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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 079 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 23 mai 2013

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Français]

    Mesdames, messieurs, je déclare ouverte la 79e séance du Comité permanent de la condition féminine. Nous allons commencer notre séance.
    Au cours de la première heure, nous discuterons avec Mme Sherry Lee Benson-Podolchuk par vidéoconférence. Elle participe à cette réunion à titre personnel. Elle a déjà fait sa déclaration d'ouverture.
    Madame Benson-Podolchuk, je vous remercie de comparaître une deuxième fois devant ce comité, pour permettre aux membres de vous poser leurs questions à la suite de votre témoignage.
    Nous commencerons par les questions des députés, puis nous aurons une autre invitée lors de la deuxième heure.
    À titre d'information pour les membres du comité, Mme Bowes-Sperry n'était pas en mesure d'être avec nous aujourd'hui, malgré le fait que nous espérions l'entendre. Nous verrons si nous pouvons l'inviter à comparaître devant le comité mardi prochain, au cours de la deuxième heure.
    Sur ce, je laisse la parole à Mme Truppe.
    Vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    À notre témoin, merci, madame, d'être revenue pour nous donner la chance de vous poser quelques questions.
    Dans votre livre Women Not Wanted, vous dites que même si vous avez été harcelée au travail, ce n'est qu'après avoir participé à l'atelier sur le harcèlement de la GRC que vous avez véritablement pris conscience que ce que vous aviez vécu était effectivement du harcèlement et du harcèlement sexuel au travail. Pourriez-vous nous décrire ce qui, dans ce cours, vous a permis de prendre conscience que vous aviez été victime de harcèlement?
    C'était devenu normalisé au point où je croyais vraiment que tout le monde, toutes les autres femmes subissaient le même traitement. Dans l'atelier, nous étions un groupe. C'est curieux, j'en parlais justement hier à mon conjoint. Nous nous sommes divisés en petits groupes et nous devions expliquer ce qu'est un dilemme éthique et décrire aussi une situation que nous avions vécue. Les autres participants ont parlé à tour de rôle et tout me semblait bien normal, mais lorsque je leur ai raconté ce que j'avais vécu, ils en sont restés bouche bée tant cela leur apparaissait incroyable. Ils m'ont dit: « Sherry, tu n'es pas censée tolérer un tel comportement. Tu ne le savais pas? » Au cours de notre instruction, nos instructeurs ne nous avaient jamais dit quoi que ce soit à ce sujet. Ils ne nous avaient jamais dit que nous avions le droit de dire: « Ne fais pas ça ». Ils ne nous ont jamais expliqué la façon de nous défendre au sein de la GRC et au sein de nos détachements en cas de harcèlement. Il n'a jamais, au grand jamais, été question des formes que le harcèlement pourrait prendre. Plus précisément, ils n'ont jamais parlé non plus d'abus de pouvoir.
    Depuis combien de temps faisiez-vous partie de la GRC avant de recevoir une quelconque formation?
    Mon Dieu, je crois que c'était...
    Ou aviez-vous suivi une quelconque formation avant ce moment?
    La seule formation sur le harcèlement que j'ai suivie est survenue presque à la fin de mon service.
    Cela représentait combien d'années?
    Je dirais que j'avais accumulé environ 16 ans de service avant de participer à mon premier atelier de formation sur le harcèlement.
    C'est long. Vous étiez membre de la GRC depuis 16 ans et c'était la première fois que vous aviez une formation sur le harcèlement?
    Mme Sherry Lee Benson-Podolchuk: Oui.
    Mme Susan Truppe: Est-ce que la GRC offrait une formation, mais simplement pas aux membres plus anciens, de sorte que les recrues suivaient la formation, ou est-ce qu'il n'y avait pas du tout de formation sur le harcèlement pour qui que ce soit?

  (1110)  

    Quand je suis entrée à la GRC en 1989, il n'y avait rien. Je crois que probablement, au fil des ans, à mesure que des incidents ont commencé à sortir dans les...
    Au Canada et dans les Forces canadiennes, on préconisait la formation contre le harcèlement à l'époque. Au début des années 1990, le commissaire a dit: « Eh bien, nous n'avons pas de problème, nous n'avons pas besoin de ce genre de formation ».
    Cependant, je suppose qu'à mesure que des poursuites ont été intentées et que des rumeurs de harcèlement se répandaient à la grandeur du Canada, ils ont commencé à faire de la formation sur le harcèlement, mais je n'y ai participé que plus tard dans ma carrière.
    J'avais demandé de suivre la formation lorsque j'ai vu certains de ces cours apparaître, mais comme j'étais soit en congé de maladie à cause de ma blessure ou en congé pour cause de stress, on ne m'en a jamais donné l'occasion. Je crois cependant qu'ils avaient commencé à l'intégrer à l'instruction.
    Comme d'autres témoins nous l'ont appris, il y a de la formation pour les recrues et de la formation continue. Cela fait partie de ce que nous voulons établir. Le simple fait qu'une personne soit entrée à la GRC en 1989 ne signifie pas qu'elle n'a pas besoin de formation en 1999. Il devrait y avoir une formation continue pour qu'on soit toujours conscient de ce qu'est le harcèlement, de ce qui est acceptable et ce qui est inacceptable, même à l'autre bout du bâton, le harceleur plutôt que la victime. Il devrait y avoir une formation continue. Je suis étonnée d'apprendre qu'il a fallu 16 ans avant que vous participiez à votre premier atelier.
    Une procédure de dénonciation confidentielle aurait-elle été utile? Vous seriez-vous sentie plus à l'aise?
    C'est drôle, parce qu'en 2004 je crois, quelqu'un m'a téléphoné, disant qu'on préparait un rapport confidentiel sur le harcèlement dans la GRC. J'ai dit: « Combien de temps avez-vous? » Je lui ai parlé sans discontinuer pendant environ 45 minutes. Je lui ai demandé si le rapport allait aboutir à des mesures concrètes et je lui ai dit: « Téléphonez-moi à la maison, si vous le voulez, parce que j'en aurais encore pour cinq heures, si vous avez le temps ».
    C'était avant que j'écrive mon livre. Aujourd'hui, ce serait facile d'envoyer mon livre par la poste et de dire: « Lisez-le et rappelez-moi ».
    La possibilité de consulter un conseiller en harcèlement au travail aurait-elle été bénéfique? Une fois encore, des témoins nous ont dit qu'ils avaient des conseillers spécialisés en harcèlement au travail. Si vous avez un problème, vous allez les voir. Vous n'avez pas forcément à vous adresser à votre supérieur ou à faire quoi que ce soit qui vous met mal à l'aise.
    Je crois que c'est une bonne idée, mais dans les faits, l'efficacité des politiques dépend de l'efficacité des gens qui les appliquent. Si vous avez un conseiller en milieu de travail, c'est merveilleux, mais si le conseiller s'adresse au maillon suivant dans la chaîne de commandement et que cette personne croit qu'il s'agit simplement de plaintes banales et stupides, cela ne réglera rien. À long terme, le milieu de travail devient toxique.
    L'organisation de la GRC dans son ensemble et les membres de la fonction publique doivent accepter l'idée qu'un milieu de travail exempt de harcèlement et d'intimidation est dans l'intérêt de tous, pour la santé psychologique et financière de l'organisation.
    Pensez-y. Des gens sont en congé de maladie pendant cinq ans. S'ils touchent un salaire de 90 000 $, cela représente beaucoup d'argent. À mon avis, ils préféreraient aller travailler dans un milieu de travail sain plutôt que de rester assis chez eux à vivre du stress.
    Oui, absolument, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas une situation positive pour qui que ce soit. Nous pouvons presque tous nous identifier à ce que vous dites, mais jusqu'à ce que cela nous arrive personnellement, nous ne pouvons pas vraiment comprendre ce que vous avez vécu.
    Vous avez dit que vous avez rencontré d'autres femmes qui avaient vécu un peu la même chose que vous. D'après ce qu'elles vous ont dit, est-ce aussi la formation qui a mis pour elles l'étiquette du harcèlement sexuel sur ce qu'elles ont vécu, ou savaient-elles qu'elles avaient été victimes de harcèlement sexuel?
    Quelques-unes des femmes qui m'en ont parlé sont plus âgées, dans la cinquantaine ou la soixantaine, donc les incidents remonteraient à environ 35 ans. Comme femme, il fallait en quelque sorte l'accepter.
    Quant aux agentes et aux employées civiles plus jeunes, comme le harcèlement sexuel et l'inégalité entre les sexes sont de plus en plus connus, et l'étiquette devient plus connue, elles peuvent mettre des mots sur ce qui leur arrive, et oui, elles savent que ce qu'elles ont vécu constitue du harcèlement sexuel ou du harcèlement au travail.
    Il ne vous reste que dix secondes.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci, madame Truppe.
     Nous passons maintenant à Mme Hughes, qui dispose de sept minutes.

[Traduction]

    Malheureusement, je n'étais pas ici pour entendre votre exposé, mais je l'ai lu hier soir. Je m'y suis retrouvée, puisque j'ai travaillé dans un milieu où j'ai été victime de harcèlement sexuel.
    J'ai travaillé pour des services de probation et de libération conditionnelle et je me souviens de l'époque où la directive a été donnée d'établir un programme de formation sur le harcèlement obligatoire pour l'ensemble du personnel. Je me souviens que j'étais allée dans un établissement pour suivre cette formation et qu'une personne était entrée dans la salle et avait dit: « Je ne m'assois pas à côté de cette personne », avant de prendre sa chaise et de s'éloigner. Je sais comment on se sent et comment cette autre personne doit s'être sentie. Nous nous retrouvions dans une formation sur le harcèlement. Le problème existait déjà et cet environnement empoisonné n'a fait que continuer de s'envenimer.
    Nous savons que les employés ne sont pas les seuls qui doivent suivre cette formation. Les superviseurs, les gestionnaires et l'effectif dans son ensemble devraient suivre ces cours. Peu importe qu'une personne ait suivi un cours ou non, nous continuons de voir des cas.
    Le cas récent de la sergente d'état-major Caroline O'Farrell qui a été révélé dans les médias nous montre que l'histoire se répète. Comme vous, elle avait signalé le problème à plusieurs reprises à ses supérieurs qui n'avaient à peu près rien fait, ou si des mesures avaient été prises, la victime a quand même été revictimisée.
    Beaucoup d'experts s'entendent pour dire que l'un des premiers obstacles au signalement du harcèlement sexuel dans le milieu de travail est la peur de représailles, ce dont vous avez parlé, comme la sergente d'état-major l'a fait. Dans la GRC, savez-vous s'il existe un mécanisme, qu'il soit efficace ou non, visant à éviter et prévenir les représailles? Je me demande si vous avez vu quelque chose du genre.

  (1115)  

    Il n'y avait rien, non. Il m'a fallu beaucoup de temps pour trouver ma voix et me défendre contre ce qui m'arrivait dans mon premier détachement, parce que je savais qu'il y aurait immédiatement des répercussions négatives, et je n'ai pas été détrompée, parce qu'il y en a eu.
    Pauvre Caroline. Mon coeur s'est brisé lorsque j'ai lu l'article dans le journal hier. Elle a absolument raison. Rien ne peut empêcher quelqu'un de se venger. L'efficacité des politiques dépend de l'efficacité de la chaîne de commandement et contrôle, des supérieurs du harceleur. Le problème se pose jusqu'au sommet de la hiérarchie. Si personne n'est prêt à dire que la victime a le droit de porter plainte sans s'exposer à des répercussions négatives... Je n'ai vu aucun mécanisme et je ne sais pas si un mécanisme est en place.
    J'ai travaillé dans le domaine de la justice, tout comme vous. Les gens ont tendance à se demander comment il se fait que les victimes n'étaient pas mieux informées; comment elles pouvaient ne pas reconnaître le problème; comment elles pouvaient ne pas connaître leurs droits. Le fait est que nous en sommes conscientes, mais plus nous élevons la voix, c'est parfois alors que les représailles commencent. Je me demande si vous connaissez d'autres femmes, mise à part Caroline, qui ont été renvoyées et qui ont vécu des situations similaires au sein de la GRC.
    Je crois que le groupe de la poursuite compte 300 membres qui se reconnaîtraient probablement dans cette situation. Je crois qu'il y en a beaucoup encore au service de la GRC.
    J'ai été abordée plusieurs fois par des membres de la GRC. Ils me téléphonent pour me dire qu'ils ont lu mon livre ou qu'ils ont entendu parler de moi ou qu'ils sont au courant des poursuites en cours et qu'ils ont peur de faire une dénonciation. La première question que je leur pose, c'est de savoir s'ils sont en danger. On ne sait jamais comment ces situations peuvent s'aggraver.
    Je suis désolée que vous ayez vécu ces situations, parce qu'elles laissent des cicatrices. Pour ma part, il y a eu beaucoup de choses subtiles avant que je prenne conscience qu'il s'agissait d'un comportement pratiquement criminel. C'étaient de petites choses. Avec le recul, on peut constater à quel point c'était dommageable et la forme que le harcèlement prenait vraiment. Essentiellement, c'est de l'intimidation. On peut y apposer une autre étiquette, mais le harceleur est un intimidateur. Que les intimidateurs agissent dans le milieu de travail, dans l'armée, à l'école ou dans le cyberespace, ils font tous la même chose. Leur intention est d'exercer un pouvoir sur une autre personne, de la blesser et de la détruire.
    J'essaie de tracer un portrait parce que je sais qu'un éventail de personnes ont dit participer à cette poursuite. À votre connaissance, est-ce que cela existe au sein de la GRC et d'autres milieux de travail fédéraux?
    Vous parlez des problèmes de harcèlement?
    C'est exact.
    Sans aucun doute. Le simple fait que le problème retient beaucoup l'attention publique ne signifie pas... Le problème, c'est qu'il se fera désormais plus discret. Les abus, l'intimidation et le harcèlement ne seront plus aussi manifestes. Ils prendront la forme d'un rejet silencieux. Ce seront des mots qui ne seront pas prononcés, des gestes, des choses du genre. C'est ainsi que le rejet se manifeste: imaginez si vous arriviez au travail et personne ne vous parlait. Le téléphone sonne et au lieu de vous dire: « Carol, un appel pour toi », ils se contentent de tendre le combiné, si vous travaillez sur un dossier. Au lieu de dire: « Carol, l'appel est pour toi », ils se contentent d'écrire « Untel a appelé » sur un autocollant. Je pense que cela se produit encore, pas tout le temps, mais comme je l'ai dit, comme le problème retient beaucoup l'attention, ses manifestations seront cachées.

  (1120)  

[Français]

    Merci, madame Hughes.

[Traduction]

    Madame O'Neill Gordon, vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à notre témoin d'avoir pris le temps de revenir nous voir. Comme vous le savez, nous avons beaucoup travaillé dans le cadre de cette étude et il est très important pour nous tous que les gens puissent aller travailler chaque jour en sachant que leur milieu de travail sera exempt de harcèlement sexuel tandis qu'ils relèvent tous les autres défis qui se présentent dans une journée de travail.
    Vous nous avez distribué plus tôt des copies de lettres que vous avez reçues de l'intérieur et de l'extérieur de la GRC sur votre vécu. Dans votre livre Women Not Wanted, vous mentionnez qu'au départ, vous n'étiez pas une très bonne preneuse de notes, mais que vous avez appris à le faire plus tard. C'est une compétence qui s'acquiert. Pouvez-vous nous dire pourquoi cela vous apparaît comme une compétence très importante et dans quelle mesure il est important de conserver cette information?
    C'est une excellente question. Je dis toujours la même chose aux gens qui éprouvent des problèmes: notez, notez, notez. J'ai commencé à le faire dès que des incidents se produisaient, parce que je savais que je n'allais jamais réussir à me rappeler de tout, alors je notais simplement que j'étais au détachement, les personnes présentes, la date et l'heure. En réunissant mes notes, j'ai pu faire un examen rétrospectif afin de déterminer s'il y avait un cycle d'abus.
    Quand j'ai écrit mon livre, ce fut beaucoup plus facile de prouver ma thèse quand j'ai voulu consulter un avocat, quand j'ai voulu m'adresser à la Commission canadienne des droits de la personne, parce qu'on me demandait quelles preuves j'avais. Cela s'est passé il y a deux ans. Ils ne veulent pas se fier seulement aux souvenirs. Ils préfèrent avoir des écrits.
    J'ai des boîtes de matériel, de documents que je pourrais vous montrer, des courriels et des lettres dans lesquels on me disait que je n'aurais pas dû rapporter que mon partenaire était soûl, et que je n'avais aucun sens de l'humour à propos de la porte qui m'est tombée sur la tête. Bien sûr, je les ai conservés et ce sont des preuves parfaites des formes que l'abus de pouvoir peut prendre et des formes que les représailles peuvent prendre contre les personnes qui portent plainte. Je parle sans cesse aux gens de l'importance de tout documenter.
    Oui, c'était très important et vous avez bien fait de noter tous ces faits. Avez-vous d'autres recommandations à faire à une femme qui vivrait une situation similaire au travail? Avez-vous des conseils à lui donner sur les mesures à prendre, ou les personnes à qui s'adresser?
    Sans aucun doute, de ne jamais oublier de prendre soin d'elle-même. Si vous ne vous sentez pas en sécurité, vraiment en sécurité physique au travail, partez. Si vous ne réussissez pas à trouver quelqu'un au sein de l'organisation qui peut vous appuyer, trouvez quelqu'un à l'extérieur pour toujours avoir quelqu'un à qui parler, à qui faire part de vos sentiments, quelqu'un qui peut vous donner une rétroaction positive, par exemple sur différentes façons de communiquer. Vous ne devez pas non plus vous blâmer pour ce qui arrive. La seule personne qu'il est possible de contrôler est soi-même. Si vous êtes victime d'abus au travail, prenez soin de vous. Notez les faits. Essayez au moins d'avoir un équilibre sain à la maison. Demandez un avis juridique, au besoin. Soyez au courant des politiques, des procédures et de la réglementation dans votre milieu de travail. Toutes les entreprises en ont désormais.
    Je sais que la GRC a plusieurs de ces politiques et c'est fantastique, mais comme je l'ai dit, leur efficacité dépend des personnes qui les appliquent. Je dis donc simplement aux hommes et aux femmes de noter, de prendre soin d'eux et de connaître leurs politiques et les lois sur le harcèlement ainsi que leurs droits.
    Ce sont de bons conseils. Nous constatons, et vous le constatez probablement vous aussi, que de plus en plus de gens font des dénonciations. Croyez-vous que c'est dû à la formation qu'ils reçoivent? Croyez-vous que si vous aviez eu une formation plus tôt, cela vous aurait aidée beaucoup plus?
    Je ne suis pas sûre que cela m'aurait aidée. Je crois que j'aurais pris conscience...
    Je vais revenir au commencement. Dès le début de notre instruction, nous sommes tacitement séduits, c'est la meilleure façon de le décrire. Nous sommes tacitement séduits à croire que nous sommes meilleurs parce que nous portons l'uniforme.
    Beaucoup de gens feront tout en leur pouvoir pour protéger l'image de l'uniforme. Si cela signifie maltraiter quelqu'un, harceler quelqu'un, intimider quelqu'un pour préserver l'image de l'organisation de la GRC, c'est ce qu'ils feront. Je ne sais pas comment on pourrait changer cette attitude. Ce sera difficile, mais c'est là où il faut commencer. Ce n'est pas l'uniforme qui rejaillit sur la personne, c'est la personne qui rejaillit sur l'uniforme.
    Ma réponse vous aide-t-elle?

  (1125)  

    Oui. Il ne fait aucun doute que nous admirons tous ces uniformes et nous leur témoignons tous un grand respect quand nous les voyons.
    Dans votre livre, Women Not Wanted, vous dites que le processus de grief à l'époque où vous avez présenté votre premier grief comportait 30 étapes différentes, et deux paliers de décision, avant de passer enfin au comité d'examen externe et à la communication des décisions au commissaire. Entre toutes les étapes, des pressions s'exercent sur vous pour respecter les courts délais de présentation de documents.
    Pendant que vous naviguiez dans ce processus, les règles ont changé et des étapes ont été supprimées entre le dépôt de la plainte initiale et la décision du commissaire. Pourriez-vous nous parler de la différence entre le processus initial et les modifications qui ont été apportées?
    Mon grief relatif à mon renvoi pour des raisons médicales a duré six ans. En conséquence, à la toute fin, le comité d'examen externe a recommandé de modifier le processus de grief. Le comité a souligné que j'avais été tenue à l'écart du travail pendant près de six ans pendant que le processus suivait son cours et que si les délais avaient été plus courts, si le processus de grief avait comporté moins d'étapes, le dossier aurait peut-être été réglé beaucoup plus tôt.
    Essentiellement, lorsqu'un grief perdure aussi longtemps, il devient très polarisé, c'est-à-dire que c'étaient eux contre moi. C'est toujours ainsi. Il devient alors très difficile de réintégrer le travail. Essentiellement, le processus a été réduit à environ trois étapes et à chacune d'elles, la médiation est une possibilité. Le processus est beaucoup plus efficace, mais la possibilité d'autres abus demeure par rapport au processus interne, selon qui est partie à un grief et qui exerce un pouvoir dans le grief.

[Français]

    Merci, madame O'Neill Gordon.
     Madame Sgro, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Podolchuk, je suis ravie que vous soyez ici et de voir que vous souriez encore.
    Comment la GRC a-t-elle réussi à s'en tirer en utilisant des enquêtes fondées sur le code de déontologie plutôt que le droit pénal? Bon nombre des situations que vous et d'autres avez décrites représentent des agressions sexuelles et non du harcèlement. Au lieu de réagir comme n'importe quelle autre organisation l'aurait fait, c'est-à-dire par des poursuites criminelles, pourquoi la GRC a-t-elle pu s'en tirer ainsi pendant autant d'années?
    C'est la question à un million de dollars. J'aimerais vraiment connaître la vraie réponse à cette question.
    D'après ce que j'ai vu, le problème tient au fait que dans le processus interne, lorsque des membres portent plainte, c'est la GRC qui s'en occupe. Comme vous l'avez constaté depuis un ou deux ans, lorsque des plaintes graves sont portées, la GRC les traite. Vous avez raison de dire que la plupart des organisations diraient qu'il s'agit de fraude, d'agression sexuelle, que cela doit faire l'objet de poursuites pénales. La GRC s'en remet toujours au code de déontologie.
    Selon la politique, la sanction maximale est une suspension de dix jours. Avec un peu de chance, les modifications permettront de congédier des gens, mais je ne sais pas comment il sera possible de définir un jour ce qui constitue une conduite répréhensible.
    À titre d'information, je vais citer un texte. Je vais le remettre à la greffière et lui demander de le distribuer à tous les membres du comité. Je crois qu'il s'agit d'une pièce d'une importance cruciale dans le cadre de notre étude. Personne au Parlement ou ailleurs ne pourrait lire le genre de texte que je vais vous citer sans penser que d'autres mesures doivent être prises, au-delà de ce que nous faisons déjà.
    Comme nombre d'entre nous l'avons entendu:
Caroline O’Farrell, sergente d’état-major (sgt é.-m.) de la GRC, a entamé contre la GRC et plusieurs de ses agents une poursuite judiciaire pour le préjudice qu’elle a subi alors qu’elle était membre du Carrousel de la GRC au milieu des années 1980. L’une des premières femmes à être admises, la sgt é.-m. O’Farrell a longtemps cultivé le rêve d’en devenir membre mais son rêve s’est révélé un cauchemar quand elle s’est vue agressée, agressée sexuellement, maltraitée par les autres membres du Carrousel et, de surcroît, objet de discrimination.

Tous ces actes étaient connus de ses supérieurs — ou ils en étaient témoins — qui n’ont rien fait pour les arrêter ou tenir les auteurs responsables. Tous les efforts déployés par la sgt é.-m. O’Farrell pour se protéger ou obtenir réparation n’ont fait que d’aggraver son abus, sa victimisation et sa mise à l’écart.
    Nous avons entendu la même chose de Sherry Lee et d'autres témoins.
En fin de compte, elle s’est vue écartée du Carrousel, non pas parce qu’elle était incompétente de quelque manière que ce soit, mais seulement parce que ses superviseurs ont estimé qu’il valait mieux ainsi pour sa propre protection.

Une enquête, menée à l’époque, a conclu qu’il y avait plus de 100 actes corroborés de violence et/ou d’abus.
    Voici un exemple du genre d'abus qu'elle a dû endurer, un incident particulier où des membres masculins — et je n'ai aucun doute que Sherry Lee a déjà entendu ce récit — se sont pressés autour d'elle par derrière et lui ont arraché des mains l'étrier de son cheval. Elle a frappé quelques-uns d'entre eux et essayé de les repousser de son poing dans lequel elle tenait un canif fermé. Elle a aussi frappé d'autres agents de sûreté. Ils l'ont encerclée en serrant leurs rangs autour d'elle, ils ont rempli une brouette d'eau froide et l'ont traînée de force dans le manège où elle a été retenue. Ils ont renversé la brouette sur elle, la trempant d'eau froide des pieds à la tête, jusqu'à sa brassière et sa culotte. Ils l'ont ensuite traînée par les bras au travers d'un mélange de terre, de copeaux, de fumier et d'urine. Lorsqu'ils en ont eu fini, elle est restée assise là, de la vapeur montant de ses cheveux, seule et humiliée. Tout du long, ils riaient et filmaient l'incident. Après coup, ils sont tous partis. Un agent de sûreté a filmé l'incident sous les yeux de 18 autres participants au cours, qui promenaient leur cheval à ce moment-là. L'incident s'est produit à quelques pieds des superviseurs qui sont entrés dans l'atelier du maréchal-ferrant après avoir appris qu'une initiation sauvage se préparait.
    C'est exactement le genre d'incident que cette personne décrit et je vais le soumettre à titre d'information qui, je crois, nous sera utile pour la suite de notre étude.
    J'aimerais aussi présenter une motion pour que nous autorisions Caroline O'Farrell à comparaître devant nous. Les règles du comité sont claires: les personnes qui viennent témoigner devant nous ne violent pas la convention relative aux affaires en cours. Il est très fréquent dans les travaux de comités permanents que nous accueillions des témoins dans le cadre d'une étude, pourvu que leur témoignage soit pertinent. Cela nous aiderait à réaliser notre objectif, c'est-à-dire de bien saisir le problème.
    En 1988, Sheila Copps, une de mes anciennes collègues, avait soulevé la question à la Chambre des communes. En 1988, la même question avait été soulevée au sujet de la sergente d'état-major Caroline O'Farrell.

  (1130)  

    Madame Sgro, il vous reste une minute.
    Le gouvernement de l'époque avait dit qu'il allait s'en occuper. Cela n'a rien à voir avec la politique partisane, il s'agit de problèmes graves au sein d'une force policière fédérale chargée de protéger les Canadiens, de nous protéger tous.
    J'ai eu des rencontres à Vancouver la semaine dernière. De plus en plus de gens, hommes et femmes, dénoncent des situations de harcèlement. Je crois qu'il est crucial que nous agissions et que nous fassions une enquête plus approfondie.
    Ma motion est simple: je demande au comité d'inviter Caroline O'Farrell à comparaître.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci, madame Sgro.

[Traduction]

    Désolée, Sherry. J'ai manqué de temps. Je vous aurais demandé de nous dire ce que vous en pensez.

[Français]

    Mme Sgro a présenté une motion que nous devons débattre et mettre aux voix.

[Traduction]

    Madame Benson-Podolchuk, nous vous reviendrons très bientôt. Vous pouvez rester avec nous, mais nous allons débattre de cette motion.
    Madame Truppe, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais proposer que nous ajournions le débat.

[Français]

    Madame Truppe, nous ne pouvons pas débattre de votre demande.
    Nous allons mettre aux voix la motion.
    Je demande un vote par appel nominal, s'il vous plaît.

  (1135)  

    Ce sera un vote par appel nominal.
    Je vais demander à Mme la greffière de relire la motion, puis nous passerons au vote par appel nominal.
    Nous devons traiter de la motion de Mme Truppe qui demande d'ajourner le débat. C'est sur ça que nous devons nous prononcer.
    Je suis désolée.
    Nous allons maintenant mettre aux voix la motion de Mme Truppe qui demande d'ajourner le débat. Si cette motion est adoptée, nous devrons ensuite mettre aux voix la motion de Mme Sgro.
    Maintenant, nous mettons aux voix la motion de Mme Truppe qui demande d'ajourner le débat.

[Traduction]

    Ce sera un vote par appel nominal sur les deux motions.
    Ce sera un vote par appel nominal sur cette motion en premier.

[Français]

    Madame la greffière, vous pouvez procéder au vote.

[Traduction]

    Madame la présidente, à titre de précision, la motion n'a-t-elle pas préséance sur l'ajournement?

[Français]

    La motion de Mme Truppe demandant d'ajourner le débat est recevable. Nous allons donc mettre aux voix cette motion.

[Traduction]

    C'est un scandale.

[Français]

    Madame la greffière, je vous laisse procéder au vote.
    (La motion est adoptée par 6 voix contre 4.)
    On m'informe qu'à la suite de l'adoption de la motion de Mme Truppe, nous ne pouvons pas débattre de la motion de Mme Sgro, puisque le débat a été ajourné. Il faudra reprendre le débat à un autre moment.
    Madame Sgro, ce qui vient de se passer m'empêche d'autoriser le débat ou le vote relativement à votre motion. Vous aviez encore...
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Monsieur Choquette, vous avez la parole.
    Madame la présidente, je comprends que vous avez pris votre décision après avoir consulté la greffière, mais c'est la première fois que j'entends dire qu'on ne peut pas mettre aux voix une motion qui est à l'ordre du jour parce qu'on est à huis clos. Je pense que la motion de Mme Truppe demandait que l'on siège à huis clos, non?
    Ce n'était pas le cas, monsieur Choquette. J'aimerais apporter une clarification pour que vous compreniez bien ce qui se passe en ce moment. Mme Sgro a présenté une motion. Puis, Mme Truppe a présenté une autre motion, qui demandait d'ajourner le débat. Cette motion était recevable, nous l'avons mise aux voix et elle a été adoptée. Cela nous force à ajourner le débat sur la motion de Mme Sgro. Nous ne pouvons plus en débattre ni voter à ce sujet. Il ne s'agissait pas d'une demande pour siéger à huis clos; c'était une demande pour ajourner le débat.
    Madame Hughes, avez-vous une autre question?
    Oui.

[Traduction]

    Je tenais simplement à clarifier un point. Le vote que nous avons pris portait sur l'ajournement du débat sur la motion. Ne devrions-nous pas maintenant voter sur la motion elle-même?

[Français]

    Malheureusement, non, car cela a complètement arrêté le débat. Mme la greffière me confirme que, selon le Règlement, cela nous oblige à arrêter complètement le débat. Mme la greffière me dit que le vote doit avoir lieu après le débat. Comme il n'y a pas eu de débat, nous ne pouvons pas voter.
    Madame Sgro, avez-vous un commentaire à faire sur le même sujet?

[Traduction]

    Comme le débat a été ajourné, ma motion sera à l'ordre du jour de notre prochaine réunion.

[Français]

    Si vous le désirez, vous pourrez présenter votre motion à nouveau. Celle-ci n'est pas complètement annulée.

[Traduction]

    Nous n'avons pas voté sur ma motion. Nous avons ajourné le débat, donc ma motion n'a pas été étudiée du tout.

[Français]

    C'est exact.

[Traduction]

    Elle serait automatiquement à l'étude la prochaine fois que nous convoquerons le comité.

[Français]

    Ce n'est pas automatique. Ce sera à vous de présenter à nouveau votre motion devant le comité. Votre motion n'a pas été...

  (1140)  

[Traduction]

    Pourquoi dois-je la présenter à nouveau alors que je l'ai déjà présentée?

[Français]

    Il y a eu un ajournement du débat sur votre motion. Celle-ci n'a pas été rejetée, mais une autre personne du comité doit demander que nous reprenions le débat sur cette motion. Il faut une demande d'un membre du comité, qu'il s'agisse de vous ou de qui que ce soit d'autre, pour que nous reprenions le débat.

[Traduction]

    Alors, je vais proposer que nous poursuivions maintenant le débat sur ma motion.

[Français]

    La greffière du comité m'informe qu'il y a eu ajournement du débat et que cette décision doit être maintenue jusqu'à la fin de la présente séance. Votre motion pourra être débattue à nouveau, si c'est le désir d'un membre du comité, à partir de la prochaine séance. Cependant, le débat ne pourra pas être repris aujourd'hui, en raison de la motion d'ajournement qui a été adoptée.

[Traduction]

    Pour clarifier, je ne crois pas que je doive présenter à nouveau ma motion au début de la prochaine séance. Elle devrait être automatiquement soumise à la discussion à notre prochaine séance.

[Français]

    Selon ce que je comprends, vous devez la présenter à nouveau ou quelqu'un d'autre doit demander de reprendre le débat sur la motion.

[Traduction]

    Madame la présidente, je serai ravie de la présenter à nouveau.
    Je dis simplement qu'à mon avis, ce n'est pas la procédure. Je ne tiens pas à perdre du temps sur une question de logistique, je vais présenter à nouveau ma motion à la prochaine séance et si la secrétaire parlementaire opte pour ajourner le débat, nous n'en finirons jamais. Si c'est le message qu'ils veulent transmettre aujourd'hui aux Canadiennes, alors que nous sommes censés célébrer le 140e anniversaire de la GRC, cela m'apparaît absolument méprisable, surtout pour un comité comme le nôtre.

[Français]

    Merci, madame Sgro.
     Nous allons passer à Mme Crockatt.
    Vous disposez de cinq minutes pour poser vos questions et recevoir des réponses.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Sherry Lee, c'est merveilleux de vous revoir. Je vous remercie de venir témoigner et je suis désolée que nous ayons pris pas mal de votre temps pour régler une question de procédure.
    Je sais que vous êtes l'une des premières femmes à se manifester pour raconter son histoire. Je vous en félicite. Cela a dû vous prendre une bonne dose de courage.
    Estimez-vous que votre dénonciation a changé les choses? Que pensez-vous du processus maintenant que vous êtes assise ici aujourd'hui, comparativement à votre point de départ, qui devait être, comme je peux me l'imaginer, l'abîme du désespoir?
    Hou là! C'est une très bonne question.
    Dénoncer la situation a été la chose la plus terrifiante que j'ai jamais faite, essentiellement parce que je connaissais la chanson. Je savais que la réaction serait négative et que le châtiment ne tarderait pas. J'avais raison, mais je savais que d'autres personnes étaient probablement plus terrifiées que je ne l'étais.
    Comme je l'ai dit, il y a eu des rumeurs. Il y avait toujours des rumeurs à la grandeur du pays et maintenant, c'est un rugissement, ce qui est merveilleux. Je devais agir parce que je savais que si je ne le faisais pas, cela me détruirait, ce qui me semblait injuste. J'ai un sens très aigu de la justice et de l'égalité et je savais que je devais obtenir justice en dénonçant la situation.
    En ce qui concerne l'égalité, je savais que d'autres personnes, hommes et femmes, avaient été traitées comme je l'avais été, parce que comme je l'ai dit, il y avait des rumeurs. Je n'ai vu personne dans mon entourage être traité comme je l'ai été, parce que je n'aurais pas hésité à prendre leur défense. C'est pourquoi j'ai dénoncé la situation et je ne l'ai jamais regretté.
    D'ailleurs, j'ai récemment reçu un courriel d'un homme encore en service qui vit une situation difficile. Il n'est pas sûr de vouloir rester membre de la GRC. Il m'a demandé si la retraite après 20 ans en valait la peine. J'ai dû y réfléchir assez longuement. J'ai pensé que cela en valait la peine, parce qu'on était en train de détruire mon être psychologique, physique et spirituel. Si je n'avais rien dit, si je n'avais pas écrit mon livre, qui est ma voix, je crois que je ne serais pas ici.
    Ce n'est pas que je voulais prendre la décision de me tuer, c'est simplement que je voulais mettre fin à la souffrance, m'endormir et ne pas me réveiller. Si je n'avais rien dit, je ne crois pas que je serais ici. Il est très important aux fins du processus de guérison que les gens s'expriment et disent ce qui leur est arrivé.

  (1145)  

    Pensez-vous que vous avez changé les choses?
    Oui, je le crois.
    Pouvez-vous nous expliquer sur quels plans vous croyez avoir changé les choses?
    J'ai changé les choses sur les plans de la justice et de l'égalité pour les gens qui sont dans ma sphère d'influence immédiate, mon conjoint et ma fille — une féministe très convaincue — puis, bien entendu, pour les membres de la GRC et les non-membres. Quand ils me parlent, quand ils lisent mon livre, ils constatent que différentes choses résonnent chez bien des gens, l'intimidation, le harcèlement, la violence sexuelle, la peur, puis mon parcours d'un versant de l'abîme du désespoir à l'autre versant.
    Si j'ai pu le faire, ils peuvent avoir espoir. Les gens doivent avoir de l'espoir. C'est ce qui les empêche de sauter en bas d'un pont, ou de se tirer une balle dans la tête, ou de mourir des suites de maladies causées par le stress. J'estime avoir joué un rôle, et si rien ne changeait dans ma vie, je ne regretterais jamais d'avoir élevé la voix et d'avoir pris un risque, et d'être une nouvelle cible, et d'avoir écrit mon livre et pris un risque comme celui-là. Je ne le regretterais jamais. Je suis ravie que des gens —
    C'est fantastique. Croyez-vous avoir été une bougie d'allumage du processus de changement institutionnel qui devait se produire?
    Je crois qu'après ça, en 2002, en ce qui concerne le processus de grief qui était si déroutant... À l'époque, le problème inhérent au processus de grief tenait au fait que tellement de gens prenaient leur retraite ou étaient promus que personne ne pouvait vraiment prendre de décisions. Des changements ont été apportés sous ce rapport, et l'obligation de prendre des mesures d'adaptation. Bien entendu, ils n'ont pas donné suite en prenant des mesures d'adaptation dans mon cas particulier. Ils ont modifié certaines politiques; je n'ai simplement pas été assez chanceuse pour en profiter. Je suis heureuse parce que si je n'avais rien fait, ils feraient encore la même chose. Donc, après 140 ans —
    Il y a donc eu des effets positifs... Allez-y.
    Après 140 ans, s'ils font encore la même chose, ils vont encore obtenir les mêmes résultats. Le changement organisationnel doit atteindre tous les membres.

[Français]

    Merci, madame Crockatt.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé.

[Français]

    Monsieur Choquette, vous avez maintenant la parole. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente. Je vais partager mon temps de parole avec M. Morin.
    Madame Benson-Podolchuk, je vous remercie de prendre part à notre séance.
    Le rapport de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada intitulé « Enquête d'intérêt public sur le harcèlement en milieu de travail au sein de la GRC » a été publié en 2013. Il traite du fait que, potentiellement, peu d'incidents de harcèlement sont déclarés, à cause notamment de la peur de représailles et de la crainte qu'un signalement ne donne pas de résultats utiles.
    D'après votre expérience et vos observations, croyez-vous qu'il y a vraiment une déclaration peu élevée des incidents de harcèlement sexuel au sein de la GRC?

[Traduction]

    Oh, sans aucun doute, et c'est parce que les gens ont peur. Ceux qui parlent plus fort que les autres se font taper sur la tête. Ce sont eux qui voient leur carrière bloquée. Ce sont eux qui deviennent la cible de nouvelles formes de harcèlement ou d'aliénation au sein du détachement, ou du grade en question. Pour répondre à votre question, oui, je crois qu'il y a sous-déclaration.
    J'ai pris connaissance du nouveau rapport du commissaire Paulson sur la problématique hommes-femmes, le milieu de travail respectueux, et il renferme tellement d'erreurs. De son point de vue, le succès serait que personne ne dénonce. Eh bien non, personne ne dénonçait avant, parce que tout le monde était terrifié. Le simple fait qu'ils ne reçoivent pas de signalement ne signifie pas qu'il n'y a pas de problème et le problème perdurera jusqu'à ce qu'ils prennent des mesures afin que les gens n'aient pas peur de dénoncer en sachant que rien ne leur arrivera s'ils le font. Sinon, ils se disent: « Pourquoi m'en donnerais-je la peine? »
    C'est une très bonne question.

[Français]

    Il y a donc un vrai problème. On dénonce peu, ce qui mène à une sous-évaluation des problèmes qui existent probablement encore au sein de la GRC.
    Comment, selon vous, pourrait-on faire croître le nombre de dénonciations? Quelles solutions envisagez-vous? Vous en avez peut-être déjà parlé, mais j'aimerais que vous en disiez un peu plus.

  (1150)  

[Traduction]

    Ils ont apporté certains changements, et c'est fantastique. Il n'y a aucun doute qu'il faudra du temps avant que la mentalité de l'organisation et cette culture de protection changent, parce qu'il faut que les gens adhèrent à cette idée d'un milieu de travail respectueux.
    Pour ma part, je crois qu'ils devraient poursuivre la formation, et pas un cours en ligne où il suffit de choisir a, b ou c pour passer. Cela ne veut rien dire. Il faut aller dans les tranchées avec les gens qui ont été harcelés, par exemple parler à Catherine ou aux autres femmes concernées et inviter des gens à venir brosser un tableau fidèle de la situation. Quelles formes le harcèlement prend-il? Quelles en sont les répercussions?
    En tant qu'organisation, ils devraient prendre conscience qu'ils doivent prendre soin de leurs employés. Ils perdent tellement d'argent parce que leurs employés prennent des congés de maladie, au lieu de l'investir dans l'éducation. Ils dépensent de l'argent pour des personnes qui ne sont pas au travail. Une solution serait d'améliorer la formation et d'organiser des conférences où il serait possible d'interagir avec des victimes de harcèlement.

[Français]

    Merci.
     Je vais maintenant laisser la parole à M. Morin.
    Monsieur Morin, vous disposez d'un peu plus d'une minute.
    Je vous avoue qu'après vous avoir entendue et avoir suivi votre démarche personnelle, je suis surpris. Quand quelqu'un va-t-il prendre conscience du fait que de ne plus avoir à son service une personne qui a le sens de la justice comme vous constitue une grande perte pour l'organisation?
    Corrigez-moi si je me trompe, mais j'ai l'impression que le problème de harcèlement dans ce milieu de travail est semblable à ce qui se passe partout ailleurs. Des personnes essaient d'être amicales, de vous flatter et de vous faire des compliments, mais cela dégénère jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucun respect. Vous devenez un objet et une victime.
    J'ai l'impression que cela ne peut pas changer de l'intérieur. Il faut que les gens responsables, notamment au palier gouvernemental, prennent en main ce processus pour qu'il y ait un véritable et profond changement de culture. Il faut que ces personnes comprennent que toutes les actions dont vous et les centaines de vos collègues avez été victimes ne sont pas des farces ni des blagues, mais des événements dramatiques. C'est dramatique non seulement pour les victimes comme vous et vos collègues, mais aussi pour le pays, car tout serait tellement plus efficace si les milieux de travail étaient plus harmonieux.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Vous me donnez envie de pleurer quand vous dites cela. Je dis la même chose depuis tellement longtemps. Après mon —
    Je suis désolée, madame Benson-Podolchuk, mais je dois vous interrompre. Malheureusement, la question était trop longue et le temps est écoulé.
    Je donne la parole à Mme Ambler. Vous disposez de cinq minutes.
    Je suis désolée, madame Benson-Podolchuk.
    Je serais ravie de vous laisser répondre à la question. J'ai l'impression que vous y teniez vraiment. Je vous en prie, prenez une minute pour le faire.
    Je tenais simplement à dire que l'affirmation m'a donné envie de pleurer parce qu'après mon deuxième grief, qui s'est étiré sur six ans, il y avait un poste ouvert à la GRC au sein du programme d'aide aux membres, dans lequel un agent irait aider les membres qui éprouvent des problèmes dans le cadre de griefs et n'importe quoi d'autre au sein de la GRC. J'ai pensé: « Bingo! Voilà quelque chose que je peux faire, même avec mon épaule blessée ».
    Ils ont refusé de m'affecter à ce poste, disant que je serais trop toxique et que je risquais de donner une image négative de la GRC alors qu'en réalité, le rôle de l'agent du programme d'aide aux membres est d'aider les gens à retrouver la santé. En réalité, ils craignaient que je convainque les gens de se tenir debout, de s'exprimer et peut-être de déposer des plaintes concernant le harcèlement ou l'intimidation dont ils pouvaient avoir été victimes.
    Oui, c'était leur perte.
    Je vous remercie.
    Je consultais les notes que j'ai prises lorsque le commissaire Paulson est venu témoigner. Plus particulièrement, je voulais avoir votre avis sur le projet de loi C-42, Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada, adopté en troisième lecture au mois de mars.
    Le commissaire Paulson a dit qu'il croyait que cette loi aiderait la GRC à obtenir les outils dont elle a besoin. Êtes-vous d'accord?

  (1155)  

    J'en ai pris connaissance. J'ai analysé ce que j'avais vécu afin de déterminer comment ces nouvelles mesures m'auraient aidée. J'ai le résultat ici. Je pourrais vous le transmettre par courriel, si vous le désirez. J'ai quelques interrogations sur les bénéfices qui en découleraient parce que l'efficacité de politiques dépend des personnes qui les mettent en application. Je crois qu'elles renferment de très bonnes idées, et qu'il est important d'être créatif. Une chose que j'ai constatée, c'est que le commissaire jouit d'un peu trop de pouvoir.
    En avez-vous parlé dans votre livre, Women Not Wanted? Y est-il question du commissaire et de la concentration du pouvoir dans ce poste?
    Oui, j'en ai touché un mot, mais cette partie a été insérée dans la deuxième édition en 2010. C'était avant que le commissaire Paulson entre en scène.
    Il a aussi dit, et les représentants de la GRC nous ont dit aussi lorsqu'ils ont comparu devant nous, que les femmes représentent environ 20 p. 100 de l'effectif des corps policiers de la GRC, mais que la cible de recrutement est de 35 p. 100. Ils élargissent le bassin de relève et leurs cibles sont ambitieuses, mais ils croient pouvoir les atteindre.
    Croyez-vous que cela contribuera à encourager les femmes à s'exprimer librement, s'ils atteignent cette cible?
    Je n'en suis pas sûre, parce qu'ils avaient des objectifs similaires il y a 25 ans. En 1989, ils avaient établi une cible de 25 p. 100 et même s'ils ont augmenté le nombre de femmes, nous tombions comme des mouches. Notre espérance de vie au sein de la GRC était d'un à cinq ans, ou de trois à cinq ans. Je ne suis pas certaine que les choses vont changer sans qu'un changement culturel s'opère au sein de l'organisation. Cependant, je crois qu'il est vrai qu'un plus grand nombre de femmes améliore la sécurité des autres femmes, du moins si elles peuvent avoir quelqu'un à qui se confier, mais si les membres se laissent convaincre de protéger la GRC, la présence d'une femme à côté de vous qui croit que la GRC est parfaite et qui ne vous défendra pas n'est d'aucune utilité.
    Il doit y avoir un changement de mentalité dans l'ensemble de l'effectif, y compris au sein d'un groupe de recrues féminines. Si vous ne faites pas front ensemble, vous êtes divisées et d'après mon expérience, la GRC table là-dessus.
    J'ai trouvé très préoccupant de vous entendre parler des tensions qui rendraient le harcèlement plus insidieux et des petites choses comme ne pas recevoir vos messages téléphoniques, ce qui consiste essentiellement à rendre votre travail difficile au point de vous faire passer pour incompétente. Suggéreriez-vous à toutes les femmes membres de la GRC de consigner par écrit chaque incident mineur de cette nature, même s'il semble très banal sur le coup?
    C'est une bonne question. Je dirais qu'elles devraient se fier à leur instinct. Sont-elles les seules à qui cela arrive? Cela leur semble-t-il correct? Des gens font parfois des erreurs et il faut l'accepter, mais il faut ensuite avoir assez de courage pour dire: « Excuse-moi, tu sais que l'appel était pour moi ». Pourquoi ne pas l'avoir questionné? Qu'est-ce qui lui fait croire qu'il a le droit de m'ignorer? Qu'est-ce qui lui fait croire qu'il a le droit de ne pas m'appeler par mon nom quand j'arrive au détachement? Qu'est-ce qui lui fait croire qu'il a le droit de ne pas me donner mes messages? Ce genre de choses, et ensuite, il faut suivre la chaîne de commandement, mais de toute évidence, notez-le.
    Merci, madame Benson-Podolchuk.

[Français]

    Nous allons maintenant faire une pause pour permettre à notre prochain témoin d'entrer en contact avec nous.
    Madame Benson-Podolchuk, je vous remercie beaucoup d'avoir témoigné une deuxième fois devant ce comité pour permettre aux membres de vous poser des questions. Votre participation a été fortement appréciée. Merci.

  (1155)  


  (1200)  

    Nous reprenons la 79e séance du Comité permanent de la condition féminine.
    Pour commencer cette deuxième partie de la séance, nous recevons Mme Linda Collinsworth.

[Traduction]

    Mme Collinsworth est professeure agrégée de psychologie à l'université Millikin.
    Merci beaucoup, madame, d'avoir accepté notre invitation. Vous aurez au plus 10 minutes pour présenter vos observations préliminaires. Je vous interromprai après 10 minutes et nous passerons aux questions. Les membres du comité pourront vous poser des questions. Une fois encore, merci d'être ici.
    Merci beaucoup. Je suis honorée d'avoir été invitée à vous parler du harcèlement sexuel.
    D'emblée, je vous félicite des efforts que vous déployez pour prendre en compte les besoins des femmes au Canada. Lorsque des problèmes sont réglés dans un pays, l'attention suscitée se répand ailleurs dans le monde, donc je vous remercie de vos efforts. Je tiens aussi à remercier votre personnel qui s'est montré très obligeant en prenant les dispositions nécessaires pour me permettre de témoigner de ma ville aux États-Unis.
    Comme vous le savez, mes recherches et mon domaine de spécialisation concernent le harcèlement sexuel. J'ai fait des recherches sur le harcèlement sexuel dans les écoles, l'armée et les logements publics, mais je vais limiter mes propos aujourd'hui au harcèlement sexuel dans le milieu de travail parce que c'est le sujet de votre étude.
    Premièrement, je tiens à dire que je suis chercheuse en sciences sociales et non avocate, ni conseillère juridique. Comme le harcèlement sexuel est matière à procès, les gens tiennent souvent pour acquis que le harcèlement sexuel dont je parle est assimilé au harcèlement sexuel qui constitue une réclamation en responsabilité civile délictuelle aux États-Unis. Ce n'est pas le cas. Je vais parler des constatations issues des recherches en sciences sociales sur le harcèlement sexuel. L'univers du droit et l'univers des sciences sociales se chevauchent parfois, mais ils ne sont pas identiques.
    Comme chercheuse en sciences sociales, il m'apparaît important de faire en sorte que lorsque nous parlons d'un sujet, nous soyons sur la même longueur d'onde. J'utiliserai donc l'expression « harcèlement sexuel » pour désigner les comportements de nature sexuelle non sollicités, non souhaités par la personne ciblée et offensants pour elle. Différents chercheurs peuvent définir le harcèlement sexuel de différentes façons, mais les recherches dans lesquelles j'ai joué le plus grand rôle et sur lesquelles plusieurs autres chercheurs en sciences sociales se fient conceptualisent le harcèlement sexuel comme étant divisé en trois catégories: l'animosité sexuelle, l'intérêt sexuel non souhaité et la coercition sexuelle.
    Je me dois aussi de souligner que je ne ferai état que de recherches se rapportant aux femmes.
    Mes travaux sont fondés sur un instrument mis au point par Louise Fitzgerald et ses collègues à l'Université de l'Illinois, le questionnaire sur le vécu sexuel. Il mesure les comportements décrits dans la première diapositive. Je crois que vous avez tous une copie de quelques-unes des diapositives que j'ai préparées. Il y a l'animosité sexuelle, et quelques exemples de ce que l'expression désigne, puis l'intérêt sexuel non souhaité et la coercition sexuelle.
    À l'aide de cet instrument de mesure, Mme Fitzgerald et ses collègues ont élaboré et validé un modèle du harcèlement sexuel qui précise les causes premières et les conséquences du harcèlement sexuel au travail. Il a été établi que le modèle s'applique à d'autres cultures et à plusieurs organisations, notamment dans des études menées par l'Armée américaine sur l'égalité entre les sexes dans les forces armées. La deuxième diapositive illustre le modèle détaillé de Mme Fitzgerald et ses collègues.
    On m'a demandé de parler des conséquences psychologiques et des autres conséquences du harcèlement sexuel, je vais donc limiter mes propos au côté droit du modèle, mais je pourrai parler du côté gauche s'il pique votre curiosité.
    De nombreuses études ont prouvé que le harcèlement a de graves conséquences pour les personnes ciblées, notamment sur les plans du travail de même que sur le plan de la santé et sur le plan psychologique. Nous examinerons d'abord les conséquences sur le plan du travail.
    La troisième diapositive montre que le harcèlement sexuel a de nombreuses conséquences négatives pour les femmes sur le plan du travail. Les diapositives 4, 5, 6 et 7 montrent les résultats de recherches menées aux États-Unis auprès de femmes membres d'un groupe dans un recours collectif. Je vous les présente à titre d'illustration. Les mêmes résultats ont été reproduits peu importe l'organisation dans laquelle les études ont été menées. Comme vous le voyez, à mesure que la fréquence du harcèlement augmente, le stress au travail augmente, la satisfaction à l'égard du superviseur et des collègues diminue et l'intention de laisser son emploi se raffermit.

  (1205)  

    Nous voyons aussi d'après le modèle qu'il y a des symptômes sur le plan de la santé. Il y a en réalité une longue liste de conséquences sur la santé, mais je mentionnerai la fatigue, les maux de tête, les troubles gastro-intestinaux, le grincement des dents, des troubles de l'alimentation, la nausée et bien d'autres encore.
    Enfin, les conséquences psychologiques du harcèlement sexuel sont bien documentées dans les travaux de recherche. À mesure que la fréquence du harcèlement sexuel augmente, l'estime de soi diminue, la satisfaction de vivre baisse, l'anxiété et la dépression augmentent, tout comme le risque de troubles de stress post-traumatique. Des diapositives en font état également.
    Le contenu de mon exposé couvre des études s'étendant sur des dizaines d'années de recherche dans plusieurs organisations. À ma connaissance, aucune étude n'a produit des constatations contraires à ce que j'ai présenté. Il est bien établi dans les travaux de recherche en sciences sociales que le harcèlement sexuel au travail engendre de nombreuses conséquences négatives pour les personnes ciblées.
    Je vous remercie de votre temps. Je serai ravie de répondre à vos questions.

  (1210)  

    Merci beaucoup, madame Collinsworth.
    Nous allons maintenant passer à Mme Young. Vous disposez de sept minutes, madame.
    Merci beaucoup, madame Collinsworth, pour votre exposé. Je suis désolée que nous vous ayons reçu vos diapositives un peu tard. Je n'ai pas pu les étudier aussi attentivement autant que je l'aurais souhaité. Cela dit, j'ai quelques questions. Dans un article de 2009, vous déclarez ceci:
La recherche en sciences sociales conclut à un lien important entre les expériences de harcèlement sexuel et des conditions psychologiques négatives.
     Cela m'apparaît très logique. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce lien entre le harcèlement sexuel et la santé psychologique?
    Le cadre théorique dans lequel nous travaillons concerne le stress. Nous conceptualisons le stress comme étant issu de plusieurs sources. Une variable individuelle détermine dans quelle mesure une personne réussit à composer avec le stress qu'elle vit au quotidien. Lorsqu'une personne vit un stress, elle tente de composer avec tous les moyens qu'elle possède. Lorsque l'agent stresseur dépasse ses ressources, nous commençons à observer les effets négatifs sur sa santé psychologique.
    Par rapport au harcèlement sexuel, les facteurs sont tellement nombreux. Si nous parlons de harcèlement sexuel au travail, il y a tellement de facteurs qui en font un agent stresseur important pour la personne ciblée. Des études que je n'ai pas mentionnées ici montrent que les effets psychologiques négatifs commencent à se faire sentir presque immédiatement, de fait après un seul incident. Par conséquent, au moment où une personne vit un deuxième épisode ou un deuxième incident de harcèlement sexuel, nous commençons à observer une baisse de son bien-être psychologique. Les effets se font sentir très rapidement par rapport à ce que la personne vit.
    Pour expliquer ces conséquences, nous voyons le harcèlement sexuel comme un agent stresseur important pour toute personne qui en est la cible.
    Pourriez-vous nous parler de résilience? Que pouvons-nous faire pour aider à renforcer ou soutenir la résilience des victimes de harcèlement sexuel au travail? Par exemple, quels types de mesures, de programmes d'aide aux victimes, de services ou de counseling pourraient être utiles?
    Tous les effets psychologiques auxquels j'ai fait allusion dans mon exposé peuvent être atténués au moyen d'interventions auprès de la personne ciblée, par exemple en thérapie individuelle ou de groupe. Par ailleurs, certains symptômes ne nécessitent pas forcément ce genre d'intervention individuelle. Des mesures peuvent être prises dans le milieu de travail pour aider ces personnes à se remettre de ce qu'elles ont vécu.
    Essentiellement, la chose la plus utile aux personnes qui ont été la cible de harcèlement sexuel est l'appui qu'elles reçoivent de l'organisation. Une partie du modèle que vous avez en mains — avez-vous pu jeter un coup d'oeil au modèle que je vous ai envoyé? La partie du modèle sur laquelle je veux attirer votre attention est celle qui se rapporte au climat organisationnel, celui-ci ayant un effet sur les conséquences qui s'ajoutent aux conséquences mêmes du harcèlement sexuel. Donc oui, le harcèlement sexuel est un agent stresseur important, mais un agent stresseur supplémentaire vient d'une organisation qui ne croit pas la personne ciblée lorsqu'elle porte plainte. Il y a un agent stresseur supplémentaire si la femme a l'impression que si elle porte plainte, son travail, son poste ou ses tâches professionnelles seront menacés.
    Les études qui ont été menées dans l'armée montrent que la prise de mesures disciplinaires sévères contre l'agresseur est l'une des interventions les plus puissantes pour prévenir le harcèlement sexuel.
    Ces trois composantes du climat organisationnel ont une incidence qui se combine aux conséquences du harcèlement.
    Quand je parle à mes étudiants des mesures que nous pouvons prendre pour lutter contre ce problème — parce que des gens disent: « Eh bien, le harcèlement sexuel existera toujours » — la bonne nouvelle, c'est que si l'organisation, laquelle détient le pouvoir de modifier le climat dans lequel son personnel travaille, arrive à modifier le climat, le harcèlement sexuel diminue, tout comme les conséquences pour les femmes qui en sont la cible. Ce modèle est donc de bon augure.

  (1215)  

    Je vous remercie.
    Madame la présidente, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste un peu moins d'une minute.
    J'ai une dernière question.
    Madame Collinsworth, j'aimerais vous faire part du fait que nous nous penchons, au Canada et ici même, sur le harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux. Nous aimerions faire en sorte qu'il y ait une tolérance zéro à cet égard.
    Quelles autres suggestions ou idées pourriez-vous nous donner — et je crois que vous en avez déjà donné plusieurs — sur la façon dont nous pouvons y parvenir? Nous ne croyons pas que le harcèlement sexuel devrait être toléré dans les milieux de travail fédéraux.
    Comme je l'ai dit, cette tolérance de l'organisation joue un rôle très important dans toute cette dynamique, parce qu'elle aboutit au harcèlement sexuel et qu'elle a l'effet déterminant que j'ai décrit sur les conséquences du harcèlement sexuel.
    L'autre partie du modèle sur laquelle j'attirerais votre attention est le contexte de la parité des sexes qui a une incidence sur la fréquence des cas de harcèlement. Le contexte de la parité des sexes...
    Je suis désolée, madame Collinsworth, mais je dois vous interrompre parce que le temps est écoulé.
    Je cède la parole à Mme Hughes. Vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Je vous suis reconnaissante de nous avoir fait parvenir ce document. En passant, nous l'avons reçu hier, nous avons donc eu amplement le temps de nous en munir.
    Vous avez fait état de conséquences graves, et vous avez abordé les aspects psychologiques du problème. Le fait est que dans les milieux de travail, qu'ils soient fédéraux ou non, les gens réagissent différemment au harcèlement, qu'il s'agisse de harcèlement sexuel ou du harcèlement qui prend aussi la forme de l'intimidation.
    J'essaie de déterminer si vous en êtes arrivée à une quelconque conclusion sur les raisons qui expliquent pourquoi le harcèlement touche certaines personnes de certaines façons, et pas les autres. Certaines personnes semblent capables de surmonter cette épreuve beaucoup plus facilement que d'autres. Ce n'est pas que nous ne tenions pas compte du fait que le harcèlement existe; c'est simplement que je ne sais pas si cela dépend de sa gravité. J'aimerais savoir si vous avez fait des recherches sur ce point.
    Oui. Nous avons tenté d'opérationnaliser ce que nous entendons par « gravité », parce que plus le harcèlement est grave, plus les conséquences sont négatives. Nous avons opérationnalisé la gravité comme suit, mais je ne suis pas sûre de me souvenir de tous ses éléments.
    L'un des éléments est de savoir si la personne est ciblée explicitement ou s'il s'agit davantage d'un dénigrement général des femmes, si c'est la forme de harcèlement que vous subissez. Les conséquences tendent à être plus graves si le harcèlement vous cible directement, s'il est difficile de tenter de s'échapper de la situation, ou si vous en êtes incapable. Beaucoup de femmes que nous avons interviewées et sondées dépendaient de leur emploi pour bénéficier d'une couverture d'assurance. Celle-ci pouvait couvrir leurs enfants, par exemple. On peut se poser la question: pourquoi n'ont-elles pas quitté leur emploi? Eh bien, ce n'est pas si facile à faire. Plus la femme est dans une situation dont elle ne peut pas s'échapper, plus les conséquences sont graves pour elle.
    Si le harcèlement est physique, cela en fait un cas plus grave que s'il est simplement verbal. En général, d'après cette étude, le harcèlement au travail n'est pas physique, mais s'il l'est, les conséquences sont pires.

  (1220)  

    J'apprécie...
    Allez-y.
    Des facteurs objectifs relatifs à ce que vit exactement la personne rendent l'incident plus stressant. Dans le préambule de votre question, vous sembliez vouloir savoir pourquoi la même chose peut arriver à une personne qui souffrira ensuite de troubles de stress post-traumatique, et à une autre femme qui s'en remet assez rapidement ou facilement. Des différences individuelles entrent en jeu. Nous n'avons pas pu examiner chaque différence individuelle, mais la victimisation antérieure est l'élément qui a retenu le plus l'attention, du moins sur la scène juridique aux États-Unis. Nous savons que la victimisation antérieure rend une personne plus susceptible d'éprouver de l'anxiété et des TSPT, même lorsque l'agent stresseur n'est pas aussi fort.
    Nous savons que les taux d'exploitation sexuelle des enfants aux États-Unis se situent autour de 25 p. 100. Si une femme vient d'un foyer où elle a été victime d'exploitation sexuelle ou de violence physique dans l'enfance, ou si elle a un conjoint violent, toute cette victimisation peut la prédisposer à des préjudices plus graves, même s'ils ne sont pas aussi sévères que le traumatisme qu'elle a déjà subi.
    Merci. Je n'ai pas beaucoup de temps.
    Ainsi, dans le milieu de travail par exemple, les victimes ne semblent pas fuir leur agresseur aussi facilement que si l'incident était survenu en public quelque part. Je pose la question parce que j'ai travaillé dans les domaines de la santé mentale et de la justice où nous avons vu certains de nos collègues que nous croyions vraiment solides sombrer dans la dépression à cause d'un incident. Quoi qu'il en soit, que cela se produise une fois ou plusieurs fois, c'est inacceptable.
    Le témoin précédent nous a dit qu'à la GRC, essentiellement, la sanction est une suspension de dix jours. C'est la réprimande la plus sévère pour le moment, après quoi l'agresseur rentre au travail. Je suppose qu'il s'agit probablement d'une suspension de dix jours avec rémunération.
    À votre avis, l'imposition d'une suspension de dix jours représente-t-elle une mesure efficace pour essayer de prévenir ces cas ou de faire un exemple? À votre avis, s'agit-il d'une sanction légère ou lourde?
    Brièvement, madame Collinsworth.
    Il est vraiment difficile d'en juger, en étant loin de connaître les circonstances de l'incident. Le harcèlement sexuel s'inscrit sur un continuum dans lequel certaines femmes se font tripoter et d'autres reçoivent des appels téléphoniques incessants. Il y a tout un éventail de harcèlement.
    Voici ce que j'en sais. Il est toujours préférable d'infliger une quelconque forme de sanction à l'agresseur, mais il ne faut pas s'arrêter là. La femme continue de travailler dans un milieu de travail où l'on voit parfois ses collègues se liguer contre elle. Ce sont peut-être des amis de l'agresseur et ils lui demandent pourquoi elle l'a dénoncé. Ils lui diront: « Ne sais-tu pas qu'il a une famille dont il doit prendre soin? »

  (1225)  

    Désolée de vous interrompre, madame Collinsworth, mais le temps est écoulé.
    Madame Bateman, vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Collinsworth, pour vos travaux et ce que vous avez accompli pour changer les choses, de façon positive, et non seulement pour les femmes aux États-Unis, parce que je sais que nous bénéficierons de vos recherches.
    Vos observations sur les sanctions m'intéressent tout particulièrement. Nous tenons à améliorer la situation non seulement des femmes, mais de tous les employés dans la fonction publique fédérale ou dans toute organisation sous réglementation fédérale et nous tenons à être sûrs de savoir comment créer un milieu de travail exempt de harcèlement, un milieu de travail respectueux.
    La situation au sein de l'administration publique fédérale est que nous... Vous en parliez tout à l'heure, donc n'hésitez pas à développer votre pensée par rapport à la question précédente.
    Madame Collinsworth, notre approche actuelle fait que nous protégeons davantage l'agresseur que la victime. Notre gouvernement désire vivement protéger les victimes à tous les niveaux. Fait intéressant, dans la fonction publique du Canada, nous effaçons du dossier d'un homme ou d'une femme auteur de harcèlement toute trace de l'incident, qu'il s'agisse de harcèlement ou de harcèlement sexuel. Le dossier s'efface après deux ans et cette personne est alors libre de partir avec un dossier vierge, de trouver un autre emploi et de harceler de nouveau dans un milieu de travail différent.
    Vos propos concernant les sanctions et les données probantes que vous avez en mains, qui indiquent que des sanctions non équivoques donnent en fait plus de poids à la prévention, constituent des éléments d'information essentiels pour nous tous. C'est le contribuable qui paie notre fonction publique. J'examine vos recherches et je peux constater que les coûts qui se rattachent à ce problème sont énormes, non seulement pour la personne, mais pour le système dans son ensemble.
    Si vous pouviez nous en dire un peu plus sur les sanctions, je vous en serais très reconnaissante.
    La recherche semble indiquer que les sanctions sont efficaces pour plusieurs raisons. Lorsqu'une personne est sanctionnée pour son inconduite, cela transmet en premier lieu le message à des harceleurs potentiels que ce comportement ne sera pas toléré dans le milieu de travail. S'ils agissent de la sorte, ils se verront infliger des sanctions ou des conséquences.
    Cela communique aussi aux cibles potentielles, aux femmes dans ce cas-ci, qu'en tant qu'organisation, nous prenons la chose au sérieux et que si elles portent plainte, elles ne risquent rien. Elles ne risquent pas d'être rétrogradées. Elles ne risquent pas de perdre leur emploi. Elles ne risquent pas des représailles de la part de l'organisation, qui prendra leurs plaintes au sérieux.
    Tous ces éléments sont des composantes du climat. Ils montrent aux hommes et aux femmes dans le milieu de travail que l'organisation prend la question au sérieux et qu'il y aura des conséquences s'ils devaient agir ainsi. C'est un message extrêmement important à transmettre aux employés.
    D'après notre expérience, le message semble compris dans les organisations, par exemple dans des sociétés, au sein de la haute direction. Le déphasage semble se produire sur le plancher des usines et dans les filiales locales.
    En tant qu'organisation, si vous dites à vos employés que vous prenez la chose au sérieux, vous devez ensuite appuyer vos paroles par des gestes. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que vous appliquez la tolérance zéro dans le milieu de travail. Vous devez y donner suite au moyen de mesures concrètes si une personne dépasse les bornes.
    Bien sûr, le problème...

  (1230)  

    Pardonnez-moi, madame Collinsworth, mais vous pourriez peut-être nous en dire davantage sur ces mesures concrètes.
    En ce qui concerne les conséquences, il est évidemment impossible de créer un milieu de travail respectueux sans cette structure, et pourtant nous avons passablement de bâtons dans les roues... Vous savez, nous avons des syndicats qui protègent les droits de tous les employés. Nous avons un milieu de travail respectueux et nous voulons respecter les droits de tous les employés. Pourtant, que quelqu'un s'en sorte avec une impunité totale après avoir harcelé sexuellement — à mon sens, nous ne pouvons vraiment pas le tolérer dans la fonction publique canadienne — leur dossier est expurgé après deux ans.
    D'après votre expérience, quelles sanctions concrètes sont efficaces?
    Il y en a une vaste gamme. Souvent, les sanctions graduées en fonction de la gravité du premier incident, bien sûr, figurent parmi les plus efficaces. Il y a les suspensions, les suspensions sans solde allant jusqu'au congédiement. Cette dernière possibilité devrait être sur la table comme conséquence potentielle si le harceleur se livre de façon habituelle au harcèlement, une fois encore, en fonction de la gravité. Si une agression sexuelle a été commise dans le cadre du harcèlement, je ne crois pas qu'il conviendrait de suspendre l'agresseur une journée et de le laisser rentrer au travail le lendemain. Les sanctions doivent être établies de telle façon qu'elles sont graduées en fonction de la gravité de l'incident dont nous parlons.
    Avez-vous des documents émanant de différentes organisations, par exemple de l'armée et de sociétés, dans lesquelles le congédiement figure dans la politique sur le harcèlement sexuel? Honnêtement, en tant que mère d'une fille, je ne tiens pas à ce que mon enfant — elle n'a que 15 ans — coure un risque, et assurément pas dans un milieu de travail.
    Il reste 30 secondes.
    Madame Collinsworth.
    Une étude a été menée au sein de l'armée des États-Unis qui a montré que les sanctions étaient l'outil le plus efficace qu'une organisation peut utiliser. Je peux vous donner les coordonnées de cette étude si vous voulez en obtenir copie.
    Je l'apprécierais beaucoup.
    Quant aux sanctions infligées dans d'autres organisations, il faudrait que je fasse un peu de recherche pour vous.
    Merci beaucoup, madame Bateman.

[Français]

    Je vous remercie.
    Merci, madame Collinsworth.
    Je cède maintenant la parole à Mme Sgro.
    Vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vous remercie beaucoup, madame Collinsworth, d'être venue nous aider à mener cette importante étude.
    Le dossier de la GRC est celui qui me préoccupe le plus, ainsi que le genre de violence sexuelle et de harcèlement et ainsi de suite qui s'y est produit. Je suis consciente que vous n'êtes peut-être pas au courant, mais le gouvernement de l'heure a présenté un projet de loi qui conférerait au commissaire davantage de pouvoirs pour suspendre des gens et ainsi de suite, au lieu de ce code de déontologie. D'aucuns estiment que l'attribution de plus de pouvoirs aux commissaires de premier niveau n'est pas la solution, parce que manifestement, les agents du rang se font dire aujourd'hui qu'avec la nouvelle loi, ils font mieux de faire ce qu'on leur dit, sinon ils pourraient être congédiés sur-le-champ, si les commissaires le souhaitent.
    D'autres disent que ce n'est qu'une autre forme d'intimidation qui pourrait être utilisée au sein du service. Bien entendu, de notre point de vue, nous nous demandons si c'est la façon de s'y prendre pour modifier la culture d'une organisation.
    Comme il s'agit d'une organisation très masculinisée et que des femmes s'amènent là où beaucoup d'hommes ne veulent clairement pas les voir — et peut-être que c'est le lot des plus âgés et peut-être qu'ils doivent tous partir et faire entrer les plus jeunes qui auront plus de respect pour les femmes — pourquoi semblent-ils se sentir si menacés par la présence de femmes dans une profession dominée par les hommes comme à la GRC?
    La plupart des membres d'une organisation s'investissent d'une quelconque façon dans l'organisation. Ils s'investissent dans leur poste; ils s'investissent dans le pouvoir qu'ils détiennent. Ils peuvent aussi être très dévoués. Je n'essaie pas de dire qu'ils ne sont pas dévoués à la cause, à leur profession, mais de toute évidence, ils ont d'autres formes d'investissements personnels. Il n'est donc pas inhabituel d'observer des résistances, une réaction négative de la part des hommes qui ont dominé le domaine lorsque des femmes font des percées dans certaines professions au sein de certaines organisations.
    Cela ne veut pas dire que la situation ne peut pas changer. Nous assistons à toutes sortes de changements, mais il y a toujours une forte réaction. C'est une lutte de pouvoir entre des factions pour savoir qui va avoir le dernier mot dans quel domaine.
    Pour en revenir à vos premières remarques sur l'attribution de pouvoirs à des administrateurs qui les exerceront pour menacer des employés, à mon avis, ce n'est pas du tout une sanction appropriée. Cela ne se fait pas de dire simplement à un administrateur qu'une personne harcèle sexuellement une autre personne. De toute évidence, il doit y avoir une procédure établie et un examen des accusations et un quelconque système dans lequel les deux parties sont entendues, ce genre de choses.

  (1235)  

    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ce n'est pas un problème nouveau pour nous au sein de la GRC. Il dure depuis au moins 25 ans d'après les recherches que j'ai faites sur la poursuite intentée au Canada qui a été évoquée ici hier.
    Une partie de la justification donnée par la direction de la GRC est qu'elle n'avait pas le pouvoir de congédier ses membres. C'était simplement une question de muter des gens et de les transférer d'un endroit à un autre au lieu de s'attaquer directement au problème.
    L'un des hommes que j'ai rencontrés au sein de la GRC la semaine dernière m'a dit que lorsque vous portez plainte, vous devenez une cible parce que vous êtes étiqueté comme un fauteur de trouble. Même si vos préoccupations étaient très légitimes, la direction va simplement vous muter. Par la suite, des unités ne voudront même pas de vous parce que vous êtes étiqueté comme un fauteur de trouble, et elles n'en veulent pas non plus.
    Il s'agit véritablement d'intimidation à bien des égards.
    À votre avis, que devrions-nous répondre à de tels commentaires?
    Je ne sais pas si ma réponse aura la même résonance en français, parce qu'en anglais, c'est une allitération. Il est si courant de muter à un autre poste une personne qui s'est révélée être un harceleur sexuel. En anglais, nous désignons la pratique du nom de « pass the perpetrator », la pratique qui consiste à se refiler l'agresseur. Cela arrive couramment et c'est tout à fait inapproprié.
    Les individus qui ont l'habitude de harceler doivent soit être éduqués... Il faut prévoir une intervention pour ces individus, et non simplement des sanctions, si on veut les garder dans le milieu de travail, parce qu'ils n'ont pas changé leur comportement, il est évident qu'ils vont le reproduire ailleurs.
    Cela dit, je vous recommande de parler à un autre chercheur, John Pryor. Il a mené des recherches qui montrent que les hommes diffèrent en ce qui concerne leur risque de harceler sexuellement, mais d'après une mesure qu'il a mise au point, même les hommes qui ont une forte probabilité de harceler sexuellement ne le feront pas s'ils travaillent dans une organisation où il y a des sanctions et des choses qu'il désigne du nom de « normes de gestion », qui font que les gestionnaires donnent l'exemple. Parfois, le gestionnaire est le harceleur, ce qui dit aux hommes de l'organisation que si leur patron le fait, ils peuvent le faire aussi.
    John Pryor a des choses intéressantes à dire sur les auteurs de harcèlement.
    Je crois que dans vos dernières observations, vous avez saisi une grande partie de la nature des problèmes à la GRC.
    Merci beaucoup, madame Collinsworth.
    Merci, madame Sgro.

[Français]

    Nous commençons maintenant le deuxième tour de questions.
    Madame Truppe, la parole est à vous.

[Traduction]

    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai aimé votre référence à la pratique de se refiler l'agresseur. C'est la première fois que nous l'entendons de ce côté-ci, et probablement des deux côtés.
    Je tiens à aborder certaines recommandations en ce qui concerne, disons, un programme d'aide aux employés.
    Le 25 février, Statistique Canada a publié un rapport intitulé Mesure de la violence faite aux femmes: tendances statistiques. On peut y lire qu'après un incident de violence, les femmes canadiennes sont statistiquement plus susceptibles que les hommes de révéler leur victimisation aux membres de leur famille et à leurs amis: 80 p. 100 des femmes contre, disons, 56 p. 100 des hommes.
    Diriez-vous qu'il faut prévoir l'accès à des réseaux de soutien social et personnel en plus des mécanismes de signalement et de médiation d'un incident de harcèlement sexuel au travail? Je vous pose la question parce que les employés de la fonction publique fédérale ont accès à un programme d'aide aux employés qui offre des conseils en ligne et des renvois à des conseillers locaux pour les aider à composer avec des problèmes personnels ou professionnels, mais ce service n'a été évoqué qu'une fois au cours de notre séance.
    Je tenais à savoir ce que vous en pensez.

  (1240)  

    Je crois que des services sous la forme de programmes d'aide aux employés seraient très utiles aux victimes de harcèlement sexuel. Je voudrais néanmoins m'assurer que les intervenants dans ce système ont eu une formation sur le harcèlement sexuel, parce que s'il semble, d'une part, que tout le monde comprend ce qu'est le harcèlement sexuel, d'autre part, il y a en réalité beaucoup d'idées fausses sur les conséquences qu'il peut avoir et les modes d'adaptation qu'une femme a choisis. Par exemple, on entend souvent parler de femmes qui l'ont toléré pendant des années et qui finissent par être blâmées. Pourquoi l'ont-elles enduré si longtemps? Pourquoi n'ont-elles pas porté plainte immédiatement? Eh bien, nous savons que des femmes ont des raisons de ne pas se plaindre.
    Les conseillers que vous mettez à la disposition des personnes ciblées doivent avoir une formation. Ils doivent connaître le harcèlement sexuel. Ils doivent comprendre le problème global de la violence faite aux femmes, parce que le harcèlement sexuel s'inscrit clairement dans ce domaine.
    À votre avis, quels avantages y a-t-il à offrir l'accès à des mesures de soutien, par exemple des services de counseling, aux personnes qui dénoncent le harcèlement sexuel au travail, ou un processus de médiation dans de tels cas?
    Il y a des avantages individuels, bien entendu. Si une personne a quelqu'un à qui parler, quelqu'un pour l'aider à voir clair dans ses sentiments... Je suis psychologue, alors je ne peux faire autrement que croire que le fait de parler de ses expériences, surtout d'expériences stressantes, peut produire des effets bénéfiques considérables.
    C'est aussi avantageux pour l'organisation. Une organisation tient à ce que son personnel soit en santé, sur les plans psychologique et physique. Il est logique d'offrir ce genre d'intervention à ses employés pour qu'ils puissent se rétablir et revenir en pleine forme. Ainsi, vous communiquez aux autres femmes au sein de l'organisation que vous prenez ce problème au sérieux. Nous savons que c'est l'un des facteurs du climat organisationnel. L'organisation prend-elle le problème au sérieux? Quand vous offrez des prestations aux personnes ciblées sous la forme de counseling, c'est ce que vous leur communiquez.
    Je vous remercie.
    Vous avez parlé de sanctions avec ma collègue, Mme Bateman. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les sanctions dans l'armée? Vous vous êtes arrêtée là-dessus, et vous avez dit que vous alliez nous faire parvenir un document. Pourriez-vous nous parler des sanctions dans votre armée auxquelles vous faisiez allusion?
    Une fois encore, selon l'infraction... Cela peut aller jusqu'à la cour martiale, qui comporterait l'incarcération, sans doute le renvoi de l'armée, mais aussi une rétrogradation, la suspension des fonctions, l'interdiction de... Par exemple, on pourrait vous interdire de travailler avec des recrues féminines.
    Aux États-Unis, nous avons évidemment eu nos propres scandales dans l'armée. Je ne sais pas si vous avez vu aux actualités que la personne chargée d'aider les femmes qui avaient été agressées sexuellement dans notre armée a récemment été arrêtée pour avoir tripoté une femme. Nous ne sommes donc pas à l'abri de ce problème des personnes responsables qui ne s'acquittent pas de leurs responsabilités. Donc...
    Merci, madame Collinsworth. Une fois encore, je dois vous interrompre. Le temps est écoulé.

[Français]

    Madame Hughes, ou plutôt monsieur Choquette, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Je vais d'abord laisser la parole à M. Marc-André Morin.

  (1245)  

    Je vais essayer d'être bref.
    Vos recherches vous permettent de tirer des conclusions sur le harcèlement en milieu de travail hiérarchique. À votre avis, les femmes qui travaillent dans un milieu de travail hiérarchique sont plus susceptibles de subir du harcèlement sexuel que dans un milieu de travail ordinaire. Or, n'est-il pas dans la nature même des structures de travail hiérarchisées d'entraîner des abus d'autorité? Cela n'a-t-il pas le potentiel de générer de l'agression?
    Dans un même ordre d'idées, selon vous, est-il possible de trouver une solution à un problème semblable à l'intérieur même d'une structure hiérarchique? L'autorité risque de sévir contre les victimes, parce qu'elles sont situées plus bas dans la pyramide hiérarchique.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    C'est une question à plusieurs volets. Je vais essayer d'y répondre un à un. Si j'en oublie, dites-le-moi.
    Je crois que la première question concernait la façon d'intervenir. J'avais commencé à l'expliquer. Si nous prenons de nouveau le modèle par rapport au contexte hommes-femmes du milieu de travail, ce contexte prédit le harcèlement. Lorsque le contexte est masculinisé, il y a plus de harcèlement. Le contexte comprend le nombre d'hommes comparativement au nombre de femmes dans le milieu de travail.
    Par exemple, dans les secteurs qui ont tendance à être masculinisés, comme la construction, l'armée et la police, ces occupations traditionnellement masculines où il y a plus d'hommes que de femmes engendrent plus de harcèlement. Vous avez absolument raison. Si vous êtes une femme dans un contexte où il y a plus d'hommes que de femmes, le harcèlement est plus susceptible de se produire.
    Il est aussi plus susceptible de se produire dans un milieu où il y a plus de superviseurs masculins. S'il y a des femmes superviseures, ce genre de parité des sexes a tendance à réduire le harcèlement. Il faut des dirigeantes et il faut aussi un contexte hommes-femmes plus équilibré.
    Quant à la deuxième partie de votre question, soit la façon de régler le problème à l'intérieur d'une structure hiérarchique, je vous recommanderais de nouveau d'en parler à John Pryor. Il a cherché à déterminer comment il se fait que le harcèlement survient dans une organisation, du point de vue du harceleur. Il a constaté que des hommes ne harcèleront jamais une femme, peu importe qu'ils soient ou non en position d'autorité. Ils ont une faible probabilité de harceler sexuellement. Certains hommes ont une forte probabilité.
    Nous ne pouvons pas administrer à des employés un test pour déterminer qui a une forte probabilité et qui a une faible probabilité, parce que nous nous aventurions alors dans le domaine du profilage. La bonne nouvelle, c'est que lorsque des normes de gestion sont établies, lorsque les gestionnaires prêchent d'exemple en matière de harcèlement...
    Il ne reste qu'une minute, madame Collinsworth.
    Lorsqu'il y a des sanctions contre les harceleurs, même les hommes qui ont une forte probabilité de harceler sexuellement ne le font pas. Il revient donc à l'organisation, et elle a le pouvoir de le faire, de changer les choses dans l'environnement, de donner un modèle à ses employés masculins de la façon de traiter leurs collègues ou leurs subordonnés. Les organisations qui prennent ces mesures feront un pas vers la diminution du harcèlement sexuel.
    Je ne crois pas que nous devions automatiquement accepter l'existence du harcèlement sexuel simplement à cause de l'existence d'une structure hiérarchique. La recherche montre clairement que ce n'est pas exact.

[Français]

    Merci, madame Collinsworth.

[Traduction]

    Le temps est écoulé.
    Madame Crockatt, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame Collinsworth, d'être venue nous faire profiter de votre vaste expérience et de vos connaissances considérables. Nous l'apprécions vraiment.
    Je vais essayer de creuser un peu, mais au préalable, je veux revenir sur un point. Un de mes collègues de l'autre côté peut vous avoir laissé une impression différente du projet de loi que nous avons concernant la GRC.
    Je crois vous avoir entendu dire que la haute direction de sociétés comprend le besoin, que c'est un élément très important du changement, pour que les organisations réagissent convenablement au harcèlement sexuel. En répondant à la question de savoir si l'organisation prend le problème au sérieux, vous avez dit que le leadership est un élément vraiment important. Vous avez exprimé une certaine préoccupation concernant la possibilité que cela signifie qu'une personne au sommet prenne une décision instantanée de congédier un employé, par exemple.
    Je tenais à vous fournir un peu plus d'information sur la GRC au Canada. Son commissaire nous a dit ici même que l'organisation avait embauché des conseillers en harcèlement. Ils ont des formulaires de dénonciation électroniques et des mécanismes de dénonciation en personne. Il y a plusieurs méthodes pour signaler un incident, de façon formelle et informelle. Ils ont un code de déontologie. Ils ont mis en oeuvre une politique de tolérance zéro. Toutes les plaintes font l'objet d'une enquête. On encourage les gens à signaler des incidents sans tarder. Des sanctions ont été établies allant de la rétrogradation jusqu'à...
    Que pensez-vous de ce genre de processus maintenant que vous en savez un peu plus à son sujet?

  (1250)  

    Cela m'apparaît un excellent processus. J'y vois cependant des problèmes potentiels si l'on suppose qu'il réglera tout. Comme je l'ai dit, d'après l'expérience que j'ai acquise dans le cadre de procès auxquels j'ai participé en qualité de témoin expert, lorsqu'on examine la politique d'une société et ses procédures, on dirait souvent qu'à ce stade-ci, enfin, après plusieurs dizaines d'années, qu'on a compris au sein de la haute direction la nécessité de mettre en place des procédures afin d'établir un quelconque mécanisme permettant aux femmes de porter plainte.
    Le problème se situe sur le terrain, dans les usines et les différents bureaux à la grandeur du pays. Le message ne semble pas filtrer jusqu'à ce niveau. Il faut de la formation.
    J'allais y arriver. Comment nous suggérez-vous d'examiner nos systèmes pour nous assurer que le message passe? Pouvez-vous nous donner des conseils clairs d'après ce que votre recherche a révélé?
    La formation est clairement nécessaire à tous les niveaux. Les superviseurs ont clairement besoin de formation. Aux États-Unis et dans notre système de réclamations en responsabilité civile délictuelle, si un superviseur est le harceleur, la responsabilité est plus grande que si le geste est posé par un collègue, parce que les superviseurs représentent la compagnie. Ils représentent la société détentrice du pouvoir et de l'autorité et ce genre de choses. Les superviseurs ont clairement besoin de formation sur le harcèlement sexuel et sur la nécessité de prendre le problème au sérieux.
    J'ai entendu parler de nombreuses formations où les participants font des blagues et rient de ce que des femmes ont vécu. C'est ce genre de climat qu'on ne doit pas tolérer parce qu'il transmet le message que vous ne prenez pas vraiment le problème au sérieux. Tous les mécanismes sont en place, mais ce n'est pas vraiment sérieux.
    C'est essentiel et très important. Nous avons beaucoup parlé de formation, mais aucun de nos témoins jusqu'à présent n'a pu mesurer avec précision le lien qui existe entre la formation et la fréquence du harcèlement. Êtes-vous au courant d'études? Y a-t-il une façon de le mesurer?
    Oui, je sais qu'il en existe. Je vais prendre une note de trouver des études qui prouvent l'efficacité de la formation et je vous les ferai parvenir. Par ailleurs, je me répète, les sanctions contre les agresseurs sont les moyens les plus efficaces de réduire le harcèlement.
    C'est merveilleux. Merci. Je vous serais très reconnaissante de nous faire parvenir ces renseignements sur la formation.
    Me reste-t-il du temps pour poser une question brève?
    Il vous reste 20 secondes.
    Pouvez-vous nous parler de recherches qui montrent si la dénonciation par voie électronique ou à distance est plus ou moins importante que la dénonciation en personne? Est-ce un facteur important? À votre avis, quel serait le mode de dénonciation le plus efficace pour que les victimes aient la meilleure chance?
    Cela dépend beaucoup... Je n'ai pas connaissance de recherches sur ce point, mais c'est très intéressant.

  (1255)  

    Merci, madame Collinsworth. Désolée, mais le temps est écoulé.

[Français]

    Monsieur Choquette, le dernier tour vous revient. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Collinsworth, merci beaucoup de votre témoignage d'aujourd'hui.
    J'aimerais revenir sur les commentaires de mon collègue M. Morin concernant l'enjeu qui consiste à augmenter la possibilité pour les femmes de dénoncer ouvertement leur harceleur. La personne qui a témoigné précédemment mentionnait que plusieurs victimes de harcèlement sexuel à la GRC avaient peur de témoigner ou de porter plainte.
    Dans de très grandes organisations hiérarchiques comme celle de la GRC, il est parfois difficile d'aller se confier sans avoir peur des représailles. Ce sont peut-être des peurs imaginaires, mais comme vous l'avez mentionné, il y a quand même des peurs réelles dans des corps de métiers où l'on retrouve majoritairement des hommes.
    L'une des solutions proposées au comité est de créer une commission indépendante de surveillance par l'entremise de laquelle les personnes pourraient dénoncer leur harceleur et se confier sans craindre de représailles de la part de supérieurs hiérarchiques ou de perdre leur emploi.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Dans un monde idéal, cela pourrait être une bonne solution. Le problème tient au fait qu'on ne peut réprimander un employé pour une infraction s'il ne connaît pas la teneur de l'accusation portée contre lui. C'est pourquoi il est rarement possible de garder secrète l'identité du dénonciateur.
    Je ne sais tout simplement pas comment cela pourrait fonctionner. Nous y avons réfléchi. Nous avons essayé de penser à des façons de dénoncer ces incidents, mais pour ce qui est de réprimander un employé pour une infraction, ce dernier doit savoir qui l'a accusé et la nature de l'accusation. Comment peut-il se défendre s'il ne connaît pas les accusations?
    Je ne sais pas, j'ai peut-être mal compris votre question.

[Français]

    Je comprends très bien votre point, par contre ce n'est pas exactement ce que je voulais mentionner. Je ne parlais pas d'un endroit où on ferait des dénonciations confidentielles, mais plutôt d'une commission indépendante qui accepterait les plaintes, dans les cas où les personnes ne voudraient pas se reporter à des figures hiérarchiques. Ensuite, cette commission pourrait décider des conséquences. Nous avons parlé tout à l'heure de suspensions et d'autres réprimandes possibles.
    Ce n'est qu'une idée. C'est un peu difficile de l'expliquer en peu de temps. En bref, cette commission indépendante de surveillance ferait des enquêtes. Présentement, on retrouve une grande tradition de problèmes à la grandeur de la GRC, à tous les échelons. Ainsi, on essaierait de sortir de l'appareil de la GRC pour s'attaquer véritablement au problème. En tout cas, c'est une proposition.
    Aussi, je voudrais vous parler de votre document intitulé « In Harm's Way: Factors Related to Psychological Distress Following Sexual Harassment ». Vous avez travaillé très fort sur les mythes sur le viol. Pouvez-vous nous expliquer un peu comment votre recherche vous a permis d'aboutir à la conclusion qu'il faut travailler sur la dispersion de ces mythes?

[Traduction]

    Vous avez un peu moins d'une minute, madame Collinsworth. Je vous prie d'être brève.
    Je vais revenir très brièvement à votre question précédente et faire une suggestion, si cette mesure n'est pas déjà mise en oeuvre.
    Les femmes qui ont été victimes de harcèlement sexuel et qui ont peur de faire une dénonciation doivent avoir à leur disposition plusieurs moyens de le faire. Si elles travaillent au sein d'une organisation hiérarchisée où elles sont censées signaler à leur officier supérieur tout ce qui s'est produit, le processus les dissuadera de porter plainte. Il doit donc y avoir plusieurs avenues. Une personne pourrait utiliser une ligne d'écoute, ou s'adresser à un officier supérieur, ou passer par-dessus cet officier supérieur et s'adresser à une autre personne. Les femmes doivent avoir plusieurs moyens de porter plainte.

  (1300)  

    Je vous remercie, madame Collinsworth. Je suis désolée, mais je dois vous arrêter ici. Au nom du comité, je vous remercie beaucoup d'être venue témoigner.
    Sur ce, la séance est levée.
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