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AANO Rapport du Comité

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PARTIE II – CE QUE LE COMITÉ A APPRIS

Les audiences et les visites dans les communautés ont permis au Comité de se familiariser avec les points de vue de dirigeants des Premières nations, de particuliers, d’organisations et de tiers spécialistes de partout au pays. Les sections du rapport consacrées aux travaux du Comité résument les propos qui lui ont été présentés dans le cadre de son étude. La présente partie reprend l’essentiel des témoignages recueillis à Ottawa par le Comité. Elle s’ouvre sur la gestion des terres et de l’environnement sous le régime de la Loi sur les Indiens, puis enchaîne avec les alternatives à ce régime, notamment la Loi sur la gestion des terres des premières nations (LGTPN) et le projet de loi sur le droit de propriété des Premières nations. Sont aussi inclus les témoignages sur la capacité de gestion des terres et sur le processus d’ajout aux terres de réserve. Les questions soulevées lors des visites dans les communautés, lesquelles n’ont pas été retranscrites, sont résumées dans la partie III.

A. Gestion des terres sous le régime de la Loi sur les Indiens

La majorité des Premières nations du Canada gèrent leurs terres, selon divers degrés de contrôle et de capacité, conformément à la Loi sur les Indiens. Certains témoins ont dit de ce régime qu’il entrave la bonne gestion et l’administration efficace des terres et des ressources des réserves. Ainsi, les Premières nations se retrouvent souvent incapables de suivre le rythme des affaires et doivent donc renoncer à certaines occasions économiques limitées dans le temps.

Le Comité s’est fait dire que dans les réserves, certaines transactions simples peuvent nécessiter de multiples approbations et prendre cinq fois plus de temps à aboutir que les transactions hors réserve, ce qui nuit aux investissements et à l’activité économique[41]. Comme l’a souligné le président du Conseil national de développement économique des Autochtones, le chef Clarence Louie :

[L]a Loi sur les Indiens a pour effet de rendre onéreux, complexes et souvent extrêmement lents les processus de gestion foncière, dont les activités aussi courantes que la location et l'enregistrement. Cette situation complique grandement les activités économiques de grande envergure basées sur le territoire, comme les grands projets de mise en valeur des ressources[42].

À propos des obstacles inhérents à la Loi sur les Indiens, qui alourdissent les transactions foncières, la chef Sharon Stinson Henry a déclaré au Comité :

Compte tenu des restrictions et des tracasseries administratives qui en découlent, il devient impossible pour les Premières nations d'agir assez rapidement pour la mise en valeur de leurs possessions foncières[43].

Des témoins ont dit craindre que les politiques et modalités accompagnant la Loi sur les Indiens soient appliquées uniformément et de manière universelle par les responsables du Ministère, sans tenir compte des circonstances particulières. Certains ont indiqué que les politiques ministérielles, qu’elles portent sur la désignation, la location ou les ajouts aux réserves (dont il est question plus loin), doivent être flexibles et adaptées. Christopher Devlin a avancé que c’est l’application rigide des politiques, beaucoup plus que la Loi sur les Indiens, qui constitue le plus gros obstacle au développement économique des terres de réserve et qui est à l’origine de l’essentiel des retards. Il a fait remarquer :

La Loi est là, mais les politiques que je vois sont plutôt uniformisées et ne sont pas proportionnelles aux projets […] Essentiellement, qu'on construise un dépanneur ou un centre commercial, il faut respecter la même politique. Si on veut construire une station-service ou une usine de gaz naturel liquéfié, il faut suivre la même politique pour obtenir une approbation[44].

(i) Location des terres de réserve

Certains témoins se sont montrés particulièrement critiques à l’endroit de la marche à suivre pour la location de terres de réserve à des tiers — un outil de développement économique important. Les membres des Premières nations qui détiennent un certificat de possession (CP) doivent obtenir l’approbation du ministre et du conseil de bande pour pouvoir louer leur terre. De plus, si la durée du bail est de plus de 49 ans, le Ministère demande aussi l’approbation de la communauté[45]. De même, une Première nation qui souhaite exploiter commercialement des terres de réserve « non attribuées » doit suivre un processus de désignation officiel nécessitant l’appui d’une majorité d’électeurs. Outre ces modalités de ratification, le Ministère exige des évaluations environnementales, des données d’arpentage, des plans de projet et des évaluations pour les projets importants avant l’exécution du bail.

Le processus de désignation peut prendre plusieurs années, ce qui peut obliger la Première nation à renoncer à des occasions économiques. À propos de ces contraintes, Warren Johnson, président, New Road Strategies, a observé que le mécanisme de désignation des terres aux fins de la location :

a le défaut de s'appuyer sur les dispositions de la Loi sur les Indiens régissant les cessions, lesquelles prévoient des obligations lourdes en ce qui a trait au processus de vote, aux seuils de ratification et à la gestion administrative. En conséquence […] le processus de désignation exigera au moins deux ans de travail, et plus souvent, au moins trois, et [la] rédaction d'un nouveau bail pourra prendre deux années supplémentaires, ce qui fait au total cinq ans : difficile de dire que c'est un processus rapide[46].

En conséquence, même si de nombreux témoins se sont dits d’avis que la location de terres est un outil de développement économique utile et efficace, ils ont indiqué, en même temps, que les coûts des transactions peuvent être assez élevés. Certains ont proposé que la ratification des votes de désignation, qui demande la double majorité, passe à la majorité simple, et que l’on élimine l’obligation de faire intervenir le ministre, voire le conseil de bande, dans les transactions qui concernent les CP, une fois qu’ils ont été attribués[47]. Des représentants du Conseil national de développement économique des Autochtones ont en outre suggéré que le gouvernement fédéral commence à accélérer et à rendre plus efficaces les transactions foncières en établissant des échéances et des normes de service pour les processus de gestion des terres de réserve d’AADNC[48].

(ii) Réglementation des certificats de possession

En plus des mesures visant à simplifier les processus de location des terres de réserve, plusieurs témoins ont mentionné le renforcement de la protection des droits fonciers dans les réserves (p. ex. clarifier, documenter et réglementer les intérêts dans les terres de réserve). L’une des grandes préoccupations soulevées à cet égard portait sur les CP. Comme l’a souligné Warren Johnson, la Loi sur les Indiens ne prévoit aucun mécanisme législatif efficace permettant aux Premières nations ou au gouvernement fédéral de régir l’utilisation des terres faisant l’objet d’un CP[49]. Des témoins ont signalé que ce « vide réglementaire » est à l’origine de nombreuses activités d’aménagement douteuses dans les réserves. Comme l’a expliqué Donald Maracle, chef de la Bande no 38 des Mohawks de la baie de Quinte :

Il y a quelques restrictions pour les détenteurs de certificats de possession en ce qui a trait à la façon dont ils peuvent utiliser les ressources sur la terre en question […] Le membre de la bande qui en détient un peut ouvrir une carrière sur sa propriété et l'exploiter sans interruption, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Il pourrait y avoir du bruit. Les puits autour pourraient tarir. On pourrait craindre la pollution de la rivière. La circulation de la machinerie lourde pourrait défoncer les routes locales. Voilà tous les sujets de crainte que l'on peut avoir[50].

Les témoins qui se sont exprimés sur cette question ont indiqué que la Loi sur les Indiens doit prévoir un mécanisme pour permettre la gestion efficace des terres visées par un CP et, comme l’a fait remarquer le chef Maracle, pour qu’on soit en mesure « d’adopter et de faire respecter les résolutions du conseil de bande pour faire cesser des activités, si cela s’avère nécessaire[51] ».

(iii) Certitude à l’égard des droits fonciers

Des témoins se sont exprimés sur la nécessité de clarifier et de consigner les intérêts privés dans les terres de réserve. Selon John Gailus et Christopher Devlin, les Premières nations, en particulier celles qui adhèrent au régime de la LGTPN, consacrent beaucoup de temps à régler les conflits d’ordre foncier qui émanent des dissensions non résolues sur l’identité du propriétaire d’une parcelle de terre ou de celui qui est en droit de l’être. S’appuyant sur le rapport de 2009 de la vérificatrice générale sur la gestion des terres de réserve, Frank Barrett, du Bureau du vérificateur général, a indiqué : « [O]n nous a parlé de situations où une parcelle de terrain est théoriquement divisée parmi des dizaines de descendants du titulaire du certificat de possession original, de sorte qu'il est essentiellement impossible de connaître l'identité de tout le monde qui en est propriétaire, et encore moins de la façon d'en regrouper les éléments[52]. » Le chef Clinton Phillips a expliqué ainsi les difficultés qui se posent dans sa communauté de Kahnawake, dont 85 % des terres appartiennent à des particuliers :

Tous les problèmes que connaît Kahnawake sont liés aux terres et au fait que nous n'avons pas accès à certaines terres. Je peux vous citer mon cas personnel. Ma grand-mère a hérité d'une terre avec ses frères et sœurs en raison de questions de famille et d'intérêt indivis, la terre de ses grands-parents appartient maintenant à une cinquantaine de propriétaires. Il faut donc toujours acheter la terre de quelqu'un. Et qui l'emportera? La formule de l'intérêt indivis ne fonctionne pas pour nous; elle ne fait que créer plus d'obstacles et multiplier les problèmes[53].

Christopher Devlin a expliqué que, pour les communautés qui veulent entreprendre des projets de développement à grande échelle, régler les « problèmes légués » constitue le défi. Il a indiqué que l’examen de la situation particulière de chaque communauté est préférable à l’adoption d’une loi globale[54]. Christopher Alcantara, professeur adjoint, Département de science politique, Université Wilfrid Laurier, a recommandé que le gouvernement fédéral travaille avec les Premières nations intéressées pour documenter tous les titres fonciers traditionnels et établir des modèles de résolutions du conseil de bande accordant aux titres fonciers traditionnels valeur de contrats écrits exécutoires renfermant tous les renseignements pertinents au sujet de la terre : propriétaire, données d’arpentage, activités autorisées, conditions d’expropriation par la bande et de révocation du titre traditionnel. De plus, il a recommandé de mettre sur pied des tribunaux ou des comités d’arbitrage des Premières nations pour que les décisions concernant l’attribution des terres et le règlement des conflits fonciers relèvent d’une entité juridique impartiale plutôt que de l’appareil politique[55].

(iv) Enregistrement des intérêts relatifs aux terres de réserve

Après l’éclaircissement et la consignation des droits de propriété, certains témoins ont proposé d’enregistrer ces droits dans un système de titres[56]. Ils ont expliqué que les inefficiences des registres fonciers des réserves sont considérées par plusieurs comme des facteurs dissuasifs pour le développement économique et des entraves à l’investissement extérieur. Présentement, la plupart des intérêts relatifs aux terres de réserve sont inscrits dans le Système d’enregistrement des terres indiennes (SETI) et ne figurent pas dans les registres provinciaux des titres fonciers. Certains indiquent que le SETI n’est pas assez rigoureux pour protéger les tiers qui ont un intérêt légal sur une terre. En outre, les transactions peuvent devenir très coûteuses, car les parties doivent rechercher plusieurs documents historiques pour pouvoir confirmer la validité du titre.

Parce que ces incertitudes se répercutent sur les investisseurs potentiels, certains arguent que les Premières nations sont souvent incapables d’exploiter pleinement le potentiel de leurs terres. Dans ses travaux auprès de la firme d’experts-conseils en économie Fiscal Realities, le directeur André Le Dressay a conclu que pour établir le droit de propriété commercialisable d’une terre des Premières nations, il faut débourser quatre fois plus que pour une terre qui n’est pas des Premières nations[57]. À propos des limites du SETI, le chef Clarence Louie a dit au Comité :

[L]le Registre des terres indiennes et les normes auxquelles il est soumis manquent de précision et sont incapables de garantir la certitude des titres fonciers des propriétaires. Cette situation est aggravée par le fait que le Registre des terres indiennes ne possède pas de règlement officiel pour régir le système, que l'enregistrement de certaines transactions peut prendre des mois, voire des années, et que le système permet d'enregistrer plusieurs descriptions et titres fonciers au regard d'une seule propriété[58].

Pour corriger ces lacunes, Christopher Alcantara et Gordon Shanks recommandent de délaisser le registre des actes au profit d’un système Torrens, qui offre une certitude quant aux titres inscrits, établit la priorité des intérêts divergents et garantit que le titulaire inscrit est le véritable propriétaire du titre.

(v) Restrictions sur la transférabilité des titres

Les restrictions appliquées à la transférabilité des titres (p. ex. le titulaire d’un CP est autorisé à vendre ou à transférer ses intérêts relativement à une terre uniquement à d’autres membres de la bande), ainsi que sur l’utilisation de la propriété comme garantie conformément à la Loi sur les Indiens sont aussi considérées, par certains témoins, comme des facteurs susceptibles de diminuer la valeur économique des terres des Premières nations. Sur cette dernière question, certains témoins ont expliqué que l’article 89 de la Loi sur les Indiens est l’un des principaux obstacles au développement économique des réserves, du fait de l’exemption générale qu’il impose relativement au nantissement et à la saisie de la propriété personnelle d’une terre « indienne ou de bande » située dans une réserve.

Selon Clarence Louie, chef de la bande indienne d’Osoyoos, « en interdisant explicitement la prise d'hypothèques sur des biens situés dans une réserve », l’article 89 de la Loi sur les Indiens, « élimine un des principaux moteurs de développement des petites entreprises[59] ». Le Comité s’est fait dire que les banques hésitent à accorder du financement aux Premières nations pour des questions de garantie et de droits de saisie émanant des restrictions fixées par la Loi sur les Indiens. Il peut donc être difficile d’obtenir du financement pour investir dans des activités de développement économique d’une réserve[60].

Christopher Alcantara a indiqué que même si l’article 89 empêche les membres de la bande d’utiliser leurs terres de réserve pour obtenir une hypothèque dans le but de construire un logement ou de démarrer une entreprise, certaines Premières nations ont trouvé des moyens novateurs de contourner ces obstacles « en transférant leurs CP au conseil de bande, par exemple, pour la durée du prêt hypothécaire ou autre prêt[61] ». Soulignons que les intérêts à bail sur les terres désignées peuvent être hypothéqués ou transférés à des non-Autochtones.

(vi) Aménagement des terres

Plusieurs témoins ont souligné que le développement économique durable et l’aménagement des terres d’une communauté sont étroitement liés. Le chef Tsannie, de la Première nation Denesuline de Hatchet Lake, a décrit l’aménagement des terres comme « un outil pour la bonne gouvernance et la prise de décision » relativement à la conservation, au développement et à la gestion des terres et des ressources[62]. Le Comité s’est fait dire que les bons plans d’aménagement établissent un équilibre entre la protection de l’environnement, la promotion des valeurs sociales et culturelles et la préservation des possibilités de développement économique[63]. Par ailleurs, ils facilitent le développement ordonné des terres, en plus de fournir un important mécanisme d’engagement communautaire officiel.

Les porte-parole du Ministère ont indiqué que « [s]ans une solide planification de l'aménagement des terres, il est difficile de gérer efficacement le développement résidentiel, commercial et industriel[64] ». Malgré l’importance de ces plans, la Loi sur les Indiens accorde aux Premières nations des pouvoirs limités en matière d’aménagement des terres[65]. De plus, les règlements administratifs promulgués en vertu de l’article 81 de la Loi sur les Indiens n’exigent pas l’approbation des communautés et peuvent être abrogés par le ministre.

Si certaines Premières nations se sont dotées d’une réglementation de type municipal en matière d’aménagement des terres et de zonage, le Comité a appris qu’elles n’ont pas le pouvoir, selon la Loi, d’entreprendre des grands projets de zonage et d’aménagement. Faisant référence aux restrictions sur l’aménagement des terres imposées par la Loi sur les Indiens, Andrew Beynon a affirmé :

Les collectivités des Premières nations font rarement une planification approfondie de l'aménagement des terres, qui favoriserait un développement ordonné et une meilleure protection de l'environnement. La Loi sur les Indiens prévoit des pouvoirs restreints en matière de zonage permettant aux Premières nations de promulguer des règlements de zonage, mais elles sont peu nombreuses à l’avoir fait, et aucune n'a de système complet d'élaboration, de mise à jour, d'administration et d'application des règlements de zonage comme il en existe ailleurs au Canada[66].

En raison des pouvoirs limités en matière d’aménagement des terres conférés par la Loi sur les Indiens, les Premières nations sont nombreuses à avoir du mal à harmoniser leur réglementation en matière d’aménagement du territoire avec celles des municipalités voisines ou à recenser les secteurs dans lesquels la collaboration pourrait être profitable[67]. À ce sujet, Jennifer Copegog, de l’Association nationale des gestionnaires des terres autochtones, a déclaré :

Les municipalités avoisinantes gèrent leurs terres de cette manière, ce que les Premières nations ne font pas pour l'instant. Il y en a peut-être quelques-unes qui ont des plans, mais ils ne sont sans doute pas aussi détaillés que ceux des municipalités[68].

Le Comité reconnaît que certaines Premières nations sont à la recherche d’outils d’aménagement du territoire plus performants. Parce que les plans d’aménagement peuvent constituer une assise solide pour le développement économique et la gestion des objectifs de conservation, le Comité a appris avec enthousiasme qu’AADNC, grâce à un projet pilote, travaille en collaboration avec certaines communautés pour les aider à élaborer des plans d’aménagement du territoire complets et de haute qualité, conformes aux valeurs communautaires.

(vii) Écart en matière de réglementation environnementale dans les réserves

Les Autochtones qui vivent dans les réserves ne jouissent habituellement pas du même niveau de protection contre les risques environnementaux que les habitants hors réserve. Cet écart en matière de gestion environnementale vient en partie du fait qu’en vertu de la Constitution, les pouvoirs en matière d’environnement sont répartis entre les provinces et le fédéral. Et parce que le fédéral a compétence sur les « Indiens et les terres qui leur sont réservées », les lois environnementales provinciales qui traitent spécifiquement des terres et des ressources ne s’appliquent pas aux réserves. Ainsi, il appartient au gouvernement fédéral de créer un cadre législatif pour la protection et la gestion de l’environnement sur les terres de réserve.

Selon Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada, « [l]e gouvernement fédéral est certes habilité à réglementer les réserves, mais il a rarement exercé ce pouvoir afin d’atténuer les menaces pesant sur l’environnement qui sont généralement réglementées par les pouvoirs publics provinciaux à l’extérieur des réserves[69] ». En conséquence, peu de règlements fédéraux sont en place pour protéger l’environnement dans les réserves[70]. En outre, le pouvoir des gouvernements des Premières nations d’intervenir pour remédier à ces lacunes est limité par la Loi sur les Indiens. Warren Johnson a décrit ainsi les limites de la Loi à cet égard :

Bien que les Premières nations jouissent en vertu de la Loi sur les Indiens de certains pouvoirs au chapitre de l'adoption de règlements administratifs locaux, de la réglementation des affaires et de la planification de l'aménagement des territoires, qu'elles pourraient bien utiliser aux fins de la protection de l'environnement et de la gestion des ressources et des terres, ces dispositions sont désuètes, ne sont pas financées et sont accompagnées de dispositions tout à fait inadéquates relativement aux pénalités et à l'application[71].

Cette situation est à l’origine de l’écart en matière de réglementation environnementale dans les réserves. John Moffet, directeur général, Affaires législatives et réglementaires, ministère de l'Environnement, a expliqué que « les réserves ne profitent généralement pas de l’ensemble de la protection environnementale qui s’applique à l’extérieur des réserves[72] ».

À maintes reprises, le Comité s’est fait dire que les peines prévues dans la Loi sur les Indiens — des amendes ne dépassant pas 1 000 $ — pour les infractions environnementales sont si peu sévères qu’elles n’ont qu’un effet dissuasif minimal. Au dire de la chef Sharon Stinson :

[R]ares sont les règlements fédéraux en vigueur pour protéger l'environnement sur les réserves. En conséquence, les résidants des réserves des Premières nations ne jouissent pas des mêmes protections environnementales que les autres Canadiens[73].

Des porte-parole des Premières nations ont souligné que le développement économique de leurs communautés dépend d’un environnement propre et sain et qu’il est essentiel de combler l’écart en matière de réglementation dans les réserves si l’on veut attirer les investissements. Sur la question du rapport entre la réglementation environnementale et le développement économique, le chef Maracle a déclaré :

Le manque de règles environnementales claires en ce qui concerne les réserves pourrait aussi s’avérer un élément dissuasif pour les promoteurs. La confusion qui règne à ce chapitre risque d’entraîner la perte de possibilités de développement économique[74].

Warren Johnson a expliqué au Comité que dans ses efforts pour combler l’écart en matière de réglementation environnementale dans les réserves, le fédéral travaille avec les Premières nations sur des aspects précis de l’élaboration des lois et règlements[75]. Il estime que cette approche graduelle est longue et pourrait faillir à atteindre l’objectif visé — faire en sorte que les Premières nations jouissent du même degré de protection environnementale que les non-Autochtones. Il a proposé de remplacer l’approche sectorielle par une loi nationale unique de protection environnementale des Premières nations. Il a déclaré : « Compte tenu de l'échec de l'approche fragmentée, il semble qu'il soit maintenant temps de combler les lacunes au chapitre de l'environnement grâce à un programme de mesures complet[76]. »

En revanche, des témoins, comme Laura Edgar de l’Institut sur la gouvernance, ont indiqué qu’une législation environnementale exhaustive ne résoudra pas nécessairement toute la problématique de la réglementation environnementale des réserves. Elle a fait remarquer : « La mise en place d'une loi prend beaucoup de temps et cela ne contribue pas rapidement à la résolution des problèmes, loin de là. La mise en œuvre d'un régime réglementaire global est coûteuse[77]. » Elle a ajouté qu’on ne remédiera pas aux lacunes de la gestion de l’environnement strictement par l’adoption d’une série de règlements. En fait, a-t-elle expliqué, un régime de gestion environnementale efficace doit prévoir plusieurs autres fonctions, dont les approbations, la normalisation, le suivi et les inspections, et les Premières nations doivent avoir la capacité de les exercer. Elle a déclaré :

[I]l est inutile d'avoir des régimes de réglementation si les Premières nations n'ont ni la capacité ni les ressources pour respecter ces régimes, parce qu'elles seront immédiatement dans une situation de non-conformité. Alors, je pense que la priorité, c'est de renforcer les capacités pour qu'elles puissent faire ce qu'elles doivent faire, maintenant, pour gérer de manière efficace. Ensuite, l'adoption d'autres textes législatifs dans le cadre d'un processus de collaboration quelconque constitue la meilleure approche[78].

Ce point de vue a été repris par les porte-parole d’Environnement Canada, qui ont formulé une mise en garde à l’endroit du recours à la stricte réglementation pour remédier aux difficultés environnementales. John Moffet a dit au Comité : « La création de solutions pratiques auxquelles on consacre des ressources adéquates est beaucoup plus difficile que de déterminer quelles sont les lacunes ou de créer des règlements précis[79]. » Il a ajouté que parce que les Premières nations ne font pas nécessairement face aux mêmes difficultés ou priorités, elles pourraient être mal servies par une réglementation fédérale uniforme.

Les porte-parole d’Environnement Canada et de l’Institut sur la gouvernance ont tous deux insisté sur le fait que la réglementation à elle seule ne suffira pas à relever les défis de la gestion environnementale dans les réserves. Selon eux, développer la capacité des Premières nations de gérer leurs propres risques environnementaux d’une façon qui ira « de pair avec l’utilisation de leurs terres et leurs objectifs de développement commercial et industriel[80] » peut être plus important que la réglementation.

Plusieurs témoins des Premières nations ont fait ressortir que développer et soutenir la capacité de gouvernance environnementale des Premières nations est un élément clé de la solution. La chef Sharon Stinson Henry a déclaré :

Le gouvernement fédéral doit donc fournir aux Premières nations suffisamment de ressources financières, techniques et autres pour répondre à leurs besoins en matière de gestion environnementale[81].

Enfin, les représentants du Bureau du vérificateur général du Canada ont mentionné qu’à mesure que les Premières nations assumeront davantage de responsabilités en matière d’environnement, il deviendra essentiel de veiller à ce que « l’expertise et la capacité [soient] en place de façon à ce que des gens compétents puissent assumer les fonctions[82] ».

B. Alternatives au régime de gestion des terres de la Loi sur les Indiens

(i) Loi sur la gestion des terres des premières nations

La Loi sur la gestion des terres des premières nations (LGTPN) élimine bon nombre des entraves créées par la Loi sur les Indiens en fournissant aux Premières nations un moyen de contrôler les terres et les ressources des réserves, et en mettant fin au pouvoir discrétionnaire du ministre, en vertu de la Loi sur les Indiens, sur les décisions qui concernent la gestion des terres de réserve[83]. Sous le régime de la LGTPN, les terres demeurent des terres de réserve et, par conséquent, « ne peuvent être vendues, cédées ou expropriées pour quelque objet provincial que ce soit[84] ».

Pour des témoins, le régime de gestion des terres des Premières nations (GTPN) est un cadre institutionnel moderne qui permet d’aborder plus efficacement les questions actuelles — aménagement du territoire, gestion environnementale, zonage, etc. — que ce que le permet la Loi sur les Indiens. Le chef Austin Bear a souligné que les outils prévus par la LGTPN « sont bien plus clairs et beaucoup plus efficaces pour gérer nos terres et nos ressources[85] ». De même, les porte-parole du Ministère ont indiqué que l’accord-cadre sur la gestion des terres des Premières nations se révèle un outil efficace pour « moderniser » la gestion des terres des Premières nations et exploiter le potentiel économique des terres de réserve[86].

Parmi les éléments clés de la réussite de la LGTPN figure le pouvoir décisionnel local, en vertu duquel les Premières nations sont en mesure de mieux suivre le « rythme des affaires ». Gordon Shanks a expliqué :

[L]e régime créé en vertu de la loi sur les terres est local, c'est-à-dire que les décisions sont prises à l'échelle locale. Généralement, cela signifie aussi plus rapidement, ce qui est fort souhaitable dans la plupart des circonstances économiques. Cela donne une certaine souplesse aux circonstances locales. Lorsque vous exercez vos activités en vertu d'un régime national, par exemple, la Loi sur les Indiens, la souplesse n'est pas souvent à l'ordre du jour [...] La loi sur les terres, en permettant que les décisions soient prises à l'échelle de la collectivité, offre vraiment des avantages importants. Dans les collectivités qui l'utilisent, on peut voir certains de ces avantages à l'œuvre[87].

De même, le chef Robert Louie, président, Conseil consultatif des terres des Premières nations (CCTPN), a mentionné au Comité qu’une étude indépendante réalisée par la firme KPMG Associates avait conclu que les Premières nations qui adhèrent au régime de GTPN parviennent à conclure leurs transactions foncières beaucoup plus rapidement et pour bien moins cher que sous le régime de la Loi sur les Indiens. Il a déclaré :

Nous pouvons répondre aux gens d'affaires dans des délais qui leur conviennent sans avoir à attendre de six mois à deux ans pour qu'une décision soit prise au ministère des Affaires indiennes [...] Nous avons fait appel à la société KPMG [...] Dans le rapport qu'elle a remis dernièrement, la société conclut que nous pouvons gérer nos terres et traiter nos transactions foncières d'une meilleure façon, plus efficacement et à un moindre coût que les gens du ministère des Affaires indiennes[88].

Si une étude réalisée par André Le Dressay a conclu que les coûts de la réalisation d’un projet sur des terres des Premières nations situées favorablement étaient de quatre à six fois plus élevés que pour les projets réalisés sur des terres comparables hors réserve, il a dit au Comité que « la LGTPN pourrait être très efficace pour combler cette lacune » et que « [c]ertaines Premières nations l'ont [...] utilisée dans ce sens[89] ».

Des témoins ont ajouté que la LGTPN facilite des développements qui auraient été impossibles sous le régime de la Loi sur les Indiens. Pour Phillip Goulais, directeur du CCTPN et ancien chef de la Première nation de Nipissing (l’une des premières à adhérer à la LGTPN), les ententes d’investissement qui auraient pris des années à être conclues en vertu de la Loi sur les Indiens peuvent maintenant se faire dans un délai d’un mois. Il a illustré ses propos au moyen d’un exemple :

[E]n 1989 […] 16 occasions de développement nous avaient filé sous le nez, parce qu'il nous fallait environ deux ans [sous le régime de la Loi sur les Indiens] pour officialiser une relation avec un promoteur. Aujourd'hui, nous concluons une affaire en quelques heures. Nous pouvons nous entendre en principe sur nos objectifs. Dans le mois qui suit, nous pouvons officialiser les derniers instruments qui nous permettent de passer à l'action[90].

Plusieurs témoins ont souligné que la capacité de traiter rapidement des transactions foncières en vertu de la LGTPN comparativement à la Loi sur les Indiens, dont les permis et les baux, est une caractéristique essentielle du régime. Cet aspect est particulièrement important pour l’approbation des baux. La Loi sur les Indiens dispose que les baux doivent être négociés par le Ministère, au nom de la Première nation, et être approuvés par le ministre. Sous le régime de la LGTPN, les Premières nations sont habilitées à négocier leurs propres baux, ce qui réduit considérablement les délais et les coûts de ces transactions. La chef Stinson Henry a indiqué qu’il lui fallait auparavant un ou deux ans pour conclure des baux résidentiels dans sa communauté, alors qu’aujourd’hui, il suffit de quelques jours[91].

Non seulement le régime de GTPN est-il perçu comme un outil utile pour le développement économique, mais selon plusieurs témoins, il contribue aussi à ériger la capacité de gouvernance nécessaire pour accéder à l’autonomie gouvernementale. À ce propos, le chef Louie, dont la communauté de Westbank a entrepris le processus de signature d’un accord d’autonomie gouvernementale, a dit au Comité :

C'est un premier pas. L'avantage d'accéder ainsi peu à peu à l'autonomie gouvernementale, grâce à la gestion des terres, c'est de donner à la Première nation l'occasion de se mouiller les pieds, si vous me permettez l'expression, pour dire que c'est autant d'expérience maintenant de gagné.
[…]
Dans de nombreuses collectivités du pays, l'idéal serait d'y aller par étapes, pour des raisons évidentes ‒ acquérir de l'expérience, des connaissances; puis, à partir de là, tout s'ensuit[92].

À cet égard, le régime de GTPN a été qualifié par certains témoins d’élément essentiel de la construction d’une nation. John Paul, directeur exécutif, Secrétariat du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique, a souligné que la LGTPN offre aux Premières nations la possibilité d’établir des codes fonciers conformes à leurs valeurs et à leur vision[93]. De façon plus générale, la vice-chef Jody Wilson-Raybould a indiqué :

[L]a gestion des terres et la pleine compétence sur ce qui survient dans la réserve sont un aspect de la gouvernance générale que nos collectivités veulent s'approprier en accédant à la pleine autonomie après s'être émancipées de la Loi sur les Indiens. Nos collectivités se trouvent en divers points sur ce parcours et veulent reconstruire nos nations[94].

En permettant aux Premières nations de créer des lois environnementales globales, la LGTPN, selon Gordon Shanks, promet d’avoir d’importantes retombées économiques pour les communautés participantes. Si plusieurs témoins ont mentionné que la LGTPN permet aux Premières nations de gérer leurs terres de manière plus concurrentielle, d’autres ont dit craindre que les obligations environnementales inhérentes à ce régime fassent obstacle à la participation des Premières nations. Par exemple, en réponse à une question sur la décision de Kahnawake de ne pas souscrire à la LGTPN, Debbie Morris, directrice associée, Unité des terres, Conseil des Mohawks de Kahnawake, a expliqué :

À l'époque, nous étions préoccupés au sujet des exigences environnementales et des responsabilités qui auraient dû être assumées par Kahnawake ‒ de plus, nous n'avions pas le financement nécessaire pour effectuer le travail. Cela explique en grande partie pourquoi il n'y a pas eu de suivi[95].

De même, les représentants du Bureau du vérificateur général du Canada ont observé que les responsabilités environnementales en vertu du régime peuvent « [compromettre] la conclusion d'une entente aux termes de la LGTPN[96] », ajoutant qu’à mesure que les responsabilités des Premières nations augmentent, il est essentiel de veiller à ce qu’elles disposent de l’expertise et de la capacité pour bien gérer ces responsabilités.

Toutefois, compte tenu des avantages économiques de la LGTPN, la majorité des témoins ont recommandé que l’on prenne des mesures pour fournir aux communautés participantes les ressources nécessaires et que l’on s’attaque à l’arriéré des demandes des Premières nations souhaitant adhérer à l’accord-cadre[97].

Les représentants de l’Assemblée des Premières nations, du Conseil national de développement économique des Autochtones et du Comité consultatif des terres des Premières nations ont demandé instamment aux parlementaires de faciliter l’accès à l’initiative par les Premières nations. Les porte-parole du Ministère ont fait savoir que même si 80 Premières nations ont formulé officiellement leur intérêt à adhérer au régime de GTPN, les restrictions financières limitent l’ajout de nouveaux participants[98]. Ils ont par ailleurs mentionné qu’ils travaillent avec les Premières nations sur des moyens de changer la formule de financement du fédéral pour donner accès aux nouveaux participants.

Enfin, le chef Robert Louie a souligné qu’investir dans le régime de GTPN procure des retombées économiques non seulement pour les Premières nations, mais aussi pour les entreprises et les communautés voisines. « C'est vraiment un investissement, a-t-il dit, qui rapportera au Canada et aux collectivités dans leur ensemble un rendement dix fois supérieur aux ressources mobilisées[99]. »

(ii) Projet de loi sur le droit de propriété des Premières nations

Actuellement, en vertu de la Loi sur les Indiens et de la LGTPN, ni les membres des Premières nations ni les non-membres ne peuvent se porter acquéreur d’un intérêt en fief simple sur une terre de réserve. Les terres de réserve sont réservées à l’usage et au bénéfice d’une Première nation, mais l’État demeure propriétaire du titre légal. Le Comité a entendu le témoignage de Clarence T. (Manny) Jules qui, en collaboration avec des Premières nations intéressées, dirige une initiative visant à créer des droits de propriété en fief simple sur les terres des Premières nations.

Le projet de loi sur les droits de propriété des Premières nations (LDPPN) est présenté comme une alternative aux régimes de la Loi sur les Indiens et de la LGTPN. En vertu de ce projet de loi, l’État transférerait le titre de propriété des terres de réserve aux Premières nations. Celles-ci auraient ensuite le pouvoir de transférer l’intérêt franc (ou le droit de propriété individuel en fief simple) à un membre de la bande ou à d’autres parties, selon le cas. Il serait ensuite possible de transférer, d’hypothéquer ou de vendre l’intérêt privé à un non-Autochtone, et cet intérêt pourrait faire l’objet d’une saisie dans le cadre d’une procédure de réalisation d’actifs. Tous les intérêts seraient consignés dans un système Torrens national administré et contrôlé par les Premières nations. Le régime proposé serait facultatif. Peu importe qui serait le détenteur de l’intérêt en fief simple, le titre sous-jacent ou le droit réversif serait détenu par la Première nation.

Selon Manny Jules, la LDPPN présente entre autres comme avantages d’offrir aux investisseurs une certitude à l’égard des titres fonciers, de réduire les coûts des transactions associés à la Loi sur les Indiens et de permettre à des Autochtones d’accéder au financement pour le logement sans garantie du ministre ou de la Première nation.

La LDPPN permettra aux terres et aux membres des Premières nations de devenir plus productifs. La mesure législative réduira l’incertitude engendrée par le mode de tenure ainsi que la certitude éprouvée par les investisseurs. Elle réduira également les frais occasionnés par des transactions commerciales, comme l’inscription d’une hypothèque, le transfert d’un titre et l’obtention d’un financement. Elle confirmera la compétence des Premières nations, contribuera à sa mise en œuvre et permettra d’ouvrir des marchés[100].

Exception faite des témoignages positifs livrés par les dirigeants de cette initiative, les témoins des Premières nations qui se sont exprimés sur la LDPPN se sont dits opposés à cette initiative, même s’ils ont presque tous reconnu que les Premières nations étaient libres d’opter ou non pour ce régime. Certains ont indiqué que la LDPPN ne serait pas nécessairement profitable dans les communautés rurales, éloignées ou isolées, où la demande concernant les terres des Premières nations est limitée. Christopher Alcantara a mentionné :

[D]ans les régions éloignées, les droits en fief simple ne seront pas la solution […] Ce sera pour certaines d'entre elles, en tout cas celles qui sont situées dans des endroits où elles peuvent bénéficier du régime en fief simple. Nous parlons des endroits où il y a une demande à l'égard des terres à l'intérieur d'une réserve, mais aussi à l'extérieur. Cela s'adresserait particulièrement aux réserves situées à côté de villes, par exemple, ou de municipalités. Ce sont des endroits où la propriété en fief simple pourrait être utilisée de bien des façons[101].

De même, le chef Gilbert Whiteduck, Première nation Kitigan Zibi Anishinabeg, a expliqué que le développement économique de sa communauté ne dépendait pas réellement du statut juridique des terres, mais plutôt de la santé de l’économie régionale. Il a dit :

D'après ce que nous avons pu faire dans la communauté pour développer un certain niveau d'activité économique, de l'entreprise privée à l'entreprise communautaire, je dirais qu'en fait, le développement économique d'un territoire dépend énormément de son emplacement. Nous sommes situés près d'une ville qui éprouve beaucoup de difficultés à cause du déclin de l'industrie forestière. Le fait d'avoir la haute main sur nos terres ne nous apporterait pas un développement économique plus important. La région connaît une dépression économique et les débouchés sont pour plus tard[102].

Christopher Devlin et John Gailus ont aussi expliqué que l’emplacement géographique de la plupart des Premières nations peut expliquer le soutien limité accordé jusqu’ici à l’initiative. M. Devlin a fait remarquer :

Lorsqu'il s'agit de collectivités urbaines et semi-urbaines ou lorsqu'il s'agit de collectivités établies le long d'une route principale facilitant le transport, les questions de propriété et de droits de propriété deviennent plus pertinentes. Cependant, la plupart des Premières nations se trouvent dans les régions éloignées. C'est la principale raison pour laquelle, selon moi, très peu se disent intéressées. Comme mon collègue l'a mentionné, les collectivités avantagées sur le plan géographique sont celles qui, à juste titre, mènent le débat sur cette question[103].

Mises à part les limitations géographiques potentielles, le chef régional Angus Toulouse a parlé des divergences entre les points de vue autochtones et les valeurs occidentales en ce qui a trait à la terre, expliquant que pour bien des Premières nations, la terre n’est pas un bien de consommation. Il a déclaré :

[L]a marchandisation [de la terre] s'oppose à notre mode de pensée traditionnel […] Les croyances et les valeurs qui sous-tendent le modèle économique du Canada ne sont pas forcément partagées par les Autochtones. Ce modèle se fonde sur les biens propres, ainsi que sur l'achat et la vente de terrains entre les particuliers et les entreprises. Les terres communes ne cadrent pas avec le système. Les Premières nations ne peuvent pas concevoir un tel détachement par rapport à la terre. C’est essentiellement le cœur du différend sur la propriété et la désignation des terres[104].

Pour certains témoins, en plus de permettre le transfert et la vente à des tiers d’intérêts privés dans une terre de réserve, la LDPPN pourrait altérer l’intégrité de l’assise territoriale de la réserve. Le chef Whiteduck a dit au Comité que, peu importe qui détient le droit de propriété sous-jacent, « [n]ous ne voulons plus perdre une seule partie de notre réserve[105] ».

Si les témoins ont reconnu que la propriété en fief simple pourrait stimuler la confiance des investisseurs et, ultimement, profiter à la croissance économique de la Première nation, ils ont indiqué que le développement économique durable peut se faire sans passer par la privatisation des terres de réserve[106]. Le chef national de l’Assemblée des Premières nations, Shawn A-in-chut Atleo, a affirmé :

[N]ous avons des Premières nations qui ont très bien su déverrouiller leur potentiel économique tout en conservant la propriété collective de la terre et réaliser néanmoins leur potentiel économique[107].

Faisant remarquer que de nombreuses Premières nations pourraient hésiter à opter pour ce cadre législatif, du moins au début, Warren Johnson a souligné qu’il fallait renforcer les instruments (p. ex. les baux) et les outils actuels qui, selon lui, ne sont pas utilisés correctement :

Cela ne veut pas dire que, si une Première nation préfère le mécanisme des terres en fief simple, il faudrait l'en empêcher. Ce qui me préoccupe […] c'est que, dans la situation actuelle, il existe des outils que les Premières nations pourraient utiliser, moyennant des ressources et des pouvoirs adéquats, qui sont satisfaisants et qui pourraient l'être pour un grand nombre de Premières nations, puisqu'ils le sont de toute évidence pour certaines des grandes économies du monde[108].

De même, Gordon Shanks a souligné que même si le régime de la LGTPN empêche les Premières nations qui y adhèrent de vendre leurs terres de réserve, cela « ne semble pas pour l'heure constituer un obstacle important au développement économique[109] ».

C. Capacité de gestion des terres

(i) Capacité de gestion et de traitement des transactions foncières du Ministère

Plusieurs témoins ont mentionné au Comité qu’AADNC ne dispose pas des ressources internes (humaines et financières) nécessaires pour gérer efficacement et rapidement les transactions foncières. Ils ont fait remarquer que la capacité du Ministère ne suit pas la complexité ou la hausse du nombre de transactions réalisées sur les terres de réserve des Premières nations. Le chef Clarence Louie a dit au Comité :

Je songe à la Colombie-Britannique et à ses 1 500 réserves; le bureau des Affaires indiennes et du Nord canadien possède un effectif pas plus nombreux que les doigts d'une main pour s'occuper de tous les baux, y compris tous les nouveaux, dans le bac d'arrivée pour la Colombie-Britannique[110].

En ce qui concerne le volume de transactions foncières traitées par AADNC, les porte-parole du Ministère ont déclaré qu’au cours des cinq dernières années, le Ministère a négocié quelque 44 000 baux et inscrit presque 40 000 transactions foncières au cours de la même période. Cet important volume d’activités est supervisé et administré par près de 200 personnes. Sans surprise, la capacité de gestion des terres d’AADNC a été citée par certains comme un obstacle au développement économique encore plus important que la Loi sur les Indiens[111].

De même, Warren Johnson a indiqué : « Aujourd'hui, le MAINC représente un problème encore plus important que la Loi sur les Indiens, en raison du sous-financement de ses propres activités et de celles des Premières nations[112]. » Certains témoins ont avancé qu’en raison des problèmes de capacité interne, le Ministère ne peut donner suite aux demandes de transactions foncières des Premières nations en temps opportun, ce qui entraîne des retards qui ont une incidence négative sur le développement économique. John Gailus a expliqué :

[L]e développement économique [...] ce n'est pas une priorité pour AADNC [...] du moins aux termes de la Loi sur les Indiens […] Le ministère n'affecte pas les ressources humaines et financières pour résoudre ces questions. Ce n'est pas nécessairement la faute de ceux qui travaillent d'arrache-pied, car ils assument une charge de travail considérable. Pour réussir à favoriser le développement économique des Premières nations, il faut investir des ressources humaines et financières en conséquence[113].

Le chef Whiteduck a décrit les problèmes auxquels se heurtent les Premières nations qui doivent passer par le Ministère pour traiter leurs transactions foncières. Il a déclaré :

La grande source de difficultés a toujours été la bureaucratie d'Affaires indiennes et du Nord Canada, la lenteur de l'appareil gouvernemental à répondre aux questions, à donner des approbations et ce genre de choses. Nous sommes souvent prêts à agir très rapidement. C'est vraiment à cause de l'appareil administratif. En général, on nous répond que les fonctionnaires sont surchargés de travail. Voilà ce qu'ils nous disent. Ensuite, ils nous disent que ces questions ne se régleront pas en plusieurs mois, mais en plusieurs années. C'est très alarmant, car il faut qu'une entreprise puisse avancer. C'est un des obstacles qu'il serait possible d'éliminer rapidement d'une façon ou d'une autre pour permettre aux communautés de progresser[114].

Leona Irons, directrice exécutive de l’Association nationale des gestionnaires de terres autochtones, a expliqué qu’étant donné que les Premières nations développent leurs capacités en gestion des terres et que les transactions deviennent de plus en plus complexes, les services de gestion des terres du Ministère doivent fournir une expertise encore plus spécialisée. Elle a déclaré :

Au fur et à mesure que nous relevons le niveau de nos normes professionnelles, nos collègues des bureaux régionaux doivent nous emboîter le pas. Il semble toutefois qu'ils doivent aussi composer avec certaines restrictions financières lorsqu'il s'agit de développer leur capacité[115].

Une autre question risque de soulever des préoccupations : vu le temps nécessaire pour le traitement des transactions foncières, il arrive que des Premières nations contournent le Ministère en omettant d’enregistrer leurs activités reliées aux terres. Selon Warren Johnson, une récente étude des transactions foncières dans les réserves révèle qu’une grande partie de ces activités ne figurent pas dans le Système d’enregistrement des terres indiennes ou ne font pas l’objet d’une approbation du gouvernement fédéral. M. Johnson a indiqué qu’« environ 80 % des cessions individuelles ou familiales se font en marge de la Loi sur les Indiens, que 50 % des baux des bandes ne sont pas enregistrés, et que 66 % des utilisations à court terme des terres des réserves — par exemple, créer une carrière de gravier ou un dépotoir — ne sont pas réglementées par le gouvernement fédéral[116] ». Il a ajouté que « ni les Premières nations, ni AADNC ni Environnement Canada n'ont le pouvoir législatif ou les ressources nécessaires pour gérer les réserves en fonction d'une norme qui serait comparable à la norme des autres collectivités du Canada […] la situation ne peut qu'empirer[117] ».

Des témoins ont fait connaître leurs points de vue sur la capacité du Ministère de bien appliquer les dispositions réglementaires fédérales en matière d’environnement. Des représentants du Bureau du vérificateur général ont indiqué au Comité que, d’après leur audit, le Ministère n’était pas bien outillé pour surveiller l’application de ces dispositions dans les réserves ou pour les faire appliquer. M. Campbell a expliqué au Comité :

[…] Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a peu fait pour faire appliquer les règlements qui sont en vigueur et surveiller la conformité à ces règlements. Ainsi, même si la Loi sur les Indiens comporte des règlements selon lesquels une personne qui souhaite exploiter un dépotoir d’ordures dans une réserve doit obligatoirement obtenir un permis auprès d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, nous avons constaté que le Ministère a accordé peu de permis et qu’il n’est pas en mesure de faire des inspections, de surveiller l’application du règlement ou de le faire respecter[118].

Dans le même ordre d’idées, Scott Vaughan, commissaire à l’environnement et au développement durable, a mentionné au Comité que le taux de conformité du gouvernement fédéral, constaté au moyen d’inspections, était censé être de 60 %, mais qu’il n’était que de 13 %[119].

(ii) Développer la capacité de gestion des terres des Premières nations

De l’avis de plusieurs témoins, à mesure que les Premières nations prennent progressivement en charge la gestion de leurs terres, il importe de plus en plus de veiller à ce qu’elles disposent du savoir-faire requis pour assumer les autres responsabilités transférées par le gouvernement fédéral, de même que les obligations et les risques possibles. Comparaissant devant le Comité, Jody Wilson-Raybould a fait observer que « l'instauration de capacités de bonne gouvernance dans nos collectivités [pourra] conduire au développement économique[120] ». À ce propos, on a dit au Comité qu’il fallait absolument former des gestionnaires des terres des Premières nations pour que les communautés puissent renforcer les capacités nécessaires à la gestion efficace de leurs terres. Selon le chef Robert Louie :

Le renforcement des capacités est très important. Avec le transfert de responsabilité de la gestion des terres aux Premières nations, nos collectivités ont continuellement demandé de l'aide pour renforcer leurs capacités. Nous avons besoin de gestionnaires des terres dotés de la formation nécessaire pour nous aider à exercer notre pouvoir décisionnel. Je tiens à mettre l'accent sur ce besoin, parce qu'il est très réel[121].

À cet égard, Jennifer Copegog, présidente de Ontario Aboriginal Lands Association et directrice de l’Association nationale des gestionnaires des terres autochtones, a expliqué au Comité :

Il nous faut des gens hautement qualifiés, aux compétences clairement définies et bien développées, capables d'amener leur communauté à prendre davantage de responsabilités et à être plus autonome par rapport à la gestion foncière[122].

Des représentants du Bureau du vérificateur général ont fait part au Comité des difficultés que doivent surmonter les gestionnaires des terres pour répondre aux besoins en matière de formation. On pense qu’il y a des obstacles qui freinent les possibilités de formation des gestionnaires des terres, par exemple l’affectation de fonds insuffisants par AADNC à ses programmes de formation en gestion foncière, ainsi que le temps nécessaire et la distance qu’il faut parcourir pour suivre certains programmes de formation.

Par ailleurs, des représentants de l’Association nationale des gestionnaires des terres autochtones ont fait remarquer que, comme le prévoit son programme, le Ministère assume uniquement les frais afférents à un seul gestionnaire des terres par communauté. Joe Sabattis, président de l’Atlantic Region Aboriginal Lands Association et directeur de l’Association nationale des gestionnaires des terres autochtones, a dit au Comité :

En ce qui concerne la formation elle-même, nous avons un problème au niveau des Premières nations. Nous envoyons des gens à l'école, le ministère des Affaires autochtones paie pour cela, mais si quelqu'un meurt, s'en va ou prend sa retraite, il incombe à la bande de payer l'envoi d'un nouveau gestionnaire de terres à l'école. La bande doit payer ses frais d'inscription, de déplacement et toutes ses fournitures; et c'est très dur pour elle[123].

La formation offerte aux Premières nations assujetties à la LGTPN par le Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières nations ne semblait pas soumise à des contraintes semblables, car la plupart des cours sont offerts en ligne et peuvent être suivis par plus d’une personne dans la même communauté.

Des représentants du Centre de ressources et de l’Association nationales des gestionnaires des terres autochtones ont mentionné l’importance des ressources nécessaires pour le renforcement des capacités de gestion des terres des Premières nations. Selon Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, « [n]ous avons aussi constaté que le Ministère n'offre pas suffisamment de programmes de formation aux Premières nations par rapport à l'ampleur des responsabilités de gestion des terres qu'il leur confie lorsqu'elles doivent gérer leurs terres en vertu de l'un ou l'autre des régimes fonciers[124] ». Les représentants des deux organismes semblent du même avis. Julie Pellerin a indiqué au sujet de l’Association nationale des gestionnaires des terres autochtones :

La capacité a toujours été un problème et le sera toujours. Nous avons reçu beaucoup plus de financement pour notre Première nation, et nous l'apprécions, mais cela ne suffit toujours pas à combler toutes les lacunes associées à ces capacités[125].

À cet égard, Graham Powell, directeur exécutif du Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières nations, a indiqué que les obligations du Canada aux termes de l’accord-cadre sur la gestion des terres des Premières nations consistent à faire en sorte que les Premières nations aient la capacité de délaisser le régime de la Loi sur les Indiens et d’élaborer leurs propres codes fonciers. Il a déclaré : « Si le Canada ne soutient pas la formation ni le développement des capacités, il n'honore pas ses obligations découlant de l'accord-cadre[126]. »

Le Comité a également appris qu’il est important que les Premières nations aient accès au Système d’information géographique (SIG), surtout lorsqu’elles commencent à élaborer les plans détaillés d’aménagement des terres. Au dire de représentants de Saskatchewan Aboriginal Land Technicians, les 74 Premières nations de la Saskatchewan pourraient apprendre à utiliser le logiciel du SIG moyennant environ 260 000 $, mais il leur est difficile de trouver ce montant. Aaron Louison, président de Saskatchewan Aboriginal Lands Technicians, a indiqué à cet effet :

Je n'ai réussi à trouver aucun programme assez généreux pour la formation des gestionnaires des terres des Premières nations à l'utilisation du logiciel, dont les avantages sont infinis. Nous pourrions faire beaucoup grâce à lui, mais, financièrement, c'est impossible. Je ne peux même pas trouver d'organisme pour nous aider à financer son acquisition[127].

Vu l’importance de l’aménagement efficace des terres pour la gestion et le développement économique durable des ressources et des terres de réserve, des témoins, dont l’Association nationale des gestionnaires des terres autochtones, ont exposé les avantages que pourraient tirer les Premières nations de la technologie et de la formation relatives au SIG si elles y avaient plus facilement accès. Leona Irons a indiqué que les Premières nations ont besoin de ce type de technologie, laquelle constitue un « outil de prise de décision et de cartographie qui permet de prendre connaissance de couches superposées d’information et de les analyser[128] ». Autrement dit, l’utilisation du SIG permet aux communautés de savoir ce qui se trouve sur leurs terres et, partant, de mieux élaborer des plans d’aménagement des terres[129].

D. Agrandissement des réserves : processus fédéral d’ajout aux réserves

Le processus par lequel des terres sont annexées aux réserves est établi dans la Politique fédérale de 2001 sur les ajouts aux réserves (AR), qui définit les motifs d’agrandissement acceptables et les exigences en matière de procédure. Il existe actuellement trois grandes catégories dans le cadre desquelles les Premières nations peuvent acquérir des terres ou s’en voir attribuer : les obligations légales, qui englobent les obligations légales foncières découlant d’ententes sur les revendications territoriales particulières; les ajouts à la collectivité, catégorie qui prévoit « l’ajout de terres à une réserve existante pour procurer l’espace nécessaire à la croissance normale de la collectivité »; une troisième catégorie d’ordre général appelée « nouvelles réserves/autres politiques[130] ».

Selon des représentants du Ministère et des Premières nations, l’annexion de terres aux réserves permet de renforcer le bien-être socioéconomique des communautés, d’encourager l’investissement et de promouvoir le développement économique. L’agrandissement des réserves permet également au Canada de remplir ses obligations légales et fournit du territoire supplémentaire pour la création des logements et de l’infrastructure dont les communautés ont tant besoin. C’est pourquoi les Premières nations se préoccupent de l’efficience du processus de création des réserves.

Les témoins s’accordaient largement à dire que la Politique et les modalités connexes sont onéreuses, complexes, longues et fastidieuses. Au sujet de la complexité du processus d’examen et d’approbation des AR, le chef Angus Toulouse a dit au Comité :

Il est très compliqué, si vous voulez, de s’assurer que chaque étape demandée est suivie. Et, lorsqu’au sein de la communauté, vous n’avez pas la capacité de veiller à ce que chaque étape soit exécutée de la manière attendue, si vous sautez une étape ou manquez d’en reconnaître une, c’est une raison suffisante pour renvoyer la demande[131].

La majorité des représentants des Premières nations ont déploré la lenteur du processus d’AR, lequel peut nécessiter plusieurs années. Le Comité a entendu parler de plusieurs cas où ce processus s’est échelonné sur plus de 10 ans dans certaines communautés. La chef Marianna Couchie de la Première nation de Nipissing a indiqué au Comité qu’il a fallu presque 17 ans pour que la terre acquise à la suite du règlement de revendications territoriales particulières ait le statut de réserve[132]. Pendant tout ce temps où les terres n’ont pas encore le statut de réserve, les Premières nations doivent payer l’impôt foncier, ce qui leur occasionne un fardeau financier imprévu.

Pour bien des Premières nations, la réussite du développement économique repose sur la conversion rapide des terres en réserves. Plus la conversion tarde, moins les Premières nations peuvent utiliser les terres pour atteindre leurs objectifs économiques. Au sujet des conséquences des retards associés au processus d’AR, le chef Clinton Phillips a indiqué au Comité :

[M]a communauté s'est battue contre l'incapacité de développer ses terres à des fins économiques à cause de politiques désuètes et paternalistes du gouvernement canadien qui limitent, et dans la plupart des cas, empêchent le développement économique; par exemple, la politique d'ajout aux réserves qui crée continuellement des retards qui peuvent durer de 5 à 10 ans, dans certains cas – des années pendant lesquelles nos terres demeurent hors de notre contrôle, pendant lesquelles le développement économique ne peut avoir lieu, et finalement des années pendant lesquelles on se voit nier la prospérité[133].

James Cada, de la Première nation Mississauga, où le processus d’AR a nécessité plus de 15 années, a dit au Comité que sa communauté avait perdu environ 850 000 $ en baux immobiliers non conclus et 10,5 millions de dollars en recettes non tirées des droits de coupe, de même qu’à cause des possibilités d’emploi perdues pendant cette période. « En bref, a‑t-il dit au Comité, le processus d’ajout aux réserves doit être plus efficace pour que les Premières nations puissent réellement tirer profit des débouchés économiques. Si la Première nation Mississauga avait connu un processus rapide, nos préoccupations économiques actuelles seraient très minimes[134]. »

Des témoins ont fait valoir que le processus d’AR contribue à ouvrir des débouchés dans les communautés éloignées ou isolées. Le chef Clarence Louie a expliqué que le processus peut aider ces communautés à surmonter les obstacles géographiques grâce à l’achat de terres qui offrent plus de possibilités pour le développement économique. Le chef Louie a indiqué que, pour plusieurs Premières nations, cela représente « leur première chance de créer une entreprise ou de posséder un bon terrain à partir duquel elles pourront entreprendre un projet[135] ». Dans la même veine, Dawn Madahbee, coprésidente du Conseil national de développement économique des Autochtones, a indiqué : « Pour la plupart des Premières nations du pays, ce sera la première fois qu'elles pourront obtenir des terres mises en valeur à proximité de routes[136]. »

Les témoins étaient tous d’avis que le processus d’AR est long, mais certains estimaient que le temps nécessaire pouvait témoigner du sérieux de l’entreprise. Par exemple, Gordon Shanks, ancien sous-ministre adjoint à AADNC, a fait savoir au Comité que, d’après son expérience, le processus d’AR est direct, mais les procédures, dont la recherche de titres, les évaluations environnementales des sites, les travaux de remise en état, l’arpentage, les négociations qui touchent des tiers, nécessitent beaucoup de temps et d’efforts. À ce propos, il a dit :

D'après mon expérience, les délais sont causés par l'absence d'informations exigées […] Très souvent, la communication fait défaut et, parfois, les projets sont très complexes. Il faut vérifier toutes les questions en suspens liées aux terres, comme les sûretés, les problèmes environnementaux, les droits miniers et les concessions. Il faut connaître les réponses à toutes ces questions souvent complexes et se mettre d'accord […] Il faut examiner l'information de très près pour s'assurer qu'il ne manque rien sur le plan juridique. L'ajout de terres aux réserves confère de grandes responsabilités, et l'État veut être très clair[137].

En outre, André Le Dressay a laissé entendre que, comme le gouvernement du Canada assume la responsabilité des terres converties en réserves, les exigences concernant la création et l’agrandissement des réserves sont forcément plus strictes[138].

Les témoins ont également indiqué que la difficulté de tenir compte des intérêts de tiers est l’une des causes importantes du retard dans le processus d’AR. Des représentants du Ministère ont fait mention de nombreux obstacles à cet égard, notamment la négociation des ententes de services municipaux et les négociations avec les tiers qui ont des intérêts existants dans les terres, par exemple des servitudes, des baux ou des permis. Le Comité a appris que ces négociations sont souvent complexes et longues. Comme l’a mentionné John Gailus, « [i]l peut être long de démêler tous ces intérêts dans le processus d'ajout aux réserves[139] ».

De l’avis de témoins, l’absence d’un processus de règlement des conflits entre les parties pendant les négociations complexes et souvent lourdes constitue aussi une lacune non négligeable du processus. Comme l’ont fait observer des représentants du Ministère, « il n'existe aucun mécanisme formel de résolution de conflits lorsque les négociations sont interrompues » de sorte que « les municipalités et les tierces parties qui refusent de négocier des ententes de bonne foi [peuvent] retarder ou arrêter la création d'une réserve[140] ». La chef Stinson Henry a signalé que les Premières nations doivent traiter non seulement avec le gouvernement fédéral dans le processus d’AR, mais « aussi avec les municipalités, ce qui crée des entraves additionnelles[141]».

Pour aplanir certaines difficultés liées au processus d’agrandissement des réserves, des témoins ont recommandé l’adoption de mesures législatives nationales. On a ainsi proposé que ces mesures incorporent certains des éléments clés des dispositions législatives concernant le règlement des revendications qui existent en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba et qui accélèrent le traitement du volume extraordinaire de demandes d’annexions aux réserves découlant de droits fonciers issus des traités et d’accords sur des revendications particulières.

En particulier, les mesures proposées autoriseraient le ministre, plutôt que le gouverneur en conseil, à transformer en réserves certaines terres choisies. Elles permettraient aussi aux Premières nations de désigner les droits et les servitudes, nouveaux ou déjà existants, concernant des terres réservées en vue de l’octroi du statut de réserve au cours du processus d’agrandissement des réserves; les tierces parties et les Premières nations jouiraient ainsi d’une certaine protection et sauraient à quoi s’en tenir sur le plan commercial[142].

À l’heure actuelle, la Loi sur les Indiens ne permet pas de bien tenir compte des intérêts des tiers, publics ou privés, à l’égard de terres qui pourraient être choisies pour devenir des réserves. Par conséquent, il faut prendre en compte les intérêts des tiers relativement à des terres qui seront annexées à des réserves avant l’octroi du statut de réserve.

John Gailus a expliqué que la capacité de désigner des intérêts dans des terres avant l’octroi du statut de réserve pourrait procurer des avantages économiques substantiels aux Premières nations, car ces intérêts ou les accords de développement possibles pourraient être reconnus et prendre effet dès que les terres obtiennent le statut de réserve. Les Premières nations n’ont actuellement pas ce pouvoir. Seules les terres de réserve peuvent être désignées et le processus nécessite parfois de deux à trois ans, souvent à cause de l’obligation pénible de tenir deux votes vu la double majorité exigée. Par conséquent, la capacité de commencer le long processus de désignation en même temps que le processus d’AR peut considérablement réduire l’incertitude des investisseurs tout en permettant aux Premières nations de miser plus facilement sur le potentiel économique des terres choisies. M. Gailus a expliqué :

[O]n peut certes accélérer les choses en procédant parallèlement au processus d'ajout à la réserve, plutôt que de façon séquentielle. On nous a parlé du processus de désignation et des retards qui peuvent y être associés, car il faut souvent tenir deux votes étant donné qu'une double majorité est exigée. Il m'apparaît très logique de tenir un vote avant que le statut de réserve soit octroyé et de cheminer parallèlement avec deux décrets distincts […] Je peux vous dire d'expérience […] Pour ce qui est des servitudes préalables au statut de réserve pouvant être converties en intérêts en vertu de la Loi sur les Indiens une fois le statut de réserve octroyé, il y a deux décrets qui vont de pair[143].

Enfin, d’autres mesures visant à accélérer le processus d’AR ont été proposées, dont l’établissement de normes de service pour AADNC et l’application plus souple de la Politique sur les ajouts aux réserves, notamment l’assouplissement de certaines exigences de procédure pour les terres « prêtes à être converties ».


[41]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 12 juin 2012 (André Le Dressay, directeur, Fiscal Realities Economists Ltd).

[42]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012, chef Clarence Louie (président, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[43]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012 (chef Sharon Stinson Henry, membre, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[44]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 12 juin 2012 (Christopher Devlin, partenaire, Devlin Gailus Barristers and Solicitors).

[45]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 12 juin 2012 (John Gailus, partenaire, Devlin Gailus Barristers and Solicitors).

[46]               Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012 (Warren Johnson, président, New Road Strategies, à titre personnel).

[47]           Par exemple, Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2012 (Christopher Alcantara, professeur adjoint, Département de science politique, Université Wilfrid Laurier, à titre personnel).

[48]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012 (chef Clarence Louie, président, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[49]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012 (Warren Johnson, président, New Road Strategies, à titre personnel).

[50]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 16 février 2012 (R. Donald Maracle, chef, Bande no 38, Mohawks de la baie de Quinte).

[51]           Ibid.

[52]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 8 mars 2012 (Frank Barrett, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada).

[53]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mai 2012 (Clinton Phillips, chef du conseil, Conseil des Mohawks de Kahnawake).

[54]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 12 juin 2012 (Christopher Devlin, partenaire, Devlin Gailus Barristers and Solicitors).

[55]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2012 (Christopher Alcantara, professeur adjoint, Département de science politique, Université Wilfrid Laurier, à titre personnel).

[56]           Les témoignages à ce sujet sont ceux de Gordon Shanks, Clarence Louie, Christopher Alcantara, André Le Dressay et Clarence T. Jules.

[57]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 12 juin 2012 (André Le Dressay, directeur, Fiscal Realities Economists Ltd.).

[58]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012 (chef Clarence Louie, président, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[59]           Ibid.

[60]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 3 avril 2012 (Clarence T. Jules, commissaire en chef et président-directeur général, Commission de la fiscalité des Premières nations).

[61]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2012 (Christopher Alcantara, professeur adjoint, Département de science politique, Université Wilfrid Laurier, à titre personnel).

[62]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mai 2012 (Bartholomew J. Tsannie, chef, Première Nation Denesuline de Hatchet Lake).

[63]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 24 novembre 2011 (Paula Isaak, directrice générale, Direction générale des ressources naturelles et de l'environnement, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien).

[64]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 17 novembre 2011 (Andrew Beynon, directeur général, Direction générale des opportunités pour les communautés, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien).

[65]           L’article 81 de la Loi sur les Indiens confère aux Premières nations des pouvoirs de réglementation administrative pour « la division de la réserve ou d’une de ses parties en zones, et l’interdiction de construire ou d’entretenir une catégorie de bâtiments ou d’exercer une catégorie d’entreprises, de métiers ou de professions dans une telle zone ».

[66]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 17 novembre 2011 (Andrew Beynon, directeur général, Direction générale des opportunités pour les communautés, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien).

[67]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012 (Warren Johnson, président, New Road Strategies).

[68]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 février 2012 (Jennifer Copegog, directrice, présidente de l’Ontario Aboriginal Lands Association, Association nationale des gestionnaires des terres autochtones).

[69]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 13 décembre 2011 (Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada).

[70]           Voir, en particulier, les témoignages de Laura Edgar, de Scott Vaughan et de John Moffet, les 8 décembre 2011, 8 mars 2012 et 13 décembre 2011 respectivement.

[71]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012 (Warren Johnson, président, New Road Strategies, à titre personnel).

[72]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 13 décembre 2011 (John Moffet, directeur général, Affaires législatives et réglementaires, ministère de l'Environnement).

[73]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012 (chef Sharon Stinson Henry, membre, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[74]              Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 16 février 2012 (chef R. Donald Maracle, Bande no 38, Mohawks de la baie de Quinte).

[75]           Parmi les exemples fournis par M. Johnson, il y a les initiatives législatives telles que la Loi sur la gestion des terres des premières nations et la Loi sur le développement commercial et industriel des premières nations.

[76]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012 (Warren Johnson, président, New Road Strategies, à titre personnel).

[77]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 8 décembre 2011 (Laura Edgar, vice-présidente, Partenariats et programmation internationale, Institut sur la gouvernance).

[78]           Ibid.

[79]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 13 décembre 2011 (John Moffet, directeur général, Affaires législatives et réglementaires, ministère de l'Environnement).

[80]           Ibid.

[81]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012 (chef Sharon Stinson Henry, membre, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[82]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 13 décembre 2011 (Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada).

[83]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 17 mai 2012 (Gordon Shanks, à titre personnel).

[84]           Lang Michener LLP, Best Practices in First Nations’ Land Administration Systems, 2007, p. 10. [traduction]

[85]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mars 2012 (chef Austin Bear, président, Centre de gestion des ressources foncières des Premières nations).

[86]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 6 octobre 2011 (Andrew Beynon, directeur général, Direction générale des opportunités pour les communautés, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien).

[87]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 17 mai 2012 (Gordon Shanks, à titre personnel).

[88]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 20 octobre 2011 (chef Robert Louie, président, Conseil consultatif des terres des Premières nations).

[89]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 12 juin 2012 (André Le Dressay, directeur, Fiscal Realities Economists Ltd).

[90]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 20 octobre 2011 (Philip Goulais, directeur, Conseil consultatif des terres des Premières nations).

[91]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012 (chef Sharon Stinson Henry, membre, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[92]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 20 octobre 2011 (chef Robert Louie, président, Conseil consultatif des terres des Premières nations).

[93]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 16 février 2012 (John Paul, directeur exécutif, Secrétariat du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique).

[94]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature (vice-chef Jody Wilson-Raybould, chef régionale, Colombie‑Britannique, Assemblée des Premières nations).

[95]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mai 2012 (Debbie Morris, directrice associée, Unité des terres, Conseil des Mohawks de Kahnawake).

[96]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 8 mars 2012 (Frank Barrett, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada).

[97]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012 (chef Sharon Stinson Henry, membre, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[98]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 6 octobre 2011 (Andrew Beynon, directeur général, Direction générale des opportunités pour les communautés, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien).

[99]           Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mars 2012 (chef Robert Louie, président, Conseil consultatif des terres des Premières nations).

[100]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 3 avril 2012 (Clarence T. Jules, commissaire en chef et président-directeur général, Commission de la fiscalité des Premières nations).

[101]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2012 (Christopher Alcantara, professeur adjoint, Département de science politique, Université Wilfrid Laurier, à titre personnel).

[102]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2012 (chef Gilbert W. Whiteduck, Nation Algonquine Anishinabe, Première nation Kitigan Zibi Anishinabeg).

[103]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 12 juin 2012 (Christopher Devlin, partenaire, Devlin Gailus Barristers and Solicitors).

[104]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 14 février 2012 (Angus Toulouse, chef régional de l'Ontario, Chiefs of Ontario).

[105]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2012 (chef Gilbert W. Whiteduck, Nation Algonquine Anishinabe, Première nation Kitigan Zibi Anishinabeg).

[106]         Voir, par exemple, le témoignage du chef régional Angus Toulouse, le 14 février 2012.

[107]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er novembre 2011 (Shawn A-in-chut Atleo, chef national, Assemblée des Premières nations).

[108]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012 (Warren Johnson, président, New Road Strategies, à titre personnel).

[109]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1st session, 41st législature, 17 May 2012 (Gordon Shanks, à titre personnel).

[110]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012 (chef Clarence Louie, président, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[111]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2012 (chef Gilbert W. Whiteduck, Nation Algonquine Anishinabe, Première nation Kitigan Zibi Anishinabeg).

[112]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012 (Warren Johnson, président, New Road Strategies, à titre personnel).

[113]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 12 juin 2012 (John Gailus, partenaire, Devlin Gailus Barristers and Solicitors).

[114]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 février 2012 (chef Gilbert W. Whiteduck, Nation Algonquine Anishinabe, Première nation Kitigan Zibi Anishinabeg).

[115]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 février 2012 (Leona Irons, directrice exécutive, Association nationale des gestionnaires des terres autochtones).

[116]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012 (Warren Johnson, président, New Road Strategies, à titre personnel).

[117]         Ibid.

[118]            Chambre des communes, AANO, 1re session, 41e législature, 13 décembre 2011 (Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada).

[119]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 8 mars 2012 (Scott Vaughan, commissaire à l’environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada).

[120]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er novembre 2011 (vice-chef Jody Wilson-Raybould, chef régional, Colombie-Britannique, Assemblée des Premières nations).

[121]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 20 octobre 2011 (chef Robert Louie, président, Conseil consultatif des terres des Premières nations).

[122]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 février 2012 (Jennifer Copegog, présidente de l’Ontario Aboriginal Lands Association et directrice de l’Association nationale des gestionnaires des terres autochtones).

[123]            Ibid., (Joe Sabattis, président de l’Atlantic Region Aboriginal Lands Association et directeur de l’Association nationale des gestionnaires des terres autochtones).

[124]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 13 décembre 2011 (Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada).

[125]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 3 mai 2012 (Julie Pellerin, gestionnaire, Services de soutien, First Nations Lands Management Resource Centre).

[126]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mars 2012 (Graham Powell, directeur exécutif, First Nations Lands Management Resource Centre).

[127]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 février 2012 (Aaron Louison, directeur, président de Saskatchewan Aboriginal Lands Technicians).

[128]            Ibid., (Leona Irons, directrice exécutive, Association nationale des gestionnaires des terres autochtones).

[129]            Ibid., (Jennifer Copegog, présidente de l’Ontario Aboriginal Lands Association et directrice de l’Association nationale des gestionnaires des terres autochtones).

[130]         Une description de la politique et du processus d’ajout aux réserves se trouve dans le Guide de la gestion des terres, produit par AADNC.

[131]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 14 février 2012 (Angus Toulouse, chef régional de l’Ontario, Chiefs of Ontario).

[132]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 13 mars 2012 (Marianna Couchie, chef de la Première nation de Nipissing).

[133]            Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mai 2012 (Clinton Phillips, chef du conseil, Conseil des Mohawks de Kahnawake).

[134]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 3 mai 2012 (James Cada, directeur des opérations, Première nation Mississauga).

[135]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012 (chef Clarence Louie, président, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[136]         Ibid., (Dawn Madahbee, coprésidente, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[137]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 17 mai 2012 (Gordon Shanks, à titre personnel).

[138]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 12 juin 2012 (André Le Dressay, directeur, Fiscal Realities Economists Ltd.).

[139]         Ibid., (John Gailus, partenaire, Devlin Gailus Barristers and Solicitors).

[140]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 22 novembre 2011 (Margaret Buist, directrice générale, Gestion des terres et de l’environnement, AADNC).

[141]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 15 mars 2012 (chef Sharon Stinson Henry, membre, Conseil national de développement économique des Autochtones).

[142]         Voir, par exemple, Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 1er mai 2012 (Warren Johnson, président, New Road Strategies, à titre personnel).

[143]         Chambre des communes, AANO, Témoignages, 1re session, 41e législature, 12 juin 2012 (John Gailus, partenaire, Devlin Gailus Barristers and Solicitors).