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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 037 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 mai 2012

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Bon après-midi, mesdames et messieurs.
    Nous en sommes à la séance no 37 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, le mercredi 2 mai 2012.
    L'audience du comité est télévisée et est conforme à l'ordre de renvoi du lundi 23 avril 2012, le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois.
    Le premier groupe est composé de personnes témoignant à titre personnel. Ce sont des avocats.
    Bon après-midi, Carole Dahan.
    Andrew Brouwer, nous nous sommes déjà rencontrés. Vous êtes déjà venu ici?
    Je suis heureux de vous revoir.
    Nous avons aussi de l'ambassade de Hongrie Imre Helyes, premier Conseiller et consul.
    Bon après-midi à vous, monsieur.
    Merci de votre présence.
    Normalement, chaque groupe — donc vous deux, et M. Helyes par lui-même — dispose de 10 minutes pour témoigner. Ce n'est pas obligatoire, mais vous pouvez le faire, si vous le désirez. Madame Dahan, votre collègue et vous devront partager 10 minutes.
    Monsieur Helyes, vous pouvez glisser quelques mots, si vous le voulez. Je sais que vous n'avez pas de texte préparé. Vous pourriez nous compter une blague, si vous le voulez.
    Madame Dahan, nous vous écoutons.
    Merci. Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner.
    Je m'appelle Carole Dahan, et je suis directrice du Bureau du droit des réfugiés d'Aide juridique Ontario. Voici mon collègue, Andrew Brouwer, avocat de service du BDR.
    Comme je l'ai déjà dit, nous représentons un bureau de service d'Aide juridique Ontario, un très petit bureau composé de cinq avocats et de cinq employés de soutien. Près de la moitié de notre travail touche des personnes en détention. J'ai visité le centre de surveillance de l'immigration, le CSI, dont il a été question ce matin à de nombreuses reprises, et je suis d'accord avec l'évaluation de Janet Cleveland selon laquelle il s'agit d'une prison, et non pas d'un hôtel, comme le prétend le ministre Kenney.
    Je ne passerai pas mes précieuses minutes à parler du CSI, mais si des membres du comité ont des questions à ce sujet ou à propos des prisons provinciales où des réfugiés sont détenus, nous connaissons très bien ces établissements et je serais ravie de répondre aux questions.
    Auprès des réfugiés détenus, nous sommes souvent le dernier recours, la dernière chance de représentation des clients les plus vulnérables. Bon nombre de nos clients, pour une raison ou une autre, ont vu leur demande d'asile refusée et font face à un renvoi imminent. Parce que nous sommes très occupés et que nous avons peu de ressources, nous n'acceptons que les cas de personnes où il est prouvé qu'elles risquent réellement la persécution.
    Par exemple, un homme qui a appris notre existence pendant qu'il était au CSI est arrivé au Canada de la Tchétchénie ravagée par la guerre et a immédiatement présenté une demande d'asile à l'aéroport. Il fait partie des chanceux qui ont eu la présence d'esprit d'apporter un certain nombre de documents prouvant leur identité avant de prendre la fuite. Ses documents ont été transmis à la CISR et ont ensuite fait l'objet d'un contrôle judiciaire en raison du nombre de faux documents en provenance de cette partie du monde. La CISR a perdu les documents avant qu'ils soient vérifiés. Même si elle a reconnu sa citoyenneté russe, elle a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la convention, parce qu'il n'a pas réussi à prouver son identité en tant que Tchétchène.
    Peu après, il a tenté d'obtenir un nouveau document, un nouveau certificat de naissance. Il a communiqué avec sa soeur, mais, en raison de la guerre qui faisait rage au pays à ce moment-là, sa maison avait été bombardée et brûlée, et sa soeur a dû se rendre à une autre ville, au greffe des naissances, pour obtenir un nouveau certificat de naissance. Entre-temps, il a fait l'objet d'un examen des risques avant renvoi, l'ERAR, dont il a rempli la demande, mais, en l'absence du nouveau document, sa demande a été rejetée.
    Il a obtenu le nouveau document 17 jours après le rejet de la demande d'ERAR. C'est à ce moment-là qu'il a appris notre existence, durant sa détention, et nous l'avons aidé à demander un deuxième ERAR avec le nouveau certificat de naissance prouvant hors de tout doute qu'il était effectivement tchétchène. Grâce à cet élément de preuve, il a été jugé réfugié au sens de la convention et a enfin obtenu la protection qu'il recherchait pendant tout ce temps.
    Pourquoi vous ai-je présenté ce cas? Parce qu'il illustre plusieurs problèmes du projet de loi C-31.
    Premièrement, le cas montre qu'il peut y avoir des erreurs humaines.
    Deuxièmement, il montre aussi que les délais très serrés — 15 jours pour fournir le fondement de la demande et 30 et 60 jours pour l'audience — ne sont tout simplement pas suffisants pour obtenir les documents à l'appui appropriés qui se trouvent au pays d'origine, sans parler des évaluations psychologiques que Cécile Rousseau et Janet Cleveland ont abordées ce matin, ou même les examens médicaux nécessaires pour étayer une demande.
    Troisièmement, le cas montre le besoin d'une mesure de protection. Même dans le cas d'une décision négative récente, s'il existe de nouveaux éléments de preuve convaincants touchant l'essence même de l'allégation de persécution de la personne, un mécanisme doit être mis en place pour que ces éléments soient examinés et évalués. Sans cela, il y a un risque de refoulement.
    Le projet de loi C-31 aurait empêché mon client de présenter une nouvelle demande d'ERAR pendant un an à partir de la date de réception de la décision de la CISR, et il serait retourné chez lui, où il aurait été victime de persécution.

  (1540)  

    Comprenez-moi bien, je ne suggère pas que tout le monde ait l'occasion de présenter une autre demande d'ERAR après que la CISR a rendu sa décision, mais, dans le cas de circonstances exceptionnelles et de nouveaux éléments de preuve, il ne devrait pas y avoir de délai. Il faut mettre en place un mécanisme qui permettrait d'examiner les nouveaux éléments de preuve avant que la personne soit renvoyée.
    Le temps file, alors j'ajouterais aussi que, dans les circonstances, il n'y aurait aucun sursis automatique à la mesure de renvoi. Mon collègue abordera cela dans un contexte différent. Actuellement, nous devrions convaincre un agent de renvoi de reporter la mesure de renvoi en attendant le résultat du nouvel ERAR ou nous devrions convaincre un juge de la Cour fédérale de reporter la mesure de renvoi en attendant le résultat d'un nouvel ERAR. Ainsi, nous n'ajoutons rien au processus, mais nous demandons de revoir le délai de un an.
    J'ai aussi d'autres recommandations que j'aimerais partager avec vous plus tard.
    D'accord. Vous pourrez peut-être faire cela durant la période de questions.
    Vous avez quatre minutes.
    Merci.
    Une erreur dans le système de détermination du statut de réfugié peut coûter une vie ou exposer une personne à la torture, à la persécution, à la détention arbitraire ou même à la mort, et c'est pourquoi une mesure de protection efficace est absolument nécessaire. Aux termes du projet de loi C-31, certains réfugiés seront protégés par le truchement d'un appel devant la Section d'appel des réfugiés et d'un sursis administratif pendant qu'ils demandent une autorisation du contrôle judiciaire à la Cour fédérale, mais d'autres, non.
    Même si l'on se pose des questions sur le fonctionnement de la SAR et les conséquences des délais impossibles et d'une détention accrue, le fait qu'il existe au moins un mécanisme d'appel est absolument essentiel, et c'est ce dont nous avons besoin au Canada, compte tenu de nos obligations aux termes du droit international et de la Charte.
    Un appel efficace concernant le bien-fondé d'une revendication constitue une exigence fondamentale du droit international. Cela a été recommandé à maintes reprises par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la Commission interaméricaine des droits de l'homme et de nombreuses autres organisations. Même s'il maintient en place la SAR, le projet de loi C-31 empêchera toutefois certains groupes de réfugiés d'y avoir accès, notamment les ressortissants de pays désignés comme sûrs par le ministre, toutes les personnes désignées par le ministre comme arrivées irrégulières, les personnes admises au Canada dans le cadre d'une exception à l'entente sur les tiers pays sûrs et celles dont les revendications sont considérées comme manifestement non fondées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. En plus de cela, ces mêmes demandeurs d'asile se verront refuser l'accès réel à un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. En fait, même s'ils ont toujours, en principe, le droit de demander une autorisation de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, ils ne pourront pas bénéficier d'un sursis administratif pendant que le tribunal détermine d'examiner ou non leur cas, contrairement au système actuel.
    Dans la plupart des cas, si le ministre réussit à accélérer le processus, comme il a l'intention de le faire, les réfugiés obtenant une réponse défavorable de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié seront expulsés bien avant qu'un juge de la Cour fédérale ait pu jeter un œil sur leur demande d'autorisation. De plus, il est établi clairement dans la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d'appel que, lorsqu'une personne est expulsée, la demande de contrôle judiciaire par la Cour fédérale concernant l'évaluation des risques devient non pertinente. Il n'y a aucune raison de l'examiner puisque la personne a déjà été expulsée.
    Cela est essentiel — cette information et cette relation entre l'accès à la SAR et à la Cour fédérale — parce que l'on constate que, contrairement à l'information fournie par le ministre, et je m'excuse d'entrer dans la politique, en réalité, certains groupes de réfugiés n'auront plus accès à un examen de la première décision concernant leur demande d'asile.
    Compte tenu du délai de un an de l'ERAR et du délai pour l'accès à l'examen des circonstances d'ordre humanitaire, il n'y aura aucun mécanisme de droit efficace pour corriger les erreurs du premier décideur de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Selon moi, cela est contraire aux droits fondamentaux de la personne à l'échelle internationale. C'est inconcevable. Je crois que, en tant que Canadiens, nous sommes tous d'accord sur le fait que nous ne voulons pas commettre d'erreurs au moment de déterminer un statut de réfugié. Nous devons prendre la bonne décision.
    Juste pour être certain, combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Juste un moment.
    Monsieur Helyes, avez-vous un exposé à faire? Je crois que vous n'en avez pas.
    Monsieur le président, si le témoin veut utiliser une partie de mon temps, je serai très heureux de le partager.

  (1545)  

    D'accord, nous allons faire cela.
    Oui, j'aimerais bien. Merci beaucoup.
    Vous pouvez remercier M. Helyes.
    Continuez, monsieur Brouwer.
    Merci.
    L'été dernier, la Chambre des communes a dû faire face à la réalité des conséquences d'une erreur.
    Il est important de savoir exactement comment sont faites les expulsions du Canada. Les personnes expulsées du Canada, particulièrement si elles ont été détenues avant leur renvoi, ne peuvent pas tout simplement retourner discrètement dans leur pays d'origine et trouver un autre endroit sûr où vivre. Au contraire, dans de nombreux cas, elles sont confiées directement aux autorités du gouvernement de leur pays d'origine. Dans un tel cas, si c'est le gouvernement qui est l'agent de persécution que l'on a tenté de fuir, les conséquences sont évidentes.
    Comme j'avais commencé à le dire, les Communes ont été confrontées à cette réalité l'été dernier, lorsque le cas pers Benhmuda a été présenté au ministre à la Chambre. M. Benhmuda et sa famille avaient fui la Libye pour se rendre au Canada. Ils ont présenté une demande d'asile, qui a été rejetée, et ensuite une demande d'examen des risques avant renvoi, rejetée aussi. Les parents ont eu des enfants, et toute la famille a ensuite été expulsée en Libye. Cela était avant le récent changement de régime en Libye.
    Une fois rendus dans l'avion, les membres de la famille ont vu leurs passeports remis à l'équipage. C'est une procédure normale au Canada. Je ne connais pas le processus des autres pays. Alors, leurs passeports ont été remis, et ils ont été expulsés à Tripoli. À leur arrivée à Tripoli, leurs passeports ont été remis dans une enveloppe au service de sécurité de la Libye.
    Évidemment, et c'était prévisible, la famille a été détenue. L'épouse et les enfants ont été libérés, mais Adel est demeuré en détention et a été torturé et interrogé pendant des mois, seulement parce qu'il a été expulsé du Canada et parce que l'on présumait qu'il devait avoir présenté une demande d'asile. On présumait, par conséquent, qu'il s'opposait au régime. Son cas a été vérifié par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés après de longues entrevues.
    Il n'est pas le seul. Certains membres du comité se souviennent peut-être du cas de Kevin Yourdkhani et de sa famille, survenu il y a quelques années. Ils étaient iraniens. Ils ont aussi quitté l'Iran pour présenter une demande d'asile. Leur demande a été rejetée, ils ont été expulsés, et leurs documents ont aussi été remis à l'équipage.
    À leur arrivée à Téhéran, en Iran, leurs documents ont été remis aux autorités. Majid et Mosomeh, l'époux et l'épouse, ont été détenus, torturés et agressés pendant des mois — ils ont eux aussi été interrogés parce qu'ils avaient demandé asile au Canada.
    Les problèmes dont il est question ici... Je suis certain que la Chambre est au courant, mais je crois qu'il est important que vous ayez des exemples de cas réels afin que vous puissiez connaître les conséquences d'une erreur.
    Monsieur, nous avons maintenant atteint 13 minutes.
    D'accord.
    Nous ne pouvons pas nous permettre de commettre des erreurs. Au moment de déterminer le statut de réfugié, nous devons nous assurer que nous disposons d'au moins un mécanisme solide nous permettant de corriger nos erreurs. Le projet de loi C-31 actuel ne fournit aucun mécanisme semblable pour de nombreuses catégories de réfugiés.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur.
    Madame Dahan, si vous avez d'autres commentaires, vous pourrez peut-être les faire au moment où l'on vous posera des questions.
    Merci.
    Merci de votre présence, monsieur Helyes. C'est un honneur de vous recevoir pour que vous nous en disiez un peu sur ce que vous savez — et vous en savez peut-être beaucoup — sur l'immigration hongroise et peut-être l'immigration européenne.
    Je ne sais pas si vous avez des commentaires préliminaires ou si vous voulez seulement qu'on en vienne aux questions, mais c'est à vous.
    Merci d'être venu.
    Merci beaucoup.
    Tout d'abord, je tiens à m'excuser, car je n'ai pas eu le temps de préparer une exposé approprié. Notre bureau était fermé hier, alors nous avons reçu l'invitation aujourd'hui. C'était un avis très court.
    Néanmoins, d'une part, notre ambassade considère cette invitation comme un honneur. D'autre part, c'est une obligation et une responsabilité d'assister à une réunion à laquelle nous sommes invités, et nous adoptons la même approche responsable que notre gouvernement et notre ambassade à Ottawa au chapitre de la question et de la situation qui assombrissent les relations bilatérales entre nos deux pays, le Canada et la Hongrie.
    Pourquoi assombrissent? D'une part, parce que le nombre élevé de demandes d'asile provenant de la Hongrie et présentées au Canada semble étrange. D'autre part, il est évident qu'une telle situation crée une tension sur le plan des questions d'immigration et toutes sortes de circonstances qui n'améliorent pas du tout les bonnes relations que nous voulons entretenir, fondées sur des valeurs et des objectifs communs, afin que nos citoyens puissent être libres de communiquer entre eux et de mieux se connaître, facilitant ainsi l'établissement d'une meilleure relation globale entre les deux pays et la société transatlantique.
    De ce point de vue, le gouvernement hongrois a envisagé de prendre la responsabilité de cette situation sur deux fronts: dans notre pays, là où la responsabilité est plus grande et où le travail est le plus important, mais aussi au Canada, pour collaborer et aider le gouvernement canadien à régler les situations et à atténuer les tensions qui pourraient en découler.
    C'est cette responsabilité commune dans une telle situation qui m'a mené ici à titre de représentant de l'ambassade de Hongrie, et je suis à votre disposition. Si vous avez des questions, je ferai mon possible pour y répondre.
    Merci beaucoup.

  (1550)  

    Merci, monsieur.
    Je sais que le Canada compte une importante population hongroise, et nous sommes heureux que vous soyez venu. Je suis certain que le comité vous posera des questions.
    Allez-y, monsieur Dykstra.
    En effet, monsieur le président, je crois que je vais faire cela et poser à M. Helyes quelques questions.
    Je reconnais le fait que nous en sommes à notre troisième journée. Il y a une certaine redondance quant aux préoccupations soulevées. Il est utile d'obtenir des recommandations précises en ce qui a trait à la façon d'améliorer le projet de loi. Nous n'arriverons à rien si la seule recommandation que nous recevons est le retrait du projet de loi. Néanmoins, nous continuerons de nous rencontrer et d'aller de l'avant et nous tenterons de présenter un projet de loi qui convient à tous les Canadiens et à ceux qui arrivent au pays pour devenir des Canadiens.
    Monsieur Helyes, un des problèmes auxquels nous faisons face depuis un certain temps est le nombre considérable de Hongrois qui viennent au Canada pour y présenter une demande d'asile. Entre 95 et 98 p. 100 de ces demandes font l'objet d'une renonciation ou d'un désistement avant même qu'elles soient examinées par la CISR.
    Je suis heureux que vous soyez ici aujourd'hui. Je veux vous poser quelques questions assez directes sur la façon dont, selon vous, votre pays tente de résoudre ce problème à la lumière de sa relation avec le Canada.
    Je vous remercie de votre question. Ce sera très difficile d'y répondre rapidement. Il s'agit d'un problème très complexe, et une approche aussi complexe doit être adoptée pour l'examiner et ensuite le résoudre.
    Tout d'abord, comme je l'ai mentionné dans mon très bref témoignage, il y a deux éléments à prendre en considération: comment s'explique ce phénomène de la Hongrie? Et, en ce qui concerne les Hongrois qui quittent leur pays, pourquoi viennent-ils au Canada?
    Il y a des facteurs d'incitation et des facteurs d'attirance. Quels sont ces facteurs? Sur le plan des facteurs d'incitation, il est intéressant de mentionner que, en général, ce phénomène n'est pas observé en lien avec tout autre pays. Cela ne touche que le Canada. Il est évident qu'il existe des facteurs d'incitation. C'est la situation socioéconomique. Un nombre considérable de Hongrois vivent une situation économique difficile en raison non pas seulement des problèmes récents liés à la crise financière et économique internationale, mais aussi des conséquences prolongées des changements économiques ayant eu lieu après les changements politiques des années 1990.
    Mis ensemble, ces éléments rendent la vie de nombreuses personnes difficile. Il est évident que certaines d'entre elles cherchent une meilleure vie, et je crois que c'est un objectif tout à fait acceptable pour quiconque. Comme au Canada, les Hongrois sont libres de quitter leur pays pour quelque motif que ce soit. C'est une affaire privée. Il n'est pas nécessaire de l'expliquer, et si quelqu'un veut vivre une meilleure vie et s'établir ailleurs, il peut le faire, il n'y a pas de problème.
    Je crois que, si l'on veut de meilleures conditions de vie, c'est une façon acceptable d'améliorer sa vie et celle de sa famille. Ainsi, plusieurs personnes voulaient quitter la Hongrie et elles l'ont fait de la bonne façon. Par « bonne façon » je veux dire immigrer au Canada: attendre son tour, demander le visa nécessaire ou présenter la demande appropriée et s'installer ici pour construire une nouvelle vie. Il nous semble — par « nous » j'entends l'ambassade — d'après les éléments de preuve et les faits que l'ambassade a recueillis au cours des trois ou quatre dernières années, puisque nous avons entretenu des communications avec de nombreuses personnes, que la grande majorité des Hongrois qui viennent ici à titre de réfugiés semblent vouloir améliorer leurs conditions de vie et leurs possibilités pour l'avenir.

  (1555)  

    Cela est peut-être vrai pour un très petit pourcentage des milliers de personnes qui viennent ici pour demander l'asile. Il semble pourtant qu'un grand nombre d'entre elles abusent de notre système au Canada, en ce qui a trait à ce qu'elles peuvent obtenir financièrement, et, avant la date d'audience, elles retournent dans leur pays d'origine.
    Alors, je reviens à ma question. Que fait la Hongrie pour régler ce problème et s'assurer que les personnes viennent au Canada pour le visiter ou — comme vous le recommandez, et je suis d'accord — demander un visa de travail temporaire ou peut-être obtenir le statut de résident permanent au Canada?
    Monsieur Dykstra, en fait, le gouvernement hongrois a tenté d'établir des programmes d'éducation, de santé publique et socioéconomiques très complexes, qui, à long terme — et je dois insister sur le long terme, car c'est une situation complexe qui ne se réglera pas en une journée ni même en un an, mais le fait d'adopter une approche complexe pour régler la question, de commencer à résoudre les problèmes en mettant en oeuvre, tout d'abord, le programme national d'inclusion sociale, qui compte des volets pour l'éducation, la santé publique et la situation socioéconomique ainsi qu'un volet qui...
    Monsieur, votre temps est écoulé, mais c'est intéressant. Vous pourriez peut-être conclure.
    ... vise la mise en oeuvre du programme; il faut aussi veiller à sensibiliser la société à ce problème complexe.
    C'étaient les principaux facteurs d'incitation et la façon dont le gouvernement hongrois tente d'améliorer les conditions de vie des citoyens hongrois. Nous devons aussi parler des facteurs d'attirance au Canada, qui attirent des personnes qui ne s'y prendraient pas nécessairement de la bonne façon; il faut mettre l'accent sur certains avantages d'un programme, qui, autrement, seraient fournis à des personnes en situation difficile.

  (1600)  

    Merci.
    Madame Sims.
    Merci beaucoup et merci à vous trois d'être venus et d'avoir pris le temps de témoigner.
    Madame Dahan, je sais que vous représentez Aide juridique Ontario et que les budgets sont réduits ou l'ont été considérablement.
    Dans le cadre du nouveau système de traitement des demandes d'asile, le besoin de représentation juridique sera probablement encore plus important, non seulement pour les audience devant la Section de la protection des réfugiés, mais aussi pour celles devant la Section d'appel des réfugiés.
    Comment Aide juridique Ontario arrivera-t-elle à répondre aux besoins accrus de représentation juridique compétente des réfugiés avec un budget réduit?
    Merci. C'est une très bonne question que l'aide juridique n'arrive toujours pas à résoudre.
    Je suis ici aujourd'hui à titre personnel et non pas en tant que représentante de l'aide juridique, mais je peux vous dire que le gouvernement fédéral vient tout juste d'annoncer que le financement de l'ensemble des régimes d'aide juridique du Canada demeurera au même niveau que l'an dernier, soit un peu plus de 11 millions de dollars. Nous attendons toutefois pour Aide juridique Ontario... L'Ontario reçoit 60 p. 100 de toutes les demandes d'asile au Canada, alors nous effectuons une vérification du bien-fondé des revendications ainsi que des finances.
    Juste pour vous donner une idée, pour avoir droit à l'aide financière juridique, une personne célibataire ne doit toucher au plus 10 800 $ par année. Si vous touchez 12 000 $ par année, donc 1 000 $ par mois, vous seriez considéré comme un travailleur pauvre, mais vous n'auriez pas accès à nos services.
    Dans le cas d'un couple, je crois que c'est 13 450 $, juste en dessous de 13 500 $ pour deux personnes, si l'époux et l'épouse viennent ici et présentent une demande d'asile. Pour bénéficier de l'aide, il faut toucher moins que cela, ce qui est le premier critère d'admissibilité sur le plan de la situation financière.
    Il faut ensuite passer à la vérification du bien-fondé des revendications pour obtenir une aide juridique. L'aide juridique doit déterminer si la dépense de fonds publics est justifiée, car nous avons aussi des obligations envers les contribuables canadiens et la responsabilité d'utiliser de manière efficace et efficiente les fonds du gouvernement. Pour ce faire, il faut d'abord vérifier le bien-fondé des revendications.
    Maintenant, même si l'on nous a dit que notre budget restera le même, nous allons devoir en faire plus. Comme vous l'avez déjà mentionné, une autre étape s'est ajoutée au processus, la Section d'appel des réfugiés, qui n'existait pas avant et pour laquelle nous n'avons obtenu aucun financement supplémentaire. Autrement dit, l'aide juridique devra en faire beaucoup plus et trouver de nouvelles façons de fournir les services avec le même montant d'argent.
    Merci beaucoup.
    Si le fondement de la demande doit être remis à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans un délai de 15 jours, comment Aide juridique Ontario s'adaptera-t-elle à cette exigence?
    Comme je l'ai déjà dit, nous vérifions non seulement l'admissibilité financière, mais aussi le bien-fondé des revendications. Avec seulement 15 jours pour transmettre le fondement de la demande, il sera extrêmement difficile pour l'aide juridique de faire son travail, qui consiste à s'assurer que les fonds sont distribués aux demandeurs qui le méritent le plus et dont la situation, comme je l'ai dit, justifie la dépense de fonds publics. Avec un délai de 15 jours, il sera extrêmement difficile, voire impossible, pour l'aide juridique de continuer de fournir des services, comme elle le fait actuellement. En plus de l'aide juridique, il faut trouver au cours de ces 15 jours un avocat, même après que l'aide juridique a délivré un certificat, permettant la représentation par un avocat du secteur privé. Les obstacles sont très nombreux: il faut trouver un avocat qui sera disponible au moment prévu et des interprètes pour nous aider.
    Alors, une des recommandations est que le délai pour présenter le fondement de la demande soit prolongé à 28 jours, comme le délai dont disposent actuellement les demandeurs d'asile pour remplir leur formulaire de renseignements personnels, leur FRP, ou arrondi à 30 jours.
    Le fait d'être ici ce matin et d'entendre M. Weston dire qu'il veut garder le système dans son intégrité... Personne ne veut que le traitement d'une demande d'asile prenne 21 mois. Ce n'est pas bon pour mes clients, ce n'est pas bon pour l'aide juridique et ce n'est pas bon pour personne. Ce n'est pas bon pour les Canadiens. Nous voulons que le système soit plus équitable et efficace. Nous voulons que le traitement soit plus rapide. Je vais en ajouter aux commentaires de M. Goldman de ce matin sur le fait de jeter le bébé avec l'eau du bain: je ne crois pas que 2 semaines ou 15 jours supplémentaires pour obtenir le fondement de la demande à présenter retarderont vraiment le processus. Par contre, cela fera une énorme différence au chapitre du travail et des tâches de tous les intervenants et de tous les participants au processus.

  (1605)  

    Merci. Je suis désolée de vous presser. Nous avons peu de temps.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Brouwer. Quelles sont les conséquences du retrait des freins et contrepoids que constituent les appels pour certaines catégories de réfugiés aux termes du nouveau projet de loi?
    D'un point de vue très pratique, nous remarquons régulièrement des erreurs commises par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, des problèmes liés à la représentation par l'ancien avocat ou conseil. Lorsqu'elles ont recours à nos services, les personnes sont au bout du rouleau. Elles sont détenues et sont sur le point d'être renvoyées, et c'est la première fois qu'un avocat se penche sur leur cas et détermine qu'il y a un risque réel.
    Le système actuel donne au moins accès à la Cour fédérale dans certaines circonstances, accès à un examen des risques avant renvoi pour fournir de nouveaux éléments de preuve, et c'est tout. C'est tout ce que nous avons maintenant. Il y a aussi, dans certains cas, des recours pour circonstances d'ordre humanitaire, mais cela ne s'applique que dans quelques cas, par exemple lorsque l'intérêt supérieur d'un enfant est en jeu.
    Aux termes du projet de loi C-31, tout cela n'existe plus. Alors, lorsque ces personnes auront recours à nous, en vertu du projet de loi C-31, nous ne pourrons pas faire grand-chose pour elles, voire rien, même si les éléments de preuve montrent qu'elles sont en danger si elles retournent dans leur pays.
    Merci.
    Nous sommes presque rendus à huit minutes. Je suis désolé.
    Mme Jinny Jogindera Sims: Merci.
    Le président: Monsieur Lamoureux.
    Monsieur le président, j'ai de nombreuses opinions concernant notamment la détention obligatoire et le délai de préparation.
    Madame Dahan, vous avez mentionné que vous aimeriez partager quelques recommandations avec le comité. Je vous invite à le faire. Vous avez au plus cinq minutes pour nous donner vos recommandations. heu
    Je crois que nous partagerons notre temps, car nous avons des recommandations différentes.
    En ce qui concerne le fondement de la demande, je crois que le délai de 15 jours est impossible à respecter et insuffisant. Ces mêmes 15 jours sont aussi impossibles à respecter et insuffisants pour la SAR.
    Actuellement, à la Cour fédérale, nous disposons de 15 jours pour présenter un avis et de 30 jours supplémentaires pour étayer notre dossier. Maintenant, on nous demandera de faire essentiellement la même chose, soit obtenir l'enregistrement de l'audience, le faire transcrire, cerner les erreurs, rencontrer les clients et ensuite préparer un dossier dans lequel sont indiquées les erreurs pour la Section d'appel des réfugiés. Nous devrons faire cela en 15 jours, en plus de faire appel à l'aide juridique, de lui demander de vérifier le bien-fondé des revendications et de trouver un conseil. Ce délai est tout simplement impossible à respecter et insuffisant. Le projet de loi présenté n'est que poudre aux yeux. Je ne crois pas qu'il aidera les réfugiés de manière concrète.
    Pour ce qui est des recommandations de base, une serait de prolonger les délais. La Cour fédérale nous accorde 45 jours pour étayer le dossier. Selon moi, cela est un délai raisonnable. Quant aux dates d'audience, soit 30 et 60 jours, ce n'est tout simplement pas assez.
    M. Goldman y a fait allusion dans son témoignage aujourd'hui. À une certaine période, la Commission était régulièrement en mesure de tenir des audiences en quatre ou six mois. Ce n'est qu'avec l'arriéré que le délai moyen est passé à 21 mois. On demandait régulièrement à notre bureau de fixer des dates d'audience dans ce délai, alors nous savons que cela est faisable. Nous savons que cela est possible et que l'on peut aussi mettre sur pied un système équitable et fiable. C'est un objectif réalisable. Je ne crois pas que le projet de loi C-31 nous aidera à cet égard.

  (1610)  

    En ce qui concerne les délais précis, je ne sais pas si vous l'avez mentionné, mais nous avons parlé d'un délai de 28 jours pour le fondement de la demande, de 120 jours pour l'accès à l'audience et de 45 jours, comme le délai actuel de la Cour fédérale, pour étayer un appel.
    Je crois que nous sommes tous les deux d'accord sur le fait qu'il doit y avoir, comme maintenant, un sursis en attendant le résultat de la demande d'autorisation devant la Cour fédérale. Aucun demandeur débouté ne devrait être expulsé avant que la Cour fédérale n'ait vérifié si la cause est défendable. Cela est difficile à prouver, d'un point de vue pratique, mais ces personnes devraient au moins avoir l'occasion de le faire. Aucun réfugié ne devrait se voir refuser l'accès à la Section d'appel. Si un processus d'appel est en place, tout le monde devrait y avoir accès, car autrement il n'a pas sa raison d'être.
    Selon nous, il faut prévoir l'occasion de soulever un nouveau risque ou une nouvelle circonstance ou de fournir de nouveaux éléments de preuve avant l'expulsion. Il faut donc garantir l'accès à un ERAR avant le renvoi, après le rejet de la demande par la SAR ou la SPR. L'ERAR ne devrait peut-être pas s'appliquer à tout le monde, mais si une personne peut soulever un risque à première vue et qu'elle peut prouver que quelque chose a changé, ce risque devrait être évalué avant l'expulsion. D'après nous, le fait de ne pas faire cela est contraire à l'article 7 de la Charte ainsi qu'à la Convention contre la torture et au pacte relatif aux droits civils et politiques, sans mentionner la Convention relative au statut des réfugiés.
    Nous avons de nombreuses autres recommandations concernant la détention.
    Au chapitre de la détention, M. Opitz a mentionné ce matin que nous détenons des personnes jusqu'à ce que leur identité soit vérifiée. C'est vrai aujourd'hui, c'est vrai dans le système actuel. Aux termes du projet de loi C-31, si un groupe est désigné, ses membres ne seraient pas libérés, même après vérification de leur identité. Cela constitue un changement très important.
    Une des recommandations serait d'éliminer, pour les groupes désignés, le délai de un an pour la tenue d'un contrôle des motifs de détention et de toujours leur donner l'occasion d'avoir recours à un arbitre, un commissaire de la Section de l'immigration, tous les 30 jours.
    Nous nous préoccupons de l'identité et de la sécurité des Canadiens, mais lorsque les seuils sont atteints, les immigrants potentiels devraient avoir l'occasion de se présenter devant la SI et d'être libérés. Cela constituerait un autre changement.
    Merci.
    Monsieur Dykstra.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux poser quelques questions supplémentaires à Imre. Je n'ai que sept minutes. Nous disposons chacun de sept minutes pour le premier tour, et de cinq minutes au suivant, alors nous devons travailler ensemble à bien orienter nos questions et nos réponses afin que nous puissions au moins établir un fondement. Je serais très heureux de vous rencontrer après. Il est évident qu'il s'agit d'une excellente entrée en la matière. Je serais ravi de discuter davantage avec vous, mais il est important de creuser le sujet.
    Je veux vous demander assez directement... Le fait est qu'il y a un certain nombre d'autres pays. Si, en effet, certains des milliers de Hongrois qui se rendent au Canada pour y présenter une demande d'asile et retournent ensuite en Hongrie avaient vraiment besoin d'une protection à titre de réfugiés, ils pourraient le faire dans un de vos pays voisins ou ailleurs dans l'UE puisqu'ils peuvent se déplacer sans difficulté dans les 34 autres pays. Je me demande pourquoi ils n'agissent pas ainsi. Je suppose que — et c'est ce que je veux vous entendre dire — il est si facile pour les Hongrois de tirer profit de notre système et de notre programme relatifs à notre loi sur la protection des réfugiés qu'ils le font.

  (1615)  

    Oui, la Hongrie est membre de l'Union européenne. Par conséquent, tous les citoyens hongrois sont aussi considérés comme des citoyens de l'UE. Ainsi, ils peuvent se déplacer librement sur le territoire de l'Union européenne, et il n'y a essentiellement aucune restriction quant à l'emploi ni aucune restriction dans tous les pays de l'UE en ce qui a trait à l'établissement. Un citoyen hongrois peut donc partir et s'établir ailleurs en vue d'assurer son avenir ou pour toute autre considération.
    Malgré notre expérience limitée des demandeurs d'asile hongrois, nous avons remarqué que la grande majorité d'entre eux sont motivés, je suis désolé de le dire...
    Allez-y, dites-le.
    ... par l'argent qui peut être touché facilement dans le cadre très généreux du système canadien d'octroi de l'asile. Cela ne veut pas dire, selon moi, que quiconque ne bénéficierait pas du même niveau de soutien sur le plan des services sociaux ou de l'aide sociale. Peut-être que le même niveau d'aide sociale pourrait être maintenu, mais fourni d'une autre façon qu'en liquidités, qui peuvent être transférées facilement du Canada à l'étranger... Il pourrait s'agir plutôt de services rendus, de services en nature, etc.
    Alors, il vaut la peine de quitter la Hongrie pour le Canada parce qu'il est facile d'y faire de l'argent, que notre système est actuellement en mauvais état et que nous devons l'améliorer. Êtes-vous d'accord?
    Oui. Je n'aurais probablement pas d'autres options; je vais en ce sens.
    En comparaison, que pouvez-vous me dire de plus sur ce que vous venez tout juste de mentionner? Pourquoi les prestations sociales sont-elles plus attirantes au Canada, même s'il faut présenter une demande d'asile ici, attendre 12 mois pour une audience? Selon vous, pourquoi nos prestations sociales sont-elles meilleures ici qu'en Hongrie? Y a-t-il quelque chose que nous ne savons pas, devons-nous prêter attention à quelque chose que la Hongrie ne fait pas sur le plan des services sociaux?
    Je ne crois pas qu'il y a une grande différence sur le plan de la prestation des services sociaux. La différence — il n'y a pas de doute — touche la portée générale des services ou les possibilités de prestation de services. Il est évident que la croissance économique de la Hongrie n'a rien à voir avec celle du Canada; c'est pourquoi le régime d'aide sociale hongrois ne peut pas être aussi généreux avec tout le monde, dont, évidemment, ses propres citoyens. Malheureusement, la Hongrie n'est pas en mesure de fournir des services sociaux de niveau et de portée semblables.
    Par exemple — c'est très intéressant —, en ce qui a trait au système d'octroi d'asile, la Hongrie a évidemment signé la Convention de Genève et est donc tenue d'accueillir les réfugiés qui recherchent la protection de la Hongrie et qui y ont droit. Nous avons observé un phénomène semblable avec les pays dont la croissance générale est beaucoup moins élevée que celle de la Hongrie. En effet, des réfugiés de certains pays se rendent en Hongrie pour y demander asile, plus ou moins pour les mêmes raisons que certains Hongrois se rendent ici, au Canada.
    Un des problèmes sur lesquels nous revenons toujours concerne les Roms, dont certains entrent au Canada. Je veux vous donner le reste du temps qui vous est alloué pour aborder cette question.
    Que fait la Hongrie pour les Roms?
    Comme j'ai déjà commencé à l'expliquer, le gouvernement étudie la situation en général d'une certaine population éprouvant des difficultés socioéconomiques. Au sein de cette population se trouve un groupe particulier, les Roms, qui est sans l'ombre d'un doute dans une situation encore plus difficile. Un volet du programme vise particulièrement les Roms, et non pas les problèmes généraux, mais les problèmes particuliers auxquels ils font face en Hongrie.
    Nous devons reconnaître qu'il s'agit de problèmes complexes, et c'est pourquoi il faut prendre le temps d'élaborer ce programme, que le gouvernement hongrois a proposé il y a un certain temps, et attendre qu'il porte ses fruits. L'approche est complexe et touche tous les éléments du problème. Par conséquent, il est très possible que nous atteignions nos objectifs à moyen terme, et c'est ce que nous prévoyons.

  (1620)  

    Merci.
    Madame Groguhé, c'est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leur présence.
    Monsieur Brouwer, pouvez-vous nous faire part de vos commentaires ou préoccupations au sujet du processus présenté dans ce projet de loi quant à la manière de désigner les pays sécuritaires?

[Traduction]

    Merci de cette question.
    Nous avons certaines préoccupations à l'égard de la désignation des pays sûrs. Nous croyons tout d'abord qu'il n'est jamais approprié de désigner un pays particulier comme sûr. Les réfugiés peuvent provenir de n'importe quel pays du monde, et les conditions changent rapidement aux quatre coins de la planète; c'est pourquoi un pays qui était sûr peut devenir très dangereux du jour au lendemain. Cette désignation fait que, dans un tel cas, les personnes se verraient refuser l'accès à la protection que le Canada devrait leur donner.
    Quant à certaines modifications proposées dans le projet de loi C-31, comparativement au projet de loi antérieur C-11... au moins, dans celui-ci, on prévoyait mettre sur pied un comité consultatif incluant des conseillers indépendants dont l'objectif aurait été de déterminer les pays sûrs ou dangereux et lesquels devraient être désignés ou non. Le ministre a retiré tout accès aux conseillers indépendants et en a fait une décision exclusivement gouvernementale, et cela nous préoccupe beaucoup.
    En plus de cela, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a commenté la désignation des pays. Si j'ai bien compris, il estime que, dans certaines circonstances, il peut être approprié d'accélérer le traitement des demandes d'asile de certains pays, mais même le Haut Commissariat a répété à maintes reprises qu'il doit y avoir un processus d'appel, même dans le cas d'un pays désigné. Le projet de loi  C-31élimine ce processus d'appel, et comme je l'ai déjà mentionné, en plus, ne prévoit aucun accès concret à la Cour fédérale pour les personnes de pays désignés.
    Nous nous préoccupons aussi des changements à la CISR, dont le fait que les décideurs de la Section de la protection des réfugiés seront non pas des personnes nommées pour une période déterminée jouissant d'une certaine indépendance, mais des fonctionnaires. Ce seront maintenant les seules personnes qui entendront les revendications de personnes provenant de pays que leur patron considère comme sûrs. Nous craignons que cela influe sur leur capacité de rendre des décisions impartiales quant aux demandes d'asile qu'elles traitent.

[Français]

    Merci.
    Madame Dahan, que disent vos clients à propos de la possible révocation de leur statut de résident permanent?

[Traduction]

    C'est une bonne question. Je sais que des groupes ont parlé ou parleront plus particulièrement de l'article 19 et des modifications qui y seront apportées, mais je crois que le projet de loi actuel sèmerait la peur dans toutes les communautés de réfugiés et d'immigrants du Canada.
    Monsieur Opitz, vous avez mentionné avoir servi en Bosnie antérieurement, alors nous allons prendre l'exemple d'une réfugiée bosniaque qui arrive au Canada, qui est considérée comme une réfugiée au sens de la convention et qui, maintenant, aux termes des nouvelles dispositions et en raison du changement de circonstances en Bosnie, pourrait perdre simultanément son statut de réfugié et de résident permanent et être renvoyée dans son pays, parce qu'il est maintenant sûr.
    Nombreuses sont les personnes qui, pour diverses raisons, ne demandent pas la citoyenneté, même si elles y ont droit. Celles-ci seraient affectées par ces dispositions et seraient à risque. Je crois que cela envoie un mauvais message aux immigrants et aux réfugiés partout au pays.

  (1625)  

    Rapidement.

[Français]

    Pourriez-vous nous informer rapidement des répercussions d'une attente de cinq ans pour réunir une famille qui vient de s'établir au Canada?

[Traduction]

    Je m'excuse auprès des interprètes de parler aussi rapidement.
    En ce qui a trait aux conséquences, Mme Cleveland et Cécile Rousseau nous ont déjà parlé aujourd'hui d'une étude sur la séparation des enfants. Laissez-moi vous dire que, personnellement, si je devais me faire à l'idée que je serais séparée de mon enfant pendant cinq ans, peut-être même huit ans — parce qu'il faut attendre un an pour obtenir le statut de réfugié, cinq ans de plus... après quoi il faut présenter une demande de résidence permanente pour enfin pouvoir parrainer mon enfant... Cela poussera les gens à prendre des décisions très risquées et à faire avec leurs enfants un voyage très dangereux.
    Si l'objectif est d'éliminer le passage de clandestins et d'empêcher les personnes d'avoir recours aux passeurs, je crois que ce sont les passeurs qui en sortiront gagnants. Au lieu de se dire « Je vais présenter une demande d'asile et ensuite parrainer mon enfant pour que nous soyons réunis », devant la possibilité d'être séparé pendant 5 à 7 ans — voire 10 ans —, le client se dira « Je vais emmener mon enfant avec moi ». Le passeur a gagné, car il a maintenant deux clients.
    Je ne crois pas que le fait de cibler les familles et la séparation va nous aider de quelque façon que ce soit.
    Certains d'entre vous regardent le chronomètre. Le temps s'est arrêté pour le comité de l'immigration.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Monsieur Opitz, vous avez le temps de poser une brève question.
    Merci tout le monde de votre présence.
    Szervusz, monsieur Helyes. C'est bien plaisant de vous avoir avec nous.
    Monsieur, vous avez parlé de certains problèmes liés aux Roms en particulier. Juste pour le compte rendu, la Hongrie discrimine-t-elle les Roms?
    Non.
    Quelles mesures sont prévues dans votre système pour les protéger?
    Je suis désolé. À quel type de protection faites-vous allusion?
    Vous avez mentionné que de multiples problèmes complexes touchent ce groupe et d'autres personnes dans votre pays. C'est une belle affirmation générale, mais j'aimerais obtenir des précisions. En vue de résoudre ces problèmes, comment votre pays les protège-t-il à l'interne?
    En ce qui concerne la discrimination, la loi l'interdit sous toutes ses formes. En cas de discrimination, la loi prévoit diverses mesures correctives.
    Il existe aussi un organisme de protection des droits des minorités, un ombudsman des droits des minorités, qui surveille le cours général des événements en société. Il peut vérifier les activités de tout agent ou organisme d'État en ce qui a trait à la discrimination.
    Le gouvernement a surveillé de très près le déroulement de divers événements et, selon les besoins, a, par exemple, modifié le Code criminel pour mettre sur pied de nouveaux organismes de prévention du crime en réponse à ce phénomène particulier. À titre d'exemple, l'État est le seul responsable de la coercition qui, sous certaines formes, aurait été contestée par certains organismes. Maintenant, nous avons non seulement une disposition générale, mais aussi une disposition législative particulière pour lutter contre ce type de phénomène, qui a disparu au cours de la dernière année et demie. Le phénomène aurait été présent pendant un certain moment lorsque la loi ne fournissait à l'État aucun instrument clair pour qu'il puisse aller de l'avant et l'éliminer.

  (1630)  

    Êtes-vous satisfait...
    Je suis désolé, nous sommes toujours en retard aujourd'hui.
    Monsieur Helyes, comme je l'ai déjà mentionné, cela a été un honneur de vous voir représenter la Hongrie et donner votre point de vue sur l'immigration. Merci beaucoup.
    Madame Dahan, j'ai toujours admiré les personnes qui travaillent à l'aide juridique. Je ne sais pas comment vous faites pour joindre les deux bouts, mais je vous remercie de votre présence. Monsieur Brouwer, je suis heureux de vous avoir revu.
    Nous vous remercions tous les trois d'être venus.
    La séance est suspendue.

  (1630)  


  (1635)  

    Nous allons passer au groupe II. Nous avons pris un peu de retard.
    Nous avons deux témoins. James Milner, professeur adjoint du Département des sciences politiques de l'Université Carleton. Bon après-midi, monsieur.
    Êtes-vous déjà venu ici?
    Non.
    Vous avez dû faire quelque chose de connu, car votre nom me dit quelque chose. Avez-vous écrit un livre?
    En effet.
    Et voilà. Je ne l'ai probablement pas lu.
    Je ne l'ai pas mis en vente à la sortie.
    D'accord.
    Nous accueillons aussi Chantal Desloges. Bon après-midi. Vous êtes avocate.
    Vous disposez chacun de 10 minutes pour présenter votre exposé.
    Monsieur Milner, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très reconnaissant de l'invitation du comité et de l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
    Même si le projet de loi C-31toucherait le système national d'octroi de l'asile du Canada, mon exposé d'aujourd'hui concerne plutôt les conséquences du projet de loi C-31 sur la politique internationale en matière de protection des réfugiés du Canada.
    Selon l'architecture des activités de programme et les résultats stratégiques actuels de Citoyenneté et Immigration Canada, le ministère et ses partenaires au sein du gouvernement canadien visent à influencer le programme de la politique internationale en matière de protection des réfugiés en participant à un éventail de forums multilatéraux, régionaux et bilatéraux. En fait, en collaboration avec l'ACDI et le MAECI, CIC a bien atteint cet objectif et a particulièrement réussi à faire preuve de leadership à l'échelle internationale et à influencer l'approche internationale en ce qui a trait à la situation prolongée des réfugiés, sujet que j'aborderai dans quelques instants.
    Ce qui me préoccupe du projet de loi C-31, c'est qu'il contient trois éléments qui empêcheraient probablement le Canada d'atteindre cet objectif, car ils pourraient avoir un effet négatif sur la capacité du pays d'influencer le régime mondial d'aide aux réfugiés. Ces trois éléments sont le pouvoir ministériel et la désignation des pays d'origine sûrs, le recours à la détention dans le cas d'arrivées irrégulières et les dispositions prévoyant la révocation du statut de résident permanent, particulièrement dans le cas des réfugiés qui se sont réinstallés au Canada.
    Mes commentaires d'aujourd'hui sur le projet de loi C-31 sont fondés sur les conclusions d'un projet de recherche que j'ai codirigé à l'Université d'Oxford pendant plus de 10 ans. Le projet consistait à examiner la politique dans le cadre du régime mondial d'aide aux réfugiés et la façon dont certains États, dont le Canada, réussissent à promouvoir un programme axé sur les solutions de rechange pour les réfugiés. La recherche a révélé que le Canada a assez bien réussi à influencer la politique à l'égard des réfugiés à l'échelle internationale et régionale. Je serais ravi de donner quelques exemples de ces réalisations durant la période de questions. Je ne m'y attacherai pas maintenant, compte tenu du temps.
    Notre recherche indique que la capacité du Canada de jouer ce rôle de chef de file découle principalement de son autorité morale, de son engagement concret envers la coopération multilatérale et du fait qu'il a la réputation d'avoir un système national d'octroi de l'asile juste et impartial. Nous avons remarqué que, au contraire, les pays qui adoptent des lois restrictives prévoyant notamment la détention obligatoire et des mesures visant clairement à empêcher l'arrivée de demandeurs d'asile, n'arrivent pas à influencer le régime mondial d'aide aux réfugiés, particulièrement au moment de négocier avec les États du Sud qui accueillent des réfugiés.
    Compte tenu du temps, j'aimerais brosser brièvement le portrait du contexte mondial avant de me concentrer sur les trois éléments préoccupants et de suggérer des modifications que le comité pourra prendre en considération.
    Les 20 dernières années ont été le théâtre d'un changement important au sein du système mondial d'aide aux réfugiés. Ce changement s'est manifesté notamment par l'augmentation du nombre de soi-disant situations prolongées de réfugiés. Il s'agit de réfugiés qui demeurent en exil pendant plus de cinq ans sans aucune perspective d'avoir accès à une solution durable. Aujourd'hui, environ les deux tiers des réfugiés du monde entier — soit 7,2 millions de réfugiés — sont en situation d'exil prolongé, et 80 p. 100 d'entre eux demeurent dans leur région d'origine. En fait, on compte parmi les principaux États qui accueillent des réfugiés aujourd'hui le Pakistan et le Kenya. Ce sont des pays qui font eux-mêmes face à de nombreux problèmes liés à la stabilité et à la croissance.
    En cas d'arrivée massive et de présence prolongée de réfugiés, bon nombre de ces pays hôtes exigent qu'ils demeurent dans des camps. Ces camps sont souvent très isolés et très dangereux, et les réfugiés qui s'y trouvent se voient privés de leurs droits et de leurs libertés garantis en vertu de la Convention de 1951, dont la liberté de circulation et le droit de chercher du travail.
    Même si la condition précaire des réfugiés est problématique dans ces camps, le plus alarmant, c'est peut-être notre incapacité manifeste de trouver une solution aux situations prolongées des réfugiés. En 1993, il fallait environ neuf ans pour régler une situation de réfugiés. Aujourd'hui, il s'agit plutôt de 20 ans.
    Le Canada a fait de la résolution des situations prolongées de réfugiés une priorité internationale. Dans le cadre de ses déclarations devant le Comité exécutif du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et l'Assemblée générale de l'ONU, le Canada a réclamé une intervention internationale pour régler ces situations et faire en sorte que les solutions pour les réfugiés soient plus prévisibles. Il est question de cette priorité dans les résultats stratégiques et l'architecture des activités de programme du CIC, particulièrement le résultat stratégique 2 et l'activité de programme 4.
    Le Canada a principalement eu recours à des mécanismes pour mettre de l'avant la priorité qui consiste à contribuer au règlement des situations de réfugiés.

  (1640)  

    Parlons d'abord de la réinstallation des réfugiés. Le gouvernement devrait être félicité pour avoir annoncé que le Canada assurera la réinstallation de près de 14 500 réfugiés par année. Cela confirmerait le deuxième rang du Canada au chapitre des activités mondiales de réinstallation.
    Toutefois, on aurait tort de conclure que les situations prolongées de réfugiés peuvent être réglées simplement avec la réinstallation. À l'échelle mondiale, on compte près de 80 000 possibilités de réinstallation par année. Comme 7,2 millions de réfugiés sont admissibles à la réinstallation, il faudrait 98 ans pour régler les situations prolongées de réfugiés uniquement de cette façon. Voilà pourquoi le Canada a recours à l'action diplomatique et à la réinstallation pour exercer son leadership dans le règlement des situations prolongées de réfugiés.
    Grâce à son autorité morale au sein du régime mondial d'aide aux réfugiés, le Canada a réussi à mener les négociations à l'échelle internationale et régionale en vue de résoudre les situations prolongées de réfugiés au moyen de la réinstallation, du rapatriement et de l'intégration locale. J'alléguerais que cela est une façon très rentable de renforcer le régime mondial des demandes d'asile et de trouver des solutions pour les situations de réfugiés précises.
    Comme je l'ai déjà mentionné, le Canada a pu jouer ce rôle en raison de son autorité morale au sein du régime mondial d'aide aux réfugiés. Il a pris un engagement concret en matière de coopération multilatérale et a la réputation d'avoir un processus national d'octroi de l'asile qui est juste et impartial. Il est surprenant de constater que, au contraire, d'autres États industrialisés du Nord, particulièrement certains États européens, et l'Australie perdent leur influence et leur autorité morale au sein du régime mondial d'aide aux réfugiés en raison des politiques plus restrictives en matière d'asile qu'ils ont adoptées. Encore une fois, compte tenu du temps qui passe, je ne donnerai pas d'exemples, mais je serai ravi d'en parler durant la période de questions.
    Compte tenu de l'importance de l'autorité morale du Canada au regard de ses intérêts au sein du régime mondial d'aide aux réfugiés et compte tenu des conséquences des changements de politiques et de pratiques nationales sur l'autorité morale d'autres États au sein du régime, je soutiens qu'il est important de prendre en considération les conséquences internationales du projet de loi C-31. Trois éléments du projet de loi C-31 risquent de compromettre l'autorité morale du Canada au sein du régime mondial d'aide aux réfugiés.
    Ma première préoccupation touche le pouvoir ministériel de désigner des pays d'origine sûrs. Les négociations avec les États d’accueil du Sud au sujet des politiques concernant les réfugiés entraînent souvent des discussions sur l’importance de dépolitiser la question des réfugiés et celle de disposer de mécanismes décisionnels transparents et administratifs pour répondre à l’arrivée des demandeurs d’asile, qu’ils arrivent isolément ou en groupe. Le Canada éprouverait de la difficulté à présenter cet argument aux pays d’accueil du Sud en raison des dispositions du projet de loi qui accordent au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration le pouvoir discrétionnaire de qualifier de « sûrs  » certains pays d’origine.
    Je recommande donc de modifier le projet de loi pour confier à un groupe consultatif d'experts indépendant la tâche d'établir et de mettre à jour une liste de pays d'origine sûrs.
    Ma deuxième préoccupation concerne le recours à la détention dans le cas d'arrivées irrégulières et d'étrangers désignés. Le recours à la détention obligatoire pour dissuader les futurs demandeurs d’asile de venir au Canada est non seulement une mesure inefficace et extrêmement coûteuse, comme cela a été démontré, en particulier dans le cas de l’Australie, mais cette mesure est un élément central des politiques restrictives en matière d’asile adoptées par les pays du Nord dont se sont emparés les pays du Sud pour justifier les limites apportées aux divers droits accordés aux demandeurs d’asile et aux réfugiés sur leur territoire. Les dispositions en matière de détention figurant au projet de loi compromettent les efforts que déploie le Canada pour inciter les États d’accueil du Sud à abandonner la pratique consistant à interner les demandeurs d’asile et les réfugiés dans des camps, et à leur accorder une plus grande liberté de mouvement.
    Par conséquent, je recommanderais de modifier le projet de loi C-31 pour supprimer l'allusion à la détention obligatoire pour les arrivées irrégulières et les étrangers désignés.
    Ma troisième et dernière préoccupation, et je conclus ici, touche les dispositions relatives à la révocation du statut de résident permanent. Le Canada s’est donné comme priorité dans son action au sein du régime mondial d’aide aux réfugiés de favoriser l’élaboration de solutions durables et permanentes susceptibles de mettre fin à la situation très dure des réfugiés. Le Canada éprouverait de la difficulté à présenter ce genre d’argument sur le plan international si le projet de loi C–31 contenait des dispositions aux termes desquelles les réfugiés qui se sont réinstallés au Canada et qui ont obtenu la résidence permanente pourraient voir leur statut révoqué, sauf dans les cas où il a été démontré que la réinstallation a été obtenue au moyen d’une déclaration frauduleuse. Je ferais allusion ici au témoignage antérieur de Mme Audrey Macklin portant sur l’annulation par rapport à la perte du statut…

  (1645)  

    Nous n'avons presque plus de temps, monsieur.
    Je recommanderais donc que le projet de loi soit amendé pour supprimer l'allusion à la révocation de la résidence permanente pour les réfugiés réinstallés.
    Voilà, je vous dis merci, et j'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Madame Desloges.
    Merci.
    Je suis avocate spécialisée en droit de l'immigration et en droit des réfugiés. Depuis environ 13 ans, je pratique le droit exclusivement dans ces deux domaines.
    Je suis spécialiste agréée en droit de l'immigration et en droit des réfugiés. Nous ne sommes qu'une dizaine de personnes à avoir reçu l'agrément de spécialiste dans ces deux domaines par le Barreau du Haut-Canada.
    Je vous dis cela non seulement pour que vous sachiez que je sais de quoi je parle, mais aussi pour insister sur le fait que je suis, en quelque sorte, une espèce rare, en ce sens que je comprends tant notre politique en matière de réfugiés que les aspects économiques de l'immigration, et je crois d'ailleurs pouvoir ajouter de la valeur aux travaux du comité en ce qui touche ces aspects.
    Je suis d'abord Canadienne, et ensuite avocate, dans cet ordre.
    Je crois que les politiques d'immigration canadiennes doivent avant tout servir l'intérêt des Canadiens, pas celui du reste du monde. Cela dit, j'estime effectivement qu'il est avantageux pour le Canada de défendre des valeurs humanitaires et de remplir les obligations qui découlent du droit international, mais dans les limites du raisonnable.
    Je crois que, à trop vouloir être ouvert d'esprit, on peut risquer de perdre son cerveau.
    J'appuie sans réserve nombre des mesures que le gouvernement actuel a adoptées au cours des dernières années pour réformer les politiques en matière d'immigration; je ne les appuie pas nécessairement toutes, mais je souscris à la majorité d'entre elles. Toutefois, il vient un temps où il faut se montrer un peu plus ferme, lorsqu'on constate que, en son âme et conscience, on ne pourrait approuver certaines initiatives. Considérez-moi comme l'amie qui vous ramène sur le trottoir au moment où vous alliez vous aventurer dans la circulation. Voilà comment je vois les choses.
    Je ne dispose que de 10 minutes, et je sais que nombre de mes confrères et consoeurs beaucoup plus érudits dans le domaine ont témoigné avant moi. Je vais aborder très brièvement quatre aspects, puis le reste du temps pourra être consacré aux questions.
    J'ai préparé une présentation PowerPoint, qui se veut un complément à mon exposé; il n'est pas censé le remplacer. Je ne vais pas lire les diapositives, alors vous allez devoir travailler un peu: vous allez devoir lire les diapositives et m'écouter en même temps.
    Le premier aspect est l'utilisation de la liste des pays d'origine désignés.
    Je tiens à préciser que je suis en désaccord avec nombre de mes confrères et consoeurs spécialisés en droit des réfugiés qui s'opposent unilatéralement à l'utilisation d'une liste de pays d'origine désignés. Je crois qu'une telle liste peut être utile si on l'emploie de la bonne façon.
    N'oubliez pas que, même si une liste semblable existe, des personnes pourront encore demander l'asile. Leur demande pourra encore être entendue par un tribunal, mais ces personnes auront un accès restreint à certains des autres freins et contrepoids, comme le droit d'appel et d'autres recours semblables. Je crois qu'un tel système serait probablement constitutionnel s'il était appliqué correctement.
    Bien honnêtement, je crois que nous aurions l'air un peu ridicule si tous les demandeurs d'asile, y compris, par exemple, ceux des États-Unis, avaient accès à tous les freins et contrepoids qui sont en place. Je crois que cela minerait notre crédibilité.
    J'ai néanmoins des réserves au sujet de la procédure de sélection des pays qui figureraient sur la liste. Cela me préoccupe énormément. Je dois dire que... Je crois que tous ici présents savent pertinemment que la liste des pays d'origine désignés a été créée pour qu'on puisse régler une situation bien précise qui touche uniquement deux pays, alors soyons honnêtes et nommons-les: la Hongrie et le Mexique. Tout le monde le sait. Peut-être que les gens ne le disent pas de façon aussi explicite, mais c'est un fait bien connu. Je crois que le fait de réagir de la sorte à une situation isolée n'est pas la meilleure façon d'élaborer des politiques. On risque de jeter le bébé avec l'eau du bain.
    De plus, je crois qu'il est inadmissible de confier au seul ministère le pouvoir de dresser la liste de pays d'origine désignés et de ne pas consulter un groupe d'experts pour la sélection des pays, car le système pourrait ainsi être soumis à de fortes pressions politiques.
    Dans la mouture précédente du projet de loi, les pays de la liste étaient sélectionnés par un groupe d'experts, et, à titre de professionnelle, je serais à l'aise avec cette idée. Toutefois, le fait de laisser la sélection à l'entière discrétion du ministère n'est pas une bonne idée.
    Le deuxième aspect est la révocation du statut de résident permanent de personnes qui perdent leur statut de réfugié. Mon point de vue diffère quelque peu de celui de mon ami, qui vient tout juste d'aborder cet aspect. En effet, contrairement à lui, je crois que cette mesure est défendable. D'abord, elle nous permettra d'offrir la protection lorsqu'elle est nécessaire tout en continuant de respecter nos engagements dans les domaines du droit humanitaire international et du droit international. En même temps, il s'agit d'un moyen supplémentaire de se débarrasser de personnes qui peuvent être indésirables et qui n'ont plus besoin de protection. J'estime qu'il s'agit là d'un compromis raisonnable.
    Je crois qu'il faut penser à long terme et garder à l'esprit que quiconque se voit accorder le statut de réfugié pourra aussi demander la citoyenneté après quelques années et, dans ce cas, avoir le droit de demeurer au Canada de façon permanente.

  (1650)  

    Toutefois, le ministre devra encore démontrer à la commission du statut de réfugié que cette personne n'a pas qualité de personne à protéger. Je crois qu'il s'agit d'une exigence raisonnable qui nous permet de veiller à ce qu'on n'utilise pas abusivement ce processus contre des personnes qui ont vraiment besoin d'une protection. Étant donné que le processus de demande de constat de perte d'asile est complexe et exige beaucoup de temps et d'effort, je ne crois pas qu'on l'emploierait à la légère. Je ne crois pas qu'on y recourrait très souvent. Par conséquent, je ne partage pas vraiment l'avis des personnes qui ont déclaré que, en raison d'une telle mesure, les réfugiés craindraient de perdre l'asile à tout moment advenant un changement de la situation dans leur pays d'origine. Je crois simplement que, sur le plan pratique, ce n'est pas de cette façon que les choses se passeraient.
    Le troisième aspect est la réduction du délai accordé au demandeur d'asile pour qu'il fournisse les documents liés au fondement de sa demande et pour que sa demande soit entendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et la Section d'appel des réfugiés. J'appuie fermement toute disposition visant à accélérer le traitement des demandes d'asile. À peu près tout le monde serait d'accord avec moi. À mon avis, aucun de mes confrères ne désapprouverait l'idée d'accélérer les choses. Toutefois, les délais qui sont prévus — 15, 30, 60 jours, etc. — sont tout simplement irréalistes. En tant qu'experte ayant évolué longtemps dans le système, je peux affirmer que cette idée est vouée à l'échec. Il est impossible de respecter des délais semblables. Et le problème ne touchera pas seulement le demandeur d'asile et l'avocat: je n'arrive même pas à imaginer le cauchemar dans lequel sera plongée la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui devra rendre des décisions sous ce genre de contraintes. J'ignore qui au ministère a cru que cela fonctionnerait, mais je peux vous assurer qu'on frappera un mur. C'est décidément une bonne idée de raccourcir les délais, mais il est exagéré de le faire à ce point-là. Ça ne peut pas fonctionner.
    À ma connaissance, le gouvernement n'alloue aucun financement supplémentaire à la Commission. Les commissaires ont déjà du mal à rendre des décisions dans les délais actuellement prescrits. Je ne peux imaginer comment ils réussiront à le faire 10 fois plus rapidement sans l'entrée de nouveaux fonds dans le système. Je crois que toute cette entreprise est vouée à l'échec, et je serais étonnée que quiconque à la Commission soutienne le contraire.
    En outre, en fixant des délais semblables, on ne tient pas compte des réalités du processus de demande d'asile. Je compte des années d'expérience dans le domaine. Une personne n'a pas le temps en 15 jours de venir au pays, de retenir les services d'un conseil compétent, de rédiger sa demande et de la soumettre. Ce n'est tout simplement pas réaliste. Ce qui finira par arriver, c'est que des gens se présenteront devant la Commission sans représentant ou se tourneront vers des consultants véreux ou tout simplement médiocres, car c'est tout ce qu'ils pourront trouver en si peu de temps.
    Cette situation causera bien des maux de tête aux décideurs, car la représentation du demandeur par un conseil compétent procure une valeur ajoutée au système. En effet, un conseil compétent verra à ce que les règles de preuve soient respectées, à ce que les formulaires soient remplis à temps et à ce que les éléments de preuve adéquats soient réunis afin d'améliorer la qualité du processus décisionnel. Toutefois, si on impose des délais aussi courts, les décideurs seront contraints de rendre leurs décisions dans les pires conditions possibles, et cela ne fonctionnera pas.
    Je vous garantis que les choses n'iront pas plus vite si on met en oeuvre une telle mesure, et je vais vous dire pourquoi. Un nombre sans précédent de gens seront forcés de demander un report d'audience. Et si les demandes de report ne sont pas accueillies, on interjettera appel à la Cour fédérale, et les demandeurs auront gain de cause, car le tribunal conclura qu'il y a déni de justice naturelle parce que la personne n'a pas eu la possibilité raisonnable d'être représentée par un conseil.
    Enfin, pour ce qui est de l'interdiction de un an dans le cas d'une demande pour des motifs d'ordre humanitaire, vous avez mes commentaires dans la présentation PowerPoint. Je crois que vous l'avez reçue. Voici des exemples montrant pourquoi il s'agit d'une mauvaise idée. Les gens ne devraient pas être obligés de choisir entre une demande d'asile et une demande reposant sur des motifs d'ordre humanitaire. L'interdiction de un an est une mesure arbitraire. Pourquoi une année? Pourquoi ne pas prévoir une interdiction de six mois? Pourquoi pas deux ans? Cela n'a tout simplement aucun sens. Je ne vois pas pourquoi les demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire ne pourraient pas être traitées rapidement. Actuellement, certains de mes cas sont traités en moins de quatre mois. Ce n'est pas ce genre de cas qui entraînera des retards excessifs dans le système. Et, même en ce moment, cela ne fait aucunement obstacle à l'expulsion. Donc, si on craint que cela nous empêche de renvoyer des personnes du Canada, dites-vous que ce n'est pas le cas. Il n'en est rien actuellement, et il n'en sera rien dans l'avenir. Pour empêcher un renvoi, il faudrait s'adresser à la Cour fédérale et convaincre le juge selon un critère très strict. À mon avis, ce changement n'est tout simplement pas nécessaire. Il n'ajoute aucune valeur au système.

  (1655)  

    Je souhaite conclure en disant que je félicite le gouvernement de prendre des mesures pour simplifier le système. Il faut beaucoup de cran, beaucoup de courage, pour s'attaquer à ce dossier. C'est beaucoup de travail. Je le félicite pour cela, mais je l'encourage à faire les choses comme il faut.
    Je serais ravie de répondre à vos questions, et j'espère sincèrement que vous ferez les choses comme il se doit.
    Merci.
    Il y aura des questions, et nous commençons par M. Weston.
    Merci, monsieur Tilson, et je vous remercie tous deux d'être ici.
    Monsieur Milner, j'ai été intrigué en lisant sur votre expérience et sur une partie du travail que vous avez fait au Burundi et à d'autres endroits. Je suis allé sur le terrain au Burundi, où j'ai vu des personnes qui sont déplacées, année après année — d'abord vers le Rwanda, puis on les renvoie au Burundi —, et elles vivaient dans une situation qui semblait désespérée et malheureuse. Grâce à l'organisme Food for the Hungry, que j'ai déjà présidé et qui est financé en partie par l'ACDI, ces personnes sont en sécurité et travaillent dans l'industrie de la culture de la pomme de terre, qui est en plein essor.
    Ce dont vous parlez peut arriver. Je me réjouis d'apprendre que vous croyez que le Canada vient en aide à des personnes sur le terrain dans ces pays, au lieu de se contenter d'accueillir un nombre de personnes bien supérieur à ses capacités.
    Permettez-moi de vous poser deux ou trois questions. Madame Desloges, vous avez toute mon admiration pour les choses que vous faites et pour la façon dont vous aidez les gens. Vous ne soutenez pas que toutes les décisions seront défavorables aux demandeurs en raison des délais plus courts. Vous affirmez simplement que les décisions seront rendues d'une façon que vous jugez inappropriée. Pourtant, hier, les représentants de la Nouvelle-Zélande nous ont expliqué qu'ils réussissaient à traiter les demandes d'asile dans un délai équivalant à environ 15 p. 100 du temps qu'il nous faut pour mener à bien le même processus.
    Souhaitez-vous dire quelque chose à ce sujet? Vous avez bel et bien affirmé que nous convenons tous qu'il faut accélérer les choses. Pour une raison ou une autre, vous estimez que les délais prévus sont irréalistes. Cela ne veut pas dire que le processus jouera contre les demandeurs. Vous croyez simplement que les décideurs auront du mal à faire leur travail dans de tels délais.
    Non, je crois que, dans la plupart des cas, cela nuira aux demandeurs — pas tout le temps, mais la plupart du temps. Et pour cause: il n'est pas raisonnable de croire qu'une personne pourra prouver le bien-fondé de sa demande dans des délais aussi courts. Je crois savoir que vous êtes avocat de formation. Il est irréaliste de s'attendre à ce que, dans les délais proposés, une personne puisse présenter tous les éléments de preuve documentaire, et peut-être le témoignage d'un expert, alors que les conditions seraient loin d'être idéales.
    Une demande qui n'est pas étayée d'éléments de preuve documentaire sera défavorable au demandeur. J'ignore quels sont les chiffres en Nouvelle-Zélande, mais je m'attendrais à ce qu'ils traitent probablement beaucoup moins de personnes que nous le faisons, même si on regarde les statistiques par habitant. Je crois que la Commission peut travailler beaucoup plus rapidement qu'elle ne le fait actuellement, mais il n'y a aucune raison d'accélérer les délais d'une façon aussi déraisonnable que le prévoit le projet de loi.

  (1700)  

    Monsieur Milner, je voudrais aborder la question de la détention. Je suis d'avis que le régime de détention que nous proposons aura pour effet d'améliorer l'image du Canada dans le monde. En effet, si nous ne mettons pas en place un régime de détention, nous pourrions même ne plus être en mesure d'accueillir le nombre d'immigrants qui arrivent actuellement. À mon avis, le régime de détention est une façon de renforcer le système d'octroi de l'asile, car nous pourrons ainsi le mettre à l'abri des critiques de Canadiens qui croient que nous ne devrions même pas laisser entrer ces personnes.
    Parmi les passagers des deux bateaux, il y en avait en fait 41 pour lesquels la détention était justifiée. Ils étaient des criminels de guerre ou présentaient un risque pour la sécurité publique. Nous devons nous doter d'un bon régime de détention, pas pour le simple plaisir de mettre des gens en détention, mais pour protéger notre pays. Ne pouvons-nous pas défendre cette position et conserver notre influence dans le monde?
    C'est une excellente question. Vu l'argument que j'avance, j'aborde cette question dans une perspective internationale. Je ne suis pas avocat, alors, pour ce qui est d'interpréter les dispositions relatives à la détention, je m'en remets à d'autres qui s'y connaissent plus que moi.
    Regardez les exemples d'autres pays qui appliquent la détention obligatoire des immigrants qui arrivent par bateau, précisément par bateau: il s'agit d'abord d'un moyen d'essayer de préserver la confiance du public à l'égard du système d'octroi de l'asile et, ensuite, d'une façon de tenter de maintenir leur engagement à l'échelle internationale. L'exemple le plus éloquent qui me vient à l'esprit est le cas de l'Australie, qui, en 2001, a adopté ce qu'on a appelé plus tard la solution du Pacifique.
    Au moment où la solution du Pacifique a été adoptée, j'effectuais des recherches au Kenya, et, à cette époque, l'Australie comptait parmi plusieurs pays donateurs, au Kenya, qui essayaient d'encourager le gouvernement kényan à accorder davantage de liberté de circulation aux réfugiés somaliens qui vivaient alors depuis 10 ans dans les camps de Daadab. Cela fait maintenant aujourd'hui 20 ans qu'ils vivent dans ces camps. La réponse que nous avons reçue, de façon officieuse, c'est que l'Australie peut préserver la confiance du public à l'égard de son système d'octroi de l'asile, mais que le Kenya n'a pas le droit de fermer les camps pour soutenir son système d'octroi de l'asile. Il y a donc deux poids, deux mesures.
    Je vois ce que vous voulez dire.
    Madame Desloges, cet aspect ne figurait pas parmi les quatre que vous avez mentionnés. Dois-je donc présumer que vous comprenez et acceptez le raisonnement qui sous-tend cette mesure? Ce n'est pas parce que nous voulons maltraiter les personnes qui fuient déjà des conditions terribles. C'est parce que nous voulons être certains de pouvoir continuer d'accepter des réfugiés et d'avoir les moyens de vérifier leur identité et de nous assurer qu'ils ne présentent aucun risque pour la sécurité publique.
    Que pensez-vous de cela?
    Le fait que je n'ai pas commenté cet aspect ne signifie pas que je l'approuve. La détention obligatoire à long terme est tout simplement inconstitutionnelle. Et il n'est même pas question ici d'équité. Il n'est même pas question ici d'être une âme sensible. Il s'agit tout simplement d'une mesure inconstitutionnelle. Les tribunaux renverseront les décisions en ce sens. La durée de une année est arbitraire. Pourquoi une année? Comment en est-on arrivé à une année?
    Il s'agit d'une durée qui a été fixée, et la personne peut être libérée si son identité est confirmée. Où elle peut toujours demander au ministère de la Sécurité publique à être libérée avant un an. C'est donc une possibilité.
    Je ne vois pas où est le problème d'ordre constitutionnel que vous évoquez. Je crois que la plupart des gens conviendraient que nous serions stupides d'accepter n'importe qui comme réfugié, même si peut-être seulement 0,1 p. 100 des réfugiés constituent une menace pour la sécurité, mais cela suffit pour dire à nombre de Canadiens: « Je suis désolé, nous ne pouvons courir le risque qu'une personne semblable s'installe dans votre quartier. » Sinon, la compassion des Canadiens, qui s'exprime, grâce à notre gouvernement, au moyen d'un système d'octroi de l'asile des plus solides, partira en fumée. Nous ne pouvons nous permettre cela.
    Je suis désolé, monsieur, mais votre temps est écoulé.
    Madame Sitsabaiesasn.
    Je vous remercie tous les deux d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Milner, vous avez survolé les grands thèmes que sont les réfugiés, la détention obligatoire et les pays désignés. Pouvez-vous faire des commentaires au sujet des répercussions des personnes qui sont dans une situation de réfugié prolongée?
    J'ai en tout environ sept minutes, et j'aurais trois ou quatre questions à vous poser.
    Les répercussions sur les personnes dans une situation de réfugié prolongée — sur les réfugiés eux-mêmes ou sur les États et les collectivités qui les accueillent?
    Sur les réfugiés eux-mêmes.
    D'accord.
    Très précisément, ce que nous avons constaté, c'est que les réfugiés de longue date sont beaucoup plus susceptibles d'être victimes de violation des droits de la personne que les réfugiés de courte durée. Un exil de longue durée est associé à des taux plus élevés de violence sexuelle et fondée sur le sexe. De plus, dans les camps, les crimes sont plus fréquents, et les réfugiés vivent davantage d'insécurité, surtout lorsqu'on cesse de venir en aide aux populations des camps. En outre, un exil prolongé sans qu'il n'y ait de solution durable envisageable donne souvent lieu à des déplacements secondaires irréguliers; par exemple, les réfugiés s'installent dans des centres urbains ou font un voyage périlleux vers un autre endroit.
    Autrement dit, plus l'exil se prolonge, plus les risques de violation des droits de la personne sont grands.

  (1705)  

    Je crois comprendre que, selon la Convention de Genève, le pays d'origine n'est pas un motif de persécution. Je ne comprends tout simplement pas l'utilité d'une liste de pays sûrs.
    Selon vous, quelles seraient les conséquences sur les réfugiés qui fuient une situation grave, surtout si, lorsqu'ils arrivent ici, ils font l'objet d'une détention obligatoire, laquelle pourrait se prolonger jusqu'à un an après leur arrivée?
    En ce qui concerne la liste des pays d'origine sûrs, le HCNUR a conclu, au terme de son processus de consultation mondial, il y a 10 ans, que la pratique des États la plus exemplaire... qu'il existe des raisons de nature procédurale qui pourraient justifier l'existence d'une liste de pays d'origine sûrs. Ce qui me préoccupe au sujet de la liste des pays d'origine sûrs, c'est le fait que le ministre jouirait de la prérogative de déterminer quels États figureraient sur la liste.
    C'est exact, le pouvoir serait concentré au sein...
    Le pouvoir discrétionnaire ne reposerait qu'entre les mains du ministre; il n'y aurait pas de comité d'experts indépendant.
    Si je me souviens bien, dans votre premier témoignage, vous aviez proposé que nous revenions à la formule qui était prévue dans le projet de loi C-11 et qu'il y ait...
    Un comité d'experts indépendant — tout à fait.
    Donc, dans le cas des personnes qui fuient une situation de persécution, quelles seraient, selon vous, les conséquences sur ces réfugiés advenant qu'ils soient assujettis à une détention obligatoire pouvant aller jusqu'à un an?
    Prenons encore — comme dans ma réponse à M. Weston — l'exemple de l'Australie, où les cas de détention obligatoire et les coûts humains qui y sont associés sont les plus documentés; d'ailleurs, cette information a été présentée au premier ministre Harper par un groupe d'ONG australiennes dans une lettre, en décembre 2011. Les données examinées par ces ONG révèlent que, en 2011, dans les centres de détention australiens, il y a eu six suicides et 17 000 cas d'automutilation.
    Plus d'une décennie après son introduction dans le cadre de la politique d'immigration australienne, la détention obligatoire a coûté plus de 1 milliard de dollars australiens sur cinq ans et ne s'est pas révélée efficace pour dissuader les réfugiés.
    Comme en témoignent les cas de suicide et d'automutilation, les coûts humains sont très élevés, mais les coûts financiers le sont tout autant. Lorsque j'ai fait mes recherches, j'ai été très surpris de leur ampleur.
    C'est drôle que vous parliez de l'Australie, car nous avons entendu un témoin ce matin qui évoquait les mêmes... « résultats désastreux », oserais-je dire, qui découlent de la détention obligatoire, pratiquée par l'Australie depuis nombre d'années.
    Nous avons entendu le ministre dire que le gouvernement souhaite recourir à la détention comme moyen de dissuader les demandeurs d'asile de venir au Canada, mais nous pouvons voir que la détention est plutôt utilisée comme une forme de sanction. Que pensez-vous des mesures de détention et des sanctions imposées aux réfugiés pour les dissuader de venir au Canada?
    Sur le plan strictement pratique, cela ne semble pas fonctionner.
    L'Australie est un parfait exemple.
    C'est exact. Encore une fois, dans le cas des Somaliens réfugiés au Kenya depuis 20 ans, qui vivent dans des camps très isolés et peu sûrs, où les viols, les vols à main armée et les meurtres font pratiquement partie du quotidien, ces réfugiés se risquent à faire des déplacements intérieurs, à faire la traversée périlleuse du détroit du Yémen, à traverser la Méditerranée, à faire le voyage hasardeux vers l'Afrique du Sud... Ce que nous constatons, c'est que...
    Tout d'abord, il faut beaucoup de temps avant que les gens apprennent de bouche à oreille qu'il existe ce genre de sanction. Deuxièmement, même une telle sanction ne semble pas avoir d'effet dissuasif. Troisièmement, les coûts humains — et j'ai mentionné les six suicides et les 17 000 cas d'automutilation — m'apparaissent très considérables.
    Je crois qu'il s'agit de coûts humains énormes, et vous avez dit que cela avait aussi coûté des milliards de dollars à l'État.
    Je crois qu'il me reste environ une minute et demie, peut-être deux. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de la création d'une nouvelle catégorie de réfugiés? Il s'agit d'un système d'octroi de l'asile à deux vitesses maintenant.

  (1710)  

    Je crois que cela alimente en grande partie le discours qu'on nous sert en ce moment sur la liste d'attente des demandeurs d'asile, les faux demandeurs d'asile et les resquilleurs. Le principe fondamental veut qu'une personne soit un réfugié dès qu'on a déterminé... Nous ne pouvons pas savoir si une personne a qualité de réfugié tant que ce statut n'est pas déterminé dans le cadre d'un processus objectif et indépendant. Les répercussions dangereuses du discours sur un système d'octroi d'asile à deux vitesses ou sur les faux réfugiés...
    Prenons l'exemple de la Thaïlande. Ce pays compte quelque 150 000 réfugiés du Myanmar qui sont entassés dans des camps le long de la frontière, mais, selon les estimations, un million de personnes ayant fui une situation semblable à celle d'un réfugié vivent en Thaïlande, mais ne sont pas admises dans ces camps. Le gouvernement thaïlandais a officiellement déclaré que ces personnes n'étaient pas des réfugiés; elles sont considérées comme des migrants économiques. On joue avec les mots. Le statut de ces personnes n'a jamais été déterminé.
    Dès que nous empruntons la voie consistant à soutenir qu'il existe différentes catégories de réfugiés, sans les avoir soumis à ce processus, nous perdons l'autorité morale permettant de travailler avec des pays partenaires comme la Thaïlande, lequel, compte tenu des cas fréquents qui ont incité le gouvernement à proposer le projet de loi, est un pays où un très grand nombre de personnes demandent l'asile pour la première fois dans la région. Nous perdons cette autorité morale qui est nécessaire pour négocier avec des pays partenaires étrangers.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Lamoureux, allez-y.
    Monsieur le président, j'aimerais poursuivre sur cette idée d'autorité morale. Je crois qu'une question a été littéralement évacuée du débat sur le projet de loi C-31: si nous regardons la situation d'ensemble, il y a plus de 10 millions de réfugiés partout dans le monde.
    C'est exact.
    Si le Canada veut réellement s'attaquer au problème énorme qu'est le déplacement des personnes, il doit pouvoir exercer son influence dans le monde. Les autres pays s'inspirent bel et bien du Canada et de ses politiques. Je crois que c'est probablement là où le projet de loi C-31 ternit le plus notre réputation et nous empêche d'améliorer le sort de ces 10 millions de réfugiés. Est-ce que mon raisonnement est juste, monsieur Milner?
    Merci, monsieur. Je crois que c'est un raisonnement très juste.
    Si nous tenions compte des coûts diplomatiques associés à l'adoption de lois aussi contraignantes en réaction à l'arrivée de moins d'un millier de personnes par bateau et à la panique que cela provoque, du fait que cela nous empêche de tirer parti de possibilités de participer...
    Voici quelques-unes des réussites du Canada: des négociations avec les gouvernements du Népal et du Bhoutan pour trouver des solutions afin d'aider les Lhotshampas du Bhoutan qui sont en exil depuis 20 ans; les initiatives prises par le Canada pour procéder au réétablissement des Rohingyas du Bangladesh, qui vivaient là depuis 20 ans; le travail accompli par le Canada auprès des réfugiés Karens en Thaïlande; et les efforts du Canada pour faciliter l'intégration des réfugiés burundais qui sont en Tanzanie depuis 1972.
    Ce genre de travail de diplomatie est le moyen le plus efficace qui soit de contribuer au bien commun mondial dans le domaine de l'asile et à la recherche de solutions. Et ce n'est pas quelque chose qui est uniquement dans l'intérêt des pays qui accueillent des réfugiés dans la région d'origine; au bout du compte, c'est aussi dans l'intérêt du Canada. Le raisonnement est le même depuis 60 ans, soit depuis qu'il existe un système mondial d'octroi de l'asile.
    Je voudrais m'attarder à trois points que vous avez soulevés et commentés, et, ensuite, vous pourrez me confirmer que j'ai bien compris.
    Premièrement, la liste des pays sûrs est une idée que vous appuyez en principe, pourvu qu'elle fasse l'objet d'un processus réellement indépendant. On établit une liste de pays sûrs avant tout pour y désigner des pays comme la Hongrie et les autres du même acabit, pour régler certaines des préoccupations exprimées par le gouvernement.
    Le deuxième point se rapporte à la détention. Il me semble que vous vous opposez carrément à la détention. Je ne prétends pas parler en votre nom, mais certaines personnes — et j'espère que vous êtes du nombre — avanceraient qu'on pourrait peut-être même mettre en doute la constitutionnalité de la détention obligatoire. Toutefois, encore là, le tort que cela fait à notre réputation semble être ce qui vous préoccupe le plus.
    Le troisième point est le fait qu'une personne perde l'asile après qu'on a déterminé qu'elle avait qualité de réfugié, pour la simple raison — comme ma collègue l'a fait remarquer — que cela semble relever d'un système à deux vitesses.
    Souhaitez-vous donner brièvement votre point de vue? S'il reste du temps, peut-être que Chantal aura la possibilité de donner le sien.
    Très brièvement, en ce qui concerne la liste des pays d'origine, comme le HCNUR l'a constaté au terme des consultations mondiales qu'il a menées en 2000-2001, dans certains cas, la liste des pays d'origine sûrs peut constituer un outil de prise de décisions efficace. Cette liste peut avoir son utilité, mais le HCNUR a conclu que, selon la pratique des États la plus exemplaire, cette liste ne peut pas être appliquée de manière rigide et doit être fondée — pour ce qui est de toute présomption relative à la sûreté — sur des données précises, objectives et à jour.
    L'impartialité du processus de sélection des pays et de mise à jour de la liste est ce qui me préoccupe le plus.
    Quant à la question de la détention, je m'en remettrais à l'avis de mes collègues. Je sais que l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés a présenté un mémoire très détaillé sur la question de la détention. Comme je ne suis pas avocat, je ne peux me prononcer sur la constitutionnalité d'une telle mesure, mais je peux affirmer que le Canada a toujours soutenu, sur la scène internationale, que les réfugiés doivent avoir accès à davantage de possibilités d'accroître leur autonomie et d'exercer leur liberté de circulation au lieu d'être confinés dans des camps.
    Dans nombre de camps dans le monde, les réfugiés n'ont tout simplement pas le droit de quitter le camp pour trouver un emploi rémunéré. Cela revient au même qu'être en détention, alors nous perdons la possibilité d'avancer cet argument.
    En ce qui a trait à la résidence permanente, j'émets précisément des commentaires sur les possibilités de révocation de la résidence permanente des réfugiés sélectionnés à l'étranger. Le fait que le Canada, dans le cadre de son propre programme de réétablissement ou du programme de parrainage privé... Le fait qu'une personne subisse une entrevue à l'étranger avec un agent des visas canadien, qu'elle fasse l'objet d'une vérification de sécurité et d'un examen médical, qu'elle soit autorisée à venir au Canada et arrive ici — tout cela constitue un outil de protection très important. C'est une solution applicable aux réfugiés individuels, mais aussi un mécanisme de partage des obligations, dans le but d'offrir des possibilités aux réfugiés qui ne peuvent pas être réinstallés.
    Le fait d'adopter une mesure qui pourrait mener à la révocation de cette solution durable va totalement à l'encontre du message que répète le Canada partout dans le monde depuis plus de cinq ans.

  (1715)  

    Merci.
    Madame James.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Plus tôt aujourd'hui, durant la dernière heure, nous avons accueilli un témoin de la Hongrie, un conseiller de l'ambassade, et quelques uns de ses propos concernant le projet de loi m'ont vraiment frappée.
    Nous essayons de déterminer pourquoi un si grand nombre de Hongrois arrivent au Canada et revendiquent le statut de réfugié. Pourquoi un grand pourcentage d'entre eux ne demeurent-il pas au Canada? À vrai dire, ils renoncent à leur demande d'asile, la retirent ou elle est rejetée. Il s'agit de 95 p. 100, en fait, qui viennent de l'Union européenne.
    Il a dit deux choses. Premièrement, ils cherchent un meilleur mode de vie et deuxièmement, ils viennent ici pour toucher de l'argent facile. Cette deuxième affirmation est très alarmante. Lorsque je pense à la définition de réfugié — et j'ai en fait consulté une foule de définitions pour faire le point sur la question —, l'image prédominante est celle d'une personne qui est contrainte de quitter son pays pour échapper à la guerre, à la persécution ou à une catastrophe naturelle. Une personne qui veut seulement toucher de l'argent facile, est-ce un réfugié légitime?
    Non, mais vous n'utilisez pas la bonne définition de réfugié. Selon la convention, cela désigne une personne qui échappe à un quelconque type de persécution...
    C'est exact.
    ... qui peut aussi être cumulative. Mais vous avez raison: le fait de fuir pour des motifs économiques ne confère certainement pas la qualité de réfugié.
    Mon seul commentaire au sujet du témoin précédent, c'est qu'il a un peu perdu sa crédibilité à mes yeux lorsqu'il a dit qu'il n'y avait pas de discrimination contre les Roms en Hongrie. Toutes les ONG disent exactement le contraire. Selon moi, son témoignage était un peu subjectif. Je ne dis pas que la Hongrie va dans un sens ou dans l'autre. Je dis seulement que je trouve son témoignage un peu douteux.
    Merci, et je vous remercie de vos commentaires.
    Monsieur Milner, croyez-vous qu'une personne qui veut simplement quitter son pays pour améliorer son niveau de vie ou toucher de l'argent facile est visée par notre définition de réfugié? En outre, je tiens à rappeler que le dernier témoin, de l'ambassade de la Hongrie, a en fait précisé qu'il s'agissait de la mauvaise façon de venir au Canada, qu'il y a une bonne façon d'émigrer au Canada et que certains la choisissent.
    Encore une fois, considérez-vous qu'un réfugié est une personne qui veut tout simplement toucher de l'argent facile?
    Je suis d'accord avec ma collègue pour dire qu'un réfugié, selon la définition de la Convention de 1951, est une personne fuyant son pays d'origine parce qu'elle craint avec raison d'être persécutée pour l'un des cinq motifs prescrits. Notre interprétation de ces motifs a évolué au fil du temps.
    Ce que je dirais — et ce que j'ai dégagé du témoignage du représentant de la Hongrie — c'est qu'il est très important de faire intervenir les pays d'origine dans toute solution d'ensemble pour les réfugiés. Ce n'est pas la première fois que nous aurons affaire à des personnes qui se déplacent pour des motifs combinés — qu'ils soient économiques ou sociaux ou qu'ils s'apparentent à la crainte d'être persécuté.

  (1720)  

    Merci. Je comprends. Nous parlions ce cela juste parce qu'il était notre témoin au cours de la dernière heure, mais, lorsque 95 p. 100 des ressortissants de l'Union européenne qui demandent l'asile au Canada renoncent à leur demande — ne se présentent pas à leur première audience — après avoir pu toucher de généreuses prestations ici en Ontario, dans ma province, où se trouve ma circonscription, estimez-vous que cela est juste pour les contribuables? J'aimerais que vous répondiez par oui ou par non.
    Je comprends déjà votre position, mais croyez-vous que cela est juste envers les contribuables? Trouvez-vous qu'il est responsable de la part du gouvernement de permettre que cela continue?
    En ma qualité de contribuable ontarien, je crois qu'un gouvernement responsable établit un processus crédible et indépendant pour déterminer le statut de réfugié d'une personne selon le bien-fondé de la demande.
    Merci.
    Dans vos réponses précédentes, vous avez parlé de la liberté de mouvement des réfugiés. Quant aux arrivées massives, encore une fois, il n'y en a pas beaucoup ici au Canada. Il y a eu quelques centaines de réfugiés qui sont arrivés en masse de façon irrégulière au cours des 10 dernières années. Mais, en ce qui concerne la liberté de mouvement, c'est que nous ne savons pas s'il s'agit de réfugiés légitimes lorsqu'ils arrivent. Dans bien des cas, ils arrivent sans la documentation nécessaire. Ils l'ont jetée à la mer. Ils ont de faux documents. Dans bien des cas, les personnes qui sont impliquées dans le passage de clandestins se mêlent aux réfugiés ou demandent l'asile une fois au Canada.
    Selon vous, avant que l'on détermine qu'il s'agit de réfugiés légitimes, ces personnes devraient-elles pouvoir circuler ou non?
    En fait, je m'en remettrais à quelqu'un qui s'y connaît. Comme je ne suis pas un avocat spécialiste du processus canadien, je ne prétends pas avoir la crédibilité voulue pour soutenir une position ou une autre.
    Il n'est pas nécessaire d'être avocat. À votre avis, croyez-vous que quelqu'un... N'importe qui peut revendiquer le statut de réfugié. Bien des demandes sont accueillies, car il s'agit de réfugiés légitimes, et certaines sont rejetées, et la personne est déboutée. Mais, avant qu'une personne puisse réellement être réputée avoir qualité de réfugié, croyez-vous qu'elle devrait pouvoir circuler librement dans notre pays sans qu'on puisse tout d'abord déterminer son identité?
    Je crois comprendre que ce droit est garanti par la Constitution du Canada, alors, oui.
    D'accord. En fait, la détention d'une personne pour déterminer sa véritable identité est une pratique en vigueur aujourd'hui, alors nous sommes conformes au droit international et à la Charte et à tout le reste.
    Est-ce que je manque de temps?
    Oui. Il vous reste environ une minute et demie.
    Durant la minute et demie qu'il me reste, alors, je pourrais peut-être vous poser la même question. En votre qualité d'avocate, croyez-vous qu'il est légitime de laisser une personne qui arrive ici avec de faux documents ou sans documents se déplacer librement au pays sans que l'on sache à qui on a affaire?
    Nous avons entendu des témoignages au sujet du Sun Sea et de l'Ocean Lady; 41 des passagers à bord de ces bateaux ont été interdits de territoire pour crimes de guerre et d'autres infractions du genre.
    Une voix: Sécurité.
    Mme Roxanne James: Et pour des motifs de sécurité, merci.
    Alors, je suis un peu interloquée lorsque j'entends des gens dire que nous devrions simplement permettre à ces personnes — se prétendent réfugiés, mais dont le statut n'est pas confirmé — de se déplacer librement à l'intérieur de nos frontières. Je ne voudrais pas être obligée de dire à mes électeurs que je suis en faveur d'une telle position. Je ne le suis pas.
    Je n'approuverais certainement pas qu'on laisse les gens circuler librement avant que l'on connaisse leur identité ou lorsqu'on a des préoccupations en matière de sécurité à leur égard. Cela ne fait aucun doute. Je crois que presque tout le monde serait de cet avis.
    Le problème, c'est que, en l'absence de raisons de croire que la personne représente un risque pour la sécurité, je ne vois pas pourquoi on la détiendrait obligatoirement seulement à cause de son mode d'arrivée.
    Merci.
    J'aimerais en fait souligner que, sous le régime du projet de loi C-31, on libérerait la personne une fois qu'on a déterminé que le réfugié est légitime.
    Madame James...
    Il ne s'agit pas d'une période obligatoire de un an pour tout le monde. Je voulais seulement clarifier ce point.
    Merci.
    Merci.
    Madame Sims.
    Merci beaucoup.
    Je tenais à vous remercier tous les deux d'avoir pris le temps de venir présenter un exposé.
    Un certain nombre des témoins que nous avons accueillis ont parlé du pays d'origine désigné. Vous m'avez tous deux beaucoup impressionnée par votre approche rationnelle à cet égard: vous avez dit que la désignation avait en quelque sorte sa place, mais qu'elle devait être le produit d'un comité d'experts indépendant.
    En fait, si on regarde le projet de loi C-11 — le grand compromis canadien qui a été créé il y a seulement quelques mois —, c'était exactement la position qu'il reflétait.
    Je voulais seulement faire inscrire cela au compte rendu. Est-ce que je vous ai bien entendus dire cela tous les deux?
    Mme Chantal Desloges: Oui.
    Oui, assurément.

  (1725)  

    Merci beaucoup.
    J'ai souvent entendu dire, ici, devant le comité, que nous devons raccourcir les délais parce que — pour une raison qui m'échappe —cela permettra d'accélérer les choses. Mais, aujourd'hui, vous avez brossé un portrait très, très clair selon lequel une telle mesure pourrait en fait empirer les choses. Toutes les poursuites supplémentaires qui seront intentées parce que vous bafouez les droits de la personne pourraient en fait entraîner des coûts plus élevés.
    Avez-vous un commentaire à cet égard?
    Oui. Je veux dire, je crois tout simplement que ce projet de loi rate la cible. Si l'objectif est d'accélérer le système, alors nous devons nous y prendre de façon à garantir l'équité procédurale pour tous; ainsi, les gens ne pourront pas demander un report plus tard alléguer un déni de justice naturelle devant la Cour fédérale, pour ensuite être déboutés et devoir tout recommencer. En plus d'être onéreux pour les demandeurs d'asile, cela va engorger le système judiciaire.
    Vous pouvez imaginer combien il y aura de demandes de report, et elles ne seront pas toutes accueillies. Alors, nous transférons simplement le fardeau de la Commission du statut de réfugié à la Cour fédérale, ce qui constitue toujours une dépense publique; on ne fait que déplacer le problème.
    Merci.
    L'autre chose qui m'a vraiment frappée aujourd'hui, c'est lorsque vous avez dit que des poursuites judiciaires pourraient être engagées pour cause de déni de justice naturelle si nous n'offrons pas tous ces recours.
    Oui, parce que la justice naturelle suppose le droit à un procès équitable. Un procès équitable suppose le droit d'avoir assez de temps pour préparer une défense pleine et entière ainsi que le droit à un avocat compétent. Vous n'obtiendrez pas un avocat compétent dans ces délais; cela n'est tout simplement pas possible.
    Non, et merci beaucoup. Nous avons entendu cela d'un certain nombre d'avocats ici.
    Des témoins ont parfois même avancé que les avocats diront cela seulement parce qu'ils veulent se remplir les poches, mais je crois — d'après ce que vous dites — que les affaires pourraient être encore plus fructueuses sous le régime du nouveau projet de loi qu'avec l'actuel système.
    [Note de la rédaction: inaudible]
    C'est seulement mon observation.
    Au cours des derniers jours, j'ai entendu des chiffres assez alarmants concernant les réfugiés d'Europe, surtout de Hongrie.
    Monsieur le président, si vous le permettez, peut-être que nous pourrions demander à nos analystes parlementaires de recueillir des données pour nous. Je n'ai rien pour appuyer mes dires. J'ai entendu M. Dykstra citer des chiffres, et maintenant, Mme James en cite aussi. J'aimerais seulement savoir... Si ces chiffres sont utilisés pour démontrer le bien-fondé du projet de loi, alors je crois que j'aimerais en vérifier la validité.
    Je n'y vois aucune objection, alors, bien sûr.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Mon autre question est la suivante. Il a beaucoup été question, plus tôt aujourd'hui, du traumatisme psychologique de la détention, chez les adultes comme les enfants, surtout dans le cas des réfugiés qui proviennent — je dirais — d'environnements pas très stables. Peut-être que vous pourriez parler tous les deux des éléments juridiques — disons — entourant la détention forcée.
    Si on lit le projet de loi tel qu'il est libellé — le projet de loi C-31 —, on constate qu'il prévoit effectivement qu'une personne peut être détenue pour une période allant jusqu'à un an. Il n'est explicité nulle part que, lorsque la personne sera jugée avoir qualité de réfugié, elle sera remise en liberté. Nous proposerons des amendements à cet égard, de toute évidence. Pourriez-vous parler... Pas seulement de l'épreuve psychologique pour la personne, mais aussi de certains des problèmes sur le plan juridique?
    Notre problème, c'est que le temps est écoulé. Je m'excuse.
    Monsieur Dykstra.
    Merci, monsieur le président. Je vais procéder rapidement.
    J'aimerais aller au fond d'une question qu'a soulevée Mme James. Comme elle l'a mentionné, monsieur Milner, vous avez fait de nombreuses allusions au droit qu'ont les réfugiés de se déplacer dans le pays. Je ne suis pas en désaccord avec vous — au contraire, j'en conviens volontiers —, mais je crois que vous avez attribué à tort à la détention l'objectif d'empêcher les personnes dont la qualité de réfugié a été reconnue de faire cela, alors que nous parlons des personnes qui arriveraient ici sans être identifiées. Ce sont en fait ces personnes-là qui, selon nous, devraient être détenues jusqu'à ce qu'elles puissent, évidemment, être identifiées et peut-être obtenir la qualité de réfugié. J'espère que vous saurez reconnaître l'importante différence entre votre déclaration concernant la liberté de mouvement d'un réfugié et ce que prévoit la disposition du projet de loi.
    Si vous permettez, pour ce qui est de la détention, lorsque le 50e anniversaire de la Convention de 1951 a été célébré, on a mis sur pied tout un processus dans le cadre duquel les États soulevaient des préoccupations au sujet de lacunes relevées dans le droit international régissant le statut de réfugié. L'une de ces préoccupations se rattachait à l'application de la détention. On a conclu qu'il y avait des cas très précis où la détention était acceptable; par exemple, lorsqu'on doit confirmer l'identité. Mais le document qui est né de ce processus pluriannuel, intitulé Agenda pour la protection, entériné par l'Assemblée générale des Nations Unies, lance un appel précis aux États, et je cite:
... devraient examiner de façon plus concertée les solutions de rechange à la détention des demandeurs d'asile et des réfugiés et s'abstenir en principe de détenir des enfants.
Ces derniers étant définis comme des personnes âgées de moins de 18 ans.

  (1730)  

    Chose que nous avons faite lorsque nous avons modifié le projet de loi. Je vous suis vraiment reconnaissant de la précision. C'est très pertinent aux propos que vous avez tenus ici.
    Chantal, pourrais-je avoir vos commentaires à cet égard? Je sais que vous avez commencé à répondre. J'aimerais seulement avoir votre point de vue à ce chapitre aussi.
    Certes, je crois que, si nous ne sommes pas certains de l'identité d'une personne, la détention est une mesure raisonnable. Mon objection se rattache au libellé, qui permet maintenant la détention au moindre soupçon que la personne est interdite de territoire. Selon la disposition, on doit avoir des « motifs raisonnables de croire », ce qui n'équivaut pas à « hors de tout doute raisonnable »; cela signifie simplement qu'il faut avoir un motif raisonnable de croire que la personne est peut-être interdite de territoire.
    La « suspicion », à mon avis, est un critère beaucoup trop équivoque. La suspicion n'est pas une norme objective. Il s'agit d'une norme entièrement subjective. Et je m'y opposerais. Je crois que c'est un peu trop vague
    D'accord. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous n'allons pas suspendre la séance. Nous allons passer directement au prochain groupe de témoins.
    Madame Desloges et monsieur Milner, je tiens à vous remercier de vos exposés et de vos commentaires. Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci d'être venus.
    Nous accueillons Mary Crock, professeure à l'Université de Sydney, et Daniel Ghezelbash, aussi de la faculté de droit de l'Université de Sydney.
    Merci à vous deux. Je crois qu'il est 7 h 30 là-bas. Il est 17 h 30 ici, hier.
    Vous avez un maximum de 10 minutes pour présenter votre exposé, si vous voulez dire quelques mots au comité.

[Français]

    Je voudrais d'abord remercier le comité de m'avoir invitée à prendre la parole. Je lui en suis très reconnaissante.
     Je vais prendre la parole en anglais, mais je pourrai répondre aux questions soit en anglais, soit en français.

[Traduction]

    Vous pouvez parler français ou anglais.
    Merci beaucoup de me donner l'occasion de vous parler.
    J'ai passé du temps au Canada. À vrai dire, j'étais au Canada le 11 septembre 2001, époque à laquelle l'Australie a saisi l'occasion d'apporter des changements assez draconiens à ses lois pour qu'elles soient beaucoup plus punitives à l'endroit des personnes qui arrivent par bateau.
    J'aimerais aborder en particulier, dans le cadre de ma déclaration préliminaire, les changements proposés dans le projet de loi C-31 qui concernent le traitement des arrivées irrégulières et prévoient l'introduction de la détention obligatoire de un an et des visas de protection temporaires.
    Nous sommes d'avis que les modifications exposent le Canada au risque de contrevenir aux engagements qu'il a pris en vertu du droit international. Je vois qu'un certain nombre de personnes vous ont déjà parlé de ce problème.
    Toutefois, j'aimerais aussi vous parler de l'expérience de l'Australie et de la mesure dans laquelle les lois que vous songez aujourd'hui à adopter au Canada ont eu des effets très négatifs en Australie. Je vais laisser mes collègues canadiens vous expliquer comment — à mon avis — les dispositions proposées contreviendraient à la Charte canadienne des droits et libertés.
    Je suis certaine que vous avez entendu bien des gens exprimer leur déception à l'égard du fait que le Canada, autrefois reconnu pour sa compassion semble maintenant vouloir se faire le champion de la médiocrité. Je crois que, en plus d'abandonner ostensiblement le rôle de modèle qu'il a joué au chapitre des pratiques exemplaires internationales en matière de droits de la personne, il s'efforce de reprendre toutes les pratiques rétrogrades conçues par ses deux principaux pays analogues, l'Australie et les États-Unis.
    Ce qui est regrettable, à mes yeux, c'est que, ce faisant, le Canada s'engage sur un terrain glissant et aura beaucoup de mal à faire marche arrière. C'est ce qu'a vécu l'Australie. Autrement dit, en termes simples, je ne crois pas que les mesures que vous proposez d'introduire auront bel et bien pour effet de dissuader la migration irrégulière. Elles entraîneront probablement d'énormes coûts financiers et, plus important encore, sociaux.
    Je reconnais toutefois que les mesures que vous cherchez à introduire sont de puissants outils électoraux. Elles ont effectivement pour conséquence de cultiver et de favoriser un malaise envers les personnes visiblement différentes dans la société. Pour cette raison, dans des sociétés fortement multiculturelles comme les nôtres, ces mesures peuvent être très nuisibles sur le plan social. À cet égard, de fait, ces dispositions incarnent les initiatives les plus cyniques que puisse entreprendre un gouvernement pour courtiser l'élément sectaire de la société.
    Notre ancien premier ministre, Paul Keating, a d'ailleurs assimilé la version australienne de ces lois au fait de « lever la pierre ». Il aurait pu ajouter « agiter les scorpions », « un véritable nœud de vipère ».
    Si vous le permettez, je vais parler brièvement des deux mesures sur lesquelles nous voulons insister. La première est l'introduction de la détention obligatoire de un an. En Australie — peut-être que cela va vous intéresser —, les premières dispositions législatives sur la détention obligatoire prévoyaient, en fait, une détention de neuf mois. Plus précisément, elles prescrivaient une période de 273 jours et ont été appliquées à un groupe d'environ 400 demandeurs d'asile du Cambodge, qui étaient aussi qualifiées — il est intéressant de le noter — de « personnes désignées ». Je devrais vous dire que, finalement, ces personnes ont été détenues pendant quatre ans avant d'être renvoyées au Cambodge, puis ramenées en Australie, où elles ont toutes obtenu la résidence permanente.
    Je crois que les changements que vous proposez revêtent une importance cruciale, parce que, comme je dis, il s'agit à mes yeux de la pointe de l'iceberg, et on verra probablement le Canada introduire des dispositions législatives de plus en plus radicales qui vont bafouer de plus en plus les droits de la personne. Je partage les préoccupations du dernier témoin quant au libellé du texte législatif et au fait que le simple doute sur le statut d'une personne arrivée de façon irrégulière suffise à imposer la détention.

  (1735)  

    Je suis moins préoccupée par la remise en liberté une fois que la qualité de réfugié a été reconnue. Ma préoccupation tient au fait que, une fois la détention obligatoire introduite, la probabilité que les délais de traitement se prolongent s'accroît; elle ne diminue pas.
    L'une de mes préoccupations en ce qui concerne le projet de loi et le fait de conférer à un fonctionnaire le pouvoir de détenir obligatoirement quelqu'un, touche l'élimination du contrôle judiciaire dans ce processus — le fait que quelqu'un doive être détenu pendant un an et que le contrôle judiciaire n'aura lieu qu'aux six mois.
    Lorsque nous avons fait cela en Australie, nous avons utilisé un libellé très semblable. À vrai dire, on semble avoir emprunté dans une très large mesure le libellé de notre loi ici. L'une des conséquences, c'est que nous avons fini par voir un grand nombre de résidents permanents légitimes — et même un citoyen —, être arrêtés et renvoyés du pays sans contrôle judiciaire parce que la loi prévoyait la détention obligatoire. Nos dispositions législatives parlaient de « motifs raisonnables de croire », mais, faute d'un contrôle judiciaire au processus, les gens étaient tout de même détenus à tort.
    Nous pouvons vous préciser les coûts financiers de la détention obligatoire en Australie. Au fil des ans, ces coûts ont connu une croissance exponentielle. Dans le cadre du budget de 2011-2012, nous avons consacré plus de 700 millions de dollars au fonctionnement de nos centres de détention outre-mer, et ces centres ont coûté près de 100 millions de dollars. Ces sommes ne sont pas négligeables, et elles se sont accrues de façon exponentielle au fil des ans. Vous finirez par dépenser des sommes faramineuses pour construire de nouveaux centres de détention au fil du temps. Les montants que nous avons versés aux gens détenus à tort à cause des lois que nous avons mises en place... Selon un rapport publié en 2011, le gouvernement australien a versé plus de 16 millions de dollars en dédommagement aux demandeurs d'asile et aux personnes qui ont été détenues à tort.
    Je vous invite aussi, toutefois, à songer aux coûts sociaux de ces mesures. En Australie, nous avons constaté que la détention obligatoire n'avait jamais dissuadé un seul demandeur d'asile. Malheureusement, des pays comme les nôtres ont tendance à attirer des demandeurs d'asile authentiques. Je sais qu'on est aussi préoccupé par le phénomène des demandes d'asile non authentiques, mais, en fait, vu la situation mondiale, nos pays attirent des personnes qui présentent une demande d'asile authentique. L'introduction de dispositions législatives punitives comme celles-ci risque de nuire au tissu même de la société.
    Je dirais seulement pour conclure que les mesures visant à introduire le visas de protection temporaire sont aussi extrêmement rétrogrades. En Australie, en plus de n'avoir dissuadé personne, elles ont changé la composition de la population de demandeurs d'asile qui venaient en Australie, parce que les gens ne pouvaient plus amener leur famille par des moyens légaux; ils étaient contraints de recourir à la migration irrégulière pour que leur famille puisse les suivre. Pour cette raison, en très peu de temps, nous avons assisté à une augmentation énorme du nombre d'enfants et de femmes non accompagnés qui arrivaient irrégulièrement par voie maritime.
    Ces questions sont très complexes. Nous vivons dans des démocraties occidentales attrayantes pour les personnes qui ont été persécutées de par le monde. Nous vivons aussi dans des démocraties qui reposent sur un système de justice et d'égalité qui devrait faire la fierté de ceux d'entre nous qui en sommes citoyens. L'introduction de lois qui menacent cela et qui favorisent ces tendances est très rétrograde.

  (1740)  

    Merci, madame Crock. Merci beaucoup.
    Madame Sims a des questions.
    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous faire partager votre expérience avec nous.
    J'ai un certain nombre de questions.
    Nous avons des préoccupations très graves sur l'effet nuisible du projet de loi sur les familles et particulièrement les enfants. Dans vos travaux de recherche et votre exposé, vous avez parlé d'une approche axée sur les enfants qui demandent l'asile. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par « approche axée sur les enfants » et pourquoi une telle approche est si importante dans le cas des réfugiés?
    Ces lois ont une incidence sur les enfants à bien des égards. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné très brièvement que l'introduction de visas de protection temporaires bouleversera les moyens habituels que choisissent les demandeurs d'asile pour immigrer.
    Je veux dire par cela que, selon la structure habituelle des mouvements migratoires des réfugiés, le père ou le fils aîné est souvent celui qui prend l'avion ou embarque sur un bateau pour échapper à la persécution dans son pays. Il en est ainsi, premièrement, parce que ce sont habituellement les principales cibles de la persécution et, deuxièmement, parce que, très souvent, ils veulent trouver un endroit sûr pour leur famille dans un pays tiers.
    Si elles peuvent le faire par elles-mêmes, puis faire venir leur famille par des moyens légaux — en vertu du regroupement familial —, alors le processus profite directement aux enfants et aux familles. Si vous introduisez des visas de protection temporaires, ce seront toujours les hommes adultes ou les fils aînés qui partiront en premier, mais ils ne pourront pas faire venir leur famille. Ces personnes seront alors contraintes d'exposer leurs enfants et leur épouse au risque lié à la migration irrégulière, tout particulièrement la migration maritime irrégulière, probablement le moyen le plus dangereux d'entrer dans un pays. Et j'ai brossé un portrait des plus général.
    En Australie, nous avons constaté que, sur une période d'environ six à huit semaines, le nombre d'enfants à bord des navires servant à l'arrivée irrégulière a bondi; de 5 p. 100, il a atteint des pourcentages allant jusqu'à 60 ou 70 p. 100. C'était complètement catastrophique. On se retrouve alors avec des enfants qui, dans notre cas, ont été placés en détention. Jusqu'en 2005, nos dispositions législatives prévoyant la détention obligatoire n'établissaient aucune distinction entre les hommes, les femmes et les enfants sur le plan de l'âge.
    Je peux voir que ce n'est pas le cas de vos dispositions législatives. Néanmoins, lorsqu'il est question d'enfants très jeunes qui sont dans cette situation et que vous n'avez rien prévu pour permettre à leurs parents de s'en occuper, vous créez tout simplement d'énormes problèmes pour le pays en ce qui concerne ces enfants, qui seront placés sur des bateaux. Je peux vous promettre que cela va arriver; il n'y a aucun doute.
    Lorsque vous introduisez des dispositions législatives punitives comme celles-là, vous exercez aussi une énorme pression sur les personnes chargées de l'octroi de l'asile.
    Je suis reconnue pour mes activités de défense des droits des réfugiés, mais j'ai travaillé dans le domaine pendant de nombreuses années. J'ai mis sur pied une des premières organisations australiennes à réellement aider les gens à préparer leur demande d'asile ou, de façon plus générale, leur dossier d'immigration. J'ai travaillé sur le terrain, je demeure une praticienne, et je traîne encore mes étudiants sur le terrain... Je suis consciente de la difficulté que cela représente pour les décideurs et pour les fonctionnaires qui doivent faire ce travail.
    Laissez-moi vous dire que de telles dispositions législatives ont des répercussions énormes sur tous les plans. Elles ont une incidence sur les personnes chargées de la détention, qui sont témoins au quotidien des souffrances qu'entraînent ce type de détention obligatoire. À mon avis, ces dispositions ne font rien pour rendre le traitement plus juste ou plus rapide.

  (1745)  

    Merci beaucoup.
    J'aimerais seulement obtenir un commentaire de votre part au sujet des personnes âgées de 16 ans. Aux termes du projet de loi du gouvernement, le projet de loi C-31, les personnes âgées de 16 ans appartiennent à la catégorie des enfants. Pourriez-vous dire au comité si vous croyez que l'approche axée sur les enfants devrait s'appliquer aux personnes âgées de 16 ans et, le cas échéant, pourquoi?
    Il y a deux choses.
    Premièrement, il y a vraiment, beaucoup de données probantes montrant que les personnes âgées de 16 ans sont encore très vulnérables. Je crois que des personnes âgées de 18 ans peuvent encore être très vulnérables. Sur le plan du développement cognitif et social de l'enfant, ces années sont cruciales. Je crois que c'est un problème en soi.
    Deuxièmement, vous allez vous heurter à un autre problème: quand vous commencerez à établir des catégories d'âge comme celle-là, vous allez faire face à un nombre croissant de problèmes liés à l'évaluation de l'âge d'une personne. Malheureusement, l'Australie a adopté, vraiment, certaines des pires pratiques au monde en ce qui concerne la détermination de l'âge. Mais vous créez réellement d'énormes problèmes pour vos décideurs, qui devront trancher.
    Les gens n'arrivent pas avec leur certificat de naissance. Certains pays, comme l'Afghanistan, n'enregistrent même pas l'âge de la même façon que nous, alors la détermination de l'âge devient une science très peu exacte. Vous finirez par déterminer que des enfants âgés de 14 ans ont 16, 18 ou 17 ans. Une fois que vous établissez des catégories d'âge comme 16 ans, vous ouvrez la porte à une foule de problèmes. Encore une fois, je crois qu'il s'agit d'une mesure très rétrograde.

  (1750)  

    Merci.
    À la lumière des travaux de recherche que vous avez menés, quelles leçons, selon vous, le Canada pourrait-il tirer de votre expérience?
    Eh bien, notre expérience est assez bien documentée dans les rapports que j'ai rédigés avec Jackie Bhabha à l'Université Harvard. Si vous jetez un coup d'œil à nos quatre rapports, que nous avons intitulés Seeking Asylum Alone, fruits d'une étude d'enfants séparés de leurs parents et non accompagnés demandant l'asile en Australie, aux États-Unis et au Royaume-Uni, vous verrez la gamme d'approche très différentes adoptées par ces trois pays.
    Nous avons constaté que le pays qui s'y prenait probablement le mieux était le Royaume-Uni, et, à l'époque, les pratiques australiennes étaient les pires. Nous avons quelque peu rectifié le tir, mais je crois que je vous transmettrais le message suivant: Regardez, ces mesures ne sont pas dissuasives. Elles coûtent une fortune et ont des répercussions sociales énormes, car elles attise les dissidences.
    Le problème, vous voyez, c'est que de telles dispositions législatives amènent la population générale à croire qu'elles ciblent les gens qui présentent des différences dans la société — alors, on parle de quiconque est d'une couleur différente, s'habille différemment ou a une religion différente —, et les gens sont incapables de déterminer, lorsqu'on vous met en liberté, si vous êtes...
    Nous devons passer à autre chose, madame Crock.
    ... un demandeur d'asile ou non.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Leung, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Crock, c'est en tant que parlementaires que nous examinons cette question. À ce titre, nous avons comme responsabilité primordiale de veiller aux intérêts des Canadiens. La politique du Canada en matière d'immigration — tout comme celle de l'Australie — est assez généreuse. Nous devons en outre nous assurer de faire la meilleure utilisation possible des deniers publics.
    Donc, à l'intérieur de ce cadre en matière d'immigration, si nous découvrons que des personnes viennent au pays et abusent de notre système, nous devons adopter des lois qui dissuaderont les gens de le faire. S'il s'agit d'un migrant économique, alors oui, il peut certes présenter une demande par le truchement de notre système ordinaire. Toutefois, si une personne arrive de façon irrégulière et qu'elle abuse du système, nous devons prendre les mesures qui s'imposent pour empêcher que cela cause du tort à notre société.
    Par conséquent, nous devons soumettre certaines personnes à des formalités médicales préliminaires. Nous devons établir leur identité. Nous devons prendre toutes ces mesures-là. À mon sens, c'est une des principales raisons pour lesquelles nous devons pouvoir les placer un certain temps en détention — c'est pour procéder à ces vérifications.
    J'ai travaillé dans des camps de réfugiés en Thaïlande et à Taïwan ainsi qu'à Hong Kong. Dans tous les endroits que j'ai visités, on a recours à la détention. Je crois que c'est aussi le cas pour l'Australie, alors vous pourriez peut-être m'expliquer un peu ce que vous suggérez qu'on fasse au lieu d'utiliser cette méthode. Vous pourriez peut-être me dire comment vous vous y prendriez pour recueillir des renseignements au sujet de ces personnes avant de les laisser entrer au pays?
    Tout d'abord, il est question des arrivées irrégulières. Je crois comprendre que le projet de loi concerne les demandeurs d'asile et les personnes qui arrivent en grand nombre.
    Vous avez soulevé de nombreux points dans la question ou les commentaires que vous m'avez adressés. D'abord et avant tout, le Canada a le droit de réglementer la migration. Je pense que personne n'est en désaccord avec vous sur cette question. Le problème, c'est que les dispositions législatives que vous proposez font bien plus que prescrire des mesures servant seulement à protéger les intérêts du Canada dans le cadre de la sélection de nouveaux arrivants. Il est question de détenir des gens afin de les identifier et de déterminer s'ils représentent un risque pour la santé des Canadiens, et il y a des dispositions qui autorisent la détention pour une période de un an.
    Certaines dispositions peuvent concourir aux intérêts nationaux, mais d'autres, manifestement, visent plutôt à punir les gens en vue de dissuader les arrivants irréguliers. Aucune loi n'empêche un pays de défendre ses intérêts en se protégeant contre les personnes qui pourraient représenter un risque pour sa sécurité ou la santé de la population. Toutefois, c'est une autre affaire que d'adopter des lois sans fondement qui contiennent seulement des mesures générales et obligatoires nullement liées à la défense des intérêts nationaux.
    Le problème, selon moi, c'est qu'on suppose que le fait de copier les lois mises en oeuvre par l'Australie depuis un certain nombre d'années aura pour effet, d'une quelconque façon, de dissuader les arrivants irréguliers. Toutefois, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que l'expérience australienne n'a pas du tout produit de tels effets. La détention obligatoire n'a jamais découragé quiconque, et ce n'est pas sur le point de changer ici. Elle aura plutôt pour effet — si vous souhaitez savoir ce qu'il en coûtera aux contribuables canadiens — de faire exploser les coûts. Les dépenses liées à la construction de centres de détention... Nous dépensé un demi-milliard de dollars pour en bâtir un sur l'île Christmas. Les coûts de construction, à eux seuls, sont astronomiques. Je vous conseille d'étudier cette question.
    Par ailleurs, comme j'ai essayé de l'expliquer, les coûts sociaux sont également plutôt énormes.

  (1755)  

    Vous avez dit que le Royaume-Uni est l'un des meilleurs exemples. Vous pourriez peut-être nous faire part des conclusions de votre étude sur la question et nous dire si, là-bas, on détient les gens qui arrivent au pays de façon irrégulière.
    Ce n'est pas le cas. Écoutez, je pense que le Canada était doté du meilleur système jusqu'à ce que vous proposiez ces dispositions. La réponse courte, c'est qu'il est insensé de détenir les gens sans motif. Si vous le faites parce que vous croyez que cette mesure aura un effet dissuasif sur les demandeurs d'asile, sachez qu'elle n'en dissuadera aucun. Je pense que la véritable raison de votre initiative n'est pas du tout de dissuader les arrivants irréguliers; elle vise uniquement à faire croire à la population canadienne que vous prenez les choses en main. Il semble que les gains électoraux l'emporteraient peut-être sur les coûts financiers.
    Ce que j'essaie de vous dire, c'est que votre hypothèse de départ ne tient pas. Je sais que les pays s'intéressent aux lois en vigueur à l'étranger et que les partis politiques échangent sur leurs expériences. Ce que je déplore, c'est que les affirmations des politiciens et même des administrateurs concernant l'effet des dispositions législatives... Et, vraiment, aucune donnée probante n'appuie les allégations auxquelles les politiciens de diverses régions de par le monde prêtent foi sans trop se poser de questions.
    Laissez-moi vous dire que le Canada se montre très généreux pour ce qui est d'accueillir des réfugiés de partout dans le monde. Nous en accueillons de 14 000 à 15 000 par année. Cependant, il y a la primauté du droit. L'équité, c'est important; et les gens qui arrivent au pays à titre de migrants économiques ou de...
    Monsieur Leung, si vous pouviez simplement conclure...
    Il y en a d'autres qui veulent contourner le système...
    ... ou resquiller. C'est pour contrer ces gens-là que nous devons agir.
    La parole va maintenant à M. Lamoureux.
    Merci, madame la présidente.
    Je me réjouis de voir nos invités spéciaux comparaître par vidéoconférence. J'apprécie beaucoup vos commentaires. Je pense que nous sommes à peu près sur la même longueur d'onde. Plus tôt ce soir, j'ai laissé entendre que nous devrions nous préoccuper de l'image du Canada et du rôle que nous pouvons jouer concernant la question globale des réfugiés, qui va bien au-delà des considérations propres à un pays donné.
    Je dois dire que le gouvernement actuel semble beaucoup s'inspirer des mesures prises en Australie et croit qu'il faut aller dans cette direction. Or, nous sommes un certain nombre à penser que ce serait faire fausse route.
    Concernant la détention, je pense qu'il importe de noter que nous avons bel et bien un processus de détention à l'heure actuelle. Ce processus est assorti d'un mécanisme de contrôle judiciaire qui nous permet d'assurer une certaine équité. La détention obligatoire proposée par le ministre est une mesure très nouvelle au Canada. Nous espérons démontrer au ministre non seulement qu'il s'agit d'une mauvaise idée, mais aussi que cela va à l'encontre de notre Constitution.
    Je crois vous avoir entendu dire dans votre exposé que la détention obligatoire n'a eu aucun effet dissuasif pour ce qui est d'empêcher les bateaux de se rendre en Australie. Le seul effet réel de cette mesure a été l'accroissement du budget annuel relatif à la détention — chose qui, selon moi, devrait nous préoccuper tous.
    Nos services frontaliers ont comparu l'autre jour et déclaré que le système actuel fonctionne plutôt bien.
    Madame Crock, je pense que vous connaissez assez bien le sujet. À coup sûr, vous avez examiné les systèmes d'autres administrations, et vous avez dit que celui du Canada était le meilleur. Quelle serait votre opinion si on n'apportait au projet de loi aucun amendement visant à atténuer certaines de vos préoccupations concernant le rôle de leader du Canada?
    Comment cette initiative est-elle perçue par vos pairs?

  (1800)  

    Je trouve regrettable que les États conservateurs semblent percevoir l'approche humanitaire d'autres pays comme un manque de discernement. J'ai l'impression que le Canada souhaite se départir de son rôle de leader sur ce plan. On se dit peut-être que le pays est en train de devenir un pôle d'attraction en raison de cela et qu'il doit donc s'aligner sur des pays dont le système est plus punitif.
    C'est fort dommage, selon moi. La même chose s'est produite avec nos partis politiques. Quand j'ai dit plus tôt qu'on s'aventure en terrain glissant avec l'adoption de telles lois, c'est que, quand un parti affirme qu'il est naïf d'avoir une approche équitable, humanitaire, il devient très difficile pour l'opposition de faire comprendre que ce n'est pas le cas. Nous devrions être des leaders mondiaux à ce chapitre.
    Le point de vue populaire sera toujours de punir l'étranger, de punir la personne différente. C'est pourquoi je pense que le système canadien est très précieux et fragile et qu'il peut très facilement anéanti, et je crois que bien des gens de partout dans le monde observent ce que vous faites actuellement, non seulement à cet égard, mais aussi à l'égard de projets de loi concernant, par exemple, les armes à sous-munitions. Il est très regrettable de voir le Canada choisir cette approche.
    Pourrais-je parler des répercussions sociales de la détention? Vous devriez faire des recherches... Un très grand nombre d'études ont été rédigées à propos du recours à la détention et de ses effets. Les conséquences personnelles de la détention prolongées chez les personnes détenues... Croyez-moi, même si vos lois prévoient une période de détention maximale de un an, il finira par y avoir des gens qui seront détenus bien plus longtemps. Une fois qu'on se lance dans cette voie, il est très difficile de faire marche arrière.
    Nous sommes encore aux prises avec une pandémie de maladies mentales, d'automutilations et de morts sous garde, et ce, même si nous avons...
    Pourriez-vous finir votre phrase, je vous prie?
    ... un gouvernement peut-être un peu plus progressiste.
    Merci.
    Monsieur Dykstra, la parole est à vous.
    Madame Crock, dans vos commentaires, vous avez continuellement parlé du recours à la détention comme moyen de dissuasion et avez laissé entendre que c'était la raison de notre démarche. Où avez-vous pris cette idée?
    Qui vous a dit que la raison pour laquelle le gouvernement va de l'avant avec le projet de loi C-31... Que la détention a un certain objectif de dissuasion? Ce n'est pas énoncé dans le projet de loi. Le gouvernement n'a fait aucune déclaration en ce sens. Qui vous a dit cela?
    Une grande partie du langage utilisé dans le cadre de notre discussion a trait à la dissuasion.
    Eh bien, vous êtes la seule à en parler. Vous avez déclaré d'entrée de jeu que, si nous prenions cette mesure à des fins de dissuasion, nous devrions savoir qu'il s'agit d'une mesure inefficace, si l'on se fie au modèle australien.

  (1805)  

    C'est exact.
    J'essaie encore de trouver... À coup sûr, aucun député n'a dit quoi que ce soit à propos d'un effet dissuasif.
    Si vous avez entendu cela d'autres partis ou d'autres personnes au pays auxquels le projet de loi ne plaît peut-être pas, soit; mais il est erroné de laisser entendre — de quelque façon que ce soit — que cette mesure se veut un moyen de dissuasion.
    Eh bien, vous pourriez peut-être en expliquer l'objectif central. Si les mesures prises pour protéger le système d'immigration ne visent pas à dissuader les gens d'en abuser, alors à quoi servent-elles?
    En fait, l'objectif de la détention est de s'assurer, avant que les personnes intègrent la société canadienne, que nous savons à qui nous avons affaire et qu'il s'agit bel et bien de réfugiés. Comme nous l'avons constaté avec le Sun Sea et l'Ocean Lady, certains passagers de ces bateaux étaient en fait des criminels de guerre ou des terroristes.
    Selon nous, la démarche reflète toute l'importance d'identifier les gens qui présentent une demande d'asile et de comprendre qui sont ces personnes et quels antécédents ils ont. C'est une question de sécurité.
    Je vais être clair. Au cours des 10 dernières années, ces personnes ont compté pour moins de 0,5 p. 100 de tous les réfugiés accueillis au Canada. Pour ce qui est du système global de détermination du statut de réfugié... Vous avez souligné — et je suis fier de l'entendre — que, d'aussi loin que l'Australie, on considère le système d'immigration et d'octroi de l'asile du Canada comme étant l'un des meilleurs au monde, mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne pouvons pas le modifier ni que nous ne devrions pas l'améliorer.
    Le problème tient en partie au fait que moins de 40 p. 100 des personnes qui présentent une demande d'asile au Canada obtiennent le statut de réfugié. Le système est tellement inefficace qu'elles doivent attendre en moyenne plus de deux ans et demi pour obtenir une réponse initiale à leur demande d'asile.
    Certaines personnes à qui on a refusé le statut de réfugié interjettent appel devant trois ou quatre instances avant d'être déboutées pour de bon. Elles ont passé sept ou huit ans au pays. Elles se sont mariées ici, elles ont eu des enfants, elles ont acheté une maison, elles ont trouvé un emploi, et voilà qu'elles sont contraintes de retourner dans leur pays d'origine, car elles n'ont pas obtenu le statut de réfugié. Notre système a besoin d'être corrigé.
    Nous venons d'entendre la déclaration d'un témoin travaillant pour l'ambassade qui a reconnu que des milliers de Hongrois venaient au Canada parce qu'il était facile d'abuser de notre système. Sur la liste énonçant ce qu'il faut faire pour adopter une approche humanitaire, on ne mentionne pas que le système doit être une proie facile et que le Canada doit être perçu dans le reste du monde comme une cible facile.
    Dans le cadre du projet de loi C-11 — et vous allez entendre des députés de l'opposition dire qu'on le remplace par le projet de loi C-31... Quoi qu'il en soit, il est clair que de 70 à 85 p. 100 du projet de loi C-31 est en fait repris de ce projet de loi. Le projet de loi C-11 prévoyait l'admission au pays de 2 500 réfugiés additionnels, dont 2 000 sont parrainés par le secteur privé, et 500, par le gouvernement. Cela nous place au deuxième ou au troisième rang à l'échelle mondiale pour ce qui est nombre de réfugiés accueillis au pays par habitant.
    Il faut corriger notre système. Il faut le redresser; on ne l'a pas fait depuis de nombreuses années, depuis bientôt des décennies. Mais nous voulons tout de même préserver — et j'espère que, d'aussi loin que l'Australie, vous comprenez cette intention du gouvernement — l'intégrité de ce système et, d'ailleurs, veiller à ce qu'il demeure l'un des meilleurs au monde.
    Oui. Eh bien, merci beaucoup. Le langage que vous employez, toutefois, ressemble beaucoup à celui de la dissuasion.
    Je comprends. J'ai passé pas mal de temps au Canada. J'ai d'ailleurs joué un rôle très actif concernant le système canadien de détermination du statut de réfugié, alors je le connais très bien.
    La prochaine fois que vous viendrez au pays, nous devrions discuter ensemble, car, manifestement, vous avez besoin de comprendre notre point de vue sur la question et l'approche que nous préconisons.
    Merci.
    S'il vous plaît, pourrions-nous laisser le témoin... Elle n'avait pas fini de dire ce qu'elle avait à dire.
    Oh, je suis désolé.
    Elle était au milieu d'une phrase. Si vous pouviez faire preuve de patience, ce serait apprécié.
    Désolé. Je croyais qu'elle avait terminé. Je m'excuse.
    S'il vous plaît, madame Crock, terminez votre idée.
    Je comprends votre frustration, et je constate de telles réactions depuis nombre d'années. Le problème, c'est qu'il y a une différence entre la détention visant à déterminer si une personne représentera une menace pour le pays et la détention obligatoire, qui, en toute franchise, devient punitive.
    Si vous voulez parler de mesures à prendre pour mieux protéger votre système de migration, je serais très heureuse de le faire. Ce que j'essaie de vous dire, c'est que la protection temporaire aura seulement pour effet d'accroître le nombre de demandes d'asile qui vous sont présentées. La détention ne dissuadera pas ni n'empêchera les personnes de se livrer à l'une ou l'autre des pratiques que vous avez mentionnées. Si c'est là votre but, vous devriez plutôt vous pencher sur la source des demandes, sur l'origine des demandeurs d'asile.
    Ce qui me pose problème, c'est que les gens pensent qu'ils peuvent trouver des solutions miracles à une question très complexe. Les seules personnes que vous allez convaincre, à mon avis, ce sont vos commettants, qui veulent vous voir agir. Je ne pense pas que cela aura un effet. Désolée.

  (1810)  

    Votre point de vue me déçoit, Mary.
    Monsieur Dykstra, vous avez six secondes. En fait, il ne vous en reste plus que trois. Votre temps est écoulé.
    La présidente a utilisé mon temps pour me signaler que je n'avais plus de temps. Bravo.
    Merci.
    C'est maintenant le tour de la députée suivante, Mme Groguhé.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Bonjour, madame Crock.
    Bonjour.
    Le débat actuel et les témoignages que nous avons entendus à ce jour m'amènent à penser que la façon dont nous traitons nos réfugiés aujourd'hui devrait être un signe de progrès dans notre civilisation et non un retour en arrière. Dans un grand pays comme le Canada, nous avons la responsabilité morale de veiller à cela et de donner l'exemple.
     Je voudrais m'assurer que vous avez bel et bien dit ce qui suit. Je vais donc vous demander de me donner des réponses courtes.
    Vous avez dit que la détention obligatoire avait affecté tout le tissu social, en Australie. Est-ce exact?
    Vous pouvez émettre des commentaires, si nécessaire, mais rapidement.
    Pouvez-vous répéter votre question?
    Vous avez dit que la détention obligatoire avait affecté tout le tissu social, en Australie. Est-ce exact?
    Il est très difficile de répondre à cette question en quelques secondes. Je dirai simplement que l'application de cette détention obligatoire a mené à plusieurs cas d'emprisonnement injustifié et, par la suite, à des émeutes dans la société.

[Traduction]

    Par exemple, les émeutes raciales ont pas mal fait le tour du monde dans les médias au moment où elles se sont produites, et il s'agissait des mêmes groupes.

[Français]

    Je m'excuse. Je ne m'exerce pas assez à parler français, mais je fais de mon mieux.
    Bref, cette situation a en effet été très dommageable pour la société.
    D'accord.
    Vous avez dit également que cette mesure n'avait découragé personne de venir en Australie par bateau ou autrement. Est-ce bien cela?
    Oui, c'est exact.
    Vous pouvez noter le nombre de demandeurs d'asile et d'immigrants irréguliers.
    De plus, cette mesure a entraîné des coûts énormes. Est-ce bien cela?
    Oui, ils étaient énormes, vraiment inouïs, et ce, dès le début.
    D'accord.
    Dans un tel cas, il faut construire des prisons, n'est-ce pas? Le problème, au sujet de cette loi, est qu'elle est si vague qu'elle ne touche pas seulement les

[Traduction]

arrivées irrégulières par voie maritime.

[Français]

    En raison des termes qu'on emploie, ça pourrait facilement s'appliquer à d'autres personnes également. C'est trop vague.
    Très bien.
    En outre, vous vous êtes dite étonnée de voir que le Canada voulait adopter une loi allant à l'encontre des droits de la personne ainsi que de la primauté du droit. C'est bien cela?

  (1815)  

    Oui.
    Pourriez-vous émettre quelques commentaires à ce sujet, s'il vous plaît?
    Il y a les lois internationales et les lois du pays, les chartes.
    Absolument.
    Les détentions, c'est défendu. Pour détenir une personne, il faut que ce soit justifié.

[Traduction]

C'est terrible.

[Français]

    Très bien.
    Vous vous êtes également inquiétée du fait que rien n'avait été prévu pour que les enfants restent avec leurs parents. Est-ce bien cela?
    Oui, c'est exact.
    Pourriez-vous commenter cette situation et nous donner des exemples des répercussions qu'elle a eues, s'il vous plaît?
    Il y a tellement d'histoires de ce genre, en Australie. De très jeunes enfants ont été abîmés, peut-être de façon permanente, à cause de la détention et du fait d'avoir été séparés de leurs parents. On a énormément écrit à ce sujet.
    Très bien.
    Même après l'adoption de la loi australienne, le nombre de demandeurs d'asile a continué d'augmenter. Qu'est-ce qui explique l'inefficacité de la loi australienne à cet égard?

[Traduction]

    Madame Groguhé, votre temps est écoulé.
    Madame Crock, votre maîtrise du français est vraiment impressionnante. L'appareil que j'avais dans l'oreille m'a été très utile. Je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre français.
    Nous allons maintenant passer à notre prochain...
    Pourrais-je dire très rapidement...
    Malheureusement, notre horaire est très chargé, et il y a d'autres parlementaires qui attendent leur tour avec beaucoup de patience.
    La parole va maintenant à M. Menegakis.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Crock, monsieur Ghezelbash, je vous souhaite la bienvenue.
    Madame Crock, j'ai une série de questions pour vous, mais avant, je veux faire quelques commentaires. J'ai été un peu déconcerté par certaines de vos observations concernant les raisons pour lesquelles le gouvernement propose le projet de loi, d'autant plus que vous vivez très loin de notre beau pays, le Canada, et que vous vous trouvez dans votre beau pays à vous, l'Australie. Assurément, je pense que vous avez besoin de plus de renseignements afin d'être mieux informée.
    Vous avez affirmé que nous proposons le projet de loi simplement pour montrer à la population canadienne que nous faisons quelque chose. En tant que gouvernement, nous sommes confrontés à certaines réalités qui, j'en suis sûr, ne sont pas différentes de celles auxquelles vous faites face en Australie.
    À l'heure actuelle, le délai de traitement de demandes d'asile est de 1 038 jours. Il est question de gens qui arrivent ici — je parle des demandeurs d'asile légitimes — après avoir fui la persécution, la torture et peut-être la mort leur pays, et ils doivent attendre 1 038 jours pour que leur demande d'asile soit traitée. Grâce aux mesures proposées dans le projet de loi, ce délai peut être réduit à aussi peu que 45 jours pour les citoyens de pays désignés ou que 216 jours pour toutes les autres personnes. Certes, vous conviendrez — comme nous tous — qu'il est bien préférable de passer 20 p. 100 du délai de traitement à l'intérieur du système avant de voir sa demande acceptée et d'être admis au pays que d'attendre 1 038 jours. Cette question nous préoccupe beaucoup.
    Par ailleurs, environ 95 p. 100 des personnes qui présentent une demande d'asile au Canada sont originaires d'un pays de l'Union européenne. Il est question de pays dotés d'un gouvernement démocratiquement élu; il y en a 27. Si une personne éprouve un problème dans son pays, on pourrait croire que son premier choix serait d'aller dans un des 26 pays environnants. Mais les gens viennent plutôt au Canada, et pourtant, 95 p. 100 d'entre eux abandonnent leur demande d'asile après l'avoir présentée et avoir touché toutes les très généreuses prestations que notre pays leur offre. Ces abandons et cet engorgement du système coûtent 170 millions de dollars par année aux contribuables.
    J'ajouterais — si nous souhaitons nous interroger sur la question de la compassion et sur l'aspect humanitaire, qui sont vraiment les raisons pour lesquelles nous menons cette étude — qu'il y a peut-être un coût plus élevé en cela que les demandeurs d'asile légitimes qui ont une bonne raison de fuir leur pays d'origine subissent de longs délais parce qu'il est énoncé dans la loi que chaque demande d'asile doit être examinée individuellement. Cela congestionne notre système.
    Le secrétaire parlementaire du ministre de l'Immigration, monsieur Dykstra, a fait allusion à deux bateaux — le Sun Sea et l'Ocean Lady — qui sont arrivés illégalement au pays. Une enquête menée en bonne et due forme a révélé que 23 des passagers de ces bateaux représentaient un risque pour la sécurité nationale et que 18 autres passagers avaient commis des crimes de guerre dans leur pays d'origine. Ces renseignements émanent des autorités juridiques de notre pays. Il a été déterminé que ces gens représentaient un risque. Il s'agit au total de 41 personnes. Je suis sûr que vous, citoyens respectueux de la loi en Australie, ne voudriez certainement pas que des personnes qui posent un risque pour la sécurité ou qui ont commis des crimes de guerre vivent dans votre voisinage, près de vos enfants, de votre famille.

  (1820)  

    La raison d'être du projet de loi est un peu plus large et est peut-être directement liée à la responsabilité première de chaque gouvernement, qui est d'assurer la sécurité de ses citoyens. Assurément, nous ne pouvons pas permettre aux gens d'entrer au pays sans les avoir détenus et sans même avoir eu l'occasion de vérifier si leur demande d'asile est légitime et s'ils représentent un risque pour la sécurité des Canadiens respectueux de la loi.
    Voilà en réalité pourquoi nous proposons ce projet de loi, et il...
    Désolée, monsieur Menegakis, mais votre temps est écoulé.
    Je suis heureux d'avoir pu vous dire cela. Ainsi, je réussirai peut-être à vous faire changer d'avis.
    Merci énormément d'être avec nous.
    Merci beaucoup de votre déclaration.
    La parole va maintenant à M. Optiz, pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    En fait, je vais continuer sur la lancée de M. Menegakis. Je dois dire, madame — bien que je vous souhaite la bienvenue et que je vous remercie de comparaître — que vos commentaires me paraissent terriblement cyniques. Ils me laissent avec une vision apocalyptique de l'Australie, mais je ne crois pas que les choses aillent si mal là-bas. Je ne pense certainement pas que nous posons ce geste pour satisfaire nos électeurs; il est certain que, pour ma part, ce n'est pas le cas. C'est la bonne décision à prendre pour notre pays.
    Je suis moi-même fils d'immigrants qui se sont établis ici après la Seconde Guerre mondiale. J'ai grandi dans un quartier d'immigrants. J'ai une excellente compréhension de ces enjeux. Nombre de personnes dans le quartier étaient des réfugiés, à l'époque.
    Tout d'abord, nous avons le droit de défendre nos frontières et de nous assurer que les personnes qui entrent au pays sont celles que nous avons choisies. Nous sommes un pays compatissant. Nous accueillons les réfugiés, surtout si ce sont des réfugiés véritables. Mais nous avons un certain nombre — un nombre extrêmement élevé — de faux réfugiés. Comme l'a mentionné M. Menegagis, je crois, environ 95 p. 100 des demandes d'asile sont abandonnées. Et, plus tôt aujourd'hui, un représentant du gouvernement de la Hongrie a parlé avec nous de ce problème. Il a livré des observations intéressantes.
    Il y a beaucoup de risques pour la sécurité — domaine que je connais bien —, et des personnes à bord de ces bateaux représentaient un tel risque. Nous avons eu affaire à des criminels de guerre. Bien souvent, dans ce genre d'événements, ces gens-là tendent à se dissimuler au sein de groupes et à essayer d'entrer au pays ainsi. Mais ce scénario peut également se prêter à des situations liées à la traite de personnes et au passage de clandestins. Parfois, ces deux types d'infractions vont de pair. Les migrants clandestins sont souvent contraints de rembourser d'une façon ou d'une autre leur dette aux passeurs une fois qu'ils arrivent en sol canadien. Ils portent des chaînes invisibles, tout comme les personnes qui font l'objet d'un trafic pour des raisons plus viles, comme la prostitution et la revente de drogues, entre autres choses. Nous avons aussi envers les personnes qui débarquent sur nos rives de nous assurer qu'elles sont protégées, si nous pouvons les identifier.
    Il nous incombe de détenir certaines personnes pour être certains de leur identité avant de les autoriser à intégrer la société canadienne. Vous ne laisseriez pas quelqu'un franchir votre porte, entrer dans votre domicile et s'approcher de votre famille sans savoir exactement de qui il s'agit. Le même principe s'applique à nos concitoyens. Nous n'allons pas autoriser des gens à entrer au Canada et à intégrer la société avant d'être tout à fait certains de leur identité et convaincus qu'ils ne représentent pas une menace ni un risque pour la population canadienne. En tant que gouvernement responsable, nous avons le devoir de veiller à la sécurité de nos citoyens.
    Une fois que leur identité a été établie et que leur demande d'asile a été approuvée, ces gens finissent bel et bien par entrer au pays. Ils peuvent s'établir au sein d'une collectivité. Ils peuvent s'intégrer à la société et y mener leur vie. Et c'est crucial pour nous. Nous parlons beaucoup des réfugiés, mais l'immigration fait partie intégrante du Canada. Nous en avons besoin. Nous disposons d'un énorme territoire et nous avons besoin de gens. Nous avons des postes à pourvoir et des régions à peupler.
    Nous mettons en oeuvre des programmes très importants avec nos partenaires provinciaux — les programmes des candidats des provinces — et avec d'autres intervenants — y compris des employeurs — qui nous aident à trouver des façons de mieux gérer le système d'immigration pour faire venir des gens et les admettre au pays et leur trouver un emploi très rapidement, de sorte qu'ils ne seront pas oisifs et qu'ils pourront très vite devenir productifs. C'est très apprécié des nouveaux arrivants.
    Nous améliorons le système dans son ensemble, y compris au chapitre de la reconnaissance des titres de compétence acquis à l'étranger. Nous ne voulons pas que des médecins, des ingénieurs et des physiciens nucléaires deviennent chauffeurs de taxi. Nous voulons nous assurer que ces gens, quand ils s'établiront au pays, fourniront un très bon apport à leur profession. Nous voulons rendre le processus équitable afin qu'ils puissent obtenir une reconnaissance professionnelle et avoir accès à des emplois et à des métiers ici.
    C'est en grande partie...
    M. Kevin Lamoureux: J'invoque le Règlement...

  (1825)  

    Mon Blackberry affiche 18 h 26.
    Sans vouloir priver mon collègue des 34 secondes qui lui restent, je souhaite invoquer le Règlement.
    Nous avons arrêté le chronomètre.
    Oui, j'invoque le Règlement. Madame la présidente, je comprends bien le fait que nos témoins sont en Australie. Je crois savoir que, selon le processus que doit suivre le comité, quand des témoins comparaissent, nous devons leur donner l'occasion de répondre à des questions. Il semble plutôt que nous leur avons fait un sermon de sept minutes, car les députés du parti au pouvoir ne semblent pas...
    Poursuivons les délibérations. C'est le tour de M. Opitz. Il a cinq minutes, et il peut utiliser ce temps de parole comme il l'entend, pourvu qu'il se montre respectueux à notre endroit.
    Je le suis, madame la présidente. Vous êtes tous mes collègues et mes amis. Nous essayons tous de faire notre travail.
    Je voulais m'assurer que Mme Crock comprend les raisons pour lesquelles notre parti veut améliorer le système et le rendre plus équitable et bien plus humain et accueillant à l'égard des nouveaux arrivants. En définitive, c'est ce que nous voulons faire. Le Canada est un pays compatissant et généreux, et nous maintiendrons cette tradition.
    Je pense que mon temps est écoulé.
    La parole va à M. Giguère.
    Actuellement, est-ce que le principe de l'« habeas corpus » est toujours appliqué dans le droit en matière d'immigration de votre pays?
    Oui et non. Nous avons encore recours à la détention obligatoire. Les enfants ne sont pas censés être détenus, mais ils le sont. Nous appliquons encore le principe de l'« habeas corpus », oui.
    J'ai une deuxième question importante. Si vous conservez dans votre constitution... Et il y a des divergences entre le droit en matière d'immigration et la constitution dans votre pays. Est-ce que votre constitution invalide votre législation en matière d'immigration? Y a-t-il d'importantes contestations juridiques?
    Oui. Je devrais mentionner que l'Australie n'a pas de charte des droits. Notre constitution ne garantit pas en ce sens l'habeas corpus. D'ailleurs, nous avons une des rares hautes cours du monde à avoir statué qu'on peut détenir un étranger durant toute sa vie. Il n'y a rien dans le droit constitutionnel australien qui interdit le recours à cette pratique. C'était peut-être la question que vous posiez. Nous sommes assez différents du Canada à ce chapitre.
    Voici ma dernière question: quel est le point de vue de la Commission australienne des droits de la personne concernant la détention obligatoire?
    Notre commission des droits de la personne s'oppose très vigoureusement aux pratiques qui ont cours en Australie. Je pense qu'on peut dire sans se tromper qu'elle serait d'accord avec la plupart des commentaires que j'ai faits aujourd'hui.

  (1830)  

    Merci, madame Crock. Je veux remercier votre collègue et vous-même de vous être réveillés si tôt aujourd'hui pour comparaître devant ce comité parlementaire. Je sais qu'au moment où vous avez pris la parole, il était 7 h 30. Au moment où nous avons soupé, vous n'aviez pas encore déjeuné.
    Merci beaucoup de votre participation.
    Merci beaucoup.
    Nous reprendrons nos travaux demain. La séance est levée.
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