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Merci, monsieur le président, membres du comité, de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui au sujet du projet de loi au nom de l'Institut du mariage et de la famille Canada, organisme de réflexion sur les politiques sociales qui effectue des recherches sur les questions intéressant la famille canadienne.
La semaine dernière, une nouvelle étude examinée par des pairs a été publiée dans une revue savante au sujet de l'intimidation. Ses auteurs ont examiné le lien entre les dommages que cause l'intimidation durant l'enfance et le risque accru de problèmes de santé mentale au début de l'âge adulte. L'intimidation peut avoir des conséquences extrêmement graves.
Dans mon examen des études et dans mes relations avec les parents, je constate que les parents d'enfants ayant fait l'objet d'intimidation témoignent d'un niveau élevé d'anxiété et d'un sentiment d'impuissance. Bon nombre des efforts que nous déployons pour éradiquer la cyberintimidation me font penser à quelqu'un qui voudrait arbitrer un match de soccer de l'extérieur du stade. En qualité de parents et d'adultes intéressés, nous préparons nos enfants mais savons qu'ils doivent se débrouiller tout seuls dès qu'ils entrent dans le monde virtuel. C'est comme si nous étions condamnés à suivre le match de soccer en regardant par un trou percé dans la palissade. Les adultes attentionnés sont largement absents du monde virtuel des enfants et des adolescents, ce que savent fort bien les persécuteurs qui ont les coudées franches quand les adultes sont absents.
Théoriquement, faire subir aux persécuteurs tout le poids du Code criminel semble procéder de notre souci d'une justice populaire, mais cela simplifie ce qui est souvent une problématique très complexe dans la mesure où de nombreux persécuteurs sont aussi des victimes. Sur le plan fonctionnel, le droit pénal constitue l'étape extrême dans toute une série d'interventions possibles contre les persécuteurs d'enfants et d'adolescents, le groupe dont je veux parler aujourd'hui.
Le Code criminel peut protéger les victimes et la communauté contre l'escalade du mal, mais c'est un outil très particulier qu'on ne doit employer que dans des circonstances limitées. Avant même de parler des mérites du projet de loi et des préoccupations qu'il suscite chez moi, je tiens à mentionner deux limites à l'application du Code criminel qui devraient fonder nos attentes sur ce qu'il peut permettre d'accomplir.
L'utilisation du Code criminel ne fera pas disparaître l'intimidation.
Premièrement, le droit pénal ne convient pas à la nature de l'intimidation, qui est foncièrement une relation humaine exigeant une intervention relationnelle. Selon le psychologue clinique et développemental canadien Gordon Neufeld, l'intimidation est un comportement instinctif, social et émotif. Tout comme les adultes, les enfants s'attachent à autrui pour former des relations d'octroi et d'obtention d'attention, ce qu'on peut facilement constater en regardant des enfants jouer. Selon Neufeld, ces hiérarchies qui se forment naturellement stimulent la volonté de prendre soin des autres mais, alors que l'instinct naturel devrait favoriser l'empathie, le persécuteur, qui a souvent subi ses propres traumatismes émotionnels, est poussé à exposer et à exploiter les faiblesses apparentes de l'autre. Déconstruire un persécuteur prend du temps et exige du capital relationnel.
Deuxièmement, le Code criminel est d'une efficacité limitée pour prévenir et dissuader les jeunes cyberpersécuteurs. Comme l'a dit dans son rapport Wayne MacKay, président du groupe de travail de la Nouvelle-Écosse sur l'intimidation et la cyberintimidation, « le droit pénal, qui est certes nécessaire et utile dans certains cas graves, est un outil limité et souvent inefficace contre le problème social de l'intimidation ».
Le professeur MacKay souligne que l'impact du droit pénal sur la prévention et la dissuasion des jeunes est limité. D'ailleurs, jusqu'à très récemment, le principe de dissuasion normalement associé à la sanction pénale ne figurait pas dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, en partie à cause de cette hypothèse voulant que les sanctions pénales sont moins susceptibles d'avoir un effet dissuasif sur les adolescents.
Le criminologue américain Thomas Holt a bien résumé la situation en disant qu'on « peut difficilement croire qu'un jeune de 14 ans pouvant envoyer des textos avec un téléphone cellulaire aura en tête la loi sur la cyberintimidation quand il communiquera avec ses pairs ».
La meilleure réponse à l'intimidation est une réponse communautaire associant les parents, les adultes attentionnés tels que les enseignants, ainsi que les enfants et les adolescents. Des recherches ont montré que le milieu familial et le milieu scolaire sont essentiels pour prévenir escalade de l'intimidation.
Des relations authentiques entre jeunes et adultes sont essentielles pour protéger les victimes et démasquer les persécuteurs. Justin Patchin, criminologue du Cyberbullying Research Center américain qui a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne du Canada, a dit ailleurs que « la très grande majorité des incidents de cyberintimidation peut et devrait être réglée de manière informelle, avec les parents, les écoles et autres oeuvrant ensemble pour régler le problème avant qu'il n'atteigne le niveau d'une infraction pénale ». Mais il y a évidemment certaines situations où le Code criminel est nécessaire pour protéger les victimes et la collectivité contre l'escalade des dommages.
Quels sont les mérites du projet de loi ?
Premièrement, il fait entrer certaines dispositions du Code criminel dans le XXIe siècle en tenant compte des outils de communication contemporains. D'aucuns affirment que le Code criminel a une portée déjà suffisamment large pour réprimer l'intimidation électronique, notamment par l'article 264. Modifier l'article 264 n'est donc peut-être pas nécessaire.
Deuxièmement, les modifications sont modestes et clarifient des dispositions existantes du Code criminel plutôt que de proposer de nouvelles dispositions pénales non testées.
Finalement, cependant, la mise en oeuvre du projet de loi suscite aussi de sérieuses préoccupations.
Premièrement, on peut s'attendre à ce que cette clarification du Code criminel signifie qu'il sera invoqué plus fréquemment. Or, un recours accru à ces dispositions risque de faire entrer dans l'appareil de justice pénale un plus grand nombre d'adolescents dont beaucoup seraient sans doute traités de manière plus efficace en dehors du système judiciaire.
Deuxièmement, le comité devrait se demander quelle sera l'incidence d’un recours accru au Code criminel sur les mesures que prennent les écoles contre l'intimidation. Se pourrait-il que le caractère contradictoire du processus judiciaire étouffe les réactions communautaires à l'intimidation?
Finalement, il n'est pas encore prouvé qu’une loi peut réduire l'intimidation. Aux États-Unis, bien que le plus de 120 textes de loi aient été adoptés entre 2000 et 2010, essentiellement dans les États, le problème semble être aussi présent que jamais.
En conclusion, l'intimidation parmi les enfants et les adolescents exige une réaction communautaire. Dans certains cas, la cyberintimidation peut atteindre un niveau tel qu'il devient nécessaire d'avoir recours au Code criminel pour protéger les victimes et la collectivité. Le projet de loi semble être une modernisation modeste des dispositions pertinentes du Code criminel, mais à quel prix?
Le comité devrait se demander si un recours accru au Code criminel ne risque pas de paralyser les réactions de la communauté, notamment en attirant un plus grand nombre d'adolescents dans l'appareil de justice pénale.
Réglementer l'espace virtuel est difficile. La meilleure solution consiste à donner aux parents, aux enseignants et aux enfants et adolescents eux-mêmes le pouvoir d'oeuvrer ensemble.
Merci.
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Merci beaucoup de nous avoir invités à témoigner au sujet de ce problème croissant et troublant qui affecte tant de nos jeunes. Nous félicitons le comité permanent d'avoir entrepris ce travail.
Avant d'exposer les recommandations de notre fédération, permettez-moi de vous donner un bref aperçu de notre organisation et de ce que nous faisons depuis six ans au sujet de la cyberintimidation.
La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants est un organisme de tutelle bilingue composé de 15 organisations membres et d'un membre affilié, représentant près de 200 000 enseignants de tout le Canada. Nous faisons partie d'une organisation internationale, l'Internationale de l'éducation, qui représente plus de 30 millions d'enseignants dans le monde entier.
La FCE a commencé à s'intéresser à la cyberintimidation en 2007, année où un nombre croissant d'enseignants ont commencé à signaler de tels incidents dans leurs écoles. Ces incidents n'étaient pas seulement catastrophiques pour les élèves visés, ils étaient également dommageables pour les écoles concernées et pour le milieu d'enseignement. Des enseignants ou enseignantes sont également devenus la cible de telles attaques injustifiées, ce qui a encore plus détérioré un milieu d'apprentissage qui devrait être sécuritaire.
En 2008, après de nombreux mois de recherche, de discussions et de coopération, les organisations membres de la FCE ont adopté une politique exhaustive sur la cyberintimidation. Notre définition de la cyberintimidation est la suivante : utilisation des technologies d'information et de communication pour intimider, embarrasser, menacer ou harceler une autre personne. Cette définition inclut également l'utilisation de ces technologies pour se conduire ou se comporter de manière dérogatoire, diffamatoire, dégradante ou illégale.
Les principes fondamentaux de notre politique sont fondés sur la prémisse qu'établir des écoles sécuritaires et attentionnées devrait être une priorité nationale; que nous avons tous, dans notre société, le devoir d'assurer des lieux d'apprentissage et un cyberespace sûrs et respectueux pour nos enfants; et qu'il convient d'assurer un juste équilibre entre la liberté d'expression et le droit des parents et des enseignants d'assurer une expérience d'apprentissage en ligne positive pour les élèves. Je ne fais que paraphraser ces principes fondamentaux, bien sûr.
Notre politique repose sur une double approche axée sur des initiatives d'éducation et de protection. On y trouve également des recommandations sur les rôles et responsabilités des élèves et des parents, des enseignants, des conseils scolaires, des gouvernements et des fournisseurs de sites Web ou de services électroniques.
Vous trouverez dans notre mémoire des informations sur un sondage d'opinion national que nous avons effectué en 2010 sur la cyberintimidation. Je ne vais pas dans les détails aujourd'hui, je souligne simplement que trois quarts des Canadiens savaient alors ce qu'est la cyberintimidation, et qu'un tiers connaissait un jeune ayant fait l'objet de cyberintimidation.
Étant donné la couverture médiatique dont ont fait l'objet d'autres enquêtes similaires depuis lors, ces pourcentages sont fort probablement beaucoup plus élevés aujourd'hui. Selon un rapport Ipsos Inter@ctive Reid publié en décembre dernier, un adolescent sur cinq en ligne affirme avoir assisté à de l'intimidation d'une personne qu'il connaît sur des sites de réseaux sociaux.
On ajoute dans ce rapport que la propriété de téléphones intelligents a augmenté de 18 % depuis 2012, pour atteindre 43 %, ce qui se traduit par un transfert de la cyberintimidation vers l'intimidation mobile. Autrement dit, nous sommes déjà entrés dans la phase suivante de ce problème, ce qui montre qu'il évolue constamment et appelle une action concertée.
J'aimerais me concentrer aujourd'hui sur une question particulière que nous nous devons d'examiner très attentivement, la santé mentale de nos élèves. Le lien entre l'intimidation et les problèmes de santé mentale a été maintes fois identifié par les chercheurs.
Selon le Dr Patrick Baillie de la Commission de la santé mentale du Canada, il existe un lien entre l'intimidation et la santé mentale. Selon lui, des antécédents de victimisation et de mauvaises relations sociales permettent de prédire le déclenchement de problèmes émotionnels chez les adolescents, et l'existence de problèmes émotionnels récurrents est reliée de manière significative à une future victimisation.
La semaine dernière, JAMA Psychiatry, une revue savante internationale vérifiée par les pairs, a publié une nouvelle étude montrant que les victimes d'intimidation à l'école, et les persécuteurs eux-mêmes, sont plus susceptibles de connaître des problèmes psychiatriques durant l'enfance. Les chercheurs ont constaté que le risque accru de trouble psychiatrique se prolonge à l'âge adulte, parfois même pendant une décennie après la fin de l'intimidation.
Les experts affirment que cette nouvelle étude représente l'effort le plus exhaustif jamais effectué pour cerner les conséquences à long terme de l'intimidation durant l'enfance. Les chercheurs ont conclu que les victimes d'intimidation dans l'enfance sont 4,3 fois plus susceptibles de souffrir de troubles de l'anxiété à l'âge adulte que les personnes n'ayant pas causé ou subi d'intimidation.
De plus, une longue suite d'études a montré une corrélation directe entre l'intimidation, les problèmes de santé mentale et les résultats scolaires. Comment un élève peut-il apprendre efficacement s'il craint pour sa sécurité?
Les enseignants souhaitent intervenir le plus tôt possible mais ils ont besoin de l'appui des gouvernement fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi que des conseils scolaires.
Il est temps que les gouvernements, les organismes d'enseignement et les fournisseurs privés de TIC entament une conversation nationale. Il est temps que l'industrie entende directement les problèmes auxquels les écoles, les familles et les collectivités font face quand elles veulent s'attaquer à la cyberintimidation. Il est temps que les parties prenantes entendent directement ce que font les fournisseurs de TIC pour lutter contre ce problème, et à quoi ils sont prêts à s'engager au titre de leurs responsabilités. Les gouvernements se doivent de jouer leur rôle pour réunir les parties afin de faciliter le changement.
La FCE a présenté des mémoires à plusieurs reprises à des comités parlementaires et au Sénat, et ses représentants ont rencontré des fonctionnaires de Justice Canada pour réclamer des modifications au Code criminel au sujet du harcèlement, de la traque et de l'intimidation en ligne. Nous avons formulé un certain nombre de recommandations que nous souhaitons porter maintenant à votre attention.
Les enseignants demandent au gouvernement du Canada de prendre acte de l'impact extrême du mauvais usage de la technologie, tel qu'il s'exprime dans la cyberinconduite et la cyberintimidation, en forgeant des partenariats avec le Conseil des ministres de l'éducation du Canada, l'Association canadienne des commissions et conseils scolaires, et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, et en appuyant la formulation d'une stratégie nationale pour s'attaquer aux problèmes de santé mentale des enfants et adolescents dans les écoles canadiennes.
Nous demandons aussi l'appui du gouvernement du Canada pour une campagne de sensibilisation et d'éducation du public sur le comportement acceptable en ligne et la prévention de la cyberintimidation; des modifications au cadre réglementaire de classement des films et des jeux vidéo afin de réduire le risque de vente de produits excessivement violents à des enfants ou adolescents; des modifications au Code criminel du Canada pour exprimer clairement que l'utilisation des technologies de communication et d'information pour transmettre un message comportant une menace de mort ou de blessure corporelle, ou perpétuant la crainte et l'intimidation d'une autre personne, constitue une infraction passible de sanctions; l'adoption d'une nouvelle législation sur les technologies de communication et d'information, la cyberinconduite et la cyberintimidation, dans le but de protéger les enseignants, les élèves et les autres; et la facilitation par voie réglementaire et législative d'un incitatif pour un dialogue national avec les fournisseurs de TCI dans le but d'amener les secteurs privé et public à faire cause commune contre la cyberintimidation.
Cela constituerait un pas en avant considérable pour mettre fin à la cyberintimidation. Comme on l'a récemment suggéré à l'occasion de la publication de la stratégie sur la santé mentale pour le Canada par la CSMC, le gouvernement devrait appuyer l'élaboration d'une stratégie nationale contre l'intimidation, y compris la cyberintimidation. Une première étape consisterait à orchestrer un symposium national de parties prenantes du monde de l'éducation et de leaders communautaires à l'occasion duquel des premières mesures seraient prises pour assurer une approche uniforme à l'échelle nationale.
Conformément à l'engagement du Canada envers la Déclaration des droits de l'enfant, des Nations Unies, chaque enfant, quel que soit l'endroit où il habite au Canada, a le droit de vivre dans une communauté et d'étudier dans une école qui est un lieu sécuritaire.
Les enseignants canadiens désirent des milieux d'apprentissage et d'enseignement sains, mais nous avons besoin de l'appui des instances politiques pour les garantir.
Merci.
Permettez-moi de préciser d'emblée que je ne suis pas un universitaire. Je suis le père d'une fille adolescente et d'un fils. Je suis aussi un enseignant d'école intermédiaire. J'ai enseigné pendant de nombreuses années dans différentes régions du Canada. Ayant des adolescents à la maison et étant chargé d'enseigner dans une école intermédiaire, tout ce qui concerne les enfants occupe une place importante dans ma vie, notamment la cyberintimidation. Vous avez déjà entendu des universitaires à ce sujet, et j'ai le plus grand respect pour leur travail. Je les respecte et les admire, et je suis fier que la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants ait jugé bon d'inclure un peu de mon propre travail dans certaines de ses publications. Cela dit, voici mon exposé.
Je l'ai intitulé « La cyberintimidation : ce que nous en savons, ce qu'il faudrait faire ». Mon action au sujet de la cyberintimidation a débuté il y a 13 ans quand j'ai créé et lancé le site Web bullying.org en réponse à un événement horrible qui s'était produit dans une école secondaire de l'Alberta où un jeune homme était entré sur les lieux et avait causé la mort d'un élève. Or, à la différence de Columbine, qui n'avait rien à voir avec la cyberintimidation, celle-ci figurait au premier plan dans ce cas. En tant que père, en tant qu'enseignant et en tant que citoyen, j'ai tout simplement considéré que je me devais de faire quelque chose. J'ai donc créé le site Web bullying.org comme lieu sécuritaire où les jeunes peuvent trouver de l'aide, de l'appui et de l'information. Au fond, c'est surtout un lieu où ils peuvent se faire entendre par des histoires, de la poésie, du travail d'art, de la musique, des bandes vidéo. En fait, des gens téléchargeaient des bandes vidéo sur notre site avant même qu'on ait inventé YouTube. Nous avons lu tous les mémoires et toutes les réponses.
Il y a plus d'une décennie, peu après l'entrée en service du site Web, nous avons commencé à lire des histoires de jeunes disant qu'ils se faisaient intimider en ligne. Ces histoires provenaient de régions différentes du monde, comme l'Asie, la Scandinavie ou le Royaume-Uni. La raison en est que leurs téléphones intelligents étaient largement en avance sur les nôtres. Je me suis dit qu'il y avait là quelque chose de nouveau et de différent et je me suis donc inspiré de l'auteur de science-fiction canadien William Gibson, celui qui a inventé l'expression « cyberespace », pour dire que, puisqu'il s'agissait d'intimidation exercée dans le cyberespace, on pourrait parler de « cyberintimidation ».
J'ai proposé cette définition il y a bien des années et elle a assez bien résisté au passage du temps, même si je sais que les universitaires ne cessent d'en débattre les nuances. Ce qui fait qu'une action constitue de l'intimidation, c'est qu'elle est délibérée, qu'elle est répétée et qu'elle est destinée à nuire à autrui. Ce qui se passe ici, c'est qu'elle est exercée dans l'espace virtuel au moyen des diverses technologies de l'information. C'est pour cette raison que j'ai conçu cette définition.
Je me suis dit que je pourrais résumer cela au moyen de gazouillis. Je suis sûr que la plupart d'entre vous connaissez les gazouillis, qui sont des messages courts d'un maximum de 140 caractères. J'ai donc pensé que je pourrais présenter mes principaux arguments sous forme de gazouillis.
Je pense qu'il faut repenser l'intimidation comme un problème. Il faut examiner clairement ce qu'est réellement la cyberintimidation. Il faut comprendre que la réaction doit être fortement axée sur la famille. Il faut comprendre, à mon avis, que la prévention est la priorité. Cette loi, ce projet de loi, aura probablement des répercussions sur le monde des adultes mais je pense que son effet sur le monde dans lequel je vis, celui des adolescents, sera au mieux modeste. Je pense donc que la prévention doit être notre priorité.
Je pense que nous, les adultes, devons comprendre qu'il n'y a pas de chromosome B. On ne naît pas persécuteur. L'intimidation est un comportement appris. Nous, les adultes, et moi-même comme père, comme enseignant et comme citoyen, devons devenir beaucoup plus conscients de nos propres actions et comportements, parce que les enfants et les adolescents n'apprennent pas nécessairement à partir de ce que nous leur disons ou enseignons. Ils sont beaucoup plus portés à émuler les comportements que nous leur présentons, que ce soit en personne ou en ligne.
Nous devons former les enseignants. Je suis fier d'être membre de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants et de la Alberta Teachers’ Association, mais je peux vous dire que la très grande majorité des enseignants du Canada, quand ils vont à l'université, n'apprennent rien sur l'intimidation. C'est comme si l'on formait des infirmières et des médecins sans leur apprendre comment aider les gens à faire face à la grippe, ce qui serait impensable aujourd'hui. Telle était la situation lorsque j'ai obtenu mon diplôme d'un excellent programme de formation d'enseignants, d'une durée de quatre ans, et telle est malheureusement encore la situation pour de nombreux jeunes sur le point d'obtenir leur diplôme. Cela doit changer.
Quand on réfléchit à ce qu'est réellement la cyberintimidation, du point de vue des enfants, et qu'on réfléchit à l'incidence que pourrait avoir ce projet de loi, il faut bien comprendre quel est l'état d'esprit des enfants qui se comportent de cette manière. Je sais que des adultes ont également fait l'objet de cyberintimidation, mais je suis père et enseignant et ma priorité est donc d'agir auprès des enfants.
J'appelle ça la tempête parfaite, l'idée de la cybercitoyenneté ou de ce que ça signifie qu'être un citoyen du numérique, et le monde des entreprises doit faire partie de la solution, et de ce que j'appelle l'alignement des roues.
Je vais essayer de présenter ces choses-là rapidement, et je vous demande par avance de m'excuser si je vais vite. J'ai pour deux décennies de réflexion sur la question à vous présenter en quelques minutes et je vais faire mon possible.
Pour ce qui est de repenser la cyberintimidation, il faut comprendre que l'intimidation n'est pas un élément normal dans la vie des adolescents. Ce n'est pas un rite de passage. Nous devons repenser l'intimidation pas simplement comme un problème qui existe à l'école, comme on l'a souvent fait dans le passé, mais comme un problème de santé et de bien-être communautaire. La cyberintimidation illustre réellement cette idée car, dans la plupart des cas, c'est à l'extérieur de l'école qu'elle se produit, comme l'indiquent très clairement les recherches. Il faut affirmer très clairement que la cyberintimidation est de l'intimidation, et je suis toujours sensible au mal qu'elle peut causer. Ils n'ont pas grandi avec mais elle est incroyablement dommageable.
La cyberintimidation n'est pas tellement une question de technologie. La technologie est un amplificateur. Elle amplifie ce que nous faisons de mieux comme êtres humains mais aussi, hélas, ce que nous faisons de pire, ce qui comprend des choses comme la cyberintimidation.
À mon avis, après avoir réfléchi et agi sur cette question pendant plus d'une décennie, la cyberintimidation est en réalité une question de personnes, de relations et de choix. Un marteau peut être utilisé pour faire du mal à quelqu'un, mais il peut aussi servir à construire de beaux édifices. Ce n'est pas le marteau, le marteau Black and Decker ou Stanley, qui est le problème, et ce n'est pas non plus le téléphone cellulaire ou Facebook. Ce sont là que des outils, des outils incroyablement puissants, mais c'est ce que nous choisissons d'en faire qui constitue le vrai problème.
Si nous voulons réagir adéquatement à la cyberintimidation, il nous faut le faire dans une optique familiale. C'est nous, comme parents, et moi-même aussi, qui devons devenir beaucoup plus conscients et présents dans les activités et comportements en ligne de nos enfants. Aucun d'entre nous ne songerait jamais à donner les clés de sa voiture à son enfant en lui disant d'aller faire un tour sur le Queensway ou sur la 401, mais on voit pourtant chaque jour des parents acheter des téléphones cellulaires pour leurs enfants et leur offrir des contrats de service. Comme enseignant en technologie depuis longtemps, j'estime que le téléphone cellulaire est l'outil de communication le plus puissant de toute l'histoire de l'humanité. C'est un outil qui défait des gouvernements, littéralement, mais cela ne nous empêche pas de donner cet outil incroyablement puissant à nos enfants sans réfléchir sérieusement aux conséquences que cela pourrait avoir.
Nous devons nous concentrer sur la prévention par l'éducation et la sensibilisation. Les lois et les politiques ont un rôle à jouer mais elles ont tendance à être essentiellement réactives et punitives. Dans un sens, c'est un peu comme mettre un pansement adhésif sur une plaie ouverte : le mal a déjà été fait. Je suis sûr que vous ne serez pas surpris d'apprendre que j'estime, en tant qu'éducateur, qu'il est bien préférable de consacrer notre temps, notre énergie et nos ressources à la prévention par l'éducation.
Nous devons, en tant qu'adultes, accorder nos actes à nos paroles. Je suis enseignant en études sociales. Je ne présente pas un argument politique, je présente un argument comportemental. Quand nous entamons notre classe d'études sociales, nous commençons par parler des nouvelles. Un jour, l'un de mes étudiants m'a dit : « Monsieur Belsey, qu'est-ce que ça veut dire? » Comme enseignant, je suis rarement pris au dépourvu mais, cette fois-là, j'ai été bien en peine d'expliquer pourquoi nos dirigeants politiques se comportaient de cette manière les uns avec les autres. Et on se demande ensuite pourquoi des enfants font de la cyberintimidation. Je le répète, l'intimidation est un comportement appris. Nous devons tous, en tant qu'adultes, moi compris, mais aussi nos dirigeants aux niveaux les plus élevés, y compris à la Chambre des communes, nos représentants à Ottawa, comprendre que les enfants sont conscients de ce genre d'images. Les jeunes se souviennent et reproduisent ce que font les adultes, pas tellement ce qu'ils disent. C'est un facteur crucial.
Que pouvons-nous faire en matière d'éducation? Nous devons former les enseignants. Je l'ai déjà dit et je n'insiste pas. La plupart des enseignants ne sont pas formés alors qu'ils devraient l'être.
Que faut-il faire? Premièrement, je veux dire quelques mots sur ce qu'il ne faut pas faire. Il ne faut pas employer une démarche fondée sur la peur. Bien trop souvent, des agents de police, qui font un travail incroyablement difficile, ou des membres de la GRC, que je respecte beaucoup, sont invités à aller parler de ces questions dans les écoles. Malheureusement, si vous allez dans une école secondaire ou une école intermédiaire pour dire combien l'Internet est terrible et combien les téléphones cellulaires sont une plaie, les enfants ne vous écouteront pas. Il ne faut surtout pas essayer de leur faire peur. Ce n'est pas la bonne méthode.
Il ne faut pas non plus chasser la technologie. Des écoles se demandent en ce moment même si elles devraient autoriser les téléphones cellulaires en classe. Dans ma classe, c'est quelque chose qui arrive tout le temps. Nous utilisons nos téléphones cellulaires comme des ordinateurs de poche. Mais beaucoup d'écoles ont bien du mal à se décider à ce sujet. Google a déjà lancé des lunettes qui nous permettront d'avoir des ordinateurs vestimentaires.
En ce qui concerne l'idée de chasser les sites Web ou de chasser la technologie, nous, adultes et enseignants, n'en avons pas le temps, et il n'y a pas de solution miracle. Vous pouvez installer un filtre dans votre système scolaire ou à la maison, et vous pouvez aussi jeter un rocher au milieu de la rivière des Outaouais, cela n'empêchera pas l'eau de trouver le moyen de le contourner, tout comme le fait l'information dans le monde numérique.
Il y a une idée dont j'aime parler, appelée l'illusion du contrôle. Autrefois, seuls les enfants qui allaient à l'école avec un protecteur de poche, ceux qu'on appelait les bols ou les accros du Net, savaient ce qu'est un serveur mandataire. Aujourd'hui, tout élève du secondaire sait exactement ce qu'est un serveur mandataire ou un contourneur. Il sait comment contourner les filtres. Nous prétendons faire preuve de diligence raisonnable mais, en fait, nous nous racontons des histoires. Il faut tenir compte de la réalité pour faire face à ce problème.
Quand on pense un projet de loi ou à ce que…
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Merci, madame la présidente.
Je m'adresse à M. Belsey.
Au cours des dix dernières années, l'intimidation et la cyberintimidation ont contribué à un certain nombre de suicides, ce qui est éminemment regrettable. Pour ne citer que quelques noms, je songe à Amanda Todd, de la Colombie-Britannique, à Jamie Hubley et Mitchell Wilson, de l'Ontario, à Jenna Bowers, de la Nouvelle-Écosse, et à Marjorie Raymond, du Québec. C'est une tragédie qui n'en finit pas, et je suppose que c'est la preuve des effets terribles de la cyberintimidation.
En ce qui concerne la cyberintimidation, notre gouvernement Conservateur s'attaque déjà au problème au moyen d'initiatives non législatives comme, par exemple, la stratégie nationale de prévention de la criminalité et les programmes de prévention de l'intimidation, en plus des fonds octroyés à la GRC, à l'Agence de santé publique du Canada, à Industrie Canada et à Justice Canada.
Avec l'appui de notre gouvernement Conservateur, Lianna Macdonald, du Centre canadien de protection de l'enfance, a étendu la portée de cyberaide.ca pour faciliter la dénonciation d'images sexuelles transmises par les jeunes, que ce soit par texto ou par Internet. Ces mesures se sont ajoutées à d'autres prises au niveau provincial, comme le projet de loi 13 de l'Ontario, la Loi de 2012 pour des écoles tolérantes, et le projet de loi 56 du Québec, la Loi visant à prévenir et à combattre l'intimidation et la violence à l'école, déposée le 15 février 2012. Ce n'est pas vieux. Toutes ces mesures sont destinées à lutter contre l'intimidation dans les écoles.
Dans l'une de vos entrevues, monsieur Belsey, vous avez dit que l'intimidation est un comportement qui peut être modelé et formé, et vous avez dit que la meilleure manière d'y faire face est d'éduquer et d'informer, pas de punir.
Pouvez-vous préciser votre pensée, s'il vous plaît?
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Avec plaisir. D'ailleurs, si cela ne vous dérange pas, j'en profiterai pour aborder le point suivant que je voulais soulever dans mon exposé puisqu'il est directement relié à cette question.
Si l'on se demande comment un projet de loi peut influer sur ces comportements, on doit d'abord se demander quel est l'état d'esprit de l'adolescent. C'est ce que j'appelle la tempête idéale. Vous pouvez consulter le document que vous avez devant vous pour voir ce que nous savons du cerveau de l'adolescent.
Quand nous sommes jeunes, qui que nous soyons, nous vivons dans l'instant. Nous vivons dans l'instantané. Nous ne faisons pas très bien le lien entre cause et effet. C'est ce que les psychologues appellent la désinhibition. Quand des gens font de la cyberintimidation, ils ne voient pas le visage de la personne qu'ils persécutent. Quand on n'y pense, il y a un cerveau d'adolescent qui vit beaucoup dans l'instant, il y a ce que nous appelons des technologies synchrones, celles que préfèrent les jeunes, pour envoyer des textos et des messages instantanés, avec des curseurs qui clignotent continuellement « envoyer, envoyer, envoyer ».
Je voudrais signaler humblement et respectueusement au comité que, même si ce projet de loi est susceptible d'avoir une incidence sur le monde des adultes, quand un enfant vit dans l'instant, avec un cerveau d'adolescent qui ne fait pas très bien le lien entre cause et effet et qui utilise des technologies synchrones, des technologies de l'instant, il n'est pas surprenant que, souvent, de bons élèves, et typiquement des enfants merveilleux — parce que la plupart des enfants sont pas mal merveilleux —, en arrivent souvent à faire en ligne des choses qu'ils n’envisageraient jamais de faire dans la vie réelle. Je ne pense pas vraiment qu’une jeune fille de 14 ans qui a été larguée par son petit ami, par exemple, entre deux cours à l'école, et qui a incroyablement mal et est en colère, va s'arrêter en plein milieu de la rédaction d'un texto extrêmement méchant en se disant : « Ah, mais c'est vrai, il y a le projet de loi C-273. Je ferais mieux de ne pas envoyer ça. »
En réponse à votre question, nous devons réfléchir à ce qui se passe vraiment dans l'esprit de l'adolescent. Je sais bien qu'il y a des adultes qui font de la cyberintimidation, mais mon monde est celui des enfants. Je félicite le gouvernement pour ce qu'il a fait jusqu'à présent mais nous avons encore vraiment beaucoup de chemin à faire, et il nous faut comprendre la réalité de la cyberintimidation et ce à quoi elle ressemble.
J'espère que cela répond dans une certaine mesure à votre question.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais centrer aujourd'hui ma réflexion sur le projet de loi C-273.
Je commence par souhaiter la bienvenue à nos invités, qu'ils soient avec nous en personne ou par voie électronique.
Je tiens à dire aussi que M. Mitchell a produit un très bon rapport en novembre dernier, intitulé : « Family responses to bullying:Why governments won’t stop bullying until families step up ».
C'est à vous que je m'adresse, monsieur.
Lors de notre dernière réunion, nous avions convoqué le professeur Shariff, professeure associée au département d'études intégrées en éducation de McGill, qui a exprimé certaines réserves au sujet d'aspects apparemment incohérents du projet de loi C-273.
Le professeur Shariff et le professeur Craig ont également exprimé des préoccupations au nom de la Canadian Coalition for the Rights of Children, en disant que le projet de loi est exclusivement focalisé sur la criminalisation de certains comportements des jeunes, sans prévoir d'investissement dans des programmes de prévention et de réadaptation.
Évidemment, nous convenons tous que l'objectif visé par le projet de loi est louable : veiller à ce que les infractions existantes s'appliquent à la conduite intimidante de nature criminelle lorsqu'elle est communiquée au moyen de l'Internet. À mon avis, cependant, cela soulève un certain nombre de préoccupations que j'ai déjà mentionnées lors de la dernière réunion.
J'ai dit à cette occasion que les infractions s'appliquent généralement à un comportement particulier, même si le moyen employé, comme Internet, n'est pas précisé. Par exemple, un meurtre est un meurtre quelle que soit l'arme ou la méthode employée pour le commettre. Modifier certaines des infractions qui pourraient s'appliquer à l'intimidation, puis en exclure d'autres, par exemple à l'article 264.1 — je pense, M. Mitchell, que vous en avez parlé dans votre déclaration — comme proférer des menaces, pourrait devenir problématique. Par exemple, l'inclusion d'une référence à l'utilisation d'un ordinateur ou de l'Internet dans certaines infractions pourrait être interprétée comme signifiant que son exclusion d'autres est intentionnelle, ce qui fait que les autres infractions pourraient ne pas être interprétées comme s'appliquant à une conduite menée avec l'utilisation d'un ordinateur ou de l'Internet.
J'ai ajouté que la terminologie proposée, « l'utilisation d'un ordinateur, d'un ensemble d'ordinateurs connectés ou reliés les uns aux autres, y compris l'Internet, ou de tout moyen de communication semblable », n'est pas uniforme dans le Code criminel. À mon avis, employer deux expressions différentes au sujet du même moyen de communication pourrait être une source de confusion.
En bref, j'ai déclaré que les amendements proposés aux articles 264 et 298 dans le projet de loi C-273 ne renforceraient pas le traitement actuel dans le Code criminel de l'intimidation constituant une conduite criminelle.
Considérant vos propres remarques, monsieur, comment réagissez-vous à ces préoccupations?
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Merci, monsieur le président. Vous êtes arrivé à temps parce que j'espérais pouvoir poser quelques questions à nos invités, que je m'empresse de remercier.
Comme M. Albas le faisait remarquer, les gens qui ont présenté le projet de loi C-273 sont bien intentionnés, mais à mon avis, ce projet de loi pose problème sur le plan juridique, et ce, de façon assez profonde. Je ne suis pas sûre que ce projet de loi tel que formulé puisse permettre d'atteindre ses objectifs.
Je pense avoir bien compris vos arguments en matière de prévention. J'ouvre une parenthèse pour aider M. Belsey à comprendre la blague qui a été faite un peu plus tôt puisqu'il est difficile de tout saisir au téléphone. M. Morin fait un travail extraordinaire sur la question. Je pense que nous sommes tous un peu plus sensibilisés à la question de la cyberintimidation grâce à la motion qu'il avait présentée qui demandait une étude nationale ainsi que grâce au projet de loi du Dr Fry.
Le diable est toujours dans les détails, comme je me plais à le dire. On s'apprête à modifier le Code criminel. Cependant, je ne suis pas d'accord avec mes collègues d'en face et je ne suis pas convaincue, comme certains de nos invités, que le fait d'ajouter des mots, qui sont selon moi déjà là sans y être, va créer de grands problèmes. En effet, les définitions contenues dans l'article 264 à propos du harcèlement criminel parlent d'autres moyens. On sait très bien que les tribunaux complètent généralement la terminologie moins spécifique pour s'adapter aux technologies différentes existantes.
Il y a une chose dans le projet de loi de notre collègue libérale qui me surprend un peu. Cela ne fait que rajouter des mots sans créer de nouvelle infraction comme telle au Code criminel. Cela ne crée pas non plus une nouvelle peine. Vous ne les avez probablement pas vus, mais j'ai pris connaissance des amendements qui seront suggérés. Les amendements posent les mêmes problèmes que le projet de loi lui-même.
Mon point de vue diffère de celui de nos invités sur un point. Je ne pense pas que cela va faire quelque changement que ce soit en ce qui a trait aux jeunes contrevenants. Je vais peut-être vous poser cette question, mais je vais peut-être alors devoir prendre plus que cinq minutes. Je croyais important de bien préciser que cela va aussi s'appliquer aux adultes. Presque tous nos invités qui nous ont parlé d'intimidation et de cyberintimidation entre les jeunes et de l'approche qu'on doit prendre en sont tous conscients. J'étais très heureuse d'entendre mon collègue M. Goguen nous parler de justice réparatrice parce qu'on en parle depuis quelques années dans le cadre de différents projets de loi, surtout quand ils mettent l'accent sur les jeunes.
Cela étant dit, le Code criminel va s'appliquer à tout le monde invariablement. Il y a de l'intimidation. Je me demande sérieusement si on ne devrait pas s'assurer que cela se retrouve dans le Code criminel pour envoyer un message. Selon moi, ce n'est pas très complexe. Cela ne réglera probablement pas tous les problèmes. Vous avez parlé de l'intimidation surtout pour les jeunes, mais pas tellement entre les adultes.
Je partage un peu votre opinion à savoir que nous ne sommes peut-être pas en train de trouver la bonne solution. Je pense que cela partait pourtant d'une bonne intention. Par contre, pour ce qui est de dire que ce ne sont pas des comportements criminels, je ne suis pas d'accord avec vous. En effet, je considère que dans certains cas, il s'agit de comportements carrément criminels. Il faut éviter de dire que l'intimidation ou la cyberintimidation n'est jamais criminelle. C'est une forme de harcèlement ou, parfois, de voies de fait ou d'autres choses.
Je vais écouter ce que les collègues autour de la table auront à dire. Ils vont peut-être considérer que vos suggestions ne sont pas nécessairement mauvaises, monsieur Goguen. Je trouve néanmoins qu'il y a beaucoup d'improvisation dans ce projet de loi. Ce qui m'a convaincue à cet égard, mise à part l'excellente présentation de notre collègue, le Dr Fry, qui a très bien défendu sa position lundi dernier, c'est le fait que nous nous soyons retrouvés tout de suite après face à une liste d'amendements qui m'ont donné l'impression, après analyse, que si nous avions— pardonnez-moi l'expression — « pitché » n'importe quel article du code, elle l'aurait ajouté à son projet de loi.
Cela m'inquiète un peu. On parle du Code criminel. Je tiens à dire qu'au NPD, nous nous efforçons depuis le début de trouver la logique des amendements qui sont présentés. Ne vous inquiétez pas et n'allez pas penser que, parce que je penche un peu du même côté que mon collègue M. Goguen à ce sujet, je vais les laisser off the hook.
Dans le cadre de l'étude sur ce projet de loi, j'ai été fort aise d'entendre des collègues conservateurs utiliser des expressions comme « justice réparatrice » et de voir qu'ils étaient fortement d'accord avec certains témoins. Ils nous ont dit que dans le cas de ces jeunes — et on parle souvent de jeunes délinquants —, il pouvait s'agir d'une forme de délinquance et que, compte tenu du sens du mot « délinquance », il fallait adopter une approche différente. Il me semble que le NPD le dit depuis longtemps.
S'il s'agit là d'une nouvelle orientation que prennent les collègues conservateurs, j'en suis fort aise, parce que cela signifie peut-être que nous allons réussir à accomplir de bonnes choses. Si c'est uniquement pour les besoins de la cause, parce qu'on ne veut pas appuyer le projet de loi et qu'on veut reprendre une approche punitive très ferme, j'aurais un problème. Je me souviens des discussions que nous avons eues sur le projet de loi du collègue conservateur qui prônait des sentences minimales pour des personnes ayant craché sur un monument ou autre chose du genre. Or, comme on le sait, ce sont souvent les jeunes qui font ce genre de conneries. C'est l'affaire d'un moment, mais on peut les amener à réfléchir.
Avant de décider de quel côté je vais pencher quant à cette motion, je vais attendre de voir si le collègue libéral a quelque chose à ajouter. Quoi qu'il en soit, il y a tellement d'improvisation. Monsieur Cotler, je vois les articles qui s'ajoutent. On parle d'agression sexuelle. On va essayer de voir comment, avec un ordinateur, on peut commettre un méfait sexuel. On parle aussi de voies de fait. Il me semble que par l'entremise d'un ordinateur, ce serait un peu difficile.
Je ne suis pas sûre qu'on ait réfléchi à l'ensemble de la question. On a peut-être intérêt, compte tenu du sérieux du dossier et de toutes les démarches déjà en cours, à bien réfléchir avant de modifier cet outil si important que représente le Code criminel du Canada. Je pense que tous les collègues autour de la table s'en rendent compte.
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Merci, monsieur le président.
Je partage vraiment les préoccupations de ma collègue néo-démocrate. Lorsque le Dr Fry a soumis son projet de loi à la Chambre des communes et que nous en avons débattu, j'ai soulevé plusieurs des points que nous abordons aujourd'hui. Comme vous le savez, je me porte à la défense des jeunes qui subissent de l'intimidation au Canada. Je me dis que s'il y a un pas dans la bonne direction, Il faut l'appuyer.
Or, parmi les experts qui ont comparu au cours des deux jours consacrés à l'étude du projet de loi, il n'y en a pas eu beaucoup pour dire qu'il fallait mettre l'accent sur la criminalisation. Même autour de la table, on comprend que pour vraiment contribuer à régler le problème, il faut que des fonds soient alloués. Il faut que des organismes sur le terrain et certains programmes qui aident les jeunes soient appuyés. Sinon, il s'agit d'aider les familles canadiennes à mieux s'équiper. Si les parents ne savent pas que leur enfant est un intimidateur — on parle beaucoup des intimidés, mais n'oublions pas que les intimidateurs ont aussi des parents —, comment peuvent-ils trouver une solution?
Pour ma part, je suis un peu déchiré. Lorsque le NPD a voté en faveur du projet de loi en deuxième lecture, ce n'était pas parce qu'il le considérait parfait, loin de là. Par contre, il était sain de tenir la discussion que nous avons menée aujourd'hui. Je suis heureux que les témoins aient apporté de l'eau au moulin. Cela nous fait sérieusement réfléchir. Même si les gens de la Bibliothèque du Parlement ont dit au Dr Fry que son projet de loi était conforme, plusieurs experts et certains membres du comité ont bien analysé le projet de loi initial et ont remarqué qu'il causait problème à certains égards, notamment pour ce qui est de la redondance de l'infraction.
Si je votais en faveur de ce projet de loi, je ne crois pas que le problème de l'intimidation ou de la cyberintimidation au Canada diminuerait d'un iota. Au mieux, on moderniserait le langage. On a pu voir — je crois que c'était à London il y a quelques mois — que les forces policières étaient intervenues dans le cas de jeunes filles qui intimidaient une autre jeune fille par Internet. On entend de plus en plus parler des forces policières qui disposent des outils nécessaires et qui interviennent lorsqu'il y a des cas extrêmes d'intimidation.
On parle ici de voies de fait et de harcèlement, mais la grande majorité des cas d'intimidation par Internet sont dans une zone grise et non pas dans une catégorie clairement criminelle. Sinon, les forces policières ont les moyens qu'il faut pour intervenir afin de protéger les victimes.
J'ai hâte d'entendre les commentaires de mes autres collègues, mais je tiens à dire que je suis très déchiré. Même si je crois important d'appuyer les efforts qui vont dans la bonne direction, concrètement, je ne crois pas que ce projet de loi change quoi que ce soit, à part certains mots du Code criminel.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais répondre à M. Cotler qui disait un peu plus tôt que la criminalisation faisait partie d'un tout. Je suis préoccupé par le fait qu'on ait entendu des témoins dire que la criminalisation pouvait avoir un effet négatif,
[Traduction]
mettre les mauvais enfants à la mauvaise place. C'est quelque chose qui me préoccupe. Je ne pense pas qu'on ait abordé cette question dans aucun des amendements qui ont été proposés.
[Français]
Je comprends pourquoi on peut penser que c'est un pas dans la bonne direction. Je sais que mon collègue, M. Morin, a travaillé très fort là-dessus, surtout sur le plan de la prévention. Par ailleurs, tout comme ma collègue, Mme Boivin, je suis très content que les conservateurs parlent de prévention. On se croirait dans la twilight zone, alors que tout est inversé. Pour quelqu'un qui commence à siéger au Comité permanent de la justice et des droits de la personne,
[Traduction]
Je trouve cela vraiment intéressant.
[Français]
En effet,
[Traduction]
J'ai certaines réserves émanant de ce que nous ont dit les témoins, les experts, qui ont affirmé que ce texte ne règle pas vraiment le problème pour les jeunes, et qu'il pourrait même avoir un effet négatif sur eux. C'est préoccupant.
Je partage aussi l'avis de M. Seeback. J'ai moi aussi demandé à madame Fry ce que ce projet de loi aurait changé dans le passé et je n'ai pas obtenu de réponse claire. Elle a parlé d'un cas particulier mais, en fin de compte, la partie concernée n'est pas allée de l'avant ou n'a pas poursuivi l'affaire.
En outre, si l'on examine cela d'un point de vue technique, nous avons probablement entendu dire que ça n'ajoute pas grand-chose. L'un des témoins a demandé si l'intimidation mobile serait couverte par la cyberintimidation. Nous ne pensons pas qu'elle le serait mais, de toute façon, elle serait déjà couverte par le Code criminel.
Je comprends le point de vue des Conservateurs. Je voulais seulement mettre mon grain de sel.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais d'abord m'adresser à M. Cotler. Vous demandez de suspendre le tout pour voir si on pourrait améliorer les choses et trouver une solution. C'est tentant, car on voit rarement une main tendue. Pour ma part, c'est la première fois qu'on est dans une telle situation et qu'on se demande de quoi il s'agit en parlant d'un projet de loi.
Cela étant dit, il reste une difficulté. J'ai regardé cela sous tous les angles possibles et je ne vois pas comment réussir à rester dans le domaine de l'application du projet de loi. En fait, il s'agit seulement de verbiage. Ce sont strictement des mots qui existent déjà.
Par ailleurs, lors du témoignage du Dr Fry, il était frappant de l'entendre toujours arrêter avant le mot « autrement ». Toutefois, le mot « autrement » existe dans l'article, ce qui fait en sorte qu'il pourrait y avoir d'autres façons à envisager. Elle avait raison de dire qu'on pourrait ajouter trois autres types de mots au sein de l'article, si on considère l'article 264 du Code criminel, entre autres. Par contre, le mot « autrement » sera encore là parce que l'objectif de son projet de loi n'était pas d'enlever ce mot qui permet de s'ajuster au fil du temps.
La seule chose que je pouvais voir, c'est si on voulait vraiment essayer d'envoyer un message. À cet égard, je veux qu'il soit clair que je n'ai pas nécessairement de réticence. Je suis très consciente du fait que les témoins nous ont parlé de cyberintimidation et d'intimidation et nous ont dit qu'avec les jeunes, la prévention, la discussion et l'éducation sont des thèmes extrêmement importants et de loin supérieurs. J'ai compris tout cela.
Par contre, parfois, il faut être capable de dire les vraies choses et de dire qu'il s'agit d'un comportement inacceptable. En fait, c'est pire, c'est un comportement criminel. Je ne sens pas que son projet de loi change cela. Il aurait peut-être été préférable qu'elle fasse comme ce qui a été fait au sujet de la violence conjugale. On a conçu en cours de route un article qui est maintenant inclus dans les mesures relatives au prononcé d'une sentence. C'est peut-être là où cela aurait dû être inclus. C'est peut-être cela qui aurait dû être fait, mais ce n'est pas à moi de changer son projet de loi.
Je m'adresse maintenant à M. Goguen. Vous avez présenté une motion. Ce serait peut-être bien de l'avoir par écrit. En effet, le paragraphe 97.1(1) du Règlement se lit comme suit:
97.1 (1) Le comité permanent, spécial ou législatif saisi d'un projet de loi d'intérêt public émanant d'un député est tenu, dans un délai de soixante jours de séance à partir de la date du renvoi en comité, soit de faire rapport à la Chambre du projet de loi avec ou sans amendement, soit de présenter à la Chambre un rapport dans lequel il recommande de ne pas poursuivre l'étude du projet de loi en y déclarant ses raisons ou demande une seule prolongation de trente jours de séance pour l'examiner, et ce, en y déclarant ses raisons.
Tout est, encore une fois, dans les détails.
Avant de décider si je vais appuyer votre motion, j'aimerais avoir les détails qui vont l'accompagner. Si, dans ces détails, il y a une phrase qui indique qu'il s'agit de comportements temporaires et que ce n'est pas criminel, je ne pourrai pas l'appuyer. Il s'agit d'un comportement criminel, mais on va le traiter différemment et on ne criminalisera peut-être pas au sens du Code criminel.
Ce n'est qu'en anglais. M. Goguen peut faire mieux que cela, saint sacrifice!
:
C'est important. Il s'agit ici de bien voter. J'aimerais commenter cette motion.
Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, je suis déchiré. Pour ce qui est de déterminer ce qui est la bonne chose à faire, je suis assis entre deux chaises. Vous n'étiez peut-être pas au courant, mais je fais une tournée pancanadienne depuis plusieurs mois. Elle s'intitule « Pour les jeunes / For the kids ». Partout où je vais au Canada, les gens attendent l'initiative du gouvernement fédéral, peu importe ce que ce sera.
Je ne tiens pas rigueur aux conservateurs d'avoir voté contre la Stratégie nationale de prévention de l'Intimidation, en novembre. Bien avant cela, j'avais demandé à John Baird si le gouvernement allait présenter quelque chose. Quand il m'a confirmé que rien n'était prévu, j'ai présenté ce projet. Si entretemps quelque chose a été développé dans les coulisses du Parti conservateur de façon à ce qu'il y ait une initiative de plus en ce sens, je vais l'appuyer si elle est décente.
Je suis d'accord sur le premier des trois points soulevés par M. Goguen, à savoir que le projet de loi donne lieu à des contradictions, des ambiguïtés et des redondances sur le plan législatif. Je suis parfaitement d'accord avec cela.
Je suis aussi d'accord sur le troisième point. Au troisième paragraphe, on souligne que la grande majorité des témoins ont indiqué qu'il y avait des problèmes. Les deux principaux supporteurs de la motion du Dr Fry sont le policier et le professeur qui ont témoigné. Je peux vous dire que lorsqu'on travaille sur le dossier de l'intimidation et de la cyberintimidation, on voit les mêmes témoins, même au Sénat. Celui-ci a en effet rendu public son rapport sur la cyberintimidation à la mi-décembre. Or, quand j'ai consulté la liste des témoins, j'ai vu qu'il s'agissait des mêmes gens.
Ce n'est pas sans raison que le Sénat n'a pas non plus recommandé de modifier le Code criminel comme le voulait le Dr Fry. Il a fait d'autres suggestions, dont une stratégie nationale en matière de cyberintimidation, la création d'un poste de commissaire à l'enfance ainsi que d'autres mesures, mais n'a rien recommandé de ce que le Dr Fry proposait. Je suis tout de même d'accord pour dire que les témoins ayant comparu devant nous ne veulent pas de ce projet de loi.
Au deuxième paragraphe — et c'est à cause de ce dernier que je serais mal à l'aise de voter en faveur de cette motion —, on dit ceci:
[Traduction]
l'examen parlementaire du problème de l'intimidation se poursuit encore et qu'il serait prématuré d'adopter un projet de loi pour y faire face.
[Français]
Je ne doute pas de la bonne volonté du gouvernement conservateur, mais quand on parle de
[Traduction]
l'examen parlementaire
[Français]
et du fait que c'est déjà en cours, j'aimerais savoir de quoi il s'agit. Lorsqu'on débattait de mon projet de loi et de celui du Dr Fry, vous avez indiqué que le Sénat étudiait déjà cet enjeu, et vous aviez raison. Vous ne vouliez pas créer de redondance en entamant une étude dans le cadre d'un comité, mais à ce que je sache, les gens du Sénat en ont terminé avec le dossier de la cyberintimidation et vont maintenant passer à autre chose. Je ne vois donc pas ce qu'il y a de nouveau. Ma motion voulant qu'on crée une stratégie nationale de prévention de l'intimidation est morte. C'était la dernière initiative.
À moins que vous ne fassiez allusion au groupe intergouvernemental créé par un ministre — je crois que c'était le ministre de la Justice — au mois de novembre dernier. Il a indiqué que le but de ce groupe de travail intergouvernemental était d'apporter des modifications au Code criminel et de le renforcer. Les gouvernements provinciaux ont été mis à contribution, particulièrement les ministres de la Sécurité publique. L'annonce a été faite en novembre, mais on n'a pas beaucoup entendu parler de ce projet par la suite.
Si c'est ce à quoi vous faites allusion, j'aimerais que vous m'en parliez plus tard. Ça m'aiderait beaucoup de savoir ce que signifie cette discussion qui est « ongoing ». Il y a aussi les mots « [...] legislation to introduce this matter is premature. »
J'ai été élu le 2 mai 2011. Or depuis mon élection, cinq jeunes Canadiens se sont enlevé la vie après avoir été victimes d'intimidation
M. Goguen les a déjà nommés. Je vais redire leurs noms, en présentant toutes mes condoléances à leurs familles.
Il s'agit d'abord de Jamie Hubley, d'Ottawa, qui s'est fait intimider. Il n'y avait pas seulement cette composante, car il souffrait aussi de problèmes mentaux. L'intimidation a quand même joué un rôle. Il se faisait intimider en raison de son orientation sexuelle.
Par ailleurs, Mitchell Wilson, de Pickering, avait 11 ans et souffrait de dystrophie musculaire. Il était intimidé à l'école et dans les rues de la ville à cause sa maladie. Il avait 11 ans, il a placé un sac sur sa tête pour s'asphyxier. Il s'est suicidé à 11 ans. C'est vraiment trop jeune pour mourir.
Ensuite, Jenna Bowers-Bryanton, de la Nouvelle-Écosse, a été intimidée par ses collègues de classe. Elle non plus ne pouvait plus continuer à subir cela. Pourtant, c'était une jeune fille brillante. Je suis persuadé qu'à l'âge adulte, elle aurait pu traverser cette épreuve.
Marjorie Raymond, dans ma propre province de Québec, aimait chanter et mettait des vidéos d'elle sur YouTube. Dans leurs commentaires, les gens lui disaient d'aller se tuer.
Amanda Todd est un autre exemple. Lorsque je parle du problème de l'intimidation, je n'aime pas penser à Amanda Todd parce que c'est un cas si extrême qu'il ne s'agit pas seulement d'un problème d'intimidation classique vécu par nos jeunes.
On dit qu'adopter une législation sur ce problème est prématuré. Bien sûr, je suis favorable à ce que la législation soit bien construite. Cependant, depuis mon élection, au moins cinq jeunes hommes et femmes se sont suicidés selon les médias. Je suis persuadé qu'il y en a eu d'autres dont l'histoire n'a pas été relatée par les médias. C'est seulement la pointe de l'iceberg. C'est sans compter les autres jeunes qui réussissent à s'en sortir, mais qui ont des cicatrices à la suite de l'intimidation qu'ils ont subie.
Je ne suis vraiment pas d'accord avec vous quand vous dites que c'est prématuré. Tous les témoins qui ont comparu ont dit qu'il fallait que le gouvernement joue un rôle. Toutefois, les témoins ne sont pas nécessairement du même avis sur la façon de le faire.
Certains disent qu'ils sont pleinement d'accord avec moi et qu'une stratégie nationale de prévention de l'intimidation doit être établie, peu importe ce qu'elle va contenir. D'autres, comme le témoin représentant l'Institut du mariage et de la famille du Canada que nous avons entendu plus tôt aujourd'hui, croient que le rôle du gouvernement fédéral devrait être de ne pas de trop s'immiscer dans le problème, mais plutôt d'aider les diverses communautés du Canada à se prendre en charge.
Même si le gouvernement du Canada ne joue pas encore pleinement son rôle de leader, plusieurs provinces mentionnées par M. Goguen ont adopté des mesures pour contrer l'intimidation. C'est très bien et je les appuie pleinement. Par ailleurs, certaines commissions scolaires et écoles ont même formé leur propre programme contre l'intimidation. Il s'agit d'efforts locaux. Je les appuie également entièrement. Partout au Canada, les familles parlent d'intimidation. C'est bien aussi.
En ce qui concerne la cyberintimidation, peu importe la façon dont le gouvernement du Canada va s'attaquer au problème, il faut faire quelque chose. Le projet de loi du Dr Fry va-t-il réaliser cela? Je ne le pense pas. Comme je l'ai mentionné plus tôt dans mon discours, je ne crois pas que l'on va prévenir un seul cas de cyberintimidation avec ce projet de loi. Quand on parle des jeunes de 10 ou 15 ans, ils n'ont pas peur de la loi. Ils se croient invincibles. À mon avis, le seul élément positif de ce projet de loi est ce qui touche aux adultes qui sont impliqués dans l'intimidation. On doit serrer la vis aux adultes qui intimident d'autres adultes. Des adultes qui intimident des enfants, cela ne passe pas.
Comme je l'ai mentionné, je me sens mal à l'aise face à ce projet de loi. J'appuie les paragraphes 1 et 3, mais pas le paragraphe 2.