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FOPO Rapport du Comité

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RAPPORT SUR L'AQUACULTURE DU SAUMON EN PARCS CLOS

INTRODUCTION

Le 18 octobre 2011, le Comité a accepté d'entreprendre une étude sur l'aquaculture du saumon en parcs clos. Ce n’est pas la première fois qu’il abordait la question. La dernière fois, durant la 40e législature, il avait décidé de procéder à un examen en profondeur de l’aquaculture dans tout le Canada, en commençant par le Pacifique, mais ses travaux ont été interrompus par le déclenchement des élections. Il a été convenu cette fois-ci que le Comité tiendrait compte dans son étude des témoignages et mémoires reçus durant la précédente étude, mais seulement dans la mesure où ils concernent l’aquaculture en parcs clos.

D'octobre 2011 à mars 2012, le Comité a tenu 18 réunions afin d'étudier la question, d'entendre les présentations et les témoignages de représentants du ministère des Pêches et des Océans (MPO), de scientifiques, d’universitaires, de l'industrie de l'aquaculture en parcs à filet, de l'industrie de l'aquaculture en parcs clos, de consultants, de groupes autochtones, d’organismes environnementaux, de collectivités côtières, de détaillants, de pêcheurs commerciaux et d’adeptes de la pêche récréative (on en trouvera la liste complète en annexe). Les membres du Comité tiennent à remercier sincèrement les témoins qui ont comparu au cours de cette étude pour leur faire part de leurs connaissances, de leur expérience et de leurs recommandations. Leur contribution été des plus précieuses pour l’élaboration du présent rapport, et les membres du Comité tiennent à exprimer leur gratitude à l’endroit des participants.

Le Comité s'est rendu à Washington D.C. et en Virginie-Occidentale en mars 2012 pour entendre des représentants de l’administration nationale des océans et de l’atmosphère et du ministère de l’Agriculture des États-Unis au sujet des initiatives et des priorités américaines en matière de réglementation, de financement ainsi que de recherche et développement dans le domaine de l’aquaculture. En Virginie-Occidentale, le Comité a visité une installation de recherche sur l’aquaculture en circuit fermé parmi les plus modernes au monde et il a alors eu l’occasion de discuter avec des scientifiques et des ingénieurs participant à des recherches de pointe.

C'est avec plaisir que le Comité dépose son rapport, dans lequel il adresse des recommandations au gouvernement fédéral. Ces recommandations se fondent sur les propos des témoins et sur ses propres analyses des sujets traités.

TOILE DE FOND

A. Études précédentes du Comité

Le Comité s’était déjà penché sur la question de l’aquaculture de 1999 à 2003, ce qui l’avait conduit à la publication, en avril 2003, du rapport intitulé : Rôle fédéral en aquaculture au Canada[1]. Dans ce rapport de 83 pages, une seule recommandation portait sur les parcs clos[2]. En raison de la plus grande attention accordée aux impacts environnementaux de l'industrie de l'aquaculture, les technologies en parcs clos figurent désormais parmi les principaux objets de la recherche et du développement en matière d'aquaculture. Le fait que le présent rapport porte sur une seule question, soit l'aquaculture en parcs clos, illustre à quel point le dialogue s'est transformé au cours des 10 dernières années.

B. La salmoniculture au Canada

L’aquaculture représente 14 % de la production totale de poisson et de produits de la mer au Canada et 35 % de la valeur de cette production[3]. Les entreprises aquacoles canadiennes produisent plusieurs espèces de saumon, de truite, de moules et d’huîtres. Le saumon, très majoritairement du saumon atlantique, occupe de loin la part la plus importante avec 63 % de la production en volume et 75 % en valeur. En 2010, le Canada a produit 101 385 tonnes de saumon d’élevage, pour une valeur totale (à la ferme) de 690,9 millions de dollars. La même année, le Canada a exporté près de 80 000 tonnes de saumon, dont 98 % de saumon atlantique[4].

L’industrie salmonicole a connu une croissance fort marquée au cours des années 1980 et 1990, mais l’industrie canadienne a subi un déclin entre le début et le milieu des années 2000 principalement en raison de poussées infectieuses et de facteurs liés aux marchés mondiaux[5]. Au début, l’industrie de la salmoniculture regroupait de nombreuses petites entreprises, mais cette industrie a considérablement changé à la suite de fusions et de l’intégration verticale au Canada de sorte que la grande majorité de la production est maintenant assurée par seulement quatre entreprises tant en Colombie-Britannique qu’au Nouveau-Brunswick[6], et trois autres en Nouvelle-Écosse[7]. On compte environ 130 sites (dont 80 sont actifs en tout temps)[8] en Colombie-Britannique, 90 sites au Nouveau-Brunswick[9] et 15 autres en Nouvelle-Écosse[10]. Terre-Neuve-et-Labrador compte 12 sites, en date de 2010, mais connaît une croissance importante dans ce secteur[11].

En 2009, le Canada a produit environ 7 % de la production mondiale de saumon d’élevage. Il s’est ainsi classé au quatrième rang au titre de la production salmonicole, dépassé uniquement par la Norvège, le Royaume-Uni et le Chili[12]. En 2010, le Canada a exporté environ 78 000 tonnes de saumon d’élevage vers les États-Unis (à peu près 77 % de la production canadienne totale), soit une valeur approximative de 525 millions de dollars[13]. Le saumon d’élevage canadien est aussi exporté au Japon, en France, à Taïwan et dans d’autres pays, dans une moindre mesure.

La production salmonicole au Canada n’a pas connu d’augmentation importante au cours des 10 dernières années; ainsi, les volumes de production de 2010 demeurent légèrement inférieurs aux niveaux observés en 2001[14]. Cette situation est attribuable à divers facteurs, y compris le déclin des prix mondiaux du saumon atlantique, un moratoire sur l’émission de nouveaux permis d’élevage du saumon en Colombie-Britannique ainsi que de nouvelles exigences imposées à l’égard du choix des sites aquacoles et de la gestion environnementale[15]. Cependant, les représentants de l’industrie ont indiqué au Comité qu’à leur avis, il est temps de songer à l’expansion de l’industrie puisque la demande du marché américain croît à un rythme de 3 à 5 % par an[16].

C. Pratiques aquacoles actuelles pour l'élevage du saumon

La grande majorité du saumon d’élevage produit au Canada et ailleurs dans le monde est le saumon atlantique issu de l’aquaculture en parcs en filet installés en milieu océanique, dans les régions côtières. Le saumon atlantique est devenu l’espèce de choix pour les aquaculteurs en raison de divers facteurs, y compris la demande du marché, les taux de croissance relativement rapides du poisson, son peu d’agressivité et sa résistance supérieure à la maladie.

Dans les exploitations conventionnelles en parcs à filet, les saumons passent environ le tiers de leur vie dans des systèmes en circuit fermé à l’écloserie. Lorsque les saumoneaux mesurent environ 12 cm de longueur ou 100 g (12 à 18 mois après l’éclosion), ils sont transférés dans des cages en filet placées dans l’océan, où ils poursuivent leur croissance pendant encore 18 à 24 mois avant d’être récoltés. En règle générale, les saumons atlantiques sont considérés de taille exploitable lorsqu’ils pèsent environ 4,5 à 6 kilogrammes.

La taille des sites de salmoniculture est variable, mais en règle générale, on y trouve une série de structures regroupant de 6 à 24 cages en filet, faites de plastique, d’acier et d’aluminium. Les élevages de saumon sont habituellement situés dans des baies abritées et des fjords où ils sont à l’abri des courants extrêmes et des tempêtes; de plus, les installations sont ancrées au plancher océanique pour s’assurer qu’elles demeurent en place.

Le saumon d’élevage est nourri d’un granulé sec fait de farine de poisson, d’huile de poisson et de protéines végétales, enrichi de vitamines, de minéraux et de caroténoïdes. La farine de poisson et l’huile de poisson sont obtenues à partir de petits poissons sauvages tels que l’anchois, l’alose tyran et le capelan, provenant principalement d’Amérique du Sud. Toutefois, de nombreuses recherches ont été effectuées dans le but d’essayer de réduire la quantité de farine de poisson et d’huile de poisson nécessaire pour produire la nourriture destinée au saumon d’élevage.

LES TECHNOLOGIES EN PARCS CLOS

L’aquaculture en parcs clos a recours à diverses technologies qui visent à isoler le milieu d’élevage de l’environnement naturel afin de réduire ou d’éliminer les interactions entre les deux. Les différents types de systèmes en parcs clos ne sont pas tous entièrement coupés de tout contact avec l’environnement naturel et, en conséquence, certains sont plus « clos » que d’autres. Un certain nombre de technologies et de systèmes différents ont été conçus et mis à l’essai au fil des ans, mais les deux technologies les plus appropriées qui semblent répondre aux besoins de l’industrie canadienne d’élevage du saumon sont les systèmes de confinement à parois rigides en milieu océanique et les systèmes d’aquaculture en recirculation (SAR).

A. Systèmes de confinement à parois rigides en milieu océanique

Les systèmes de confinement à parois rigides en milieu océanique sont formés de bassins à parois rigides faits de composite de fibre et de mousse dont la taille varie de 3 000 m3 à 10 000 m3 qui flottent à la surface de l’eau. L’entrée d’eau permet d’alimenter le bassin en eau puisée à différentes profondeurs (ce qui permet le contrôle de la qualité et de la température de l’eau). De l’oxygène supplémentaire est pompé dans le bassin pour maintenir un niveau optimal d’oxygène dissous. Les déchets de nourriture et les fèces sont filtrés et éliminés en passant par un drain situé au fond du bassin et pompés hors du bassin pour être traités en vue de leur utilisation sous forme d’engrais terrestre tandis qu’on laisse le reste de l’eau relativement claire déborder par-dessus les parois du bassin dans les eaux environnantes.

Figure 1: Le système en parcs clos d’AgriMarine[17]

Figure 1: Le système en parcs clos d’AgriMarine

Du fait que l’eau captée n’est pas traitée avant de pénétrer dans le bassin et que l’eau provenant du bassin est rejetée dans l’océan, ce type de système n’est pas complètement en circuit fermé. Néanmoins, le système permet de retirer 90 % des déchets décantables qui, dans un système d’aquaculture dans des cages en filet, se déposeraient sur le plancher océanique ou seraient dispersés par les courants marins. De plus, grâce aux parois rigides, le système permet de séparer les populations sauvages et les populations d’élevage et réduit les risques d’évasion et la prédation. Comme l'a mentionné Robert Walker d'AgriMarine Industries :

Notre technologie permet ce que la pisciculture en enclos à filet ne permet pas. Toutes ces fonctionnalités nous permettent de faire de l'élevage dans toutes sortes de conditions défavorables, tout au long de l'année, et d'accroître de beaucoup la densité par rapport aux parcs d'enclos à filets sans infliger de stress excessif au poisson. Le bassin à parois rigides contribue également à la préservation de l'écosystème environnant. […] On évite ainsi de polluer les écosystèmes locaux en raison d'une trop grande charge d'éléments nutritifs. Avec un bassin aux parois rigides, il n'y a pas de risque d'évasion du poisson d'élevage ni de contamination entre le poisson sauvage et le poisson d'élevage. Enfin, les saumons sont à l'abri des prédateurs[18].

B. Systèmes d’aquaculture en recirculation (SAR) terrestres

Les SAR terrestres utilisent de grands bassins circulaires en béton groupés par modules sur la terre. Du fait que les bassins se trouvent sur la terre, ils doivent être situés près d’une source appropriée d’eau souterraine ou d’eau de mer. L’eau est pompée dans le bassin et la recirculation se fait en continu; la qualité de l’eau est assurée par divers moyens, y compris la filtration mécanique, le rayonnement UV, les dispositifs d’élimination du CO2 et l’injection d’ozone. Les déchets solides sont recueillis à l’aide d’un drain au fond du bassin et acheminés vers un bassin de sédimentation et ils peuvent ensuite être traités pour utilisation comme compost ou engrais. Étant donné la recirculation et le traitement en continu de l’eau, ces systèmes peuvent réutiliser 98 % de l’eau servant à les alimenter.

Figure 2 : Système d’aquaculture en recirculation (SAR) terrestre en circuit fermé[19]

Figure 2 : Système d’aquaculture en
          recirculation (SAR) 
          terrestre en circuit fermé

Les SAR terrestres sont conçus pour séparer physiquement les poissons de l’environnement extérieur. Du fait que l’eau est traitée avant d’entrer dans les bassins et étant donné l’absence de tout rejet d’eau dans l’environnement naturel, il n’y a pratiquement aucun vecteur de transfert de maladie, d’agent pathogène ou de parasite entre la population sauvage et la population d’élevage. Ces systèmes permettent aussi un contrôle quasi complet de la qualité de l’eau, de la température, de l’oxygénation et autres paramètres; cependant les exigences sur le plan énergétique et technologique sont forcément accrues.

C. Aquaculture en parcs clos existante

Les technologies en bassin de confinement, y compris les SAR, existent depuis plusieurs dizaines d’années et sont actuellement offertes, prêtes pour utilisation, sur le marché commercial par un certain nombre de fournisseurs[20]. La plupart de ces technologies ont été mises au point ou perfectionnées pour l’industrie mondiale de l’aquaculture en parcs clos pour d’autres espèces et, dans le cas du saumon, pour les écloseries et les installations d’élevage existantes des reproducteurs en circuit fermé.

Le Comité a appris que des systèmes en parcs clos étaient actuellement utilisés avec succès (et de façon rentable) à l'échelle commerciale pour d’autres espèces, comme le tilapia, l’esturgeon, l’omble arctique et la truite. Target Marine Hatcheries, à Sechelt, en Colombie-Britannique, fait l’élevage de l’esturgeon dans un SAR terrestre pour la production de caviar et de chair d’esturgeon. De même, le tilapia est produit dans des SAR terrestres en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique.

Pour le moment, il n’existe nulle part dans le monde des systèmes d’élevage en parcs clos d’envergure commerciale pour la production du saumon atlantique. Néanmoins, les technologies en parcs clos jouent déjà un rôle important à certaines étapes du cycle de croissance du saumon atlantique d’élevage, tant au Canada qu’à l’étranger. Le Comité a été informé par Marine Harvest que le saumon produit par cette entreprise passait environ le premier tiers de sa vie dans des SAR en parcs clos (jusqu’au moment du transfert des saumoneaux dans des installations utilisant des parcs en filet). De plus, la moitié du stock de géniteurs est élevée entièrement dans un SAR qui lui est expressément consacrée[21]. Ces pratiques sont maintenant chose courante dans l’industrie parce qu’elles permettent d’exercer une meilleure surveillance des facteurs environnementaux et de réduire le risque économique.

On trouve, en nombre peu élevé, mais sans cesse croissant, des établissements d’aquaculture en parcs clos en Colombie-Britannique, au Montana et dans l’État de Washington où l’on produit du saumon du Pacifique à l’échelle commerciale. En règle générale, on considère qu’un élevage de saumon atlantique est « de taille commerciale » lorsque sa capacité de production atteint 1 000 tonnes; par ailleurs, il est possible de produire du saumon du Pacifique de façon rentable lorsque la capacité de production atteint de 100 à 200 tonnes. Le Comité a été informé qu’il y avait de meilleures chances de tailler un créneau commercial pour le saumon coho (celui-ci récoltant du même coup un prix supérieur au kilogramme); pour sa part, le saumon atlantique, parce qu’il est produit mondialement, nécessite des économies d’échelle beaucoup plus grandes pour que sa production soit rentable[22].

L’entreprise Swift Aquaculture, à Agassiz, en Colombie-Britannique, exploite un SAR terrestre pour la production du saumon du Pacifique. Cet établissement produit du saumon coho dans des bassins d’eau douce en plus d’exploiter des installations aquacoles multitrophiques où l’eau à forte concentration en nutriments provenant des bassins d’élevage du saumon est utilisée pour cultiver du cresson des fontaines et du wasabi, lesquels produisent des algues servant à nourrir des écrevisses. Le saumon coho provenant de cette exploitation est actuellement vendu à des restaurants haut de gamme à Vancouver. Des agrandissements sont prévus pour l’aménagement d’un SAR ayant une capacité de production de 1 000 tonnes. De plus, comme l'a mentionné John Holder, de JHL Consulting, on peut faire preuve de souplesse dans le choix des sites d'élevage à condition que le prix de l'emplacement ne soit pas exorbitant :

Les piscicultures […], peuvent être situées dans des régions urbaines, pas nécessairement des [zones] rurales. Elles n'ont pas besoin d'être proches d'une étendue d'eau. […] On peut monter nos installations près des marchés, ce qui réduira nos coûts de transport[23].

La société AquaSeed produit aussi du saumon coho au SAR terrestre d’une capacité de 100 tonnes qu’elle possède dans l’État de Washington et aussi dans le cadre d’un projet conjoint avec Teton Fisheries dans deux installations d’une capacité de 160 tonnes au Montana. Ces saumons coho sont commercialisés sous la marque « SweetSpring Salmon », qui approvisionne les supermarchés Overwaitea Food Group en Colombie-Britannique et en Alberta.

D. Projets pilotes à l'échelle commerciale sur le saumon de l'Atlantique

En dépit des défis prévus pour faire l’élevage du saumon atlantique dans des unités en parcs clos tout en maintenant le coût de production à un niveau qui sera concurrentiel par rapport à la production mondiale de saumon dans des cages en filet, d’importants travaux de recherche et un certain nombre de projets pilotes ont déjà été réalisés. Certains de ces projets ont démontré que certaines technologies ne pouvaient pas être appliquées à la production du saumon atlantique, mais on compte actuellement au moins trois projets qui en sont à diverses étapes de construction ou de conception au Canada et qui visent à démontrer qu’il pourrait finalement être possible de franchir l’étape du projet pilote pour passer à celle de la production à pleine capacité à l’échelle commerciale : le projet d’AgriMarine à Middle Bay, le projet K’udas avec la Première Nation ‘Namgis et le projet pilote prévu de Marine Harvest (en collaboration avec la Canadian Alliance for Aquaculture Reform) au nord de l’île de Vancouver.

AgriMarine

Comme il est décrit dans la section sur les technologies en parcs clos, la société AgriMarine Industries Inc. réalise un projet pilote en parcs clos dans des bassins à parois rigides en milieu océanique près de Campbell River, sur l’île de Vancouver. Le projet, réalisé en collaboration avec l’organisme sans but lucratif Middle Bay Sustainable Aquaculture Institute, a reçu une aide financière de Technologies du développement durable Canada (TDDC) et de la Gordon and Betty Moore Foundation pour la réalisation des étapes initiales. Le premier bassin flottant de 3 000 m3 a été installé dans la baie en janvier 2011 et a été ensemencé, dans un premier temps, d’alevins d’un an de saumon quinnat. La première récolte était prévue pour la fin du printemps ou le début de l’été 2012, mais en mars 2012, une importante tempête a causé des dommages structuraux au bassin de démonstration et a entrainé la décision d’effectuer une récolte précoce[24]. La conception des trois autres bassins a été repensée et ceux-ci devaient être installés en 2012, ce qui devrait porter la production annuelle totale des installations à environ 900 tonnes. Selon Robert Walker, président de la société AgriMarine Industries Inc., « nous aurions atteint un volume commercial — nous sommes pratiquement prêts à franchir cette étape[25] ».

Première Nation 'Namgis

Le projet K’udas est réalisé par la Première Nation ‘Namgis en collaboration avec la SOS Marine Conservation Foundation. Dans le cadre de ce projet, un SAR terrestre pilote sera aménagé dans la réserve indienne Cheslakees, à 5 kilomètres au sud de Port McNeill sur l’île de Vancouver. Le projet a été conçu de manière à ce que, dans un premier temps, un seul module ayant une capacité de production annuelle de 260 à 500 tonnes soit installé. Les données recueillies dans le cadre du projet pilote seront ensuite utilisées pour perfectionner le design, au besoin, et pour passer à une installation pleine taille à l’échelle commerciale ayant une capacité de production annuelle de 1 000 tonnes.

Le projet a été conçu de façon à intégrer un certain nombre de caractéristiques innovatrices afin de réduire les coûts d’exploitation et de maximiser les recettes, y compris des technologies de récupération de la chaleur et des thermopompes qui devraient permettre de diviser par 10 les coûts énergétiques. Les aménagements sont également conçus pour pouvoir accueillir un jour des installations d’aquaponie, c’est-à-dire que les effluents riches en nutriments seront utilisés pour la culture de végétaux dans des serres.

Le projet a reçu une aide financière de TDDC, de Tides Canada et du Coast Sustainability Trust qui contribuera aux coûts d’investissement initiaux, soit 6 à 7 millions de dollars, associés au projet. Le nettoyage du terrain a débuté au cours de l’hiver 2011-2012 et la construction devait être terminée en août 2012. Il était prévu que le premier cycle de production du saumon atlantique se déroulerait entre septembre 2012 et septembre 2013.

Marine Harvest

L’entreprise Marine Harvest Canada a informé le Comité qu’elle prévoyait réaliser un projet pilote dans le but de documenter les coûts réels et les avantages de la production à l’aide de SAR commerciaux et de comparer les données recueillies à celles obtenues dans le cadre de la production traditionnelle dans des cages en filet. Marine Harvest a confié à la firme d’ingénierie Worley Parsons le mandat d’effectuer une étude en vue du choix du site, de produire une proposition d’ingénierie et d’effectuer une analyse du cycle de vie des systèmes. Ce travail préparatoire est terminé et le coût des installations pilotes d’une capacité annuelle de 300 tonnes sur la côte est de l’île de Vancouver a été évalué à 8 millions de dollars[26]. Une aide financière partielle a été accordée au projet par le MPO et TDDC. Prenant appui sur ces études préliminaires, Marine Harvest avait l’intention d’aller de l’avant, mais en raison de la baisse du prix du marché mondial du saumon, le financement nécessaire de 5 millions de dollars n’a pas été approuvé par la société mère de Marine Harvest, pour le moment; le projet demeure en suspens pendant qu’on recherche d’autres sources de financement ou jusqu’à ce que les conditions du marché s’améliorent[27].

AVANTAGES POSSIBLES DE L'AQUACULTURE EN PARCS CLOS

Le Comité a entendu un grand nombre de témoignages sur les avantages possibles de la salmoniculture en parcs clos. Parmi ces avantages, notons la possibilité de réduire les risques commerciaux et les impacts environnementaux et d’améliorer les résultats socioéconomiques.

A. Réduction du risque commercial

L’aquaculture pratiquée en cages en filet comporte un certain nombre de risques puisqu'elle se déroule dans un milieu exposé à des risques environnementaux externes. Comme l’expliquait l’Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture, ces risques comprennent l’exposition à des maladies ou à des parasites transportés par les poissons sauvages, des problèmes de pollution ou de qualité de l’eau, des tempêtes, des fuites ou de la prédation. Plusieurs témoins ont mentionné les pertes des producteurs chiliens imputables à la maladie. Au Canada, un producteur a parlé des conséquences des pertes causées par des problèmes de mauvaise qualité de l’eau :

En fait, nous utilisions des enclos à filets — nous avons élevé du saumon quinnat sur la côte nord-ouest de l’île de Vancouver pendant de nombreuses années — et avons perdu nos piscicultures parce que beaucoup de poissons mouraient à cause des vagues de prolifération effrénées du plancton dans la région. Nous souhaitions poursuivre nos activités de salmoniculture, mais nous ne voulions plus perdre de poissons [...][28].

C’est le souci d’atténuer ces risques qui a initialement amené les aquaculteurs à mener des recherches sur l’aquaculture en parcs clos[29] similaires à ceux qu’ils avaient utilisés pour la production de stocks de géniteurs et de saumoneaux. AgriMarine a abandonné complètement la production en cages en filet pour se tourner vers les parcs clos à la suite d’importantes pertes de stocks durant les années 1990, et d’autres sociétés étudient toujours les données économiques. Marine Harvest Norway, par exemple, a signé une entente avec AgriMarine au début de 2012 pour mettre à l’essai la technologie de cette dernière qui consiste à soutenir une production de saumoneaux jusqu’à ce que ceux‑ci atteignent 1 kilo dans le but de démontrer les avantages économiques du système d’AgriMarine sur les systèmes traditionnels de cages en filet[30]. Marine Harvest Canada a également des plans similaires pour étudier les avantages de la prolongation du temps d’élevage des jeunes saumons dans des SAR avant leur transfert dans des cages en filet, de façon à réduire le temps d’exposition aux risques du milieu océanique et éventuellement la période totale de production par l’optimisation des conditions de croissance[31].

B. Réduction des impacts environnementaux

Le Comité a entendu de nombreux témoignages sur les impacts de la salmoniculture en cages en filet sur le poisson sauvage et l’environnement. Parmi les préoccupations les plus courantes, notons les suivantes :

  • la transmission du pou du poisson entre le saumon sauvage et le poisson d’élevages en raison de la migration du saumon sauvage à proximité des sites d’aquaculture dans des cages en filet;
  • les contaminants (y compris les déchets de poissons et les excédents d’aliments, les pesticides, les antibiotiques, les additifs alimentaires, les agents antisalissures, etc.) qui polluent l’environnement aquatique local, modifient l’habitat et nuisent aux autres espèces;
  • la transmission de maladies infectieuses comme l’anémie infectieuse du saumon (AIS);
  • le risque que le saumon d’élevage qui s’échappent se reproduisent avec le saumon sauvage ou surclassent ceux-ci.

Les intervenants et les scientifiques ont toutefois des visions différentes quant à l’étendue et la gravité de ces impacts, dont l’importance est susceptible de varier de la côte Est à la côte Ouest. Le gouvernement supervise les activités aquacoles en cages à filet au moyen de la réglementation et des pratiques de gestion. Cependant, certains sont d’avis que les impacts environnementaux sont graves ou à long terme et, en conséquence, ils préconisent la transition vers l’aquaculture en circuit fermé comme solution à certains de ces défis.

Par ailleurs, des représentants de l’industrie de la salmoniculture en cages en filet ont répété au Comité que, quoique la production salmonicole en cages en filet puisse avoir des impacts temporaires sur l’environnement, le processus d’examen environnemental fait en sorte que ces impacts sont atténués dans la mesure du possible et que les impacts qui subsistent sont résiduels[32].

Cependant, un certain nombre d’universitaires et de représentants d’organisations environnementales semblaient convaincus qu’il existe suffisamment de preuves pour démontrer que la salmoniculture en cages en filet est susceptible de produire des impacts négatifs sur les populations de saumons sauvages et sur d’autres éléments de l’écosystème.

Les données concernant l’étendue et la gravité des répercussions environnementales de la salmoniculture ne sont pas concluantes. Les scientifiques demeurent très partagés quant à l’importance de cette question. Sachant que la Commission d’enquête sur le déclin des populations de saumon rouge du fleuve Fraser (la Commission Cohen) se penchait sur la question, le Comité n’a pas voulu tirer de conclusions à ce sujet et renvoie le lecteur au rapport final de la Commission[33] .

Dans le rapport de 2003 du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, intitulé Rôle fédéral en aquaculture au Canada, une partie importante a été consacrée à la gestion des impacts environnementaux de l’aquaculture[34]. Bien qu’il ne s’agisse pas de l’objet principal du présent rapport, le Comité note que bon nombre de recommandations issues du rapport de 2003 ont été mises en œuvre. Par exemple, le projet initial du MPO visant à élaborer un règlement relatif au traitement des agents pathogènes et des parasites du poisson dans le but de déterminer clairement les substances, comme les pesticides et les drogues, qui peuvent être utilisées sur des sites d’aquaculture, a récemment été révisé pour y inclure la réglementation des solides décantables, des niveaux de sulfures, ainsi que la question de la demande biologique en oxygène liée aux activités d’aquaculture[35]. D’autres recommandations sont restées lettre morte, celles qui concernent le contrôle des évasions de poissons et les déchets des installations salmonicoles y compris.

En outre, il a été signalé au Comité que depuis 2003, bon nombre d’autres modifications importantes ont été formulées à l’intention des responsables des régimes de gestion environnementale, notamment le transfert de certains sites d’élevages mal situés, de nouvelles exigences concernant les sites d’élevage et des rectifications ayant trait au repeuplement, à la récolte et aux calendriers de traitement du pou du poisson pour tenir compte des saisons de migration du saumon sauvage[36]. Cependant, il reste beaucoup de recherche scientifique à effectuer et à rendre publique en vue d’instaurer une plus grande confiance de la population dans la gestion environnementale de l’industrie aquacole et pour faire avancer les débats en cernant les domaines où l’amélioration est nécessaire.

La question de la quantité et de la qualité des informations nécessaires pour analyser et gérer les risques que présente l’aquaculture en cages en filet a suscité un vigoureux débat. Pour mesurer l’impact des installations aquacoles, il faut d’abord connaître les conditions de base et ensuite contrôler les changements. Un témoin en particulier a dit considérer que le manque d’information de référence sur les conditions de base constitue un problème non négligeable[37].

En ce qui concerne le pou du poisson et les maladies, un témoin était d’avis qu’il fallait faire davantage de recherche sur les répercussions à long terme des maladies et du pou du poisson sur les populations de poisson externes[38], tandis qu’un autre estimait qu’on en sait déjà suffisamment pour justifier l’interdiction, à titre de précaution, des installations d’élevage en cages en filet sur les voies de migration[39]. Un autre encore pensait que les mesures de contrôle actuelles sont suffisantes pour montrer que la gestion du pou fait baisser les taux d’infection tant chez le saumon d’élevage que chez le saumon sauvage, au moins sur la côte Ouest[40].

Les effets de l’aquaculture en cages en filet sur la région benthique ont suscité un vif débat. La question de la mesure des sulfures en particulier a produit des témoignages contradictoires sur le rétablissement des communautés benthiques pendant la période de jachère. Le Ministère fait valoir que, suivant l’emplacement, la région benthique se rétablit complètement en l’espace de quelques mois ou de quelques années, la période de jachère requise allant de trois mois à un an[41]. Cependant, certains témoins ont critiqué le recours à la mesure des sulfures pour évaluer le rétablissement des habitats, un système qu’un témoin a dit considérer comme « assez grossier et rudimentaire[42] ». Suivant un autre témoin, on n’a jamais confirmé le plein rétablissement des communautés biologiques ni du fonctionnement et de la santé de l’habitat[43]. Le degré de rétablissement dépend donc de ce que l’on mesure et de la durée d’observation. De plus amples recherches sur les impacts environnementaux de l’aquaculture en cages en filet permettront de clarifier la question.

Il faut toutefois souligner que les impacts environnementaux ne sont pas exclusifs à la production aquacole en cages en filet; l’aquaculture en parcs clos entraîne aussi ses propres impacts environnementaux qui, compte tenu de la situation de cette industrie, n’ont pas encore été bien étudiés. L’empreinte de carbone générée par une installation en parcs clos qui est alimentée en électricité, qui pompe de l’eau, qui filtre des déchets, entre autres activités, est importante. La source d’électricité, par exemple l’hydroélectricité ou l’électricité produite à partir du charbon, constitue également un facteur important dans la perception de durabilité de l’aquaculture en parcs clos. La Coastal Alliance for Aquaculture Reform déclare sur son site Web que les systèmes en circuit fermé nécessitent évidemment davantage d’énergie directe que les cages en filet; les témoins sont toutefois d’avis que des facteurs autres que celui de l’énergie doivent être pris en compte pour déterminer la véritable durabilité[44]. Une des principales mesures mentionnées par le Conseil canadien des ministres des pêches et de l'aquaculture dans son Plan d'action stratégique — Secteur des poissons marins de la côte ouest, publié en 2010, est la nécessité de quantifier l’empreinte de carbone, les impacts sur la qualité de l’eau, les sédiments, les produits chimiques, les antibiotiques, les pesticides, la charge de nutriments, les fuites, les maladies, etc., pour chacun des sous-secteurs de l’aquaculture[45].

Dans le même ordre d’idées, d’après Andrew Wright, il faut effectuer une analyse du cycle de vie complet (couvrant une période de 25 ans) des deux types de production, soit l’aquaculture en cages en filet et l’aquaculture en SAR terrestres. Il a fait remarquer que rien de précis n’a été comptabilisé relativement à la mesure des émanations de méthane causées par la décomposition des déchets qui s’accumulent au fond de l’océan sous les installations salmonicoles en cages en filet. Selon ses estimations toutefois, si les émissions de méthane étaient comptabilisées, les émissions de l’équivalent en gaz carbonique (CO2e) d’une installation salmonicole en cages en filet surpasseraient probablement celles d’un SAR terrestre ayant une production annuelle équivalente, et ce, par un facteur de 10. M. Wright a pressé le Comité de recommander la mise en œuvre d’une recherche à cet égard pour évaluer et comparer avec exactitude les différentes méthodes de production du saumon d’aquaculture[46].

C. Meilleurs résultats socioéconomiques

On estime que l’industrie de l’aquaculture (pour l’élevage de toutes les espèces, pas seulement du saumon) crée 4 900 emplois directs à temps plein dans tout le Canada[47] et consacre environ 106,2 millions de dollars au paiement des traitements et salaires chaque année[48]. De plus, on estime que les activités directes et induites génèrent 9 600 emplois à temps plein[49].

Le Comité a reçu de nombreux témoignages de collectivités côtières où se sont installées des entreprises d’aquaculture. Bien que certaines soient favorables à l’aquaculture en cages en filets et que d’autres s’y opposent, il a été mentionné que les principaux emplois générés par l'aquaculture dans les régions rurales ont surtout trait au transport et aux travaux de soutien, tandis que les emplois dans les usines de transformation demeurent dans des centres plus importants. En fonction de l'entreprise et de ses pratiques d'embauche, les sites d’élevage pourraient embaucher des employés qui se déplacent des centres plus importants[50].

On a abordé la question des répercussions possibles de l’aquaculture en parcs clos sur l’emploi dans les régions côtières. Des témoins ont fait valoir que l’imposition de l’élevage en parcs clos et l’interdiction de l’aquaculture en cages en filet sans que l’élevage en parcs clos soit financièrement viable pourrait avoir des conséquences considérables sur l’emploi[51]. Des témoins ont signalé que, techniquement, la salmoniculture en parcs clos dans un SAR est possible n’importe où, notamment loin des régions côtières. Si les producteurs veulent offrir un produit à un prix concurrentiel sur les marchés internationaux, ils pourraient graviter vers les endroits où les facteurs de production (énergie, transport, eau et terrains) sont le moins chers. Si les emplacements à l’intérieur des terres sont financièrement plus attrayants et si cela amène les entreprises à délocaliser leurs activités pour s’y installer, il pourrait s’ensuivre de graves conséquences sur l’emploi dans les régions côtières éloignées où l’aquaculture en cage en filets est un important employeur. Ainsi, dans toute décision sur l’aquaculture en parcs clos, le gouvernement doit accorder une place prépondérante aux conséquences sur l’emploi dans les collectivités côtières. Dans nombre de ces collectivités, l’aquaculture est une source importante d’emplois. Le maire de Port McNeill, Gerry Furney, a souligné que sa collectivité dépendait des industries primaires comme l'aquaculture en cages en filet[52].

L’aquaculture est un moyen idéal de donner du travail aux gens qui veulent gagner leur vie dans des communautés isolées […]. Le recours aux parcs clos, qui nécessite une dépense d’équipement énorme, ne serait pas justifié dans ces régions isolées[53].

D’autres témoins pensent que certains facteurs pourraient retenir les entreprises dans les régions côtières (notamment l’eau et l’infrastructure)[54], mais le Comité demeure préoccupé par les répercussions de l’élevage en parcs clos sur l’emploi dans les collectivités côtières. Il estime que le gouvernement du Canada devra bien étudier ces répercussions lorsqu’il sera temps de prendre des décisions susceptibles d’avoir des effets sur l’industrie et les autres intervenants.

Recommandation 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada étudie les effets socioéconomiques d’une transition éventuelle vers les technologies en parcs clos, y compris les effets sur l’emploi dans les collectivités rurales et côtières.

Les décisions prises en matière d’aquaculture peuvent avoir des répercussions sur l’emploi dans d’autres pêches. Comme on l’a dit précédemment, il y a eu de longs débats sur les répercussions environnementales de l’aquaculture en cages en filet. Certains témoins sont opposés à l’aquaculture en cages en filet et privilégient l’aquaculture en parcs clos parce qu’ils craignent que les conséquences environnementales de la première ne finissent par mettre en péril les industries traditionnelles. Sur la côte Ouest, on s’inquiète des risques pour la pêche récréative, importante dans cette région. Sur la côte Est, des pêcheurs commerciaux de la Nouvelle-Écosse s’inquiètent des répercussions potentielles du développement de la salmoniculture en cages en filet sur la pêche du homard dans leur secteur[55]. Plusieurs facteurs influent sur les débarquements de homard, mais on a appris en interrogeant un haut fonctionnaire du MPO que, dans l’ensemble, les débarquements de homard dans la baie de Fundy sont très bons[56]. Faute de données concluantes sur les conséquences environnementales, il est impossible de déterminer le risque réel que pose l’aquaculture en cages en filet pour les pêches traditionnelles, mais cela ne diminue en rien les inquiétudes des groupes concernés. Le Comité est conscient de ces préoccupations et comprend avec quel sérieux il faut prendre les menaces aux activités économiques traditionnelles, particulièrement dans les régions où, souvent, il existe peu d’autres activités.

Le Comité est certain que, quand on en comprendra mieux les répercussions environnementales, si un site est bien choisi, si la réglementation environnementale est adéquate et si le choix de la technologie d’aquaculture (y compris les SAR terrestres) est approprié, cette industrie pourra coexister avec les pêches traditionnelles.

Le Comité a entendu des avis variés de la part des témoins des Premières Nations au sujet de l’aquaculture en cages en filet. Certaines collectivités des Premières Nations souscrivent à l’aquaculture et travaillent maintenant avec l’industrie afin de veiller à ce que les développements dans le domaine de l’aquaculture en cages en filet respectent leurs valeurs sociales et culturelles et leurs intérêts, et que le projet soit profitable pour elles sur le plan économique[57]. D’autres en revanche demeurent opposées à la pratique de la salmoniculture en cages en filet près de leurs collectivités et de leurs territoires traditionnels en raison des éventuelles répercussions négatives sur les pêches sauvages et la récolte des myes[58]. Richard Harry, de l’Aboriginal Aquaculture Association, a expliqué que les Premières Nations avaient de nombreuses inquiétudes concernant l’aquaculture en cages en filet mais que, essentiellement, elles s’intéressaient aux questions de l’exploitation durable, de l’absence de répercussions négatives sur les pêches sauvages, des avantages pour les collectivités et de la participation active des Premières Nations au processus décisionnel commun concernant les projets de développement en aquaculture. Comme il l’a expliqué au Comité :

Nous devons prendre au sérieux le fait que nos collectivités côtières existent. Les Premières Nations ne partiront pas; elles seront encore là demain. Nous essayons de trouver des moyens de mettre en place un processus, de développer une industrie de l'aquaculture qui soit durable, tant sur le plan de l'environnement que sur le plan de la culture[59].

En ce qui concerne l’aquaculture en parcs clos, les Premières Nations comptent parmi les premiers groupes intéressés à perfectionner cette technologie. Comme il a été mentionné ci-dessus, le premier SAR commercial destiné à la production du saumon atlantique au Canada est actuellement construit par la Première Nation ‘Namgis. Le Comité a également été informé que d’autres Premières Nations évaluaient actuellement les possibilités offertes par l’aquaculture en parcs clos au sein de leurs collectivités[60]. Bon nombre des consultants et des chercheurs qui participent à ces premiers projets en parcs clos ont également souligné que les collectivités des Premières Nations possédaient souvent les caractéristiques idéales pour ce genre de projet étant donné leur emplacement géographique, l’accès aux terres et aux ressources en eau, les valeurs culturelles, leurs antécédents historiques et leur expérience dans le domaine de la pêche.

Le Comité admet que l’aquaculture pourrait offrir d’excellentes possibilités à de nombreuses Premières Nations et soutient les efforts visant à rendre les projets d’aquaculture durables accessibles aux Premières Nations qui pourraient s’y intéresser. Comme l’a dit Daniel Stechey :

Dans tout le pays, il y a un besoin criant de développement économique en faveur des collectivités autochtones. S'il y a une seule industrie qui fonctionnerait dans les collectivités autochtones rurales où il y a une base de ressources qui lui serait favorable, c'est bien l'aquaculture. Qu'il s'agisse de poissons minces [sic] ou de mollusques, qu'il s'agisse d'une culture côtière ou à l'intérieur des terres, les possibilités sont immenses. Ces collectivités n'ont pas la capacité de faire de l'aquaculture et c'est un problème qu'il faut régler, car il y a d'immenses possibilités perdues[61].

Recommandation 2

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de travailler avec les collectivités rurales et côtières ainsi que les Premières Nations, afin d’encourager le développement économique par le développement d’entreprises aquacoles, notamment d’entreprises pratiquant l’aquaculture en parcs clos.

Finalement, le Comité est d’avis que l’industrie de l’aquaculture peut contribuer de façon importante aux économies rurale et côtière. Il en appuie l’existence et l’essor, dans la forme qui convient le mieux à chaque site — qu’il s’agisse de cages en filet, de parcs clos ou de toute autre forme de technologie aquacole novatrice, pourvu qu’elle soit viable économiquement. Comme l'a mentionné Neil Smith de Port McNeill :

Il ne s’agit pas de choix mutuellement exclusifs. Le nord de l’île de Vancouver est très bien placé pour des exploitations en cages à filets. Nous devons cependant aussi envisager les technologies de parcs clos et leur potentiel pour des secteurs spécialisés des marchés intérieurs et internationaux […] Je crois que plusieurs applications différentes sont possibles, et tout ce qui aidera la région à diversifier son aquaculture lui sera bénéfique. Une économie rurale diversifiée est une économie rurale solide, même dans un sous-secteur comme l’aquaculture. D’un point de vue régional, la bonne chose à faire est d’examiner toutes ces possibilités sans en rejeter aucune d’office[62].

L’ÉCONOMIE DE LA PRODUCTION AQUACOLE EN PARCS CLOS

Mais l'aquaculture est un commerce et, au bout du compte, nous cultivons du poisson pour faire de l'argent[63].

A. Viabilité de l'aquaculture en parcs clos du saumon de l'Atlantique

Dès le début de l’étude du Comité, il est ressorti clairement que les technologies en parcs clos sont bien développées et utilisées depuis des décennies pour la production de différentes variétés de poissons. Le débat ne consiste plus à déterminer s’il est ou non techniquement possible de faire l’élevage du saumon atlantique dans des unités en parcs clos, mais plutôt de déterminer si cela peut être fait à un coût qui permettra aux producteurs de saumons en parcs clos d’être concurrentiels par rapport aux producteurs utilisant des cages en filet. Comme l’a déclaré Colin Brauner de l’Université de la Colombie-Britannique :

La technique d'aquaculture terrestre en parcs clos est possible, mais sa rentabilité est discutable. Ce qui est clair, c'est que la rentabilité et la croissance du saumon à haute densité dépendent de l'optimisation de la qualité de l'eau et des conditions biologiques. Les systèmes d'aquaculture en recirculation, les SAR, sont propres à l'aquaculture dans la mesure où ils permettent de maîtriser entièrement les conditions d'élevage, comme la salinité, la température, l'ammoniac, le dioxyde de carbone, la densité et tout ce qui a une grande influence sur la croissance. La maîtrise totale de ces conditions se traduit par un élevage de saumon optimal, un environnement sain pour le poisson, un produit de qualité, une croissance maximale et des économies de production[64].

Comparativement à l'élevage du saumon de l'Atlantique en cages à filet, un SAR terrestre constitue une entreprise assez coûteuse et de haute technologie. Pour compenser ces coûts supplémentaires, le SAR offre une gamme d’avantages éventuels, notamment un taux de croissance plus rapide et une possibilité de stockage de saumon plus élevée, la densité étant de trois à sept fois plus élevée que dans les cages à filet conventionnelles. Par exemple, il a été déclaré au Comité que la biomasse des sites d’aquaculture dans des parcs en filet atteint approximativement 15 kg/m[65], alors qu’on estime que la densité possible dans un SAR (en raison d’une amélioration de la qualité et de l’oxygénation de l’eau) peut atteindre 50 à 80 kg/m[66], et pourrait même atteindre 100 kg/m[67]. Des recherches sont toujours en cours à l’Université de la Colombie-Britannique, dans des centres de recherche comme le Freshwater Institute, en Virginie-Occidentale, et dans le cadre de projets pilotes comme celui qui est actuellement mis sur pied par la Première Nation ‘Namgis, dans le but de déterminer quelles sont les conditions de croissance optimales et les densités maximales.

Au fur et à mesure que ces paramètres seront peaufinés et que les incertitudes économiques seront réduites, l’élevage en parcs clos sera de plus en plus concurrentiel par rapport à l’aquaculture en cages en filet. Comme il a été expliqué au Comité, la notion de concurrence est importante, parce que le saumon atlantique est un produit consommé à l’échelle mondiale. Comme l’a mentionné Daniel Stechey :

Je veux qu'il soit est [sic] très clair qu'à mon avis — et on en trouve de nombreux exemples —, le parcs clos est économiquement viable aujourd'hui. Nous avons des installations d'élevage de coho qui produisent du coho et qui vendent dans un marché à créneaux. Nous avons des installations d'élevage de tilapia qui ont permis l'élevage de poissons dans des systèmes en parcs clos et qui vendent dans les marchés en vif de Vancouver, de Toronto, de Montréal et de New York depuis 15 à 20 ans déjà. Ce sont des systèmes en parcs clos. Ils fonctionnent.
Ce qui les distingue, c'est qu'ils produisent un bien de prestige, de sorte que vous pouvez vous payer la technologie […] Lorsque vous avez un produit comme le saumon de l'Atlantique et que vous faites concurrence à des producteurs de partout dans le monde qui utilisent une technologie à faible coût pour produire leur saumon, à savoir les parcs en filet, alors, vous allez avoir beaucoup de difficultés à rivaliser à moins d'avoir des installations à une échelle très très grande comportant des dépenses en immobilisations très élevées[68].

Le saumon coho, selon ce qui a été dit au Comité, est produit à 1,97 $ la livre (4,30 $ le kilogramme) dans des SAR terrestres relativement petits au Montana et à Agassiz en Colombie‑Britannique. À un prix de vente d’environ 3,50 $ à 4 $ la livre (de 7,70 $ à 8,80 $ le kilogramme), la marge de profit est intéressante[69]. Par ailleurs, le saumon atlantique a connu des baisses de prix et se vendait récemment entre 2,30 $ et 2,60 $ la livre (de 5,10 $ à 5,70 $ le kilogramme), ce qui réduit de façon importante la marge de profit si les coûts de production sont les mêmes que ceux du saumon coho élevé dans les systèmes actuels en parcs clos de petite dimension. Beaucoup croient cependant qu’à plus grande échelle, le coût de production peut être réduit de façon importante. Mais en l’absence d’une installation de salmoniculture en parcs clos d’envergure commerciale en exploitation, le débat entourant la rentabilité de ces systèmes repose largement sur des modèles qui reposent eux-mêmes sur de nombreuses hypothèses. Deux de ces études de rentabilité (ainsi que les variables produisant les plus grands écarts) font l’objet de discussions ci-après.

B. Études de faisabilité économique et variables clés

Deux études de faisabilité économique ont été publiées en 2010, la première par le MPO[70] et la seconde par Andrew Wright[71]. Elles démontrent que, dans certaines circonstances du moins, l’élevage en parcs clos peut entrainer des retombées positives. Cependant, au-delà de cette conclusion, différentes hypothèses ont donné lieu à des résultats très différents.

Dans le cadre de l’étude de faisabilité du MPO, une évaluation préliminaire de plusieurs types d’établissements d’aquaculture différents a été menée. Parmi ces établissements, il y avait des systèmes classiques de cages en filet, des systèmes d’élevage en parcs clos à parois rigides dans l’océan, des systèmes d’élevage en parcs clos à parois souples dans l’océan, des systèmes terrestres à circulation d’eau continue et des systèmes terrestres à eau recyclée.

L’étude de faisabilité du MPO démontre qu’un SAR de 2 500 tonnes (capacité de production annuelle) nécessiterait un investissement initial de 22,6 millions de dollars, en plus de frais d’exploitation annuels de 7,2 millions de dollars, pour générer un profit net annuel de 381 467 dollars, ce qui correspond à un taux de rendement de 3,4 %. À titre de comparaison, l’étude démontre que l’exploitation d’une installation aquacole en cages en filet de capacité similaire nécessiterait un investissement initial de seulement 5 millions de dollars et générerait un profit net annuel de 2,6 millions de dollars (pour un taux de rendement attendu de 40,3 %).

Par ailleurs, l’analyse de M. Wright démontre qu’un SAR terrestre pourrait se révéler beaucoup plus rentable. Il convient de souligner dès le départ que les chiffres présentés dans les deux analyses ne doivent pas être comparés directement, étant donné que l’étude du MPO est fondée sur une capacité de production annuelle de 2 500 tonnes et que l’étude de M. Wright est fondée sur une capacité de 1 000 tonnes. Quoi qu’il en soit, même en tenant compte de cette plus petite capacité (ainsi que des chiffres plus prudents pour un certain nombre de variables), les coûts en capitaux nécessaires, selon l’analyse de M. Wright, seraient d’environ 12 millions de dollars pour un revenu annuel net d’au moins 5,1 millions de dollars (ou jusqu’à 8,2 millions de dollars, en calculant un supplément de 25 %, s’il est possible de commercialiser le poisson comme un produit élevé dans le respect de l’environnement et sans produits chimiques). De plus, le revenu annuel net grimperait de 9 à 13,1 millions de dollars si le flux de déchets était utilisé pour la culture aquaponique et le compostage. Steven Summerfelt, du Freshwater Institute, soutient ces hypothèses concernant les recettes prévues découlant du captage et de la vente du flux de déchets; il a en effet parlé au Comité d’une installation en parcs clos de 1 000 tonnes où on élève actuellement un autre type de poisson et qui génère un profit annuel de 250 000 $ uniquement par la vente de ses déchets comme fertilisants.

M. Summerfelt, a également présenté au Comité sa propre analyse économique. Il a mis en lumière la nécessité d’avoir accès à des terres peu coûteuses qui sont situées près des marchés et où il est possible de s’approvisionner en électricité à faible coût (soit de 0,02 $ à 0,06 $ le kWh). Compte tenu de ces deux conditions, il est arrivé à la conclusion qu’un SAR terrestre de 1 000 tonnes pourrait générer un profit, et ce, même si on ne tient pas compte de la prime qu’il serait possible d’obtenir pour le saumon élevé en parcs clos selon les prédictions de nombreuses personnes. Un SAR terrestre d’une capacité de 3 000 tonnes ne serait pas seulement rentable, mais pourrait également concurrencer l’aquaculture en cages en filet en Amérique du Nord[72].

Le Comité souligne que toute conclusion au sujet de la viabilité économique est fondée sur des hypothèses et des variables, lesquelles ont trait aux prix du marché, à l’utilisation du flux de déchets, à des densités optimales, aux coûts de l’énergie ainsi qu’aux coûts attribuables à l’amortissement et aux intérêts sur les prêts.

Certains témoins ont également souligné que si les coûts de l’élevage en cages en filet sont aussi faibles, c’est parce qu’un certain nombre de coûts, ce que l’on appelle les coûts externes, ne sont pas comptabilisés. Par exemple, Eric Hobson, de la SOS Marine Conservation Foundation, a dit souhaiter que l’on élabore un régime réglementaire applicable à l’aquaculture en cages en filet qui oblige l’industrie à assumer la totalité des coûts des méthodes de production en cages en filet, y compris les facteurs externes comme la surveillance des impacts sur l’environnement marin. Il a laissé entendre que ceci assurerait des règles du jeu équitables pour les nouvelles technologies, comme l’aquaculture en parcs clos[73].

De plus, comme l’a souligné la Living Oceans Society, les coûts que le gouvernement assume en lien avec l’industrie peuvent également faire partie des coûts externes de la production aquacole en cages en filet :

Dans l'ensemble, ceux qui s'adonnent à l'élevage en parcs clos internalisent ces coûts. Si le Canada finit par adopter cette technique, Pêches et Océans Canada n'aura plus à s'occuper des fuites de poissons, du pou du poisson, du transfert de maladies au saumon sauvage, de la mort de prédateurs, du dépôt de matières résiduelles dans le milieu marin et des résidus toxiques. L'argent affecté à tous ces éléments, de même qu'à la mise en application, à la surveillance et aux relations publiques liées à l'aquaculture à l'aide de parcs en filet, pourrait servir au développement d'une nouvelle industrie novatrice et d'un produit de plus en plus en demande[74].

Le Comité comprend les préoccupations des témoins, mais il n’est pas en mesure d’établir si la totalité des facteurs externes cités par les témoins entraînent les coûts environnementaux, sociaux et économiques que ceux-ci leur attribuent ou s’il serait juste d’attribuer ces coûts à l’industrie.

C. Commercialisation du saumon élevé en parcs clos

En ce qui a trait à la variable du prix du marché, le Comité a reçu des commentaires sur trois sujets généraux : les primes, la demande des consommateurs et des détaillants ainsi que les mécanismes d’établissement de marques, comme les programmes d’étiquetage et de certification.

Selon des témoignages au Comité, les producteurs de saumon coho élevé en parcs clos (en Colombie-Britannique et à Washington) obtiennent actuellement une importante prime pour leur produit en raison de leur capacité à le commercialiser comme produit respectueux de l’environnement. Bien que les témoins aient une opinion différente concernant la mesure dans laquelle il serait possible d’obtenir une prime similaire pour le saumon atlantique élevé en parcs clos, la plupart se sont entendu pour dire qu’il était raisonnable, du moins au départ, de s’attendre à la possibilité de cette prime, étant donné que d’autres produits, commercialisés comme respectueux de l’environnement, en bénéficient. À titre d’exemple, Andrew Wright a dit au Comité que, dans le cadre du projet de la Première Nation ‘Nagmis, des contrats de distribution directe au marché ont été décrochés auprès d’épiciers, ce qui montre l’existence de primes de 25 à 30 %[75]. Certains témoins soupçonnent cependant qu’à mesure que l’industrie de l’élevage en parcs clos gagnera de l’importance et que les saumons issus de cet élevage deviendront plus communs, ces primes vont disparaître ou diminuer.

Toutefois, au-delà de la prime fondée sur la « durabilité », il a également été déclaré au Comité que l’élevage du saumon atlantique en parcs clos permettrait de générer une prime en raison de la qualité et du goût du produit, ainsi que des avantages possibles pour la santé attribuables à l’environnement contrôlé et à l’eau de grande qualité où le saumon est élevé[76].

Au sujet de la demande des consommateurs et des détaillants, il a été déclaré au Comité qu’un certain nombre d’épiciers partout en Amérique du Nord avaient élaboré, ou étaient en voie de le faire, des politiques concernant les poissons et fruits de mer axées sur la durabilité, et que ces politiques pourraient avoir comme effet une diminution des achats de saumons élevés en parcs en filet. Par exemple, Overwaitea Food Group a déclaré au Comité que l’entreprise diminuait dans ses magasins la quantité de saumon élevé de cette manière et que l’espace ainsi libéré était comblé, autant que possible, par du saumon coho élevé en parcs clos. Étant donné que ce produit n’est actuellement pas offert en quantité suffisante par les producteurs canadiens, Overwaitea a signé un accord avec AquaSeed, de l’État de Washington, pour que l’entreprise l’approvisionne en saumon SweetSpring[77]. Selon les chiffres de vente de saumon coho élevé en parcs clos d’Overwaitea, il y a une grande demande pour ce produit. La demande des consommateurs pour le saumon élevé en cages en filet a diminué au point où les magasins ne voudront plus en garder en stock, et les ventes de saumon en général « ne se sont jamais portées aussi bien[78] ».

Albion Fisheries, le plus grand distributeur de poisson et de fruits de mer de l’Ouest du Canada, a signalé qu’elle stocke et vend encore de grandes quantités de saumon élevé en parcs en filet. Son vice-président et dirigeant principal de la durabilité, Guy Dean, a dit qu’il s’agit de leur produit le plus vendu et qu’il est d’avis qu’il peut être élevé de façon durable[79], mais l’entreprise souscrit néanmoins fortement à l’élevage du saumon en parcs clos :

Nous croyons que les parcs clos constituent une option plus viable qui garantit une meilleure salubrité alimentaire […] Nous croyons qu'il s'agit d'une option plus viable sur le plan environnemental, nous appuyons donc fermement les systèmes d'aquaculture en recirculation en parcs clos[80].

Diverses idées ont été proposées pour l’établissement de marques du saumon élevé en parcs clos et le commercialiser plus facilement, éventuellement à un prix plus élevé. Catherine Stewart, de la Living Oceans Society, pense que le saumon produit par les Premières Nations en parcs clos pourrait bénéficier d’un avantage sur le plan de la mise en marché s’il était vendu sous une marque des Premières Nations[81]. Steven Summerfelt estime pour sa part que le Canada devrait envisager des mesures de soutien comme un programme d’appellations similaire à celui de la VQA pour le vin[82].

 Enfin, des témoins, dont M. Summerfelt, ont fait valoir que les entreprises d’élevage en parcs clos pourraient chercher à se faire reconnaître comme « durables » par les organisations qui administrent des systèmes de cotation pour renseigner le consommateur sur l’origine et la durabilité des produits de la mer. Le saumon du Pacifique SweetSpring d’AquaSeed, par exemple, qui est élevé en parcs clos, a reçu la cote « supergreen » de SeaChoice qui atteste le caractère durable des produits de la mer. Si beaucoup de témoins trouvent l’idée intéressante, d’autres craignent que la prolifération de tels programmes de certification ne finisse par embrouiller le consommateur et l’induire en erreur.

En conclusion, étant donné que les consommateurs sont de plus en plus disposés à payer plus cher pour certains produits, comme l’on signalé des témoins, on remarque un optimisme croissant au sujet de la faisabilité de l’élevage de saumon atlantique en parcs clos. Cet optimisme se fonde toutefois principalement sur des modèles qu’il reste encore à tester à une échelle commerciale. Les membres du Comité sont impatients de voir la réalisation des projets pilotes mentionnés précédemment à cet égard.

INVESTISSEMENTS DANS L'AQUACULTURE EN PARCS CLOS

Le Comité a entendu de nombreux témoignages concernant les enjeux liés à la recherche et au développement, aux programmes de financement et aux incitatifs nécessaires pour favoriser l’envol de l’industrie aquacole en parcs clos. Les témoignages s’articulent autour de quatre grands thèmes : la nécessité de la recherche scientifique appliquée et d’installations connexes; la nécessité du soutien de l’État aux projets de démonstration; l’accès aux capitaux pour les participants du secteur privé qui désirent s’engager les premiers sur cette voie; et le besoin urgent que tous ces éléments soient en place à court terme pour que le Canada en profite et conserve sa place parmi les principaux producteurs mondiaux de saumon d’élevage.

A. Recherche et développement

S’il faut approfondir la recherche fondamentale, tel que mentionné dans la discussion sur les avantages environnementaux éventuels des systèmes en circuit fermé, des témoins ont dit au Comité qu’il est tout aussi important d’accroître l’aide financière accordée à la recherche scientifique appliquée. En effet, l’investissement dans la recherche et le développement dans le but de perfectionner les systèmes d’aquaculture en parcs clos compte parmi les mesures clés énoncées par le Conseil canadien des ministres des Pêches et de l’Aquaculture dans le Plan d’action stratégique — Secteur des poissons marins de la Côte Ouest 2010[83].

La recherche appliquée en aquaculture permettrait d’examiner les questions touchant par exemple la chimie de l’eau, la température, l’oxygénation et la salinité pour la santé et la croissance optimales du poisson, les densités de biomasse maximales et la composition des aliments pour le poisson. La recherche portant sur ces facteurs peut contribuer à accroître le rendement économique et la compétitivité de la salmoniculture en parcs clos. Selon Colin Brauner :

Une source de financement axée sur l'aquaculture en parcs clos accélérerait beaucoup les études et la communication des résultats dans l'industrie. Elle améliorerait la compétitivité du Canada dans le marché des technologies émergentes liées à l'aquaculture en parcs clos terrestre[84].

M. Summerfelt a également souligné la nécessité d’une aide financière pour soutenir la recherche appliquée et la diffusion des résultats de ces travaux. À cette fin, il a encouragé le Comité à soutenir les travaux de recherche effectués à l’InSEAS, à l’Université de la Colombie-Britannique.

Lors de la visite du Freshwater Institute en Virginie-Occidentale, le Comité a été informé que les États-Unis (principalement par le truchement du ministère de l’Agriculture et de l’administration nationale des océans et de l’atmosphère des États-Unis) consacraient quelque 80 millions de dollars annuellement exclusivement à la recherche dans le domaine de l’aquaculture. Le personnel de ces deux organismes a confirmé la chose et a fait remarquer qu’actuellement, les États-Unis se démarquent avantageusement par rapport au Canada au chapitre de l’expansion de l’industrie aquacole, en raison de l’aide financière importante affectée à la recherche et au développement dans ce pays. Il a toutefois été mentionné qu’il n’y avait eu aucun engagement quant au renouvellement de ce financement[85].

En plus de la recherche appliquée effectuée dans des installations de recherche spécialisées et dans les établissements universitaires, on a également observé que l’industrie jouait aussi un rôle dans le cadre de ces travaux et qu’il faudrait, par conséquent, envisager des incitatifs appropriés pour soutenir la recherche et le développement, dans l’industrie, sur les nouvelles technologies permettant d’accroître la réutilisation de l’eau, de réduire les coûts énergétiques et de créer de la valeur à partir des effluents des SAR[86]. Selon Marine Harvest Canada, le manque de financement est le principal obstacle au développement et à la croissance de l’aquaculture en parcs clos au Canada[87].

On a indiqué au Comité que le NOFIMA, un institut norvégien (le plus important institut européen de recherche appliquée en pêches, aquaculture et production alimentaire), offrait un modèle que le Canada pourrait adopter pour poursuivre les recherches appliquées sur les systèmes terrestres d’élevage du saumon en parcs clos[88]. Le ministère des Pêches et des Affaires côtières de la Norvège est le principal actionnaire de NOFIMA et l’industrie possède le reste des actions; l’institut a pour mandat d’effectuer de la recherche dans l’intérêt public ainsi que des travaux de recherche à contrat pour des entreprises commerciales. Le Comité note que cette approche serait conforme à l’une des principales recommandations faites dans le rapport Jenkins, l’automne dernier, sur les mesures à prendre pour améliorer l’innovation au Canada[89].

B. Projets de démonstration et projets pilotes

Les témoins du MPO et de TDDC et presque tous les autres intervenants ont affirmé au Comité que les systèmes en parcs clos étaient maintenant suffisamment évolués et que l’État doit financer la réalisation de projets de démonstration à l’échelle commerciale avant que le secteur privé puisse appliquer cette technologie à l’échelle commerciale. Comme l’a expliqué Maria Aubrey de TDDC :

Bien que ces technologies soient prometteuses sur le plan environnemental et économique, seules des démonstrations dans des milieux réels peuvent prouver leur potentiel. La vérité, c’est que l’industrie et les investisseurs privés considèrent qu’il est trop risqué d’investir dans des projets de ce genre qui démarrent et dont les retombées économiques sont incertaines. Toutefois, si l’on démontre la viabilité économique de ces technologies, ils sont tout à fait prêts à investir dans leur déploiement. Le financement public accordé par TDDC, en collaboration avec l’industrie, permet de combler cette lacune et de faire du Canada un chef de file dans le domaine de l’aquaculture en parcs clos[90].

Selon Mme Aubrey, TDDC a reçu sept demandes liées à la salmoniculture au cours des six dernières années, mais l’organisme ne s’est engagé qu’à en financer deux (le projet d’AgriMarine à Middle Bay et le projet de la Première Nation ‘Namgis), soit une contribution totale de 8,2 millions de dollars.

Le Comité est d’accord avec les contributions importantes faites par TDDC, mais un certain nombre de témoins ont fait remarquer que le montant de l’aide financière disponible était insuffisant et que les exigences liées à la présentation des demandes et des rapports entraînaient des coûts trop élevés (des exigences souvent différentes de celles des autres organismes de financement). Par exemple, Marine Harvest Canada a demandé une aide financière par le truchement de TDDC et du MPO afin de poursuivre le projet de démonstration d’aquaculture en parcs clos qui avait été prévu, mais l’aide financière approuvée était insuffisante pour permettre la réalisation de ce projet. Selon Clare Backman, de Marine Harvest :

D'un point de vue général, comme on l'a dit, je pense que le moment est venu pour le gouvernement fédéral d'appuyer ces programmes qui nous permettront de connaître les coûts et les avantages réels de ces technologies plus récentes, de sorte que nous puissions aller au-delà de la discussion visant à savoir si c'est tout ou rien et déterminer exactement quelle est la place de ces technologies sur le marché et dans le plan global du saumon dans l'avenir[91].

Recommandation 3

Le Comité reconnaît les importantes contributions faites par Technologies du développement durable Canada (TDDC) et recommande que le gouvernement du Canada travaille avec TDCC pour veiller à ce que ses exigences relatives à la demande et à l’établissement de rapports facilitent le financement des travaux de recherche et développement de technologies durables en parcs clos.

M. Summerfelt, du Freshwater Institute, a lui aussi souligné la nécessité de financer les projets pilotes et de démonstration. À cette fin, il a encouragé le Comité à continuer d’appuyer le projet pilote en parcs clos de la Première Nation ‘Namgis, qui prend de l’ampleur, de même qu’à envisager la réalisation d’un projet pilote similaire au Canada atlantique, d’une capacité de 300 à 1 000 tonnes, dans le cadre d’un partenariat public-privé. Ce projet vise à évaluer les caractéristiques économiques de la production à l’échelle commerciale et à profiter des possibilités économiques associées à ces projets sur la côte Est[92].

M. Robertson, du Centre des sciences de la mer Huntsman, situé à St. Andrews, au Nouveau‑Brunswick, a laissé entendre que le gouvernement fédéral pourrait aménager un SAR terrestre à l’échelle commerciale au Centre Huntsman afin d’obtenir les données en temps réel nécessaires pour comparer la production en parcs clos et la production en cages en filet, pour effectuer de la recherche et du développement et pour mettre l’accent sur le développement continu[93].

Le Comité reconnaît le rôle important que l’aide financière fédérale doit jouer dans certaines circonstances afin de permettre à des technologies prometteuses de suivre la voie de l’innovation. Autrement, ces technologies risquent de ne jamais évoluer ou de mettre beaucoup trop de temps avant de devenir pleinement commercialisables. Le Comité considère que les systèmes d’aquaculture en parcs clos font partie de ces technologies.

Le Comité a aussi entendu les témoignages d’autres chercheurs et entrepreneurs dans le domaine de l’aquaculture qui s’intéressent à d’autres solutions (dont l’aquaculture multitrophique intégrée et l’aquaculture dans des cages en filet en milieu océanique à petite échelle) relativement à certains des défis associés à l’aquaculture traditionnelle dans des cages en filet[94]. Le Comité est d’avis que différentes technologies et démarches pourraient être mises à contribution pour permettre de pratiquer la salmoniculture dans une optique plus axée sur la durabilité. Le Comité croit fermement que les programmes gouvernementaux de financement devraient soutenir toute forme d’innovation prometteuse dans tous les types d’aquaculture.

C. Accès aux capitaux

Les dépenses en immobilisations nécessaires pour construire des systèmes d’aquaculture en parcs clos peuvent atteindre un niveau très élevé. Le Comité a été informé que les coûts en capital variaient entre environ un million de dollars pour les installations ayant une capacité de 160 tonnes au Montana[95], et 6 à 7 millions de dollars pour les installations d’une capacité de 400 à 500 tonnes en construction pour la Première Nation ‘Namgis[96], et qu’ils atteignaient un peu moins de 10 millions de dollars pour le système Langsand Laks d’une capacité de 1 000 tonnes en cours de construction au Danemark[97]. Comme l’a expliqué John Holder, un des principaux consultants ayant participé à la conception de ces systèmes, il s’agit d’un enjeu important :

Bien sûr, le facteur important est la capitalisation. Par le passé, ces entreprises étaient très coûteuses. Dans les environs de 12 ou 13 $ le kilo produit. Nous avons maintenant abaissé les coûts à 8,50 $. Les calculs révèlent que le rendement du capital investi est supérieur à 30 p. 100, à un taux d'amortissement de 5 p. 100. On peut faire encore mieux, grâce aux dispositifs d'économie d'énergie qui se trouvent encore au stade de la recherche. Pourtant, 8,5 millions de dollars [pour un établissement d’une capacité de 1 000 tonnes] représentent beaucoup d'argent. Ceux qui sont incapables de les réunir doivent s'abstenir[98].

Selon plusieurs témoins, l’accès aux capitaux pose un obstacle important au développement à plus grande échelle de l’aquaculture en parcs clos. Pour remédier à ce problème, des témoins ont proposé un éventail de mesures, y compris des prêts gouvernementaux[99], des programmes d’incitatifs pour les investisseurs privés désireux de passer de l’étape du projet pilote à celui réalisé à l’échelle commerciale[100], et les garanties de prêt. Comme l’a mentionné M. Holder :

[…] pour un particulier, il est presque impossible d’obtenir un prêt des banques. En outre, la demande de subventions est un processus coûteux, dont le taux de succès n’est pas si élevé. Pour ouvrir le secteur aux petites entreprises familiales, il faut l’aide de la province ou l’aide fédérale — sous forme de garanties de prêts, ou n’importe quoi d’autre — parce que les banques ne prêtent pas aux aquaculteurs. Community Futures a prêté de l’argent, dans le passé, mais, dès que les emprunteurs commencent à rembourser, les taux d’intérêt finissent par être très coûteux. Il est très difficile pour le petit entrepreneur de se tailler une place dans ce marché[101].

Le Comité est conscient des préoccupations liées à l’accès aux capitaux et remarque que dans le rapport Jenkins, on mentionne également que cette situation nuit à l’innovation au Canada. Des témoins ont indiqué que des fonds dédiés pourraient être nécessaires à court terme pour faire en sorte que les technologies en parcs clos soient utilisées sur une plus grande échelle et davantage acceptées.

Recommandation 4

Le Comité reconnaît que toute adoption commerciale de l'aquaculture en parcs clos ou de toute autre technologie d'aquaculture novatrice nécessitera un soutien financier public et privé destiné à réaliser toute la recherche voulue et, en bout de ligne, à faire passer les technologies viables et prometteuses de l’étape de la démonstration à celle de la commercialisation. Par conséquent, le Comité recommande que le gouvernement du Canada revoie les options de financement en collaboration avec l'industrie en vue de combler le fossé financier de la commercialisation. Le Comité recommande également que, à l’occasion de cet examen, le gouvernement et l’industrie envisagent d’établir un fonds consacré aux projets de démonstration de parcs clos.

D. Conserver l'avantage concurrentiel du Canada

Comme l’ont signalé un certain nombre de témoins, le Canada jouit actuellement d’un avantage concurrentiel dans le domaine de la production salmonicole en raison de facteurs comme la situation géographique, les connaissances et compétences existantes, les infrastructures, les installations de transformation, les sources de nourriture pour le saumon et d’autres intrants; la proximité du marché américain et un avantage sur le plan de la commercialisation découlant de l’image du Canada, qui est perçu comme un pays sauvage, nordique et encore à l’état originel. D’autres caractéristiques permettent de croire que le Canada pourrait continuer de profiter d’un avantage concurrentiel dans le domaine de la production de saumon en parcs clos en raison des vastes étendues de terre, des ressources en eau et, dans certaines provinces, de l’hydro-électricité peu coûteuse. Selon Andrew Wright toutefois, cet avantage concurrentiel n’est pas garanti :

La Colombie-Britannique offre de nombreux avantages aux premiers arrivants. [...], ces avantages ne sont pas permanents. Les entrepreneurs proches du marché vont concevoir des solutions concurrentielles, et c’est ce que nous constatons déjà au Danemark, où la première ferme, Atlantic Sapphire, a ouvert ses portes l’été dernier[102].

Le Comité a appris que de vastes SAR commerciaux (1 000 à 3 000 tonnes) étaient déjà en construction ou à différentes étapes de préparation au Danemark, au Chili et sur la côte Est des États-Unis[103]. Par ailleurs, le plus grand projet actuellement en construction au Canada est celui de la Première Nation ‘Namgis, d’une capacité de 400 à 500 tonnes (toutefois, ces installations sont conçues de manière à pouvoir être agrandies ultérieurement). Comme l’a indiqué M. Summerfelt :

Je pense que nous sommes sur le point d’assister à l’adoption, sur une grande échelle, des systèmes terrestres en parcs clos. Le moment serait approprié pour le Canada d’investir dans la technologie des systèmes terrestres en parcs clos pour demeurer concurrentiel sur la scène internationale[104].

Le Comité est d’avis que le Canada est bien placé pour tirer profit des développements technologiques actuels et des tendances du marché, et si les politiques et les programmes de financement nécessaires sont adoptés, le Canada pourra profiter des avantages concurrentiels et renforcer sa position en tant que chef de file mondial dans le domaine de la production salmonicole durable.

LE CADRE RÉGLEMENTAIRE DE L’AQUACULTURE

Dans son rapport de 2003, intitulé Rôle fédéral en aquaculture au Canada, le Comité mentionnait « qu’il est de la plus haute importance que les deux paliers de gouvernement précisent leurs responsabilités législatives respectives[105] ». À l'époque de ce rapport, dans huit provinces et territoires, les responsabilités des gouvernements fédéral et des provinces en ce qui a trait à l'aquaculture ont été énoncées dans une série de protocoles d'entente. Récemment, dans une décision rendue en 2009 par la Cour suprême de la Colombie-Britannique[106], le juge Hinkson a confirmé qu'il incombait au gouvernement fédéral de gérer et de protéger les pêches et a ordonné la suppression de la réglementation de la Colombie-Britannique relative à l'aquaculture de poissons en milieu océanique. Par conséquent, le gouvernement fédéral s’est doté du Règlement du Pacifique sur l’aquaculture, pris aux termes de la Loi sur les pêches, et assume le rôle principal dans la gestion de l'aquaculture sur la côte Ouest.

Des représentants de l'industrie ont souligné que la complexité du contexte législatif et réglementaire, différent d'une province à l'autre, entrave la croissance de l'industrie de l'aquaculture[107]. À leur avis, il n'est pas possible de mettre en place un cadre adéquat conforme à la Loi sur les pêches et pour régler ce problème, entre autres les témoins ont demandé à l’unanimité au gouvernement fédéral d’adopter une loi nationale sur l’aquaculture. Le Comité fait remarquer que cette recommandation avait déjà été formulée dans son rapport de 2003 sur l’aquaculture[108].

Recommandation 5

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada élabore un cadre stratégique et réglementaire national pour l'aquaculture, y compris une loi sur l'aquaculture.

Des témoins ont appuyé avec conviction la nécessité que le Canada se tourne vers l’aquaculture en parcs clos. Les représentants de l’industrie ont affirmé sans l’ombre d’un doute que l’adoption d’une loi visant à imposer la transition vers l’aquaculture en parcs clos pourrait être extrêmement dommageable pour l’industrie canadienne de l’aquaculture. Par exemple, Ruth Salmon, directrice administrative à l’Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture, a déclaré :

Si cela devenait obligatoire, l’industrie serait peut-être même incapable de survivre, et les producteurs chercheraient à déplacer leurs activités ailleurs. Cela pourrait avoir un effet dramatique […] N’empêche que l’industrie pourrait aussi mourir, parce que ce serait physiquement impossible de déplacer une production de 40 000 tonnes métriques de poissons sur terre[109].

Les plus ardents défenseurs d’une transition complète vers l’aquaculture en parcs clos, qui soutenaient la faisabilité de cette transition, estimaient tout de même qu’il faudrait compter au moins 10 ans pour qu’elle se fasse[110].

CONCLUSION

Au cours de son étude, le Comité a été exposé à de nombreuses opinions et positions au sujet du développement de l'aquaculture du saumon de l'Atlantique au Canada. Les présentations sur la technologie, la santé du poisson, les préoccupations environnementales, les avantages socioéconomiques et bien d'autres questions ont permis aux membres du Comité de comprendre que la salmoniculture est une industrie importante et complexe qui constitue pour le Canada une source importante d'activité économique dans des collectivités rurales et qui contribue à répondre à la demande mondiale de protéines issues des produits de la mer — une demande à laquelle il serait impossible de répondre grâce aux seules pêches sauvages. Ruth Salmon a déclaré que « la production issue des méthodes traditionnelles de capture ne va pas croître [et] pour satisfaire à la demande de poissons et de fruits de mer des marchés au Canada et à l'étranger, [les produits] doivent provenir de l’aquaculture[111] ». Ces commentaires ont été repris par Bill Taylor qui a affirmé que « [l]e concept d'élever des poissons pour l'alimentation humaine est logique et élimine les pressions exercées sur les stocks de poissons sauvages[112] ».

Le Comité reconnait que la salmoniculture est une industrie relativement nouvelle au Canada, puisqu'elle n’existe que depuis les années 1980. Le Comité a observé un certain ralliement des opinions au sein d’un large groupe diversifié d’intervenants. Par exemple, les représentants de l’industrie reconnaissent que leurs activités ont des répercussions sur l’environnement, et les représentants des groupes environnementaux conviennent que l’industrie a fait beaucoup de chemin au cours des 10 dernières années sur le plan des pratiques de gestion de l’environnement. L'avenir de cette industrie est solide compte tenu de notre avantage concurrentiel et de nos possibilités de diversification grâce à la technologie permettant de renforcer le Canada rural. Cependant, nous avons encore beaucoup de choses à apprendre.

Recommandation 6

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, soutenu par l'industrie, établisse dans une université un centre canadien d'excellence de la salmoniculture afin d'étudier tous les aspects du développement de la salmoniculture, notamment ses impacts sur les collectivités environnantes.

Les membres du Comité ne doutent pas que les projets pilotes en cours démontreront la viabilité commerciale des technologies en parcs clos pour la salmoniculture. Le Comité estime que l’aquaculture en parcs clos, qui fait partie d’un ensemble de technologies différentes, peut contribuer au développement d’une industrie de l’aquaculture prospère et durable au Canada. Le Comité comprend la nécessité de mettre en place des politiques et des programmes appropriés afin que le Canada mette à profit ses atouts et exploite tout le potentiel économique de l’industrie de l’aquaculture.


[1]             Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Rôle fédéral en aquaculture au Canada, Ottawa, avril 2003.

[2]             Le Comité a recommandé : « Que le gouvernement investisse dans des recherches sur les impacts environnementaux des cages en filet et sur l’amélioration des techniques de confinement. Ces nouveaux systèmes devraient être graduellement mis à l’essai. », Ibid., p. 51.

[3]             Pêches et Océans Canada, Faits et chiffres saillants sur l'aquaculture au Canada.

[4]             Statistique Canada, Statistiques d’aquaculture, no 23-222-X au catalogue 2010, p. 14.

[5]             Ministère des Pêches et des Océans, Effet socio-économique de l’aquaculture au Canada, 2010, p. 8.

[6]             Ibid., p. 10.

[7]             Atlantic Canada Fish Farmer's Association, Fish Farming: Atlantic Canada's Vibrant and Thriving Industry [en anglais seulement].

[8]             Ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique, Salmon Aquaculture in British Columbia, 2010 Quick Facts [en anglais seulement].

[9]             Ministère des Pêches et des Océans, Effet socio-économique de l’aquaculture au Canada, 2010, p. 8.

[10]           Atlantic Canada Fish Farmer's Association, Fish Farming: Atlantic Canada's Vibrant and Thriving Industry [en anglais seulement].

[11]           Ministère des Pêches et des Océans, Effet socio-économique de l’aquaculture au Canada, 2010, p. 41.

[12]           Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Département des pêches et de l’aquaculture, Collections statistiques de la pêche, Production mondiale, 2009, FAO, annuaire Statistiques des pêches et de l’aquaculture, Résumés, 2009.

[13]           Statistique Canada, Statistiques d’aquaculture, no 23-222-X au catalogue, 2010, p. 18.

[14]           Ibid., 2009, p. 11.

[15]           Ministère des Pêches et des Océans, Effet socio-économique de l’aquaculture du Canada, 2010, p. 9; et Agriculture et Agroalimentaire Canada, Affaires internationales, Poisson et fruits de mer, Feuillets de renseignements, Saumon d’élevage.

[16]           Clare Backman, directeur, Durabilité, Marine Harvest Canada, Témoignages, 1er novembre 2011.

[17]           AgriMarine Industries Inc., mémoire, 1er décembre 2011.

[18]           Robert Walker, président, AgriMarine Industries Inc., Témoignages, 1er décembre 2011.

[19]           Ministère des Pêches et des Océans, mémoire, 27 octobre 2011.

[20]           Andrew Wright, Ph. D., conseiller en technologies, SOS Marine Conservation Foundation, Témoignages, 12 mai 2010.

[21]           Clare Backman, Témoignages, 1er novembre 2011.

[22]           Daniel Stechey, président, Canadian Aquaculture Systems Inc., Témoignages, 1er novembre 2011.

[23]           John Holder, président, JHL Consulting, Témoignages, 24 novembre 2011.

[24]           AgriMarine Sustainable Aquaculture Systems, communiqué, « AgriMarine Announces First Salmon Harvest from Canadian Demonstration Site », 27 mars 2012. [En anglais seulement]

[25]           Robert Walker, Témoignages, 1er décembre 2011.

[26]           Clare Backman, Témoignages, 1er novembre 2011.

[27]           Ibid., et notes d’allocution, 1er novembre, 2011.

[28]           Robert Walker, Témoignages, 1er décembre 2011.

[29]           Ruth Salmon, directrice exécutive, Alliance de l’industrie canadienne de l’aquaculture, Témoignages, 1er novembre 2011.

[30]           AgriMarine Sustainable Aquaculture Systems, AgriMarine Signs Letter of Intent with Marine Harvest Norway, 12 février 2012. [En anglais seulement]

[31]           Clare Backman, Témoignages et notes d’allocution, 1er novembre 2011.

[32]           Par exemple : Ruth Salmon et Daniel Stechey, Témoignages, 1er novembre 2011.

[33]           Commission d’enquête sur le déclin des populations de saumon rouge du fleuve Fraser, Rapport final, 2012, http://www.cohencommission.ca/fr/RapportFinal/.

[34]           Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Rôle fédéral en aquaculture au Canada, Ottawa, avril 2003, p. 33‑62.

[36]           Par exemple : Eric Hobson, président, SOS Marine Conservation Foundation, Témoignages, 22 novembre 2011.

[37]           Colin Brauner, Ph. D., professeur, département de zoologie, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel, Témoignages, 8 décembre 2011.

[38]           David Lane, directeur général, T. Buck Suzuki Environmental Foundation, Témoignages, 17 novembre 2011.

[39]           Lawrence Dill, Ph. D., professeur émérite, département des sciences biologiques, Université Simon Fraser, Témoignages, 12 mai 2010.

[40]           Canadian Aquaculture Industry Association, mémoire.

[41]           Jay Parsons, Ph. D., directeur, Direction des sciences de l’aquaculture, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 6 février 2012.

[42]           Bill Robertson, directeur général, Centre des sciences de la mer Huntsman, Témoignages, 13 février 2012.

[43]           Inka Milewski, conseillère scientifique, Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick, Témoignages, 29 novembre 2011.

[44]           Kelly Roebuck SeaChoice, Témoignages, 6 décembre 2011, en référence au matériel qui figure sur le site Web de la Coastal Alliance for Aquaculture Reforme; Aquaculture, Closed Containment Technologies and Energy Consumption Backgrounder. [En anglais seulement]

[45]           Conseil canadien des ministres des pêches et de l'aquaculture, Initiative nationale pour des plans d'action stratégiques en aquaculture, 2011-2015 : Plan d'action stratégique Secteur des Poissons marins de la côte ouest, 16 décembre 2010, p. 14.

[46]           Andrew Wright, Témoignages et présentation PowerPoint, 17 novembre 2011.

[47]           Ministère des Pêches et des Océans, Effet socio-économique de l’aquaculture au Canada, 2010, p. 19.

[48]           Statistique Canada, Statistiques d’aquaculture, no 23-222-X au catalogue, 2010, p. 14.

[49]           Ministère des Pêches et des Océans, Effet socio-économique de l’aquaculture au Canada, 2010, p. 19.

[50]           Neil Smith, gestionnaire, Ville de Port McNeill, Témoignages, 29 février 2012; et Brenda Patterson, Membre, St. Mary's Bay Coastal Alliance, Témoignages, 15 février 2012.

[51]           Ruth Salmon, Témoignages, 1er novembre 2011.

[52]           Gerry Furney, maire de Port McNeill, Témoignages, 29 février 2012.

[53]           Ibid.

[54]           Catherine Stewart, directrice de campagne, Living Oceans Society, Témoignages, 8 décembre 2011; Catherine Emrick, associée principale, Tides Canada Foundation, Témoignages, 24 novembre 2011 et David Lane, Témoignages, 17 novembre 2011.

[55]           St. Mary's Bay Coastal Alliance, Témoignages, 15 février 2011.

[56]           Kevin Stringer, sous-ministre adjoint, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 27 octobre 2011.

[57]           Gerry Furney, Témoignages, 29 février 2012.

[58]           William Cranmer (chef, Première Nation de ‘Namgis), Témoignages, 22 novembre 2011.

[59]           Richard Harry, président, Aboriginal Aquaculture Association, Témoignages, 28 octobre 2010.

[60]           Catherine Emrick, Témoignages, 24 novembre 2011.

[61]           Daniel Stechey, Témoignages, 1er novembre 2011.

[62]           Neil Smith, Témoignages, 29 février 2012.

[63]           Daniel Stechey, Témoignages, 1er novembre 2011.

[64]           Colin Brauner , Témoignages, 8 décembre 2011.

[65]           Alistair Struthers, chef d’équipe, Innovation, Direction générale de la gestion de l’aquaculture, Pêches et Océans, Témoignages, 6 février 2012.

[66]           Eric Hobson, Témoignages, 22 novembre 2011.

[67]           Steven Summerfelt, Ph. D., Institut des eaux douces, présentation de diapositives durant les déplacements du Comité, du 6 au 8 mars 2012. [Traduction]

[68]           Daniel Stechey, Témoignages, 1er novembre 2011.

[69]           John Holder, Témoignages, 24 novembre 2011.

[70]           D. Boulet, A. Struthers et E. Gilbert, Pêches et Océans Canada, Étude de faisabilité financière de différentes options de parcs clos pour le secteur de l’aquaculture en Colombie-Britannique, septembre 2010.

[71]           A. Wright and N. Arianpoo, Technologies for Viable Salmon Aquaculture: An Examination of Land-Based Closed Containment Aquaculture, mai 2010. [En anglais seulement]

[72]           Steven Summerfelt, présentation de diapositives durant les déplacements du Comité, du 6 au 8 mars 2012, [en anglais seulement].

[73]           Eric Hobson, Témoignages, 22 novembre 2011.

[74]           Catherine Stewart, Témoignages, 8 décembre 2011.

[75]           Andrew Wright, Témoignages, 17 novembre 2011.

[76]           Eric Hobson, Témoignages, 22 novembre 2011; et Andrew Wright, Témoignages, 17 novembre 2011.

[77]           Blendle Scott, vice-président, Innovation et chaîne d’approvisionnement, Overwaitea Food Group, Témoignages, 6 décembre 2011.

[78]           Ibid.

[79]           Guy Dean, vice-président, Import et Export, Albion Fisheries Ltd., Témoignages, 6 décembre 2011.

[80]           Ibid.

[81]           Catherine Stewart, Témoignages, 8 décembre 2011.

[82]           Steven Summerfelt, communication de suivi, 21 mars 2012.

[83]           Conseil canadien des ministres des pêches et de l’aquaculture, Initiative nationale pour des plans d’action stratégiques en aquaculture, 2011-2015 : Plan d’action stratégique Secteur des poissons marins de la côte Ouest, 16 décembre 2010, p. 13.

[84]           Colin Brauner, Témoignages, 8 décembre 2011.

[85]           Steven Summerfelt, commentaires à l’intention du Comité, du 6 au 8 mars 2012. [Traduction]

[86]           Steven Summerfelt, communication de suivi au Comité, 21 mars 2012.

[87]           Clare Backman, Témoignages, 1er novembre 2011.

[88]           Steven Summerfelt, communication de suivi au Comité, 8 mars 2012. [Traduction]

[89]           Rapport Jenkins, Innovation Canada : Le pouvoir d’agir, Examen du soutien fédéral de la recherche-développement — Rapport final du groupe d’experts, octobre 2011 (Recommandation 4).

[90]           Maria Aubrey, première vice-présidente, Exploitation, Technologies du développement durable du Canada, Témoignages, 24 novembre 2011.

[91]           Clare Backman, Témoignages, 1er novembre 2011.

[92]           Steven Summerfelt, communication de suivi au Comité, 8 mars 2012 et 21 mars 2012. [Traduction]

[93]           Bill Robertson, Témoignages, 13 février 2012.

[94]           Thierry Chopin, Ph. D., directeur scientifique, Réseau canadien d’aquaculture intégrée multi-trophique et Andrew Storey, président-directeur général, Open Ocean Systems Inc., Témoignages, 13 février 2012.

[95]           John Holder, Témoignages, 24 novembre 2011.

[96]           Andrew Wright, Témoignages, 17 novembre 2011.

[97]           Pêches et Océans Canada, Témoignages, 27 octobre 2011; et Andrew Wright, Témoignages, 17 novembre 2011.

[98]           John Holder, Témoignages, 24 novembre 2011.

[99]           David Lane, Témoignages, 17 novembre 2011.

[100]         Steven Summerfelt, communication de suivi au Comité, 21 mars 2012.

[101]         John Holder, Témoignages, 24 novembre 2011.

[102]         Andrew Wright , Témoignages, 17 novembre 2011.

[103]         Steven Summerfelt, Communication de suivi au Comité, 23 avril 2012.

[104]         Ibid. [Traduction]

[105]         Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Rôle fédéral en aquaculture au Canada, Ottawa, avril 2003, p. 26.

[106]         Morton v. British Columbia (Agriculture and Lands), 2009 BCSC 136. [En anglais seulement]

[107]         Clare Backman, Témoignages, 1er novembre 2011.

[108]         Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Rôle fédéral en aquaculture au Canada, Ottawa, avril 2003, p. 20-22.

[109]         Ruth Salmon , Témoignages, 1er novembre 2011.

[110]         Eric Hobson , Témoignages, 22 novembre 2011.

[111]         Ruth Salmon , Témoignages, 1er novembre 2011.

[112]         Bill Taylor, président, Fédération du saumon de l’Atlantique, Témoignages, 15 novembre 2011.