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FAAE Rapport du Comité

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CHAPITRE 2 : AFFECTATION DE RESSOURCES DU SECTEUR PRIVÉ AUX PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Les intervenants dans le domaine du développement veulent faire du secteur privé un partenaire pour diverses raisons (p. ex. expertise, approches fondées sur le marché et innovation technologique). En outre, certains organismes de développement font davantage affaire avec le secteur privé parce qu’ils sont de plus en plus conscients qu’il représente déjà une force non négligeable dans le monde en développement. Durant les dernières décennies, les transferts de ressources publiques, principalement l’aide publique au développement (APD), ont joué un rôle prépondérant dans les relations entre les pays développés et de nombreux pays en développement. De nos jours, ces ressources publiques sont beaucoup moins grandes que les ressources privées, incluant l’investissement direct étranger (IDE) et les envois de fonds. De l’avis de plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité, le rapport s’est inversé. M. Carlo Dade a expliqué ce changement comme suit :

Si vous examinez l'année 2008, c'est-à-dire la différence entre les investissements privés dans l'aide au développement et les envois d'argent ― il s'agit de l'argent que les immigrants et les migrants envoient dans leurs collectivités d'origine — et les investissements étrangers directs, vous constaterez qu'ils étaient, dans leur ensemble, environ six fois plus élevés que toutes les formes d'aide publique au développement. Cette situation est la même depuis le milieu des années 1990. Il s'ensuit que depuis plus de 10 ans, le secteur privé est la plus grande source de financement des activités de développement, de façon générale[32].

Dans le cas de Haïti, M. Dade a expliqué que même après le séisme dévastateur de 2010, qui a donné lieu à d’importantes augmentations de l’APD, « les envois d'argent sont toujours la plus grande source de revenus à Haïti[33] ».

M. Daniel Runde, représentant du Center for Strategic and International Studies (CSIS) aux États-Unis, a décrit ce changement dans la composition des flux de ressources en prenant le Canada comme exemple. Il a dit au Comité qu’en 2009, le budget canadien de l’APD s’établissait à environ 5 milliards de dollars, tandis que les envois de fonds du Canada ont totalisé 12 milliards de dollars et l’investissement direct étranger du Canada dans les pays en développement était de 120 milliards de dollars. Comme l’a dit M. Runde, « cela vous donne une idée de ce changement de cap majeur[34] ». Mme Maura O’Neill, d’USAID, a présenté une analyse semblable des flux monétaires internationaux dans la perspective américaine :

Dans les années 1960, les flux de ressources américaines vers les pays en développement se situaient à 5,1 milliards de dollars, répartis entre 71 % du secteur public et 29 % du secteur privé. Cette répartition a changé du tout au tout. La part de l'aide officielle au développement n'atteint maintenant qu'environ 17 %, alors que la contribution du capital privé culmine à 83 %[35].

Dans le cas particulier des États-Unis, même les fonds accordés aux pays en développement par des organisations caritatives privées (évalués à 39 milliards de dollars américains) ont dépassé le budget de l’aide publique (évalué à 30,4 milliards de dollars américains) en 2010[36].

Ce changement a des conséquences non négligeables pour la politique de développement international. Signalant que les envois de fonds mondiaux ont dépassé les 300 milliards de dollars en 2009, Mme O’Neill a écrit au Comité que, à son avis, « si nous pouvons nous allier pour diriger ces flux vers le développement, nous pouvons accomplir davantage, le faire plus rapidement et améliorer l’efficacité des coûts[37] ». Dans le même ordre d’idées, M. Runde soutenait qu’il faut tenir compte de l’importance des fonds émanant du secteur privé dans l’élaboration de politiques touchant les pays en développement. Il a dit au Comité :

L'APD est essentielle. L'APD est importante. Mais il nous faut envisager l'APD dans le contexte de ces forces bien plus puissantes qui s'expriment dans le monde, et il nous faut réfléchir à la façon dont nous usons de l'APD dans ce paysage nouveau. En d'autres termes, les agences de développement, avec les versements de fonds d'aide publique au développement, sont devenues des actionnaires minoritaires dans le secteur du développement.
L'APD demeure essentielle et permet de réaliser des choses que ne le peuvent pas d'autres sources de fonds. Je ne suis donc pas en train de dire que nous privatisons l'aide. Je ne suis pas non plus en train de dire que nous devrions nous soustraire du secteur du développement. Nous avons besoin d'APD, mais il nous faut réfléchir à la façon de nous en servir dans le contexte de ce monde nouveau[38].

Ces changements se produisent à une époque où les flux d’aide au développement semblent se stabiliser alors que les pressions budgétaires engendrées par les effets de la récession économique mondiale qui a commencé en 2008 continuent de se faire sentir. Au début de 2012, l’OCDE a indiqué que l’aide au développement versée par les principaux pays donateurs aux pays en développement, qui totalisait 133,5 milliards de dollars américains, a fléchi de 2,7 % en 2011 par rapport à 2010, soit la première baisse depuis 1997. En fait, si l’on exclut les allégements de dettes et l’aide humanitaire, « l’aide bilatérale affectée à des programmes et projets de développement » a reculé de 4,5 % pendant cette période[39].

Néanmoins, le volume global des flux financiers privés vers les pays en développement ne signifie pas pour autant qu’on s’attaque aux problèmes de développement. Ceci vaut tout particulièrement pour l’IDE. Une proportion considérable de l’IDE est dirigée vers un certain groupe d’économies émergentes et vers certains secteurs d’activité, y compris des domaines comme l’exploitation des ressources naturelles[40]. Pour surmonter les obstacles au développement, il importe donc de tirer parti des possibilités qu’offrent les flux de ressources privées pour la réduction de la pauvreté et la croissance économique inclusive. C’est dans cet esprit que nous examinons, dans les lignes qui suivent, la relation entre les activités du secteur privé, la croissance économique inclusive et la réduction de la pauvreté.


[32]           FAAE, Témoignages, 26 mars 2012.

[33]           Ibid.

[34]           FAAE, Témoignages, 13 décembre 2011.

[35]           FAAE, Témoignages, 30 mai 2012. Ces chiffres sont confirmés dans The Index of Global Philanthropy and Remittances 2012, publié par le Center for Global Prosperity de l’Institut Hudson. Le Centre a constaté qu’« en 2010, 82 % des engagements économiques globaux des pays développés envers les pays en développement étaient constitués de flux financiers privés, incluant l’investissement, la philanthropie et les envois de fonds ». Voir p. 7.

[36]           The Hudson Institute, Center for Global Prosperity, The Index of Global Philanthropy and Remittances 2012, 2012, p. 8.

[37]           Témoignage de Maura O’Neill, directrice de l’innovation et conseillère principale de l’administrateur d'USAID, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le mercredi 30 mai 2012, p. p. 2.

[38]           FAAE, Témoignages, 13 décembre 2011.

[40]           Jane Nelson, « The Private Sector and Aid Effectiveness: Toward New Models of Engagement », dans Catalyzing Development: A New Vision for Aid, Homi Kharas, Koji Makino et Woojin Jung, éds., Brookings Institution Press, Washington, D.C., 2011, p. 86.