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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 040 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 7 mai 2012

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

     Nous sommes le lundi 7 mai 2012, et il s'agit de la séance no 40 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. L'ordre du jour est le suivant: conformément à l'ordre de renvoi du lundi 23 avril 2012, le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois. La réunion est télédiffusée.
    Le premier groupe que nous accueillons est composé de deux témoins, à savoir Catherine Dauvergne, professeure, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit des migrations, Faculté de droit, Université de la Colombie-Britannique.
    Je crois comprendre que vous avez des diapositives à nous présenter.
    Nous accueillons également Sharryn Aiken, professeure à la Faculté de droit de l'Université Queen's. J'ai étudié là-bas, mais ça fait si longtemps que la mosaïque arborant ma photo est au sous-sol.
    Nous sommes très heureux que vous soyez parmi nous. Vous disposerez chacune de 10 minutes pour présenter des observations préliminaires, puis nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
    Madame Dauvergne, à vous de commencer.

[Français]

    Depuis presque 20 ans maintenant, je fais des recherches sur le droit de l'immigration, au Canada et en Australie. J'enseigne le droit des réfugiés dans ces deux pays.
    Je vais parler ce matin du système de détention obligatoire qui a cours en Australie.

[Traduction]

    En outre, je serai heureuse de répondre à toutes vos questions concernant le projet de loi  C-31.

[Français]

    Je veux vous remercier d'avoir traduit pour moi la présentation que je vais livrer ce matin. Étant donné que 10 minutes, ça passe très vite, je vais commencer par une recommandation.

[Traduction]

    Je vais passer au dernier point que je veux aborder.
    Depuis maintenant plus de 20 ans, l'Australie dispose d'un régime de détention obligatoire visant les personnes qui présentent une demande de protection. Presque toutes ces personnes sont détenues à un moment ou à un autre. Ce régime n'a pas permis de réaliser les objectifs que l'on s'était fixés en matière de dissuasion. Il a causé du tort à une multitude de personnes, et a coûté des milliards de dollars. Comme je le montrerai dans quelques instants, à certains égards, ce régime n'est pas aussi sévère que celui que l'on se propose d'instaurer au moyen du projet de loi C-31. Pour cette raison, je recommande que le projet de loi C-31 soit modifié de manière à supprimer le régime de désignation des étrangers et le régime de détention obligatoire.
    Comme je reconnais que les arrivées massives posent de sérieuses difficultés à tout gouvernement, j'aimerais formuler une solution de rechange aux dispositions que l'on envisage d'adopter. En cas d'arrivée massive — laquelle doit être définie comme l'arrivée d'un groupe de plus de 50 personnes —, c'est-à-dire dans un cas où la détention des personnes peut être justifiée aux termes des dispositions actuelles de la LIPR — par exemple si l'on a de la difficulté à établir l'identité des personnes —, je recommande, dans le cas où un groupe comptant plus de 50 personnes se présente, que l'on modifie le calendrier des contrôles des motifs de détention de manière à ce que l'on puisse examiner de façon adéquate et appropriée le cas de chacune de ces personnes. Sous le régime actuel, comme vous le savez, un contrôle des motifs de détention a lieu dans les 48 heures, au bout de sept jours et aux 30 jours par la suite. Dans le cas où plus de 50 personnes arrivent en même temps, il conviendrait de modifier ce calendrier de manière à ce qu'un contrôle initial ait lieu dans les 20 jours, un deuxième au bout de 25 jours et les autres — pour les personnes qui doivent demeurer en détention après 45 jours —, aux 30 jours, comme cela se passe actuellement.
    D'autres témoins vous ont sûrement parlé des deux premières raisons de rejeter le régime de détention obligatoire proposé. Premièrement, il contrevient à la Charte des droits et libertés, et deuxièmement, il contrevient aux conventions internationales clés sur les droits de la personne auxquelles le Canada est partie depuis longtemps. Ce matin, je m'intéresserai plus particulièrement aux leçons tirées de l'expérience menée en Australie.
    L'expérience australienne a montré que le régime de détention mis en place ne dissuade pas les personnes de présenter une demande d'asile en Australie, et que ce genre de détention cause des torts durables aux personnes qui y sont assujetties.
    La détention obligatoire de toutes les personnes arrivant en Australie sans autorisation a commencé en 1989. La majeure partie des personnes qui arrivent dans ce pays sans visa sont brièvement détenues, mais la plupart se voient maintenant délivrer un visa d'attente — certaines d'entre elles l'obtiennent en quelques jours, lorsqu'elles arrivent à un aéroport. Les personnes qui arrivent par la mer doivent habituellement attendre deux ou trois mois. Ce visa d'attente sert à mettre les personnes détenues en liberté.
    Depuis 2001, il y a deux processus distincts en Australie: l'un pour les arrivées par la mer, et l'autre, pour les arrivées par la terre. En janvier dernier, à savoir au milieu de l'exercice financier australien, 4 783 personnes étaient détenues — d'une façon ou d'une autre, ce qui comprend les détentions dans la collectivité, que l'on peut considérer comme une liberté sous condition — pour un motif lié à l'immigration. On estime que, au cours du présent exercice, les détentions liées à l'immigration ont coûté à l'Australie 629 millions de dollars australiens — dont la valeur est actuellement presque égale à celle du dollar canadien.

  (0850)  

    Le régime de détention australien fait l'objet d'un examen minutieux depuis 2008. Parmi les changements apportés, mentionnons le fait que la détention dans la collectivité prend progressivement la place de la détention dans les centres prévus à cette fin.
    Sur le plan des politiques, mentionnons que les enfants et les familles ne sont plus envoyés dans des centres de détention — ils sont généralement détenus dans des centres spécialement prévus pour cela. Un rapport d'enquête parlementaire publié en mars dernier a révélé qu'il y avait encore quelques enfants en détention, mais cela contrevient aux politiques.
    À présent, la détention des immigrants est officiellement considérée comme une mesure de dernier recours au sein du régime australien, et, dans tous les cas, la détention des immigrants doit durer le moins longtemps possible. Selon une recommandation découlant de la plus récente enquête parlementaire menée en Australie, la durée maximale de détention devrait être de trois mois.
    Si l'on compare le régime australien de détention des immigrants et le régime qui découlerait de l'adoption au Canada du projet de loi C-31, nous constatons qu'ils sont semblables, dans la mesure où il s'agit de régimes à deux volets qui punissent les arrivées irrégulières par bateau.
    En Australie, la durée de la détention des immigrants est théoriquement indéfinie, mais l'on présume qu'elle devrait être inférieure à 12 mois. Dans le cadre du régime qui découlerait du projet de loi C-31, la durée de la détention est de 12 mois, mais est théoriquement indéfinie, de sorte qu'elle serait plus longue que celle prévue par le régime australien.
    En Australie, les enfants et leur famille ne doivent pas être détenus. En revanche, au Canada, les jeunes enfants ne seront pas détenus, mais pourront être séparés de leur famille.
     En Australie, le traitement des demandes d'asile des personnes détenues se fait en priorité de manière à ce que ces personnes soient détenues le moins longtemps possible. Le projet de loi C-31 ne prévoit aucun traitement prioritaire de la sorte pour ce qui est des personnes détenues au Canada.
     Dans le cadre du régime australien, toute personne détenue qui a présenté une demande d'asile a accès à l'aide juridique au cours de l'étape préliminaire du processus et de l'étape suivante, celle où l'on procède à l'examen du bien-fondé de la demande. Le projet de loi C-31 n'offre aucune garantie en matière d'aide juridique.
    Il convient également de souligner que, au cours des 10 dernières années, l'expérience australienne a montré qu'un très grand nombre de personnes qui arrivent par bateau finissent par obtenir le statut de réfugié; d'après l'annexe du rapport parlementaire, la proportion s'élève à 90 p. 100. Si j'ai bonne mémoire, d'après des statistiques antérieures, cette proportion était plus près de 80 p. 100, mais il s'agit tout de même d'un très haut taux d'approbation, qui prouve que les gens qui entreprennent un voyage de ce genre sont des gens qui sont au comble du désespoir.
    Un certain nombre d'enquêtes ont établi que le régime australien de détention obligatoire enfreint les conventions nationales et internationales sur les droits de la personne. Ce régime n'a pas freiné l'arrivée de demandeurs d'asile en Australie. Selon une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Université Monash — étude non encore publiée, mais dont j'ai entendu parler à une conférence il y a trois semaines environ —, les fluctuations au chapitre du nombre de personnes arrivant par bateau en Australie peuvent être entièrement attribuées non pas aux modifications des lois australiennes, mais aux conditions régnant dans les pays d'origine et aux conditions météorologiques.
    Quatre enquêtes majeures sur l'efficacité du régime australien ont été menées depuis 2001, ce qui a fait gonfler les coûts de ce régime de dizaines de millions de dollars. Voici quelques éléments probants admis à grande échelle et mentionnés dans le rapport parlementaire: les taux de suicide et d'automutilation au sein de la communauté des demandeurs d'asile détenus sont très élevés; les taux de dépression et de syndrome de stress post-traumatique sont très élevés; ces troubles de santé mentale nuisent au processus de détermination du statut de réfugié, et le rendent plus difficile à administrer; la détention prolongée aggrave les traumatismes antérieurs; enfin, le régime de détention nuit aux relations familiales, et plus particulièrement à la santé mentale des enfants, que ceux-ci soient en détention ou séparés de leur famille en raison d'une détention.
    Parmi les changements en cours en Australie, mentionnons que l'on s'est engagé à recourir à la détention dans la collectivité plutôt que dans des établissements fermés, vu qu'il a été établi de façon très convaincante que cela entraînait une réduction des coûts, et que cela causait moins de tort aux personnes.
    De 2001 à 2007, un régime temporaire restreignait les droits des personnes arrivant par bateau en ce qui concerne la réunification des familles. Ce régime a été aboli, de sorte que l'on a rompu avec l'orientation que le Canada a adoptée avec le projet de loi C-31.
    D'importants travaux ont été menés pour améliorer les conditions de vie dans les centres de détention. Le programme des visas d'attente a été bonifié, notamment depuis novembre dernier, de manière à ce qu'un plus grand nombre de personnes puissent être mises en liberté.
    Enfin, je signale que le rapport parlementaire sur le réseau de détention des immigrants de l'Australie a été publié il y a quelques semaines, en mars dernier. Il compte 356 pages.
    Cela met fin à mon exposé. Merci, monsieur le président.

  (0855)  

    Merci, madame Dauvergne.
    Madame Aiken.
    Bonjour. Mes observations porteront sur les dispositions relatives à la lutte contre le passage de clandestins, de même que sur le régime de désignation des étrangers. J'entends me pencher d'une manière un peu plus particulière sur le cas des demandeurs d'asile tamouls du Sri Lanka qui sont arrivés au Canada au cours des quelques dernières années.
    D'emblée, je tiens à souligner que je m'appuie sur deux mémoires déposés précédemment, à savoir celui d'Amnistie internationale — plus particulièrement la partie I, qui concerne les dispositions visant le passage de clandestins —, et celui de l'Association du Barreau canadien — plus particulièrement la partie VI, qui a trait au régime de désignation des étrangers —, et que je souscris au contenu de ces mémoires. Pour ces raisons, je ne répéterai pas ce qui est dit dans ces mémoires; je vous inviterai à les consulter.
    Le projet de loi C-31 imposerait de multiples sanctions aux demandeurs d'asile et aux personnes à protéger ayant été désignées comme faisant partie d'une arrivée irrégulière. Parmi les sanctions prévues, que vous connaissez, mentionnons la détention obligatoire de 12 mois, sans possibilité d'obtenir un contrôle; l'impossibilité de se prévaloir du droit de présenter une demande de résidence permanente ou de réunification familiale jusqu'à ce que cinq années se soient écoulées depuis le jour où une décision favorable a été prise relativement à la demande d'asile; l'impossibilité de présenter une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, de présenter une demande de permis de séjour temporaire ou d'obtenir des titres de voyage pendant une période de cinq ans ou plus; enfin, l'impossibilité d'interjeter appel d'une décision défavorable rendue par la nouvelle Section d'appel des réfugiés relativement à une demande de protection.
    À mon avis, le pouvoir discrétionnaire du ministre en ce qui concerne la désignation est exagérément étendu. Il n'est pas restreint aux arrivées massives, et peut s'appliquer de façon rétroactive à la période débutant en mars 2009. Les arrivées de deux personnes ou plus pourraient être désignées comme des « arrivées irrégulières ».
    Comprenons-nous bien: ces dispositions ont été élaborées en réaction à l'arrivée de deux bateaux sur les côtes de la Colombie-Britannique, à savoir l'Ocean Lady, à l'automne 2009, et le Sun Sea, presque un an plus tard. Ces dispositions visent expressément les demandeurs d'asile tamouls du Sri Lanka. S'il subsistait le moindre doute à ce sujet, le fait que l'on propose que ces dispositions puissent s'appliquer de façon rétroactive à compter de mars 2009 devrait les dissiper.
    J'en dirai davantage à ce propos dans quelques minutes, mais pour l'instant, je tiens à insister sur le fait que, selon moi, ces dispositions sont inconstitutionnelles, et violent un certain nombre d'importantes dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la Convention sur les réfugiés de 1951.
    Ces violations sont décrites de façon très exhaustive dans les mémoires de l'ABC et d'Amnistie internationale, de même que dans celui déposé le 3 mai par l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, intitulé « Le Canada doit protéger les réfugiés et non pas les punir ».
    Je tiens à vous exhorter tout simplement, et de la manière la plus énergique qui soit, à faire en sorte que ces dispositions soient supprimées de la version finale du projet de loi C-31. Je suis d'avis qu'aucune modification ou amélioration partielle de ces dispositions n'est admissible. Je tiens à souligner que Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés offre des outils plus qu'adéquats qui nous permettent de composer avec les véritables préoccupations que soulèvent les arrivées massives.
    Penchons-nous sur la manière dont le régime a réagi à l'arrivée des deux bateaux sur les côtes de la Colombie-Britannique.
    Les autorités ont détenu les demandeurs d'asile jusqu'au moment où elles ont été convaincues d'avoir établi leur identité de façon sûre et d'avoir établi qu'ils ne posaient aucun risque lié à la sécurité. Les demandeurs d'asile qui soulevaient toujours des préoccupations ont été maintenus en détention jusqu'à ce que ces préoccupations soient dissipées. Il est vrai que les contrôles des motifs de détention doivent avoir lieu dans les 48 heures; il s'agit simplement d'un contrôle — cela ne veut pas dire que ceux qui le subissent sont mis en liberté après 48 heures. En fait, comme je l'ai mentionné, de nombreux demandeurs d'asile sont demeurés détenus de façon prolongée jusqu'à ce que les autorités aient dissipé les préoccupations qu'ils soulevaient et déterminé s'ils posaient un véritable risque.
    Le gouvernement disposait d'un nombre amplement suffisant d'outils législatifs pour déterminer si les passagers de ces bateaux à l'égard desquels subsistaient des préoccupations liées à la sécurité posaient un risque, et pour leur interdire l'accès à la procédure de présentation d'une demande d'asile en ayant recours aux procédures relatives à l'admissibilité devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. De fait, un certain nombre de personnes, particulièrement celles qui sont arrivées ici à bord du Sun Sea, ont fait face à ces mêmes procédures.

  (0900)  

    Je tiens à insister sur le fait que les préoccupations soulevées par les arrivées irrégulières sont légitimes. Les arrivées de ce genre représentent un énorme fardeau pour un gouvernement. Il faut traiter un grand nombre de demandes — par exemple lorsqu'on a affaire à une arrivée de quelque 500 personnes —, mais nous disposons des outils pour le faire, et bien honnêtement, ces outils fonctionnent. À mes yeux, il n'y a aucune raison d'imposer ce qui constitue selon moi un ensemble de dispositions extrêmement draconiennes à des personnes, d'autant que bon nombre d'entre elles pourraient se révéler être, au bout du compte, des réfugiés authentiques. Je tiens à dire cela dès le début.
    J'aimerais revenir sur la situation des Tamouls sri lankais, car il semble y avoir beaucoup d'incompréhension en ce qui concerne les facteurs qui ont amené ces personnes à s'embarquer dans un périple risqué et à affronter les dangers que pose le voyage de plusieurs mois en haute mer qu'il leur a fallu faire pour venir au Canada.
    Comme vous le savez peut-être, le Sri Lanka a été le théâtre de conflits ethniques qui ont dégénéré en guerre civile, et dont on peut faire remonter l'origine à la période suivant immédiatement l'accession du pays à l'indépendance. Cette guerre civile brutale a sévi pendant 30 ans. Des atrocités ont été commises par toutes les parties, mais nous devons absolument garder présent à l'esprit que la principale cause du conflit est attribuable au fait que l'État sri lankais n'a pas reconnu les droits des minorités — il n'a pas accordé aux Tamouls — qui représentent 18 ou 20 p. 100 de la population — des droits égaux à ceux des autres citoyens.
    Des cessez-le-feu étaient proclamés de façon épisodique lorsque les choses semblaient aller mieux, puis la situation s'est améliorée. Toutefois, dans l'ensemble, on a relevé des nombres considérables de disparitions, des taux extrêmement élevés de torture et de détention et une absence totale de reddition de comptes tout au long de cette guerre civile.
    En mai 2009, la guerre s'est finalement terminée avec la défaite des TLET, mais selon une série de rapports publiés au cours des trois dernières années par l'International Crisis Group, y compris deux mémoires très récents publiés en mars dernier, la paix ne règne pas dans ce pays, et on ne constate même pas de modestes progrès en vue d'une véritable réconciliation nationale là-bas. En fait, on constate une militarisation accrue dans le Nord, et on signale l'instauration d'une politique de cinghalisation, politique visant expressément à accorder des privilèges au groupe ethnique majoritaire et à entretenir la discrimination systématique à l'égard des Tamouls et des musulmans, les deux groupes minoritaires au Sri Lanka.
    Cela dit, d'après des articles parus récemment dans les médias, le taux d'approbation des demandes présentées par les Tamouls sri lankais ont dégringolé. Je fais allusion à un article paru récemment dans le National Post. Toutefois, en réalité, le taux d'approbation était d'environ 57 p. 100 l'an dernier; quelque 57 p. 100 des demandes présentées par des Tamouls sri lankais ont été approuvées. Cela représente un nombre important. Oui, il s'agit d'une baisse par rapport au taux d'approbation de 2009, à savoir 91 p. 100, mais il s'agit tout de même d'un taux considérable.
    Lorsque j'ai pris conscience du fait que j'aurais l'occasion de me présenter devant vous aujourd'hui, j'ai lancé un appel aux avocats en droit des réfugiés du pays et leur ai demandé de me transmettre les décisions favorables dont ont fait l'objet les demandeurs d'asile de l'Ocean Lady ou du Sun Sea qu'ils ont représentés. J'ai eu l'occasion tout récemment d'examiner quatre décisions favorables — trois concernant des passagers du Sun Sea, et une visant un passager de l'Ocean Lady —, et je tiens à vous faire part de quelques observations formulées par les commissaires de la CISR dans le cadre de ces affaires.
    L'une de ces observations est la suivante: le gouvernement du Sri Lanka continue de soumettre à un contrôle et à des vérifications les anciens membres des TLET et ceux qu'ils soupçonnent d'avoir été membres de cette organisation ou de l'avoir soutenue. Il s'agit d'une stratégie préventive visant à décourager la radicalisation des Tamouls.
    Les personnes soupçonnées d'avoir été membres des TLET et les anciens membres réhabilités font régulièrement l'objet de nouvelles arrestations ou de harcèlement, ou sont contraints de devenir des informateurs pour l'armée. Bien souvent, aucune accusation officielle n'est déposée contre les nouveaux détenus. Bon nombre d'entre eux sont victimes de torture.
    En vertu d'une loi relative à la prévention du terrorisme, les fonctionnaires qui commettent des actes répréhensibles, par exemple des actes de torture, jouissent de l'immunité et ne peuvent pas faire l'objet de poursuites. Les poursuites juridiques contre un fonctionnaire sont interdites si ce dernier a agi de bonne foi.
    En un mot, les violations des droits de la personne se poursuivent à grande échelle au Sri Lanka.
    Les Tamouls du Sri Lanka ont-ils d'autres choix que de faire ce qu'ils font? Ceux qui sont en mesure de se rendre par avion en Thaïlande, en Malaisie ou en Indonésie, ou de se rendre en Inde, sont condamnés à languir pendant des années. Je tiens à souligner que, en Thaïlande, il y a au moins 60 personnes qui sont détenues dans des conditions déplorables, et qu'elles n'ont pas accès à une hygiène ou une nutrition adéquates.

  (0905)  

    On leur dit de faire la file, mais il n'y a pas de file. Ces pays ne sont pas signataires de la Convention sur les réfugiés des Nations Unies, et dans le meilleur des cas, les personnes détenues attendent pendant plusieurs années.
    Merci beaucoup.
    Madame James a quelques questions à poser.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour et bienvenue aux deux témoins.
    Mes premières questions s'adressent à Mme Dauvergne.
    D'après votre expérience et votre expertise, est-ce qu'une personne qui craint véritablement d'être persécutée dans son pays et qui arrive au Canada pour y présenter une demande d'asile abandonnera ou retirera volontairement sa demande pour ensuite retourner dans son pays d'origine?
    Il y a un certain nombre de choses qui amènent des gens à retirer leur demande. Bien souvent, des avocats en droit des réfugiés au Canada nous disent qu'il arrive parfois que des gens renoncent à leur demande parce qu'ils ont reçu de très mauvais conseils de conseillers ou de membres de la communauté sans scrupules. Les personnes qui ont une crainte fondée d'être persécutées dans leur pays d'origine acceptent, sous certaines conditions, de retourner dans leur pays. Parfois, ce sont leurs enfants qui font l'objet de menaces, mais cela est plus rare. Les personnes dont les enfants ou des parents font l'objet de menaces prennent souvent la décision difficile de retourner dans leur pays en attendant que leur demande soit traitée ici, ce qui, à l'heure actuelle, prend simplement beaucoup trop de temps.

  (0910)  

    Vous avez mentionné le fait de recevoir de mauvais conseils. Je ne suis pas certaine que je retournerais dans mon pays où je risque d'être persécutée pour la simple raison que j'ai reçu de mauvais conseils au Canada, mais j'admets votre réponse.
    Vous avez fait allusion à deux ou trois facteurs qui amènent des gens à retirer volontairement leur demande ou à y renoncer. Toutefois, cela se produit très fréquemment — environ 95 p. 100 des personnes originaires d'un pays membre de l'Union européenne, par exemple, renoncent à leur demande ou la retirent, ne se présentent pas à leur première audience ou voient leur demande rejetée.
    Le fait, pour une personne, de retirer volontairement sa demande et de retourner dans son pays d'origine n'équivaut-il pas au fait d'avouer qu'elle ne craint pas réellement d'être persécutée dans son propre pays? J'ai peine à concevoir que, si je m'étais trouvée dans une situation où je n'avais eu d'autre choix que de celui de fuir mon pays, je pourrais par la suite envisager d'y retourner.
    Cela n'équivaut-il pas, pour ces personnes, au fait d'avouer que, contrairement à ce qu'elles avaient initialement allégué, elles n'étaient probablement pas persécutées dans leur pays d'origine?
    Le taux de désistement ne s'élève pas à 95 p. 100. Le taux d'approbation des demandes présentées par des citoyens de l'Union européenne qui font l'objet d'une audience devant un tribunal s'élève à 20 p. 100 environ. Ce taux est inférieur à celui d'autres groupes, mais il n'est pas négligeable. Nous ne pouvons tirer aucune conclusion en l'absence de renseignements probants touchant les raisons pour lesquelles des gens prennent telle ou telle décision.
    Le taux de 95 p. 100 que j'ai mentionné englobait les personnes qui ont retiré leur demande ou y ont renoncé et les personnes qui ont vu leur demande rejetée parce que celle-ci n'a pas été considérée comme authentique. Je ne voulais pas dire que 95 p. 100 des personnes qui présentent une demande avaient simplement renoncé à celle-ci. Cela dit, vous reconnaissez qu'il existe un problème.
    Si ces personnes peuvent venir au Canada, profiter de nos avantages sociaux puis quitter volontairement le pays avant même d'avoir fait l'objet d'une première audience, il y a peut-être un problème avec notre régime d'immigration. Vous reconnaissez l'existence d'un problème grave qui coûte chaque année des millions de dollars aux contribuables.
    Il ne fait aucun doute que nous avons besoin d'un régime dans le cadre duquel on peut prendre promptement des décisions justes et équitables. Un tel régime réglera un certain nombre de problèmes, y compris les problèmes de coût.
    Le comité a entendu un certain nombre de témoins avant vous. Il s'agit de notre deuxième semaine de travaux.
    Vous travaillez très fort, cela ne fait aucun doute.
    Un témoin nous a dit que l'Union européenne comptait 27 pays, et qu'une personne d'un de ces pays pouvait décider d'aller dans un autre pays de l'UE situé très près du sien si elle craint pour sa vie ou risque d'être persécutée.
    Qu'est-ce qui pousse une personne qui craint pour sa vie à venir jusqu'ici pour présenter une demande d'asile plutôt que d'aller dans un autre pays où elle obtiendrait immédiatement une protection?
    Un citoyen d'un pays membre de l'UE peut entrer librement dans un autre pays de l'UE, mais aucune disposition législative ne lui garantit qu'il obtiendra une protection dans ce pays. L'entente conclue par les pays membres de l'UE relativement à un régime commun d'octroi de l'asile interdit d'accorder aux citoyens d'un pays de l'UE la protection offerte aux réfugiés. Par exemple, un Rom qui fuit une éventuelle persécution découvrira qu'il ne peut pas obtenir une protection dans un État européen avoisinant, et que, en outre, il ne peut pas y demeurer, vu que la capacité de demeurer dans un pays est subordonnée à l'obtention d'un emploi.
    L'une des formes de discrimination que subissent les groupes de personnes faisant l'objet d'une grave discrimination est la discrimination sur le marché du travail. Ces personnes ne peuvent pas obtenir la seule chose qui leur donnera le droit de demeurer dans un pays. Les personnes qui font l'objet d'une grave discrimination ne peuvent tout simplement pas se voir accorder le droit de demeurer dans un pays; cela dit, cela concerne un faible nombre de personnes, et la majeure partie des pays européens sont raisonnablement sûrs pour la plupart des gens.
    Vous avez fait allusion aux Roms. Vous avez dit que, pour diverses raisons, ces personnes ne se rendront pas dans un pays situé près du leur.
    Ainsi, là encore, pourquoi venir au Canada pour présenter une demande d'asile sans, au préalable, comme il convient de le faire, se munir d'un visa ou présenter une demande de résidence permanente, et ainsi de suite, pour, au bout du compte, renoncer à sa demande? À mes yeux, il est illogique d'affirmer que ces personnes ne peuvent pas se rendre dans un autre pays membre de l'UE et se voir accorder une protection, alors qu'elles viennent au Canada, profitent de nos avantages sociaux pendant un an ou deux, et ne se présentent pas à leur audience. Ces personnes renoncent à leur demande, quittent volontairement le Canada, puis retournent dans leur pays d'origine. Je ne pense pas que nous ayons une réponse sensée à offrir aux gens qui écoutent notre débat d'aujourd'hui.
    Par ailleurs, peut-on affirmer, à votre avis, que les prestations de santé et le régime d'aide sociale du Canada sont beaucoup plus avantageux que ceux des pays de l'Union européenne? Êtes-vous en mesure de répondre à cette question?

  (0915)  

    Je ne suis pas spécialiste du régime de soins de santé de l'UE, mais on sait qu'il est d'une qualité élevée — selon les normes du monde occidental.
    Un représentant de la Fédération canadienne des contribuables a indiqué au comité que chaque demandeur d'asile coûtait environ 50 000 $ aux contribuables du pays. Nous possédons certains chiffres: 170 millions de dollars par année en prestations d'aide sociale, de santé, etc.
    Je crains que votre temps ne soit écoulé. Je suis désolé.
    Madame Sims.
    Merci beaucoup. Merci d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui pour vous adresser à nous.
    Catherine, ma première question s'adresse à vous. J'aurais ensuite des questions à poser à Sharryn.
    Nous avons constaté que les membres du gouvernement ont invariablement insisté sur le fait que les demandeurs d'asile arrivés ici de façon irrégulière et ayant fait l'objet d'une détention obligatoire seront libérés une fois que leur identité aura été établie et que les vérifications relatives à la sécurité auront été menées.
    Est-ce là votre avis, selon l'interprétation que vous faites du projet de loi sous sa forme actuelle?
    Ce n'est pas ce que prévoit le projet de loi sous sa forme actuelle.
    D'accord. Cela semble compatible avec ce que nous ont dit d'autres experts à ce sujet.
    C'est ce que prévoit l'actuelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ainsi, nous disposons déjà d'un régime législatif qui donne lieu aux mesures précises que vous venez tout juste de mentionner.
    Le projet de loi C-11 représente le grand compromis canadien dont on a beaucoup parlé, mais qui n'a jamais été intégralement mis en oeuvre.
    Vous avez beaucoup parlé de l'expérience menée en Australie. En 2008, en Australie, on a procédé à une réforme du régime d'immigration parce qu'on a constaté qu'il comportait certaines lacunes. Pouvez-vous décrire les problèmes que posait l'ancienne politique australienne en matière d'immigration, et nous expliquer en quoi le projet de loi C-31 posera les mêmes problèmes?
    En 2001, l'Australie a mis en place un système dans le cadre duquel les personnes qui arrivaient par bateau n'avaient pas le droit de présenter une demande de réunification familiale, et ne se voyaient accorder qu'une protection temporaire qui pouvait ultérieurement devenir permanente. Il convient de souligner que, en Australie — sauf entre 2001 et 2007 —, une personne qui se voit reconnaître la qualité de personne à protéger devient automatiquement résidente permanente du pays. Il s'agit d'une décision globale, qui est bien différente de ce qui est prévu par l'un ou l'autre des mécanismes en place au Canada.
    Que s'est-il passé en 2001, moment où on a pris la décision d'offrir une protection moindre aux personnes arrivant par bateau? Jusqu'en 2001, la plupart des gens qui arrivaient de cette façon en Australie étaient, pour le dire crûment, de jeunes hommes bien portants. Après la modification de la loi, après l'abolition des droits relatifs à la réunification familiale, les gens qui arrivaient par bateau au pays étaient plus susceptibles d'être des groupes de gens d'une même famille, et de compter parmi eux un plus grand nombre de mères accompagnées de leurs enfants. En Australie, cela pose un véritable problème parce que des gens meurent chaque année en tentant de se rendre là-bas par bateau, et que cela fait courir des risques à diverses communautés. En outre, il était très évident que les gens qui souhaitaient obtenir une protection étaient disposés à courir ces risques, en raison de la situation très difficile dans laquelle ils se trouvaient.
    En 2008, ces dispositions sous le régime desquels on n'accordait aux personnes qu'une protection temporaire et on leur refusait le droit à la réunification familiale ont été abrogées en raison du tort qu'elles causaient aux personnes en quête d'une protection. La suppression des droits relatifs à la réunification familiale est un élément qui vise directement les personnes qui constitueront des étrangers désignés sous le régime du projet de loi C-31.
    Merci.
    J'ai une question à vous poser, Sharryn. Dans ma région, où se trouve l'Université de la Colombie-Britannique, on veut faire la promotion de solutions régionales à la crise mondiale touchant les réfugiés. Il semble que cela soit devenu un mantra. À cet égard, ne devrions-nous pas encourager les réfugiés sri lankais à tenter d'obtenir l'asile en Inde ou en Thaïlande?

  (0920)  

    Merci de la question.
    Comme je l'ai mentionné à la toute fin de mon exposé, le problème tient à ce qu'il n'existe aucun processus permettant de faire cela. Ni l'Inde, ni la Thaïlande — ni la Malaisie ni l'Indonésie, d'ailleurs — n'est signataire de la Convention sur les réfugiés. Aucun de ces pays n'a mis en place des procédures de détermination du statut de réfugié.
    Au mieux, dans un pays comme la Thaïlande, par exemple, les demandeurs d'asile peuvent s'inscrire auprès du HCNUR. On leur remet un formulaire censé prouver aux autorités thaïlandaises qu'ils se sont inscrits auprès du HCNUR, et que leur demande de réinstallation est en train d'être traitée. Dans l'intervalle, ces personnes risquent d'être rassemblées, arrêtées, détenues et renvoyées au Sri Lanka par les autorités thaïlandaises. Ces demandeurs d'asile se trouvent dans une situation très précaire.
    Ceux qui ont la chance d'être désignés en vue d'une réinstallation devront attendre pendant des années. Vous pouvez imaginer ce que cela représente pour une famille avec de jeunes enfants. Des gens fuient leur pays d'origine — en l'occurrence, nous parlons du Sri Lanka — parce que les droits de la personne sont bafoués là-bas, arrivent en Thaïlande dans l'espoir d'une vie meilleure, et se font dire qu'ils n'ont pas le droit de rester au pays, de s'intégrer à la collectivité, de travailler et de commencer une nouvelle vie. On leur dit qu'ils peuvent joindre la file d'attente, mais leurs enfants auront probablement l'âge de fréquenter l'université au moment où ils obtiendront le droit de se réinstaller au Canada. Ce n'est pas une vie.
    Il s'agit, pour l'essentiel, d'un régime de garde à vue. Au pire, les gens sont détenus; au mieux, ils mènent une existence de marginaux, et n'ont pas le droit de participer à la vie de la collectivité où ils se trouvent.
    Ainsi, oui, je suis tout à fait favorable aux solutions régionales, mais cela suppose que les pays se réunissent, trouvent de véritables solutions aux problèmes mondiaux touchant les réfugiés, et ne se contentent pas de dire que ces personnes devraient rester dans leur pays d'origine alors qu'ils ne disposent d'aucune procédure pour les prendre en charge.
    Cela m'amène à ma question suivante. Comme vous le savez, bien souvent, pour justifier le projet de loi C-31, on invoque le fait qu'il vise à dissuader le passage de clandestins. Il s'agit en quelque sorte du principal argument que l'on fait valoir. Ne croyez-vous pas qu'il est important pour le Canada de dissuader le passage de clandestins?
    Les réseaux de migration clandestine, oui. Ceux-ci sont souvent coordonnés par de très grandes organisations criminelles, et il ne fait aucun doute que la loi devrait être appliquée dans toute sa rigueur à cette forme de crime transnational.
    En effet, le Canada est signataire des protocoles transnationaux concernant le crime organisé, et nous avons inscrit dans les lois canadiennes des sanctions très graves dans le but de traduire en justice et de punir les passeurs de clandestins. Nous faisons ce qu'il convient de faire.
    Par contre, l'effet de ce que nous faisons au Canada va être limité, peu importe ce que c'est, parce que les gros bonnets de ces réseaux ne sont pas au Canada et se retrouvent rarement ici. Même les gens qui accompagnent parfois les groupes de demandeurs d'asile qui arrivent par bateau ne sont pas des éléments importants de l'organisation. Au mieux, ce sont des gens qui ont reçu une somme modeste pour escorter le groupe, mais il ne s'agit pas des gens qui tirent profit des réseaux.
    Ma réponse est donc oui, bien sûr, nous devons lutter contre le passage de clandestins. La triste réalité, cependant, c'est que les outils juridiques dont nous disposons ne seront jamais suffisants pour mettre fin à leurs activités. Là où nous devons faire vraiment très attention, c'est qu'il nous faut éviter de punir les réfugiés qui ont recours à ces services parce qu'ils n'ont pas d'autre choix.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lamoureux.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai écouté les deux exposés, et celui de Catherine en particulier me pousse à penser que nous sommes en train d'adopter le projet de loi C-31 ou que nous tenons les séances du comité en nous attendant à ce que le gouvernement souhaite adopter le projet de loi, mais j'espère qu'une série d'amendements vont y être apportés.
    Vous brossez un tableau fort sombre. Essentiellement, vous dites que le système australien a manifestement été un échec, surtout en ce qui concerne toute la question de la détention obligatoire. Il semble que nous allions plus loin que ce que l'Australie met en place à l'heure actuelle.
    Ma question est la suivante: croyez-vous que le projet de loi puisse être amendé, ou est-ce qu'il faut simplement le renvoyer? Devrions-nous permettre l'adoption du projet de loi précédent, c'est-à-dire le projet de loi C-11 et tout simplement reprendre le processus d'élaboration? Que suggéreriez-vous?
    Eh bien, je serais certainement contente de voir le projet de loi retiré au complet. Je ne peux pas le nier. Je ne pense tout simplement pas que les dispositions concernant la détention obligatoire qui figurent dans le projet de loi C-31 soient récupérables. Je ne pense pas qu'elles puissent être modifiées afin de devenir conformes à la Constitution ou au droit international, et je pense que les dispositions visant la désignation des ressortissants étrangers vont de pair avec ces dispositions relatives à la détention obligatoire.
    Sur la côte Ouest, lorsque les bateaux sont arrivés, le groupe des avocats des réfugiés de Vancouver a vraiment eu de la difficulté à assurer une présence aux contrôles des motifs de détention. Le ministère de la Justice n'arrivait pas à tenir tous les contrôles, même s'il y en avait jusqu'à minuit tous les soirs. Il pourrait donc être indiqué... et j'ai donc suggéré, dans le cas d'arrivées massives, pour permettre à n'importe quel gouvernement de continuer à respecter ses propres lois, un délai différent — qui passerait à 20 jours, 25 jours, 30 jours — pour les contrôles des motifs de détention des gens qui arrivent en masse. Cet amendement permettrait au gouvernement de ne pas être aussi souvent en infraction, comme cela a été le cas lorsque des bateaux sont arrivés récemment.
    En ce qui concerne la détention obligatoire, toutefois, je pense certainement que les dispositions devraient être supprimées intégralement.

  (0925)  

    Serait-il juste de dire que votre position concernant la détention obligatoire serait d'abord qu'elle constitue une infraction à un vaste ensemble de droits, et ensuite qu'elle coûterait à long terme très cher à l'ensemble des Canadiens? Est-ce que ce serait juste?
    Pour en revenir à ce que Mme James a dit au sujet du coût des soins de santé, il y a des preuves tout à fait claires du fait qu'il faut vraiment éviter de détenir les gens si l'on est préoccupé par ces coûts. La détention, et surtout à long terme, crée toutes sortes de problèmes de santé physique, et en particulier des problèmes de santé mentale.
    Si le coût des soins de santé est donc la préoccupation qui oriente les mesures prises par le gouvernement, la chose la plus logique à faire serait de s'assurer que les gens ne sont pas détenus et que des décisions adéquates et justes sont rendues en temps opportun.
    Puis-je vous demander à toutes les deux de dire rapidement quelque chose sur toute cette idée d'une liste des pays sûrs? Le ministre en poste veut avoir le pouvoir de désigner un pays sûr qui sera inscrit sur la liste, plutôt que ce soit un groupe d'experts qui exerce ce pouvoir. Nous sommes d'avis que ce devrait être un groupe de professionnels plutôt que le ministre.
    Cela dit, pouvez-vous brièvement parler toutes les deux de l'idée d'une liste de pays sûrs? Je pense qu'il ne me reste presque plus de temps.
    L'idée de liste va à l'encontre du droit international concernant les réfugiés, et, s'il faut que cela se fasse... Je suis contre l'application de cette idée d'une façon ou d'une autre.
    J'en dirais autant.
    On cherche toujours à trouver de nouvelles solutions pour régler le problème de l'asile, mais je pense que nous devons garder en tête le fait que la meilleure solution, c'est un système de détermination du statut de réfugié fonctionnel et juste qui permet le traitement des demandes dans des délais adéquats, de façon à ce que les gens puissent obtenir une réponse, qu'elle soit positive ou négative, et continuer de vivre leur vie.
    Lorsque le système fonctionne, nous pouvons aborder tous les problèmes en question, qu'il s'agisse de demandeurs d'asile déboutés au bout du compte et qui reçoivent des soins de santé ou encore de gens provenant de pays dont les citoyens ne sont en général pas reconnus comme étant des réfugiés. Tout cela peut être réglé dans le cadre d'une procédure efficace de détermination du statut de réfugié, sans qu'il y ait besoin de ces couches supplémentaire dans la procédure, qui, au bout du compte, portent préjudice aux réfugiés que nous essayons d'aider.
    Merci.
    Monsieur Menegakis.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour. Merci de vous être jointes à nous aujourd'hui et d'avoir pris le temps de préparer les exposés que vous nous avez présentés.
    J'ai beaucoup de questions, mais je n'ai malheureusement que sept minutes, alors je vais essayer d'en poser le plus possible.
    En ce qui concerne les raisons pour lesquelles le projet de loi a été présenté, il est clair que le système actuel ne fonctionne pas, puisque les réfugiés doivent attendre pendant en moyenne 1 038 jours avant que le traitement de leur demande ne soit terminé. C'est énormément de temps à passer dans les limbes. À l'aide des dispositions du projet de loi, nous visons à réduire ce délai afin qu'il passe à 45 jours pour les gens qui viennent d'un pays désigné et à 216 jours pour les autres demandeurs d'asile.
    Cela dit, j'ai écouté les exposés que vous avez présentés ce matin, et ceux-ci sont très similaires à beaucoup de ceux que nous avons entendus la semaine dernière, certainement à ceux des représentants du milieu universitaire, si vous voulez, et de l'aspect théorique de la question. Mais il y a la réalité et les choses concrètes avec lesquelles nous sommes aux prises lorsque les gens en question viennent ici, surtout, évidemment, lorsqu'ils le font par des moyens irréguliers.
    J'ai une question concernant le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés — je vais dire le HCNUR pour aller plus vite.
    Le HCNUR a reconnu comme étant une mesure valide celle consistant à accélérer le traitement des demandes d'asile présentées par des gens provenant de pays d'origine désignés. En fait, l'ancien commissaire du HCNUR, António Guterres, a dit ce qui suit:
Il y a effectivement des pays d’origine sûrs. Il y a effectivement des pays où il y a présomption que les demandes de réfugiés ne seront probablement pas aussi valables que celles provenant d’autres pays.
    Le HCNUR a également indiqué qu'il est tout à fait légitime d'accélérer le traitement de ces demandes.
    J'ai quelques questions sur ce sujet.
    Tout d'abord, est-ce que ce que j'ai dit est exact?

  (0930)  

    Est-ce que vous demandez si c'est exact dans le sens qu'il est légitime d'accélérer le traitement des demandes? Je dirais certainement que, oui, cela peut être exact. Je ne le nie pas. La question est de savoir dans quelle mesure, comment nous nous y prenons, et quelles sont les autres choses que nous faisons. N'oubliez pas que nous nous proposons de supprimer le droit d'appel des gens provenant de pays d'origine désignés et que M. Guterres n'a jamais parlé de cela.
    Mes questions concernent précisément les observations qu'il a faites.
    Est-il vrai que de nombreux autres pays industrialisés de l'Occident ont une politique des pays d'origine désignés visant à accélérer le traitement des demandes d'asile?
    Plusieurs pays ont adopté des dispositions similaires.
    S'agit-il notamment du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne?
    Oui.
    Encore une fois, je veux mettre l'accent sur l'ensemble des dispositions que le projet de loi C-31 vise à mettre en place. Vous parlez des délais. L'accélération du traitement ne pose aucun problème du point de vue du droit international, pour autant que les demandeurs d'asile aient suffisamment de temps pour se préparer avant leur audience. La question est de savoir ce que nous disons d'autre. Est-ce que nous refusons aux gens le droit d'appel? Est-ce que nous leur refusons le droit d'accès à un avocat? Parce qu'en fait, ils n'auront aucun accès. Voilà ce qui soulève des préoccupations. Ce n'est pas l'idée d'accélérer le traitement des demandes qui, en soi, nous préoccupe.
    Permettez-moi simplement de dire ceci: pour nous, c'est l'idée de faire entrer les gens qui ont besoin de notre aide pour des raisons légitimes, de traiter leur demande le plus rapidement possible et de ne pas engorger le système.
    Assurément. Nous avons ces préoccupations en commun.
    Comme vous le savez bien, le passage de clandestins est devenu une activité très lucrative pour certaines personnes à la réputation douteuse un peu partout dans le monde. Il y a des réseaux très complexes.
    Êtes-vous d'accord avec l'idée d'imposer des peines d'emprisonnement et des amendes plus sévères aux criminels qui se livrent au passage de clandestins?
    En fait, la loi en vigueur prévoit une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité et des amendes pouvant aller jusqu'à 1 million de dollars.
    Ce n'est pas la question que je vous ai posée.
    Excusez-moi. Êtes-vous d'accord pour dire que nous devrions imposer des peines d'emprisonnement et des amendes sévères?
    C'est ce que je dis. Les lois canadiennes prévoient déjà des sanctions très sévères.
    Vous n'êtes pas d'accord pour que nous les rendions encore plus sévères?
    Non, parce qu'elles le sont déjà.
    L'objectif du projet de loi est lié à toute la question des peines minimales obligatoires, et je n'en ai pas parlé dans mon exposé. Je pense que des problèmes se posent à cet égard.
    Est-ce que les sanctions imposées aux gens qui se livrent au passage de clandestins sont sévères? Assurément. Ce sont les peines les plus sévères possible: l'emprisonnement à perpétuité ou une amende de 1 million de dollars. Le problème, c'est que les gens qui méritent vraiment ces sanctions ne se trouvent pas au Canada. Ils sont à l'étranger. Voilà le problème le plus grave.
    Ce n'est pas nécessairement vrai. Nous les attrapons.
    Nous en attrapons certains.
    Notre lutte contre ces gens progresse, et nous voulons la mener jusqu'au bout.
    Voici le problème réel qui se pose à nos yeux. Vous avez parlé des deux navires qui sont arrivés, le Ocean Lady et le Sun Sea. Il est clair que le gouvernement a l'obligation d'identifier les gens le plus rapidement possible. Nous devons connaître l'identité d'une personne avant de l'autoriser à intégrer la société canadienne, à côtoyer les membres de notre famille et à marcher dans nos rues. Nous ne pouvons pas nous contenter de penser que nous avons beaucoup de compassion, que ces gens ont évidemment besoin d'aide et qu'il faut donc les laisser entrer. Sur les deux bateaux que j'ai nommés, par exemple, il y avait 41 personnes qui ont été déclarées interdites de territoire au Canada pour deux raisons: premièrement, leur présence poserait un risque pour la sécurité du pays, ce qui était le cas de 23 des 41 personnes; et, deuxièmement, elles avaient commis des crimes de guerre dans leur pays d'origine, ce qui était le cas des 18 autres personnes. Il semble aller de soi que nous ne voulons pas que ces gens évoluent dans nos collectivités, auprès de nos enfants, dans nos écoles et un peu partout.
    Que proposeriez-vous pour régler ce problème précis?
    Merci de la question.
    Ce que je dis, c'est que les outils juridiques dont nous disposons en ce moment sont tout à fait adéquats pour régler le cas des gens dont vous parlez. Ceux-ci ont été détenus, ils ont fait l'objet des procédures de détermination de l'admissibilité, et l'accès aux audiences de détermination du statut de réfugié leur sera refusé. Le système fonctionne. Au bout du compte, les gens qui le méritent vont être renvoyés du Canada.
    Ma question est la suivante: et les autres gens qui étaient à bord du bateau? Vous avez parlé de 23 personnes sur 41. Il y avait près de 600 personnes sur ces bateaux, dont beaucoup de véritables demandeurs d'asile provenant d'un pays où les droits de la personne sont manifestement bafoués, d'un pays qui torture ses citoyens.

  (0935)  

    Parlons des autres gens pendant un instant.
    Ils attendent actuellement pendant 1 038 jours...
    Et je suis d'accord avec vous pour dire que c'est un problème.
    Excusez-moi, mais j'aimerais que vous me laissiez finir ma phrase.
    Ils attendent actuellement pendant 1 038 jours. À quel point est-ce juste pour les gens qui sont pris parce que d'autres engorgent le système? Manifestement, ce n'est pas très juste.
    Est-ce que mon temps est écoulé?
    Il vous reste environ 15 secondes pour une réponse, à moins que ce ne soit qu'une déclaration?
    J'ai terminé, en fait.
    Merci.
    Merci.
    Madame Sitsabaiesan.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aussi à nos témoins. Pour en revenir à ce qui motive l'adoption du projet de loi, nous avons entendu certains députés du gouvernement dire que l'objectif est de dissuader les demandeurs d'asile d'arriver en grand nombre, et nous en avons entendu d'autres dire qu'il ne s'agit pas de dissuasion.
    Quel est votre avis d'expert — sachant que le projet de loi C-11 n'a pas encore été mis en œuvre et que le projet de loi C-31 est en train d'être adopté de force — sur ce qui motive l'adoption du projet de loi? L'une ou l'autre de vous deux peut répondre.
    C'est un projet de loi de type omnibus, et il y a donc diverses choses qui le motivent. Il est cependant certain que la majeure partie des dispositions visent à punir les gens qui arrivent au Canada par des moyens irréguliers.
    Il y a quelques dispositions qui visent à mettre en place des peines plus sévères pour le passage de clandestins, mais surtout en ajoutant des peines à la liste — des peines minimales obligatoires, lesquelles posent beaucoup de problèmes. Dieu merci, nous ne pouvons pas prévoir une peine plus sévère que la peine d'emprisonnement à perpétuité dans le cadre des lois canadiennes. Nous avons donc déjà la peine la plus sévère que permettent nos lois pour le passage de clandestins.
    Merci.
    Madame Aiken, d'autres pays utilisent la possibilité de détention comme stratégie pour dissuader les gens qui choisissent de présenter une demande d'asile. Pourquoi le Canada devrait-il faire la même chose? S'il ne devrait pas le faire, pourquoi pas?
    Je pense que Mme Dauvergne a bien décrit certains des problèmes qui se posent, c'est-à-dire l'important coût sur le plan de la santé et du bien-être de la personne, ainsi que les études sur la question.
    Je veux insister sur le fait que nous disposons déjà des outils qui nous permettent de détenir une personne lorsque cela est justifié. Lorsque c'est indiqué, les demandeurs d'asile peuvent être détenus. C'est adéquat.
    Je ne pense pas que ni l'une ni l'autre de nous deux ne laisse entendre qu'il ne devrait jamais y avoir de détention. Ce devrait être une mesure de dernier ressort. Les dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoient déjà la détention lorsque cela est justifié.
    Merci.
    Les dispositions du projet de loi C-31 n'empêchent pas les réfugiés authentiques de parrainer un membre de leur famille ni d'acquérir la résidence permanente; elles ne font qu'imposer une période d'attente.
    Quel est le problème? Selon vous, la tentative du gouvernement d'atteindre un certain équilibre, comme il dit, est-elle légitime à cet égard?
    Non. La période d'attente en question engendrerait des difficultés très, très importantes pour les gens qui ont besoin de notre protection. Attendre cinq ans avant même de pouvoir lancer le processus de parrainage des membres de la famille suppose que les enfants que la personne laisse derrière elle, que le conjoint qu'elle laisse derrière elle ne vont pas pouvoir la voir avant six ou même huit ans.
    Dans l'intervalle, les titres de voyage ne vont pas non plus être une solution, ce qui fait que les personnes dont nous considérerons qu'elles méritent notre protection ne pourront pas voyager à l'extérieur du Canada pour voir les membres de leur famille. Elles risqueront d'y perdre leur statut au Canada.
    Il s'agit de difficultés énormes pour la personne que nous nous sommes engagés à protéger.
    Dans la même veine, j'aimerais vous parler d'un de mes électeurs qui est arrivé ici comme demandeur d'asile, qui a été admis comme réfugié, et qui, parce que sa femme et ses quatre enfants devaient se cacher et étaient torturés dans son pays d'origine, y est retourné — je ne veux pas dire de quel pays il s'agit —, parce qu'il craignait pour leur vie plus que pour la sienne.
    Il est rentré dans son pays natal même si son frère a été battu là-bas; son frère a été tué en raison du travail que cet homme avait fait dans son pays.
    Que les gens disent que ceux qui fuient la persécution ne souhaiteront peut-être pas retourner dans leur pays d'origine... Je suis moi-même quelqu'un qui craint pour sa vie si je rentre dans mon pays d'origine. Qu'on dise que les gens sont de faux demandeurs d'asile parce qu'ils veulent rentrer dans leur pays me blesse personnellement. Je comprends la situation qu'a vécue cet homme.
    Merci. J'ai probablement pris tout le temps que j'avais.

  (0940)  

    Merci. C'est bien le cas.
    Monsieur Opitz.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais procéder assez rapidement, parce que je veux laisser au moins une minute du temps qui m'est accordé à M. Dykstra. Si vous pouviez me prévenir lorsque j'aurai pris trois minutes et demie, je vous en serais reconnaissant.
    Est-ce que l'une ou l'autre de vous deux peut me dire quelle est la proportion de demandeurs d'asile qui sont détenus en Australie? Le savez-vous?
    C'est une question à laquelle il est difficile de répondre, parce que l'Australie a un système universel de délivrance de visas, et quiconque entre en Australie sans visa est détenu. Beaucoup de gens sont donc détenus pendant une courte période lorsqu'ils arrivent dans ce pays.
    Est-ce que tous les demandeurs d'asile sont détenus en Australie?
    Non, parce que beaucoup de gens qui y arrivent ont la permission d'entrer dans le pays. Ils ont un visa de touriste, un visa d'étudiant ou un visa d'affaires. Tout comme c'est le cas au Canada, il y a toutes sortes de gens qui finissent par demander l'asile qui étaient arrivés de diverses façons. Seuls les gens qui n'ont pas de visa à leur arrivée sont détenus.
    Il s'agit de gens dont l'identité n'a pas été établie. Est-ce qu'on peut l'affirmer à juste titre?
    Eh bien, il est possible qu'une personne soit détenue même si elle possède des pièces d'identité.
    Si une personne entre au pays, que les autorités ne savent pas qui elle est et qu'elle ne collabore pas vraiment, elle peut s'attendre à être détenue, n'est-ce pas? Est-ce que c'est juste?
    Oui. On ne peut pas obtenir de visa sans faire établir son identité. L'Australie ne délivre pas de visa sans cela.
    Je vais procéder assez rapidement, parce que je veux partager mon temps avec M. Dykstra.
    Selon vous, quelle proportion des demandeurs d'asile au Canada...
    Il vous reste environ deux minutes à partager.
    Connaissez-vous la proportion de gens qui sont détenus dans le cadre du régime actuel? Avez-vous une estimation?
    Si nous n'envisagions que les gens qui arrivent par bateau, elle serait de 20 ou de 10 p. 100. La proportion varierait, puisque, au cours d'une année donnée, il pourrait n'y avoir personne de détenu. Il y a en fait très peu de détails dans le projet de loi concernant les personnes qui seront désignées. La capacité de désigner des ressortissants étrangers est énorme. Il est donc impossible de répondre à la question. Vous disposez peut-être d'information que nous n'avons pas encore sur la façon dont le pouvoir de désignation va être défini.
    Je vais seulement faire une brève déclaration, puis je vais laisser le reste de mon temps à M. Dykstra.
    Les passeurs de clandestins et les arrivées massives sont des choses dangereuses. Je sais que vous parlez des TLET et d'autres groupes, mais ce sont toutes sortes de gens qui arrivent lorsque les choses de ce genre se produisent.
    Je sais une chose au sujet des zones de guerre: tout n'y est pas noir ou blanc. Beaucoup des gens qui arrivent à bord des navires dont nous avons parlé sont à l'origine d'attentats-suicides, du recours aux enfants soldats et de toutes sortes d'autres choses de ce genre. Donc, lorsque tous ces gens arrivent ici et que nous ne savons pas qui il sont... Le Canada a le droit de défendre son intégrité, et il a le droit de défendre les familles canadiennes. Si nous ne savons pas exactement qui sont ces gens, il est dans l'intérêt supérieur des Canadiens... Je suis sûr que si ces gens descendent du bateau, vous n'allez pas les inviter chez vous avant de savoir qui ils sont.
    Je ne vous demande pas de répondre. Je pense que c'est probablement ce que vous feriez. C'est quelque chose que vous devez prendre en considération.
    Vous avez deux minutes, monsieur Dykstra.
    Sharryn, vous nous avez donné un point de vue que j'ai trouvé intéressant. Les gens qui demandent l'asile dans un pays vont faire la file pendant longtemps à l'ONU avant d'obtenir ce qu'ils veulent. En fait, il se peut qu'ils aient l'âge de fréquenter l'université avant de pouvoir s'installer dans le nouveau pays.
    Grosso modo, vous avez dit que la file est longue et qu'il est donc avantageux pour les gens de venir au Canada en bateau, même si c'est dangereux.
    Le problème...
    En fait, c'est à Sharryn que je posais la question.
    D'accord. La raison même pour laquelle certains pays ont une procédure de détermination du statut de réfugié, c'est qu'ils savent qu'il n'existe pas de programme mondial de réétablissement des réfugiés qui puisse satisfaire à la demande. Il y a beaucoup plus de réfugiés dans le monde qu'il n'y a d'endroits où ils peuvent se réétablir.
    Chaque année, le Canada et une poignée d'autres pays admettent des réfugiés qui viennent s'y réétablir. Comme les endroits où il est possible de le faire sont rares, la file est longue. La raison même pour laquelle il existe des procédures d'asile, c'est qu'il faut permettre aux gens qui sont désespérés de se choisir eux-mêmes, finalement, et de dire: « Je suis en danger, je suis à risque et je ne peux pas attendre dans la file pendant 12 ans.»

  (0945)  

    Merci de l'avoir souligné.
    Désolé. Votre temps est écoulé, monsieur Dykstra.
    C'est simplement qu'elle est la première personne à être contre le projet de loi et à reconnaître l'existence de la file.
    Eh bien, à moins qu'il n'en soit décidé autrement à l'unanimité, c'est la fin de la séance.
    L'horloge n'indique pas l'heure juste, en passant. L'horloge de la présidence donne toujours....
    Elle donne toujours l'heure juste. Je sais.
    Madame Aiken, madame Dauvergne, merci beaucoup de votre témoignage. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de vous adresser à nous. Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre nos travaux

  (0945)  


  (0950)  

    Merci. Nous reprenons nos travaux. Notre deuxième groupe de témoins est devant nous.
    Nous recevons deux témoins du B. Refuge de l'Université McGill. Les deux porte-parole sont Karina Fortier et Kelsey Angeley.
    Bonjour.
    Nous recevons également des représentants d'Amnistie internationale: Alex Neve, secrétaire général d'Amnistie internationale Canada, et Béatrice Vaugrante, directrice générale d'Amnistie internationale Canada francophone.
    Merci d'être venus. Chaque groupe a jusqu'à 10 minutes.
    Madame Angeley, vous pouvez commencer.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés.
    Merci beaucoup de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui. C'est un honneur pour nous que de nous adresser à vous au nom d'un groupe de l'Université McGill qui s'appelle B. Refuge. Depuis quatre ans, B. Refuge facilite les interactions entre les demandeurs d'asile et les étudiants, dans le but de leur permettre de partager leur langue et leur culture et d'aider les demandeurs d'asile à s'orienter dans la ville.
    Notre travail est fondé sur l'idée que les demandeurs d'asile sont des membres importants de notre communauté et qu'ils sont appelés à devenir des Canadiens. En demandant aux Canadiens de considérer les demandeurs d'asile comme des fraudeurs et des criminels, le projet de loi C-31 mine ce qui est à la base de nos activités.
    Par conséquent, au cours de la dernière année, nous nous sommes concentrés sur la sensibilisation de nos pairs au sujet du projet de loi C-31 et des dangers qu'il comporte selon nous pour les réfugiés et la société canadienne en général.

[Français]

    Nous avons donc entrepris une campagne de sensibilisation dont l'objectif était non pas de persuader les gens de notre position, mais simplement de les mettre au courant du contenu du projet de loi C-31. Eh bien, il se trouve que la majorité des étudiants à qui nous nous sommes adressés étaient contre les changements proposés. En l'espace de quatre heures seulement, nous avons récolté plus de 150 signatures en vue de stopper l'adoption du projet de loi C-31. D'ailleurs, j'aimerais demander la permission au comité de lui faire parvenir cette pétition.
    Pourquoi pensez-vous, mesdames et messieurs, membres du comité, que de jeunes étudiants comme nous redoutent l'adoption de ce projet de loi? C'est parce que nous constituons un groupe démographique qui s'intéresse à l'actualité et à la politique canadienne, mais qui, en toute réalité, n'occupera pas un siège à la Chambre des communes avant 10 ans ou 15 ans.
     Entretemps, nous suivons avec appréhension l'adoption de nouvelles lois comme celle-ci, qui propose de mettre en détention pour un an des groupes entiers de nouveaux arrivants, y compris des mineurs. Nous sommes choqués par le fait que des familles seront séparées pendant au moins cinq ans et que des pays entiers pourraient être considérés comme étant sûrs alors que pour obtenir le statut de réfugié, une personne doit prouver qu'elle est persécutée dans son pays, en tant qu'individu.
    Nous trouvons antidémocratique le fait que la responsabilité d'établir cette liste de pays sûrs ne reviendra qu'à une seule personne, en l'occurrence le ministre. Nous nous demandons pourquoi le gouvernement accorde tant d'importance à la distinction entre les vrais et les faux réfugiés et pénalise ces derniers. En effet, même s'ils ne répondent pas à tous les critères de la définition officielle du réfugié de la Convention de Genève, la grande majorité de ces demandeurs du statut de réfugié ont besoin d'aide.
     Enfin, nous déplorons le fait que le ministre nie que les changements proposés puniront effectivement ces soi-disant faux réfugiés.

[Traduction]

    Notre génération ne veut pas avoir à corriger les erreurs du passé lorsqu'elle occupera les postes de pouvoir que vous occupez en ce moment. Notre participation à la démocratie canadienne est souhaitée, et notre témoignage à la présente audience en est la preuve, mais c'est vous qui êtes les gardiens de cette démocratie. Nous vous demandons d'envisager les conséquences à long terme du projet de loi ainsi que la façon dont il va façonner le pays dont nous allons hériter.
    Parce qu'il ne respecte pas les obligations internationales du Canada, le projet de loi C-31menace l'intégrité morale du Canada sur la scène internationale et le pouvoir de convaincre que peut exercer un État humanitaire.
    Lorsque l'Australie a mis en œuvre une loi similaire, son image et sa réputation d'État humanitaire ont été remises en question. Nous ne voulons pas voir la même chose arriver à notre pays.
    En outre, le non-respect des droits et de la dignité des demandeurs d'asile — lesquels sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés — met les droits de tous à risque. Lorsqu'une personne perd ses droits et sa dignité en sol canadien, les droits et la dignité de tous sont à risque.
    Par ailleurs, nos pairs sont tous d'accord avec nous pour dire que le projet de loi C-31 constitue une mauvaise utilisation des ressources financières. Comme le mentionne le rapport de mai 2008 de la vérificatrice générale, il coûte 70 000 $ par année en moyenne pour détenir un demandeur d'asile. Si le projet de loi C-31 avait déjà été adopté lorsque le Sun Sea est arrivé en Colombie-Britannique, les contribuables canadiens auraient dû débourser 34 440 000 $ pour détenir des gens qui n'avaient fait rien d'autre que d'exercer des droits garantis par le droit international et les lois canadiennes.

  (0955)  

    Comme la LIPR contient déjà des dispositions permettant la détention de personnes considérées comme étant une menace pour le Canada ou ne pouvant être identifiées, la détention généralisée est superflue et coûteuse. Nous croyons qu'il serait plus responsable et plus productif d'utiliser l'argent des contribuables afin d'embaucher davantage de travailleurs et d'avocats dans le domaine de l'aide juridique pouvant aider les demandeurs d'asile à démêler le processus de détermination du statut de réfugié, ou encore de créer davantage de postes à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce qui permettrait non seulement de garantir aux demandeurs d'asile l'accès à une audience équitable, mais aussi d'accélérer le processus.
    Le projet de loi C-31 est un legs politique et financier que nous ne voulons pas recevoir. Plutôt que de nous laisser corriger cette erreur dans 10 ans, nous vous demandons à vous, les députés, d'éviter de la commettre dès le départ.

[Français]

    Encore une fois, nous vous remercions sincèrement de nous avoir invitées à vous faire part de nos observations sur ce projet de loi. Comme ma collègue l'a dit, cela démontre bien l'immense potentiel de notre régime démocratique. Or ce potentiel se transformera en un véritable atout si et seulement si vous prenez véritablement en considération l'opinion de tous les témoins qui auront comparu devant ce comité.
    On peut bien dire que l'avenir appartient aux jeunes, mais pour l'instant, c'est vous qui construisez l'avenir de ce pays dans lequel nous commençons à peine à nous tailler une place. Nous voulons éviter le stéréotype des étudiants trop optimistes et émotifs. Nous vous prions néanmoins de vous laisser guider tout aussi bien par votre coeur que par votre sens de la justice lorsque viendra le temps de rendre une décision définitive. Rappelons-nous que ce sont des êtres humains qui seront affectés par ce projet de loi. Il en va de leur vie et de leur bien-être.
     Merci.

[Traduction]

    Eh bien, la jeunesse s'est très bien exprimée ce matin. Merci beaucoup.
    Monsieur Neve.
    En fait, Mme Vaugrante va parler en premier. Merci.

[Français]

    Bonjour à tous et à toutes. Je remercie le comité de donner à Amnistie internationale l'occasion de présenter son point de vue sur le projet de loi C-31.
    Amnistie internationale a analysé ce projet de loi en se fondant sur les trois points suivants. Il y a d'abord notre expertise quant au respect ou au non-respect du droit international en matière de droits de la personne et de l'engagement du Canada à cet égard. Il y a aussi notre expérience. En effet, on nous demande souvent de protéger les droits de demandeurs d'asile au Canada et nous intervenons quand nous le jugeons nécessaire. Enfin, il y a notre engagement, à l'échelle mondiale, à protéger les droits des personnes qui immigrent et qui cherchent à fuir la terreur et la misère, comme le dit la Déclaration universelle des droits de l'homme, quel qu'en soit le coût pour leur famille.
    Tout d'abord, nous reconnaissons que le processus d'accueil des demandeurs d'asile est difficile, complexe, et qu'il comportera certainement toujours des imperfections ainsi que des incohérences. Il nécessite d'une manière continue des changements et des réformes. Amnistie internationale admet que les gouvernements ont pour responsabilité de veiller à l'intégrité de tout système de détermination du statut de réfugié. Il faut que ces changements et ces réformes, qui visent certainement une plus grande efficacité et se préoccupent des abus, soient néanmoins toujours fondés sur le respect des droits des demandeurs d'asile.
    Amnistie internationale s'inquiète. Le projet de loi C-31, qui est à l'étude aujourd'hui, contrevient aux obligations du Canada prévues par le droit international et viole la Charte canadienne des droits et libertés. Nous commencerons par nommer l'enjeu de la discrimination qui, nous le déplorons, se retrouve dans plusieurs dispositions du projet de loi. Or tous les demandeurs d'asile devraient être traités équitablement. La discrimination est basée non seulement sur la manière d'arriver au Canada, mais aussi sur le pays d'origine.
    Mon collègue Alex reviendra sur trois dispositions générales du projet de loi qui, si elles étaient mises en oeuvre, généreraient de sérieuses violations des lois internationales en matière de protection des demandeurs d'asile, des droits de la personne et de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Pour ce qui est de la première disposition, on parle de rendre obligatoire l'emprisonnement d'étrangers désignés sans que les motifs de leur détention puissent faire l'objet d'une révision. Le ministre peut décider qu'une personne est un étranger désigné s'il croit qu'elle a fait appel à des passeurs de clandestins pour entrer au Canada. Quant à la deuxième disposition, il s'agit de rendre impossible le droit de faire appel dans le cas des étrangers désignés, une décision défavorable relativement à leur statut de réfugié. En ce qui a trait à la troisième disposition, on parle de définir des pays d'origine comme étant sécuritaires uniquement en vertu d'une décision du ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme.
     Les points suivants nous semblent aussi préoccupants: le fait que l'accès au statut de résidence permanente soit interdit pendant cinq ans, ce qui empêche la réunification des familles; les délais, qui sont beaucoup trop serrés et injustes; des iniquités et des choix impossibles entre le processus de demande d'asile et le processus pour des motifs humanitaires.
    Amnistie internationale présente neuf recommandations pour que ce projet de loi, au minimum, soit conforme aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. On parle ici d'obligations que le Canada a lui-même contribué à établir et à développer.
    Je vais laisser Alex développer les trois points suivants.

  (1000)  

[Traduction]

    Merci, et bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.
    Le droit à la liberté est un droit fondamental qui est fondé sur le désir inné de liberté de l'être humain. Les normes en matière de droits de la personne précisent donc clairement et universellement que le pouvoir de l'État de priver une personne de sa liberté en l'arrêtant et en l'incarcérant doit être contenu et restreint. Pour garantir la protection du droit à la liberté, les traités relatifs aux droits de la personne précisent clairement que quiconque est privé de sa liberté doit d'abord être informé des motifs de son emprisonnement et ensuite avoir rapidement une occasion réelle de contester son emprisonnement devant un juge ou une autre personne autorisée à l'entendre par la loi.
    Les recherches menées par Amnistie internationale ont montré que les demandeurs d'asile et les autres migrants de partout dans le monde sont particulièrement vulnérables au non-respect du droit à la liberté. Surtout, il est ressorti clairement que bon nombre de gouvernements ont eu recours à l'emprisonnement des réfugiés et des migrants comme moyen de dissuader d'autres réfugiés et migrants de venir dans leur pays. Il n'y a rien en droit international qui reconnaisse cela comme étant une raison valable de priver quelqu'un de sa liberté.
    Le droit international reconnaît bel et bien aux États le droit de contrôler leurs frontières. Il y a aussi, évidemment, une obligation de s'assurer que les gens ne sont pas renvoyés dans un pays où ils pourraient être persécutés. Le droit international est donc très prudent lorsqu'il s'agit des frontières. Il reconnaît qu'un État peut, seulement pour le temps qui est strictement nécessaire, détenir des demandeurs d'asile à juste titre s'il s'agit de vérifier leur identité, de s'assurer qu'une personne qui risque de prendre la fuite va comparaître dans le cadre de certaines instances ou parce qu'il a été prouvé qu'une personne pose une menace à la sécurité. Toutefois, la personne concernée doit pouvoir contester les motifs de son emprisonnement en temps opportun.
    Selon les normes internationales, le droit à la liberté de certains groupes de migrants, comme les demandeurs d'asile et les mineurs, doit être protégé encore plus soigneusement. La convention pour les réfugiés, par exemple, précise que le simple fait qu'un demandeur d'asile soit entré dans un pays par des moyens illégitimes ne justifie pas qu'il soit puni. Les lignes directrices sur la détention du HCNUR signalent que les demandeurs d'asile ont souvent vécu des traumatismes et des difficultés considérables dont il faut tenir compte au moment de rendre une décision concernant leur détention. Il est également très clair, en droit international, et plus précisément en ce qui concerne la protection des réfugiés et des droits des enfants, que les mineurs ne doivent être emprisonnés que comme mesure de dernier ressort absolu.
    Le projet de loi C-31 contrevient à ces normes établies et universelles qui protègent le droit fondamental à la liberté. Les gens ne sont pas détenus pour l'un ou l'autre des motifs reconnus de détention des migrants, par exemple la vérification de l'identité ou les risques de fuite ou menaces à la sécurité, lesquels sont tous déjà très bien établis dans les lois canadiennes. La raison pour laquelle ils perdent leur liberté est plutôt le simple fait qu'ils sont entrés au Canada comme membres d'un groupe de personnes désignées par le ministre comme étant arrivées de façon irrégulière. Cela n'a rien à voir avec la situation personnelle des gens. Peu importe s'ils ont une pléthore de pièces d'identité valides ou un paquet de faux documents, s'il est garanti qu'ils se présenteront lorsqu'ils devront le faire dans l'avenir ou s'il est presque certain qu'ils disparaîtront, ou encore s'ils posent de toute évidence une menace grave à la sécurité nationale ou sont un parangon de vertu. Leur arrestation et leur emprisonnement sont automatiques et fondés sur le seul motif de la façon dont ils sont arrivés ici. Il n'y a pas d'exception concernant les personnes qui présentent une demande d'asile ni concernant les personnes qui ont vécu la torture, subi un viol ou vu d'autres de leurs droits bafoués. Il n'y a pas d'exception concernant les mineurs de plus de 16 ans.
    Ce ne sont pas seulement les motifs d'arrestation et d'emprisonnement qui posent problème dans le cadre du nouveau régime de détention. Il y a aussi l'exigence fondamentale, en droit international, que les gens emprisonnés aient régulièrement accès à un juge ou à une autre personne autorisée pour pouvoir réellement contester les motifs de leur arrestation et demander leur mise en liberté. Ce n'est pas le cas dans le cadre du projet de loi C-31. La Section de l'immigration est chargée d'effectuer le contrôle des motifs de leur détention continue après 12 mois, et elle « ne peut le faire avant l'expiration de ce délai ».
    La détention arbitraire et obligatoire sans contrôle des motifs de détention en temps opportun constitue un manquement aux obligations internationales du Canada. Les organismes de défense des droits de la personne de l'ONU l'ont dit clairement. Le Comité des Nations Unies contre la torture a demandé que les dispositions similaires à celles relatives à la détention obligatoire adoptées en Australie soient abolies. Il est à noter que ce même comité va examiner le dossier du Canada en matière de droits de la personne ce mois-ci, et que la question lui est soumise.

  (1005)  

    Le mois dernier, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale a demandé au Canada de ne pas aller de l'avant avec les dispositions sur la détention obligatoire. Ces dispositions devraient être retirées. Le Canada désapprouve à juste titre la détention arbitraire pratiquée dans d'autres pays. Nous ne pourrons plus le faire avec autant de crédibilité si nous adoptons des mesures législatives semblables.
    Amnistie internationale est également préoccupée par l'idée de désigner des pays d'origine sûrs. Nous croyons que cette solution n'est pas réalisable et ne peut être appliquée dans le respect de certains principes fondamentaux. Nous le savons. Depuis plus d'un demi-siècle, nous effectuons des recherches et nous publions des rapports sur la question des droits de la personne. Nous nous penchons constamment sur cette question.
    On demande continuellement à Amnistie internationale de faire très précisément ce genre de travail: de classer, de comparer et d'évaluer les pays d'une année à l'autre. On nous demande d'établir une mesure statistique qui fait état du bilan d'un pays au chapitre du respect des droits de la personne, et nous refusons pour plusieurs raisons, mais, de façon très pragmatique, nous refusons parce qu'il n'existe aucun moyen de le faire de manière objective et précise. Il est impossible de tracer une ligne entre les pays qui sont sûrs et ceux qui ne le sont pas en ce qui a trait aux droits de la personne.
    Comment peut-on comparer un pays qui pratique la torture de façon généralisée, mais qui donne largement accès à l'éducation et un pays qui ne tolère pas la torture, mais qui applique des lois draconiennes limitant l'accès à l'éducation des femmes et des minorités? Dans quelle mesure un pays doit-il pratiquer la torture et restreindre l'accès à l'éducation, dans quelle mesure certaines caractéristiques devraient-elles s'appliquer pour qu'un pays passe de la catégorie des pays sûrs à celle des pays non sûrs et vice versa? Il est impossible de le faire sans tracer une ligne subjective et arbitraire, et, lorsqu'il est question de la vie, des droits et de la liberté des gens, la subjectivité et l'arbitraire sont inadmissibles. Il y aurait ainsi trop de risque que des pays soient considérés comme sûrs pour des considérations inappropriées liées à la politique commerciale et étrangère d'un pays, et, à cet égard, nous sommes inquiets de voir que la proposition relative à la création d'un comité consultatif d'experts en la matière n'est plus prise en compte.
    Je vous prierais de conclure, monsieur Neve.
    D'accord.
    Le dernier point que je veux soulever se rapporte au processus d'appel. Depuis des années, le système canadien d'octroi de l'asile comporte une faille évidente: l'absence d'un processus d'audition des appels sur le fond. Par conséquent, nous voyons d'un très bon oeil le fait que le projet de loi C-31 prévoie la création de la Section d'appel des réfugiés. Toutefois, ce qui est profondément troublant, c'est le caractère discriminatoire du processus d'appel, en ce sens que les immigrants faisant partie d'une arrivée irrégulière et ceux venant de pays d'origine désignés n'y auraient pas accès.
    La discrimination à l'égard d'un droit aussi fondamental que l'accès à la justice va à l'encontre des obligations internationales du Canada dans le domaine des droits de la personne. L'audition d'un appel est loin d'être une étape superflue; elle est essentielle, de sorte que les dispositions restreignant l'accès à ce processus devraient être retirées du projet de loi.
    Merci.
    Nous devons poursuivre, monsieur. Je vous remercie beaucoup, monsieur Neve.
    Monsieur Weston.
    D'entrée de jeu, permettez-moi juste de vous dire à quel point je suis fier d'être Canadien aujourd'hui. Votre témoignage me rappelle le temps où j'étais étudiant en relations internationales — il n'y a pas si longtemps, il me semble —, et, soit dit en passant, dans moins de 10 ans, vous serez député. Vous n'avez pas à attendre aussi longtemps. Je vous remercie d'être ici.
    J'appuie personnellement Amnistie internationale. Ma famille également, peut-être à cause de Charlie Pley, mon camarade de classe à la faculté de droit, qui était un membre très actif d'Amnistie en Ontario. Encore une fois, je suis fier que vous soyez ici aujourd'hui.
    Toutefois, je tiens à préciser que, bien que nous en arrivions aux mêmes conclusions, à savoir que les Canadiens veulent faire preuve de compassion à l'égard des personnes qui vivent dans des conditions inacceptables, mon interprétation du projet de loi diffère de la vôtre à certains égards. En effet, je crois entre autres que faire attendre des gens pendant plus de 1 000 jours, en moyenne, comme nous le faisons actuellement, avant de traiter leur demande, constitue aussi une violation des droits de la personne, et j'estime que nous devons accélérer le processus. Les décideurs au gouvernement sont dans une position difficile: ils doivent prendre des décisions, mais il est inévitable que certaines personnes soient désavantagées par ces décisions et que des problèmes en découlent.
    Laissez-moi d'abord vous poser une question. Si vous saviez qu'un pourcentage important de demandes venant de certains pays — et je parle ici des pays de l'UE — étaient abandonnées ou retirées, si vous saviez que des personnes qui viennent de ces pays accaparaient une part considérable de nos ressources financières — et Kelsey a fait mention de l'aspect financier — et que vous saviez qu'elles monopolisaient une grande partie du processus de traitement, ce qui, en conséquence, prolonge les délais imposés aux personnes qui, au bout du compte, sont des réfugiés authentiques, ne serait-ce pas un problème auquel nous devrions nous attaquer? Le pourcentage est très élevé. Nous avons découvert qu'environ 90 p. 100 des demandes venant de la Hongrie n'étaient pas retirées, alors c'est pour cette raison que le projet de loi prévoit la désignation de pays considérés comme sûrs.
    Laissez-moi juste ajouter quelque chose. Ne croyez pas un instant que le ministre peut, à son entière discrétion et de façon totalement arbitraire et selon ses caprices, décider quels sont les pays sûrs, car la Cour fédérale l'obligera à tenir compte de certains critères. Ces critères, en passant, sont énoncés dans le projet de loi, par exemple les critères qui s'appliquent aux pays où un grand nombre de demandes sont retirées ou abandonnées. Il devra donc s'appuyer sur des critères semblables et ne pourra pas, selon son bon plaisir, choisir des pays qu'il juge sûrs.
    J'aimerais entendre la réponse d'Amnistie.

  (1010)  

[Français]

    J'aimerais que Mmes Angeley et Fortier répondent aussi.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup. Je suis certes heureux d'apprendre que vous soutenez Amnistie internationale.
    Nous convenons tout à fait que le traitement rapide des demandes d'asile est un objectif important, non seulement pour le gouvernement, mais aussi pour les réfugiés eux-mêmes. Il ne fait aucun doute que les réfugiés veulent que l'on décide au plus tôt de leur sort. Ils veulent pouvoir passer à autre chose et reconstruire leur vie, être réunis avec leur famille et, surtout, avoir le sentiment d'être en sécurité, car il s'agit d'une caractéristique psychosociale essentielle. En même temps, nous devons veiller à ne pas fixer des délais pouvant être irréalistes et inéquitables au point où il serait très difficile, voire impossible, pour ces personnes de préparer ou de présenter adéquatement leur demande. Nous devons également faire en sorte que nos efforts visant à accélérer le traitement des demandes ne s'accompagnent pas de politiques qui contreviennent aux normes internationales fondamentales en matière de droits de la personne, notamment les dispositions relatives à la détention arbitraire, qui, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, préoccupent Amnistie internationale.
    En ce qui a trait aux pays d'origine...
    Permettez-moi de vous interrompre brièvement. Toutes vos préoccupations à l'égard de la détention arbitraire reposent sur l'idée qu'il s'agit d'une forme de sanction, alors que cette mesure a expressément pour objectif de nous permettre d'identifier les personnes pour que nous sachions qu'elles ne présentent pas de risque pour la sécurité publique; elle ne cherche pas à les punir. Il s'agit clairement de l'un des objectifs du projet de loi. Voilà pourquoi je crois que cette mesure résistera à l'examen des tribunaux.
    Excusez mon interruption.
    Le droit canadien prévoit déjà des dispositions autorisant la détention à des fins de vérification de l'identité. Avec tout le respect que je vous dois, cette nouvelle approche consistant à emprisonner un groupe entier pour la simple raison qu'il s'agit d'un groupe désigné et qu'il est arrivé par un moyen irrégulier est quelque chose de très différent.
    En passant, moins de 1 p. 100 des demandeurs d'asile feraient partie de cette catégorie.

[Français]

    Madame Angeley ou madame Fortier, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Je comprends votre point de vue, et il est vrai que l'arriéré est inacceptable.
    Durant ma première année à l'université, je me suis liée d'amitié avec une demandeuse d'asile, qui venait tout juste, le mois d'avant, de faire l'objet d'une audience. Entre-temps, j'ai obtenu mon diplôme universitaire. Je crois que les délais d'attente doivent refléter un compromis entre la volonté d'accélérer le processus et la nécessité de se montrer à la hauteur de la réputation du Canada en tant que pays d'asile.
    Avant de désigner des pays sûrs, nous pouvons prendre d'autres mesures. Par exemple, actuellement, le rôle de la CISR n'est rempli qu'à 80 p. 100. Nous pouvons donc fixer des audiences dans les temps libres. Nous pouvons entendre les demandes d'asile dès qu'elles sont prêtes.
    Par ailleurs, à l'instar de nos pairs, nous sommes évidemment préoccupés par l'idée d'éliminer le comité d'experts. Cette solution semblait fournir une sorte de freins et contrepoids adéquats, et nous avions ainsi la certitude que la liste des pays sûrs serait établie d'une façon équitable.
    Le ministre cherche par là à accélérer le processus, pas à faire un choix arbitraire et capricieux. Il devra s'appuyer sur certains critères. À mon avis, nous sommes à l'abri de toute forme de contestation à laquelle vous avez fait allusion.
    Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Je crois que nous serions probablement tous de l'avis du HCNUR, qui a clairement reconnu la nécessité de traiter de façon expéditive les demandes d'asile venant de pays d'origine désignés. De fait, António Guterres, ancien haut-commissaire des Nations Unies, a déclaré qu'il existe bel et bien des pays d'origine sûrs et qu'on peut effectivement présumer que les demandes d'asile venant de certains pays n'auraient probablement pas autant de poids que celles venant d'autres pays.
    Croyez-vous que cette affirmation est exacte, Béatrice ou Alex?

  (1015)  

    Je crois qu'il y a une grande différence entre le fait d'accélérer le traitement des demandes selon le pays d'origine et le fait d'interdire l'accès à un processus aussi fondamental qu'une audience d'appel dans le cas d'une demande d'asile, qui est quelque chose ayant beaucoup de conséquences dans la vie d'une personne. À mon avis, les commentaires du Haut-commissaire portaient sur les délais et l'accélération du processus. Bien entendu, nous sommes déjà parvenus à ce compromis grâce à la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, qui prévoit l'établissement de listes de pays d'origine comme moyen d'accélérer le processus. Toutefois, cette solution continue de préoccuper Amnistie internationale, et je crois que nous faisons autorité en tant qu'organisme qui, sans relâche, effectue des recherches et publie des documents et des rapports sur les violations des droits de la personne et qui peut témoigner des difficultés réelles auxquelles on se heurte lorsqu'il s'agit d'établir une liste de pays d'origine qui est fiable. Mais, au moins, la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés préconisait une approche qui ne touchait pas à quelque chose d'aussi fondamental que la restriction de l'accès à une audience d'appel.
    Merci, monsieur.
    Je suis désolé, monsieur Weston, nous devons passer à un autre intervenant.
    Madame Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être ici ce matin.
    Plusieurs des témoins qui se sont succédé ici nous ont parlé de l'importance d'avoir un système rapide, mais ils ont dit aussi qu'il devait être fondé, comme vous l'avez souligné ce matin, sur le respect des droits fondamentaux et de la justice humaine et universelle. À notre avis, ce sont vraiment des points clés dont il faudra tenir compte quant à ce projet de loi.
    J'ai une question en ce qui concerne le processus de désignation des pays d'origine. Le projet de loi C-31 modifie à la fois le processus de désignation des pays d'origine et les critères liés à cette désignation prévue dans la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés. Pourriez-vous faire des commentaires sur le nouveau processus proposé pour la désignation des pays d'origine?
    Avec plaisir.
     Amnistie internationale a en effet de sérieuses préoccupations face à l'éventualité qu'un pays entier soit désigné comme étant sûr. Tout d'abord, la situation en matière de violations de droits de la personne peut changer très rapidement à l'intérieur d'un pays. On n'a qu'à penser au Kenya. On croyait que les choses allaient très bien, mais tout à coup, un flot de violence a inondé le pays.
    En outre, les cas de violation des droits de la personne peuvent être lents à nous parvenir, malgré tous les moyens de communication existants, et ce sont parfois les réfugiés qui nous en informent. Il peut arriver qu'un pays affiche un tableau plutôt positif à l'égard de plusieurs aspects des droits de la personne, mais qu'il ait de sérieux problèmes dans une région particulière. Il pourrait y avoir, par exemple, un enjeu en ce qui a trait aux homosexuels. Il peut aussi s'agir de violence envers les femmes. Or si un tel pays était désigné en tant que pays sûr, il deviendrait impossible de mettre le doigt sur les problèmes de ce genre.
    Enfin, rien ne peut désigner un pays sûr d'une manière objective. Le processus va finir par être subjectif. Or nous avons des craintes relativement à cette subjectivité et à la façon dont elle va être mesurée. Nous craignons aussi, en ce qui concerne la désignation des pays sûrs, que des enjeux autres que les droits de la personne finissent par être pris en compte, par exemple des enjeux commerciaux ou politiques.
    Merci.
    Karina et Kelsey, croyez-vous que ce projet de loi va régler le problème des passeurs, de quelque façon que ce soit, ou qu'il a été conçu pour traduire les réfugiés en justice? Pensez-vous que, d'une façon ou d'une autre, ce projet de loi règle la question des passeurs et de la contrebande humaine?

  (1020)  

    Je n'ai pas de réponse à cette question.
    Sinon, monsieur Neve ou...

[Traduction]

    Je crois que les mesures proposées dans le projet de loi ne punissent pas les passeurs de clandestins. Elles punissent les réfugiés qui retiennent les services de ces passeurs.
    D'ailleurs, au cours de la réunion du comité du 26 avril, le ministre de Citoyenneté et Immigration a affirmé que le projet de loi visait principalement à dissuader les passeurs. Je ne crois tout simplement pas que cela sera efficace. Les personnes qui font appel aux services de passeurs sont motivées par le désespoir et la peur. La dissuasion suppose un certain degré de rationalité; or, la peur et le désespoir sont du domaine de l'irrationnel. En outre, nombre de réfugiés avec lesquels nous travaillons ignoraient tout du système avant d'arriver ici. En proposant des mesures semblables, le gouvernement présume qu'il existe des réseaux de communication de l'information à l'étranger et que les personnes sont au fait des sanctions qu'elles encourent avant de venir au Canada, ce qui, en réalité, n'est pas le cas.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Neve, des témoins nous ont dit que les règles relatives aux arrivées irrégulières, dont la détention pendant un an, étaient déraisonnables et excessives. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet et nous dire quelles obligations juridiques internationales ou quels droits de la Charte ces règles enfreignent?

[Traduction]

    Merci.
    Il y a de nombreuses dispositions juridiques internationales qui entrent en jeu lorsque nous examinons le régime de détention prévu dans le projet de loi. Il y a d'abord la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui protège les gens contre l'arrestation et la détention arbitraire et qui reconnaît la nécessité d'un accès normal et rapide à un processus de contestation des motifs de détention.
    Ces dispositions sont reprises dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Canada a ratifié en 1976.
    Dans la Convention relative aux droits de l'enfant, il y a des dispositions qui se rapportent à la liberté des enfants et à l'importance de faire en sorte qu'ils ne fassent pas l'objet d'une arrestation arbitraire. De fait, leur détention n'est qu'une solution de dernier recours.
    Par ailleurs, le droit des réfugiés prévoit aussi de nombreuses dispositions. Par exemple, les règles impératives énoncées dans la Convention relative au statut des réfugiés indiquent clairement que le fait qu'un demandeur d'asile arrive dans un pays par des voies illégales — ce qui représente une étape très normale et très nécessaire pour nombre de réfugiés — ne constitue pas en soi des motifs suffisants pour le punir. À l'évidence, une détention équivaut à une forme de punition.
    De plus, le HCNUR a aussi publié des lignes directrices et d'autres documents qui précisent très clairement que la détention de demandeurs d'asile ne devrait pas tenir lieu de procédures habituelles et qu'il faut traiter avec le plus grand soin tous les réfugiés, surtout ceux qui sont vulnérables: les enfants et les victimes d'agressions sexuelles, de violence sexuelle et de torture. Le projet de loi n'est assorti d'aucune disposition en ce sens.

[Français]

    Compte tenu de tout ce que vous venez d'aborder, selon vous, le Canada est-il encore un pays qui s'aligne sur les conventions et les chartes des droits et libertés?

[Traduction]

    Nous sommes convaincus que les dispositions relatives à la détention ne sont pas conformes à nos obligations juridiques internationales. Je crois d'ailleurs qu'on a déjà commencé à le signaler. Comme je l'ai dit, en février dernier, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale s'est penché sur la situation des droits de la personne au Canada. On a attiré son attention sur les dispositions relatives à la détention obligatoire. Le comité a émis des réserves à ce sujet et a demandé au gouvernement canadien de ne pas aller de l'avant avec cette idée. Je crois donc que nous pouvons déjà voir des signaux à l'échelle internationale qui indiquent que des experts en matière de droits de la personne des Nations Unies seront préoccupés par cette mesure et qu'il s'agit d'une solution que nous ne devrions pas retenir.
    Merci, monsieur Neve.
    Monsieur Lamoureux.
    J'aimerais poursuivre sur ce point en particulier et peut-être pousser la réflexion un peu plus loin. Je crois qu'il est nécessaire de préciser que le projet de loi C-31 sera un projet de loi assez vaste qui coûtera cher aux contribuables, mais, surtout, il y a la question des droits de la personne et les contestations qui seront immanquablement soulevées si le projet de loi est adopté tel quel, sans amendement. À coup sûr, il y aura des contestations constitutionnelles. Nombre de gens, moi y compris, s'attendraient à ce que des demandeurs contestent avec succès la constitutionnalité de la disposition relative à la détention obligatoire.
    D'aucuns soutiendraient qu'il y a d'autres éléments du projet de loi qui ternissent la réputation du Canada sur la scène internationale, et je crois qu'il convient de le souligner. Lorsqu'on regarde le nombre total de réfugiés dans le monde — il y en a plus de 10 millions —, le Canada a toujours joué un rôle de chef de file assez important dans le dossier des réfugiés. Or, cette disposition nous empêchera dorénavant de le faire.
    Karina et Kelsey, j'apprécie vos commentaires. Je serais très intéressé d'obtenir une copie de la pétition dont vous avez parlé. Je trouve formidable qu'un groupe d'étudiants de McGill se sente concerné par le projet de loi C-31. Vous avez toutes deux exprimé avec brio vos vues à ce chapitre.
    J'ai très peu de temps, et c'est pourquoi je tenais à souligner quelques points que je jugeais pertinents.
    Ma première question se rapporte donc aux autres activités universitaires que vous menez concernant le projet de loi. Faites-vous de la sensibilisation auprès des étudiants d'autres universités? Je serais ravi d'avoir l'occasion de discuter du projet de loi C-31 avec le ministre à votre université, si le ministre était disposé à tenir là-bas un débat sur le projet de loi.
    Pouvez-vous me dire ce qui se passe d'autre concernant le projet de loi à votre université?

  (1025)  

    Nous avons organisé deux séances d'information dans le but de sensibiliser les gens au projet de loi. Nous avons monté un kiosque à un endroit très achalandé, et, comme je l'ai dit, nous arrêtions les gens et nous leur demandions s'ils avaient entendu parler du projet de loi C-31. La plupart des gens n'en avaient pas entendu parler. Nous leur avons expliqué de quoi il s'agissait.
    À part cela, la session est terminée, et la plupart des étudiants sont retournés à la maison ou partis en vacances. Quant à l'année prochaine, nous sommes très intéressés à faire intervenir les médias, et, comme vous l'avez dit, à établir des liens avec d'autres universités.
    Nous espérons que le projet de loi ne sera pas adopté pour que nous puissions continuer de nous y opposer, conjointement avec d'autres réseaux.
    J'apprécie vos commentaires.
    Aux termes de l'une des dispositions du projet de loi, si vous faites partie d'une « arrivée irrégulière et que vous êtes gardé en détention obligatoire pendant un an, par la suite, même si on vous considère comme un réfugié authentique, vous ne pourrez pas parrainer un membre de votre famille.
    Je me demande si vous pourriez nous dire quelles seraient, selon vous, les répercussions d'une telle situation.
    Voilà une autre disposition très inquiétante. En effet, cette disposition interdit aux personnes que vous avez décrites de demander le statut de résident permanent pendant cinq ans et, par conséquent, de parrainer les membres de leur famille. Cela est très préoccupant pour un certain nombre de raisons.
    Encore une fois, cette disposition va à l'encontre d'importantes obligations internationales en matière de droits de la personne, notamment prévues dans la Convention relative aux droits de l'enfant; celle-ci stipule que les États sont censés faire tout ce qu'ils peuvent pour faciliter la réunification des familles lorsqu'il y a des enfants mineurs. L'interdiction de cinq ans ne facilite certainement pas la réunification des familles, de sorte qu'il pourrait y avoir des conséquences juridiques.
    Les coûts psychosociaux associés au fait de garder les familles séparées pendant une aussi longue période sont très élevés. On parle ici de personnes que le Canada estime devoir protéger, de personnes que nous protégeons. Nous nous conformons aux obligations internationales, mais, en même temps, nous affirmons qu'elles n'ont pas le droit d'être réunies rapidement avec leur famille en raison de leur mode d'arrivée au Canada.
    Êtes-vous préoccupé par la distinction apparente, et maintenant réelle, qui est faite... il existe maintenant deux catégories de réfugiés en raison de cette disposition. En elle-même, cette disposition pourrait même contrevenir à certaines des résolutions des Nations Unies qui ont été adoptées.
    Je crois que les formes de discrimination qui transparaissent du projet de loi, c'est-à-dire le traitement différent les réfugiés selon leur mode d'arrivée et selon leur pays de nationalité et, par conséquent, le refus de leur accorder une protection équivalente pour ce qui est de certains des droits fondamentaux de la personne — l'accès à un processus d'appel, la réunification des familles, la possibilité de voyager à l'étranger —, autrement dit, la discrimination pour ces seuls motifs est profondément troublante. Oui, nous pourrions avancer que traiter ces personnes d'une façon discriminatoire est effectivement contraire aux obligations qui découlent des traités internationaux relatifs aux droits de la personne, mais cela occasionnera aussi des coûts humains très élevés.
    Merci.
    Monsieur Leung.
    Merci, monsieur le président. Merci aux témoins.
    Monsieur Neve, il y a un équilibre fragile entre la réputation mondiale du Canada dans le domaine des droits de la personne et la générosité dont nous faisons preuve à l'égard des réfugiés et des personnes dans le besoin... les coûts associés à l'établissement des réfugiés, qui sont de l'ordre de 50 000 $ par personne par année, ce qui pourrait représenter jusqu'à 1,6 milliard de dollars sur cinq ans.
    Le système de santé et d'aide sociale du Canada est-il beaucoup plus généreux envers les réfugiés que celui des pays de l'UE ou d'autres pays, comme les États-Unis ou l'Australie, qui doivent aussi composer avec le même problème, c'est-à-dire les arrivées massives ou les arrivées de réfugiés en général?

  (1030)  

    Je n'ai pas de réponse satisfaisante ni statistique à cette question. Je crois que oui, nous devrions être fiers de faire preuve d'autant de générosité. Je ferais toutefois remarquer que, en témoignant toute cette générosité, nous ne faisons que nous acquitter des obligations internationales qui nous incombent dans le domaine des droits de la personne. Ce n'est pas une question de charité; nous devons simplement respecter nos obligations en matière de droits de la personne.
    À mon avis, il y a des inégalités dans le pays. Tandis que certains services sont offerts et financés par le gouvernement fédéral, d'autres, comme l'aide sociale, l'éducation et les soins de santé, par exemple, relèvent des provinces. Les provinces préconisent différentes approches et politiques en ce qui a trait à la mesure dans laquelle on peut accéder à ce type de services. Par conséquent, il n'existe donc pas une seule norme nationale.
    En comparaison des autres pays, oui, à bien des égards, nous sommes en tête de liste. Il y a probablement d'autres domaines où ce n'est pas le cas. D'autres pays témoignent aussi d'une certaine générosité. Même si nous étions au sommet de la liste dans tous les domaines, notamment pour ce qui est de l'aide et du soutien que nous apportons, nous ne devrions pas en avoir honte. De fait, nous devrions en être fiers.
    Merci.
    Dans la même veine, je m'adresse maintenant à Kelsey et Karina. Si nous devions assumer ce fardeau financier de près de 1,6 milliard de dollars sur cinq ans, je me demande ce que vous en penseriez, en tant que jeunes adultes qui entreront sous peu sur le marché du travail.
    Je voudrais vous entendre à ce sujet. Vous avez parlé de B. Refuge. Je suis curieux de savoir pourquoi vous croyez que le système d'octroi de l'asile du Canada est antidémocratique. Je parle ici en connaissance de cause, en ce sens que j'ai été un étudiant étranger ici et que je suis devenu apatride il y a une quarantaine d'années.
    Comment avez-vous calculé ce chiffre de 1,6 milliard de dollars?
    Nous avons examiné les économies que nous permettrait de réaliser le projet de loi C-31, qui assurerait la protection de nos frontières, et nous avons fait des extrapolations sur cinq ans, en tenant compte du fait que chaque demandeur d'asile occasionne actuellement des coûts allant de 50 000 à 70 000 $.
    Comme l'a mentionné ma collègue, le fait que les coûts seront aussi élevés nous inquiète beaucoup. Nous avons tiré ce chiffre du rapport de 2008 de la vérificatrice générale, qui précisait qu'il en coûte 70 000 $ par année pour détenir un réfugié dans un centre de détention. Nous sommes convaincues que ces ressources peuvent être employées à des fins beaucoup plus utiles, par exemple, pour embaucher davantage de commissaires à la CISR ou d'avocats en droit des réfugiés.
    Je crois qu'on présume que les réfugiés ne font que prendre à la société canadienne. Or, en investissant dans les réfugiés et les demandeurs d'asile pendant qu'ils sont ici, on fait en sorte qu'ils soient de meilleurs membres de notre collectivité une fois qu'ils auront obtenu la citoyenneté canadienne. Par exemple, la détention des personnes peut avoir des effets terribles sur la santé mentale, plus particulièrement sur le développement de l'enfant. Cela entraîne des coûts que nous devrons assumer plus tard. Je crois que, en investissant dans les demandeurs d'asile, on investit dans de futurs Canadiens, et cela est utile.
    Pour ce qui est du processus d'octroi de l'asile, je ne crois pas qu'il est non démocratique. Je crois plutôt que c'est le fait de violer les droits inscrits à la Charte — ce à quoi reviendrait l'adoption du projet de loi C-31 — qui n'est pas démocratique. En 1985, la Cour suprême a déclaré que la Charte s'appliquait bel et bien aux demandeurs d'asile.
    Dès que les droits d'une personne sont remis en question en territoire canadien, cela met tout le monde à risque. Il y a un effet domino: si les droits d'une personne ont moins de valeur, alors les droits de tous ont aussi moins de valeur.

  (1035)  

    Je tiens simplement à souligner que notre gouvernement a triplé le financement destiné aux services de réétablissement des demandeurs d'asile, de sorte qu'il s'élève maintenant à environ 300 millions de dollars. Vous n'étiez probablement pas au courant.
    Toutefois, j'ignore pourquoi vous avez affirmé qu'il nous coûterait plus cher de garder ces personnes en détention — vu les coûts associés aux services juridiques, aux services sociaux et à d'autres types de services — pendant que nous vérifions leur identité, que nous examinons leur demande... et que nous protégeons la société canadienne.
    Vous affirmez qu'on accélérera le processus en embauchant davantage de commissaires de la CISR et d'avocats en droit des réfugiés. Nous croyons qu'on pourra alors traiter davantage de demandes, et, par conséquent, les réfugiés pourront obtenir plus rapidement un permis de travail et contribuer à l'économie canadienne pendant qu'ils recevront ces services. Toutefois, ne me dites pas que, si on les met en détention, on ne leur donnera pas à manger. On devra leur donner des repas gratuits, et de l'eau, et des soins de santé.
    Au bout du compte, cette solution sera beaucoup plus coûteuse, surtout si chacune de ces personnes est détenue pendant au moins un an.
    Merci...
    Allez-y.
    Je pense que tout le monde sait clairement que le processus de détermination du statut de réfugié coûte de l'argent. Nous ne le nions pas. La question, c'est de savoir comment nous dépensons notre argent. Nous sommes d'avis que la détention n'est pas une bonne façon de le dépenser.
    Le temps est écoulé.
    Madame Sims.
    Merci beaucoup.
    D'abord, je veux vous remercier tous d'être venus et d'avoir présenté des exposés.
    Cela me fait toujours chaud au coeur d'entendre des exposés de jeunes canadiens et d'étudiants du niveau universitaire. Ils sont toujours grandement épris de justice sociale et tournés vers l'avenir, vers ce que nous voulons faire du Canada, vers la compassion que nous associons tous avec le Canada.
    Je m'adresse à Karine ou à Kelsey. Dans le projet de loi C-31, on introduit le concept de résidence permanente conditionnelle, essentiellement. Cela signifie que vous pouvez obtenir le droit d'asile et votre carte de résident permanent, mais 6, 10 ou 13 ans plus tard, on vous dit: « Eh bien, la situation est maintenant meilleure dans votre pays d'origine. » Il y aurait donc, pour ainsi dire, une nouvelle décision de prise.
    Il s'agit là d'un seul exemple des pouvoirs toujours plus grands qui seront accordés au ministre — et cela n'a rien à voir avec un ministre en particulier; ce sont des pouvoirs qui seront toujours attribués au ministre, quel que soit le gouvernement au pouvoir.
    Que pensez-vous de la portée des pouvoirs confiés au ministre en vertu de ce projet de loi et du fait que nous pourrons rendre une nouvelle décision et renvoyer les gens dans leur pays d'origine?
    Je trouve cela vraiment très troublant. J'essaie de sensibiliser le plus grand nombre possible de mes pairs à cette question. Je ne comprends pas exactement comment un si grand pouvoir, qui permet de déterminer si une personne pourra poursuivre sa vie, si elle pourra se bâtir un avenir au Canada, peut être attribué à une seule personne.
    On peut dire, il est vrai, que cette personne devra respecter certains critères. Néanmoins, le projet de loi laisse une bien trop grande place à une concentration du pouvoir entre les mains de cette personne. Il n'y a pas suffisamment de freins et contrepoids dans le projet de loi pour limiter ce pouvoir.
    Merci beaucoup.
    Je m'adresse maintenant à Alex. Le projet de loi C-31 limiterait grandement la possibilité, pour les demandeurs d'asile, de présenter une demande pour des motifs d'ordre humanitaire. Est-ce que cela vous préoccupe?
    Oui, tout à fait. Depuis déjà de nombreuses années, les défenseurs des droits, et, je pense, les responsables des gouvernements, ont reconnu que le processus d'octroi de l'asile pour des motifs d'ordre humanitaire constituait une façon valable de s'assurer que de très nombreuses et diverses préoccupations, qui sont souvent liées à des questions de droit de la personne et qui n'entrent pas facilement dans d'autres catégories — elles ne correspondent pas, par exemple, directement à la définition de réfugié — sont bel et bien prises en considération quand vient le temps de prendre une décision.
    Ce que le projet de loi propose, c'est de leur interdire de présenter une demande pour des motifs d'ordre humanitaire — dans le cas des arrivées irrégulières — pendant une période de cinq ans, ce qui placera bien des gens dans une situation impossible puisqu'ils devront se demander s'ils veulent essayer de faire valoir telle ou telle violation des droits de la personne.
    Ce ne sont pas des processus redondants. Ils se chevauchent en partie, mais, à bien des égards, ils ciblent divers types de situations humanitaires et liées aux droits de la personne, et le fait de les restreindre entraîne des problèmes.

  (1040)  

    Les gens doivent attendre cinq ans avant de pouvoir présenter une demande pour quelqu'un d'autre ou obtenir des titres de voyage, mais cela ne signifie pas que les familles seront réunies après cinq ans. C'est tout simplement à ce moment-là que les gens pourront présenter une demande. Cette situation cause bien des inquiétudes sur le plan humain, mais aussi certaines préoccupations pratiques.
    Ma prochaine question concerne les nouveaux délais proposés. Nous voulons tous que le traitement des demandes soit accéléré, mais que pensez-vous des délais proposés dans ce projet de loi? On nous a souvent dit qu'ils contribuaient davantage à l'élimination des droits qu'à leur protection.
    Je suis sûr que vous avez probablement entendu, et que vous continuerez probablement d'entendre, des personnes qui s'occupent de la question des réfugiés au quotidien — des avocats spécialisés en droit des réfugiés, des personnes qui travaillent auprès d'organismes de première ligne — qui, j'en suis sûr, vous parleront de façon très convaincue de la grande importance de la rapidité. Tout le monde veut un traitement plus rapide, et la douleur que ressentent les demandeurs d'asile dans nos bureaux quand ils apprennent que leur audience n'aura pas lieu avant 8 ou 18 mois, ou tout autre délai de ce type, est aussi préoccupante.
    Cependant, ces délais ne sont pas réalistes puisqu'il sera tout simplement impossible pour bien des demandeurs d'asile de préparer et de rassembler les documents requis et de consulter adéquatement des avocats pour s'assurer de présenter leur cas de la façon la plus claire et la plus solide possible. C'est par de telles mesures qu'on arrivera à accélérer le processus, puisqu'un cas mal préparé ne fait qu'entraîner plus de délais.
    Merci, monsieur Neve.
    M. Dykstra dispose de deux blocs horaires.
    Merci, monsieur le président.
    C'est devenu un thème récurrent. J'avais cru, quand on a entrepris le processus et qu'on a présenté les témoins — et je ne tiens aucun d'entre vous responsable de la situation —, que nous entendrions parler d'autres thèmes qui font que l'on peut appuyer ou non le projet de loi. J'ai l'impression de fréquemment me répéter.
    Je comprends votre point de vue, puisque vous vous opposez au projet de loi, mais c'est un point de vue que nous avons déjà entendu un certain nombre de fois. D'ailleurs, j'aimerais préciser certaines choses.
    D'abord, l'ancien Haut-Commissaire des Nations Unies, Abraham Abraham, a déclaré que le HCNUR ne s'oppose pas à la création d'une liste de pays d'origine sûrs ou désignés, tant que cette liste reste un outil procédural permettant de classer les demandes par ordre de priorité et d'en accélérer le traitement dans certaines situations bien précises, et qu'on ne s'en sert pas comme critère d'élimination absolu. De nombreux pays, dont le Royaume-Uni, l'Irlande, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse et la Finlande, ont créé une liste de pays sûrs désignés et s'en servent.
    En ce qui concerne les critères pour les demandeurs provenant des pays — par exemple, il y a deux seuils quantitatifs appliqués aux pays dont de nombreux ressortissants demandent l'asile à titre de réfugié au Canada. Ils doivent respecter deux seuils quantitatifs, ou réserves, énoncés dans le projet de loi. Les critères qui déterminent si un contrôle sera effectué sont fondés sur les taux de rejet, les taux de retrait et d'abandon. Un taux de rejet, qui inclut les abandons et les retraits, de 75 p. 100 ou plus entraîne un contrôle. De même, un taux d'abandon et de retrait de 60 p. 100 ou plus entraîne aussi un contrôle — et j'insiste, « un contrôle ». Cela ne signifie pas automatiquement qu'il y aura désignation. À la suite d'un contrôle à l'interne, dirigé par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration en partenariat avec un certain nombre d'autres ministères, on formulera une recommandation ou on déterminera, selon les résultats du contrôle, que les critères d'un point de vue quantitatif s'appliquent au pays en question, ou encore que celui-ci doit faire l'objet d'un contrôle compte tenu du nombre de retraits et d'abandons qui ont eu lieu. Il y a donc des critères bien précis qui s'appliqueront.
    J'ai fait partie des gens qui se sont occupés du projet de loi C-11. J'ai assisté à chaque minute des audiences et des négociations concernant son amélioration, et une proportion de 80 à 85 p. 100 du projet de loi C-11 est reprise dans le projet de loi à l'étude. Simplement, des aspects supplémentaires ont été ajoutés.
    Le projet de loi C-11, qui posait problème en ce qui concerne les pays désignés, ne contenait aucun critère transparent. Les critères auraient été déterminés par le groupe en tant que tel. Nous avions deux préoccupations; d'abord, quels seraient ces critères et, ensuite, on ne savait pas avec certitude combien de temps serait consacré au processus de décision. Dans le cas présent, au moins, 1) nous avons un ensemble de critères transparents et, 2) nous connaissons le délai que prendra le traitement de ce type de demande de désignation d'un pays.
    Dans le cas des demandeurs qui viennent de pays dont les ressortissants ne sont pas aussi nombreux à présenter des demandes, nous allons, de fait, utiliser une liste de vérification qualitative, et qui sera enchâssée directement dans la loi. La liste qualitative inclura donc les critères suivants: (1) l'existence d'institutions judiciaires indépendantes dans le pays; (2) la reconnaissance des droits et libertés démocratiques fondamentaux, y compris l'existence de mécanismes de recours en cas de violation, et (3) l'existence d'organisations de la société civile.
    Je respecte le fait que vous soyez en désaccord avec le processus par lequel nous en arrivons à une conclusion, mais il est injuste et faux d'affirmer que la loi et le mécanisme qui mèneront au contrôle ne prévoient aucun critère qualitatif ni quantitatif. Il est très important de souligner ce point. Je pense que, si les gens viennent ici et manifestent de l'incertitude et de la méfiance en ce qui concerne la désignation de pays sûrs, c'est entre autres parce que ce n'est pas une information que l'on trouve facilement. Je comprends que ce soit une préoccupation, mais je comprends aussi que, à mesure que nous allons de l'avant en ce qui concerne le projet de loi C-31... et l'une des raisons pour lesquelles nous tenons ces audiences, c'est pour nous permettre à tous de comprendre le projet de loi, qui est de plus en plus solide.
    Kelsey, je voulais vous poser une question concernant l'une de mes préoccupations. Je comprends qu'il existe un droit démocratique de s'opposer à un projet de loi en particulier, mais le soutenir est aussi un droit, et ce qu'une majorité de Canadiens de partout au pays nous ont dit, c'est que, de fait, le projet de loi ne va pas assez loin et devrait être encore plus ferme. Je ne dis pas que nous sommes d'accord. Nous voulons un projet de loi pertinent sur les deux plans: il doit convenir et répondre aux attentes de la plupart des Canadiens et, évidemment, respecter la primauté du droit dans la plus grande mesure du possible.

  (1045)  

    Vous avez abordé à un certain nombre d'occasions la question des droits et de l'équité. Au cours des 10 dernières années, il y a eu de 100 000 à 120 000 réfugiés qui ont vu leur demande d'asile au pays être acceptée, et seulement 600 d'entre eux, au cours des 10 dernières années... Deux navires sont arrivés ici avec environ 600 personnes à leur bord, et vous avez consacré beaucoup de temps à la question des droits de ces 600 personnes, sans reconnaître, ni applaudir le fait que de 100 000 à 120 000 demandeurs d'asile ont vu leurs droits respectés, de la façon que vous avez décrite.
    Ce qui nous préoccupe donc, dans le cas présent, ce sont les arrivées irrégulières, qui ne forment qu'une petite partie du projet de loi. Je pense qu'il est important de souligner que nous parlons de... moins de la moitié de un pour cent de l'incidence de notre système, en vertu de ce projet de loi, porte sur les personnes qui arrivent par d'autres voies — qui n'arrivent pas par voie terrestre ou qui présentent une demande à l'étranger.
    J'aborde cette question parce qu'il y a, à l'heure actuelle, plus de 40 000 personnes qui ont présenté une demande d'asile au Canada et qu'on n'arrive pas à trouver. On ne sait pas où elles sont. Il y a plus de 2 000 personnes qui ont vu leur demande d'asile de résidence permanente approuvée parce qu'elles avaient, essentiellement, trompé le système et qu'elles n'avaient pas été franches au sujet de leurs possibilités, ou, à tout le moins, de leur demande.
    Quand vous dites que nous devons protéger les droits des personnes, je me dis que nous devons aussi protéger les droits des Canadiens, et je crains que nous ne puissions pas... Je sais qu'il faut traiter tout le monde de la façon la plus égale possible, mais l'équilibre est rompu s'il y a plus de 40 000 personnes qui sont introuvables — et c'est pourquoi je pense que le système ne fonctionne pas. Nous ne savons pas où elles sont. Nous ne savons pas si elles présentent un risque pour la société; nous ne le saurons pas tant qu'il ne sera rien arrivé. Et c'est à ce moment, je crois, que les droits des Canadiens à titre personnel entrent en ligne de compte et que nous devons collectivement nous protéger. Le gouvernement a aussi la responsabilité de protéger ces droits.
    Eh bien, je pense qu'il faut féliciter le Canada de son exceptionnelle réputation au sujet des demandeurs d'asile. Le Canada est le seul pays à avoir reçu la médaille Nansen pour l'aide aux réfugiés.
    Comme vous l'avez dit, les arrivées irrégulières par bateau représentent un très petit pourcentage, mais je crois que, selon le projet de loi dans sa forme actuelle, la situation des personnes qui arrivent en groupes de plus de trois serait considérée comme irrégulière?

  (1050)  

    Non, ce n'est pas le cas. Je reconnais que le critère n'est peut-être pas aussi bien défini qu'on pourrait le souhaiter, mais l'arrivée au Canada d'une famille qui demanderait l'asile ne serait pas considérée comme une arrivée irrégulière.
    Mais je pense que le fait de prévoir des détentions obligatoires constitue un précédent dangereux...
    M. Rick Dykstra: Des détentions obligatoires...
    Nous n'avons plus de temps. Je suis désolé. Les choses commençaient à devenir intéressantes.
    Je remercie chaleureusement nos deux groupes, B. Refuge et Amnistie internationale, d'avoir présenté un exposé. Vous avez suscité de l'intérêt. Merci d'être venus.
    Nous allons suspendre la séance quelques minutes.

  (1050)  


  (1055)  

    Je déclare la séance ouverte de nouveau. Ce sera intéressant parce que nous accueillons un très grand nombre de personnes.
    Nous accueillons l'ambassadeur Brinkmann, qui est ici à la tête d'une délégation de l'Union européenne au Canada. Il est accompagné, à Ottawa, de Jose-Antonio Torres Lacas, premier conseiller, et de Terri-Ann Priel, conseillère en affaires politiques et publiques.
    Il y a aussi huit personnes qui sont à Bruxelles et qui participeront à l'audience par téléconférence. Je ne vous présenterai pas, alors je vous demande de vous identifier avant de parler, parce que c'est un peu compliqué ici. Ce sera plus simple si, quand vous répondez à une question, vous vous nommez avant de parler.
    Nous accueillons aussi, par vidéoconférence, deux représentants du gouvernement fédéral de l'Allemagne, Anja Klabundt, conseillère de l'Unité de l'harmonisation européenne au ministère de l'Intérieur et Roland Brumberg, conseiller de l'Unité de la Loi sur l'immigration au ministère de l'intérieur. Bonjour à vous.
    Je vois qu'il y a une troisième personne. S'agit-il d'un simple observateur.

  (1100)  

    Je m'appelle Christoph Ehrentraut, et je suis aussi responsable des lois européennes sur l'asile.
    Merci à tous.
    Excellence, vous disposerez de 10 minutes pour présenter un exposé.
    Madame Klabundt, vous disposerez de 10 minutes pour présenter un exposé.
    Nous allons commencer par entendre l'ambassadeur Brinkmann. Bonjour, monsieur.
    Avant que nous commencions, j'aimerais obtenir un éclaircissement.
    Vous invoquez le Règlement.
    Nous avons habituellement deux témoins. Comme nous en avons trois, les 20 minutes seront, en quelque sorte... Est-ce qu'on modifie leur temps de parole?
    Non. La délégation de Bruxelles fait partie du groupe de l'ambassadeur Brinkmann.
    Merci beaucoup de cette précision.
    Merci.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés et toutes les personnes présentes. Bonjour. Je suis très heureux d'être ici. J'aimerais vous remercier de nous avoir invités à cette audience importante.
    Ce projet de loi intéresse l'Union européenne pour deux raisons, essentiellement. D'abord, j'aimerais dire que nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions concernant notre façon de régler ces enjeux en Europe, mais nous ne sommes pas ici pour commenter votre processus législatif. Ce n'est pas à nous de commenter vos projets de loi. Nous serons plus qu'heureux de répondre à vos questions concernant nos propres politiques.
    Pourquoi ce projet de loi nous intéresse-t-il particulièrement? Pour deux raisons. Il y a, d'abord, la politique d'immigration. Pour nous, le Canada est un modèle pour ce qui est de sa politique d'immigration et de la société multiculturelle pluraliste qui en découle. Vous savez probablement que nous avons quelques difficultés, en Europe, avec ces questions et avec l'intégration. Certains ont affirmé, entre autres, qu'il s'agissait de la fin du multiculturalisme. C'est pourquoi nous observons ce qui se passe ici avec un grand intérêt, et nous en faisons état aux responsables européens.
    Évidemment, la situation européenne n'est pas la même. L'Europe est composée d'États-nations ayant des populations très homogènes, ce qui fait que les immigrants se remarquent, tandis que, au Canada, comme vous le savez, à peu près tout le monde est un immigrant ou le descendant d'un immigrant. De plus, l'immigration européenne n'est pas, en général, de la même qualité que l'immigration canadienne. Au Canada, vous choisissez la plupart de vos immigrants. Vous voulez des gens qualifiés, tandis que, en Europe, la plupart des immigrants arrivent du Sud et sont, en majorité, analphabètes, entre autres. Ce n'est donc pas la même situation.
    Le second élément qui nous intéresse, c'est la question des visas, Les citoyens de trois de nos États membres — la Roumanie, la Bulgarie et la République tchèque — ont encore besoin d'un visa pour aller au Canada, tandis que les citoyens canadiens peuvent circuler partout en Union européenne sans visa. Pour les pays en question, mais aussi pour l'Union européenne en général, il s'agit d'un enjeu important. C'est une question de principe. Notre politique des visas est fondée sur le principe de la réciprocité. Si vous accordez l'accès à un pays sans visa, ce pays doit aussi accorder à vos citoyens l'accès à son territoire sans exiger de visa. C'est aussi une question de solidarité entre les États membres. Il s'agit là d'un problème, surtout en ce qui concerne la question de recommencer à exiger un visa pour les ressortissants de la République tchèque. Nous prenons des mesures dans le but de régler ce problème le plus rapidement possible.
    Il y a, je dirais, un lien entre tout cela et la politique d'asile. C'est pourquoi j'aimerais vous expliquer brièvement la politique d'immigration et d'asile de l'Union européenne, dans ses grandes lignes, et je laisserai les spécialistes entrer dans les détails.
    La question de l'immigration et de l'asile relève habituellement des États membres et est un pouvoir de compétence nationale. Les États s'occupent de cette question en tenant compte des instruments internationaux applicables, comme la Convention de Genève, et de leurs lois nationales. Cependant, depuis 1999, nous avons tenté d'adopter une politique d'asile commune à toute l'Europe. Comme bien des choses en Union européenne, il s'agit d'un processus en cours — d'un processus inachevé — et nous tentons toujours de l'améliorer. Pour ce faire, nous utilisons des mesures législatives à l'échelle européenne, essentiellement des directives, qui doivent ensuite être mises en oeuvre par les États membres dans le cadre d'une coopération pratique, et grâce à l'harmonisation des pratiques nationales.

  (1105)  

    Nous appliquons le principe des normes minimales. Cela signifie que chaque État membre peut, pour sa part, aller plus loin dans la protection des réfugiés et accorder plus de droits ou un traitement privilégié. Il y a toutefois des normes minimales de protection qui s'appliquent en ce qui concerne les conditions matérielles, comme le logement et la nourriture, par exemple, l'accès au marché du travail, qui est accordé après 12 mois au sein du territoire, et l'aide aux demandeurs vulnérables, comme les mineurs non accompagnés, les femmes enceintes et les victimes de torture et de violence, par exemple.
    Au plus tard six mois après la présentation d'une demande d'asile, la procédure de première instance doit avoir lieu.
    Vous savez peut-être que nous appliquons, en Union européenne, la libre circulation des personnes. Mais nous avons aussi l'espace Schengen, ce qui signifie qu'il y a eu abolition des contrôles à la frontière des 23 États membres. Partout à l'intérieur de l'espace Schengen, vous pouvez passer d'un État membre à un autre sans même ralentir. C'est un peu comme circuler de l'Ontario vers le Québec. Il n'y a aucun contrôle frontalier, ce qui signifie donc une totale liberté de circulation, y compris, évidemment, pour les demandeurs d'asile. Cela a entraîné un certain magasinage d'asile. Des personnes font une demande d'asile dans un pays membre et, si leur demande est refusée, ils se rendent jusqu'à un autre pays et présentent de nouveau une demande.
    Pour régler ce problème, il y a le Règlement Dublin II, qui permet de déterminer quel État membre est responsable de l'examen d'une demande d'asile. Cela dépend de certains critères, comme le premier pays d'entrée, notamment.
    On a aussi commencé à prendre les empreintes digitales des demandeurs d'asile. Leurs empreintes sont stockées dans la base de données Eurodac. Quand une personne demande l'asile, on peut vérifier ses empreintes digitales pour savoir si une demande de cette personne a déjà été présentée et traitée ailleurs en Union européenne. Et si c'est le cas, la demande d'asile n'est pas admissible.
    Je dois préciser que cette règle s'applique seulement aux ressortissants d'un pays tiers — aux gens qui viennent de l'extérieur de l'Union européenne et qui présentent une demande d'asile dans un pays de l'Union européenne. Les États membres n'acceptent pas les demandeurs d'asile provenant d'un autre État membre. Le traité lui-même prévoit que, comme nos gouvernements sont des démocraties fondées sur la primauté du droit et que le respect de la primauté du droit et des principes d'asile, entre autres, est garanti par la Commission européenne et la Cour européenne de justice, un demandeur d'asile d'un État membre ne peut pas être admis à ce titre dans un autre État membre.
    Enfin, j'aimerais faire un commentaire au sujet des chiffres. Il y a, en Union européenne, environ 250 000 demandeurs d'asile en moyenne. Ce nombre a connu une augmentation l'an dernier à la suite du Printemps arabe, comme vous le savez.
    Il y a de grands écarts d'un pays à un autre. Certains des États membres du Sud, qui reçoivent des bateaux entiers de demandeurs d'asile par la mer Méditerranée, ont fait face à des arrivées massives. Mais, pour vous donner une idée...
    Il vous reste moins d'une minute, Excellence.
    D'accord. Je n'irai pas plus en détail en ce qui concerne les chiffres.
    Enfin, je dirai simplement que, à l'échelle européenne, nous essayons d'aider par divers fonds ces pays membres qui reçoivent la plus grande part des demandeurs d'asile. Le Fonds européen pour les réfugiés prévoit 630 millions d'euros sur cinq ans. Il y a aussi le Fonds européen pour l'intégration, qui est de 825 millions d'euros, le Fonds européen pour le retour, de 676 millions d'euros, et le Fonds pour les frontières extérieures, qui est de 820 millions d'euros.
    Je m'arrête ici. Je serai heureux de répondre à vos questions.

  (1110)  

    Merci, monsieur. Je vous remercie d'être venu et d'avoir amené avec vous vos adjoints pour nous informer de ce qui se passe en Union européenne.
    J'aimerais dire, dans un autre ordre d'idées, que je suis le président de l'Association parlementaire Canada-Europe, ce qui fait que je rencontre fréquemment M. Brinkmann. Il me tient bien au fait de tout ce qui se passe en Europe. Je suis heureux de vous voir.
    Nous accueillons maintenant, du gouvernement fédéral de l'Allemagne, Mme Klabundt.
    Allez-vous vous adresser au comité?
    Monsieur Brumberg, allez-y, je vous en prie. Merci.
    Nous avons déjà entendu bien des choses au sujet du système d'asile et d'immigration européen, donc je serai très bref.
    La loi allemande est influencée par la loi européenne — elle n'a pas d'autre choix que d'être beaucoup influencée par elle —, et c'est pourquoi je ne veux pas répéter de nouveau toutes ces choses qui ont déjà été dites.
    Je vais commencer par quelques chiffres. En 2011, l'Allemagne a traité 45 000 demandes d'asile. Il s'agissait d'une augmentation de 10 p. 100 par rapport à l'année précédente.
    En ce qui concerne la loi nationale, je pourrais peut-être vous donner une idée très générale de la structure de notre législation pour vous aider à formuler vos questions sur notre structure juridique.
    Nous faisons systématiquement une distinction entre l'immigration habituelle, légale et illégale, d'une part, et, d'autre part, la réglementation concernant les demandeurs d'asile. Cela signifie que des règles spéciales s'appliquent uniquement aux demandes d'asile et ne s'appliquent pas dans le contexte habituel de l'immigration.
    Si une personne demande l'asile, l'examen de sa demande se fera selon des procédures particulières. Si la décision administrative concernant la demande d'asile est portée en appel, ce sont des procédures spéciales modifiées qui s'appliquent. Les appels interjetés concernant des décisions relatives à des demandes d'asile suivent les règles habituelles des tribunaux administratifs en Allemagne.
    Si une décision positive est rendue relativement à une demande d'asile, la personne intègre le système d'immigration habituel et se voit accorder certains avantages qui pourront lui permettre d'obtenir un permis de résidence permanente tant que son statut de demandeur d'asile ne lui est pas retiré.
    Si la décision rendue est négative, les dispositions sur l'expulsion du système habituel d'immigration s'appliquent, ce qui signifie qu'il n'y a pas de règles particulières pour les demandeurs d'asile. Les règles qui s'appliquent à eux sont les mêmes que celles qui s'appliquent à toute autre personne qui ne peut rester légalement au pays. Une personne qui a présenté une demande d'asile peut aussi se voir refuser un permis de résidence dans d'autres situations, par exemple quand il est question de réunification familiale, ou s'il s'agit d'un étudiant au pays. Ce sont là certaines répercussions négatives pour une personne dont la demande d'asile a été refusée.
    Cela vous donne une idée très générale du système allemand. Nous serons heureux de répondre plus en détail à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Brumberg. Je sais qu'il y aura des questions.
    Nous allons commencer par une représentante du Parti conservateur, Mme James.

  (1115)  

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue de façon plus générale à tous nos invités aujourd'hui. Vous êtes certainement très nombreux à être là, et je suis très heureuse de tous vous voir parmi nous.
    Une grande part du projet de loi C-31, dont nous discutons aujourd'hui, est liée à la désignation de certains pays comme pays sûrs. Je sais que de nombreux pays européens démocratiques ont dressé une liste de pays sûrs désignés, et que cette mesure a, de fait, accéléré le traitement des demandes d'asile provenant de ressortissants de ces pays. Je pense, par exemple, au Royaume-Uni, à la France, à l'Allemagne, à la Suisse, à la Norvège, à la Finlande, à l'Irlande et aux Pays-Bas. Ce n'est pas une mesure nouvelle à l'échelle mondiale. En réalité, le Canada est plutôt en retard par rapport à bien des pays avec lesquels on le compare habituellement.
    J'ai simplement une question qui concerne plus particulièrement le Royaume-Uni. Le traitement des demandes dans certaines catégories prend aussi peu que de 10 à 14 jours; c'est ce qu'on m'a dit. Est-ce exact?
    Je ne sais pas trop à qui je devrais poser la question. Peut-être que nos invités...
    Je pense qu'il faudrait la poser à quelqu'un à Bruxelles.
    Avez-vous entendu la question?
    Ma question était la suivante: Est-ce vrai que, au Royaume-Uni, le traitement des demandes dans certaines catégories ne prend que de 10 à 14 jours?
    Je ne suis pas en mesure de commenter les pratiques propres à un État membre sans effectuer au préalable des vérifications, mais ces délais peuvent varier. Selon l'information dont nous disposons, ce pourrait être exact.
    En fait, nous avons effectué quelques recherches, et le délai est de 10 à 14 jours, ce qui est bien moins long que ce nous proposons au Canada dans le projet de loi C-31.
    On nous dit constamment que nous pourrions contrevenir à la Convention des Nations Unies sur les réfugiés. À votre avis — ma question s'adresse à tout invité en mesure d'y répondre —, le Royaume-Uni contrevient-il à la Convention des Nations Unies sur les réfugiés?
    Si vous parlez strictement du délai, la réponse est non. Toutefois, il faut évaluer la situation en tenant compte d'autres éléments. Tout dépend de la façon dont la loi est appliquée.
    Est-il aussi exact de dire que la liste des pays sûrs du Royaume-Uni compte des pays comme la Gambie, le Ghana, le Kenya, le Liberia, le Malawi, le Nigéria et la Sierra Leone? S'agit-il là de pays désignés comme sûrs par le Royaume-Uni?
    Encore une fois, je m'excuse, mais je ne peux pas me prononcer au nom d'États membres en particulier.
    Comme vous le savez, les listes de pays sont dressées par chaque État, et ne relèvent pas de l'Europe en entier, ce qui fait que je ne peux pas répondre à la question. Je ne possède pas l'information.
    Y a-t-il l'un de nos invités d'aujourd'hui qui peut confirmer ce que j'ai dit?
    Ces gens représentent la Commission européenne; ils ne représentent pas un État en particulier.
    D'accord. Laissez-moi reformuler un peu ma question.
    À titre de personnes qui ne représentaient pas un État ou un pays en particulier, pensez-vous que l'un ou l'autre de ces pays qui tentent actuellement d'établir une liste de pays sûrs désignés, ce qui entraînerait des délais d'examen et de contrôle très courts, contreviennent à la Convention des Nations Unies sur les réfugiés ou l'enfreignent? Si c'est le cas, la longue liste de pays que je viens tout juste de nommer représenterait un grave problème à l'heure actuelle.
    Pensez-vous que l'un ou l'autre de ces pays contrevient présentement à la Convention des Nations Unies sur les réfugiés?
    Je pense qu'ils ont déjà répondu qu'ils ne le savaient pas. Ils ne sont pas au courant de la situation des États en particulier.
    La Commission surveille la situation. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de dire, aujourd'hui, si un des États membres contrevient à l'acquis. Quand nous estimons que c'est le cas, nous entreprenons une procédure judiciaire devant la Cour européenne de justice.
    Merci.
    C'est tout ce que je peux vous dire.

  (1120)  

    Merci.
    Je pense que je vais poser quelques questions aux représentants du gouvernement fédéral de l'Allemagne.
    L'Allemagne dispose d'une politique selon laquelle toutes les demandes de ressortissants de l'Union européenne et de pays sûrs désignés, dont le Ghana et le Sénégal, sont considérées comme manifestement infondées, à moins de preuve du contraire, et font l'objet d'un examen rapide.
    Pensez-vous que vos politiques, en Allemagne, contreviennent à la Convention des Nations Unies sur les réfugiés, s'il s'agit bien du processus que vous employez actuellement?
    Nous pensons que les pays que vous avez nommés, le Sénégal et le Ghana, sont des pays d'origine sûrs, et nous ne pensons pas que la procédure contrevient à la Convention des Nations Unies.
    Merci beaucoup.
    Ma dernière question s'adresse à l'Allemagne. Si l'on compare avec de nombreux autres pays de l'Union européenne, le Canada se retrouverait, compte tenu de la politique et du processus relatifs aux pays d'origine désignés prévus par le projet de loi canadien — le projet de loi C-31, que nous proposons — avec de plus longs délais de traitement des demandes de ressortissants de pays d'origine désignés que bien d'autres pays européens à l'heure actuelle.
    Êtes-vous d'accord avec cette affirmation, compte tenu de l'information que vous pouvez divulguer?
    Nous n'avons pas de procédures accélérées, mis à part ce que nous appelons les procédures à l'aéroport.
    Bien honnêtement, je ne connais pas les délais prévus une fois le nouveau système d'asile canadien mis en place.
    Le délai sera de 45 jours pour l'examen des demandes de ressortissants des pays qui seront désignés comme des pays d'origine sûrs. C'est un délai bien plus long que celui qui est actuellement en vigueur dans de nombreux autres pays, des pays avec lesquels on nous compare et qui faisaient partie de la longue liste que j'ai fournie.
    Nous n'avons plus de temps.
    Je peux peut-être simplement dire que nous n'avons habituellement pas de délais; nous avons simplement une procédure habituelle pour les demandes d'asile, mis à part la procédure à l'aéroport, dont j'ai parlé, et qui suppose des délais plus courts.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Davies, nous sommes heureux de vous compter de nouveau parmi nous.
    Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être de retour.
    Excellence, mesdames et messieurs les témoins, merci d'être ici aujourd'hui.
    Je vais poursuivre sur le même thème que Mme James, parce que je ne suis pas sûr qu'on vous ait dressé un portrait complet de la situation.
    Selon le projet de loi présentement à l'étude devant le Parlement, le ministre de l'Immigration aurait lui-même le pouvoir de désigner certains pays à titre de pays sûrs. Le ou la ministre, selon le cas, de l'Immigration pourrait également désigner l'arrivée de personnes au Canada par un moyen autre que le processus prévu par le HCNUR comme une arrivée irrégulière. Cette mesure s'appliquerait aux groupes de deux personnes ou plus, même si cela n'a pas été défini dans le projet de loi. Si l'arrivée de personnes est désignée, par le ministre, comme une arrivée irrégulière, ces personnes ne pourront pas, en vertu de la loi, présenter une demande de résidence permanente au Canada pendant cinq ans, ni parrainer des membres de la famille pendant la même période. Si elles viennent d'un pays présumément sûr, elles n'auraient pas, contrairement aux autres demandeurs d'asile, accès à la Section d'appel des réfugiés, qui est une section d'appel prévue par le projet de loi, et elles pourraient faire l'objet d'une détention obligatoire sans contrôle pour une période pouvant aller jusqu'à un an.
    Si j'apporte toutes ces précisions, c'est parce qu'il s'agit des raisons pour lesquelles, selon bien des gens, le projet de loi contreviendrait à la Convention des Nations Unies sur les réfugiés et à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. De fait, ces dispositions prévoient l'application de sanctions pénales aux réfugiés qui arrivent au Canada par des moyens irréguliers, ce qui va à l'encontre de l'article 31 de la Convention des Nations Unies sur les réfugiés, selon lequel aucun État signataire ne peut appliquer de sanctions pénales à un demandeur d'asile en raison de son mode d'arrivée.
    Maintenant, compte tenu de ce contexte, je vous pose la question à tous: savez-vous si l'un ou l'autre des États européens prévoit des dispositions particulières applicables aux réfugiés qui font en sorte que certains réfugiés ont moins de droits que d'autres en raison de leur mode d'arrivée au pays?

  (1125)  

    Un représentant de la Commission européenne, ou de l'Allemagne, pourrait peut-être répondre?
    Je peux donner une réponse au sujet du cadre juridique de l'Union européenne.
    Non, les réfugiés ne sont pas pénalisés en raison de leur mode d'arrivée. Donc, s'il s'agit de migrants en situation régulière, mais dont l'arrivée est irrégulière, ils ne sont pas pénalisés. Il existe aussi des dispositions particulières selon lesquelles un demandeur d'asile ne doit pas être détenu uniquement en raison de son arrivée irrégulière et parce qu'il a présenté une demande d'asile.
    Non, nous ne faisons pas ce type de distinctions entre les entrées en situation régulière et irrégulière en ce qui concerne le droit des demandeurs d'asile et des réfugiés.
    Merci.
    Je m'excuse, est-ce que quelqu'un d'autre voulait répondre?
    Pouvez-vous vous identifier, s'il vous plaît?
    Je m'appelle Angela Martini. Je m'occupe de la gestion des frontières, mais je me suis occupée pendant des années des demandes d'asile.
    Je veux simplement souligner un élément, dont vous êtes au courant, monsieur Davies. En Europe, la grande majorité des demandeurs d'asile arrivent par des moyens irréguliers, contrairement à ce qui se produit au Canada. La grande majorité des demandeurs d'asile qui arrivent en Europe ne possèdent pas de visas ni de titres de voyage. Ils sont très peu nombreux à arriver par les circuits normaux. Vous savez sûrement que la réinstallation n'est pas très courante en Union européenne. Des 250 000 immigrants qui sont arrivés l'an dernier, une grande part était des immigrants illégaux.
    Comme l'a dit Ioana, ils ne font pas l'objet de sanctions pénales. S'ils arrivent d'un pays désigné comme pays d'origine sûr par l'État où ils souhaitent immigrer, la procédure est plus rapide. Ils ne font l'objet d'aucune sanction. On présume que leur demande est infondée, mais ils conservent leur accès aux recours.
    Si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose concernant la première question au sujet de la durée d'une procédure. On ne peut pas dire qu'il y a une durée idéale, ni qu'elle est trop courte ou trop longue. On pourrait dire qu'elle est trop longue si, par exemple, une personne est forcée d'attendre une décision pendant un an. Le plus important, c'est de pouvoir garantir le respect des droits du demandeur d'asile, de s'assurer qu'il a accès, par exemple, à un avocat et à un interprète, qu'il a suffisamment de temps pendant l'entrevue pour présenter les éléments de sa demande, et qu'il a eu accès à un contrôle judiciaire. Quand vient le temps d'évaluer la situation, il faut s'appuyer sur les mérites de l'examen de la personne plutôt que de se demander si un délai de 14 jours est trop court. Ce peut-être un délai tout à fait adéquat si les étapes de la procédure sont respectées.
    Merci, madame Martini. Cette précision est utile.
    Tout le monde a reconnu que, en tant que tel, il n'y a rien de mal à créer une procédure rationalisée ou accélérée pour les demandeurs d'asile de pays sûrs ni même de dresser une liste des pays sûrs. Nous tentons de déterminer si nous veillons toujours à l'équité procédurale et si nous offrons de véritables protections et assurons l'égalité.
    J'aimerais parler de la liste des pays sûrs. Selon l'opposition, des réfugiés peuvent venir de n'importe quel pays. C'est ce que nous croyons. Nous voulons nous assurer du respect des droits de tous les demandeurs d'asile, même ceux qui viennent de pays supposément sûrs.
    Je vais maintenant parler des Roms.
    Votre temps est écoulé, mais soyez très bref, s'il vous plaît.
    Merci.
    Nous savons qu'il y a une recrudescence des activités d'extrême droite, qui sont parfois violentes. En outre, en mai 2011, le rapporteur spécial de l'ONU a constaté une augmentation des crimes violents en Hongrie. D'autres gouvernements ne sont pas vraiment capables de protéger les Roms. Plus précisément, un certain nombre de plaintes relatives aux droits de la personne ont été déposées contre la Hongrie et concernant son déclin vers l'autoritarisme.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Croyez-vous que la Hongrie, en tant que membre de l'UE, est un pays sûr pour les Roms, et croyez-vous que les Roms y sont bien protégés?

  (1130)  

    C'est uniquement parce que je vous aime bien que je vous accorde plus de temps.
    Il y a quelqu'un?
    Vous me posez une question très difficile. Je ne crois pas que nous sommes ici pour parler de ce sujet.
    Comme vous le savez, le traité de l'Union européenne contient des articles qui permettent la prise de mesures contre un État membre si l'on juge qu'il viole constamment et à répétition les droits de la personne. Nous ne pouvons pas nous prononcer sur les politiques de la Hongrie.
    Cependant, pour ce qui est de la première partie de votre question, à savoir si des réfugiés victimes de persécutions peuvent venir de n'importe quel pays, même le Canada, d'une certaine façon, oui, je suis d'accord. Mais il faut rappeler que, au sein de l'Union européenne, il y a une présomption selon laquelle chaque pays est un pays d'origine sûr. Cela n'empêche pas...
    Il faut passer à autre chose.
    ... un État membre d'examiner une demande d'asile. Il n'est pas obligé de la rejeter.
    Angela, merci.
    Monsieur Lamoureux.
    Merci à tous les témoins.
    Votre Excellence, nous sommes ravis de vous avoir parmi nous ce matin.
    Prenons les membres d'une famille de quatre personnes, un époux, une épouse et deux jeunes enfants, qui sont, disons, âgés de moins de 15 ans. Si j'ai bien compris, ils peuvent être détenus d'une façon ou d'une autre s'ils n'ont pas les papiers d'identité appropriés. Faut-il les séparer? Est-ce que chaque État membre prend cette décision ou est-ce que l'Union européenne s'est dotée d'une directive générale? On a devant nous les quatre membres d'une famille de réfugiés, mais nous ne savons pas qui ils sont. Faut-il placer les enfants en famille d'accueil et garder les parents en détention? Comment procède-t-on?
    J'adresse premièrement ma question aux représentants de la Commission européenne.
    Allez-y, Angela.
    Au sein de l'Union européenne, les administrations des différents États membres sont responsables de l'examen des demandes d'asile. Nous ne le faisons pas. Cependant, il y a des règles à l'échelle de l'UE et, pour l'instant, il y a aussi des normes minimales en matière d'examen des demandes et, disons, l'accueil des demandeurs d'asile.
    Comme Ioana l'a dit, d'une certaine façon, la détention doit être le dernier recours, alors il est possible...
    Je dois vous interrompre parce que j'ai seulement cinq minutes. Je vous demanderais de donner des réponses brèves.
    Les familles devraient rester ensemble.
    Y a-t-il des situations — je vais reprendre l'exemple de la famille de quatre personnes. Faut-il garder les jeunes en détention? Dans l'affirmative, d'accord, mais si la réponse est non, les membres de la famille restent-ils ensemble?
    Pouvez-vous fournir une réponse très brève? Vous avez moins d'une minute. J'aimerais ensuite savoir ce que le représentant du gouvernement allemand en pense, si c'est possible.
    Merci.
    Il faut que les membres de la famille restent ensemble, que ce soit au moment de la réception ou durant leur détention. En général, il ne faut pas garder de familles en détention.
    Je suis d'accord.
    Monsieur Brumberg.
    En Allemagne, on peut décider de mettre des familles en détention, mais, comme mon homologue de la commission l'a dit, à propos de la directive sur le retour de l'UE — qui est importante dans cette situation —, il faut examiner minutieusement le principe de la proportionnalité, raison pour laquelle une famille ne serait mise en détention que dans des situations exceptionnelles.

  (1135)  

    Est-ce que l'Allemagne détermine quels pays sont jugés sûrs?
    Oui, c'est une décision du Parlement.
    L'Allemagne a-t-elle une disposition sur la détention obligatoire des personnes qui arrivent au pays et dont le dossier n'est pas en règle?
    Non. En Allemagne, la détention est seulement utilisée aux fins d'expulsion, et il faut évaluer les dossiers au cas par cas pour déterminer si la détention est justifiée.
    En Allemagne, si je ne m'abuse, vous vous efforcez de garder les familles unies?
    Oui. C'est l'une des conséquences de la directive sur le retour de l'UE.
    Est-ce que tous les réfugiés en Allemagne bénéficient d'un genre de mécanisme d'appel?
    Oui. Nous avons un système général de tribunaux administratifs, et toutes les décisions peuvent faire l'objet d'un appel devant le tribunal administratif fédéral.
    Enfin, en Allemagne, les demandeurs d'asile irréguliers et réguliers ont-ils les mêmes possibilités d'appel?
    Nous ne faisons pas de distinction entre les demandeurs d'asile irréguliers et réguliers.
    Merci, monsieur Lamoureux.
    Monsieur Menegakis.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd'hui.
    J'aimerais remercier les représentants de la Commission européenne ainsi que ceux du gouvernement fédéral d'Allemagne qui sont ici aujourd'hui.
    Nous évaluons actuellement ce nouveau texte législatif qui, comme vous le savez peut-être très bien, va nous permettre d'accélérer notre système. Une des causes du ralentissement, un des facteurs, est le fait qu'un important pourcentage de demandeurs d'asile — particulièrement ceux qui viennent de l'Union européenne, soit dit en passant — engorgent le système. À un certain point, durant le traitement de leur demande, ils décident de l'abandonner et retournent dans leur pays d'origine.
    Je me demande si vous avez une opinion là-dessus. Dans un premier temps, constatez-vous un phénomène semblable au sein de l'UE? Deuxièmement, selon vous, est-ce que quelqu'un qui fuit véritablement une forme ou une autre de persécution abandonnerait la demande qu'il a présentée dans un pays libre et démocratique comme le Canada pour retourner là où il est en danger?
    Nous pouvons commencer par les représentants allemands, puis passer à ceux de la Commission européenne.
    Monsieur Brumberg?
    Je me penche aussi sur la question des demandeurs d'asile européens à Berlin.
    Cela se produit peut-être, mais nous n'avons pas de statistiques. De ce que j'en sais, il n'y a pas beaucoup de cas de personnes qui abandonnent tout simplement leur demande pour retourner dans leur pays d'origine. Cela peut se produire, mais je n'ai pas de statistiques là-dessus.
    Est-ce qu'un représentant de la Commission européenne a quelque chose à ajouter?
    Comme on a déjà dit, nous n'avons pas de statistiques parce que les États membres n'en ont pas, ils ne peuvent donc pas nous les communiquer — je suis désolée.
    D'accord.
    Il a été question de populations de plusieurs pays qui font l'objet de discrimination. Selon vous, la discrimination et la persécution sont-elles la même chose? Pouvez-vous m'expliquer la différence?
    À qui posez-vous cette question?
    Je la pose aux deux groupes en présence aujourd'hui, alors quiconque veut parler en premier...
    Nous pouvons peut-être commencer à nouveau par vous, monsieur Brumberg. Pouvez-vous nous parler de la différence entre discrimination et persécution?
    Je suis désolé. Je dois dire que je suis mal placé pour parler de cela, parce qu'il y a d'autres intervenants présents qui...
    D'accord. Qu'en est-il de la Commission européenne? Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire là-dessus?
    C'est une question qui exige une réponse étoffée, mais je vais essayer d'être très brève.
    La discrimination n'équivaut pas toujours à de la persécution, même si ce peut être le cas. La persécution doit atteindre un certain niveau de gravité, et, si elle n'est pas suffisamment grave, nous considérons qu'il s'agit d'une grave violation des droits fondamentaux de la personne. Je crois que c'est aussi la teneur des lignes directrices du HCR. Nous avons adopté la même approche que le HCR en ce qui a trait à la question de savoir si la discrimination équivaut à de la persécution.
    J'espère avoir répondu à votre question.

  (1140)  

    Merci. Vous y avez répondu en partie.
    Des témoins nous ont dit que, selon eux, il y a une persécution systématique des Roms dans les pays de l'UE. Je comprends qu'il s'agit d'une question difficile, mais j'aimerais savoir si, selon vous, il y a bel et bien une persécution systématique des Roms, non seulement en Hongrie, mais dans d'autres pays européens.
    Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire à ce sujet?
    Je suis désolé. Comme je l'ai déjà dit, je suis mal placé pour parler de cette question. Nous sommes prêts à répondre à des questions sur la systématique juridique, mais pas sur l'application concrète du droit.
    Et du côté de la Commission européenne?
    Je crois qu'on a déjà posé cette question, monsieur Menegakis.
    Je crois avoir déjà essayé d'y répondre. Ce n'est pas seulement que c'est une question à laquelle il est difficile de répondre, mais aussi, comme Ioana l'a dit, la discrimination est un peu différente de la persécution. En fait, certains de nos collègues se penchent sur la question des Roms en Hongrie. Nous ne pouvons pas vraiment nous prononcer à ce sujet en leur nom. C'est un problème très précis. Pour vous, c'est peut-être pertinent, mais ça ne l'est pas pour nous.
    D'accord. Permettez-moi d'aller un peu plus loin, dans ce cas.
    J'ai été très surpris du pourcentage élevé de réfugiés irréguliers en provenance des pays de l'Union européenne. Pouvez-vous m'en dire davantage sur le processus que vous utilisez pour identifier les réfugiés avant de leur permettre d'entrer sur le territoire de l'UE, de côtoyer vos familles et de se mêler à vos collectivités et vos villes? Quels processus utilisez-vous pour identifier ces réfugiés avant de rendre une décision?
    Avant de rendre une décision... Il s'agit de demandeurs d'asile et non de réfugiés reconnus.
    Je suis désolé. Pouvez-vous répéter?
    Je crois que l'on mélange différentes catégories de personnes. Vous devez comprendre que la plupart des gens arrivent en Europe par bateau ou se pointent à la frontière pour demander l'asile. Dès qu'ils parlent de « peur », de « persécution » ou d'« asile », il faut les admettre et entreprendre un processus d'examen de leur demande. La plupart n'ont pas de documents. Par conséquent, en général, les États membres se sont dotés d'agents spécialisés et formés qui déterminent l'origine des personnes, leur langue et ainsi de suite.
    Il revient à chaque État membre de déterminer si la personne est réellement un réfugié. Après cela, on leur accorde un permis de séjour ou on les renvoie, quand cela est possible.
    Votre temps est écoulé. Je vous aime bien, mais pas autant que M. Davies.
    Madame Sims.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais remercier Son Excellence et tous les autres témoins présents. Je crois que vous êtes tous très courageux de prendre tant de temps pour comparaître devant un comité outre-mer.
    Je veux simplement préciser pour le compte rendu, que le Canada reconnaît les membres de la communauté des Roms comme des réfugiés au sens de la Convention. Dans un rapport sur la situation dans le pays 2011 que nous avons reçu récemment, il est indiqué que la CISR a accepté 165 demandeurs de la Hongrie, comparativement à 117 de la Corée du Nord. En fait, le nombre de retraits ou d'abandons en 2011 est passé de 95 p. 100 à 55 p. 100. Je tiens à le mentionner parce que, en tant que Canadiens, nous avons reconnu que ces personnes méritaient le statut de réfugié.
    Nous avons aussi obtenu des renseignements concernant les Roms et les pays de l'UE. Son Excellence a dit clairement qu'il n'y a pas de demandeurs d'asile des États membres au sein de l'Union européenne.
    Nous avons aussi beaucoup parlé de la liberté de mouvement au sein de l'UE. Pourquoi doivent-ils voyager à bord de bateaux dangereux ou par avion pour venir au Canada? Pourquoi ne vont-ils pas dans un pays voisin? Le droit d'établissement au sein de l'UE est très limité. Par exemple, on peut déménager où on veut, mais, après trois mois, il faut avoir un emploi. C'est ce que vous avez dit.
    Nous avons aussi eu vent de rapports selon lesquels il y a beaucoup de préjugés contre les Roms au sein des pays de l'UE et qu'ils ont de la difficulté à trouver des emplois. En plus, la situation économique n'aide pas. L'expulsion massive des Roms de la France en 2010 est une autre indication du type de persécution dont ils font l'objet.
    Pourquoi est-ce que les pays de l'UE refusent d'accepter que certains Roms qui fuient la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie sont des réfugiés, alors que d'autres pays comme le Canada ont déterminé officiellement que de nombreux Roms étaient de véritables réfugiés au sens de la Convention?

  (1145)  

    Nous ne pouvons pas en parler sans connaître en détail les dossiers. La décision d'accorder le statut de réfugié est fondée sur les circonstances personnelles de la personne. Par conséquent, on ne peut rien avancer en se fondant uniquement sur des déclarations générales.
    De plus, il y a des dispositions juridiques concernant les Roms qui sont de l'UE. Ils sont des citoyens de l'UE, et, par conséquent, ils bénéficient du droit à la liberté de mouvement et ils ne sont pas visés par les instruments en matière d'asile de l'UE. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer davantage à ce sujet, en plus de ce que nous avons déjà dit.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais ajouter quelque chose aux commentaires de Son Excellence. Vous avez dit très clairement que, au sein de l'UE, les Roms ne peuvent pas présenter une demande d'asile parce qu'ils viennent d'États membres de l'UE.
    Nous entendons souvent des arguments différents, mais si le Canada continuait d'accepter des Roms en tant que réfugiés, est-ce que cela nuirait aux négociations actuelles en vue de la conclusion d'un accord commercial entre le Canada et l'Union européenne? Qu'est-ce que les représentants de l'UE ont dit au gouvernement canadien à ce sujet?
    Je pose la question aux représentants de la Commission européenne ou à Son Excellence.
    Je ne sais pas s'ils savent des choses sur le commerce.
    Je crois que Son Excellence s'apprêtait à répondre.
    Le président: Je crois qu'il ne voudra probablement pas en parler.
    Mme Jinny Jogindera Sims: Alors, il me le dira.
    Demandez à l'ancien président Sarkozy.
    Allez-y, monsieur Brinkmann.
    Merci.
    Nous savons très bien qu'il y a beaucoup de Roms qui viennent au Canada et qui présentent une demande d'asile. Nous savons aussi que la plupart d'entre eux abandonnent leur demande lorsqu'ils doivent comparaître devant un comité et ainsi de suite. Nous savons aussi très bien pourquoi. Les Roms ont un mode de vie traditionnel nomade. Beaucoup d'entre eux n'ont pas d'emploi permanent ni de revenus.
    Par ailleurs, nous en avons parlé avec les représentants du gouvernement ici. Lorsqu'ils viennent au Canada, ils sont acceptés en tant que demandeurs d'asile et reçoivent de l'argent du moment où ils sont acceptés en tant que demandeurs d'asile jusqu'à leur audience ou la fin de la procédure, ce qui peut prendre plusieurs années.
    Selon nous, il s'agit d'un facteur d'attirance parce que, comme vous le savez, ils viennent de leur pays d'origine, mais ils peuvent aller où ils veulent en Europe. Ils peuvent vivre et travailler dans d'autres pays. Ils peuvent rester tant qu'ils ne deviennent pas un fardeau pour le système social d'un pays pendant plus de trois mois, pendant lesquels ils peuvent chercher un emploi.
    Merci.
    La question portait sur...
    Merci beaucoup.
    Me reste-t-il du temps?
    Non, vous avez terminé.
    Monsieur Weston.

  (1150)  

    Merci, monsieur le président.
    Merci à toutes les personnes présentes aujourd'hui. L'amitié entre nos nations ne date pas d'hier, comme l'illustre de façon éloquente la décision d'Anja et de Roland de placer nos deux drapeaux devant vous, alors danke schön pour cela.
    Ma collègue, madame Sims, a parlé des négociations commerciales en cours. Bien sûr, nous aimerions renforcer les liens déjà étroits qui unissent nos deux pays.
    Votre Excellence, vous avez parlé de la question des visas en République tchèque. Une des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui est, bien sûr, la quantité de demandes d'asile non étayées de gens de la République tchèque. C'est ce qui a poussé le Canada, en juillet 2009, à exiger des visas. Bien sûr, nous voulons régler ce problème des réfugiés, et c'est pourquoi nous nous parlons aujourd'hui.
    Ma première question est pour vous, Anja, et peut-être aussi pour Son Excellence. Ai-je bien compris qu'il n'est pas complètement interdit aux Roms de présenter une demande d'asile dans un pays européen voisin, et que c'est seulement les restrictions ou les règles qui sont différentes si vous venez d'un pays voisin de l'Union européenne?
    Oui, c'est exact. On ne peut pas dire que les Roms ne sont généralement pas admis en tant que demandeurs d'asile. Il faut procéder à une vérification au cas par cas. Si vous examinez les circonstances propres à chaque dossier, il se peut que même un Rom qui vient d'un autre pays européen puisse être admis comme un demandeur d'asile.
    Votre Excellence, puisque vous êtes ici à Ottawa avec nous, je peux peut-être vous poser la question suivante. Pourquoi croyez-vous que des gens sont prêts à venir d'Europe, ce qui coûte beaucoup plus cher et présente beaucoup plus de difficulté que s'ils se rendaient dans un pays voisin de l'Union européenne?
    Aucune idée. Je ne saurais quoi dire.
    Diriez-vous peut-être que les avantages sociaux et liés à la santé fournis aux demandeurs d'asile au Canada sont plus généreux que ceux dont ils bénéficieraient dans un pays voisin de l'Europe?
    Je crois que oui. Je dirais qu'il y a là un facteur d'incitation à venir au Canada en raison de l'argent qu'ils reçoivent et qu'ils peuvent recevoir pendant plusieurs années.
    J'ajouterais que je me suis déjà occupé de demandes d'asile dans une ancienne vie lorsque j'étais juge d'un tribunal administratif d'Hambourg. Nous étions confrontés à des problèmes semblables avec des demandes d'asile non fondées de citoyens d'autres pays. Nous avons réglé ce problème en partie en substituant une aide en nature aux paiements en espèces, comme des bons pour le logement ou des vêtements ou encore des bons alimentaires et des choses du genre.
    En fait, le représentant de la Hongrie nous en a parlé. Il a dit très clairement que les avantages sociaux et l'aide sociale étaient un incitatif majeur pour les gens qui, autrement, auraient choisi un pays européen voisin.
    Permettez-moi de citer le HCR, qui a reconnu la validité de la mise en place d'un processus de traitement accéléré pour les demandeurs d'asile de pays d'origine désignés. Voici ce qu'a dit l'ancien Haut-Commissaire des NU pour les réfugiés, António Guterres:
Il y a effectivement des pays d’origine sûrs. Il y a effectivement des pays où il y a présomption que les demandes de réfugiés ne seront probablement pas aussi valables que celles provenant d’autres pays.
    Donc, du point de vue du HCR, il semble tout à fait légitime d'accélérer le traitement de ces demandes.
    Dans un premier temps, Votre Excellence, pouvez-vous dire quelque chose à ce sujet?
    Ensuite, Anja, je vous demanderais d'en parler.
    Oui. Je crois qu'un processus juste mais rapide est une bonne solution. Je crois que c'est ce que nous avons fait au sein de l'Union européenne et ce que nous essayons de faire en fournissant plus de ressources humaines pour traiter les demandes d'asile et ainsi de suite.
    Si le processus respecte les normes, conformément à la Convention de Genève et nos lois, alors le fait qu'il soit plus rapide contribuerait vraiment à réduire l'impact de ces facteurs.
    Merci.
    Anja, aviez-vous quelque chose à dire sur cette question?

  (1155)  

    À moins que M. Opitz donne de son temps...
    Je vais répondre à cette question.
    Monsieur le président, je le laisse terminer sa question.
    Comme on l'a déjà dit, la législation ne prévoit pas de procédures administratives accélérées, sauf pour les procédures dans les aéroports, mais dans l'application de notre législation, il se peut très bien que certains dossiers soient traités plus rapidement que d'autres, surtout les cas où les allégations ne sont pas suffisamment fondées.
    Alors cela dépend des circonstances propres à chaque cas. Comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas de dispositions juridiques qui nous obligent ou nous permettent d'adopter des procédures accélérées.
    Monsieur, ma collègue a déclaré que, selon sa recherche, certains pays, elle a mentionné le Ghana et la Sierra Leone, je crois, sont considérés comme des pays d'origine sûrs, du moins pour certains pays européens.
    Il semble donc y avoir un écart entre sa déclaration et la vôtre.
    Non, je ne vois pas d'écart. Il y a des pays d'origine sûrs, c'est vrai, mais, à l'exception des procédures dans les aéroports, nous ne sommes pas obligés de traiter ces demandes de façon accélérée. Nous pouvons le faire dans un cas particulier, mais il n'y a aucun texte législatif qui nous oblige à le faire, sauf pour les procédures dans les aéroports.
    M. John Weston: Merci.
    Allez-y.
    Dzien dobry, pan Busiakiewicz. Je voulais juste dire cela.
    Mon ami John Weston, qui est ici, et qui vient de poser des questions, est aussi un diplômé de l'Université de Cracovie.
    Ioana, je crois que c'est vous, quand nous parlions de la discrimination il y a quelques minutes, qui avez fait une distinction concernant les cas « graves » de discrimination. J'aimerais savoir quelle est l'échelle que vous utilisez pour évaluer la discrimination ou la persécution. Avez-vous une telle échelle? Ou pouvez-vous dire comment vous procédez dans les États membres?
    Je vous laisse la parole, madame.
    Encore une fois, je suis désolée, mais, malheureusement, nous n'avons pas de renseignements sur la façon dont les États membres appliquent en général ces dispositions. Nous ne sommes pas des décideurs, alors nous ne nous occupons pas de cas précis.
    Ces échelles sont appliquées à chaque cas en fonction des circonstances précises. La gravité est aussi fonction de la situation personnelle de chaque demandeur. On ne peut pas procéder à une évaluation générale.
    Au niveau de l'Union européenne, nous nous occupons de la législation générale, et non de son application au cas par cas. Par conséquent, je ne peux pas vous en dire plus que ce que j'ai déjà dit. Je suis désolée.
    D'accord. J'aurais pensé qu'il y aurait eu une norme.
    Prenons le cas d'un demandeur d'asile qui se présente dans un État membre sans fournir de pièce d'identité ou dont vous ne pouvez pas confirmer l'identité. Que ferez-vous dans un tel cas? Le laissez-vous aller?
    Quelqu'un peut-il répondre?
    Ma réponse est qu'on ne peut pas garder quelqu'un en détention en vue de son expulsion.
    Je suis désolé, pouvez-vous répéter?
    Il n'est pas possible de garder quelqu'un en détention en vue d'une expulsion si on ne sait pas exactement quand la personne sera expulsée du pays. Si on ne sait rien de la nationalité de la personne, il peut être difficile de la garder en détention.
    Ce qu'on peut faire pour vérifier sa nationalité, c'est analyser sa façon de parler. On peut aussi essayer de vérifier les documents qu'il a avec lui ou le présenter aux ambassades d'autres États d'où il vient peut-être. En outre, il faut aller... [Note de la rédaction: difficultés techniques]
    Je n'ai pas entendu la fin de ce que vous venez de dire. J'espère que vous m'entendez maintenant.
    Vous me dites que, si vous ne pouvez pas identifier la personne, vous la libérez. Vous l'expulsez immédiatement. Si vous expulsez la personne, quel est le délai? Un mois? Deux mois? Six mois?

  (1200)  

    On peut seulement expulser la personne si on sait de quel pays elle vient et que celui-ci est prêt à la recevoir. Si on ne peut pas déterminer sa nationalité, on ne peut pas l'expulser.
    Selon le droit allemand, qui, je crois, est conforme à la directive sur le retour, la détention en vue d'une expulsion est interdite si elle vise seulement à exercer une pression sur les gens afin qu'ils nous disent qui ils sont ou d'où ils viennent. La détention est seulement permise pour faciliter la procédure d'expulsion, afin d'empêcher la personne de...
    Je comprends, mais alors que faites-vous avec cette personne?
    Nous essayons de vérifier, et l'administration essaie de découvrir qui elle est.
    Si vous n'y arrivez pas, où la personne va-t-elle? Si vous ne la détenez pas, que permettez-vous à cette personne non identifiée de faire?
    En Allemagne, la personne recevrait un duldung. C'est un document qui indique que la personne ne peut pas être expulsée pour l'instant. La personne doit se présenter devant les services d'administration des étrangers pour prolonger la durée de validité du document. Elle doit le faire pour bénéficier des avantages sociaux. Si cette personne n'aide pas l'administration à confirmer son identité, alors il y a des restrictions quant aux avantages sociaux et aux possibilités d'emploi.
    Accordez-vous des avantages sociaux à des personnes non identifiées? Vous ne savez pas qui est cette personne, mais elle bénéficie d'avantages sociaux?
    Oui, nous faisons cela.
    C'est tout. Je suis désolé, nous n'avons plus de temps.
    Monsieur Brumberg, madame Klabundt, de l'Allemagne, et je ne me rappelle plus du nom de la troisième personne, merci de vos exposés.
    Votre Excellence, comme toujours, vous avez dit des choses très intéressantes. Et particulièrement à Angela Martini, je n'oublierai jamais ce nom — il est fantastique. Je veux remercier tous les représentants de la Commission européenne qui sont venus pour nous présenter leurs exposés aujourd'hui.
    Nous reprendrons nos travaux à 15 h 30 cet après-midi.
    La séance est levée.
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