, car certaines questions restent très délicates, par exemple, en Europe, la question des organismes génétiquement modifiés ou du bœuf traité aux hormones. L’effet peut donc être limité. De plus, la prolifération d'accords commerciaux régionaux peut accroître de beaucoup la complexité du cadre commercial et causer un enchevêtrement de règlements.

Au-delà des questions reliées aux accords commerciaux, les témoins ont observé un recours de plus en plus fréquent à des barrières techniques, comme les mesures sanitaires et phytosanitaires, pour limiter ou interdire les importations. À ce titre, la création du Secrétariat à l’accès aux marchés au sein d’AAC en 2009 a permis de résoudre un grand nombre de problèmes d’accès au marché en proposant un guichet unique à l’industrie canadienne. Le Secrétariat fonctionne en partenariat avec l’industrie pour déterminer les priorités, mais aussi pour bénéficier de la plus grande expertise technique possible. Les témoins ont en effet noté qu’une grande partie du travail se fait grâce à la communication quotidienne entre les fonctionnaires et les gens de l'industrie des deux côtés de la frontière.

Le Secrétariat est désireux d'aider n'importe quelle industrie ou association à avoir accès aux marchés ou à résoudre des problèmes en matière d'accès aux marchés. Cela étant dit, nous avons probablement entre 300 et 400 problèmes d'accès aux marchés à l'heure actuelle. Certains sont plus importants que d'autres. Nous travaillons avec l'industrie pour établir un ordre de priorité et voir dans lesquels nous devrions investir nos ressources. Je crois que ce classement par priorité a été assez réussi. La porte est ouverte à toutes les sociétés et associations[8].

Le Secrétariat a ainsi pu rouvrir ou empêcher la fermeture de marchés pour des questions sanitaires. Il a par exemple négocié des procédures d’exportation pour se conformer aux nouvelles normes chinoises sur la présence de la maladie de la jambe noire dans ses importations de canola. Il a également travaillé à l’établissement d’ententes d’équivalence avec des partenaires commerciaux comme l’Union européenne, le Japon et les États-Unis pour la reconnaissance des produits biologiques canadiens sur leurs marchés. L’industrie est unanime pour souligner que le Secrétariat à l’accès aux marchés doit disposer des ressources suffisantes pour effectuer son travail.

Recommandation 7

Le Comité recommande qu’Agriculture et agroalimentaire Canada bonifie l’enveloppe budgétaire dédiée au Secrétariat à l’accès aux marchés afin d’accroître ses capacités d’intervention pour résoudre les problèmes d’accès aux marchés auxquels fait face le secteur agricole et agroalimentaire Canadien.

Les témoins ont également indiqué que le travail du Secrétariat serait facilité par la reconnaissance au niveau international de normes sanitaires et phytosanitaires. Le Canada doit ainsi continuer à participer activement à l'établissement de règles et de normes internationales dans des forums comme l'Organisation mondiale de santé animale et la Commission du Codex Alimentarius. Certains ont proposé que le Canada continue de négocier avec d'autres pays pour développer une politique sur la faible teneur en OGM afin de prévenir l’interruption du commerce que pourrait provoquer la présence de faibles quantités de caractères génétiquement modifiés non approuvés.

2. Les initiatives de Cultivons l’avenir

Le cadre Cultivons l’avenir complémente la politique commerciale agroalimentaire du Canada en tentant de renforcer la capacité du secteur à gagner des parts de marché sur les marchés canadien et mondial. Parmi les principales initiatives, on trouve les tables rondes sur les chaînes de valeur qui réunissent les producteurs, les transformateurs, les détaillants, les ministères fédéraux et les gouvernements provinciaux en vue de trouver des débouchés et de concevoir des stratégies de collaboration. Cultivons l’avenir soutient aussi une série de programmes de développement des marchés pour que le secteur soit mieux disposé à cerner et à exploiter les débouchés offrant un avantage concurrentiel en matière de coûts et d'attributs. Ces programmes incluent le programme Agri-marketing de près de 90 millions de dollars, le Programme de promotion de la marque Canada de près de 20 millions de dollars, le Programme d'information sur les marchés de près de 9 millions de dollars et le Service des délégués commerciaux d'environ 24,5 millions de dollars.

Pour beaucoup, ces dépenses constituent des investissements qui bénéficient directement à l’économie canadienne même si, pour certains, mesurer l’efficacité de ces dépenses est problématique, car on peut difficilement déterminer ce qui serait exporté sans que ces mesures soient en place.

En ce qui nous concerne, nous dépensons annuellement 4 millions de dollars qui, selon nos membres, génèrent 300 millions dollars. Je suis sûr que les 4 millions de dollars retournent très vite dans les coffres du gouvernement fédéral[9].

Parmi les initiatives gouvernementales, l’information sur les marchés est probablement celle qui retient le moins l’attention. Pour certains témoins, elle revêt pourtant une importance cruciale. Le mandat du Service d'exportation agroalimentaire (SEA) d'AAC consiste à fournir une analyse de la demande intérieure et internationale, des tendances de la consommation et des perspectives. Le SEA réalise des analyses du marché et fournit des statistiques commerciales et d'autres renseignements sur des événements commerciaux et des programmes. Certains témoins ont cependant indiqué que d'autres organismes fournissent également une bonne partie de ces renseignements, comme le Foreign Agricultural Service du département de l'Agriculture aux États-Unis[10].

Le gouvernement du Canada a créé la stratégie de la marque Canada afin de valoriser les produits canadiens. Cette marque a pour objectif d'aider le secteur agroalimentaire canadien à se différencier de la concurrence sur les marchés nationaux et mondiaux. De nombreux témoins ont indiqué que l’image du Canada comme fournisseur de produits de qualité est un atout de vente important qui permet de se différencier de leurs concurrents. Une fois qu'un pays est connu comme exportateur de produits de qualité, cela hausse vraisemblablement le niveau de tous les produits.

Nos membres qui vendent leurs produits à l'étranger nous disent souvent que l'un de leurs principaux atouts de vente par rapport à leurs concurrents est la feuille d'érable elle-même. On associe l'image de marque du Canada à la qualité. Le fait que la qualité soit inhérente à notre image de marque ne pourrait être à mon avis plus juste. C'est une image de marque que nos membres sont fiers de représenter chez eux et à l'étranger[11].

Les représentants d’AAC ont rapporté que le nombre d'adhérents continue d'augmenter, et que l’on compte actuellement plus de 400 membres dans le Programme de promotion de la marque Canada. Il faut cependant être conscient que contrairement à une marque de produit, où les entreprises peuvent modifier leur stratégie, les pays sont plus limités sur ce qu'ils peuvent modifier pour ce qui est de leur perception. Les problèmes de qualité d'un secteur peuvent ternir rapidement la réputation du pays.

Je crois que nous avons en quelque sorte tout misé sur la carte de la marque Canada. Je pense que nous devrions être un peu prudents à cet égard. Je pense que nous devons avoir la souplesse nécessaire pour réagir à des situations particulières sur le marché. Avec la marque Canada, vous faites face à tout ce qu'il y a là-bas et vous vous attendez à ce qu'un instrument très grossier puisse répondre à toutes les situations. […] Je pense que j'augmenterais probablement le financement qui est accordé aux industries individuelles. Vous continuez les types de partenariat que vous avez. Vous continuez peut-être avec la marque Canada, mais en même temps, je pense que vous devez l'étudier un peu. Vous courez le risque que si quelque chose tourne vraiment mal, là où vous aviez une marque Canada qui était positive, vous vous retrouviez tout à coup avec une marque Canada qui est négative[12].

Pour appuyer plus directement le secteur, Cultivons l’avenir a mis en place le programme Agri-marketing. Ce programme comporte deux volets. Le premier, le volet « générique », s'adresse principalement aux associations de l'industrie pour mener des activités de formation sur les marchés étrangers, des missions exploratoires et commerciales, mais aussi pour assurer la présence du Canada à un très grand nombre de foires agroalimentaires internationales comme le Salon international de l'alimentation mieux connu sous le nom de SIAL. Certaines associations font également des campagnes de promotion générique et des démonstrations en magasin dans certains pays clés pour rejoindre les consommateurs. Les activités du Canadian International Grains Institute (CIGI) ont également été financées à près de 50 % par ce programme.

Nous travaillons surtout avec les transformateurs, ceux qui achètent nos récoltes, et nous les aidons à comprendre les avantages d'un produit canadien plutôt qu'un autre, voire d'autres produits canadiens. Nous avons un moulin à farine, une usine de pâtes, une chaîne de production de nouilles, une boulangerie et une chaîne de production de nouilles asiatiques, et nous travaillons avec les transformateurs afin que les transformateurs puissent fabriquer les produits que veulent les consommateurs. Actuellement, nous faisons de la formation dans les entreprises qui achètent du blé canadien; elles le transforment en farine, que des filiales transforment en nouilles, lesquelles posent quelques problèmes de qualité. Les clients ne sont pas contents. Nos techniciens peuvent travailler avec l'entreprise et lui dire quoi faire pour obtenir le genre de farine nécessaire, et dans le processus de fabrication de nouilles, par exemple, voici les étapes à suivre pour faire en sorte que le client soit satisfait, et en utilisant ce produit, vous pourrez atteindre l'objectif visé. Nous y arrivons de plusieurs façons. Nous aidons aussi les consommateurs à trouver des occasions d'incorporer des ingrédients canadiens à leur alimentation[13].

Selon les représentants d’AAC, la demande pour ce programme dépasse largement l’offre. Certaines associations ont souhaité que le programme se transforme en un fonds pluriannuel d’appui à l’exportation. Plutôt que d’avoir à soumettre des demandes pour chaque activité, les associations de l’industrie bénéficieraient d’un montant pour cinq ans ou la durée de Cultivons l’avenir 2 qui leur permettrait de travailler sur un horizon à plus long terme. Les partisans d’un fonds d’appui à l’exportation mettent de l’avant qu’un marché international ne se développe pas en six mois ou un an, mais en plusieurs années. Ce fonds pourrait reprendre le modèle du Fonds de commercialisation internationale du porc. Ce Fonds, géré par Canada Porc International (CPI), offre un montant de 17 millions de dollars pour quatre ans. Il a été créé en 2009 pour permettre à l’industrie de sortir d’une période difficile liée, entre autres à la faiblesse des prix du porc et la fermeture de certains marchés. Selon le représentant de CPI, la stabilité du financement a permis d’élaborer et de mettre en place des stratégies pour accéder à chaque marché prioritaire. Selon les différents exportateurs, le support fourni par les activités de CPI financées par le gouvernement fédéral contribuait entre 5 et 30 % des ventes à l’exportation.

Recommandation 8

Le Comité recommande qu’Agriculture et agroalimentaire Canada étudie la faisabilité de transformer le volet générique du programme Agri-marketing en un fonds pluriannuel d’appui à l’exportation basé sur le modèle du Fonds de commercialisation internationale du porc.

Le second volet du programme Agri-marketing s’adresse aux petites et moyennes entreprises. Il finance une partie de leurs dépenses pour l'expansion des marchés et la promotion commerciale. La plupart de ces activités sont liées à des salons professionnels, à la publicité et au marketing d'exportation, et dans certains cas à la formation technique sur les tarifs, les procédures douanières, l'étiquetage, etc. L’analyse des dossiers semble être un point faible du programme, comme l’a souligné un témoin :

Les gens déposent des dossiers et ceux-ci sont envoyés à Ottawa. À partir de ce moment-là, il est très difficile de savoir ce qui se passe. C'est le néant total. On ne sait pas qui prend les décisions ni comment ça fonctionne[14].

Il semble que les délais avant qu’une décision ne soit prise soient assez longs et que les critères sur lesquels est basé l’octroi de fonds ne soient pas connus. La délocalisation de l’analyse des dossiers vers les bureaux régionaux d’AAC et la mise en place d’un groupe de travail gouvernement/industrie ont été suggérées comme solution pour dissiper les malentendus et améliorer l’analyse des dossiers.

Recommandation 9

Le Comité recommande qu’Agriculture et agroalimentaire Canada se penche avec l’industrie sur une procédure améliorée pour l’analyse de dossiers présentés dans le cadre du programme Agri-marketing pour les petites et moyennes entreprises.

Le Service des délégués commerciaux du Canada est le dernier élément des programmes de développement des marchés. À l'heure actuelle, 33 délégués commerciaux sont postés dans 13 marchés prioritaires où ils fournissent une aide sur le terrain aux entreprises canadiennes et aux individus canadiens exploitant ces marchés. Ils travaillent en étroite collaboration avec les entreprises pour les présenter à des contacts et pour leur signaler les débouchés sur ces marchés. Dans les autres consulats, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) emploie des délégués commerciaux qui rencontrent régulièrement, à l'échelle régionale, un responsable d’AAC.

Les témoins de l’industrie ont indiqué l’importance de ces services qu’ils utilisent fréquemment. La collaboration varie en fonction du marché. Par exemple dans un marché où l’industrie est bien établie, les délégués commerciaux peuvent fournir de l’information sur les nouvelles politiques et les intentions du gouvernement. Dans d'autres marchés moins connus, les délégués permettent d’identifier des distributeurs ou des acteurs du marché. Ce service revêt une importance particulière quand une entente de libre échange est conclue. Les délégués analysent les marchés pour identifier les débouchés, examinent les statistiques sur les importations et les exportations, et recueillent de l’information pour voir ce que l’industrie canadienne peut offrir. Par exemple, ils déterminent si c’est un marché où les entreprises canadiennes auraient à exercer une concurrence par les prix ou si elles pourraient se différencier du lot en proposant un produit canadien, ou qui possède d’un certain attribut, et éventuellement exiger des prix un peu plus élevés. Les délégués aident aussi les entreprises à valider les marchés et à promouvoir leurs produits.

B. Le marché intérieur

1. Situation du marché

Bien que le Canada soit un pays qui dépend du commerce agricole, l'ouverture de marché d'exportation n'est pas sans contrepartie puisque le marché canadien doit également s'ouvrir aux produits étrangers. De plus, le Canada est une destination préférentielle pour les exportations en raison de sa situation économique et de la valeur élevée du dollar canadien. Les agriculteurs canadiens doivent donc composer avec la concurrence des partenaires commerciaux qui produisent souvent à plus bas prix. On note ainsi une pénétration accrue des importations au Canada : par exemple, la part du marché des vins canadiens a diminué passant de 49 % en 1987 à seulement 32 % en 2011. Même les secteurs orientés vers l’exportation sont touchés : les importations de porc ont augmenté au point que 25 % de la consommation canadienne est maintenant importée.

Pour certaines productions, le marché canadien reste le débouché principal et les occasions d’affaires se trouvent au pays avant tout. Ce marché intérieur, qui absorbe la moitié de la production agroalimentaire canadienne, est en évolution rapide et présente des défis pour le secteur. Les témoins ont mentionné, entre autres, la concentration dans le marché du détail où 80 % du marché est contrôlé par quatre compagnies (ceci peut entrainer un déséquilibre entre les pouvoirs de négociation et peut créer des difficultés pour obtenir l’accès aux tablettes), la consolidation du secteur de la transformation et sa productivité plus faible par rapport à son concurrent américain. D’autres ont parlé de la difficulté d’identifier l’origine des produits ou de différencier les attributs du produit canadien de ceux du produit importé.

2. Initiatives

Les initiatives liées au marketing et au commerce dans le cadre Cultivons l’avenir ne sont pas traditionnellement orientées vers le marché intérieur. L’industrie se tourne plutôt vers des initiatives provinciales comme Ontario terre nourricière ou Aliments du Québec pour promouvoir les produits de leur région. Cela ne veut pas dire que Cultivons l’avenir 2 n’a pas de rôle à jouer pour aider le secteur à regagner des parts de marché au niveau national. Le cadre stratégique peut constituer une occasion de gérer la concurrence croissante du marché intérieur, et les représentants du ministère ont reconnu la possibilité d’étendre les programmes de Cultivons l’avenir au marché intérieur en définissant soigneusement les mandats fédéral et provinciaux. Par exemple, les entreprises canadiennes peuvent déjà utiliser l’image de marque Canada sur leurs produits vendus au pays. Selon le ministère, ce programme a permis de montrer que les participants pourraient accroître leur chiffre de vente et leur rentabilité en apposant la marque Canada sur leurs produits.

Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle pour appuyer l’industrie à fournir de l’information et à différencier ses produits par rapport aux aliments importés. Certains souhaiteraient que le programme Agri-marketing soit élargi afin d’inclure des programmes de commercialisation sur le marché national qui permettraient aux groupes de producteurs de promouvoir la sensibilisation des consommateurs et les encourager à acheter des produits locaux. Les discussions au sein des tables rondes sur les chaînes de valeur sont un endroit idéal pour établir des stratégies de marketing. Par exemple, l’industrie du porc tente de fonder sa stratégie pour le marché canadien sur la différenciation du produit. Elle va tenter d'offrir aux entreprises canadiennes une plateforme avec laquelle il sera possible de définir les attributs du porc canadien. Par la suite, les entreprises pourront elles-mêmes se différencier, et ce, aussi bien à l'échelle locale qu'à l'échelle internationale.

Recommandation 10

Le Comité recommande que Cultivons l’avenir 2 inclue un programme d’appui au développement et à la mise en place de stratégies de marketing à l’échelle nationale élaborées, par exemple, par les tables rondes sur les chaînes de valeur.

En ce qui concerne l’étiquetage, les représentants de l’industrie du porc trouvent regrettable qu’il ne soit pas aussi facile de connaitre l’origine de la viande que celle des fruits et légumes frais importés. La question de l’étiquetage du pays d’origine reste un enjeu délicat, car l’industrie souhaite donner l’information aux consommateurs, mais ne veut pas tomber dans les travers de l’étiquetage obligatoire du pays d’origine (aussi appelé COOL) mis en place aux États-Unis et que l’OMC a jugé être en contravention des règles commerciales internationales. D’autres ont souhaité que les critères pour utiliser la mention « Produit du Canada » sur les étiquettes soient révisés, car, selon eux, ils s’appliquent mal aux produits transformés. Il y a toutefois consensus sur le fait que Cultivons l’avenir 2 peut stimuler le marché intérieur en sensibilisant les consommateurs d'ici sur les raisons qui justifient de consommer des produits canadiens.

LES DEMANDES DES CONSOMMATEURS ET LES PRIORITÉS DE LA SOCIÉTÉ

A. La santé

Les consommateurs canadiens n’ont pas de demandes fondamentalement différentes de celles des consommateurs des autres régions du monde. Ils cherchent avant tout des aliments sûrs, nutritifs, bons pour la santé et savoureux. De nombreuses études soulignent l'importance de ces facteurs qui façonnent les décisions de consommation. Le lien entre agriculture, alimentation et santé est ce qui a motivé le développement au Canada des secteurs des produits naturels et des aliments fonctionnels, c'est-à-dire qui possèdent des attributs liés à la santé.

Le marché mondial des aliments fonctionnels se développe à un rythme qui surpasse celui du marché traditionnel des aliments transformés. Il s’agit maintenant d’une industrie de plusieurs milliards de dollars, et des estimations effectuées au Canada laissent supposer que le secteur canadien des aliments fonctionnels a le potentiel d’atteindre 50 milliards de dollars US[15].

Il va sans dire que les consommateurs s'attendent à ce que les produits soient salubres et que ce n’est pas quelque chose qui peut se vendre. Des études ont montré que les Canadiens ont confiance dans l’innocuité des aliments vendus au pays.

Ainsi, plus de 50 p. 100 des personnes interrogées ont indiqué une confiance totale ou élevée dans l'innocuité des aliments canadiens. Un autre groupe (35 p. 100) a dit avoir confiance dans une certaine mesure. D'après moi, de tels niveaux de confiance témoignent du fait que les citoyens en général s'attendent à ce que les systèmes de contrôle de l'innocuité des aliments gérés par les secteurs public et privé soient efficaces. À titre d'exemple, j'aimerais rappeler au comité la vitesse avec laquelle l'industrie et les différents ministères fédéraux et provinciaux ont réagi lorsqu'on a découvert des bovins infectés par l'ESB en mai 2003[16].

Cela ne veut pas dire que la vigilance n’est pas de mise. L’Association des consommateurs du Canada a indiqué que les consommateurs souhaitent que les mêmes normes soient appliquées aux denrées alimentaires qui sont consommées et produites au Canada qu'aux denrées alimentaires qui sont importées. Il faut préciser que les exigences de salubrité pour les produits importés et les produits canadiens sont les mêmes, mais que les méthodes d’inspection diffèrent. Les produits importés au Canada sont inspectés par les autorités du pays exportateurs, tout comme l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) inspecte les expéditions d’aliments destinés à l’exportation. L’ACIA s’assure que le système d’inspection du pays exportateurs est équivalent à celui du Canada en faisant des audits de vérification. L’ACIA peut ensuite inspecter les produits importés une fois qu’ils arrivent au pays et vérifier, par exemple, qu’il n’y a pas eu d’infractions liées aux conditions de transport, ou que les produits respectent les normes par rapport à la présence de certains produits chimiques.

Le Comité a toutefois entendu que l’ACIA n’inspecte en moyenne que 2 % des arrivages de produits agricoles au pays et que certaines de ces inspections ne sont pas directement liées à la salubrité des aliments; elles ont pour but, par exemple, d’empêcher l’entrée de maladies qui peuvent être dommageables pour les ressources agricoles canadiennes. Il faut noter que la fréquence d’inspection pour chaque type de produits est déterminée par une évaluation des risques. C'est-à-dire que les arrivages de produits considérés à risque sont inspectés plus fréquemment que ceux qui comportent un risque moindre. Alors que le gouvernement a dégagé des fonds pour engager plus de 700 nouveaux inspecteurs depuis 2006, le Syndicat de l’agriculture, qui représente les employés de l’ACIA doute qu’il y ait assez de ressources pour atteindre les fréquences d’inspections requises par l’analyse de risque.

L’industrie n’est pas en reste en ce qui concerne la salubrité des aliments. Grâce à l’appui de Cultivons l’avenir, les agriculteurs ont pu mettre en place des systèmes de salubrité des aliments à la ferme qui sont souvent exigés par les détaillants ou les transformateurs. Les détaillants ont également développé leurs propres normes de salubrité qui souvent dépassent celles de l’ACIA, mais le manque d’uniformité entre ces normes impose des coûts supplémentaires aux transformateurs : un fabricant qui fournit deux ou trois clients doit donc adapter sa ligne de production à chacun, sans pour autant que cela augmente son volume de vente. Le Comité est d’avis qu’un dialogue doit s’instaurer entre les différents acteurs de la chaîne pour essayer d’uniformiser ces normes privées.

En terme d’information nutritionnelle, l’étiquetage de la valeur nutritive des aliments transformés est obligatoire depuis 2005 et à compter d’août 2012, les consommateurs verront aussi des renseignements relatifs aux allergènes. L’industrie collabore aussi avec le gouvernement sur des initiatives de sensibilisation comme la Campagne d'éducation sur le tableau de la valeur nutritive, une campagne de sensibilisation multimédia, fondée sur un partenariat entre 34 entreprises membres et Santé Canada, qui vise à donner aux Canadiens les outils nécessaires afin de faire des choix alimentaires éclairés. Une suite à cette campagne est en cours.

L’innovation en matière de salubrité des aliments est aussi un moyen de répondre aux attentes des consommateurs en matière de santé. L’entreprise Bioniche a mis au point un vaccin pour le bétail qui réduit l'excrétion de la bactérie E. coli O157 et permettrait de prévenir les maladies chez les humaines. Une campagne nationale de vaccination permettrait d'accroître la confiance des Canadiens envers la salubrité des aliments et de réduire considérablement le coût annuel des soins de santé primaires et secondaires associés à la bactérie.

B. Le prix des aliments

Le prix des aliments suit de près les questions liées à la nutrition et à la santé dans les facteurs qui influencent les décisions d’achat. Les Canadiens dépensent de 10 à 12 % de leurs revenus disponibles sur les aliments, et il est reconnu qu’au Canada, cette part du revenu consacrée à l'alimentation est beaucoup plus modeste qu’ailleurs dans le monde.

Le système de gestion de l’offre reste un irritant pour certains témoins, notamment parce qu’il maintiendrait les prix plus élevés par rapport à ceux en vigueur aux États-Unis.

Le prix est également un élément important aux yeux des consommateurs. C'était en fait l'élément qui venait au deuxième rang dans la liste de priorités. Nous savons tous qu'il y a quelque chose qui cloche quand vous pouvez acheter un gallon de lait aux États-Unis pour la moitié du prix que vous devez payer au Canada. Vous pouvez acheter du poulet aux États-Unis à moitié le prix du Canada. Et tout cela est encore pire quand le dollar canadien atteint la parité avec le dollar américain, ce qui est le cas aujourd'hui. Ça fait déjà cinq ans que nous travaillons dans ce dossier, mais le fait est que vous pouvez toujours acheter ces produits à moitié prix de l'autre côté de la frontière. Nous voudrions vraiment que le gouvernement agisse dans ce secteur[17].

Les Producteurs laitiers du Canada ont fait remarquer qu’au cours de la dernière décennie, les prix au Canada ont été inférieurs jusqu’à plus de 40 % à ceux en vigueur aux États-Unis. De plus, la gestion de l’offre maintient la stabilité des prix, ce qui est utile à toute la chaîne d'approvisionnement pour contrer la volatilité des marchés mondiaux. Alors que d'autres gouvernements doivent offrir des subventions (5 milliards de dollars aux États-Unis), un transfert direct des contribuables aux agriculteurs pour contrer cette volatilité, le système de gestion de l’offre ne coute presque rien au trésor public, et les consommateurs canadiens ne paient qu'une seule fois pour la valeur réelle de leurs produits.

L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires (ACRSA) a toutefois identifié certaines conséquences de la gestion de l’offre sur les opérations de ses membres. Par exemple, en vertu des règles tarifaires en vigueur, les producteurs de pizzas surgelées au Canada peuvent acheter leur fromage mozzarella canadien à un fort taux d'escompte afin de les aider à concurrencer les importations de pizzas surgelées américaines qui arrivent au pays exemptées de droits de douane. Or les restaurants n'obtiennent pas un tel escompte alors qu’ils sont en concurrence avec ces pizzas surgelées. En ce qui concerne le poulet, l’ACRSA a aussi indiqué la difficulté d’obtenir un produit avec les caractéristiques que les restaurateurs recherchent. De plus, le système de répartition des quotas ne permettrait pas aux provinces qui connaissent une forte croissance démographique d’élever plus de poulet pour répondre à la demande de leur population.

Le Comité est d’avis que les problèmes identifiés ici peuvent être résolus au sein du système de gestion de l’offre sans avoir à remettre celui-ci entièrement en cause. Le Comité encourage donc l’industrie à discuter et trouver des formules de calcul de quotas qui permettraient de répondre plus facilement aux demandes des utilisateurs et d’accommoder les zones à plus forte croissance démographique.

C. La provenance des aliments et les méthodes de production

1. La provenance des aliments

La provenance des aliments a fait l’objet de nombreuses discussions lors des réunions du Comité. D’une manière générale, les témoins reconnaissent que les consommateurs tendent à privilégier les produits canadiens.

Le groupe responsable de l'image de marque du Canada a réalisé une étude très intéressante. […] Cette étude démontre clairement que les consommateurs canadiens préfèrent les produits canadiens, à partir du moment où ils se vendent plus ou moins au même prix que les autres produits. On parle ici d'une différence de 10 p. 100[18].

Plus particulièrement, plusieurs témoins ont mentionné une augmentation de la demande pour les produits locaux, illustrée par le mouvement écogastronomique ou la diète de 100 milles. Bien qu’il n’y a pas de définition unanime sur ce que constitue la zone géographique pour qu’un produit soit considéré local (pays, province, 100 milles, etc.), ce n’en ait pas moins un attribut que certains consommateurs recherchent. Les visions s’opposent à savoir si le mouvement vers une alimentation locale restera un marché de niche ou s’il constitue une évolution plus profonde de la demande.

Pour un certain nombre de témoins, la difficulté d’offrir des aliments produits localement vient du manque d’infrastructures de transformation et de canaux de distribution appropriés pour acheminer les produits vers les consommateurs. Au niveau national, l’industrie de la transformation canadienne est devenue moins compétitive avec des taux de change élevés. Selon des études citées devant le Comité, elle est en moyenne de 40 % moins productive que celle des États-Unis. La capacité de transformation régionale a quant à elle peu à peu disparue. Les représentants de l’industrie ont mentionné la difficulté d’obtenir des capitaux pour améliorer la productivité, automatiser et moderniser les installations, et soutenir la concurrence. La difficulté de l’accès aux capitaux est parfois liée au risque propre à certains marchés plus incertains. L’appui au secteur de la transformation, en créant des possibilités d'investissement dans des infrastructures de transformation de petite et moyenne taille ou en aidant la modernisation des installations existantes, est vu comme un moyen d’aider les agriculteurs locaux à avoir accès aux marchés où la demande pour leurs produits est en pleine croissance.

En ce qui concerne la commercialisation, des témoins ont indiqué que les canaux de distribution actuels ne sont peut-être pas les meilleurs pour faire entrer des produits régionaux dans les grandes chaînes d'épiceries nationales. Des groupements de producteurs agissant de concert au niveau d’une région peuvent toutefois réussir à approcher les grands distributeurs. Les carrefours alimentaires régionaux[19] sont aussi un moyen de faire le lien entre les producteurs et les clients de grande taille, comme des institutions publiques. Le Comité a entendu parler notamment de l’initiative FoodShare, un groupe établi à Toronto qui s'approvisionne en fruits et légumes auprès de producteurs locaux pour ensuite les revendre à un prix abordable à une centaine d'écoles de la métropole. Les marchés de producteurs offrent également un canal de distribution supplémentaire aux agriculteurs.

Année après année, les marchés fermiers de la Colombie-Britannique sont plus nombreux; nous en représentons aujourd'hui plus de 100. Il s'agit de l'un des canaux de distribution des petits et moyens agriculteurs, en plus des restaurants, de la vente en gros et des ventes directes de l'exploitation agricole. Souvent, les agriculteurs qui vendent directement aux consommateurs dans les marchés fermiers obtiennent jusqu'à deux fois plus d'argent pour un produit que si celui-ci était vendu en gros[20].

L’augmentation du nombre de marchés de producteurs, et la création de carrefours alimentaires régionaux témoignent du dynamisme du secteur à tenter de satisfaire le marché de l’alimentation locale. Les témoignages sur ces initiatives montrent aussi qu’une partie du secteur agricole et agroalimentaire souhaiterait que l’existence d’une agriculture tournée vers la demande de proximité bénéficie d’une plus grande reconnaissance des politiques gouvernementales.

2. Les méthodes de production des aliments

Les consommateurs sont de plus en plus intéressés à la manière dont sont produits les aliments. Ils sont de plus à plus à la recherche d’aliments produits selon des méthodes plus respectueuses de l’environnement ou des animaux, comme les produits biologiques.

Le secteur canadien des produits biologiques est en croissance rapide, avec un marché national estimé à 2,6 milliards de dollars par an, soit un accroissement de 160 p. 100 en quatre ans[21].

[L]a vente d'œufs pondus par des poules en cages a chuté de près de 4 p. 100, alors que les ventes d'œufs pondus par des poules en liberté et des œufs biologiques ont augmenté de 7 et 14 p. 100 respectivement. Il est important de noter que l'étiquetage n'a pas eu d'impact négatif sur les ventes totales d'œufs, qui ont augmenté de 1,2 p. 100[22].

L’industrie s’adapte à ces nouvelles tendances comme l’ont illustré les témoins à plusieurs reprises : l’industrie de la transformation cherche à promouvoir et à mettre en valeur les réalisations collectives en matière de durabilité de l’environnement; Cultivons l’avenir a financé un certain nombre d’initiatives au niveau des exploitations pour la mise en place de plans environnementaux à la ferme; au niveau de la grande distribution, de nombreuses marques ont leurs lignes de produits biologiques; et les grandes chaînes de restaurants, de fournisseurs alimentaires, et de supermarchés, ont mis en place des mesures concrètes pour améliorer le bien-être des animaux, en utilisant et en vendant davantage d'œufs pondus par des poules en liberté et de porcs élevés autrement qu'en cage.

Les défis pour répondre à ses demandes existent. L’augmentation de la demande en produits biologiques au pays est principalement satisfaite par des importations. Le coût de transition vers l’agriculture biologique est souvent cité comme un obstacle au développement de ce secteur, car pendant les années de transition le producteur ne peut vendre ses produits comme biologiques et n’obtient pas de prix supérieur. Dans d’autres cas, la transition vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement ou du bien-être des animaux ne permet pas toujours d’obtenir un prix plus élevé du marché et la question se pose sur qui, dans la chaîne de production, doit supporter ce coût.

3. Répondre aux demandes

Les demandes des consommateurs sont multiples et par conséquent le marché est de plus en plus fragmenté. Un témoin l’a illustré en parlant d’une évolution du marché d’un monde de marchandise vers un monde de produits qui s’adressent à une infinité de groupes de consommateurs. Chaque ménage a ses goûts et ses préférences uniques et il est donc plus difficile pour l'industrie alimentaire de répondre à ces demandes croissantes.

Les témoins ont envisagé un certain nombre de solutions pour appuyer les efforts d’adaptation du secteur agricole et agroalimentaire canadien. Certains ont proposé un système de prêts pour la modernisation des entreprises de transformation, par exemple en bonifiant l’initiative Agri-transformation à un niveau similaire à celui de l’Initiative pour un investissement écoagricole dans les biocarburants. D’autres ont proposé un programme d’appui à la création de carrefours alimentaires régionaux ou de marchés permanents, et la création de fonds de transition vers l’agriculture biologique, ou vers des méthodes d’élevage plus respectueuses des animaux

La déclaration de Saint Andrews fixe clairement « répondre aux demandes des consommateurs concernant les attributs des produits » comme un de ses objectifs. Cultivons l’avenir 2 devrait comporter des outils spécifiques afin d’aider le secteur à atteindre cet objectif. Le Fonds de flexibilité pour l’agriculture et le Programme canadien d’adaptation agricole (PCAA) sont déjà des initiatives qui facilitent l’adaptation du secteur et l’aident à saisir des occasions et satisfaire des débouchés émergents. Ces deux programmes laissent le secteur définir ses priorités en proposant ses propres initiatives. Par exemple, l’initiative Agri-transformation qui vise la modernisation des entreprises de transformation est financée par le Fonds Agri-flexibilité. Ces deux programmes se termineront en mars 2014 soit un an après le renouvellement de Cultivons l’avenir.

Recommandation 11

Le Comité recommande que des programmes soient intégrés à Cultivons l’avenir 2 avec comme objectif de permettre au secteur agricole et agroalimentaire canadien de s’adapter et de répondre aux demandes des consommateurs.

DES ENTREPRISES COMPÉTITIVES

Les représentants du ministère de l’Agriculture et Agroalimentaire définissent la compétitivité comme étant un secteur qui est adaptable et durable ayant une plus grande part de marché tant sur la scène nationale qu’internationale. Afin d’assurer la compétitivité du secteur agricole canadien sur le marché national et international, certaines mesures ont été mises en place dans le cadre de Cultivons l’avenir. Ces mesures consistent à renforcer les compétences et les stratégies d’affaires des agriculteurs en plus de s’attaquer aux problèmes qui nuisent à leur compétitivité tels que les obstacles réglementaires. Étant orienté principalement vers les marchés d’exportations, il importe aussi au secteur agricole de pouvoir bénéficier d’un service ferroviaire fiable lui permettant d’accroître sa position concurrentielle.

A. L’harmonisation de la réglementation

Les différents règlements internationaux menacent la position concurrentielle du Canada sur les marchés mondiaux. Les témoins ont noté que les produits canadiens destinés à l’exportation sont sévèrement réglementés contrairement aux produits importés au Canada. Ils trouvent cette situation injuste. De plus, tous ces règlements viennent compliquer les échanges commerciaux et affecter la compétitivité canadienne.

Il faut se rappeler que bien des pays ont une réglementation semblable à la nôtre pour ce qui est de l'utilisation de produits chimiques et de pesticides, mais ils ne la mettent pas en application. Ici, nous le faisons. Si vous cultivez des produits agricoles dans l'une ou l'autre des provinces canadiennes, vous devez vous conformer à la Loi sur les produits antiparasitaires, administrée par l'ARLA. Vous devez aussi détenir un permis provincial pour appliquer des pesticides et respecter les lois provinciales régissant leur utilisation. Toutes ces mesures législatives sont mises en application, peut-être pas autant que certains le voudraient, mais elles le sont. Et les producteurs, comme les consommateurs canadiens, s'attendent à ce que ce soit ainsi[23].

Le secteur agricole doit respecter non seulement les nombreux règlements canadiens, mais également les normes internationales s’il désire accéder aux marchés étrangers. En raison des différences dans la règlementation internationale, par exemple des limites maximales de résidus de pesticides qui diffèrent d’un pays à l’autre, les témoins ont suggéré l'adoption d'une approche mondiale d'homologation des pesticides.

Dans le secteur alimentaire, certains témoins remettent en cause la validité et l’efficacité de la réglementation canadienne, car elle n’a subi aucune mise à jour depuis des décennies. Ces témoins encouragent le gouvernement canadien à moderniser rapidement la réglementation sur les aliments. Selon les témoins, l’approbation de nouveaux produits alimentaires au Canada accuse un retard de 5 à 10 ans sur les autres pays industrialisés tels que les États-Unis, l’Union européenne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, etc. Le processus d’homologation de nouveaux médicaments vétérinaires et de pesticides connaît le même problème relié au délai d’approbation. Cette longue attente contribue à diminuer considérablement la compétitivité de l’ensemble de l’industrie agricole et alimentaire. Plusieurs témoins croient que l’harmonisation des processus réglementaires entre les gouvernements étrangers et le gouvernement canadien renforcerait l’avantage concurrentiel du secteur agricole canadien.

Plusieurs entreprises agricoles éprouvent également beaucoup de difficulté à demeurer compétitives en raison des nombreux règlements stricts qui leur sont imposés. Certains témoins ont fait appel à la prudence vis-à-vis de l’implantation de nouvelle réglementation sur la compétitivité du secteur agricole.

La réglementation est un aspect essentiel de notre industrie pour garantir la sécurité et les possibilités de commercialisation de nos produits, mais elle doit être mise en place de façon prudente et consciencieuse. Nous avons vu, par le passé, que le fait de créer et d'appliquer des règlements plus stricts que dans d'autres administrations vient nuire à notre compétitivité. Pour être concurrentiels sur le plan national et international, nous devons être prudents et éviter de nous retrouver dans une position où la réglementation viendrait limiter notre compétitivité. Il est plus facile de créer un règlement que d'en modifier ou d'en éliminer un, et c'est pourquoi l'adoption de tout règlement doit se faire en fonction de résultats scientifiques et du bon sens[24].

Certains témoins ont indiqué que les petits abattoirs ont cessé d’être efficaces et concurrentiels parce qu’ils ne respectaient pas les normes. D’autres témoins soutiennent que le fardeau réglementaire nuit plutôt à la compétitivité des petits abattoirs. En effet, les petits abattoirs doivent gérer à la fois la réglementation provinciale et fédérale qui n’est souvent pas appropriée à leurs activités modestes. D’après ces témoins, il n’est pas nécessaire d’appliquer dans de petits abattoirs toutes les mesures réglementaires mises en place dans les grandes usines.

Les exigences réglementaires imposées dans une approche de type « prêt-à-porter » ne conviennent pas aux petits transformateurs. La réglementation doit être ajustée à l'échelle de l'exploitation. L'une des aberrations réglementaires qui résultent de la disparité de la capacité de transformation est la situation actuelle du secteur des abattoirs au Canada. L'industrie artisanale du fromage au Québec est un exemple encourageant du succès de l'industrie de la transformation à petite échelle. Le gouvernement devrait en tirer des leçons[25].

L’ACIA essaie toutefois d’améliorer cet aspect de la réglementation, entre autres par le développement de règlements sur la salubrité des aliments axés sur les résultats. Ces règlements énonceraient les résultats attendus, par exemple l’absence d’une bactérie pathogène dans la viande, plutôt que les moyens à mettre en place pour atteindre ces résultats. Ceci permettrait à une entreprise d’adapter ses pratiques en fonction de sa taille et de ses moyens, sans compromettre l’objectif de la réglementation.

Dans le secteur de la viande, par exemple, nous avons essayé de modifier le modèle actuel qui est très normatif et qui constitue un obstacle pour certaines petites entreprises. Nous voulons arriver à un modèle axé sur les résultats qui serait mieux adapté aux caractéristiques uniques des petites entreprises afin de promouvoir leur capacité de livrer concurrence sur le marché interprovincial d'abord, et par la suite si elles le désirent, sur le marché international grâce à un enregistrement fédéral[26].

Recommandation 12

Le Comité recommande que le gouvernement s’efforce de créer des équivalences pour les règlements sur la salubrité des aliments de ses partenaires commerciaux, de mettre au point des processus permettant d’améliorer la compatibilité en matière de réglementation et d’accepter les preuves scientifiques d’autres pays lorsque cela est approprié et correspond aux normes canadiennes.

B. Les compétences et les stratégies d’affaires

L’agriculture canadienne est confrontée à une diminution du nombre de fermes de même qu’à une population agricole vieillissante. D’ailleurs, l'âge moyen des agriculteurs se situe vers la fin de la cinquantaine. Recruter la relève agricole et les nouveaux agriculteurs représente tout un défi pour le secteur. Plusieurs témoins ont mentionné que la forte capitalisation en agriculture et la difficulté d’accéder au financement agricole constituent des obstacles majeurs à l’établissement de la relève agricole et de nouveaux agriculteurs.

Par exemple, il arrive souvent que les candidats à l'agriculture, qu'il s'agisse de nouveaux Canadiens ou non, comme vous l'avez fait remarquer à juste titre, n'aient pas accès à des ressources financières. Même s'ils ont un bon plan d'affaires, c'est difficile pour eux de répondre aux exigences des programmes gouvernementaux et aussi d'obtenir des prêts d'entreprise. De plus, les relations qui sont ainsi créées entre les agriculteurs qui quittent leur ferme et ceux qui font leur entrée en agriculture sont plutôt informelles. L'aspirant agriculteur n'a pas ce qu'on considère être le niveau requis d'actif agricole pour être admissible aux programmes gouvernementaux. C'est une faille singulière dans la réglementation dans laquelle tombent bien des gens. Il faut réévaluer ce qui constitue un actif agricole et envisager un certain type de financement de démarrage pour aider les jeunes agriculteurs à s'établir et à accumuler du capital tandis qu'ils s'embarquent dans une nouvelle entreprise[27].

Afin de favoriser l’établissement des nouveaux agriculteurs ainsi que de la relève agricole, il existe divers programmes d’aide mis en place par les gouvernements et différents organismes agricoles. Les institutions financières ont développé des produits tels que des prêts de transition qui aide au transfert intergénérationnel et des produits financiers destinés aux nouveaux agriculteurs[28]. De plus, la Loi canadienne sur les prêts agricoles permet aux agriculteurs jeunes et débutants d’avoir accès au capital pour investir dans leur ferme. La relève agricole peut bénéficier de certains avantages fiscaux, soit une exemption de 750 000 dollars sur les gains en capital lors du transfert intergénérationnel. D’un autre côté, le secteur de la gestion de l’offre facilite l’établissement de nouveaux agriculteurs en leur attribuant un prêt de quota pour une période déterminée. Malgré ces dispositions, les témoins soutiennent que cela ne résout pas tous les problèmes auxquels sont confrontés la relève agricole et les nouveaux agriculteurs.

Selon les témoins, la production biologique attire de nombreux nouveaux agriculteurs. En général, les nouveaux agriculteurs biologiques démarrent leur entreprise sur de petites superficies, car cette pratique est abordable et ne requiert pas d’énorme investissement. Cependant, le prix exorbitant des terres de certaines régions est une barrière importante à l’établissement des agriculteurs débutants. Afin de faciliter le démarrage de leur entreprise, les agriculteurs débutants se munissent souvent d’un solide plan d’affaires. Toutefois, d’après certains témoins, le nombre d’agriculteurs qui possèdent un plan d’affaires est peu élevé.

Les représentants de la Fédération des groupes conseils agricoles du Québec et de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante ont constaté que moins de 20 % des agriculteurs disposent de plan d’affaires et de plan de relève officiel. Parmi les producteurs qui ont rédigé un plan d’affaires, 71 % d’entre eux l’ont utilisé dans le but d’obtenir un prêt auprès des institutions financières. Cette situation inquiète certains témoins, car ils estiment que cela risque d’avoir une incidence sur la compétitivité à long terme du secteur agricole. Les témoins déplorent non seulement le nombre restreint d’agriculteurs qui se dotent d’un plan d’affaires, mais également le nombre peu élevé de producteurs qui sollicitent les services-conseils. Souvent, ceux qui font appel à ces services sont des agriculteurs en grande difficulté financière. D’ailleurs, les entreprises agricoles du Québec qui éprouvent des difficultés majeures ont accès aux services en gestion agricole subventionnés dans cadre des programmes de la Stratégie de soutien à l’adaptation des entreprises agricoles. Cette stratégie privilégie une approche multidisciplinaire qui vise à améliorer la rentabilité des entreprises agricoles visées.

Parmi les programmes de soutien des services-conseils en gestion, notons également le Programme d'appui au développement des entreprises agricoles lié à Cultivons l’avenir. Ce programme vise à aider les producteurs agricoles à relever le défi d’une agriculture durable et compétitive. Le programme propose différentes activités dont l’accompagnement des agriculteurs pour le développement de leur entreprise, l’adoption de meilleures pratiques de gestion, le développement des connaissances, etc.

Un fort consensus parmi les témoins porte sur l’importance de la formation dans le développement des habiletés et compétences d’un gestionnaire d’entreprise agricole. D’après les témoins, la formation contribue à améliorer la compétitivité du secteur agricole. Plusieurs initiatives de formation et d’apprentissage ont été entreprises afin de renforcer la compétence et les stratégies des agriculteurs. L'Organic Farming Institute a développé des cours en production biologique ainsi qu’un programme de mentorat sur la ferme qui favorise le transfert des connaissances. Plusieurs petites organisations non gouvernementales notamment Farmstart aident les apprentis agriculteurs à acquérir des compétences en agronomie et en marketing pour se lancer en affaires. Cependant, certains témoins ont noté que la formation continue n’est pas souvent disponible à la clientèle agricole, car il est difficile pour cette dernière de s’absenter de la ferme pour suivre des cours. Par ailleurs, certains organismes ont ajusté leur service en fonction des besoins particuliers des agriculteurs. Ces organismes offrent des outils en ligne permettant ainsi aux agriculteurs de participer aux séminaires ou suivre des cours à leur convenance.

Nous comptons comme partenaire une université virtuelle et nous offrons d'ailleurs à nos membres un certain nombre de cours de commerce en ligne portant sur la gestion des affaires, la planification de la relève, la sécurité agricole — ce genre de sujets de nature commerciale. Essentiellement, de nombreuses questions commerciales touchent nos agriculteurs, et ils tirent certainement parti des programmes de formation en ligne que nous offrons à l'intention de nos membres. Nous mettons aussi à la disposition de nos membres un réseau de conseillers en ressources opérationnelles de partout au pays qui peuvent les aider à régler certaines de ces questions et leur fournir le guide de la relève ainsi que des conseils afin d'aller de l'avant. Certes, nous ne prodiguons pas à nos membres de conseils comptables ni quoi que ce soit du genre, mais nous leur fournissons les outils nécessaires pour qu'ils puissent amorcer la conversation concernant certains de ces sujets difficiles, comme vous l'avez mentionné.[29].

Recommandation 13

Le Comité recommande que Cultivons l’avenir 2 comporte des programmes spécifiques d’appui à l’établissement de nouveaux agriculteurs, à la formation continue et l’apprentissage ainsi qu’aux organisations vouées à la promotion et la livraison des services-conseils en gestion agricole.

C. Le transport ferroviaire

Le système ferroviaire revêt une importance fondamentale dans la compétitivité de l’agriculture canadienne qui est axée sur le commerce d’exportation. Étant donné que le secteur des grains exporte la majorité de ses produits par train, il importe de pouvoir compter sur un service ferroviaire fiable et efficace afin d’assurer sa position concurrentielle. Toutefois, plusieurs témoins ont constaté que les trains de marchandises ne permettent pas aux agriculteurs d’acheminer leurs produits à destination à temps contrairement aux trains de passagers qui respectent les horaires. Ce retard nuit considérablement à la compétitivité du secteur céréalier canadien.

Nos acheteurs attendent qu’on leur livre le produit devant leur porte à un moment précis. On nous donne un échéancier que nous essayons de respecter. Tout le processus de livraison entre en jeu, notamment le transport ferroviaire. Nous devons réserver des wagons. Nous commandons la marchandise devant être expédiée. Les sociétés ferroviaires nous disent quand elles livreront et nous coordonnons en conséquence l’embarquement de la marchandise dans les navires. Le problème apparaît quand les trains sont en retard. Soit ils n’arrivent pas à l’heure, soit ils ne prennent pas les wagons à temps. Il n'y a pas de répercussions pour les sociétés ferroviaires, mais il y en a pour tous les autres dans le système, et alors les coûts sont reportés sur l’agriculteur. Nous n’avons jamais pu imposer quoi que ce soit aux sociétés ferroviaires, ce sont elles qui nous imposent leurs horaires[30].

Le transport des grains se heurte à des obstacles non seulement de nature ferroviaire, mais également portuaire. En effet, il arrive que les conteneurs soient refusés lorsqu’ils arrivent dans les installations portuaires, car les compagnies de navigation font des réservations qui sont 40 p. 100 supérieur à leur capacité de chargement. De plus, les grains destinés aux marchés étrangers qui se trouvent dans les ports canadiens subissent obligatoirement des inspections de la Commission canadienne des grains tandis que les produits céréaliers expédiés directement aux acheteurs américains ne sont pas tenus d’être inspectés. Les témoins croient que ce processus d’inspection place le secteur des grains dans une position concurrentielle défavorable. Lorsque les agriculteurs ne respectent pas leur engagement de livrer le produit pour une date donnée, les clients risquent de se tourner vers les concurrents. De plus, le retard de livraison entraîne des pénalités qui font réduire le prix obtenu des grains.

Une étude effectuée par les acheteurs étrangers rapporte que le soya canadien destiné à la consommation humaine coûte plus cher que le soya américain. À première vue, cette différence de prix est attribuable au taux de change. Cependant, une analyse plus poussée indique que cet écart de prix est dû principalement au taux ferroviaire.

Cette étude informelle des taux de transport océanique de conteneurs comparant Toronto, Chicago et Columbus, en Ohio, révèle que les firmes canadiennes paient jusqu'à 530 $ de plus que les taux de frais publiés à partir de Chicago ou de Columbus pour la même destination mondiale. En discutant avec divers entrepreneurs de transport et transporteurs maritimes, il ressort très clairement que la différence entre les taux de transport américains à partir de Chicago et de Columbus comparativement à Toronto est imputable aux taux ferroviaires. La situation a de graves répercussions sur la compétitivité du soya canadien sur le marché mondial[31].

Certains témoins recommandent au Comité de se pencher sur la question du tarif des marchandises conteneurisées de l’Est du Canada qui pourrait avoir des répercussions néfastes sur les revenus des agriculteurs, des compagnies céréalières, des transformateurs et des transporteurs. Certains témoins croient que le Canada possède un bon système ferroviaire, mais qu’il est tout simplement mal exploité. Plusieurs témoins croient toutefois que l’inefficacité du transport ferroviaire amenuise la compétitivité du secteur agricole du Canada. Ils sont d’avis qu’il faut améliorer l’efficacité du système ferroviaire afin que le secteur agricole canadien soit concurrentiel et ait accès aux marchés mondiaux. D’autres ont proposé de remplacer les wagons existants.

La façon la plus efficace d'améliorer la compétitivité des céréaliculteurs de l'Ouest du Canada consiste à remplacer le parc actuel de wagons céréaliers. Ceux-ci ont atteint la fin de leur vie utile et sont à la fois désuets et inefficaces à plusieurs égards: leur conception est démodée; leur capacité de transport est inférieure; leurs dispositifs de chargement et de déchargement sont inefficaces; leur configuration dimensionnelle est dépassée; en raison de leur âge, leur coût de réparation et d'entretien est élevé, à cause des pièces de rechange désuètes[32].

Les nouveaux wagons sont plus légers et peuvent transporter une charge beaucoup plus importante que les anciens wagons, ce qui accroît leur efficacité et engendre une diminution de l’empreinte de carbone. Il est donc intéressant pour le secteur agricole canadien de pouvoir compter sur des wagons modernes plus efficaces. Cependant, cette efficacité doit se traduire sur l’ensemble du système ferroviaire permettant aux agriculteurs de respecter leur engagement de livrer leurs produits aux clients à un moment précis.

Le rapport final de l’examen des services de transport ferroviaire a été publié en janvier 2011. Ce rapport, demandé par le ministre des Transports, examine les problèmes et les questions de service liés au réseau logistique ferroviaire au Canada et propose des recommandations visant à améliorer l’efficience, l’efficacité et la fiabilité du service au sein du réseau. De nombreuses questions identifiées par les témoins pendant l’étude du Comité sont traitées dans ce rapport.

Recommandation 14

Le Comité recommande que le gouvernement fasse rapport au Comité sur les actions qu’il a mises en place suite au rapport sur l’examen des services de transport ferroviaire.

Recommandation 15

Le Comité recommande que le gouvernement examine l’état actuel du parc canadien de wagons ferroviaires pour le transport des céréales, et débute la planification du renouvellement de ce parc avec un wagon plus moderne qui augmentera l’efficacité et la productivité du parc de wagons ferroviaires du gouvernement tout en diminuant son empreinte environnementale.

LA GESTION DES RISQUES DE L’ENTREPRISE

La gestion du risque est l'un des aspects les plus importants pour toute entreprise, surtout dans le secteur agricole où les risques sont énormes et peuvent avoir des répercussions sur la rentabilité et la viabilité des exploitations agricoles. Afin de réduire les pertes de revenus dues aux événements imprévisibles tels que les aléas naturels, les maladies, les fluctuations du marché, etc., le gouvernement canadien offre divers outils de gestion des risques aux agriculteurs. Ces outils incluent la gestion de l’offre et les programmes de GRE. Offerts aux agriculteurs depuis 2007, les programmes de GRE constituent une composante importante de la politique agricole canadienne et comprennent quatre principaux programmes : Agri-stabilité, Agri-investissement, Agri-protection et Agri-relance. Le programme de paiements anticipés (PPA) vient compléter les programmes de GRE.

A. La gestion de l’offre

Cultivons l’avenir reconnaît le système de gestion de l’offre pour les productions réglementées (lait, volaille, œufs) comme un programme de GRE bien qu’il n’y ait pas de financement à la clé.

Actuellement, le système de gestion de l'offre ne coûte presque rien à la collectivité, à l'État. Il y a certains petits programmes qui touchent la gestion de l'offre, mais ils sont marginaux, ils ne représentent pas une somme importante[33].

Parmi les programmes de GRE, les agriculteurs de la production contingentée ne sont couverts que par le programme Agri-stabilité en cas de catastrophe importante, c’est-à-dire lorsque leur marge de production subit une diminution supérieure à 30 p. 100. Les producteurs de la gestion de l’offre reçoivent des compensations au même titre que les productions non réglementées. Cependant, on observe un faible taux de participation des producteurs sous gestion de l’offre au programme Agri-stabilité.

Depuis sa mise en place dans les années 1970, la gestion de l’offre procure une stabilité de revenus aux producteurs de lait, volailles et œufs. Le mécanisme de la gestion de l’offre repose sur trois piliers : l’encadrement de la production, la fixation des prix à la production et le contrôle des importations. Bien que la gestion de l’offre ait fait la une de plusieurs médias en raison des négociations commerciales, plusieurs témoins sont persuadés que le gouvernement canadien appuie fermement la gestion de l’offre.

Les Producteurs de poulet du Canada apprécient le soutien important du gouvernement du Canada et de tous les partis d'opposition en matière de gestion de l'offre. Nos producteurs ont confiance en la capacité du gouvernement de préserver notre système de gestion de l'offre lors des négociations commerciales, comme les négociations en vue d'un accord économique et commercial avec l'Union européenne et le Partenariat transpacifique qui s'annonce.

Le Canada a déjà réussi à négocier neuf accords commerciaux afin d'ouvrir les marchés et, dans chacune de ces ententes, a su préserver la gestion de l'offre[34].

Recommandation 16

Le Comité recommande que le gouvernement continue de démontrer son appui au système de gestion de l’offre en le défendant lors des négociations commerciales.

B. Les programmes

Dans le cadre de Cultivons l’avenir, le gouvernement fédéral a travaillé avec les provinces pour concevoir une série de programmes à coûts partagés entre les gouvernements FTP. Depuis le lancement du programme en 2007, les gouvernements FTP ont accordé plus de 8,5 milliards de dollars dans le cadre des programmes de GRE. Les dépenses fédérales annuelles d’Agri-stabilité oscillent entre 400 et 600 millions de dollars, et Agriculture et Agroalimentaire Canada attribue en moyenne de 160 à 200 millions de dollars au programme Agri-investissement. De plus, le gouvernement injecte de 450 à 550 millions de dollars annuellement dans le programme Agri-protection. En ce qui concerne Agri-relance, le gouvernement a prévu un budget de125 millions de dollars cette année, mais a versé environ 450 millions de dollars l’an dernier. Le montant alloué dans le cadre du programme Agri-relance varie d’une année à l’autre étant donné que c’est un programme axé sur les évènements. Le tableau 2 brosse un portrait des chiffres actuels tels que fournis par les représentants d’AAC.

Tableau 2: Contributions annuelles fédérales, provinciales et territoriales aux programmes
de gestion des risques de l’entreprise (millions de dollars) en date du 29 février 2012

Programme

2007

2008

2009

2010

2011

Total

Agri-stabilité

704,8

750,7

909,4

454,3

54,9

2874,1

Agri-investissement

286,8

299,3

304,4

231,7

N/D

1122,2

Agri-protection

582,5

813,4

818,4

764,4

754,9

3733,6

Agri-relance

8,1

66,3

7,1

416,3

356,4

854,2

 
 
 
 
 

TOTAL

8 584,1 $

Source : Agriculture et Agroalimentaire Canada

Note : Le traitement des données des programmes Agri-investissement et Agri-stabilité pour les années de programme 2010 et 2011 n’est pas terminé. De plus, le gouvernement fédéral a fourni 563 millions de dollars sous la forme d’un paiement ponctuel afin de permettre le démarrage des comptes Agri-investissement

Un grand nombre de témoins ont souligné l’importance des programmes de GRE en tant qu’outil essentiel dans la protection des baisses de revenus agricoles. D’ailleurs, l’Association des banquiers canadiens encourage fortement les agriculteurs à participer aux programmes de GRE afin de pouvoir gérer leurs risques, car ces programmes fournissent un coussin de sécurité tant pour le producteur que le banquier. Ce dernier évalue l’entreprise agricole en tenant compte de certains critères, notamment des programmes de GRE auxquels souscrivent les producteurs en plus de la santé financière de l’entreprise, les perspectives d’avenir du secteur ainsi que les perspectives économiques en général. Plusieurs témoins soutiennent que les programmes de GRE doivent être reconduits. Cependant, certaines améliorations devraient être apportées aux programmes existants afin de soutenir plus efficacement le secteur agricole.

En résumé, je pense que les programmes existants ont assez bien fonctionné en ce qui concerne la gestion des risques dans notre secteur. On doit poursuivre les efforts en vue d'améliorer l'exécution des programmes de GRE, en favorisant une gestion au niveau régional et en accélérant le traitement des demandes. Il faut absolument maintenir des marges de référence raisonnables dans Agri-stabilité et des niveaux de production raisonnables dans Agri-protection si nous voulons gérer le risque de façon appropriée[35].

Bien que les programmes de GRE soient accueillis favorablement par plusieurs agriculteurs, il demeure que ces programmes comportent des limites. Plusieurs témoins ont critiqué la lourdeur administrative de certains programmes de même que la lenteur des compensations. De plus, il est souvent difficile d’estimer le montant des versements. Plusieurs témoins sont d’avis que le calcul de la marge de référence, les marges négatives et les plafonds des programmes pénalisent les producteurs.

En vertu du programme Agri-stabilité, les agriculteurs reçoivent des paiements qui sont basés sur la marge de référence ou moyenne olympique qui est calculée à partir des moyennes historiques des marges des cinq dernières années précédant l’année de programme en excluant la marge la plus élevée et la plus basse. Lorsque la marge de production baisse en-deçà d’un certain seuil, le gouvernement verse une aide financière aux producteurs. Cependant, certains témoins croient que la marge de référence courante ne reflète pas tout à fait le rendement réel de l’entreprise. Ils suggèrent un calcul de marge de référence sur une plus longue période afin de tenir compte du cycle de production, par exemple. De plus, la marge négative limite la participation des producteurs en difficulté à moins que leur marge ne soit positive durant deux des trois années servant au calcul de la marge de référence. Dans cette situation, l’agriculteur peut obtenir un remboursement jusqu’à 60 p. 100 de sa marge négative. Certains pensent que le gouvernement devrait hausser la couverture de la marge négative à 70 p. 100 afin de fournir une meilleure protection aux producteurs. De plus, les agriculteurs qui subissent des pertes sur plusieurs années consécutives pourraient obtenir des compensations si le gouvernement changeait les règles en éliminant la marge négative et l’indiquer comme étant une marge nulle dans le calcul de la marge. Cela assurerait une aide bonifiée aux agriculteurs qui n’ont pas d’autres recours. Toutefois, dans un contexte de contraintes budgétaires, les témoins reconnaissent que le gouvernement peut difficilement injecter des fonds supplémentaires dans les programmes de GRE.

Du côté des plafonds des programmes, les entreprises de grande taille soutiennent que les plafonds des programmes de GRE sont discriminatoires à leur endroit puisque cela limite leur participation.

C'est notre philosophie, quelle que soit la taille, vous devez avoir le même accès aux programmes gouvernementaux. Les plafonds d'Agri-stabilité, Agri-investissement et de notre programme PPA limitent l'accès. Si vous avez atteint une certaine taille, vous êtes pénalisé, parce que votre exploitation est trop grande pour bénéficier des programmes. Notre philosophie a toujours été que les agriculteurs devraient être traités également quel que soit l'emplacement ou la taille[36].

Le Comité est d’avis que, d’une manière générale, les programmes de GRE doivent être transparents, prévisibles afin de pouvoir être négociables en banque, simples, rapides et disponibles de manière uniforme pour l’ensemble des producteurs canadiens. Ils ne doivent pas non plus masquer les signaux du marché[37] ou créer des disparités régionales.

Recommandation 17

Le Comité recommande que la suite de programmes de gestion des risques de l’entreprise de Cultivons l’avenir 2 respecte les principes de transparence, de simplicité, de rapidité de paiement, de neutralité vis-à-vis du marché, et d’équité pour l’ensemble du Canada, et qu’elle corresponde mieux aux besoins des agriculteurs.

1. Agri-stabilité

Agri-stabilité est un programme de soutien du revenu agricole qui couvre des baisses de marge supérieure à 15 p. 100 par rapport à la marge de référence. Le programme Agri-stabilité est administré par les provinces et les territoires à l’exception du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, du Terre-Neuve et Labrador, et du Yukon où le programme est exécuté par le gouvernement fédéral.

Les témoins admettent que le programme Agri-stabilité ne fonctionne pas pour tous les types de productions. En effet, les éleveurs de bétail tel l’élevage bovin et porcin profitent davantage de ce programme contrairement aux producteurs horticoles et de grandes cultures qui ont plus de difficulté à s’en prévaloir. De plus, les exploitations diversifiées bénéficient rarement des paiements provenant de ce programme comme en témoigne un agriculteur de l’Ontario.

Comme les exploitations agricoles en Ontario sont diversifiées, les programmes Agri-stabilité, Agri-investissement et Agri-relance apportent moins de financement en Ontario qu'aux autres régions. Par exemple, mon exploitation agricole n'a pas reçu de financement du programme Agri-stabilité et ce même si mon parc d'engraissement de bovins a enregistré les mêmes pertes que les exploitations se limitant aux parcs d'engraissement parce que mes autres activités m'ont maintenu au-dessus de mon seuil. Cela représente pour moi un désavantage économique par rapport aux autres agriculteurs de la province[38].

Plusieurs témoins ont également déploré la complexité et la lourdeur administrative du programme Agri-stabilité. Les agriculteurs ont souvent recours à l’aide d’experts afin de remplir les formulaires de demande, ce qui engendre des coûts supplémentaires. Les critiques portent également sur le manque de prévisibilité et de transparence du programme. D’ailleurs, les représentants du ministère reconnaissent la complexité et le manque de transparence de ce programme.

C'est une plainte très courante au sujet des programmes. Je suis sûr qu'ils parlent notamment d'Agri-stabilité. C'est complexe, ce n'est pas transparent, et ce n'est pas aussi efficace que ça devrait l'être[39].

La complexité du programme entraîne souvent un délai pouvant atteindre deux ans avant que les producteurs ne reçoivent leur paiement, ce qui rend difficile les prises de décision par les agriculteurs dans le cadre du cycle normal de leurs activités. La lenteur des compensations remet en question l’efficacité du programme Agri-stabilité. Malgré certaines améliorations apportées au programme Agri-stabilité, le problème d’efficacité persiste.

Bien que l'administration provinciale ait amélioré la prestation de ce programme par rapport à l'administration fédérale, il y a toujours des problèmes de communication pour ce qui est des volets du programme qui sont toujours administrés par le gouvernement fédéral, par exemple, pour accéder à des données sur le revenu. Pourquoi le gouvernement fédéral ne propose-t-il pas de solutions pratiques à ce problème, comme une case à cocher dans le formulaire de déclaration de revenus qui autoriserait le ministère du Revenu d'accélérer la transmission de renseignements me concernant à l'administration provinciale d'Agri-stabilité? Lorsque j'ai besoin d'aide suite à un imprévu, l'inefficacité de l'administration est d'autant plus nuisible[40].

Malgré les lacunes du programme Agri-stabilité, plusieurs témoins reconnaissent que le programme a contribué à soutenir les revenus des producteurs. Afin d’assurer une aide efficace au secteur agricole sans masquer les signaux du marché, les témoins croient qu’il est encore nécessaire d’accroître la transparence des calculs des paiements qui correspondent à la réalité de la situation des producteurs.

Recommandation 18

Le Comité recommande qu’Agri-stabilité soit revu avec les provinces et territoires en suivant les principes énoncés à la recommandation 16.

2. Agri-investissement

Le programme Agri-investissement est un compte d’épargne permettant aux producteurs de gérer de légères baisses du revenu, lorsque la marge de production diminue de moins de 15 %. Les producteurs peuvent effectuer des dépôts jusqu’à concurrence de 1,5 % de leurs ventes nettes annuelles de produits admissibles qui sont soumises à un plafond de 1,5 million de dollars. En contrepartie, les agriculteurs reçoivent une contribution équivalente des gouvernements d’un montant maximal de 22 500 dollars.

Un grand nombre de producteurs, particulièrement ceux de la production culturale, considèrent que le programme Agri-investissement est fort avantageux. En effet, il est économique à administrer et facile à comprendre. De plus, ce programme permet aux agriculteurs d’avoir accès facilement aux fonds. Il est aussi prévisible et négociable en banque. Certains témoins ont affirmé qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place plusieurs programmes, car le programme Agri-investissement est suffisant pour procurer des avantages importants.

En résumé, en tant que producteur de grains et d'oléagineux, les deux meilleurs programmes de GRE pour notre exploitation agricole en ce moment sont Agri-investissement et Agri-protection. Ce dernier nous permet d'atténuer les risques associés à la production, alors que le premier nous permet de créer un fonds d'urgence qui nous permet d'économiser les années où les rendements sont bons et d'avoir un accès immédiat à ces fonds dans les périodes de ralentissements cycliques. Selon moi, cela nous permet de gérer de près et de façon responsable les besoins de notre propre exploitation agricole commerciale. Je dis souvent qu'Agri-investissement, c'est suffisant[41].

Certains témoins ont proposé de hausser le dépôt maximal, passant de 1,5 à 3 % des ventes nettes admissibles. D’autres veulent assurer l’équité à toutes entreprises de participer au programme sans discrimination de taille et proposent de revoir le concept des ventes nettes admissibles. Cependant, dans un contexte de compressions budgétaires, le gouvernement peut difficilement injecter des fonds supplémentaires.

Si certains témoins apprécient le programme Agri-investissement, d’autres le trouvent peu avantageux en raison de son plafond. Pour d’autres, comme la Canadian Cattlemen’s Association, le programme Agri-investissement défavorise les entreprises de grande taille qui produisent beaucoup, mais dont la marge de profit est faible[42]. Ce programme s’est donc avéré peu utile pour les secteurs d’engraissement. De plus, les producteurs dont les ventes nettes sont négatives ne sont pas admissibles au programme. Certains suggèrent carrément sa disparition.

Je demande qu'on se débarrasse du programme Agri-investissement et qu'on réinvestisse les fonds dans d'autres programmes du secteur agricole, que ce soit l'accès aux marchés, l'innovation ou la recherche. À l'heure actuelle, on éparpille les crédits. On s'efforce d'atteindre un maximum de producteurs plutôt que de promouvoir un maximum de production. Je propose qu'on redirige les crédits[43].

3. Agri-protection

Le programme Agri-protection était anciennement appelé assurance production et assurance récolte. Ce programme d’assurance couvre essentiellement les pertes de récoltes, bien qu’il existe également un volet d’assurance qui couvre les pertes dues à la mortalité de certains animaux d’élevage. Le programme est administré par les provinces par une société d'État ou une direction générale du ministère de l'Agriculture provincial. Le gouvernement fédéral paie 36 % de la prime, la province, 24 %, et l'agriculteur, 40 %.

C’est un programme fort populaire auprès des producteurs de grandes cultures, car il est transparent et facilement négociable auprès des banques. En effet, les agriculteurs ont accès rapidement aux paiements qui sont versés en entier. Bien que le programme soit offert dans toutes les provinces, les témoins déplorent cependant la disparité du niveau de protection dans les différentes régions. D’ailleurs, cela se traduit par un taux de participation qui varie selon les provinces.

La Colombie-Britannique a été touchée par plusieurs sécheresses ces 10 dernières années. De plus, les cultures de plusieurs régions de la province subissent de graves dégâts causés par la faune, ce qui peut réduire énormément leur rendement. Le rendement potentiel offert à un producteur à l'aide d'Agri-protection est fondé sur sa production moyenne calculée sur 10 ans. Si l'on tient compte de la sécheresse et des dommages causés par la faune, la production moyenne d'un producteur est gravement touchée. En Colombie-Britannique, ce programme n'est pas très prisé; seulement 15 p. 100 des producteurs de cultures s'y inscrivent. Un grand nombre de nos producteurs soutiennent que cela ne vaut plus la peine, car leurs rendements de production ont tellement diminué avec Agri-protection[44].

Plusieurs témoins sont d’avis qu’il faut maintenir et améliorer le programme d’Agri-protection en offrant une protection adéquate avec des primes raisonnables. De plus, le programme devrait s’étendre au secteur du bétail, notamment le secteur bovin et porcin. Contrairement aux témoins qui soutiennent un programme équitable pour l’ensemble du pays, certains réclament la flexibilité régionale, soit un programme plus souple en raison des différences et spécificités régionales.

4. Agri-relance

Le cadre Agri-relance appuie les agriculteurs en cas de catastrophe. Dans le cadre de ce programme, les producteurs touchés reçoivent une assistance qui couvre les pertes non remboursées par les autres programmes gouvernementaux.

Agri-relance est le moins prévisible de tous les programmes de GRE. Étant donné que les programmes créés en vertu du cadre sont axés sur les évènements, le financement fluctue d’une année à l’autre. Le budget prévu pour le programme Agri-relance est de 125 millions de dollars. L'an dernier, ce montant s’est chiffré autour de 450 millions. En plus d’être le programme le moins prévisible, il est également le moins encaissable. En effet, les agriculteurs touchés doivent attendre avant de connaître ce qui est couvert et le niveau de soutien. Parmi les aspects les plus critiqués d’Agri-relance, les témoins déplorent le fait qu’il ne semble pas être administré de façon uniforme entre les provinces et les différents produits dans les situations similaires. C’est pourquoi les témoins réclament une définition claire de ce qu’est une « catastrophe ».

Ce qui préoccupe la SARM au sujet du programme Agri-relance, c'est la définition de catastrophe. On doit la clarifier et en fixer les paramètres, afin que les producteurs sachent quelles catastrophes seront couvertes. Le programme actuel a fourni de l'aide pour les inondations de 2010 et 2011, mais le Sud-Ouest de la Saskatchewan a connu des sécheresses pendant quatre années consécutives autour de 2006 et n'a reçu aucune aide du gouvernement fédéral. Agri-relance devrait communiquer clairement la définition d'une catastrophe aux producteurs et leur préciser les éléments visés par la protection[45].

Recommandation 19

Le Comité recommande que le cadre d'aide en cas de catastrophe Agri-relance inclue une définition claire et sensée du terme « catastrophe » avec des critères précis afin que l’aide puisse être administrée de façon uniforme à travers le pays.

5. Autres programmes : Modèle basé sur l’assurance des prix

En plus des programmes de GRE existants, certains témoins ont évoqué un programme dont le modèle est basé sur l’assurance des prix. L’Ontario a récemment mis en application le programme de gestions des risques (PGR). Or, certains témoins craignent que le PGR masque les signaux des marchés et entraîne une distorsion des prix, car le programme serait basé sur les coûts de production. Cependant, il est encore trop tôt pour porter un jugement sur son fonctionnement étant donné qu’il n’est qu’au stade expérimental. En Alberta, le secteur bovin s’est doté d’un programme similaire, mais qui est basé sur les prix des marchés à terme. Toutefois, le taux de participation demeure encore faible comme l’indique le Canadian Cattlemen’s Association.

Au cours des deux ou trois dernières années, l’Alberta a entrepris d’élaborer et de mettre en œuvre un programme fondé sur une assurance-prix à l’intention des producteurs de bovins allant des veaux de naissage aux bovins gras. Grâce à ce programme, si les producteurs décident qu’ils aimeraient se protéger contre un éventuel repli du marché, ils disposent d’un moyen pratique de s’assurer contre ce risque. Comme vous le savez, il existe aujourd’hui des méthodes pour se protéger contre une partie du risque de prix. Toutefois, la complexité de ces méthodes et, dans certains cas, leur manque de corrélation complète avec le marché canadien ont entraîné une faible participation de la part des producteurs et une participation extrêmement rare de la part des petites et moyennes exploitations[46].

Le programme Cattle Price Insurance Program mis en place en Alberta est un modèle qui assure un prix plancher aux producteurs. Ce prix est fixé en fonction d’un indice calculé à partir des prix du marché, soit les prix à terme du Chicago Mercantile Exchange. Les témoins ont insisté sur le fait que ce type de programme ne fausse pas les signaux du marché étant donné que l’indice dépend uniquement du marché et non du coût de production. Ce modèle d’assurance des prix suscite beaucoup d’intérêt et pourrait s’avérer être un outil de gestion de risque fort intéressant pour les producteurs.

Recommandation 20

Le Comité recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada évalue la possibilité de mettre en place à l’échelle nationale des initiatives de programmes de protection des prix.

C. Le Programme de paiements anticipés

Le PPA ne fait pas partie de Cultivons l’avenir en tant que tel, mais il est un outil financier important pour les agriculteurs. Exclusivement financé par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur les programmes de commercialisation agricole, le PPA est un programme de garantie d’emprunt permettant aux agriculteurs d’avoir accès facilement à une avance monétaire. L'avance maximale octroyée par producteur est de 400 000 dollars. La première tranche de 100 000 dollars est exempte d’intérêt. Des associations de producteurs sont chargées d’administrer le programme au nom d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Un grand nombre de producteurs de cultures et d’élevage trouvent que le PPA s’est avéré un outil financier fort utile pour fournir des liquidités. Le programme permet aux agriculteurs de commercialiser leur production en temps opportun. Bien que le gouvernement ait fait preuve de souplesse en prolongeant la période de remboursements à différentes occasions pour les secteurs en difficulté, les agriculteurs craignent que le prochain calendrier de remboursement n’affecte leur solvabilité. Le remboursement des avances est arrivé à échéance le 31 mars 2012 pour le secteur bovin alors que le secteur porcin a jusqu’au 31 mars 2013.

Le Programme de paiement anticipé ainsi que les paiements anticipés d'urgence se sont avérés appropriés pour le secteur porcin. Toutefois, les producteurs s'inquiètent de l'éventuel calendrier de remboursement. Nous suivons d'ailleurs attentivement la situation alors que nous approchons de la date limite de présentation des plans relatifs aux producteurs[47].

Bon nombre d’exploitants agricoles veulent prolonger la période d’échéance de remboursement. Également, plusieurs producteurs ont indiqué que le PPA pourrait être amélioré si l’avance octroyée et la portion sans intérêt pouvaient être haussées.

Recommandation 21

Le Comité recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada revoie le Programme de paiements anticipés afin de considérer la possibilité d’offrir des options de remboursement plus souples.

CONCLUSION

Le renouvellement de Cultivons l’avenir arrive pendant une période de relative prospérité pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien; les prix élevés contrastent avec ceux du début des années 2000, et la demande sur les marchés internationaux est à la hausse. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il n’y a pas d’obstacles à surmonter : l’atteinte de la sécurité alimentaire mondiale, les variations climatiques, l’émergence de pays producteurs à bas coûts comme le Brésil, l’attrait du marché canadien pour les autres pays exportateurs, et les exigences toujours plus grandes des consommateurs rendent la tâche des producteurs canadiens plus ardue.

L’étude du Comité a montré qu’il est opportun pour les gouvernements FTP d’orienter Cultivons l’avenir 2 vers une stratégie d’affaire qui permettrait à l’agriculture canadienne de se différencier. En privilégiant des programmes de gestion des risques qui ne masquent pas les signaux du marché, Cultivons l’avenir 2 permettra au secteur de mieux planifier et de saisir les occasions quand elles se présentent. En faisant la part belle à l’innovation, en favorisant l’accès aux marchés, en permettant au secteur de répondre aux attentes des consommateurs qu’ils soient internationaux ou canadiens, Cultivons l’avenir 2 a le potentiel d’imprimer une marque véritable sur le secteur et de renforcer sa compétitivité. Le Comité est convaincu que ses recommandations permettront d’atteindre ce potentiel et de faire du secteur agricole et agroalimentaire le chef de file de l’économie canadienne.


[1]              À l’exception de l’Ontario.

[2]              M. David Sparling, professeur, Richard Ivey School of Business, University of Western Ontario, Témoignages, réunion no 15, 1re session, 41e législature, Ottawa, 29 novembre 2011, 1555.

[3]              M. Gordon Bacon, premier dirigeant, Pulse Canada, Témoignages, réunion no 23, 1re session, 41e législature, Ottawa, 8 février 2012, 1605.

[4]              Mme Anna Paskal, conseillère principale de direction, Sécurité alimentaire Canada, Témoignages, réunion no 27, 1re session, 41e législature, Ottawa, 29 février 2012, 1550.

[5]              M. Manish N. Raizada, professeur agrégé, agent des relations internationales, Département d'agriculture végétale, Université de Guelph, Témoignages, réunion no 22, 1re session, 41e législature, Ottawa, 6 février 2012, 1535.

[6]              M. Travis Toews, président, Canadian Cattlemen's Association, Témoignages, réunion no 10, 1re session, 41e législature, Ottawa, 3 novembre 2011, 1535.

[7]              Mme Kathleen Sullivan, directrice exécutive, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, Témoignages, réunion no 24, 1re session, 41e législature, Ottawa, 13 février 2012, 1710.

[8]              M. Steve Tierney, sous-ministre adjoint, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Témoignages, réunion no 24, 1re session, 41e législature, Ottawa, 13 février 2012, 1540.

[9]              M. Jacques Pomerleau, président, Canada Porc International, Témoignages, réunion no 21, 1re session, 41e législature, Ottawa, 1 février 2012, 1700.

[10]           Ces informations du département américain de l’Agriculture (USDA) sont produites dans le but d’appuyer le développement des exportations agricoles américaines. et de résoudre les problèmes d’accès au marché que peuvent rencontrer les producteurs américains. Il se pourrait donc qu’elles n’aient qu’une utilité limitée pour les producteurs canadiens.

[11]           Mme Stefanie Nagelschmitz, membre, Canadian Agri-Marketing Association, Témoignages, réunion no 21, 1re session, 41e législature, Ottawa, 1 février 2012, 1550.

[12]           M. James Rude, professeur, Département de l'économie des ressources et de la sociologie environnementale, Université de l'Alberta, Témoignages, réunion no 22, 1re session, 41e législature, Ottawa, 6 février 2012, 1710.

[13]           M. Rex Newkirk, directeur, Recherche et développement des affaires, Canadian International Grains Institute, Témoignages, réunion no 26, 1re session, 41e législature, Ottawa, 27 février 2012, 1645.

[14]           M. André Coutu, président-directeur général, Groupe Export agroalimentaire Québec-Canada, Témoignages, réunion no 21, 1re session, 41e législature, Ottawa, 1 février 2012, 1605

[15]           Mme Carla Ventin vice-présidente, Affaires gouvernementales fédérales, Produits alimentaires et de consommation du Canada, Témoignages, réunion no 25, 1re session, 41e législature, Ottawa, 15 février 2012, 1605.

[16]           M. John Cranfield, membre, Équipe de gestion, Consumer and Market Demand Network, Témoignages, réunion no 25, 1re session, 41e législature, Ottawa, 15 février 2012, 1540.

[17]           M. Bruce Cran, président, Association des consommateurs du Canada, Témoignages, réunion no 26, 1re session, 41e législature, Ottawa, 27 février 2012, 1605.

[18]           M. Ted Johnston, président et chef de la direction, Alberta Food Processors Association, Témoignages, réunion no 27, 1re session, 41e législature, Ottawa, 29 février 2012, 1530.

[19]           Selon le ministère américain de l’agriculture, un carrefour alimentaire est une entreprise ou organisation qui coordonne activement le regroupement, la distribution et la mise en marché de produits alimentaires d'origine locale reconnue, provenant principalement de producteurs de petite et de moyenne taille.

[20]           M. Jon Bell, président, BC Association of Farmers' Markets, Témoignages, réunion no 9, 1re session, 41e législature, Ottawa, 1 novembre 2011, 1540.

[21]           M. Matthew Holmes, directeur général, Association pour le commerce des produits biologiques, Témoignages, réunion no 7, 1re session, 41e législature, Ottawa, 25 octobre 2011, 1635.

[22]           Mme Sayara Thurston, responsable de la campagne, Humane Society International/Canada, Témoignages, réunion no 26, 1re session, 41e législature, Ottawa, 27 février 2012, 1530.

[23]           M. Bob Kingston, président national, Syndicat de l’agriculture, Témoignages, réunion no 25, 1re session, 41e législature, Ottawa,15 février 2012, 1650.

[24]           M. Kevin Boon, directeur général, British Columbia Cattlemen’s Association, Témoignages, réunion no 6, 1re session, 41e législature, Ottawa, 20 octobre 2011,1640.

[25]           M. Ted Zettel, directeur général, Organic Meadow Co-operative, Témoignages, réunion no 12, 1re session, 41e législature, Ottawa, 17 novembre 2011, 1545.

[26]           M. Paul Mayers, vice-président associé, Programmes, Agence canadienne d'inspection des aliments, Témoignages, réunion no 24, 1re session, 41e législature, Ottawa, 13 février 2012,1605.

[27]           M. Evan Fraser, professeur agrégé, Université de Guelph, Témoignages, réunion no 25, 1re session, 41e législature, Ottawa, 15 février 2012, 1705.

[28]           Par exemple, Financement agricole Canada a annoncé un nouveau prêt Jeune agriculteur le 12 avril 2012. Les producteurs admissibles de moins de 40 ans pourront obtenir des prêts pouvant atteindre 500 000 $ pour acheter ou améliorer des terres et des bâtiments agricoles.

[29]           Mme Virginia Labbie, analyste principale des politiques, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Témoignages, réunion no 14, 1re session, 41e législature, Ottawa, 24 novembre 2011,1650.

[30]           M. Mike Bast, directeur, Western Canadian Wheat Growers Association, Témoignages, réunion no 21, 1re session, 41e législature, Ottawa, 1er février 2012,1650.

[31]           M. Martin Harry, président, Canadian Soybean Exporters Association, Témoignages, réunion no 23, 1re session, 41e législature, Ottawa, 8 février 2012,1600.

[32]           M. Michael Hugh Nicholson, premier vice-président, National Steel Car Limited, Témoignages, réunion no 16, 1re session, 41e législature, Ottawa, 1er décembre 2011, 1530.

[33]           M. Nil Béland, membre, conseil d’administration, Éleveurs de volailles du Québec, Témoignages, réunion no 17, 1re session, 41e législature, Ottawa, 6 décembre 2011, 1630.

[34]           M. David Fuller, président, Producteurs de poulet du Canada, Témoignages, réunion no 18, 1re session, 41e législature, Ottawa, 8 décembre 2011, 1555.

[35]           M. Joe Brennan, président, Pommes de terre Nouveau-Brunswick, Témoignages, réunion no 17, 1re session, 41e législature, Ottawa, 6 décembre 2011, 1545.

[36]           Mme Catherine Scovil, directrice exécutive adjointe, Conseil canadien du porc, Témoignages, réunion no 8, 1re session, 41e législature, Ottawa, 8 décembre 2011, 1640.

[37]           Le Programme de gestion des risques (PGR) est un exemple de programme qui masque les signaux du marché et qui n’offre aucune mesure incitative pour améliorer l’efficacité ou étendre les marchés. Le récent Rapport Drummond de l’Ontario décrit le PGR comme étant un incitatif à la stabilité, plutôt que comme un programme de transformation de l’industrie, et précise qu’il s’agit d’un « exemple de programme de soutien des entreprises dans le cadre duquel les incitatifs ne sont pas alignés sur l’accroissement de la productivité, ni sur les principes de l’économie de marché ».

[38]           M. Arden Schneckenburger, agriculteur, Témoignages, réunion no 19, 1re session, 41e législature, Ottawa, 13 décembre 2011, 1550.

[39]           M. Greg Meredith, sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques stratégiques, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Témoignages, réunion no 11, 1re session, 41e législature, Ottawa, 15 novembre 2011, 1610.

[40]           M. Nirmal Dhaliwal, directeur, Okanagan Tree Fruit Cooperative, Témoignages, réunion no 19, 1re session, 41e législature, Ottawa, 13 décembre 2011, 1535.

[41]           M. Jim Gowland, agriculteur, Témoignages, réunion no 19, 1re session, 41e législature, Ottawa, 13 décembre 2011, 1545.

[42]           M. Travis Toews, Président. Canadian Cattlemen’s Association, Témoignages, réunion no 20, 1re session, 41e législature, Ottawa, 15 décembre 2011, 1630.

[43]           Mme Terri Holowath, partenaire, certification et comptabilité, Catalyst, Témoignages, réunion no 18, 1re session, 41e législature, Ottawa, 8 décembre 2011, 1720.

[44]           Mme Connie Patterson, administratrice régionale, BC Breeder and Feeder Association, Témoignages, réunion no 17, 1re session, 41e législature, Ottawa, 6 décembre 2011, 1600.

[45]           M. Ray Orb, vice-président, Saskatchewan Association of Rural Municipalities, Témoignages, réunion no 17, 1re session, 41e législature, Ottawa, 6 décembre 2011, 1550.

[46]           M. Travis Toews, président, Canadian Cattlemen’s Association, Témoignages, réunion no 20, 1re session, 41e législature, Ottawa, 15 décembre 2011, 1545.

[47]           M. Jean-Guy Vincent, vice-président, Conseil d’administration, Conseil canadien du porc, Témoignages, réunion no 18, 1re session, 41e législature, Ottawa, 18 décembre 2011, 1540.