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AANO Rapport du Comité

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GESTION DES TERRES DE RÉSERVE

INTRODUCTION

Au Canada, comme dans la plupart des pays développés, la terre joue un rôle central dans le développement économique, en plus de former l’assise d’une foule d’activités, dont l’exploitation des ressources naturelles, le tourisme, l’industrie et l’agriculture. Elle figure parmi les moyens les plus courants de s’enrichir et, selon la Banque mondiale, compose la moitié, voire les trois quarts de la richesse de la majorité des économies[1]. Dans la mesure où elle est développée de manière durable, gérée efficacement et réglementée rigoureusement, la terre est un puissant actif économique et un moteur de croissance important.

Ce constat vaut aussi pour les Premières nations du Canada, dont l’assise territoriale de réserve totalise près de 3,8 millions d’hectares[2] et devrait s’élargir d’un autre 1,1 million d’hectares à l’issue des ententes de revendications territoriales et des accords sur les droits fonciers issus de traités[3]. L’élargissement de l’assise territoriale promet d’offrir d’importants débouchés pour les Premières nations. Dans le budget de 2013, le gouvernement fédéral a prévu des investissements de plus de 650 milliards de dollars en 10 ans dans plus de 600 grands projets d’exploitation des ressources[4]. Et presque tous ces projets doivent être réalisés en territoire autochtone ou à proximité, ouvrant ainsi la voie à des retombées économiques substantielles.

Chez les décideurs et les dirigeants des Premières nations, tous reconnaissent que la propriété des terres n’est pas, en soi, un gage de réussite économique. Il faut gérer la terre de manière à exploiter son plein potentiel économique, social et culturel. Si elles ne disposent pas de la capacité et des outils nécessaires pour développer et utiliser leurs terres de façon durable, les Premières nations verront considérablement s’affaiblir leurs possibilités d’améliorer leur situation socioéconomique.

Démarche et décision du Comité

La mesure dans laquelle les régimes de gestion des terres existants et la capacité communautaire permettent aux Premières nations d’exploiter pleinement leurs terres de réserve et de réaliser leur potentiel économique intéresse vivement les membres du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes (le Comité). C’est ainsi qu’en novembre 2011, le Comité a décidé de se pencher sur la gestion des terres et de l’environnement dans les réserves, en s’attardant aux types d’outils de gestion modernes dont doivent disposer les Premières nations pour assurer le développement durable de leurs terres et en exploiter le plein potentiel. Dans le cadre de son étude, le Comité s’est réuni à 20 reprises à Ottawa et a accueilli plus de 60 témoins, dont des porte-parole du gouvernement, des représentants des Premières nations, des spécialistes du domaine et des membres d’organisations professionnelles. Le Comité s’est aussi rendu dans huit communautés des Premières nations du Québec, de la Nouvelle-Écosse, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique afin de se familiariser avec les différents régimes de gestion des terres utilisés par chacune, à savoir :

  • régime de gestion des terres de la Loi sur les Indiens : Premières nations de Millbrook, d’Osoyoos et de Penticton;
  • codes fonciers assujettis à la Loi sur la gestion des terres des premières nations : Premières nations dakota de Whitecap et de lac Muskeg[5];
  • récents signataires de la Loi sur la gestion des terres des premières nations fonctionnant encore sous le régime de la Loi sur les Indiens jusqu’à la ratification d’un code foncier : Premières nations de Membertou et de Mashteuiatsh;
  • Premières nations fonctionnant selon un régime d’autonomie gouvernementale : Première nation de Westbank.

Les membres du Comité remercient vivement les témoins pour les points de vue et les précisions qu’ils ont su apporter, ainsi que pour leur aide inestimable grâce à laquelle les membres du Comité sont parvenus à naviguer dans les méandres de la gestion des terres de réserve et à en saisir les aspects techniques. Les visites dans les communautés, en particulier, ont permis aux membres d’observer l’influence de la capacité et de la géographie sur les résultats et les possibilités économiques des communautés. Des membres et des porte-parole de communautés se sont exprimés ouvertement sur les problèmes qu’ils connaissent, mais ont aussi exposé, avec beaucoup de passion et d’enthousiasme, les possibilités qui s’offrent à eux. Le Comité remercie chacune de ces communautés pour leur accueil chaleureux et leur patience à son égard, alors qu’il se familiarisait avec leurs circonstances particulières.

Portée et structure du rapport

Qu’est-ce que la gestion des terres? 
La gestion des terres désigne l’ensemble des activités qui visent à gérer l’usage et le développement des ressources des terres, et ce, de façon durable. Une terre peut avoir maints usages qui peuvent se compléter ou ne pas s’accorder. C’est pour cette raison qu’il est important de planifier et de gérer l’utilisation des terres d’une manière intégrée, de façon à protéger l’environnement contre l’incidence négative du développement économique.
Source : Bureau du vérificateur général du Canada, La gestion des terres et la protection de l’environnement dans les réserves, automne 2009. 
Il y a trois catégories de terres autochtones : les terres de réserve des Premières nations, les terres visées par traité et les terres publiques (territoires traditionnels). Selon les estimations du gouvernement fédéral, les Premières nations possèdent ou contrôlent plus de 15 millions d’hectares (terres de réserve et terres visées par traité) et les Inuits, plus de 45 millions d’hectares, ce qui représente 6,5 % de la masse terrestre du Canada[6]. Les enjeux entourant la gestion des terres et de l’environnement dépendent de la catégorie en question. Il en va de même pour la compétence et le contrôle administratif exercés par les Premières nations sur ces terres.

Compte tenu de l’ampleur et de la complexité des enjeux, la première phase de l’étude du Comité, et du présent rapport, s’attarde principalement aux terres de réserve des Premières nations. C’est sur ces terres que le gouvernement fédéral, par le biais de la Loi sur les Indiens[7], exerce le plus grand contrôle. Même dans la catégorie plus restreinte des terres de réserve, les témoignages livrés au Comité ont mis en évidence l’éventail des questions en jeu. Le Comité s’est efforcé le plus possible de saisir les principales préoccupations de ces témoins.

Le Comité reconnaît le profond attachement à la terre de nombreux peuples autochtones et est conscient que leur vision de la propriété et de l’utilisation des terres peut nettement diverger des concepts occidentaux. Comme il est mentionné dans le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996, ce lien spécial avec la terre a une dimension spirituelle et matérielle[8]. De ce point de vue, la terre n’est pas vue exclusivement, voire essentiellement, comme un produit économique. Elle fait partie intégrante de la nationalité, de l’identité et de la culture, en plus de revêtir un énorme potentiel économique. C’est sur ce dernier aspect que le Comité a concentré son étude, tout en reconnaissant que l’assise territoriale des réserves est un élément essentiel de la vie sociale, culturelle et politique des Premières nations; pour plusieurs, c’est sur cette assise que repose la pérennité des sociétés et des cultures qui y sont établies.

Le présent rapport conclut l’étude de la gestion des terres de réserve. La partie I passe en revue l’éventail des régimes fonciers et de gestion des terres en usage dans les réserves. Comme on le verra, il n’est pas toujours facile de mettre en correspondance les réformes et les cadres de gestion existants. Les parties II et III reprennent les témoignages livrés au Comité, à Ottawa et durant les visites dans les communautés, à propos des régimes de gestion en vigueur et des améliorations qui pourraient être apportées. La partie IV esquisse les grands thèmes des témoignages et des visites dans les communautés. Enfin, la partie V présente les conclusions et recommandations du Comité en vue de l’amélioration de la gestion des terres dans les réserves.


[1]             Chambre des communes, Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord (AANO), Témoignages, 1re session, 41législature, 15 mars 2012 (chef Clarence Louie, président, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[2]             Marena Brinkhurst et Anka Kessler, Université Simon Fraser, Faculté des sciences économiques, Land Management on First Nations Reserves: Lawful Possession and Its Determinants, avril 2013, p. 2.

[3]             Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC), Rénovation des programmes à l'appui du développement économique et des terres.

[4]             Gouvernement du Canada, Le plan d'action économique de 2013, 21 mars 2013, p. 149.

[5]             En janvier 2012, la Première nation dakota de Whitecap et le gouvernement du Canada ont signé un accord-cadre prévoyant la négociation de l’autonomie gouvernementale de la Première nation. Ils entameront des pourparlers en vue de conclure une entente de principe en vertu de laquelle la Première nation se retirera de la Loi sur les Indiens. Pour obtenir plus de renseignements, cliquez ici.

[6]             AADNC, Rénovation des programmes à l'appui du développement économique et des terres.

[7]             Gouvernement du Canada, Loi sur les Indiens, L.R.C., 1985, ch. I-5.

[8]             Commission royale sur les peuples autochtones, Une relation à redéfinir, vol. 2, 2e partie, 1996, p. 494.