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IWFA Rapport du Comité

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CHAPITRE QUATRE — PROTECTION OFFERTE AUX
VICTIMES DE VIOLENCE ET APPUI AUX FAMILLES
DES VICTIMES

Comme il est indiqué au chapitre trois, une multitude de facteurs rendent les Autochtones, spécialement les femmes et les jeunes filles, plus vulnérables à la violence. Les témoignages ont fait ressortir la nécessité d’agir sur les facteurs qui rendent ces femmes vulnérables à la violence par des interventions ciblées et la mise en place d’un système de protection sociale, au moins équivalent à celui en place pour le reste de la population canadienne. Cependant, puisqu’aucun système n’est infaillible, assurer la protection juste et équitable des femmes et des filles autochtones contre la violence nous oblige également à travailler simultanément à la mise en œuvre d’une réponse appropriée lorsqu’un incident de violence est rapporté. Le présent chapitre s’intéresse donc aux ressources et services appelés à intervenir après coup, soit lorsqu’un acte de violence ou une disparition est signalé.

Tout au long de l’étude, des témoins ont soulevé des lacunes importantes dans la protection offerte aux femmes et filles autochtones victimes de violence. De façon générale, les témoignages montrent que les femmes autochtones qui tentent de fuir une situation de violence, particulièrement celles qui habitent les réserves ou les collectivités rurales ou éloignées, font face à des obstacles de tailles : absence ou insuffisance de services d’urgence et d’accompagnement, rapports souvent difficiles avec la police et crainte réelle qu’un signalement aux autorités n’entraîne la perte de la garde de leurs enfants. Les témoignages exposent également des lacunes sérieuses en ce qui a trait à la communication de services de police avec les familles de femmes et de filles disparues ou assassinées.

A.OBSTACLES À LA PROTECTION DES VICTIMES DE VIOLENCE

De nombreuses collectivités autochtones, particulièrement les collectivités des Premières Nations et les collectivités rurales ou éloignées, sont mal équipées pour intervenir auprès des femmes et des filles qui sont victimes de violence. L’absence d’une présence policière continue, la pénurie de refuges et de logement transitoires pour accueillir les femmes violentées et leurs enfants et des ressources limitées pour assurer leur protection à plus ou moins long terme comptent parmi les défis quotidiens auxquels sont confrontées plusieurs de ces collectivités. Dans bien des cas, les services d’urgence sont sous-financés et ne couvrent pas les besoins à tout moment du jour ou de la nuit

Les témoignages ont montré qu’il existe des inégalités importantes au Canada en ce qui a trait à l’accès à des refuges d’urgence et des logements transitoires.
Plusieurs femmes autochtones qui habitent les réserves et les collectivités rurales et éloignées n’ont pas accès à un lieu sécuritaire en cas de besoin. Voici ce qu’a noté la présidente de l’AFAC, Michelle Audette, a en ce qui a trait à la situation qui prévaut dans les réserves des Premières Nations.

Comment se fait-il, alors que nous dénombrons 633 collectivités des Premières Nations, qu’il n’y ait, dans tout le Canada, que [41] foyers où des femmes et des enfants peuvent trouver refuge[68]? Sans parler des logements destinés à un hébergement temporaire pour les femmes en situation de crise, qui n’existent tout simplement pas. Il y a le foyer d’accueil, où vous pouvez aller vous abriter, mais ensuite, aucun endroit où entreprendre le processus de guérison, et rien qui aide à l’habilitation des femmes[69].

L’accès aux maisons d’hébergement d’urgence et aux logements transitoires est aussi très limité pour les femmes qui résident dans les collectivités inuites. La directrice générale de l’association Pauktuutit, Tracy O’Hearn, a informé le Comité que plus de 70% des collectivités inuites n’ont pas de refuge pour accueillir les femmes et les enfants victimes de violence. Le Nunavik, par exemple, compte trois refuges pour 14 villages. Une situation troublante, selon Mme O’Hearn, compte tenu de la gravité et de l’étendue de la violence familiale : « La violence familiale continue d’être le problème le plus important dans les collectivités inuites[70] ».

Des témoins ont par ailleurs soutenu que des inégalités sont remarquées en ce qui a trait au financement des maisons d’hébergement situées dans les réserves des Premières Nations. Devant le Comité, Anita Olsen Harper, conseillère du National Aboriginal Circle Against Family Violence, a fait valoir que le: « financement octroyé à certains refuges dans les réserves représente la moitié de celui offert aux refuges pour femmes de la population générale ou financés par le gouvernement provincial [71]».

Les besoins sont criants et de nombreux témoins ont dit souhaiter que le gouvernement investisse davantage dans ce secteur de façon à ce que toutes les femmes et les jeunes filles victimes de violence puissent obtenir la protection et le soutien dont elles ont besoin en temps opportun. Les témoins ont demandé d’agir sur deux fronts. D’une part, il faut de toute urgence augmenter le nombre de refuges et de logements transitoires dans les réserves et les collectivités rurales et éloignées du Canada.
D’autre part, il nous faut augmenter le financement de ceux déjà existants. Voici ce qu’a noté le chef Shawn A-in-chut Atleo à propos des investissements souhaités pour les Premières Nations :

Il faut immédiatement accroître les investissements touchant les services de première ligne et les refuges dans les réserves et dans les régions rurales, pour que chaque femme et fille des Premières Nations qui est victime de violence ait accès à un soutien immédiat[72].

Les témoignages montrent également que le fait qu’il n’y ait pas de présence policière continue dans plusieurs collectivités autochtones prive les femmes et les filles autochtones victimes de violence d’une forme de protection, ce qui les rend encore plus vulnérables. Ce défi a été soulevé par nombre de témoins, dont le chef John Domm du service de police de Rama, en Ontario.

À cause […] de l’absence de présence policière, on ne fait pas respecter la loi. Vous avez le sentiment qu’il est impossible de faire respecter la loi. Vous avez le sentiment de ne pas être en sécurité. Même si vous voulez signaler un incident, à qui le signaler?
Si vous le signalez, qui sera là pour vous protéger? Qui sera là pour vous aider? Et pas seulement pour les premières heures ou le premier jour, mais aussi le lendemain, le surlendemain et la semaine suivante[73].

Comme l’ont montré les témoignages, les ressources financières et humaines des services de police chargés d’assurer la protection des membres des collectivités autochtones, que ce soit un service de police des Premières Nations, la GRC ou un corps de police provinciale, sont largement insuffisantes. Les témoins ont exhorté tous les ordres de gouvernement d’augmenter le financement alloué à ce service. Il serait par ailleurs avantageux, selon le chef John Domm que tous les services de police autochtones puissent se doter d’un poste spécialisé dans les interventions auprès des femmes et des filles victimes de violence.

Le financement des services policiers dans les collectivités inuites et de Premières Nations est un enjeu important pour plusieurs collectivités. À la lumière des témoignages entendus, le problème est particulièrement criant en ce qui a trait aux services de police autogérés des Premières Nations du Programme des services de police des Premières Nations (PSPPN). Le PSPPN est un programme national de police qui s’adresse aux collectivités inuites et des Premières Nations. Il existe actuellement deux principaux types d’ententes de services de police en vertu du PSPPN, à savoir :

  • les ententes sur les services de police autogérés selon lesquelles une collectivité gère son propre service de police conformément aux lois et aux règlements provinciaux; et
  • les ententes communautaires tripartites, dans le cadre desquelles un contingent d’agents professionnels d’un service de police en place, habituellement la GRC, assurent des services de police dans une collectivité inuite ou des Premières Nations[74].

Le financement du PSPPN est assuré selon une formule de partage des coûts de 52 % pour le fédéral et de 48 % pour le provincial. Le PSPPN ne vise pas à remplacer les services de police normalement assurés par la province ou le territoire, il vise plutôt à offrir aux collectivités inuites et des Premières Nations situées dans des réserves des services de police professionnels, efficaces et adaptés à leur culture. Les évaluations du PSPPN sont généralement positives.

D’autres ont noté que les niveaux de financement du PSPPN sont nettement insuffisants, compte tenu, notamment des conditions géographiques et socioéconomiques de nombreuses collectivités inuites et des Premières Nations. On a aussi dit au Comité que les services de police des Premières Nations doivent recevoir l’appui et les fonds nécessaires pour assurer un service qui soit comparable à celui offert au reste de la population canadienne.

B. SIGNALEMENT D’UN INCIDENT DE VIOLENCE OU D’UNE DISPARITION

La GRC m’avait traumatisée à l’époque où je buvais. Les policiers m’ont fait mal. Ils ne m’ont pas protégée. Chaque fois que j’avais affaire à eux, tout ce qu’ils faisaient quand je m’emportais, c’était de me jeter en prison ou de me battre.[75]
J’ai vécu une vie difficile. J’ai été victime de viol et de viol collectif. J’ai été battue. Je suis allée à la police, mais on ne m’a pas prise au sérieux. Je me revois à l’hôpital, avec la lèvre fendue, un œil au beurre noir, sachant très bien qui était le coupable; je le dénonce à la police, mais on me dit que l’alcool est un facteur, que nous étions probablement saouls. Je ne peux pas vous dire l’effet que cela a sur une personne, après l’avoir entendu autant de fois.[76]

Tout au long de l’étude, le Comité a entendu des témoignages bouleversants et probants de familles de victimes, de femmes et de représentants d’organismes qui tendent à démontrer que la police ne prend pas toujours au sérieux les incidents de violence impliquant des Autochtones. Plusieurs témoins ont également déploré les commentaires haineux et racistes qui accompagnent certaines interventions policières; des commentaires qui nuisent grandement à l’établissement d’une relation de confiance entre la police et les peuples autochtones.

Des témoins ont indiqué au Comité que des corps policiers transmettent aux services de police des Premières Nations les pratiques exemplaires qu’ils appliquent dans les cas d’enquête portant sur une disparition. En Ontario, la formation sur ce type d’enquête qui est offerte à la Police provinciale de l’Ontario est également proposée à tous les partenaires du secteur policier des Premières Nations. Les organisations policières qui ont comparu devant le Comité ne savaient pas si le taux de résolution de cas de disparitions ou de meurtres d'Autochtones était différent de celui que l'on peut observer au sein de la population générale.

La plupart des familles de victimes que nous avons rencontrées ont le sentiment d’avoir été traitées injustement par la police. Elles ont aussi l’impression que ces derniers n’ont pas déployé tous les efforts nécessaires pour élucider la disparition ou le meurtre de leur proche. Dans bien des cas, la police n’aurait pas pris au sérieux le signalement. Les extraits de témoignages qui suivent témoignent de l’injustice ressentie par de nombreuses familles devant le traitement qu’elles ont subi.

Lorsque ma sœur a disparu, on a signalé sa disparition, mais cela a pris 10 jours avant même que son dossier ne soit examiné. Mon autre sœur, Tina, s’est fait dire qu’elle était probablement quelque part par-là; c’est ce que la police nous a dit, qu’ils n’allaient pas faire quoi que ce soit pour l’instant, qu’elle réapparaîtrait, comme elle l’avait toujours fait. Ma sœur a été exploitée à un très jeune âge. Elle a eu recours à la drogue pour y faire face. Claudette n’était pas du genre à ne pas donner de nouvelles à sa famille. Elle appelait toujours quelqu’un par téléphone. Elle était très proche de ma sœur Tina et restait chez elle très souvent, mais Tina n’avait pas eu de ses nouvelles. On a signalé sa disparition et 10 jours plus tard... Uniquement parce que nous avons commencé à insister auprès de la police, ils ont commencé à examiner son dossier[77].
Le soir où j’ai signalé la disparition de Denise, un agent a eu le culot de dire à un autre agent, et ce, devant Glen et moi: « Elle est probablement au centre-ville en train de faire ce qu’elle a à faire pour obtenir sa prochaine dose[78] ».
Le deuxième soir où elle avait disparu, ma sœur a dit: « Ma fille n’est pas le genre de personne à sortir et à se prostituer, à se soûler, à être indisciplinée et à disparaître —pas ma fille. » Sa fille allait à l’université. Personne n’a cru ma sœur. La GRC lui a dit: « Oh non, quelle audace, elle ne pense qu’à elle. » Si l’un de vos enfants disparaissait [...] on connaît suffisamment bien une fille ou un fils pour savoir si elle va rentrer à la maison ou non. On le sait. Nous connaissons tous nos enfants et ce dont ils sont capables. Ma sœur savait que sa fille n’était pas le genre de fille à découcher. Comme par hasard, quatre ans plus tard, la GRC a fait une annonce et a trouvé qui a assassiné ma nièce. Ils ont trouvé son assassin parce que c’est lui qui s’est dénoncé. Il se vantait de toute la haine qu’il portait au peuple autochtone[79].

Un thème qui est revenu souvent dans les témoignages reçus par le Comité concerne l’inaction des policiers dans les incidents de violence impliquant des femmes autochtones. Carole Brazeau, coordonnatrice nationale du National Aboriginal Circle Against Family Violence, a noté ce que suit à cet égard :

Le rôle de la police, c’est de servir et de protéger les gens, je crois. Lorsque des femmes qui se trouvent en situation de violence familiale lui téléphonent, il est important que la police intervienne. C’est un acte criminel qui est posé. Certains directeurs de refuge nous ont dit qu’il y a des collectivités où la police n’intervient pas. Il serait important qu’elle intervienne.[80]

Enfin, quoique le Comité n’ait reçu aucune donnée précise concernant les peines imposées dans les cas de violence faite aux femmes autochtones, certains ont dit être indignés des peines légères imposées aux délinquants qui agressent ces femmes.

Six mois avant l’assassinat de Denise, j’avais, à grand-peine, tiré ma plus jeune fille de la même situation. L’homme lui avait donné un coup de bâton de baseball en pleine figure. On a dû lui reconstruire entièrement le visage et elle a subi une lésion au cerveau. L’homme a été emprisonné pendant trois mois — c’est tout, trois mois.[81]
Les juges et la police négocient les plaidoyers. Mais est-ce qu’ils pensent aux familles, à ceux qui souffrent? C’est nous qui souffrons aujourd’hui. C’est nous. Nous portons cela tous les jours. La douleur est là lorsque nous nous endormons et elle est toujours là lorsque nous nous réveillons le matin.[82]

C. AMÉLIORER LES ENQUÊTES POLICIÈRES

Une commission d’enquête a été mise sur pied en Colombie-Britannique à la suite de la condamnation de Robert Pickton pour le meurtre de six femmes. Cette commission d’enquête provinciale sur les femmes disparues avait pour mandat d’établir les raisons pour lesquelles les services de police de Vancouver et la GRC n’ont pas réussi à arrêter plus tôt ce tueur en série, malgré les nombreux cas de disparitions signalés dans le quartier Downtown Eastside entre 1997 et 2002. Dans son rapport, déposé en novembre 2012, Wally Oppal, chargé de présider la Commission, a soulevé plusieurs lacunes en ce qui a trait aux traitements de cette affaire, notamment en ce qui concerne l’enregistrement des dépositions et le suivi des signalements, les stratégies d’enquête de la police, le partage de renseignements entre les services de police, le manque de formation et de sensibilisation culturelle des agents et l’échec des mécanismes d’examen internes et de responsabilité externes.

Le Comité a entendu un nombre limité de témoignages relativement à l’état des enquêtes policières visant à élucider les meurtres et les disparitions des femmes et filles autochtones. Cela dit, plusieurs des familles rencontrées ont dénoncé la lenteur des enquêtes policières concernant leur proche. Une des familles rencontrées estime que certaines preuves qui auraient peut-être permis de retrouver l’être cher sont disparues parce que les services policiers n’ont pas réagi promptement.

Dans son rapport intitulé Ce que leurs histoires nous disent : Résultats de recherche de l’Initiative Sœurs par l’esprit, l’AFAC soutient, à l’instar de la Commission d’enquête provinciale sur les femmes disparues, que le chevauchement des compétences en matière de services de police aurait entravé la résolution efficace de certaines enquêtes.

[L]’AFAC a constaté que le flou et le chevauchement qui caractérisent les secteurs de compétence de la GRC, des Premières Nations et des services de police municipaux et provinciaux ont entravé la résolution efficace de certains cas. Les membres des familles ont raconté des histoires de conflit de compétences lorsqu’ils tentaient de déclarer la disparition d’un être cher ailleurs que dans leur communauté de résidence. Par exemple, un service de police dit que le rapport doit être fait dans la ville où la personne est disparue, tandis que l’autre maintient que le rapport devrait être fait dans la communauté où réside la personne disparue. Les questions de compétence comme celle-là constituent un obstacle énorme pour les familles et les connaissances qui veulent signaler la disparition d’un proche, mais c’est un obstacle aussi à l’enquête sur le cas.[83].

Pour rendre plus efficientes les enquêtes policières qui visent à élucider les meurtres et les disparitions des femmes et des filles autochtones, des témoins ont recommandé l’élaboration de normes et de protocoles sur la manière dont les corps de police doivent répondre à des cas de femmes et de filles portées disparues ou assassinées. Ces normes et protocoles devraient prévoir la mise sur pied rapide d’enquêtes multipartites afin d’améliorer la collaboration entre les services de police. Les protocoles devraient comprendre, selon l’organisme Human Right Watch, des mécanismes de surveillance chargés de faire le suivi de toute enquête policière sur une femme ou une fille autochtone disparue ou assassinée à partir du moment où un tel incident est signalé. Il faudrait par ailleurs établir des objectifs pour examiner la réponse policière aux cas de femmes et filles autochtones disparues et assassinées à intervalles réguliers afin de compiler et rendre public un rapport sur les meilleures pratiques et les leçons apprises[84]. C’est un point important pour les familles. Comme l’a fait remarquer Westley Flett :

Une de mes sœurs a disparu il y a quatre ans déjà. Il est difficile de ne pas savoir si elle est encore vivante, question que nous nous posons au quotidien[85].

Les témoins ont aussi insisté sur l’importance d’améliorer la formation des agents de police sur l’histoire, les conditions et le mode de vie des peuples autochtones afin d’intervenir de manière pertinente avec eux. Cette formation obligatoire doit s’adresser aux nouvelles recrues et au personnel déjà en place. Le chef John Domm du service de police de Rama estime que la formation des policiers doit mettre un accent particulier sur la violence faite aux femmes et aux filles autochtones[86]. Plusieurs témoins estiment par ailleurs que pour être efficace, la formation doit être développée en collaboration avec les organisations autochtones et de défense des droits de la personne[87].

Lors de sa comparution, l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Susan O’Sullivan a exhorté le gouvernement de créer une banque de données génétiques sur les personnes disparues — une Recommandation qui se trouve également dans le rapport de la Commission d’enquête provinciale sur les personnes disparues de la Colombie-Britannique. Le budget fédéral de 2014 propose la création de cette banque de données. Ce répertoire national de l’ADN des personnes disparues viendra compléter les travaux en cours au Centre national pour les personnes disparues et les restes non identifiés de la GRC. Le financement annoncé servira aussi à appuyer les corps policiers et les coroners qui soumettent des prélèvements de restes non identifiés et des effets personnels appartenant à des personnes portées disparues et à faciliter la comparaison des profils d’ADN ainsi recueillis avec ceux d’échantillons provenant de la Banque Nationale de données génétiques. Le Comité espère que la création de cette banque apportera réconfort et paix d’esprit aux proches des personnes disparues.

D. RESPONSABILISATION ET TRANSPARENCE DU SYSTÈME DE JUSTICE

Le traitement des plaintes est un aspect important de la relation entre la police et les peuples autochtones. Pendant l’étude, des témoins ont raconté avoir été victimes d’inconduite et de mauvais traitements de la part de policiers. Le Comité a également échangé avec des représentants de l’organisme Human Rights Watch qui a publié, en février 2013, un rapport intitulé, Ceux qui nous emmènent — Abus policiers et lacune dans la protection des femmes et filles autochtones dans le nord de la Colombie-Britannique, Canada. Dans son rapport, l’organisme documente des cas allégués de violations des droits de femmes et de filles autochtones dans le nord de la Colombie-Britannique. L’organisme signale notamment les problèmes suivants : sous protection des filles et des femmes autochtones; omission d’enquêter rapidement sur certains signalements; abus policiers et lacunes en ce qui a trait à la reddition de comptes.

Le 15 mai 2013, en réponse aux allégations troublantes présentées dans ce rapport, le président de la Commission des plaintes du public contre la GRC a initié une enquête d’intérêt public relativement à la conduite des membres de la GRC qui exercent leurs fonctions dans le nord de la Colombie‑Britannique[88]. Cette enquête indépendante était toujours en cours au moment de la rédaction du présent rapport.

Des témoins ont dit qu’il était nécessaire d’améliorer la responsabilisation des forces policières face aux collectivités qu’elles servent. L’organisme Human Rights Watch a réclamé une plus grande responsabilisation de la police par le biais notamment d’enquêtes civiles indépendantes sur les allégations d’inconduite grave de la part des agents de police[89]. Tracy O’Hearn a quant à elle préconisé la création d’un ombudsman chargé de surveiller ceux qui travaillent dans le domaine de l’application de la loi et de la justice. Cet ombudsman serait responsable, notamment de rendre compte à la population des questions et des préoccupations liées au racisme et à d’autres problèmes systémiques[90].

E. AMÉLIORER LE SOUTIEN AUX FAMILLES DES VICTIMES

Nous vivons avec cette douleur tous les jours. Nous portons notre douleur et notre souffrance comme les autres, mais il n’y a personne là pour nous...[91]
Lorsque je vois une autre mère, un autre enfant, un autre frère, un autre fils porté disparu ou assassiné ici au Canada, il me semble que tout le monde se fiche des gens comme nous à la peau foncée. Tout le monde s’en fiche[92].

Ces extraits des témoignages de Brenda Osborne, mère de Claudette Osborne, disparue au Manitoba en juillet 2008, et de Susan Martin, mère de Terrie Anne Dauphinais, assassinée le 29 avril 2002 à Calgary, mettent en lumière un sentiment partagé par plusieurs des familles que nous avons rencontrées. Les proches de ses femmes disparues se sentent abandonnés et ont l’impression que personne ne se soucie de la disparition des femmes et des filles autochtones au Canada.

Les familles de ses femmes veulent être entendues. Elles souhaitent que la population canadienne connaisse l’histoire de leur proche disparue. Elles veulent aussi être informées de l’avancement des enquêtes policières et recevoir un soutien financier et psychologique tout au long de l’épreuve.

Le Comité a entendu des témoignages illustrant le manque de respect de la part de certains agents de police dans leurs échanges avec les familles des victimes. Il ne faut pas se surprendre que des gens perdent confiance dans la police quand ils se heurtent à ce genre de traitement.

Un jour, ma femme a appelé la police à Winnipeg. Un des agents au bout du fil lui a dit qu’il ne gérait pas une garderie. Elle pleurait, elle voulait savoir pourquoi personne ne pouvait nous aider. Nous n’y avons pas pensé pendant un certain temps, nous étions simplement sous le choc. Nous avons recommencé à téléphoner à la GRC à Winnipeg pour leur demander de l’aide, des renseignements. On ne faisait que nous mettre en attente. Nous n’avons jamais obtenu de réponses. C’est pourquoi nous avons décidé de parcourir les rues, de poser toutes ces affiches, d’en parler aux gens.[93]
Nous appelions constamment pour voir s’il y avait des mises à jour sur le dossier de Claudette. On ne cherchait pas à obtenir des renseignements sur le dossier, car nous savons que la police ne peut pas divulguer ces renseignements. Ce que nous voulions, c’était une responsabilité de leur part, qu’ils nous disent qu’ils effectuaient des recherches actives pour la trouver. Ensuite la communication s’est détériorée et nous avons dû faire intervenir le chef de la Première Nation de Claudette pour qu’ils viennent faciliter le dialogue entre la police et nous.[94]

Des témoins ont avancé des Recommandations pour améliorer la communication des services de police avec les familles des victimes. Tous s’entendent pour dire qu’il nous faut mieux former les policiers qui sont chargés de communiquer avec les familles.

Il faut aussi former les policiers qui s’occupent des familles pour qu’ils ne disent pas, eh bien votre fille était une prostituée.[95]

Il nous faut aussi créer des postes d’agents de liaison qui auraient pour mandat de communiquer avec les familles des victimes et d’établir des politiques et des pratiques claires en ce qui concerne la transmission d’informations aux familles des personnes disparues ou assassinées.

Enfin, des témoins ont aussi proposé la création d’un fonds destiné à aider les familles qui ont des dépenses liées à la perte d’un être cher. Ce fonds pourrait servir, notamment à rembourser les montants encourus pour le soutien psychologique nécessaire pour composer avec la disparition d’un proche.

Le budget de 2014 donne son appui à la mise en œuvre de la Déclaration canadienne des droits des victimes et au répertoire de données génétiques sur les personnes disparues. Selon les informations présentées dans le Budget, la Déclaration « servira à défendre les victimes et les aidera à mieux se faire entendre au sein du système de justice pénale et du système correctionnel[96] ». La Déclaration offrira des ressources en lignes qui permettront aux victimes d’accéder, entre autres aux programmes et services fédéraux à l’intention des victimes d’actes criminels. Pour ce qui est du répertoire, qui permettra la comparaison des profils génétiques, il apportera réconfort et paix d’esprit aux familles de personnes disparues.

Le Comité encourage toutes les initiatives qui visent à améliorer l’appui aux victimes d’infractions criminelles. Il espère que la Charte prendra en considération l’expérience spécifique des victimes autochtones.


[68]           En 2013, 41 refuges pour femmes violentées étaient recensés dans les réserves du Canada selon le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada.

[69]           IWFA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 21 novembre 2013 (Michèle Audette, présidente, Association des femmes autochtones du Canada).

[70]           IWFA, 1re session, 41e législature, Témoignages, 6 juin 2013 (Tracy O’Hearn, directrice générale, Pauktuutit Inuit Women of Canada).

[71]           IWFA, 2e session 41e législature, Témoignages, 5 décembre 2013, (Anita Olsen Harper, conseillère, National Aboriginal Circle Against Family Violence). Mentionnons par ailleurs que le financement offert pour les refuges d’urgence par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, dans le cadre de son Programme pour la prévention de la violence familiale, n’est disponible qu’aux Autochtones vivant dans les réserves. La majorité des collectivités autochtones des territoires n’ont pas accès au financement.

[72]           IWFA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 5 décembre 2013 (chef national Shawn A-in-chut Atleo, Assemblée des Premières Nations).

[73]           IWFA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 28 novembre 2013 (chef John Domm, Service de police de Rama).

[74]           Dans le cadre des ententes communautaires tripartites, on s’attend à ce que les collectivités inuites ou des Premières Nations établissent et maintiennent un groupe consultatif communautaire. Ce groupe permet d’assurer la liaison et d’entretenir un dialogue entre la collectivité et le service de police. Il aide aussi à définir les objectifs, priorités, stratégies et projets en matière de services de police.

[75]           IWFA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 9 décembre 2013 (Lisa Big John, à titre personnel).

[76]           Ibid. (Connie Greyeyes, à titre personnel).

[77]            Ibid. (Bernadette Smith, à titre personnel).

[78]           Ibid. (Amy Miller, à titre personnel).

[79]          Ibid. (Brenda Bignell, à titre personnel).

[80]           IWFA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 5 décembre 2013 (Carole Brazeau, coordonnatrice nationale de projet, National Aboriginal Circle Against Family Violence).

[81]           IWFA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 9 décembre 2013 (Amy Miller, à titre personnel).

[82]           Ibid.  (Brenda Osborne, à titre personnel).

[83]           Association des femmes autochtones du Canada, Ce que leurs histoires nous disent : Résultats de recherche de l’Initiative Sœurs par l’esprit, 2010, p. 42.

[84]           Human RIghts Watch, mémoire présenté au Comité, 13 février 2014.

[85]           IWFA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 9 décembre 2013 (Westley Flett, à titre personnel).

[86]           IWFA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 28 novembre 2013 (chef John Domm, Service de police de Rama).

[87]           Voir entre autres, Human RIghts Watch, mémoire présenté au Comité, 13 février 2014.

[88]              L’information se trouve sur le site Internet de la Commission des plaintes du public contre la GRC sous la rubrique « enquêtes en cours ».

[89]           IWFA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 30 janvier 2014 (Liesl Gerntholtz directrice exécutive, Secteur des droits des femmes, Human Rights Watch Canada).

[90]           IWFA, 1re session, 41e législature, Témoignages, 6 juin 2013 (Katharine Irngaut, gestionnaire, Prévention de la violence, Pauktuutit Inuit Women of Canada).

[91]           IWFA, 2e session, 41e législature, Témoignages, 9 décembre 2013 (Brenda Osborne, à titre personnel).

[92]           Ibid. (Susan Martin, à titre personnel).

[93]           Ibid. (Westley Flett, à titre personnel).

[94]           Ibid. (Bernadette Smith, à titre personnel).

[95]            Ibid. (Susan Martin, à titre personnel).